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  • Avant-première - Critique de "La Princesse de Montpensier" de Bertrand Tavernier

    Avant de vous faire gagner des places pour découvrir le nouveau film de Bertrand Tavernier qui sortira en salles, le 3 novembre prochain, en voici la critique.

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    Après 20 ans d'absence, "La Princesse de Montpensier" marquait le grand retour de Bertrand Tavernier à Cannes et sa quatrième sélection en compétition après « Une semaine de vacances », « Un dimanche à la campagne » et « Daddy Nostalgie ».

    Avec cette adaptation d'une nouvelle éponyme de Madame de Lafayette, après « Dans la brume électrique » Bertrand Tavernier revient en France pour changer une nouvelle fois de registre  et nous raconter la métamorphose d'une jeune fille noble, Marie de Mézières (Mélanie Thierry) dans la France du XVIème siècle, agitée par la guerre entre catholiques et protestants. Autour d'elle, sur fond de guerres de religions, gravitent le  duc de Guise (Gaspard Ulliel), le  prince de Montpensier (Grégoire Leprince-Ringuet) auquel elle est mariée contre son gré,  le comte de Chabannes (Lambert Wilson) et le Duc d'Anjou (Raphaël Personnaz).

    Bertrand Tavernier revient à un genre qui lui a souvent réussi, le film historique (si ce n'est déjà fait, voyez le magnifique « La vie et rien d'autre »). Comme dans « La Princesse de Clèves », le plus célèbre roman de Madame de Lafayette l'amour est ici à nouveau un péril à une époque où les mariages étaient dictés et décidés par l'intérêt.

    Bertrand Tavernier a pris pas mal de liberté avec le texte original pour y apporter sa vision et sa modernité. Sur fond de brutalité et de guerre de religions, c'est le combat d'une jeune femme entre ses désirs, son éducation, ses devoirs.

    Le film est empreint de cette retenue qui seyait à l'époque que certains sans doute auront assimilée à un manque de fièvre mais qui rend au contraire plus bouleversants encore le dénouement et l'émotion qui vous saisit (qui en tout cas m'a saisie) puisque c'est après la mort de celui-ci (je ne vous dirais pas qui) que Marie de Mézières comprend la profondeur de l'amour de celui qu'elle a trop souvent ignoré, prêt pour elle à tous les sacrifices, même à la voir libre et amoureuse d'un autre alors que les autres voulaient uniquement la posséder comme une propriété.

    On retrouve avec plaisir à Cannes ceux dont le talent avait explosé ici même en 2003 pour « Les Egarés », le très beau film d'André Téchiné : Gaspard Ulliel et Grégoire Leprince-Ringuet ; le premier dominant largement la distribution par sa fougue et son impétuosité.

    Avec son coscénariste Jean Cosmos, Bertrand Tavernier a donc fait de ce roman du XVIIème siècle un film intemporel (comme le thème de la perte des illusions et de l'innocence que symbolise cette princesse de Montpensier), lyrique, romantique et romanesque, tout en décrivant la violence d'une époque, destructrice pour les sentiments plus nobles et passionnés qu'elle muselait, et la théâtralité impitoyable de la cour.

     Les chevauchées fantastiques magnifiquement filmées sur la musique envoûtante d'Alain Sarde, la sublime photographie de Bruno de Keyzer, l'élégance des dialogues et de la mise en scène en font un film d'une âpre beauté dont la fièvre contenue explose au dénouement en un paradoxal et tragique silence. Une réussite quand on sait les difficultés connues par Eric Heumann pour produire ce film.

  • Critique de « Elle s’appelait Sarah » de Gilles Paquet-Brenner

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    Il aura fallu attendre 1995 pour entendre un Président de la République dire, enfin, "Oui, la folie criminelle de l'occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l'Etat français...", reconnaissant ainsi officiellement la responsabilité de l’Etat Français dans l’horreur du Vel d’Hiv. Il aura fallu attendre 2010 pour que deux films y soient consacrés, soit soixante-huit temps après les faits : « La Rafle » en début d’année et maintenant « Elle s’appelait Sarah », adapté du roman éponyme de Tatiana de Rosnay. Bien sûr, dans « Monsieur Klein » (voir critique),  Joseph Losey avait déjà fait la démonstration implacable de l’absurdité effroyable de l’holocauste et en particulier du Vel d’Hiv mais le cinéma ne s’était jamais encore réellement emparé pleinement du sujet de la rafle. Une vraie nécessité à entendre certains propos que j’évoquais déjà, ici, au milieu d’une incompréhensible et affligeante indifférence générale.

    Les 16 et 17 juillet 1942, 13000 juifs furent  raflés et emmenés au Vélodrome d’Hiver. C’est ce qui est arrivé à Sarah (Mélusine Mayance), alors âgée de 10 ans.  C’est ce que découvre Julia Jarmond (Kristin Scott-Thomas ),  une journaliste américaine installée en France depuis 20 ans qui enquête sur ce douloureux épisode mais peu à peu ce qui était « seulement » un sujet d’article va révéler un secret familial, la famille de Sarah ayant vécu dans la maison des beaux-parents de Julia (celle où Julia projette justement de vivre) jusqu’à ce jour funeste de juillet 1942. A soixante ans d’écart, leurs destins vont se mêler et la vie de Julia et de ses proches va en être bouleversée. En deux questions des collègues du journal où Julia travaille est traduite la nécessité de transmettre. Non seulement ils ignorent ce qu’est le Vel d’Hiv mais une fois le sachant trouvent impensable que cela ait pu être commis par des Français.

    Cela commence par le rire de Sarah, un rire cristallin. Des coups à la porte. Une intrusion brusque. La cavalcade de rires de Sarah brutalement interrompue. Le petit frère caché dans l’armoire.  Tout est dit.  La fin de l’innocence. La violence d’une réalité absurde. La vérité et l’enfance emprisonnées. La clé du secret. Gilles Paquet-Brenner a l’intelligence de ne jamais en rajouter, de ne pas forcer l’émotion qui submerge d’ailleurs rapidement le spectateur et à plusieurs reprises, et de recourir au hors-champ qui laisse place à l’imaginaire du spectateur, et à l’intraduisible horreur.

     Filmant du point de vue et souvent à la hauteur de Sarah, avec des plans courts et serrés renforçant le sentiment de suffocation, d’oppression, en quelques plans, sans le même souci de reconstitution réaliste que dans « La Rafle », il nous fait envisager l’horreur indicible à laquelle elle est confrontée, à chaque fois par une violence brusque qui rappelle l’interruption du rire cristallin du début : de cette femme qui se jette du Vélodrome à cette scène, cruelle et bouleversante, où les enfants sont violemment séparés des parents au camp de Beaune-La-Rolande .

     A  l’histoire de Sarah se superpose donc celle de la journaliste américaine avec laquelle elle n’a a priori rien en commun et qui va bientôt devoir faire face à un poids terrible, celui du secret, de la culpabilité. Le poids de l’Histoire qui se mêle alors à la sienne, d’histoire. Lever le voile sur la première va alors être nécessaire pour continuer la sienne.

    A travers ceux que croisent Sarah ce sont tous les visages de cette guerre qui apparaissent méprisables ou admirables, parfois plus complexes : ceux qui ont collaboré, ceux qui se sont tus, ceux qui ont spolié les juifs, ceux qui ont aidé au péril de leur vie.

    L’intensité du jeu de Kristin Scott-Thomas, encore une fois remarquable (et si différente des rôles qu’elle incarnait dans « Il y a longtemps que je t’aime » ou « Partir » ou encore dans « Nowhere boy »), l’intelligence et la sobriété de la réalisation, l’incroyable Mélusine Mayance, bouleversante, qui interprète brillamment la fragilité obstinée de la petite Sarah, les rôles secondaires (Niels Arestrup et Michel Duchaussoy en tête), le scénario efficace et le montage ingénieux en font un film aussi nécessaire que poignant et qui nous rappelle que la mémoire est un devoir et que l’ignorance est aussi la cause des plus grands drames de nos histoires et de l’Histoire, quand ceux de la seconde n’entraînent pas fatalement ceux de la première et que la clé du secret ouvre souvent sur la vérité mais aussi  la paix et  la liberté.

    Pour en savoir plus, une nouvelle fois, je vous recommande donc de voir :

    « Monsieur Klein »  de Joseph Losey,. Ainsi que « La liste de Schindler », l'incontournable chef d'œuvre  de Spielberg. Evidemment « Le Dictateur » de Chaplin,  « Le Chagrin et La Pitié » de Marcel Ophüls, « Au revoir les enfants » de Louis Malle, « Nuit et brouillard » d'Alain Resnais,  La vie est belle de Roberto Benigni. « Le Pianiste » de Roman Polanski.  Sur la Résistance :  « L'armée des ombres » de Jean-Pierre Melville

  • Ouverture du cycle Jean-Pierre Melville à la Cinémathèque Française avec "Le cercle rouge" en présence d'Alain Delon

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    melville.jpgLe mercredi 3 novembre, à 20H, débutera le cycle Jean-Pierre Melville à la Cinémathèque Française (dont vous pouvez retrouver le programme complet en cliquant ici) avec la projection du "Cercle rouge" de Jean-Pierre Melville, en présence d'Alain Delon.

    Si vous suivez régulièrement ce blog, vous connaissez mon intérêt pour la carrière de l'acteur (sinon, je vous renvoie à mes -nombreux- précédents articles à ce sujet en bas de cette note) et mon projet cinématographique (un scénario de long-métrage dont le rôle principal a été écrit pour l'acteur en question) que je ne désespère toujours pas d'avoir l'opportunité de lui transmettre un jour (à bons entendeurs, encore et toujours) et il m'était d'autant plus impossible de ne pas vous en parler que Jean-Pierre Melville fait partie de mes cinéastes de prédilection, et "Le Cercle rouge" de mes films préférés.

    Je vous propose ainsi de retrouver ma critique du "Cercle rouge" ci-dessous et celle de "L'armée des ombres" (un autre chef d'oeuvre à voir absolument), en cliquant ici.

    Je serai  à la Cinémathèque le 3 novembre et vous ferai bien entendu un compte rendu détaillé de cette soirée.

    Enfin, pour l'occasion j'inaugure sur ce blog une rubrique "Cycle Alain Delon" dans laquelle seront progressivement regroupés tous les articles de ce blog concernant l'acteur.

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    Synopsis : Le commissaire Matteï (André Bourvil) de la brigade criminelle est chargé de convoyer Vogel (Gian Maria Volonte), un détenu. Ce dernier parvient à s'enfuir et demeure introuvable malgré l'importance des moyens déployés. A même moment, à Marseille, Corey (Alain Delon), à la veille de sa libération de prison, reçoit la visite d'un gardien  dans sa cellule venu lui proposer une « affaire ». Alors que Corey gagne Paris, par hasard, Vogel se cache dans le coffre de la voiture. Corey et Vogel montent alors ensemble l'affaire proposée par le gardien : le cambriolage d'une bijouterie place Vendôme. Ils s'adjoignent ensuite les services d'un tireur d'élite : Janson, un ancien policier, rongé par l'alcool.

    Dès la phrase d'exergue, le film est placé sous le sceau de la noirceur etde  la fatalité : " Çakyamuni le Solitaire, dit Siderta Gautama le Sage, dit le Bouddha, se saisit d'un morceau de craie rouge, traça un cercle et dit : " Quand des hommes, même sils l'ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d'entre eux et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge (Rama Krishna)".

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    C'est cette fatalité qui fera se rencontrer Corey et Vogel puis Jansen et qui les conduira tous les trois à la mort « réunis dans le cercle rouge ». Ce cercle rouge réunit aussi policier et gangsters, Mattei ressemblant à bien des égards davantage à ces derniers qu'à l'inspecteur général pour qui les hommes sont « tous coupables ». Dès le début, le film joue sur la confusion : le feu rouge grillé par la police, les deux hommes (Vogel et Matteï) qui rentrent en silence dans la cabine de train, habités par la même solitude, et dont on ne découvre que plus tard que l'un est policier et l'autre un prévenu. Il n'y a plus de gangsters et de policiers. Juste des hommes. Coupables. Matteï comme ceux qu'ils traquent sont des hommes seuls. A deux reprises il nous est montré avec ses chats qu'il materne tandis que Jansen a pour seule compagnie «  les habitants du placard », des animaux hostiles que l'alcool lui fait imaginer.

    Tous sont prisonniers. Prisonniers d'une vie de solitude. Prisonniers d'intérieurs qui les étouffent. Jansen qui vit dans un appartement carcéral avec son papier peint rayé et ses valises en guise de placards. Matteï dont l'appartement ne nous est jamais montré avec une ouverture sur l'extérieur. Ou Corey qui, de la prison, passe à son appartement devenu un lieu hostile et étranger. Prisonniers ou gangsters, ils subissent le même enfermement. Ils sont avant tout prisonniers du cercle du destin qui les réunira dans sa logique implacable. Des hommes seuls et uniquement des hommes, les femmes étant celles qui les ont abandonnés et qui ne sont plus que des photos d'une époque révolue (que ce soit Corey qui jette les photos que le greffe lui rend ou Matteï dont on aperçoit les photos de celle dont on imagine qu'elle fut sa femme, chez lui, dans un cadre).

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    Avec une économie de mots (la longue -25 minutes- haletante et impressionnante scène du cambriolage se déroule ainsi sans qu'un mot soit échangé), grâce à une mise en scène brillante, Melville signe un polar d'une noirceur, d'une intensité, d'une sobriété rarement égalées.

     Le casting, impeccable, donne au film une dimension supplémentaire : Delon en gangster désabusé et hiératique (dont c'est le seul film avec Melville dont le titre ne le désigne pas directement, après « Le Samouraï » et avant « Un flic »), Montand en ex-flic rongé par l'alcool, et  Bourvil, mort peu de temps après le tournage, avant la sortie du film (même s'il tourna ensuite « Le mur de l'Atlantique »), est ici bouleversant dans ce contre-emploi, selon moi son meilleur deuxième rôle dramatique avec « Le Miroir à deux faces ».  Ce sont pourtant d'autres acteurs qui étaient initialement prévus : Lino Ventura pour « Le commissaire Matteï », Paul Meurisse pour Jansen et Jean-Paul Belmondo pour Vogel.

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    La critique salua unanimement ce film qui fut aussi le plus grand succès de Melville dont il faut par ailleurs souligner qu'il est l'auteur du scénario original et de cette idée qu'il portait en lui depuis 20 ans, ce qui lui fit dire : « Ce film est de loin le plus difficile de ceux qu' j'ai tournés, parce que j'en ai écrit toutes les péripéties et que je ne me suis pas fait de cadeau en l'écrivant. »

    En tout cas, il nous a fait un cadeau, celui de réunir pour la première et dernières fois de grands acteurs dans un « Cercle rouge » aux accents hawksiens, aussi sombre, fatal qu'inoubliable.

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    Autres articles consacrés à Alain Delon sur inthemoodforcinema.com :

    Projection du "Guépard" dans le cadre du Festival de Cannes: critique du film, vidéos de l'événement, et reportage.

    Retrouvez également les critiques des films suivants:

      La Piscine », « Borsalino », « Le Guépard », « Monsieur Klein »,  « Le Cercle rouge », "Le Professeur", "Plein soleil"

    Critique de pièces de théâtre avec Alain Delon:

    "Lovers letters"

    "Sur la route de Madison"

    Autre:

    Mireille Darc met en scène Alain Delon pour l'opération "plus de vie"

  • Avant-première - Critique de « Biutiful » d’Alejandro Gonzalez Inarritu avec Javier Bardem

    C'est mercredi prochain que sortira en salles "Biutiful" pour lequel Javier Bardem a obtenu le prix d'interprétation dans le cadre du dernier Festival de Cannes.

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    Pendant tout le festival, la rumeur selon laquelle Javier Bardem obtiendrait le prix d'interprétation n'a cessé de courir. C'est le dernier jour, en séance de rattrapage que j'ai pu découvrir ce dernier film du réalisateur de « Babel » primé  du prix de la mise en scène pour celui-ci à Cannes en 2006, de retour sur la Croisette en compétition, cette fois sans son scénariste Guillermo Arriaga.

    Premier des films d'Alejandro Gonzales Inarritu écrit sans  Guillermo Arriaga, scénariste de ses célèbres films choraux, "Biutiful" n'en était pas moins attendu notamment parce que Javier Bardem, lui aussi habitué de la Croisette (membre du jury d'Emir Kusturica en 2005, en compétition avec "No country for old men" en 2007 et hors compétition pour "Vicky Cristina Barcelona" de Woody Allen l'an passé) en incarne  le rôle principal.

    Synopsis de "Biutiful": Uxbal (Javier Bardem), un homme solitaire, jongle entre la difficulté d'un quotidien en marge de la société et sa détermination à protéger ses enfants, qui devront apprendre à voler de leurs propres ailes, ce dernier venant d'apprendre qu'il est atteint d'un mal incurable...

    Difficile d'imaginer un autre acteur dans le rôle d'Uxbal tant Javier Bardem porte et incarne le film, tant l'intérêt et la complexité de son personnage doivent tout à son jeu à la fois en forces et nuances. Pas de film choral et de multiplicité des lieux cette fois mais une seule ville, Barcelone, et un personnage central que la caméra d'Inarritu encercle, enserre, suit jusqu'à son dernier souffle. Unité de temps, de lieu, d'action pour renforcer l'impression de fatalité inéluctable.

    Ceux qui comme moi connaissent et aiment Barcelone auront sans doute du mal à reconnaître en ces rues pauvres, tristes, sombres, parfois même sordides, la belle et lumineuse ville de Gaudi.  Ce pourrait être n'importe où ailleurs, cette histoire, tristement universelle, pourrait se dérouler dans tout autre endroit du monde.

    Epouse bipolaire, trahison du frère, maladie incurable, morts causées par sa faute et par accident, orphelin : rien n'est épargné à Uxbal. Certes, le scénario y va un peu fort dans le drame mais la force du jeu de Javier Bardem est telle que tout passe, et que cet homme qui vit pourtant de trafics peu recommandables, prêt à tout pour assurer un avenir meilleur à ses enfants et en quête de rédemption, finit par être attachant. En arrière plan, l'immigration et l'exploitation des travailleurs clandestins dont la peinture de l'âpre réalité nous fait davantage penser à des cinéastes plus engagés qu'aux précédents films d'Inarritu même si on trouvait déjà ces thématiques dans « Babel ».

    Evidemment « Biutiful » déconcertera comme moi les habitués d'Inarritu, époque Arriaga, non seulement en raison de cette construction plus linéaire mais aussi en raison d'incursions oniriques dans un film par ailleurs extrêmement réaliste comme si le seul espoir possible était dans un ailleurs poétique mais irréel. Certes le nom « Biutiful » désigne les enfants d'Uxbal qui, à l'image de ce mot, égratigné, blessé, représentent un avenir bancal, incertain, mais bel et bien là. La vie est là malgré tout même imparfaite.

     « Biutiful » reste un film suffocant ne laissant entrevoir qu'une mince lueur d'espoir, un film dont les excès mélodramatiques au lieu de nous agacer nous touchent grâce au jeu d'un acteur au talent sidérant et grâce à la réalisation qui insuffle un  troublant réalisme. Scénaristiquement moins éblouissant que « Babel » ou même « 21 grammes », par le talent de celui qui incarne son personnage principal et par la complexité de ce personnage, condamné et digne, « Biutiful » ne lâche pas notre attention une seule seconde. Un prix d'interprétation d'une incontestable évidence.

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2010 Pin it! 6 commentaires
  • Golden Blog Awards Paris 2010 : votez pour In the mood for cinema

     golden.jpgLe cinéma, le théâtre et la télévision avaient leurs remises de prix. C'est désormais le tour des blogs. L'intérêt de cette remise de prix est qu'elle conjugue les votes de trois jurys: celui des internautes, celui composé d'experts des différentes catégories de blogs, celui composé des partenaires de l'opération.

     J'ai donc (pour l'instant) inscrit un seul de mes 4 blogs, Inthemoodforcinema.com pour lequel si vous lisez et appréciez ce blog, je vous invite à aller voter. 

    CLIQUEZ ICI POUR ACCEDER A LA PAGE POUR VOTER POUR INTHEMOODFORCINEMA.COM

     Et si vous voulez en savoir plus sur inthemoodforcinema.com cliquez ici pour en découvrir la genèse et les objectifs ainsi que le parcours de sa rédactrice.

    Découvrez également mes autres blogs In the mood: In the mood for Cannes, In the mood for Deauville, In the mood for luxe et n'oubliez pas que vous pouvez suivre le blog sur twitter et sur Facebook.

  • "Les petits mouchoirs" de Guillaume Canet: extraits et critique

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    Je vous ai déjà parlé du dernier film de Guillaume Canet "Les petits mouchoirs" (dont vous pouvez retrouver ma critique en bas de cet article). Je vous propose aujourd'hui d'en découvrir 5 nouveaux extraits... même si je vous conseillerais plutôt d'attendre pour les visionner et de garder le plaisir de la découverte pour sa projection en salles...

     

    Critique du film:

    Après les succès de « Mon idole » (dont j’avais aimé la causticité) et « Ne le dis à personne » (par lequel je n’avais pas été convaincue, voir ici) Guillaume Canet, comme beaucoup de réalisateurs, aurait pu se contenter d’adapter un best-seller avec une part de risque minimale. Il a au contraire choisi un sujet très personnel (pour lequel il a même refusé de travailler pour Scorsese) et c’est à la fois la grande force et la faiblesse du film.

     Direction le Cap-Ferret, une maison en bord de mer appartenant à Max (François Cluzet), une maison où chaque été se réunit une bande d’amis. Seulement cet été-là,  tout est comme d’habitude et à la fois différent car l’un d’entre eux, Ludo (Jean Dujardin) manque à l’appel, retenu sur un lit d’hôpital. Chacun va mettre un « petit mouchoir » sur la vérité. Le petit mouchoir c’est le voile du mensonge, le masque que chacun arbore pour ne pas dévoiler ses doutes, ses failles et ses angoisses. Les petits mouchoirs, ce sont les mensonges faits aux autres mais surtout à soi-même. 

    Cela commence au Baron, célèbre boîte de nuit du 8ème arrondissement. Un habile plan-séquence qui nous plonge dans cette frénésie et en capture la gravité masquée de bonne humeur excessive : la gaieté feinte et les rires factices et exubérants suscités par l’alcool, la drogue, la tristesse dissimulée.  Puis c’est le fracas de la réalité. Et le retour à la vie normale comme si de rien n’était… ou presque.

     Guillaume Canet nous immerge alors dans la vie de ces amis au Cap-Ferret avec la volonté délibérée de faire « un film de potes » comme il le dit lui-même. S’il évoque notamment « Mes meilleurs copains » de Jean-Marie Poiré, en inconditionnelle du cinéma de Claude Sautet, j’ai évidemment plutôt pensé à « Vincent, François, Paul et les autres ». D’ailleurs, Benoît Magimel s’appelle Vincent ; François Cluzet s’appelle ici Max (comme Michel Piccoli dans « Max et les ferrailleurs ») et il m’a  rappelé ce dernier dans la fameuse scène de colère de « Vincent, François, Paul et les autres ». Gabin aussi, si célèbre pour ses scènes de colère. Et la maison du Cap-Ferret m’a fait penser à celle de « César et Rosalie ».

     Même si Guillaume Canet/réalisateur n’atteint pas cette note parfaite, cette virtuosité à laquelle accédait Claude Sautet, mélomane averti, il y a dans ce film cette même quête de raconter la complexité derrière « une histoire simple », de quérir les frémissements de vie, les fléchissements en chacun, de dévoiler une part du mystère dans lequel chacun se drape.

     Plus qu’à Claude Sautet, il m’a d’ailleurs fait penser à Lelouch (même s’il reniera peut-être cette comparaison, lui qui lorgne davantage du côté du cinéma américain et cite plus volontiers Cassavetes) dans sa quête de « fragment de vérité », dans sa sincérité, dans sa façon de filmer au plus près des visages, d’effleurer presque amoureusement ses personnages, et de constamment chercher à tirer le meilleur de ses acteurs. Les virtuoses ce sont eux et c’est la raison pour laquelle il n’a pas voulu faire de l’esbroufe dans sa réalisation. Sa mise en scène se fait donc ainsi discrète. Le cadre à la fois étouffe et caresse les personnages et les  enserre, comme ils le sont dans leurs apparences et leurs mensonges.

    A l’exception de Laurent Lafitte (dont les rires et les larmes m’ont semblé parfois forcés), le casting est irréprochable. Chaque apparition de François Cluzet est un pur bonheur, à la fois irascible et touchant, volubile et secret. Benoît Magimel dégage un charme mélancolique irrésistible. Marion Cotillard n’a jamais été filmée aussi amoureusement, à la fois frontalement et délicatement. Valérie Bonneton est férocement drôle et Gilles Lellouche incarne avec beaucoup de nuances son personnage qui accepte enfin et trop tard de grandir. Quant à Joel Dupuch,  il est plus qu’il ne joue et le film y gagne en émotion et gravité.

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    La comparaison avec Lelouch s’arrête là, si ce n’est qu’elle explique sans doute aussi la virulence de certaines réactions suite à l’avant-première. Elle s’arrête là parce que Canet impose son propre rythme et son propre style et de films en films construit son propre univers.

     « Les petits mouchoirs » dure 2H25, beaucoup trop semble-t-il pour certains. Or, justement, c’est cette durée qui nous permet de créer la proximité avec les personnages, c’est une durée qui coïncide judicieusement avec le fond du film. Une durée nécessaire pour donner du temps au temps, pour laisser tomber les masques, pour prendre le temps de vivre, d’accepter la qualité des silences, du temps qui passe et en saisir la beauté et la violence fugaces. Il n’est pas dans le spectaculaire mais dans l’intime. Il ne cherche pas à nous en mettre plein la vue mais à ouvrir notre regard, lui laisser le temps de se poser, de regarder la vie qui passe et qu’il tente de capter. Certaines scènes peut-être auraient pu être écourtées voire supprimées –même si beaucoup l’ont déjà été puisque le montage initial faisait près de 4H-(et c’est là sans doute que le film est « trop » personnel, en totale empathie pour son sujet, ses personnages et ses acteurs, Guillaume Canet nous oublie un peu) mais il a en tout cas beaucoup de tendresse communicative pour ses personnages et ses acteurs et nous donne envie , malgré et à cause de leurs failles, de se joindre à eux.

    A l’issue de la projection, Guillaume Canet a demandé que nous n’évoquions ni la fin ni le début, tétanisé visiblement à l’idée qu’ils puissent être dévoilés, pourtant ce n’est pas là que réside le principal intérêt de son film. La fin est d’ailleurs attendue mais non moins bouleversante faisant surgir l’émotion contenue qui explose et  avec elle les masques de chacun, faisant voler en éclats les petits mouchoirs posés sur la vérité. Le rire n’a jamais  si bien illustré sa définition de « politesse du désespoir », tout son film étant jalonné de moments drôles et savoureux mais qui sont aussi touchants parce que le masque de la culpabilité et/ou de la tristesse qui affleurent dans un regard soudainement assombri.  Son film souffre  donc (un peu) mais s’enrichit (surtout) d’être très personnel. Pour moi, Guillaume Canet/réalisateur  est donc indéniablement meilleur quand il signe un sujet personnel que quand il adapte Harlan Coben. J’en attends beaucoup de son futur projet avec James Gray.

    Un film choral qui ne cherche pas à révolutionner le cinéma (et dont je n’ai d’ailleurs cessé de me dire pendant toute la projection qu’il ferait une excellente pièce de théâtre) mais qui vous donne envie de prendre le temps de vivre, de laisser choir le voile du mensonge, de regarder et voir, d’écouter et d’entendre. Et c’est finalement là sans doute la plus discrète des audaces et sa vraie réussite.  . Malgré quelques longueurs vous ne verrez pas passer les 2H25 de ce troisième long-métrage de Guillaume Canet qui enlace ses personnages avec une tendre lucidité et embrasse la vie et sa cruauté poignante et involontaire avec tendresse et qui, à son image, complexe et paradoxale, s’achève sur une touchante note de tristesse et d’espoir.

    BONUS: Mes vidéos du débat à l'issue de la projection en avant-première avec Guillaume Canet et Gilles Lellouche

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  • Découvrez le nouveau numéro de Clapmag avec un dossier consacré à "The social network"

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    Je vous ai déjà parlé de cet excellent magazine "seul magazine multimédia gratuit" dont vous pouvez retrouver la forme numérique en cliquant ici avec, notamment, ce mois-ci un dossier consacré à "The social network" et une interview de Sami Bouajila. Je vous encourage à nouveau à le découvrir!

    Retrouvez également la critique de "The social network" de David Fincher sur inthemoodforcinema.com .

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