Festival Lumière de Lyon 2011, la cinéphilie, internet et la passion du cinéma à l’honneur : compte-rendu
Alors que, en cette première semaine d’octobre, chaque année depuis ma participation à son jury, en 1999, mes pérégrinations festivalières me mènent habituellement vers la Côte d’Emeraude, au Festival du Film Britannique de Dinard, c’est cette année vers Lyon qu’elles m’ont conduite, à l’invitation du Festival Lumière dont il s’agissait de la troisième édition qui, outre les classiques du septième art, mettaient aussi la cinéphilie et internet à l’honneur. Un festival qui, en trois ans, a réussi à s’imposer en un rendez-vous incontournable (avec un casting d'acteurs qui ferait pâlir d'envie les plus grands cinéastes et un panel de cinéastes impressionnant) , autant des cinéphiles que des professionnels de la profession…et des professionnels de la profession cinéphiles. Et comme je les comprends !
« Les films sont plus harmonieux que la vie, il n’y a pas d’embouteillages, pas de temps mort dans les films » d’après Truffaut…qui aurait certainement été enchanté par le festival Lumière de Lyon où il n’y a en effet pas de temps morts, le festival étant une immersion et une continuité cinéphiliques nous amenant parfois à une douce confusion entre l’harmonie cinématographique et celle qui règne dans le festival. Il faut dire que ce festival ayant pour parents Bertrand Tavernier et Thierry Frémaux, respectivement Président et Directeur de l’Institut Lumière, pouvait difficilement mieux partir dans la vie, le cinéaste et le délégué général du Festival de Cannes partageant cinéphilie, passion, enthousiasme communicatifs (et don d’ubiquité…mais comment font-ils donc pour être partout en même temps ?) qui imprègnent ce festival qui, en plus, se distingue par une décontraction et une convivialité rares.
A Lyon, pas d’attachés de presse survoltés, pas de spectateurs ou journalistes aigris (ou alors ils se font discrets), pas de hiérarchie potentiellement (ou par définition ?) inique, pas de barrières ni de frontières entre les prestigieux invités du festival et les festivaliers qui se croisent au village du festival, le seul où vous pouvez aussi bien croiser Benicio de Toro que Stephen Frears au détour d'une allée ; on ne vient pas pour faire son cinéma, mais pour le célébrer, seul roi du festival, d’autant plus maître du royaume à Lyon qu’il y naquit un (très beau) jour de 1895. Le 19 mars très exactement. « La Sortie de l’usine Lumière à Lyon », la célèbre scène de 45 secondes y a en effet été tournée par les frères Lumière au 21-23 rue Saint-Victor (aujourd'hui, rue du Premier-Film), dans le quartier de Monplaisir, le bien nommé, dans le 8e arrondissement. Et c’est justement là, à l’Institut Lumière, que se trouve le village du festival et où sont projetés un grand nombre de films. Quelle émotion et quel bonheur et quelle judicieuse idée pour un festival qui célèbre ses classiques ! L’Institut Lumière n’est d’ailleurs pas le seul lieu du festival puisque ses 190 séances sont réparties sur 40 salles mais « Lyon est si petit pour ceux qui sont animés d’un aussi si grand amour du cinéma » pourrions-nous dire pour détourner la citation d’un classique mit à l’honneur cette année, « Les Enfants du Paradis » de Marcel Carné. (« Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment d’un aussi grand amour. »)
Lyon devient donc à son tour la « ville Lumière » qui fait étinceler le cinéma, briller les yeux des spectateurs, amoureux éblouis, me rappelant les raisons pour lesquelles j’aime éperdument le cinéma et ses festivals, pour ces instants de débat, de partage, où le temps semble suspendu, cette impression de vivre au rythme de 24 images par seconde, cette impression que la barrière entre le cinéma et la réalité est si étanche, quelque chose qui a à voir avec les réminiscences de l’enfance sans doute, ou en tout cas de l’enfance de ma cinéphilie (que j’ai d’ailleurs toujours du mal à nommer comme telle, ayant longtemps associé ce terme à une certaine condescendance ou exhaustivité de connaissances, et j’échappe bienheureusement -enfin, j’espère !- à la première et malheureusement à la seconde).
Ce n’est sans doute pas un hasard si « The Artist » de Michel Hazanavicius a fait l’ouverture du festival car rarement un film aura aussi bien su concentrer la beauté simple et magique, poignante et foudroyante du septième art. Oui, foudroyante comme la découverte de ce plaisir immense et intense que connaissent les amoureux du cinéma lorsqu’ils voient un film pour la première fois, et découvrent son pouvoir d’une magie ineffable, omniprésente dans ce film. Michel Hazanavicius évite tous les écueils et signe là un hommage au cinéma, à sa magie étincelante, à son histoire, mais aussi et avant tout aux artistes, à leur orgueil doublé de solitude, parfois destructrice. Des artistes qu’il sublime, mais dont il montre aussi les troublantes fêlures et la noble fragilité. Ce film m’a éblouie, amusée, émue. Parce qu’il convoque de nombreux souvenirs de cinéma. Parce qu’il est une déclaration d’amour follement belle au cinéma. Parce qu’il ressemble à tant de films du passé et à aucun autre film contemporain. Parce qu’il m’a fait ressentir cette même émotion que ces films des années 20 et 30 auxquels il rend un vibrant hommage. Parce que la réalisation est étonnamment inspirée (dans les deux sens du terme d’ailleurs puisque, en conférence de presse, à Cannes, Michel Hazanavicius a revendiqué son inspiration et même avoir « volé » certains cinéastes). Parce qu’il est burlesque, inventif, malin, poétique, et touchant. Parce qu’il montre les artistes dans leurs belles et poignantes contradictions et fêlures.
Mais revenons à Lyon, pas tout à fait à la réalité, et avant d’en venir à la raison de l’invitation du festival et de ma présence, laissez-moi vous parler encore des quelques séances et débats auxquels j’ai eu le plaisir d’assister.
Quel plaisir de revoir « Loulou » de Pialat (dans le cadre de la rétrospective Depardieu qui a reçu le prix Lumière 2011, succédant à Clint Eastwood et Milos Forman), magnifique histoire de désir et de liberté mais aussi peinture réaliste de la société filmée avec l’exigence inspirée de Pialat qui plaçait la recherche de vérité au cœur de son cinéma (qui n’en manquait pas, malgré l’intransigeance bien connue du cinéaste), et qui saisissait celle de la vie, dans toutes ses fragilités, avec une force bouleversante, faisant oublier sa caméra d’une précision pourtant remarquable !
Il est d’ailleurs amusant d’effectuer des passerelles entre les films projetés à Lyon, l’histoire se répète et se répond. Ainsi, dans « le Quai des brumes » de Carné, c’est d’une autre Nelly (Michèle Morgan) qu’il est question (Isabelle Huppert incarne Nelly dans « Loulou »), et encore de la liberté, cette fois comme un regret, comme une aspiration car si la fatalité de la guerre semble planer comme la tragédie au-dessus des têtes des protagonistes, elle se confond avec le regret de 1936 : « C’est beau d’être libre. Oui, c’est beau, l’indépendance, la liberté. » Mais je m’arrête là à propos de ce film dont je pourrais vous parler des heures ayant effectué un mémoire sur « La vision de la société française dans le cinéma de 1936-1939 » au cœur duquel se trouvait notamment « Le Quai des Brumes ». Je vous renvoie donc à mon analyse du film, ici: "Le Quai des Brumes, la poésie désenchantée de Marcel Carné".
De liberté aussi il est question dans « Rendez-vous de juillet » de Jacques Becker que j’ai également eu le plaisir de revoir, dans le cadre de la rétrospective consacrée au cinéaste. « Rendez-vous de juillet » raconte en effet « les amours, les amitiés, les aspirations professionnelles, les réactions familiales d’une bande de jeunes gens fréquentant Saint-Germain-des-Prés dans le Paris de l’après-guerre. » Imprégné de la vitalité de la jeunesse qui y prend son envol (au propre comme au figuré), « Rendez-vous de juillet » est très inspiré du néo-réalisme italien. Rendez-vous de juillet a obtenu le Prix Louis Delluc 1949 et le Prix de la critique du meilleur film 1951, décerné par Le Syndicat Français de la Critique de Cinéma.
J’aurais aimé revoir « Falbalas » (mon Becker préféré) mais aussi évidemment « Casque d’or » et « Touchez pas au grisbi » qui influença deux de mes cinéastes fétiches : Sautet et Melville. Le temps m’a malheureusement manqué (un festival se constitue de choix cornéliens), mais j’ai tout de même eu le temps de découvrir « Les Forçats de la gloire » de Wellman dont la présentation fut au moins aussi mémorable que le film en lui-même car telle est la particularité de Lyon : donner la parole à des cinéastes ou acteurs ou autres artistes cinéphiles ou théoriciens du cinéma qui, hors de toute promotion, viennent présenter des classiques du cinéma. Cela rend au festival toutes ses lettres de noblesse faisant de chaque moment de vie festivalière un vrai moment de cinéma, un instant gravé.
Pour cette projection, c’est donc Bertrand Tavernier qui a effectué la présentation rejoint par Claude Lelouch. Dans ce film de 1945, « Ernie Pyle est correspondant de guerre. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il va suivre un petit groupe de fantassins américains impliqués dans deux moments clés de la guerre : la campagne d'Afrique du Nord et celle d'Italie. Il va centrer ses articles sur le métier de soldat certes, mais aussi et surtout sur la vie quotidienne de ces hommes de l’infanterie américaine, tiraillés entre leur devoir, leurs relations amicales et sentimentales ». La sobriété de la mise en scène fait écho à la simplicité et au réalisme du style du journaliste. Ce ne sont pas ici des soldats héroïques, presque inhumains, mais au contraire des « forçats » pétris de doute, de peurs, d’humanité filmés avec réalisme mais aussi une certaine distance comme celle d’un reportage même si le film est jalonné de moments de folie presque irréelle (mais n’y a-t-il pas folie plus irréelle que la guerre ?).
Bien sûr, il faudra consacrer ultérieurement une critique entière à « Portrait d’une enfant déchue » de Jerry Schatzberg (dont était tirée la très belle affiche du Festival de Cannes 2011). Un film troublant, morcelé, comme l’âme de sa protagoniste aux frontières de l’abstraction. Un film d’une beauté cruelle, triste et lucide ( une définition qui d’ailleurs pourrait s’appliquer à « Falbalas » de Becker dont il est certes très éloigné dans la forme mais pas tant que ça dans le fond, quand je vous disais que l’histoire du cinéma…et de Lyon, se répète et se répond). Faye Dunaway (époustouflante de beauté, de fragilité) y incarne Lou Andreas Sand, un ancien mannequin. « Brisée par le milieu de la mode, elle s’est réfugiée dans une maison au bord de l’Atlantique, où elle consacre sa vie à la peinture et à la sculpture. Lorsqu’elle cherche à reconstituer le puzzle de sa jeunesse, son ami Aaron Reinhardt (Barry Primus) la pousse à se livrer sur un magnétophone. Il en résulte une mosaïque de souvenirs où la réalité est soumise aux caprices de l’imagination et de la mythomanie… ».
Parmi les grands moments de cette édition, figure sans aucun doute la master class de Kevin Brownlow animée par Bertrand Tavernier (en présence de Stephen Frears). Réalisateur et producteur, Kevin Brownlow est un amoureux fou et fougueux du cinéma muet. Il est l’auteur de La Parade est passée, un grand livre d’entretiens avec les stars du muet ainsi que de nombreux documentaires consacrés au cinéma. Il est aussi le fondateur de Photoplay, une société à qui l’ont doit la restauration de nombreux films, dont « Les Quatre cavaliers de l’Apocalypse ». Bertrand Tavernier, par son érudition, son enthousiasme, (à tel point qu’il en oubliait parfois de traduire…et surtout de s’arrêter emporté par ce dialogue captivant) a rendu cette rencontre particulièrement passionnante et instructive.
Pour accompagner l’hommage fait à Kevin Brownlow, le festival a projeté une série sur le cinéma muet européen (six épisodes de 52 minutes) dont il est l’auteur (avec David Gill) : « Loin de Hollywood : l’art européen du cinéma muet ». Pour cause de débat se déroulant en partie au même moment, je n’ai pu assister qu’au premier épisode, littéralement fascinée. Cette enquête foisonne d’extraits (dont certains témoignent de plus de modernité, d’inventivité et même d’audace que bien des films d’actuels) des premiers temps du cinéma mais aussi d’interviews de pionniers du cinéma. Parmi ces sublimes moments du muet, « Le Voyage dans la lune » de Méliès (1902) que le Festival de Lyon projetait également et qui fut aussi projeté en ouverture du dernier Festival de Cannes. Moment magique concentrant toute la beauté, la richesse, la modernité, la puissance du cinéma, porté par la formidable musique du groupe Air.
Il y a tant d’autres films projetés à Lyon que j’aurais aimé voir ou revoir comme « La Femme d’à côté » de François Truffaut projeté le soir de la remise du prix Lumière à Gérard Depardieu, et dont vous pouvez retrouver ma critique ici. Il fallait un talent démesuré, celui de Truffaut, pour raconter avec autant de simplicité cette histoire d’amour fou, de passion dévastatrice, qui nous emporte dans sa fièvre, son vertige étourdissant et bouleversant, comme elle emporte toute notion d'ordre social et la raison de ses protagonistes. Un film qui a la simplicité bouleversante d’une chanson d’amour, de ces chansons qui « plus elles sont bêtes plus, elles disent la vérité ».
« C’est une joie et une souffrance », autre célèbre citation de Truffaut que nous retrouvons dans « La femme d’à côté » mais aussi dans « Le dernier métro »…et que j’aurais pu appliquer à la raison de ma venue à Lyon : les débats auxquels j’étais invitée à participer. Rassurez-vous, j’ai changé d’avis, une fois le débat achevé…même si parler de cinéma, partager ma passion, est toujours pour moi une joie, en débattre, notamment avec des journalistes me semblait néanmoins devoir être une souffrance…redoutant une certaine hostilité et une relative condescendance vis-à-vis des blogueurs non journalistes que nous sommes, mais il n'en fut rien.
L’objet de l’invitation du festival était ainsi d’interroger les nouvelles formes de cinéphilie et d’internet, désormais aussi indissociables que parfois opposées tant internet malmène parfois la cinéphilie mais l’enrichit aussi, il est vrai, de temps en temps. Trois évènements étaient organisés autour de cette thématique : une rencontre avec le très cinéphile self made man Col Needham, le fondateur d’IMDB, un débat entre blogueurs, et un débat entre blogueurs « amateurs » (Cinema is not dead, Laterna Magica, L’Ouvreuse, Grand Ecart et moi-même pour inthemoodforcinema.com) et journalistes blogueurs (Edouard Waintrop, anciennement journaliste à Libération, récemment nommé directeur de la Quinzaine des Réalisateurs, Thomas Sotinel, du Monde et Aurélien Ferenczi, critique cinéma à Télérama).
Paradoxe que de participer à ce débat pour moi qui ne me considère pas comme une critique mais avant tout comme quelqu’un qui souhaite partager sa passion du cinéma, comme une fenêtre ouverte sur cette « fenêtre ouverte sur le monde » (je ne mets ainsi jamais d’étoiles aux films, et j’y tiens). Si la passion pour le cinéma m’anime depuis l’enfance, et que j’ai commencé les festivals très jeune, il y 18 ans (hé oui…), ce sont mes dix sélections sur concours d’écriture dans des jurys de cinéphiles qui m’ont donnée envie de partager ces pérégrinations festivalières et mes découvertes pour des pépites cinématographiques qui parfois même ne sortaient pas en salles , et donc de créer une première page (wanadoo !) internet très artisanale, il y a 10 ans, puis un premier blog, il y a 8 ans (inthemoodforcinema qui s’appelait alors « Mon Festival du cinéma ») puis « In the mood for Cannes » et « In the mood for Deauville », il y a 4 ans, pour partager ma passion pour ces deux festivals que je fréquente depuis 11 ans pour le premier, depuis 18 ans (depuis ma participation au prix de la jeunesse), pour le second. L’envie aussi sans doute de m’évader d’études très sérieuses où le cinéma n’était pas même considéré « par ailleurs comme une industrie », pour reprendre la citation de Malraux. C’était aussi l’envie de raconter ces moments de vie et de cinéma entremêlés si intenses que sont les festivals de cinéma, et de donner ainsi libre cours à mes passions viscérales pour le cinéma et l’écriture….et désormais pour les festivals.
Comme l’a titré Aurélien Ferenczi dans son article consacré au débat en question, « la guerre des blogs n’aura pas lieu ». A ma grande surprise, et alors que cette rencontre avait été annoncée (et beaucoup annoncée, merci au festival pour cette belle mise en avant) comme une confrontation, il s’est en réalité avéré qu’il y avait effectivement une vraie convergence d’opinions et un constat sur l’absence de réponses de la presse aujourd’hui à cette nouvelle forme médiatique (et que la réponse serait de vrais articles de fond, un vrai travail d’enquête). Je suis d’ailleurs la première à être révoltée parfois de ce que je lis sur internet avec cette culture du buzz (aussi horrible que le mot qui la définit) qui semble inspirée de celle des plateaux télévisés (où il faut exagérer sa pensée, la réduisant d’ailleurs bien souvent à une absence de pensée) et qui nuit forcément à la qualité. Le blog n’en reste pas moins un formidable moyen de partager sa passion en interactivité et d’ailleurs je commence à m’y sentir à l’étroit et songe fortement à créer un blog ou site plus « pro » sous wordpress (les avis et conseils sont d’ailleurs les bienvenus) qui regrouperait mes différents blogs.
Internet a en tout cas sans aucun doute changé la manière d'appréhender le cinéma, ou du moins de s'exprimer à son sujet, mais je ne sais pas si nous pouvons parler de nouvelles formes de cinéphilie. Cela a permis à chacun d'exprimer publiquement son avis, d'échanger sur ses goûts cinématographiques, et à une multiplicité d'avis distincts de trouver un espace d'expression mais non à un courant d'émerger comme ont pu en susciter Positif ou les Cahiers dans les années 50. Je pense ainsi à certains forums sur lesquels les critiques sont particulièrement manichéennes pour ne pas dire qu'elles se résument à "j'aime, je n'aime pas" et sur lesquels malheureusement le cinéma semble bien souvent commencer en 1990. Cela me rappelle la citation de Truffaut :"Tout le monde a deux métiers: le sien et critique de cinéma". Aujourd'hui, chacun peut donc se prétendre critique de cinéma...mais si la cinéphilie consiste à considérer le cinéma comme un art, et à l'analyser come tel, je pense que, comme tout art, une analyse ou une critique du cinéma doit s'accompagner d'une connaissance de son histoire et le "chacun" dont parlait Truffaut émet plus souvent une critique plus "sentimentale" que basée sur une connaissance, ce qui n'est néanmoins pas toujours forcément une mauvaise chose, surtout que l'influence de la critique en question reste sans doute relative. Il n'y a donc sans doute pas plus de cinéphiles qu'avant, ni réellement de nouvelles formes de cinéphilie, mais chacun peut désormais exprimer publiquement son avis...et s'autoproclamer et se revendiquer cinéphile. Les réseaux sociaux, et particulièrement twitter, ont encore exacerbé ce phénomène, étant donné qu'un avis sur un film se résume à quelques caractères, poussant à la surenchère, souvent d'ailleurs une surenchère dans le cynisme...qui n'a plus vraiment à voir avec la cinéphilie ou la critique cinématographique mais qui a plus souvent pour objectif de mettre en avant son auteur que le film dont il est question, devenu prétexte. Je suis assez souvent abasourdie devant ce que j’y lis, les débats s’y transformant souvent en dialogues de sourds…mais comment peut-on décemment défendre et développer une idée en 140 caractères ? Symptomatique d’une époque où tout doit aller vite, au détriment du fond, du sens, de la réflexion, de la nuance.
Internet a néanmoins indubitablement changé la donne et est d’ailleurs désormais intégré dans les logiques de la quasi-totalité des distributeurs (sur le même sujet, je vous recommande le documentaire « Tous critiques » de Jean-Jacques Bernard et Julien Sauvadon). Peut-être à l’avenir faudra-t-il veiller à ne pas recréer le même microcosme que celui des journalistes ou à ne pas totalement s’y intégrer mais à garder sa liberté, celle de dire, par exemple, qu’on émet de très nombreuses réserves sur « Drive », en ne le recommandant pas forcément, contrairement à la quasi-totalité des blogs actuels. Celle de dire qu’on aime passionnément le cinéma français quand il est tant décrié par certains, oubliant sans doute qu’il a donné naissance au cinéma lui-même mais aussi à certains de ses plus grands chefs d’œuvre.
En tout cas, moi qui m’attendais à un débat acharné, j’ai été surprise de constater que les objectifs entre journalistes blogueurs et blogueurs qui ne le sont pas dits « amateurs », sont finalement les mêmes (en tout cas entre les journalistes que nous avons rencontrés qui tiennent tous un blog, ceci expliquant sans doute cela) : s’affranchir des contraintes, écrire ce qui n’intéresse pas forcément une rédaction, trouver ou retrouver un plaisir d’écriture et une liberté, et partager une passion du cinéma. Tout comme il existe des journalistes malhonnêtes ou blasés (arrivant en retard aux projections presse ou repartant avant la fin, et critiquant ou louant systématiquement certains cinéastes parfois pour des raisons autres que cinématographiques, réduisant le travail de plusieurs années à une phrase assassine pour témoigner d’une pseudo supériorité intellectuelle ou d’une pseudo influence ou pour le plaisir vain d’un bon mot), il existe des blogueurs qui ignorent, ou le feignent, que le cinéma est constitué d’une histoire longue de plus d’un siècle, et pas seulement de blockbusters américains des années 1990/2000, et qui écrivent guidés avant tout par l’envie d’être invités ou de donner écho à leurs frustrations créatrices par une parole vindicative, pour prouver, que sais-je, leur autonomie ou une maturité dont c’est sans doute l’antithèse, en tout cas, tout sauf la passion du cinéma, sans parler de ceux qui revendiquent des privilèges ou considérés comme tels appartenant aux journalistes que nous ne sommes pas.
J’ignore quel sera l’avenir de la cinéphilie et d’internet, j’espère en tout cas qu’il ne passera pas par twitter. Le mien, quoiqu’il arrive, continuera toujours à passer par l’écriture, sous une forme ou une autre, par une nécessité viscérale d’écrire et de partager cette passion que des festivals comme Lyon ne font qu’aviver en me donnant envie de remercier, évidemment ce festival, mais plus encore ceux qui lui ont donné son nom, et qui, en 1895, furent à l’origine de la plus belle des inventions, invitation au rêve et à la réflexion qui ne cessera jamais de m’enthousiasmer, un enthousiasme que, plus que tout, j’espère parvenir et continuer à partager ici. Tant pis si le cynisme est à la mode, je revendique l’enthousiasme et la passion (et de citer de multiples fois Truffaut dans un article:-)) qui guident mes blogs, dussent-ils passer pour de la naïveté que je trouverai toujours préférable à l’aigreur …
Cette semaine, je vous donne rendez-vous au Festival des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean de Luz et au Festival du Cinéma des Antipodes de Saint-Tropez pour de nouvelles découvertes cinématographiques…et d’ores et déjà au Festival Lumière de Lyon 2012 où j’ai prévu de retourner tant ce premier aperçu m’a enchantée.
A suivre également : le blog de Bertrand Tavernier et le site officiel du Festival Lumière de Lyon.
A Lyon, on mage cinéma. Littéralement. Et on ne touche pas au grisbi...
La webradio du festival qui a reçu grand nombre d'invités du festival...
Ci-dessous, la plateforme, la péniche en accès libre où, chaque soir, se retrouvent les invités célèvres et anonymes du festival.
La librairie et la boutique de DVDs du festival, particulièrement prolifique en classiques du cinéma (avec notamment un grand nombre de ceux projetés au festival).
Chaque jour, des dédicaces au village du festival
Classé au patrimoine, le hangar où fut tourné "La sortie de l'usine Lumière"
Le catalogue du festival, une vraie bible sur le cinéma
Rue du Premier Film, le quotidien du festival
A Lyon, pas de badges prioritaires, un simple ticket permet d'accéder aux projections.