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IN THE MOOD FOR CINEMA

  • Critique de BAMBI, L’HISTOIRE D’UNE VIE DANS LES BOIS de Michel Fessler (au cinéma le 16 octobre 2024, en avant-première au Festival Cinéroman de Nice et au Festival du Film du Croisic)

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    Retrouvez également cette critique enregistrée en podcast, ici.

    Qui ne connaît pas Bambi, le dessin animé des studios Disney de 1942, bien souvent à l’origine des premiers chagrins et éblouissements cinématographiques ? Tout comme le film de Disney, celui de Michel Fessler, est adapté du livre Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois de Felix Salten (1869–1945), autrichien d’origine hongroise, dramaturge, scénariste et romancier, qui écrivit plusieurs contes animaliers dont le célèbre Bambi, en 1923, dont le nom vient de l’italien bambino. Ce récit lui est inspiré par un séjour dans les Alpes. Bambi, Eine Lebengeschichte aus dem Walde.

    Cette fois, cependant, il ne s’agit pas d’un film d’animation mais de prises de vues réelles accompagnées par la voix de Mylène Farmer qui livre le récit, et par la musique originale de Laurent Perez del Mar. Le défi était de taille et est ici magistralement relevé avec pour résultat un conte initiatique d’une grande force et d’une saisissante beauté, un vibrant hymne à la nature.

    Comme le film de 1942, celui-ci raconte les aventures de Bambi, le jeune faon, entouré de sa mère et des animaux de la forêt : son ami le corbeau, le lapin, le raton laveur… Bambi découvre le monde des arbres et leurs secrets. Chaque jour, sa mère l’éduque pour qu’il puisse grandir avec force. Mais l’automne arrivé, Bambi s’aventure en terrain découvert lorsque des chasseurs le séparent de sa mère à tout jamais. Dès lors, le jeune faon doit apprendre à vivre seul. Heureusement, il retrouve Faline son amie d’enfance. Puis, un grand et majestueux cerf, qui n’est autre que son père, va retrouver Bambi et l’aider à grandir. Ce dernier va alors prendre son destin en main.

    Je vous parlais d’éblouissement à propos de ce que provoque Bambi chez les enfants qui découvrent le film d’animation de 1942 et qui, parfois, aussi, par ce biais, vivent leurs premières émotions cinématographiques. Éblouissement. Tel est aussi le mot qui définit la musique de Bambi, acteur à part entière de ce film qui le sublime.

    Dit-on d’une musique qu’elle éblouit ? Certainement le devrions-nous quand, comme celle-ci, elle charrie autant d’images et d’émotions, puissantes, entremêlées parfois. Un tourbillon d’émotions, même. La musique nous immerge en plein conte, dans une forêt tantôt luxuriante, tantôt menaçante, parfois les deux en même temps, tant elle est expressive, vibrante de vie, intense. À la fois terrienne et céleste (sensation qui atteint encore une dimension supplémentaire quand les voix de Léa Dasenka ou de Julia Wischnewski -chant ethnique pour la première et chant lyrique pour la seconde- se posent sur celle-ci). Elle nous donne à « voir » les animaux qui la peuplent, et qui gambadent, facétieux. Elle nous fait ressentir à quel point Bambi est accablé de chagrin. Elle évoque avec maestria la nature qui s’éveille, les lucioles qui volètent et nous procure la sensation de nous envoler avec elles, de ressentir les cycles de la vie, la succession des saisons, les dangers qui menacent le jeune faon, la renaissance de l'espoir.  Elle nous fait éprouver la peur et l’apaisement, la violence et la douceur, le désarroi et la gaieté. Elle nous transporte ailleurs, elle porte en elle l’élan de vie, et nous emporte dans son lyrisme subtil.

    Elle évoque une insouciance et un bonheur contagieux quand Bambi gambade avec sa mère, papillonne au milieu des fleurs ou s’éveille aux plaisirs de la liberté. Quand plane la menace de l’aigle, elle se fait à son image : majestueuse et inquiétante. Elle transcrit les élans amoureux quand Bambi est avec Faline, « quand deux petits cœurs s'emballent. » Quand « les lucioles se prennent pour des étoiles tombées du ciel », la musique miroite alors de concert avec elles. Quand Bambi est coursé par un chien, la musique tambourine et se gonfle d’un souffle épique, et évoque l’aventure et la chevauchée fantastique, telle celle d’un western. Elle irradie. Si elle est majestueuse, elle n’est jamais grandiloquente ou emphatique. Elle ne paraphrase pas. Elle accompagne, suggère une double lecture, ajoute un supplément d’âme, d’émotion et d’interprétation. À l'image du conte aussi : plusieurs degrés de lecture se superposent entre ses notes. Ainsi, quand Bambi est blessé, la musique suggère une double blessure, la blessure physique mais aussi la solitude, la blessure morale, l’absence de sa mère.  Elle chante, pleure, s’enthousiasme, vibre et vit, comme la nature qu'elle célèbre. Quand le coup de feu meurtrier immobilise la forêt et la fait trembler, elle se pare d’une gravité soudaine. Et quand elle est accompagnée de ces mots « La tristesse, c'est du froid à l'intérieur, il ne sait pas encore que c'est pour toujours », elle nous fait frissonner d’une glaçante admiration. Enfin, quand Bambi devient à son tour le roi de la forêt, ce et ceux qui la peuplent semblent vibrer en chœur et elle nous fait éprouver ce qu'ils ressentent : de la beauté pure, une joie profonde, rassurante et exaltante.

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    Souhaitons à cette musique un destin au moins aussi radieux que celui que connut la bande originale de La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit, du même Laurent Perez del Mar, qui a obtenu le Prix Spécial du Jury Un Certain Regard du 69ème Festival de Cannes avant de nombreux autres prix et nominations dans le monde, notamment aux César et aux Oscars comme meilleur film d’animation. Ce conte philosophique et écologique était aussi un éblouissement permanent qui nous attrapait dès la première image (comme si nous étions ballottés par la force des éléments avec le naufragé) pour ne plus nous lâcher, jusqu’à ce que la salle se rallume, et que nous réalisions, abasourdis, que ce voyage captivant sur cette île déserte, cet état presque second dans lequel ce film nous avait embarqués, n’étaient que virtuels. Le murmure des vagues. Le chuchotement du vent. Le tintement de la pluie. L’homme si petit au milieu de l’immensité. La barque à laquelle il tente de s'accrocher. Le vrombissement de l’orage. Les cris des oiseaux. Les vagues qui se fracassent contre les rochers, puis renaissent. Le bruissement des feuilles. L'armée joyeuse des tortues. Le clapotis de l'eau. La nature resplendissait là aussi à travers les notes :  sauvage, inquiétante, magnifique. Sans oublier la respiration (dissonante ou complémentaire de l’homme) au milieu de cette nature harmonieuse. La musique à peine audible d’abord, en gouttes subtiles, comme pour ne pas troubler ce tableau, se faisait peu à peu plus présente. L’émotion du spectateur allait crescendo à l'unisson, comme une vague qui prend de l’ampleur et nous éloigne peu à peu du rivage de la réalité avant de nous embarquer, loin, dans une bulle poétique et consolatrice.

    Si je vous parle ainsi de la musique de La Tortue rouge, c’est parce que dans Bambi, comme dans ce film précité, la musique et les ambiances de nature se (con)fondent et s'enrichissent alors avec virtuosité pour créer cette symbiose magique. Jamais redondante, elle apporte un contrepoint romanesque, lyrique, et un supplément d’âme et d’émotion qui culmine lors d’un ballet aquatique et lors de la scène du tsunami dans La tortue rouge, lorsque Bambi devient le roi de la forêt dans le film éponyme. À ces instants, dans les deux films, la puissance romanesque de la musique hisse et propulse le film, et le spectateur, dans une sorte de vertige hypnotique et sensoriel d’une force émotionnelle exaltante, rarement vue (et ressentie) au cinéma.

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    Je vous avais aussi parlé de cette musique qui s’emballe comme un élan romanesque, à l'unisson de l’imagination de celle du personnage de Gaby, quand un de ses rêves se réalise et que son visage s’illumine de joie, dans l’excellent Super papa de Léa Lando. Dans Bambi, on retrouve ce souffle romanesque, exacerbé, qui s’empare de nous.

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    Dans Un coup de maître de Rémi Bezançon, à la fin du film, la musique de Laurent Perez del Mar, sublime également la nature, lorsqu'elle s’emporte et s’emballe comme des applaudissements victorieux, comme un tourbillon de vie, comme un cœur qui renaît, comme le pouls de la forêt, avec de plus en plus de profondeur aussi, comme si la toile atteignait son paroxysme, sa plénitude. Dévoilant toute sa profondeur, elle emporte alors comme une douce fièvre, harmonieuse, réconfortante.

    Le travail sur le son, dans Bambi, est aussi absolument admirable et exceptionnel : les bruits de la nature sont en eux-mêmes une musique qui dialogue avec celle du compositeur.  Les feuilles qui bruissent et caressent nos oreilles. La pluie qui rebondit sur les feuilles. Les grondements de l’orage. Le clapotis de l’eau. Les bourdonnements des insectes. Les bruits des pattes du loup sur les feuilles. Les respirations des animaux et de la nature. Comme un acteur qui jouerait avec un partenaire, la musique de Laurent Perez del Mar répond aux sons de l'environnement et des animaux, joue et jongle avec les bruits (et les images) de la nature, grâce à un orchestre de plus de 70 musiciens.

    Le travail sur l’image et la réalisation est tout aussi admirable. Bambi est personnifié. L’Homme n’est ici qu’une ombre menaçante, insidieuse, tueuse, sans visage. L’animal est l’être sensible, humain, avec ses yeux expressifs, qui nous restent en mémoire, comme ses « points blancs sur son dos qui imitent les taches du soleil. » Comme tant d’autres plans qui imprègnent nos souvenirs de spectateurs, comme au retour d’un voyage aux sensations indélébiles. Les couleurs chatoyantes de l’automne. Les reflets menaçants du ciel dans l’eau. Les reflets de la lune. La brume qui serpente au-dessus de l’eau. Le ciel rougeoyant. La beauté de l’animal, qui se confond avec les couleurs de la nature. Les feuilles qui tombent et tourbillonnent autour de sa tête, au ralenti. 

    La voix off, ensorcelante, de Mylène Farmer, d’une présence discrète, ne force pas l’émotion mais ajoute subtilement une dimension poétique, parfois philosophique : « C’est la diversité qui fait la beauté du monde. », « Être curieux n'est pas un si vilain défaut. » « Parfois, le simple fait de se ressembler fait naître une étincelle. » « L'été est bien installé une boule de feu règne. », « Rien n'est plus doux que des liens qui fleurissent »...

    Une association de protection animale s'est opposée à la diffusion du film et dénonce l'utilisation de vrais animaux pendant le tournage. Quelle absurdité ! Ce film est au contraire une ode respectueuse à la nature. Il est par ailleurs clairement précisé qu’aucun animal n’a été maltraité durant les seize semaines du tournage, qui eut lieu en région Centre Val de Loire et dans le département du Loiret. L’équipe n’a jamais oublié d’être à l’écoute du bien-être des animaux et de leur rythme biologique. Ce film doit au contraire être vu par le plus grand nombre, a fortiori par les scolaires.

    Scénariste accompli, Michel Fessler a écrit et coécrit plus d’une trentaine de films français comme internationaux en variant les genres : aventure, drame intime et psychologique. En 2022, il signe deux succès internationaux, Le Chêne, une fiction documentaire réalisée par Michel Seydoux et Laurent Charbonnier et un long-métrage d’animation avec les dessins de Sempé Le Petit Nicolas co-écrit avec Anne Goscinny. Trois films nommés aux Oscars le font connaître au grand public : Ridicule, Farinelli et La Marche de l’Empereur.

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    Le travail de Laurence Buchmann, la cheffe monteuse, est également pour beaucoup dans la réussite de l'ensemble, et contribue aussi fortement à ce dialogue entre les animaux et les végétaux, et au rythme qui ne faiblit pas. De même que celui de Daniel Meyer, le Directeur de la photographie qui, après avoir parcouru le monde pour de multiples documentaires, a mis en lumière des séries télévisées ainsi que des unitaires, a participé à deux grands projets cinéma de Yann Arthus Bertrand, Human et Women, co-signé avec Anastasia Mikova.

    Bambi n’est pas seulement un conte pour enfants. Toute la vie, sa violence et sa douceur, sa beauté et sa cruauté, ses désespoirs et ses espoirs, ses morts et ses renaissances, l’amitié, l’amour, la découverte du monde et de soi, la préciosité, la force et la fragilité de la nature, tout cela est raconté dans le film de Michel Fessler. Et bien plus encore. Félix Salten, juif, dut fuir les nazis. Bambi fut ainsi interdit comme l'ensemble de l'œuvre de l'écrivain en raison de ses origines, en Allemagne puis dans l’Autriche annexée par Hitler.  L’homme qui cherche à enfermer et tuer la beauté de la nature, les animaux qui ne cessent de fuir… : difficile de ne pas y voir aussi une peinture de la noirceur de l’âme humaine et le reflet de la montée de l'antisémitisme.

    Un film sensoriel, une expérience et une musique qui est indéniablement une des plus expressives, profondes, puissantes, majestueuses, évocatrices, émouvantes, qu’il m’ait été donné d’entendre. Une musique éblouissante et bouleversante, d’une grande profondeur, richesse et sensibilité, qui reflète la simplicité et la polysémie du conte, face à la brutalité et la cruauté du monde. Une histoire intemporelle et universelle qui nous embarque dans un voyage fascinant, fascinés, les yeux écarquillés et les oreilles à l’affût du moindre frémissement de la nature, comme ceux d’un enfant ou du jeune faon devant la découverte des beautés du monde. Comme si nous découvrions un autre monde aux magnificences envoûtantes dont on oublie parfois que c'est aussi le nôtre et qu'il faut le protéger, le chérir et prendre le temps de l’admirer dans ce qu’il a de plus minuscule comme dans ce qu’il a de plus grandiose (magnifiques plans en plongée de la forêt). Une échappée belle inoubliable grâce à l’alliance d’une rare perfection de la musique et des images qui font que notre cœur bat la chamade à l’unisson de celui de Bambi et des vibrations de la nature. En préface de la réédition de l’œuvre de Félix Salten, Amélie Nothomb a écrit : « Je défie le lecteur de ne pas en sortir bouleversé. » Je dirais de même au sujet du film. Et j’ajoute : préparez-vous à être émerveillés ! Si ce film est un hymne à la nature, il l’est aussi à l’émerveillement et nous en fait ressentir, de la première à la dernière image, de la première à la dernière note. Un chef-d’œuvre du genre, tout simplement, d’autant plus impressionnant qu’il s’agit du premier film en tant que réalisateur de Michel Fessler.

    À noter :

    • Le film sort en salles le 16 octobre et la musique sera disponible dès le 18 octobre, sur toutes les plateformes.

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    • Le film est sélectionné dans plusieurs festivals dont le Festival du Film du Croisic (festival d’adaptations littéraires sur grand écran) dans le cadre duquel il sera projeté, hors compétition, le mercredi 9 octobre, en présence d’une partie de l’équipe du film dont le réalisateur Michel Fessler et le compositeur Laurent Perez del Mar.

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    • Il sera également projeté en avant-première dans le cadre du Festival Cinéroman de Nice, le mardi 1er octobre à 18H, également en présence de son compositeur. Ce festival sera aussi l’occasion de découvrir d’autres films remarquables comme Le fil de Daniel Auteuil (compétition) ou encore un autre chef-d’œuvre, de Jonathan Glazer, La zone d'intérêt (compétition), dont je vous parle longuement ici, mais aussi La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius, ou encore des classiques comme Plein soleil de René Clément. Sont également proposées des masterclasses dont une sur l’Intelligence Artificielle à laquelle participera notamment le compositeur de la musique de Bambi.

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    • Bambi, L’histoire d’une vie dans les bois de Felix Salten. Le roman intégral originel (1923) augmenté du storyboard du film 130 x 200 mm - 220 pages, est également à découvrir aux éditions Télémaque.

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    •  L’album jeunesse La première adaptation en images réelles du roman de Felix Salten, d’après le film réalisé par Michel Fessler est également disponible. Le film raconté aux enfants avec une sélection de ses 40 plus belles photos. 210 x 297 mm relié - 40 pages illustrées www.editionstelemaque.com SORTIE EN LIBRAIRIE Le 10 octobre 2024
    • Retrouvez prochainement cette critique en podcast (podcast In the mood for cinema sur Spotify…).
  • Critique de QUAND VIENT L’AUTOMNE de François Ozon (au cinéma le 2 octobre 2024)

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    Il faut toujours être particulièrement attentif dès les premières minutes des films de François Ozon qui sont toujours de brillants exercices d’exposition mais aussi de manipulation, éléments incontournables de ses scénarios ciselés, délicieusement retors et labyrinthiques. Ces premières minutes sont toujours annonciatrices des thématiques que chacun de ses films explore : deuil, mensonge, désir, enfoui et/ou inavoué et/ou dévorant.  Avec toujours ce sens précis de la mise en scène (maligne, complice ou traîtresse), riche de mises en abyme. Dès les premières secondes, il happe l’attention et pose les fondations d’un univers dont la suite consistera bien souvent à le déconstruire. Été 85 était particulièrement symptomatique de cela. Ainsi débutait-il par le cliquetis d’une cellule qu'on ouvre, précédant la vision de deux silhouettes dans la pénombre, fantomatiques. Leur succédaient ces mots tranchants et saisissants : « Je dois être dingue. Quand on a choisi la mort comme passe-temps, c'est qu'on est dingue. […]Ce qui m'intéresse, c'est la mort. Un cadavre m'a fait un effet pas possible. Si vous n'avez pas envie de savoir comment il est devenu un cadavre alors vous n'avez qu'à laisser tomber, ce n'est pas une histoire pour vous. » Rupture de style ensuite avec des images éblouissantes de la plage du Tréport, sur fond de In Between days de The Cure. D’emblée, il mettait en scène cette dichotomie également récurrente dans ses films (ici entre ombre et lumière, désirs -de vie, amoureux- et mort qui plane), laissant présager un drame, inéluctable. L’illusion aussi : du bonheur, et celle que crée le cinéma. Un début qui rappelait celui de Frantz : les cloches d’une église qui retentissent et une silhouette fantomatique qui apparaît, furtivement, un homme de dos, courant dans la rue.  Les premiers plans d’Une nouvelle amie jouent aussi avec notre perception de la réalité, et là aussi, se réfèrent à la mort, donnant l’impression qu’une femme se prépare pour une cérémonie de mariage qui est en fait son enterrement. Là aussi, un premier plan dans lequel tout est dit : le deuil, l’apparence trompeuse, l’illusion, la double identité. Mon crime, son précédent film, commence ainsi par un lever de rideau pour nous signifier que tout est scène de théâtre, jeu, mise en scène, tromperie. 

    Après un libre remake des Larmes Amères de Petra Von Kant de Fassbinder avec Peter Von Kant, François Ozon changeait radicalement d’univers avec cette adaptation d’une pièce de Georges Berr et Louis Verneuil de 1934, qui, dans le ton et la forme, nous rappelait davantage 8 femmes et Potiche que le précédent film du cinéaste. La fantaisie, la légèreté, la théâtralité, l’absurde, la vivacité, le jeu étaient ici à l’honneur. Les répliques fusaient comme dans les « screwball comedies » auxquelles il rendait ouvertement hommage (mêmes dialogues vifs et ton burlesque), notamment au cinéma de Lubitsch. La diversité des genres cinématographiques dans lesquels Ozon excelle est époustouflante, même si cette diversité est souvent prétexte à évoquer des thèmes récurrents évoqués plus hauts.

    Ce film de 2024, plus ancré dans le réel, est cette fois un scénario original (de François Ozon, avec la collaboration de Philippe Piazzo), qui répond au titre mélancolique et poétique de Quand vient l’automne. Cependant, il ne déroge pas à la règle : la scène d’exposition, une fois encore, en dit long…

    Elle nous présente Michelle (Hélène Vincent), en plein recueillement, à l’Église, une grand-mère « bien sous tous rapports », qui vit sa retraite paisible dans un petit village de Bourgogne, à quelques pas de sa meilleure amie Marie-Claude (Josiane Balasko). À la Toussaint, sa fille Valérie (Ludivine Sagnier) vient lui rendre visite et déposer son fils Lucas (Garlan Erlos) pour la semaine de vacances. Mais rien ne se passe comme prévu.

    Le premier quart d’heure du film est quasiment dépourvu de dialogue. Seul le tintement des cloches du village vient troubler le silence. Les films de François Ozon glorifient pourtant habituellement presque toujours le pouvoir des mots. Dans Frantz, Rilke était le poète préféré d’Anna, lui qui dans Lettres à un jeune poète, mieux que quiconque, a su définir l’art et l’amour, et les liens qui les unissent. Dans Été 85 aussi, l’écriture à nouveau permet à la vérité d’éclater et à l’amour de revivre, en tout cas une vérité, celle vue à travers le regard et les mots d’Alexis. Dans Dans la maison, Ozon rend déjà hommage au prodigieux pouvoir des mots (dans Swimming pool aussi, évidemment), à leur troublante beauté, nous donnant des pistes pour mieux nous en écarter, bref, nous manipulant tout comme l’élève y manipule son professeur par un savant jeu de mise en abyme.

    Chaque année ou presque compte son nouveau film de François Ozon, à chaque fois différent et pourtant, comme nous venons de le voir, avec des « techniques » et thématiques récurrentes.

    En 2001, Sous le sable, était le premier film de François Ozon sur le deuil et le refus de son acceptation. Le personnage incarné par Charlotte Rampling refusait ainsi d’accepter la mort de son mari tout comme Adrien et Anna, dans Frantz sont éprouvés par la mort de ce dernier qu’ils tentent de faire revivre à leur manière.  Dans Une nouvelle amie, lorsque Claire et David révèlent leurs vraies personnalités en assumant leur féminité, travestissant la réalité, maquillant leurs désirs et leurs identités, c’est aussi pour faire face au choc dévastateur du deuil. Dans Le temps qui reste, film sur les instantanés immortels d’un mortel qui en avait plus que jamais conscience face à l’imminence de l’inéluctable dénouement, là aussi, déjà, la mort rôdait constamment.

    Dans Quand vient l’automne, la mort vient aussi troubler l’apparente sérénité de cet automne en Bourgogne. Elle est d’abord évitée de peu, à cause d’un acte intentionnel ou manqué de Michelle…qui envoie sa fille à l’hôpital.

    Dans le cinéma de François Ozon, les êtres ne sont jamais réellement ce qu’ils paraissent. Ils dissimulent une blessure, un secret, leur identité, un amour, une culpabilité.  Ses films sont ainsi souvent à l’image de ceux dont ils relatent l’histoire : en trompe-l’œil, multiples et audacieux, derrière une linéarité et un classicisme apparent.

     Manipulateur hors-pair, Ozon fait ainsi l’éloge de l’illusion et ainsi de son propre art comme dans Dans la maison dans lequel il s’amuse avec les mots faussement dérisoires ou terriblement troublants et périlleux. Jeu de doubles, de miroirs et de reflets dans la réalisation comme dans les identités sont aussi souvent à l’œuvre dans le cinéma d’Ozon. Une fois de plus, Ozon fait ici l’éloge de l’imaginaire, son pouvoir destructeur et salvateur.  Il fait revenir la fille de Michelle sous forme d’un fantôme, il aide Michelle à s’accommoder avec la réalité.

    Par le portrait de ces deux femmes âgées, François Ozon nous donne à voir des personnages peu souvent filmés au cinéma, des femmes à l’automne de leur vie montrées dans leur quotidien entre jardinage et promenades en forêt, loin de la nostalgie adolescente d’Eté 85. Si ce film semble plus sage et académique, il ne faut pas se fier aux apparences, et ne pas oublier le goût de la dissimulation et du trompe-l’œil d’Ozon évoqués plus haut. Ce nouveau film est délicieusement amoral, et recourt brillamment aux non-dits et au hors-champ, brouillant les frontières entre le bien et le mal, comme dans un Chabrol ou un Simenon.

    Ozon, une fois de plus, joue et jongle en effet avec les genres cinématographiques et les références, et avec le mensonge. Dans Mon Crime, Madeleine, en s’accusant d’un crime qu’elle aurait commis dans un acte de légitime défense, devenait ainsi célèbre et admiré de tous. Son crime devenait sa gloire, sa carte de visite, son fait d’arme, son passeport pour la célébrité.

    Ozon a surtout le don, même en la filmant dans sa quotidienneté, de magnifier la vie. Comme ici, le temps d’une danse sur Aimons-nous vivants de François Valéry. Dans Frantz, il fallait tout le talent du cinéaste pour, avec Le Suicidé (1877), le magnifiquement sinistre tableau de Manet, nous donner ainsi envie d’embrasser la vie. Dans Mon crime, en théâtralisant à merveille, il nous donnait envie d'appréhender la vie comme un jeu, un mensonge, ou un crime…savoureux et toujours (faussement) innocents.

    Ce Quand vient l’automne vaut avant tout par ses personnages troubles et troublants, aux couleurs lunatiques comme celles de l’automne (comme Vincent le fils de Marie-Claude qui sort de prison et dont on sait seulement « qu’il a fait des bêtises », incarné par Pierre Lottin, inquiétant, écorché vif), mais aussi pour l’atmosphère automnale, faussement douce. Une fois de plus dans un film d'Ozon, le mensonge est à l’honneur, celui que Michelle se fait à elle-même pour supporter la vérité, pour survivre. Hélène Vincent est magistrale. Dans ses gestes et ses silences, elle exprime l’ambiguïté fascinante de son personnage, captivante, entre dureté et tendresse (quand elle s’occupe de son petit-fils adoré), rassurante et légèrement inquiétante. Sophie Guillemin, dans le rôle de la capitaine, dégage aussi une grande douceur, et ses regards sont d’une impressionnante intensité.

     Si les films d’Ozon sont en apparence très différents, ils se répondent tous plus ou moins. Ainsi, la présence de Ludivine Sagnier est à nouveau fantomatique comme dans Swimming pool, vingt ans plus tôt. Le film est vu du point de vue de Michelle comme il l’était de celui de Sarah Morton (Charlotte Rampling) dans cet autre film. L’un sublime la langueur torride de l’été, l’autre la mélancolie troublante de l’automne. Contraste des saisons mais aussi de la jeunesse et de la vieillesse. Même étrangeté douce et effrayante aussi qui provoque la tension psychologique. On retrouve aussi l’idée d’amitié qui était déjà présente dans Mon crime dans lequel les deux jeunes filles s’entraidaient. Ici Michelle et Marie-Claude sont comme deux sœurs.

    Ce sentiment de tension est renforcé par la musique atmosphérique (thème au piano) de Sacha et Evgueni Galperine. Un film ensorcelant et chamarré comme les couleurs de l’automne (magnifique photographie de Jérome Alméras), doux et cruel, savoureusement ambigu, qui célèbre autant l’automne de la vie que cette saison et qui s’achève, comme toujours chez Ozon, par la fin logique d’un cycle, entre trouble et apaisement. Passionnant de la première à la dernière minute.

  • Programme du Festival Cinéroman de Nice 2024

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    Chaque année, depuis sa création, il y a six ans, je vous parle ici du Festival Cinéroman de Nice qui a la judicieuse idée de relier et d'interroger ces deux arts, littérature et cinéma, et les liens nombreux qui les unissent. Un formidable évènement dont ce sera donc cette année (déjà !) la sixième édition, qui aura lieu du 30 septembre au 5 octobre 2024. Il met à l'honneur le travail des écrivains et scénaristes, et suffisamment rares sont les évènements à le faire, ainsi, pour ne pas mettre à nouveau en avant ce festival. Ils seront nombreux cette année, réalisateurs, scénaristes, compositeurs, acteurs, à évoquer leur travail et à partager leur passion, mais aussi  écrivains parmi lesquels le dernier prix Goncourt, Jean-Baptiste Andrea ou encore David Foenkinos, Marc Lambron...

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    Selon François Truffaut , « Qu'on écrive un roman ou un scénario, on organise des rencontres, on vit avec des personnages ; c'est le même plaisir, le même travail, on intensifie la vie. » Intensifier la vie, tel est un des nombreux points communs entre le cinéma et la littérature mais telle est aussi une des caractéristiques des festivals de cinéma. Bien que les œuvres cinématographiques adaptées de romans soient pléthoriques, peu nombreux sont finalement les festivals de cinéma consacrés au cinéma ET à la littérature.  Et seul le Festival du Film du Croisic (« festival d’adaptations littéraires sur grand écran ») bénéficiait d’une véritable renommée jusqu'à la création de ce festival qui a donc une véritable carte à jouer, se situant en plus dans une ville qui est un véritable décor de film, indissociable du septième art, entre les très nombreux tournages qui s’y déroulèrent (parmi lesquels La Baie des anges de Jacques Demy ou Magic in the moonlight de Woody Allen et plus récemment Mascarade de Nicolas Bedos) et la présence de la Cinémathèque de Nice mais aussi des mythiques Studios de la Victorine. Un festival d'autant plus nécessaire à une époque où le travail du scénariste n'est pas toujours reconnu à sa juste valeur (et une adaptation requiert tout autant une méticulosité et un travail d'orfèvre qu'un scénario original) qui, en 6 ans, a su s’imposer comme le « rendez-vous incontournable dédié aux romans et aux films ».

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    Le cinéma compte ainsi un nombre incroyable de chefs-d’œuvre parmi les adaptations littéraires : Hiroshima mon amour d’Alain Resnais (adapté de Duras), Le Temps de l’innocence de Martin Scorsese (adapté de Edith Wharton), Gatsby le magnifique de Jack Clayton (adapté de Francis Scott Fitzgerald), Lettre d’une inconnue d’Ophüls (adapté de Zweig), La Bête humaine de Renoir (adapté de Zola) sans compter plus récemment Illusions perdues de Giannoli (adapté de Balzac), et Le Comte de Monte-Cristo (adapté de Dumas) dont les réalisateurs Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière seront cette année les présidents du jury. Ils seront accompagnés de  Philippine Leroy-Beaulieu, Laetitia Dosch, Aurélie Saada, Enki Bilal, François Berléand, Jérémie Renier et,  Danièle Thompson, membre d'honneur.

    Pour les fondateurs du Festival Cinéroman de Nice, Nathalie et Daniel Benoin (aux côtés desquels se trouvent Christophe Barratier et Carole Chétiennot pour coprésident et vice-présidente), comme ils le soulignèrent dans l'édito 2022, ce festival est « un véritable rendez-vous entre soleil et salle obscure, entre professionnels et public, entre écrivains, réalisateurs, acteurs, producteurs et l’ensemble de la profession du cinéma».  En six ans seulement, ce festival a su devenir un des événements incontournables du cinéma en France.

    Le festival s'enrichit d'un futur marché professionnel de Cinéroman, inauguré au printemps de cette année avec, aussi, parmi les objectifs des fondateurs du festival  « l’espoir de redonner aux grands romans du XIXe siècle, trop souvent perçus comme un devoir par les jeunes, la place qu’ils méritent : celle d’un plaisir incommensurable »

    Au programme de cette année figurent plus de 48 projections, entre films en compétition, avant-premières et films cultes. Au Théâtre de l’Artistique vous pourrez également assister à des rencontres, des masterclasses, des débats, et des lectures. 

    Ci-dessous, je vous détaille le programme, et vous recommande d'emblée certains films, à ne manquer sous aucun prétexte. Retrouvez mes critiques des quatre premiers, en bas de cet article. Je vous en parlerai au moment de leur sortie en salles. Retrouvez également mes critiques du Comte de Monte-Cristo et de La Zone d'intérêt sur mon podcast In the mood for cinema :

    - La Zone d'intérêt de Jonathan Glazer (compétition)

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    - Bambi, l'histoire d'une vie dans les bois de Michel Fessler (avant-première, hors compétition)

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    - Le Comte de Monte-Cristo de Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte

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    Lien vers la critique complète en podcast ici

    - Plein soleil de René Clément (films cultes)

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    - Le Roman de Jim et Arnaud et Jean-Marie Larrieu (compétition)

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    Le Fil de Daniel Auteuil (compétition)

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    - Prodigieuses de Frédéric et Valentin Potier  (avant-première, hors compétition)

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    - La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius (avant-première, hors compétition)

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    -En fanfare de Emmanuel Courcol (avant-première, hors compétition)

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     PROGRAMME COMPLET DU FESTIVAL CINEROMAN DE NICE 2024

    (Rendez-vous sur le site officiel du Festival Cinéroman de Nice 2024, ici, pour connaître les jours et heures de programmation des films.)

    FILMS EN COMPETITION

    La Zone d’Intérêt 

    Réalisé par Jonathan Glazer

    (retrouvez ma critique en bas de cet article et la version en podcast, ici)

    Le Royaume de Kensuke

    Réalisé par Neil Boyle et Kirk Hendry

    Quelques Jours Pas Plus

    Réalisé par Julie Navarro

    Juliette Au Printemps

    Réalisé par Blandine Lenoir

    Maria

    Réalisé par Jessica Palud

    L'Enfant Qui Mesurait Le Monde

    Réalisé par Takis Candilis

    Le Roman De Jim

    Réalisé par Arnaud et Jean-Marie Larrieu

    Emilia Perez

    Réalisé par Jacques Audiard

    Le Fil

    Réalisé par Daniel Auteuil

    Emmanuelle

    Réalisé par Audrey Diwan 

    FILMS EN AVANT-PREMIERE

    Leurs enfants après eux

    RÉALISÉ PAR ZORAN ET LUDOVIC BOUKHERMA

    Saint-Ex

    RÉALISÉ PAR PABLO AGUERO

    Le système Victoria

    RÉALISÉ PAR SYLVAIN DESCLOUS

    Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois

    RÉALISÉ PAR MICHEL FESSLER

    (retrouvez ma critique en bas de cet article, et ici)

    En tongs au pied de l’Himalaya

    RÉALISÉ PAR JOHN WAX

    Louise Violet

    RÉALISÉ PAR ERIC BESNARD

    Limonov, la balade

    RÉALISÉ PAR KIRILL SEBRENNIKOV

    Angelo dans la forêt mystérieuse

    RÉALISÉ PAR VINCENT PARONNAUD ET ALEXIS DUCORD

    Prodigieuses

    RÉALISÉ PAR FRÉDÉRIC ET VALENTIN POTIER

    Sarah Bernhardt, La Divine

    RÉALISÉ PAR GUILLAUME NICLOUX

    Le panache

    RÉALISÉ PAR JENNIFER DEVOLDERE

    Seul

    RÉALISÉ PAR PIERRE ISOARD

    Un ours dans le Jura

    RÉALISÉ PAR FRANCK DUBOSC

    A bicyclette !

    RÉALISÉ PAR MATHIAS MLEKUZ

    La plus précieuse des marchandises

    RÉALISÉ PAR MICHEL HAZANAVICIUS

    En Fanfare

    RÉALISÉ PAR EMMANUEL COURCOL

    Niki

    RÉALISÉ PAR CÉLINE SALLETTE

    A toute allure

    RÉALISÉ PAR LUCAS BERNARD

    Monsieur Aznavour

    RÉALISÉ PAR MEHDI IDIR ET GRAND CORPS MALADE

    Hiver à Sokcho

    RÉALISÉ PAR KOYA KAMURA

    Le quatrième mur

    RÉALISÉ PAR DAVID OELHOFFEN

    FILMS CULTES

    L’Aveu

    RÉALISÉ PAR Costa-Gavras

    37.2 le matin

    RÉALISÉ PAR Jean-jacques Beineix

    Plein Soleil

    (retrouvez ma critique en bas de cet article, ici)

    RÉALISÉ PAR René Clément

    Trainspotting

    RÉALISÉ PAR Danny Boyle

    Un air de famille

    RÉALISÉ PAR Cédric Klapisch

    Le Comte de Monte-Cristo

    RÉALISÉ PAR MATHIEU DELAPORTE Et ALEXANDRE DE LA PATELLIERE

    (retrouvez ma critique en bas de cet article et la version en podcast, ici)

    La Reine Margot

    RÉALISÉ PAR PATRICE CHÉREAU

    MASTERCLASSES ET DEBATS

    L’interaction roman-cinéma en particulier pour la nouvelle génération

    Animée par Anne Michelet

    Mardi 1 octobre à 14h00

    Le cinéma est souvent un intermédiaire recherché pour la transmission des classiques de la littérature. Et effectivement on peut constater que le cinéma offre une seconde vie à beaucoup de romans classiques ou non ce qui souvent rend des œuvres littéraires accessibles à un public jeune parfois moins sensibilisés à la lecture. Et plus généralement est-ce que la réciproque est vraie ? Est-ce que voir un film peut amener le spectateur à devenir ou redevenir lecteur du roman dont il est adapté ?

    Avec Martin Bourboulon, réalisateur du dyptique les Trois Mousquetaires
    et Matthieu Delaporte et Alexandre De La Pattelière, co-présidents du jury et scénaristes et Réalisateurs
     

    Débat : les grands romans font-ils de grands films ?

    Animée par Charlotte Bouteloup

    Mardi 1 octobre à 16h00

    Réflexions sur le travail considérable et difficile qui est nécessaire pour s’attaquer aux grands textes de la littérature. Les romans dits « inadaptables » engendrent des films couteux et assez souvent peu réussi. Mais une nécessité sans doute pour faire découvrir à des spectateurs parfois mal informés de ces monuments qui font une grande partie de notre culture.

    Matthieu Delaporte et Alexandre De La Patellière, co-présidents du jury
    ,et scénaristes et réalisateurs de Monte-Cristo
    Danièle Thompson, scénariste entre autre de la Reine Margot,
    Martin Bourboulon, réalisateur du diptyque des Trois Mousquetaires,
     

     

    Rencontre avec Marc Lambron (Académie française)

    Animée par Daniel Benoin

    Mercredi 2 octobre à 16h00

    Romancier, critique littéraire et grand amateur de cinéma, Marc Lambron se dévoilera un peu plus au cours de cette rencontre. Fascination garantie.

    Marc Lambron, académicien français 

     

    Rencontre avec Nicolas Seydoux et Jean-Marie Poiré

    Animée par Anne Michelet

    Mercredi 2 octobre à 18h00

    Nicolas Seydoux, Président de Gaumont, principal producteur du cinéma français vient nous parler de sa carrière et ses sentiments sur le cinéma d’aujourd’hui et de son ami réalisateur Jean-Marie Poiré qui l’accompagne.

    Nicolas Seydoux, producteur et président de Gaumont
    Jean-Marie Poiré, réalisateur et producteur

     

    Table ronde avec le jury de Cinéroman

    Jeudi 3 octobre à 16h00

    De l’importance du roman avant le film. Cela facilite la comCela compréhension, l’adaptation, préhension, la réalisation, l’interprétation ? Ecrivains, adaptateurs, réalisateurs, comédiens, membres du jury essayent de répondre à cette question.

    François Berléand
    Jérémie Renier
    Danièle Thompson
    Matthieu Delaporte
    Alexandre De La Patellière
    Laetitia Dosch
    Enki Bilal
    Philippine Leroy Beaulieu
    Aurélie Saada

     

    L’Intelligence Artificielle (IA) va-t-elle remplacer les créateurs de cinéma, de musique, d’arts plastiques et même du spectacle vivant ?

    Animée par Bruno Valentin

    Jeudi 3 octobre à 18h00

    Chaque année la question du bouleversement de la création artistique par l’IA se pose de manière renouvelée. En effet l’évolution de cette « technologie » est si rapide que chaque année le sujet est nouveau et ce phénomène va encore s’accélérer à l’avenir. La place prise par l’IA dans tous les arts de reproduction et non éphémères va-t-elle modifier en profondeur les métiers de ces arts dominants. Vont-ils perdre de leur authenticité et de leur originalité ? Qu’en est-il du spectacle vivant éphémère par nature ?

    Lawrence Valin, expert institut Europ’IA
    Alexandre Pachulski, expert en IA
    Laurent Perez Del Mar, musicien
    Remi Bezancon, réalisateur
    Paulo Correia, metteur en scène et vidéaste

     

    Débat : Les écrivains face à l’adaptation de leur roman

    Animée par Charlotte Bouteloup

    vendredi 4 octobre à 15h00

    Débat autour du rôle des écrivains dans l’adaptation de leurs propres œuvres au cinéma ; veulent-ils influencer le film ? Et si oui, jusqu’où ? Comment réagissent-ils face à l’interprétation de leur œuvre par d’autres ? Pourquoi un écrivain accepte-t-il de confier son œuvre, ses personnages à un autre créateur ? Est-il difficile de le voir s’emparer de ses personnages, leur donner des visages réels, leur faire dire, vivre parfois d’autres choses que ce qui est raconté dans le roman.

    Vanessa Schneider
    Camille Laurens
    David Foenkinos
    Christophe Ono-Dit-Biot, romancier journaliste

     

    Rencontre avec Jean-Baptiste Andrea

    Animée par Vanessa Schneider

    vendredi 4 octobre à 17h00

    Jean-Baptiste ANDREA est sans doute un cas unique. Autant on voit assez souvent des romanciers adapter leur livre au cinéma parfois même les réaliser autant notre auteur est un cas extrêmement rare de scénariste et réalisateur qui change de sensibilité artistique pour aller vers la littérature. Pour Jean-Baptiste ANDREA c’est 13 ans après ses débuts cinématographiques et peu de temps avant son prix Goncourt. Quelle belle histoire !

    Jean-Baptiste Andrea, prix Goncourt 2023

      

    Lecture de « Birmane » roman de Christophe Ono dit Biot en présence de l’auteur

    Animée par

    Samedi 5 octobre à 11h00

    Nadia Farès, comédienne et actrice
    Pascal Elbé, comédien et acteur
    Christophe Ono-Dit-Biot

     

    Masterclass : un cas exceptionnel de cinéroman avec Marie-Julie Baup

    Animée par Anne Michelet

    Samedi 5 octobre à 17h00

    Voilà un texte anglais « In other words » adapté au théâtre et traduit en français par Marie-Julie Baup et Thierry Lopez qui va devenir un film scénarisé et mis en scène par Marie-Julie. C’est un parcours presque symbolique pour Cinéroman, Marie-Julie viendra nous parler de la pièce et comment elle devient un film. Du texte au scénario nous pouvons comprendre une des tentatives –celle-ci en train de se faire- pour passer de la littérature au film.

    Marie-Julie Baup

     

    CRITIQUES DE 4 FILMS PRÉSENTÉS AU FESTIVAL CINÉROMAN DE NICE 2024

    CRITIQUE de LA ZONE D'INTÉRÊT de JONATHAN GLAZER  (compétition)

    Une critique à écouter aussi en podcast, ici.

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    Photo ci-dessus : présentation du film dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023

    La Zone d’intérêt figurait parmi les films en compétition du dernier Festival de Cannes (d’où il est reparti avec le Grand Prix), fut présenté en avant-première au dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville, dans le cadre duquel je l’ai découvert, et le sera également la semaine prochaine au Dinard Festival du Film Britannique (dont je vous détaille le programme, ici).

    Rarement un film m’aura autant bousculée, de la première à la dernière seconde, et hantée, des jours après. Cela commence par un écran noir, interminable, tandis que des notes lancinantes et douloureuses viennent déjà heurter notre tranquillité, nous avertir que la sérénité qui lui succèdera sera fallacieuse. La première scène nous donne à voir une image bucolique, celle d’une famille au bord d’une rivière par une journée éclatante. Celle de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz de 1940 à 1943, qui habite avec sa famille dans une villa avec jardin, juste derrière les murs du camp. À qui ignorerait l’histoire (et l’Histoire) et ne serait pas attentif, la vie de cette famille semblerait de prime abord presque « normale ». Un air de vacances et de gaieté flotte dans l’air. Les corps s’exhibent, en pleine santé. Pourtant c’est dans cette normalité, cette banalité que réside toute l’horreur, omniprésente, dans chaque son, chaque arrière-plan, chaque hors-champ. Cette zone d’intérêt, ce sont les 40 kilomètres autour du camp, ainsi qualifiés par les nazis. Une qualification qui englobe déjà le cynisme barbare de la situation. La biographie de Rudolf Höss avait inspiré La mort est mon métier de Robert Merle, puis le roman The Zone of Interest de Martin Amis (publié chez Calmann-Lévy en 2015) dont le film est adapté. Il décrit le quotidien de cet artisan de l’horreur avec Hedwig, son épouse et leurs cinq enfants.

    Avant même le premier plan, ce qui nous interpelle, c’est le son, incessant, négation permanente de la banalité des scènes de la maisonnée. C’est le bruit d’un wagon. Ce sont des cris étouffés. Ce sont des coups de feu. Ce sont des aboiements. Ce sont ces ronronnements terrifiants et obsédants des fours crématoires. Mais c’est l’arrière-plan aussi qui teinte d’horreur tout ce qui se déroule au premier, cette indifférence criante qui nous révulse. C’est la vue de cette cheminée, juste au-dessus du jardin, dont une fumée noire s’échappe, sans répit. Ce sont les barbelés. C’est ce prisonnier qui s’affaire dans le jardin du Commandant. C’est la vue de ces trains qui ne cessent d’arriver. Ce sont ces os que charrie la rivière. L’horreur est là, omniprésente, et pourtant insignifiante pour les occupants de la zone d’intérêt qui vivent là comme si de rien n’était, comme si la mort ne se manifestait pas à chaque seconde. La vie est là dans ce jardin, entre le père qui fume, les pépiements des oiseaux et les cris joyeux des enfants, éclaboussant de son indécente frivolité la mort qui sévit constamment juste à côté. La « banalité du mal » définie par Hannah Arendt représentée dans chaque plan.

    Hedwig Höss se glorifie même d’être gratifiée du titre de « reine d’Auschwitz » par son mari. Hedwig est en effet très fière : de son statut, de ce qu’elle fait de sa maison, surtout de son jardin, avec sa serre et sa piscine. Son havre de paix au cœur de l’horreur absolue. Son mari est muté. Pour elle, l’horreur absolue s’inscrit cependant là : dans la perspective de devoir déménager de son « paradis ». Cette « zone d’intérêt » qu’elle ne quitterait pour rien au monde. Ce cliché de propagande nazie.

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    Claude Lanzmann (dont le documentaire Shoah, reste l’incontournable témoignage sur le sujet, avec également le court-métrage d’Alain Resnais, Nuit et brouillard) écrivit ainsi : « L’Holocauste est d’abord unique en ceci qu’il édifie autour de lui, en un cercle de flammes, la limite à ne pas franchir parce qu’un certain absolu de l’horreur est intransmissible : prétendre pourtant le faire, c’est se rendre coupable de la transgression la plus grave. » Le film de Glazer a cette intelligence-là : ne jamais montrer l’intransmissible. L’imaginer est finalement plus parlant encore. Ainsi, nous ne voyons rien de ce qui se déroule dans le camp mais nous le devinons. Nous ne voyons que des objets appartenant aux déportés qui contiennent en eux des destins tragiques et racontent la folie des hommes : un manteau de fourrure, des vêtements d'enfants, des bijoux, ou ce rouge à lèvres appartenant à une déportée qu’Hedwig s’applique soigneusement, et dans cette application en apparence insignifiante s’insinue le souffle glaçant de la mort qui la sous-tend. Le film adopte la retenue qui sied au sujet, au respect des victimes dont l’absence à l’image ne contribue pas à les nier mais n’est que le reflet de ce qu’elles étaient pour leurs bourreaux : des chiffres, des êtres dont on occultait sans état d'âme l'humanité. Le dénouement leur rend la lumière et la dignité. La Zone d’intérêt a été tourné à Auschwitz même, encore une fois avec ce souci, de respect des victimes et de fictionnaliser le moins possible. Pas d’esthétisation. Pas de lumière artificielle. Le sentiment de contemporanéité n’en est que plus frappant.

    Sandra Hüller figurait au générique de deux films remarquables en compétition du Festival de Cannes 2023, puisqu’elle incarne aussi la Sandra de Anatomie d’une chute de Justine Triet, la palme d’or de cette édition. Révélée à Cannes en 2016 dans Toni Erdmann, dans le film de Justine Triet, elle est impressionnante d’opacité, de froideur, de maitrise, d’ambiguïté. Ici, dans le rôle d'Hedwig, elle est carrément glaçante. Elle se délecte à essayer un manteau de fourrure trop grand pour elle dont il est aisé de deviner l’origine. Elle distribue des vêtements à ses amis dont la provenance ne fait aucun doute là non plus. Elle est si fière d’être cette femme à la vie si privilégiée, clamant qu’elle a une vie « paradisiaque » dans ce jardin qu’elle montre avec orgueil à sa mère, comme cette chambre d’enfant où elle l’héberge, avec fenêtre sur les miradors et cheminées. Elle est monstrueuse dans l’apparente normalité de ses gestes et paroles, et laissant même éclater toute sa violence lorsqu’une assiette n’est pas là où elle doit être. Ou quand elle demande à « Rudolf » de l'« emmener encore dans ce spa italien »  tandis que rugissent les fours crématoires, et la mort, alors qu’elle ne pense qu’à jouir de la vie, sans scrupules.

    Pour le Commandant (Christian Friedel), seule compte la fierté de servir le 3ème Reich. Obstinément. Des industriels viennent louer les qualités de leurs fours, comme s’il s’agissait d’un quelconque produit industriel. Comment ne pas avoir la nausée devant l’ignominieuse distance et l’abominable froideur avec lesquelles ils discutent des modalités de la solution finale et du principe d’un "four crématoire circulaire" ? Les réunions des directeurs de camps sont aussi nauséeuses dans leur apparence ordinaire. Il est question d’efficacité, de rendement, de logistique. Comme si rien de tout cela ne concernait des êtres humains, et leur mort atroce.

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     Une folie qui semble contaminer jusqu’aux enfants quand l’un enferme son frère dans la serre. On pense alors au chef-d’œuvre de Michael Haneke, Le ruban blanc. Ce ruban blanc, dans le film d’Haneke, c’est le symbole d’une innocence ostensible qui dissimule la violence la plus insidieuse et perverse. Ce ruban blanc, c’est le signe ostentatoire d’un passé et de racines peu glorieuses qui voulaient se donner le visage de l’innocence. Ce ruban blanc, c’est le voile symbolique de l’innocence qu’on veut imposer pour nier la barbarie, et ces racines du mal qu’Haneke nous fait appréhender avec effroi par l’élégance moribonde du noir et blanc. Ces châtiments que la société inflige à ses enfants en évoquent d’autres que la société infligera à plus grande échelle, qu’elle institutionnalisera même pour donner lieu à l’horreur suprême, la barbarie du XXème siècle. Cette éducation rigide va enfanter les bourreaux du XXème siècle dans le calme, la blancheur immaculée de la neige d’un petit village a priori comme les autres. La forme, comme dans le film de Glazer, démontre alors toute son intelligence, elle nous séduit d’abord pour nous montrer toute l’horreur qu’elle porte en elle et dissimule à l’image de ceux qui portent ce ruban blanc.

    Je ne saurais citer un autre film dans lequel le travail sur le son est aussi impressionnant que dans La Zone d’intérêt, la forme sonore tellement au service du fond (parmi les films récents, je songe au long-métrage de Vincent Maël Cardona,  Les Magnétiques mais le sujet est à des années-lumière de celui du film de Glazer) : cette dichotomie permanente entre ce vacarme et l’indifférence qu’il suscite. Ce grondement incessant qui nous accompagne des jours après. Les musiques composées par Mica Levi et les sons du concepteur sonore Johnnie Burn sont pour beaucoup dans la singularité de cette œuvre et dans sa résonance. Ces dissonances qui constamment nous rappellent que tout cela n'a rien de normal, qui nous oppressent. Et au cas où nous aurions souhaité occulter ce que ces sons représentent, ce qui se joue là, derrière les discussions sur la façon d’agencer le jardin ou les jeux des enfants, un écran brusquement rouge vient nous heurter, comme un écho à l’écran noir du début, nous signifiant bien que ce paradis bucolique masque un enfer, que le vert qui envahit l’écran n’est là que pour masquer le rouge qui déferle à quelques mètres. Seules des parenthèses en négatif laissent éclater un peu d’humanité (lueur d’espoir apparaissant alors comme irréalité au milieu de cette inconcevable réalité), et peut-être le départ anticipé de la mère d’Hedwig avec un mot dont nous ne connaîtrons pas la teneur et dont on a envie de croire qu'il dénonce l'horreur, et qui pourtant a elle aussi profité des déportés, en l’occurrence ses anciens patrons. C’est tout. Pas d'autre lueur d'espoir.

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    En 2015, avec Le Fils de Saul, László Nemes nous immergeait dans le quotidien d'un membre des Sonderkommandos, en octobre 1944, à Auschwitz-Birkenau. Saul Ausländer est alors membre de ce groupe de prisonniers juifs isolé du reste du camp et forcé d’assister les nazis dans leur plan d’extermination. Il travaille dans l’un des crématoriums où il est chargé de « rassurer » les Juifs qui seront exterminés et qui ignorent ce qui les attend, puis de nettoyer… quand il découvre le cadavre d’un garçon en lequel il croit ou veut croire reconnaître son fils. Tandis que le Sonderkommando prépare une révolte (la seule qu’ait connue Auschwitz), il décide de tenter l’impossible : offrir une véritable sépulture à l’enfant afin qu’on ne lui vole pas sa mort comme on lui a volé sa vie, dernier rempart contre la barbarie. La profondeur de champ, infime, renforce cette impression d’absence de lumière, d’espoir, d’horizon, nous enferme dans le cadre avec Saul, prisonnier de l’horreur absolue dont on a voulu annihiler l’humanité mais qui en retrouve la lueur par cet acte de bravoure à la fois vain et nécessaire, son seul moyen de résister. Que d’intelligence dans cette utilisation du son, de la mise en scène étouffante, du hors champ, du flou pour suggérer l’horreur ineffable, ce qui nous la fait d’ailleurs appréhender avec plus de force encore que si elle était montrée. László Nemes s’est beaucoup inspiré de Voix sous la cendre, un livre de témoignages écrit par les Sonderkommandos eux-mêmes.

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    Avec le plus controversé La vie est belle, Benigni a lui opté pour le conte philosophique, la fable pour démontrer toute la tragique et monstrueuse absurdité à travers les yeux de l’enfance, de l’innocence, ceux de Giosué. Benigni ne cède pour autant à aucune facilité, son scénario et ses dialogues sont ciselés pour que chaque scène « comique » soit le masque et le révélateur de la tragédie qui se « joue ». Bien entendu, Benigni ne rit pas, et à aucun moment, de la Shoah mais utilise le rire, la seule arme qui lui reste, pour relater l’incroyable et terrible réalité et rendre l’inacceptable acceptable aux yeux de son enfant. Benigni cite ainsi Primo Levi dans Si c’est un homme qui décrit l’appel du matin dans le camp. « Tous les détenus sont nus, immobiles, et Levi regarde autour de lui en se disant : “Et si ce n’était qu’une blague, tout ça ne peut pas être vrai…” C’est la question que se sont posés tous les survivants : comment cela a-t-il pu arriver ? ». Tout cela est tellement inconcevable, irréel, que la seule solution est de recourir à un rire libérateur qui en souligne le ridicule. Le seul moyen de rester fidèle à la réalité, de toute façon intraduisible dans toute son indicible horreur, était donc, pour Benigni, de la styliser et non de recourir au réalisme. Quand il rentre au baraquement, épuisé, après une journée de travail, il dit à Giosué que c’était « à mourir de rire ». Giosué répète les horreurs qu’il entend à son père comme « ils vont faire de nous des boutons et du savon », des horreurs que seul un enfant pourrait croire mais qui ne peuvent que rendre un adulte incrédule devant tant d’imagination dans la barbarie (« Boutons, savons : tu gobes n’importe quoi ») et n’y trouver pour seule explication que la folie (« Ils sont fous »). Benigni recourt à plusieurs reprises intelligemment à l’ellipse comme lors du dénouement avec ce tir de mitraillette hors champ, brusque, violent, où la mort terrible d’un homme se résume à une besogne effectuée à la va-vite. Les paroles suivantes le « C’était vrai alors » lorsque Giosué voit apparaître le char résonne alors comme une ironie tragique. Et saisissante.

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    Autre approche encore que celle de La Liste de Schindler de Spielberg dont le scénario sans concessions au pathos de Steven Zaillian, la photographie entre expressionnisme et néoréalisme de Janusz Kaminski (splendides plans de Schindler partiellement dans la pénombre qui reflètent les paradoxes du personnage), l’interprétation de Liam Neeson, passionnant personnage, paradoxal, ambigu et humain à souhait, et face à lui, la folie de celui de Ralph Fiennes, la virtuosité et la précision de la mise en scène (qui ne cherche néanmoins jamais à éblouir mais dont la sobriété et la simplicité suffisent à retranscrire l’horrible réalité), la musique poignante de John Williams par laquelle il est absolument impossible de ne pas être ravagé d'émotions à chaque écoute (musique solennelle et austère qui sied au sujet -les 18 premières minutes sont d’ailleurs dénuées de musique- avec ce violon qui larmoie, voix de ceux à qui on l’a ôtée, par le talent du violoniste israélien Itzhak Perlman, qui devient alors, aussi, le messager de l’espoir), et le message d’espérance malgré toute l’horreur en font un film bouleversant et magistral. Et cette petite fille en rouge que nous n'oublierons jamais, perdue, tentant d’échapper au massacre (vainement) et qui fait prendre conscience à Schindler de l’individualité de ces juifs qui n’étaient alors pour lui qu’une main d’œuvre bon marché. 

    Avec The Zone of Interest, Jonathan Glazer prouve d’une nouvelle manière, singulière, puissante, audacieuse et digne, qu’il est possible d’évoquer l’horreur sans la représenter frontalement, par des plans fixes, en nous en montrant le contrechamp, reflet terrifiant de la banalité du mal, non moins insoutenable, dont il signe une démonstration implacable. Cette image qui réunit dans chaque plan deux mondes qui coexistent et dont l’un est une insulte permanente à l’autre est absolument effroyable.  Si cette famille nous est montrée dans sa quotidienneté, c’est avant tout pour nous rappeler que la monstruosité peut porter le masque de la normalité. L’intelligence réside aussi dans la fin, qui avilit le monstre et le fait tomber dans un néant insondable tandis que nous restent les images de ce musée d’Auschwitz dans lequel s’affairent des femmes de ménage, au milieu des amas des valises, de chaussures et de vêtements, et des portraits des victimes. C’est d’eux dont il convient de se souvenir. De ces plus de cinq millions de morts tués, gazés, exterminés, parfois par des journées cyniquement ensoleillées. Un passé si récent comme nous le rappellent ces plans de la maison des Höss aujourd’hui transformée en mémorial. Une barbarie passée contre la résurgence de laquelle nous avons encore trop peu de remparts. Le film s’achève par un écran noir accompagné d’une musique lugubre, là pour nous laisser le temps d’y songer, de nous souvenir, de respirer après cette plongée suffocante, et de reprendre nos esprits et notre souffle face à l’émotion qui nous submerge. Un choc cinématographique. Un choc nécessaire. Pour rester en alerte. Pour ne pas oublier les victimes de l’horreur absolue mais aussi que le mal peut prendre le visage de la banalité. Un film brillant, glaçant, marquant, incontournable. Avec ce quatrième long-métrage (après Sexy Beast, Birth, Under the skin) Jonathan Glazer a apporté sa pierre à l'édifice mémoriel. De ce film, vous ne ressortirez pas indemnes. Vous ne pourrez pas (l') oublier. Voyez-le, impérativement.

    CRITIQUE de BAMBI, L'HISTOIRE D'UNE VIE DANS LES BOIS de MICHEL FESSLER (avant-première, hors compétition)

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    Qui ne connaît pas Bambi, le dessin animé des studios Disney de 1942, bien souvent à l’origine des premiers chagrins et éblouissements cinématographiques ? Tout comme le film de Disney, celui de Michel Fessler, est adapté du livre Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois de Felix Salten (1869–1945), autrichien d’origine hongroise, dramaturge, scénariste et romancier, qui écrivit plusieurs contes animaliers dont le célèbre Bambi, en 1923. De l’italien bambino, ce récit lui est inspiré par un séjour dans les Alpes. Bambi, Eine Lebengeschichte aus dem Walde.

    Cette fois, cependant, il ne s’agit pas d’un film d’animation mais de prises de vues réelles accompagnées par la voix de Mylène Farmer qui livre le récit, et par la musique originale de Laurent Perez del Mar. Le défi était de taille et est ici magistralement relevé avec pour résultat un conte initiatique d’une grande force et d’une saisissante beauté, un vibrant hymne à la nature.

    Comme le film de 1942, celui-ci raconte les aventures de Bambi, le jeune faon, entouré de sa mère et des animaux de la forêt : son ami le corbeau, le lapin, le raton laveur… Bambi découvre le monde des arbres et leurs secrets. Chaque jour, sa mère l’éduque pour qu’il puisse grandir avec force. Mais l’automne arrivé, Bambi s’aventure en terrain découvert lorsque des chasseurs le séparent de sa mère à tout jamais. Dès lors, le jeune faon doit apprendre à vivre seul. Heureusement, il retrouve Faline son amie d’enfance. Puis, un grand et majestueux cerf, qui n’est autre que son père, va retrouver Bambi et l’aider à grandir. Ce dernier va alors prendre son destin en main.

    Je vous parlais d’éblouissement à propos de ce que provoque Bambi chez les enfants qui découvrent le film d’animation de 1942 et qui, parfois, aussi, par ce biais, vivent leurs premières émotions cinématographiques. Éblouissement. Tel est aussi le mot qui définit la musique de Bambi, acteur à part entière de ce film qui le sublime.

    Dit-on d’une musique qu’elle éblouit ? Certainement le devrions-nous quand, comme celle-ci, elle charrie autant d’images et d’émotions, puissantes, entremêlées parfois. Un tourbillon d’émotions, même. La musique nous immerge en plein conte, dans une forêt tantôt luxuriante, tantôt menaçante, parfois les deux en même temps, tant elle est expressive, vibrante de vie, intense. À la fois terrienne et céleste (sensation qui atteint encore une dimension supplémentaire quand les voix de Léa Dasenka ou de Julia Wischnewski -chant ethnique pour la première et chant lyrique pour la seconde- se posent sur celle-ci). Elle nous donne à « voir » les animaux qui la peuplent, et qui gambadent, facétieux. Elle nous fait ressentir à quel point Bambi est accablé de chagrin. Elle évoque avec maestria la nature qui s’éveille, les lucioles qui volètent et nous procure la sensation de nous envoler avec elles, de ressentir les cycles de la vie, la succession des saisons, les dangers qui menacent le jeune faon, la renaissance de l'espoir.  Elle nous fait éprouver la peur et l’apaisement, la violence et la douceur, le désarroi et la gaieté. Elle nous transporte ailleurs, elle porte en elle l’élan de vie, et nous emporte dans son lyrisme subtil.

    Elle évoque une insouciance et un bonheur contagieux quand Bambi gambade avec sa mère, papillonne au milieu des fleurs ou s’éveille aux plaisirs de la liberté. Quand plane la menace de l’aigle, elle se fait à son image : majestueuse et inquiétante. Elle transcrit les élans amoureux quand Bambi est avec Faline, « quand deux petits cœurs s'emballent. » Quand « les lucioles se prennent pour des étoiles tombées du ciel », la musique miroite alors de concert avec elles. Quand Bambi est coursé par un chien, la musique tambourine et se gonfle d’un souffle épique, et évoque l’aventure et la chevauchée fantastique, telle celle d’un western. Elle irradie. Si elle est majestueuse, elle n’est jamais grandiloquente ou emphatique. Elle ne paraphrase pas. Elle accompagne, suggère une double lecture, ajoute un supplément d’âme, d’émotion et d’interprétation. À l'image du conte aussi : plusieurs degrés de lecture se superposent entre ses notes. Ainsi, quand Bambi est blessé, la musique suggère une double blessure, la blessure physique mais aussi la solitude, la blessure morale, l’absence de sa mère.  Elle chante, pleure, s’enthousiasme, vibre et vit, comme la nature qu'elle célèbre. Quand le coup de feu meurtrier immobilise la forêt et la fait trembler, elle se pare d’une gravité soudaine. Et quand elle est accompagnée de ces mots « La tristesse, c'est du froid à l'intérieur, il ne sait pas encore que c'est pour toujours », elle nous fait frissonner d’une glaçante admiration. Enfin, quand Bambi devient à son tour le roi de la forêt, ce et ceux qui la peuplent semblent vibrer en chœur et elle nous fait éprouver ce qu'ils ressentent : de la beauté pure, une joie profonde, rassurante et exaltante.

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    Souhaitons à cette musique un destin au moins aussi radieux que celui que connut la bande originale de La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit, du même Laurent Perez del Mar, qui a obtenu le Prix Spécial du Jury Un Certain Regard du 69ème Festival de Cannes avant de nombreux autres prix et nominations dans le monde, notamment aux César et aux Oscars comme meilleur film d’animation. Ce conte philosophique et écologique était aussi un éblouissement permanent qui nous attrapait dès la première image (comme si nous étions ballottés par la force des éléments avec le naufragé) pour ne plus nous lâcher, jusqu’à ce que la salle se rallume, et que nous réalisions, abasourdis, que ce voyage captivant sur cette île déserte, cet état presque second dans lequel ce film nous avait embarqués, n’étaient que virtuels. Le murmure des vagues. Le chuchotement du vent. Le tintement de la pluie. L’homme si petit au milieu de l’immensité. La barque à laquelle il tente de s'accrocher. Le vrombissement de l’orage. Les cris des oiseaux. Les vagues qui se fracassent contre les rochers, puis renaissent. Le bruissement des feuilles. L'armée joyeuse des tortues. Le clapotis de l'eau. La nature resplendissait là aussi à travers les notes :  sauvage, inquiétante, magnifique. Sans oublier la respiration (dissonante ou complémentaire de l’homme) au milieu de cette nature harmonieuse. La musique à peine audible d’abord, en gouttes subtiles, comme pour ne pas troubler ce tableau, se faisait peu à peu plus présente. L’émotion du spectateur allait crescendo à l'unisson, comme une vague qui prend de l’ampleur et nous éloigne peu à peu du rivage de la réalité avant de nous embarquer, loin, dans une bulle poétique et consolatrice.

    Si je vous parle ainsi de la musique de La Tortue rouge, c’est parce que dans Bambi, comme dans ce film précité, la musique et les ambiances de nature se (con)fondent et s'enrichissent alors avec virtuosité pour créer cette symbiose magique. Jamais redondante, elle apporte un contrepoint romanesque, lyrique, et un supplément d’âme et d’émotion qui culmine lors d’un ballet aquatique et lors de la scène du tsunami dans La tortue rouge, lorsque Bambi devient le roi de la forêt dans le film éponyme. À ces instants, dans les deux films, la puissance romanesque de la musique hisse et propulse le film, et le spectateur, dans une sorte de vertige hypnotique et sensoriel d’une force émotionnelle exaltante, rarement vue (et ressentie) au cinéma.

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    Je vous avais aussi parlé de cette musique qui s’emballe comme un élan romanesque, à l'unisson de l’imagination de celle du personnage Gaby, quand un de de ses rêves se réalise et que son visage s’illumine de joie, dans l’excellent Super papa de Léa Lando. Dans Bambi, on retrouve ce souffle romanesque, exacerbé, qui s’empare de nous.

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    Dans Un coup de maître de Rémi Bezançon, à la fin du film, la musique de Laurent Perez del mar, sublime également la nature, lorsqu'elle s’emporte et s’emballe comme des applaudissements victorieux, comme un tourbillon de vie, comme un cœur qui renaît, comme le pouls de la forêt, avec de plus en plus de profondeur aussi, comme si la toile atteignait son paroxysme, sa plénitude. Dévoilant toute sa profondeur, elle emporte alors comme une douce fièvre, harmonieuse, réconfortante.

    Le travail sur le son, dans Bambi, est aussi absolument admirable et exceptionnel : les bruits de la nature sont en eux-mêmes une musique qui dialogue avec celle du compositeur.  Les feuilles qui bruissent et caressent nos oreilles. La pluie qui rebondit sur les feuilles. Les grondements de l’orage. Le clapotis de l’eau. Les bourdonnements des insectes. Les bruits des pattes du loup sur les feuilles. Les respirations des animaux et de la nature. Comme un acteur qui jouerait avec un partenaire, la musique de Laurent Perez del Mar répond aux sons de l'environnement et des animaux, joue et jongle avec les bruits (et les images) de la nature, grâce à un orchestre de plus de 70 musiciens.

    Le travail sur l’image et la réalisation sont tout aussi admirables. Bambi est personnifié. L’Homme n’est ici qu’une ombre menaçante, insidieuse, tueuse, sans visage. L’animal est l’être sensible, humain, avec ses yeux expressifs, qui nous restent en mémoire, comme ses « points blancs sur son dos qui imitent les taches du soleil. » Comme tant d’autres plans qui imprègnent nos souvenirs de spectateurs, comme au retour d’un voyage aux sensations indélébiles. Les couleurs chatoyantes de l’automne. Les reflets menaçants du ciel dans l’eau. Les reflets de la lune. La brume qui serpente au-dessus de l’eau. Le ciel rougeoyant. La beauté de l’animal, qui se confond avec les couleurs de la nature. Les feuilles qui tombent et tourbillonnent autour de sa tête, au ralenti. 

    La voix off, ensorcelante, de Mylène Farmer, d’une présence discrète, ne force pas l’émotion mais ajoute subtilement une dimension poétique, parfois philosophique : « C’est la diversité qui fait la beauté du monde. », « Être curieux n'est pas un si vilain défaut. » « Parfois, le simple fait de se ressembler fait naître une étincelle. » « L'été est bien installé une boule de feu règne. », « Rien n'est plus doux que des liens qui fleurissent »...

    Une association de protection animale s'est opposée à la diffusion du film et dénonce l'utilisation de vrais animaux pendant le tournage. Quelle absurdité ! Ce film est au contraire une ode respectueuse à la nature. Il est par ailleurs clairement précisé qu’aucun animal n’a été maltraité durant les seize semaines du tournage, qui eut lieu en région Centre Val de Loire et dans le département du Loiret. L’équipe n’a jamais oublié d’être à l’écoute du bien-être des animaux et de leur rythme biologique. Ce film doit au contraire être vu par le plus grand nombre, a fortiori par les scolaires.

    Scénariste accompli, Michel Fessler a écrit et coécrit plus d’une trentaine de films français comme internationaux en variant les genres : aventure, drame intime et psychologique. En 2022, il signe deux succès internationaux, Le Chêne, une fiction documentaire réalisée par Michel Seydoux et Laurent Charbonnier et un long-métrage d’animation avec les dessins de Sempé Le Petit Nicolas co-écrit avec Anne Goscinny. Trois films nommés aux Oscars le font connaître au grand public : RidiculeFarinelli et La Marche de l’Empereur.

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    Le travail de Laurence Buchmann, la cheffe monteuse, est également pour beaucoup dans la réussite de l'ensemble, et contribue aussi fortement à ce dialogue entre les animaux et les végétaux, et au rythme qui ne faiblit pas. De même que celui de Daniel Meyer, le Directeur de la photographie qui, après avoir parcouru le monde pour de multiples documentaires, a mis en lumière des séries télévisées ainsi que des unitaires, a participé à deux grands projets cinéma de Yann Arthus Bertrand, Human et Women, co-signé avec Anastasia Mikova.

    Bambi n’est pas seulement un conte pour enfants. Toute la vie, sa violence et sa douceur, sa beauté et sa cruauté, ses désespoirs et ses espoirs, ses morts et ses renaissances, l’amitié, l’amour, la découverte du monde et de soi, la préciosité, la force et la fragilité de la nature, tout cela est raconté dans le film de Michel Fessler. Et bien plus encore. Félix Salten, juif, dut fuir les nazis. Bambi fut ainsi interdit comme l'ensemble de l'œuvre de l'écrivain en raison de ses origines, en Allemagne puis dans l’Autriche annexée par Hitler.  L’homme qui cherche à enfermer et tuer la beauté de la nature, les animaux qui ne cessent de fuir… : difficile de ne pas y voir aussi une peinture de la noirceur de l’âme humaine et le reflet de la montée de l'antisémitisme.

    Un film sensoriel, une expérience et une musique qui est indéniablement une des plus expressives, profondes, puissantes, majestueuses, évocatrices, émouvantes, qu’il m’ait été donné d’entendre. Une musique éblouissante et bouleversante, d’une grande profondeur, richesse et sensibilité, qui reflète la simplicité et la polysémie du conte, face à la brutalité et la cruauté du monde. Un histoire intemporelle et universelle qui nous embarque dans un voyage fascinant, fascinés, les yeux écarquillés et les oreilles à l’affût du moindre frémissement de la nature, comme ceux d’un enfant ou du jeune faon devant la découverte des beautés du monde. Comme si nous découvrions un autre monde aux magnificences envoûtantes dont on oublie parfois que c'est aussi le nôtre et qu'il faut le protéger, le chérir et prendre le temps de l’admirer dans ce qu’il a de plus minuscule comme dans ce qu’il a de plus grandiose (magnifiques plans en plongée de la forêt). Une échappée belle inoubliable grâce à l’alliance d’une rare perfection de la musique et des images qui font que notre cœur bat à la chamade à l’unisson de celui de Bambi et des vibrations de la nature. En préface de la réédition de l’œuvre de Félix Salten, Amélie Nothomb a écrit : « Je défie le lecteur de ne pas en sortir bouleversé. » Je dirais de même au sujet du film. Et j’ajoute : préparez-vous à être émerveillés ! Si ce film est un hymne à la nature, il l’est aussi à l’émerveillement et nous en fait ressentir, de la première à la dernière image, de la première à la dernière note. Un chef-d’œuvre du genre, tout simplement, d’autant plus impressionnant qu’il s’agit du premier film en tant que réalisateur de Michel Fessler.

    À noter :

    • Le film sort en salles le 16 octobre et la musique sera disponible dès le 18 octobre, sur toutes les plateformes.

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    • Le film est sélectionné dans plusieurs festivals dont le Festival du Film du Croisic (festival d’adaptations littéraires sur grand écran) dans le cadre duquel il sera projeté, hors compétition, le mercredi 9 octobre, en présence d’une partie de l’équipe du film dont le réalisateur Michel Fessler et le compositeur Laurent Perez del Mar.

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    • Bambi, L’histoire d’une vie dans les bois de Felix Salten. Le roman intégral originel (1923) augmenté du storyboard du film 130 x 200 mm - 220 pages, est également à découvrir aux éditions Télémaque.

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    •  L’album jeunesse La première adaptation en images réelles du roman de Felix Salten, d’après le film réalisé par Michel Fessler est également disponible. Le film raconté aux enfants avec une sélection de ses 40 plus belles photos. 210 x 297 mm relié - 40 pages illustrées www.editionstelemaque.com SORTIE EN LIBRAIRIE Le 10 octobre 2024
    • Retrouvez prochainement cette critique en podcast (podcast In the mood for cinema sur Spotify…).

     

    CRITIQUE - LE COMTE DE MONTE-CRISTO de MATTHIEU DELAPORTE ET ALEXANDRE DE LA PATELLIÈRE (présidents du jury du Festival Cinéroman 2024)

    Une critique à écouter aussi en podcast, ici.

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    « Toute fausseté est un masque, et si bien fait que soit le masque, on arrive toujours, avec un peu d'attention, à le distinguer du visage. » Cette citation d’Alexandre Dumas de 1844, extraite des Trois Mousquetaires, rappelle le passionnant jeu de masques que sont les livres de Dumas et aussi pourquoi ils sont un matériau idéal pour l'adaptation cinématographique, le cinéma étant l’art de l'illusion (et donc du jeu de masques) par excellence.

    Le Comte de Monte-Cristo, avec d’Artagnan, en plus d’être le héros de Dumas le plus connu, est une des figures les plus mythiques de la littérature dont chacun s’est forgé une image, inspirée de ses lectures ou des précédentes adaptations cinématographiques du roman (une trentaine). S’attaquer à un tel monument était donc un véritable défi. Ce sont Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte qui s’y sont attelés, après avoir déjà écrit le scénario du diptyque sur Les Trois Mousquetaires, s’octroyant en plus cette fois la charge de la réalisation. Présenté hors-compétition, le film a reçu à Cannes un accueil très chaleureux.

    Dans cette nouvelle adaptation, comme dans le roman de Dumas, Edmond Dantès (Pierre Niney), victime d’un complot, est arrêté le jour de son mariage avec Mercédès (Anaïs Demoustier) pour un crime qu’il n’a pas commis, puis il est envoyé sans procès au large de Marseille, au château d’If dont il parvient à s’évader après 14 années de détention. Devenu immensément riche, grâce au trésor de l’Abbé Faria (Pierfrancisco Favino), il revient sous l’identité du Comte de Monte-Cristo pour se venger des trois hommes qui l’ont trahi.  C’est alors La Monarchie de Juillet, Louis Philippe gouverne et les faux-semblants règnent.

    Le lecteur assidu et amoureux de l’œuvre de Dumas peut d’abord être décontenancé par le travail d’adaptation qui fait disparaître des épisodes essentiels (par exemple, lorsque, après son évasion, Dantès travaille sur un bateau de contrebandiers qui le mènera jusqu’à l’île de Montrecristo) ou disparaître ou fusionner des personnages, ou qui en crée d’autres comme la sœur bonapartiste du procureur royaliste Villefort (Laurent Lafitte) ou encore qui modifie les relations entre Danglars (Patrick Mille), Villefort (Laurent Lafitte) et Morcerf (Bastien Bouillon) ou même leurs relations avec Dantès. Fernand de Morcerf est ainsi dès le début un aristocrate, ami de Dantès. Force est néanmoins de constater que toutes ces infidélités à l’œuvre de Dumas apportent du rythme et de la modernité, et qu’elles accentuent le sentiment d’intemporalité (d’ailleurs, souvent le décor disparaît derrière les personnages, filmés en gros plan, qui pourraient ainsi évoluer à n’importe quelle époque) et que nous ne voyons pas passer les presque 3 heures que dure ce film qui entremêle savamment les genres (aventure, tragédie, amour, thriller). La densité du roman feuilleton paru en 1844 est telle que l’adapter nécessitait forcément de sacrifier et remodeler, et cette restructuration est ici une entière réussite.

    Le contemporain de Balzac qu’était Dumas n’est pas seulement un auteur populaire d’intrigues historiques, épiques et romanesques (ce à quoi on l’a trop souvent réduit) mais aussi un magicien jonglant avec les mots, un fin observateur de la comédie humaine et des noirceurs de l’âme. Une noirceur que reflète brillamment cette adaptation fidèle à l’esprit du roman qui est aussi la peinture sociale de la Monarchie de Juillet.  Une noirceur que reflètent ces quelques phrases extraites du texte de Dumas :

    « La joie pour les cœurs qui ont longtemps souffert est pareille à la rosée pour les terres desséchées par le soleil ; cœur et terre absorbent cette pluie bienfaisante qui tombe sur eux, et rien n'en apparaît au-dehors. »

    « Ne comprenez-vous pas, madame, que, moi aussi, il faut que j'oublie? Eh bien, quand je travaille, et je travaille nuit et jour, quand je travaille, il y a des moments où je ne me souviens plus, et quand je ne me souviens plus, je suis heureux à la manière des morts; mais cela vaut encore mieux que de souffrir. »

    « Les blessures morales ont cela de particulier qu'elles se cachent, mais ne se referment pas; toujours douloureuses, toujours prêtes à saigner quand on les touche, elles restent vives et béantes dans le cœur. »

    « Si endurcis au danger que soient les hommes, si bien prévenus qu'ils soient du péril, ils comprennent toujours, au frémissement de leur cœur et au frissonnement de leur chair, la différence énorme qui existe entre le rêve et la réalité, entre le projet et l'exécution. »

    « Qu'est-ce que la vie? Une halte dans l'antichambre de la mort. »

    « Chaque homme a sa passion qui le mord au fond du cœur, comme chaque fruit son ver. »

    « A tous les maux il est deux remèdes : le temps et le silence. »

    Le film commence sous l’eau, Dantès sauvant une jeune femme d’une mort certaine (un personnage créé par les scénaristes qui jouera ensuite un rôle essentiel), qui préfigure la menace sourde de la mort qui ne cessera ensuite de planer derrière les images d’un sud idyllique, éclaboussé de soleil.

    Chacun s’est construit son Monte-Cristo, en fonction de ses lectures du roman et des précédentes adaptations. Pour moi, il arborait jusqu’à présent les traits de Jean Marais (dans la version de 1954 réalisée par Robert Vernay). Ce sera désormais Pierre Niney qui incarne avec autant de justesse Dantès, le jeune homme plein d’entrain, d’illusions, de naïveté, que Monte-Cristo, l’homme masqué, blessé, physiquement et moralement, qui met en scène sa vengeance contre Danglars, Villefort et Morcerf, en exploitant le point faible de chacun d’entre eux : la justice, l’argent, l’amour.   

    Après tant de rôles marquants (GoliathAmants, Boîte noireSauver ou périrLa Promesse de l’aube, L’Odyssée, FrantzUn homme idéalComme des frèresJ’aime regarder les filles), Pierre Niney prouve une nouvelle fois qu’il peut se glisser dans n’importe quel personnage et l’incarner avec intelligence. D’ailleurs, souvent des personnages d’hommes portant un masque, dissimulant une blessure, ou une double identité. L’intelligence de son jeu réside ici dans la démarche et les gestes de Monte-Cristo (qui diffèrent de ceux de Dantès) mais surtout ce regard qui se pare d’une dureté flagrante. Une métamorphose impressionnante qui ne réside pas tant dans les heures de maquillage (150 heures au total) que dans le jeu de l’interprète qui construit cette armure forgée par les blessures de Dantès que l’intensité douloureuse de  son regard reflète alors. Pour mettre en scène sa vengeance, Dantès recréé un monde, se fait le démiurge de l’univers dont il sera aussi le protagoniste. Une sorte de décor des Mille et Une Nuits, avec ses candélabres, et ses ombres, fascinant et inquiétant. Ce décor, à la fois sombre et étincelant, opulent et dépouillé, éblouissant et menaçant, miroir de la dualité de Monte-Cristo/Dantès, sera celui de sa vengeance macabre, le reflet de son âme aux frontières de la folie, glaçante et glaciale même, Monte-Cristo se prenant parfois même davantage pour le Diable que pour le Dieu auquel il veut se substituer, utilisant les jeunes Andrea (remarquable Julien de Saint Jean) et Haydée (Anamaria Vartolomeï, ensorcelante) comme les marionnettes de son théâtre de vengeance.  « Feras-tu le bien ou laisseras-tu ton cœur s’emplir de haine ? » lui avait demandé l’Abbé Faria. « À partir de maintenant, c’est moi qui récompense et c’est moi qui punis » clamera plus tard Dantès, persuadé pourtant de faire acte de justice et non de vengeance : « Si je renonce à la justice, je renonce à la seule force qui me tient en vie. » Lors de la conférence de presse cannoise, Pierre Niney a expliqué comment il s’était entrainé avec un champion du monde d’apnée. Et il est en effet évident qu’il est corps et âme le héros de Dumas, faisant oublier ses précédentes incarnations.

    Si Laurent Lafitte, Bastien Bouillon et Patrick Mille sont des méchants particulièrement convaincants, Mercédès (Anaïs Demoustier, remarquable une fois de plus, est ici une Mercédès droite, noble, intense) et Haydée (Anamaria Vartolomei), par l’ambivalence de leur jeu et de leurs sentiments, apportent de la complexité à l’histoire. Au-delà du roman d’aventure et du film épique, Monte-Cristo est aussi une sublime histoire d’amour contrariée qui s’incarne dans une scène magnifique et bouleversante lors de laquelle, devant Mercédès, Monte-Cristo évoque cette femme qu’il a tant aimée. Pas d'amples mouvements de caméra ou de mise en scène époustouflante à cet instant, seuls deux comédiens qui manient mots et émotion contenue avec maestria, face à face, et le texte, magnifique, et l'émotion qui, forcément, affleure.

    Le scénario, d’Alexandre de La Patellière et Matthieu Delaporte, auxquels on doit notamment aussi la coécriture et la coréalisation du film Le Prénom, sorti en 2012, est fidèle à l’œuvre mais témoigne aussi de son intemporalité et son universalité dans les thèmes abordés : l’innocence bafouée, la confiance trahie, les regrets brûlants, l’amour entravé, le désir de vengeance.

    La musique de Jérôme Rebotier accompagne les élans épiques comme les élans amoureux, et renforce la flamboyance du film, et du héros sombre et tourmenté dans sa course effrénée vers la vengeance.

    La photographie, signée Nicolas Bolduc, jouit ici des contrastes qui faisait défaut aux Trois mousquetaires et s’assombrit judicieusement au fur et à mesure que Dantès devient Monte-Cristo, que la noirceur empiète sur l’innocence, que l’esprit de vengeance envahit son âme.

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     « On avait envie de fresques, de ces films qui charrient de grandes émotions » a déclaré le producteur Dimitri Rassam, lors de la conférence de presse à Cannes. Cette nouvelle adaptation du chef-d’œuvre de Dumas est à la hauteur de l’ambition. Une fresque épique et romantique. Un film à grand spectacle, fiévreux et vénéneux, qui nous emporte dans sa course échevelée et sa valse des sentiments. Une histoire d’amour contrariée. Des dialogues souvent empruntés à Dumas qui donnent envie de redécouvrir son œuvre. Une mise en scène avec de l’ampleur (qui joue beaucoup avec les mouvements de caméras pour accompagner ou même susciter le souffle épique).  Et des scènes d’anthologie comme lorsque Monte-Cristo découvre son trésor ou lorsqu'il retrouve l’abbé Faria. Et puis deux mots, avec lesquels nous quittons la projection, deux mots à l’image de ce film, remplis de promesses de rêves, aussi sombres soient-ils parfois : attendre et espérer.

    Un film spectaculaire comme le cinéma hexagonal n’en fait plus, qui transporte avec lui les souvenirs de cinéma de l’enfance, quand cet écran géant nous embarquait dans des aventures de héros tourmentés et intrépides, plus grandes que la vie, ou pour les plus rêveurs d'entre nous, à l’image de ce que nous l’imaginions devenir. Trépidante. Périlleuse. Romanesque. Traversée du vertige des grands sentiments. L’interprétation, la photographie, le montage, la musique, le maquillage (à juste titre, lors de la conférence de presse cannoise, Pierre Niney a souligné le manque de reconnaissance de cette profession en France, lors des remises de prix par les "professionnels de la profession"), les décors et enfin le rythme parent ce film de la plus belle des vertus : l’oubli du temps qui passe, l'oubli du fait que la vie n’est pas du cinéma, qu’il n’est pas possible de devenir un héros masqué. Ce film témoigne du pouvoir inestimable du cinéma de nous faire renouer avec les vestiges et les vertiges de l'enfance.

    CRITIQUE - PLEIN SOLEIL de RENÉ CLÉMENT (films cultes)

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    (Photos prises lors de la projection de Plein soleil en copie restaurée dans le cadre du Festival de Cannes 2013.)

    Alain Delon disait régulièrement de René Clément qu'il était pour lui le plus grand réalisateur mais surtout le plus grand directeur d’acteurs au monde. Sa présence à l’occasion de la projection de Plein soleil à Cannes Classics en 2013 fut donc une évidence. L’acteur avait par ailleurs tenu à ce qu’il ne s’agisse pas d’un hommage à Alain Delon mais d’un hommage à René Clément.

    Rappelons que Delon devait d’ailleurs au départ interpréter le rôle que Maurice Ronet jouera finalement et, malgré son jeune âge (24 ans alors), il avait réussi à convaincre Clément (et d’abord sa femme…) de le faire changer de rôle.

    Une longue ovation avait accueilli Alain Delon dans la salle Debussy où avait été projeté le film. Ce dernier était visiblement très ému par l’accueil qui lui avait été réservé lors de la montée des marches mais aussi dans la salle. Voici, ci-dessous en italique, avant ma critique du film, la retranscription de sa présentation du film, pleine d’émotion, d’humour et d’élégance. Un beau moment de cinéma et d’émotion.

    « C’est gentil de dire bravo et de m’applaudir mais attendez de voir le film, peut-être que vous allez être déçus, a-t-il répondu, avant de remercier son « très cher » Bertrand [Delanoe] et la Ministre de la Culture pour lui avoir fait « l’honneur et le bonheur » de l’accompagner dans la montée des marches. « C’est un grand moment pour moi. Je veux que vous sachiez que ma présence ici est avant tout un hommage, un hommage que je veux rendre à mon maître absolu, René, René Clément. Le 17 Mars passé, René aurait eu 100 ans et j’aurais tellement aimé qu’il soit là ce soir. Je sais qu’il aurait été bouleversé. « Plein soleil », ça a été mon 4ème film. Personne ne savait qui j’étais. Lorsque ce film est sorti il a fait la tour du monde et ça a été un triomphe, de l’Est à l’Ouest, de la Chine à l’Argentine, et ce film a été la base de toute ma carrière et ça je le dois à René qui m’a dirigé à ce moment-là comme personne. Tout de suite après, j’ai eu la chance de faire « Rocco et ses frères ». C’est après la vision de « Plein soleil » que Visconti a décidé « je veux que ce soit Alain Delon qui soit mon Italien du Sud ». J’avais plein de choses à dire mais là vous m’avez tellement coincé, dans la rue, ça a été extraordinaire donc vraiment merci René, merci de tout ce qu’il m’a donné car ce film, je n’aurais pas eu la chance de le faire en 1959, je ne sais pas où je serais, sûrement pas là ce soir. Après « Rocco et ses frères », il y a eu un autre Clément « Quelle joie de vivre » puis « Le Guépard ». Vous voyez qu’on peut commencer plus mal. Comme Luchino m’a toujours expliqué « la première chose qu’il faut c’est des bases » et avec Clément j’ai eu mes bases, voilà. Je voudrais avoir une pensée aussi ce soir pour quelqu’un qui m’était tellement cher qui est Maurice Ronet. Il riait tout le temps, il s’amusait de cela. Il disait « tu sais nous sommes les deux meilleurs amis du monde et dans tous les films il faut que tu me tues ». On n’a jamais compris mais c’était comme ça. Et puis une pensée pour Elvire Popesco qui fait une apparition qui était ma patronne et ma maîtresse de théâtre et enfin des gens que vous n’avez pas connus mais certains ici savent de qui je parle, les producteurs qui ont été formidables avec moi dans ce film et dans d’autres, ce sont les frères Robert et Raymond Hakim. Je vais vous laisser voir ce film que je qualifie d’exceptionnel, d’extraordinaire mais vraiment extra-ordinaire. Ceux qui ne l’ont pas vu vont comprendre, ceux qui l’ont déjà vu vont se le remémorer et vous verrez en plus une copie remasterisée. Vous allez voir ce qu’est un film remasterisé, on a l’impression qu’il a été tourné la semaine dernière. Bonne soirée. Bon film. Pour terminer, car je sais qu’il y a ici quelques sceptiques, quelques douteux, je voudrais simplement leur dire que l’acteur qui joue dans ce film le rôle de Tom Ripley, il y a 54 ans, c’est bien moi. »

    Dans ce film de 1960, Alain Delon est Tom Ripley, qui, moyennant 5000 dollars, dit être chargé par un milliardaire américain, M.Greenleaf, de ramener son fils Philippe (Maurice Ronet) à San Francisco, trouvant que ce dernier passe de trop longues vacances en Italie auprès de sa maîtresse Marge (Marie Laforêt). Tom est constamment avec eux, Philippe le traite comme son homme à tout faire, tout en le faisant participer à toutes ses aventures sans cesser de le mépriser. Mais Tom n’est pas vraiment l’ami d’enfance de Philippe qu’il dit être et surtout il met au point un plan aussi malin que machiavélique pour usurper l’identité de Philippe.

    Plein soleil est une adaptation d’un roman de Patricia Highsmith (écrite par Paul Gégauff et René Clément) et si cette dernière a été très souvent adaptée (et notamment le roman Le Talentueux Monsieur Ripley, titre originel du roman de Patricia Highsmith qui a fait l’objet de très nombreuses adaptations et ainsi en 1999 par Anthony Minghella avec Matt Damon dans le rôle de Tom Ripley), le film de René Clément était selon elle le meilleur film tiré d’un de ses livres.

    Il faut dire que le film de René Clément, remarquable à bien des égards, est bien plus qu’un thriller. C’est aussi l’évocation de la jeunesse désinvolte, oisive, désœuvrée, égoïste, en Italie, qui n’est pas sans rappeler La Dolce vita de Fellini.

    Cette réussite doit beaucoup à la complexité du personnage de Tom Ripley et à celui qui l’incarne. Sa beauté ravageuse, son identité trouble et troublante, son jeu polysémique en font un être insondable et fascinant dont les actes et les intentions peuvent prêter à plusieurs interprétations. Alain Delon excelle dans ce rôle ambigu, narcissique, où un tic nerveux, un regard soudain moins assuré révèlent l’état d’esprit changeant du personnage. Un jeu double, dual comme l’est Tom Ripley et quand il imite Philippe (Ronet) face au miroir avec une ressemblance à s’y méprendre, embrassant son propre reflet. La scène est d’une ambivalente beauté.

    Si Plein soleil est le quatrième film d’Alain Delon, c’est aussi son premier grand rôle suite auquel Visconti le choisit pour Rocco et ses frères. Sa carrière aurait-elle était la même s’il avait joué le rôle de Greenleaf qui lui avait été initialement dévolu et s’il n’avait insisté pour interpréter celui de Tom Ripley ? En tout cas, avec Plein soleil un mythe était né et, ensuite, Delon considéra toujours Clément comme son « maître absolu ». Ils se retrouveront d’ailleurs peu après pour les tournages de Quelle joie de vivre (1960), Les Félins (1964) et enfin Paris brûle-t-il ? (1966).

    Face à lui, Ronet est cynique et futile à souhait. Le rapport entre les deux personnages incarnés par Delon et Ronet est d’ailleurs similaire à celui qu’ils auront dans La Piscine de Jacques Deray 9 ans plus tard, le mépris de l’un conduisant pareillement au crime de l’autre. Entre les deux, Marge se laisse éblouir par l’un puis par l’autre, victime de ce jeu dangereux mais si savoureux pour le spectateur qui ne peut s’empêcher de prendre fait et cause pour l’immoral Tom Ripley.

    L’écriture et la réalisation de Clément procurent un caractère intemporel à ce film de 1960 qui apparaît alors presque moins daté et plus actuel que celui de Minghella qui date pourtant de 1999 sans compter la modernité du jeu des trois acteurs principaux qui contribue également à ce sentiment de contemporanéité.

    Plein soleil, c’est aussi la confrontation entre l’éternité et l’éphémère, la beauté éternelle et la mortalité, la futilité pour feindre d’oublier la finitude de l’existence et la fugacité de cette existence.

    Les couleurs vives avec lesquelles sont filmés les extérieurs renforcent cette impression de paradoxe, les éléments étant d’une beauté criminelle et trompeuse à l’image de Tom Ripley. La lumière du soleil, de ce plein soleil, est à la fois élément de désir, de convoitise et le reflet de ce trouble et de ce mystère. Une lumière si bien mise en valeur par le célèbre chef opérateur Henri Decaë sans oublier la musique de Nino Rota et les sonorités ironiquement joyeuses des mandolines napolitaines. L’éblouissement est celui exercé par le personnage de Tom Ripley qui est lui-même fasciné par celui dont il usurpe l’identité et endosse la personnalité. Comme le soleil qui à la fois éblouit et brûle, ils sont l’un et l’autre aussi fascinants que dangereux. La caméra de Clément enferme dans son cadre ses personnages comme ils le sont dans leurs faux-semblants.

    Acte de naissance d’un mythe, thriller palpitant, personnage délicieusement ambigu, lumière d’été trompeusement belle aux faux accents d’éternité, Plein soleil est un chef d’œuvre du genre dans lequel la forme coïncide, comme rarement, avec le fond, les éléments étant la métaphore parfaite du personnage principal. Plein soleil, un film trompeusement radieux par lequel je vous conseille vivement de vous laisser éblouir !

    En complément : retrouvez, ici, mon article hommage à Alain Delon publié le 18 août dernier.

    Prochain article : la critique de Quand vient l'automne de François Ozon

  • 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville (6-15 septembre 2024) : présentation du programme, à la hauteur de cette édition anniversaire !

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    Ce matin avait lieu la conférence de presse du 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville. Je vous en détaille le programme ci-dessous avec quelques flashbacks sur les 49 précédentes éditions. Cet article sera régulièrement mis à jour avec les prochaines annonces jusqu'à l'ouverture, le 6 septembre.

    Les 100 ans des Planches. Les 50 ans du Festival du Cinéma Américain de Deauville. Cette année, le cœur de Deauville est en fête ! Qui aurait prédit une destinée aussi éblouissante à ce festival quand, en 1975, Lionel Chouchan et André Halimi, sous l'impulsion de Michel d'Ornano, alors Maire de Deauville, et de Lucien Barrière, alors Président du groupe éponyme, ont eu l’idée de le créer ?

    Ce cinquantième anniversaire s’annonce à la hauteur de l'évènement. Grandiose ! Avec, notamment :   un Prix d’honneur du festival remis à Michael Douglas pour sa cinquième venue à Deauville, un hommage l’un des plus grands documentaristes au monde Frederick Wiseman et à l’un des plus grands cinéastes classiques contemporains James Gray (dont le dernier film, d'une amère beauté, Armageddon time avait été présenté à Deauville en 2022, cette fois il donnera une master class le lundi 9 septembre) ; un coup de projecteur sur la success story d’un jeune réalisateur indépendant qui a fait ses premiers pas à Deauville, Sean Baker (l'occasion de découvrir Anora, palme d'or du Festival de Cannes 2024, c'est également Sean Baker qui remettra le Grand Prix de cette édition, le 14 septembre) ; des hommages à deux des plus prestigieuses et talentueuses comédiennes du cinéma américain qui recevront chacune un Deauville Talent Award, Natalie Portman (le 14 septembre) et Michelle Williams (le 12 septembre) ;  la mise en lumière de deux personnalités montantes d’Hollywood, Daisy Ridley et Sebastian Stan mais aussi la venue de Francis Ford Coppola (le 13 septembre) avec la projection de Megalopolis, les projections de Beetlejuice beetlejuice de Tim Burton ou encore de Finalement de Claude Lelouch, en présence de toute l'équipe du film (Kad Merad, Sandrine Bonaire, Elsa Zylberstein...), en clôture du festival. Et bien sûr toujours les films en compétition et les Premières.  Le 13 septembre, le festival invitera les anciens présidents des jurys de la compétition. Par ailleurs, Jérôme Lasserre, directeur de la programmation, lors de la conférence de presse du festival, ce jour, a souligné la volonté de "se projeter vers le futur".  Carine Fouquier, directrice du CID, quant à elle, a annoncé la tenue  d’une exposition de photos consacrée à 50 ans d’histoire de l’évènement sur les terrasses du festival avec plus de 200 photos issues des archives du CID. Comme chaque année depuis la pandémie seront  projetés des films du dernier Festival de Cannes dans le cadre de L'Heure de la Croisette, parmi lesquels le bouleversant La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius.  Comme chaque année, le prix d'Ornano-Valenti sera un des temps forts du festival. Il sera cette année attribué à Rabia de Mareike Engel­hardt. Le festival proposera également une conversation avec Christophe Honoré autour du cinéma américain.

    Au programme cette année, ce seront plus de 100 films avec 170 séances, 70 équipes de film sur place et 14 films en compétition qu'auront a départager les deux jurys, le jury présidé par Benoît Magimel et le jury de la révélation présidé par Alice Belaïdi.

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    Deux ans après sa création, Deauville pouvait déjà s’enorgueillir de la présence de Gregory Peck, Sydney Pollack, et d’un jeune acteur nommé Harrison Ford. Les hommages et les nombreuses stars qui foulèrent ses planches désormais centenaires rendirent ce festival célèbre dans le monde entier : Vincente Minelli (1977), Sydney Pollack (1977, 2006), Kirk Douglas (1978, 2020),  Clint Eastwood (1980, 2000), Lauren Bacall (1989), Michael Douglas (1998, 2007 et 2013), Al Pacino (1999), Robin Williams (1999), James Ivory (2003), Francis Ford Coppola (2004), Steven Spielberg (2004), Andy Garcia (2009), Liam Neeson (2012),  Harvey Keitel (2012), John Williams (2012), Cate Blanchett (2013), Terrence Malick (2015), Morgan Freeman (2018). Et tant d’autres…

    Le sublime écrin pour cet évènement qu’est le CID qui l’accueillit dès 1992 et la création de la compétition de films indépendants en 1995 le firent entrer dans la légende et dans le cœur des cinéphiles. Ce festival n’est en effet pas seulement la vitrine des films des studios qu’il fut à ses débuts, il est aussi désormais l’antre des cinéphiles, et un découvreur indéniable de talents. Le premier jury, présidé par le réalisateur Andrei Konchalovsky, récompensa ainsi Tom Di Cillo pour Ça tourne à Manhattan (1995). Lui succédèrent notamment des films aussi marquants que Dans la peau de John Malkovich de Spike Jonze (1999), Collision de Paul Haggis (2005), Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valérie Faris (2006), Take shelter de Jeff Nichols (2011), Whiplash de Damien Chazelle (2014), Aftersun de Charlotte Wells (2022).

    Que de découvertes cinématographiques grâce à ce festival, a fortiori donc depuis l’instauration de la compétition en 1995, parmi lesquelles je vous recommande tout particulièrement :

    - Dans la peau de John Malkovich, premier film aussi malin que déroutant de Spike Jonze (Grand Prix 1999),

    -  Girlfight de Karyn Kusama (Grand Prix 2000),

    - Maria, pleine de grâce de Joshua Marston (Grand Prix 2004),

    - Collision (Grand Prix 2006), la magistrale œuvre chorale de Paul Haggis,

    -Little Miss Sunshine de Jonathan Dayton et Valerie Faris (Grand Prix 2006),

    - The Messenger de Oren Moverman (Grand Prix 2009). Premier film sans distributeur, un film émouvant sans être larmoyant ou outrancièrement mélodramatique sur les conséquences effroyables d'une guerre, ses plaies béantes et ses douleurs et horreurs indicibles et parfois niées.

    -  Take Shelter de Jeff Nichols (Grand Prix 2011) ,

    -  Les Bêtes du Sud sauvage de Benh Zeitlin (Grand Prix 2012). Un film universel, audacieux et dense, un hymne à la vie et l’espoir, au doux refuge de l’imaginaire aussi quand la réalité devient trop violente, un film d’une beauté âpre et flamboyante qui vous emmènera loin et vous accompagnera longtemps comme cette voix, ce regard et cette musique qui reflètent ce mélange de force et de magie, de grâce et de détermination ( une musique dont Benh Zeitlin est le coauteur) et, à l’image de son affiche, un feu d’artifices d’émotions. Un film rare.

    - Whiplash de Damien Chazelle (Grand Prix 2014)  L’amour de la musique de Damien Chazelle transparaît et transpire dans  chaque plan du film, une forme qui témoigne de ce que montre aussi le fond du film : l’art n’est pas (le plus souvent) une inspiration miraculeuse mais le résultat d’un travail passionné et acharné,

    - 99 homes de Ramin Bahrani (Grand Prix 2015). Un drame social et un thriller dans lequel la fin (sauver sa peau) justifie alors les moyens, tous les moyens.

    - Brooklyn village de Ira Sachs (Grand Prix 2016). Un film pudique, délicat, sensible avec des personnages humains, pas des super-héros mais des êtres faillibles et attachants écrits avec une extrême délicatesse, nuancés comme la vie.

    - The Rider de Chloé Zhao (Grand Prix 2017). Chloé Zhao réussit une œuvre  pleine de délicatesse et de subtilité sur un univers a priori rude et rugueux. Entre documentaire et drame intimiste. Un film qui  dresse le portrait poignant d’un personnage qui apprend à renoncer dont la force vous accompagne bien après le générique de fin et qui vous donnera envie de continuer à avancer et rêver envers et contre tout.

    - Thunder road de Jim Cummings (Grand Prix 2018). Bouleversant (et certes fantasque) portrait d’un homme désorienté et, au-delà, d’une Amérique déboussolée de laquelle une évasion semble possible, ou en tout cas un lendemain plus joyeux. Un personnage aussi excessif que fragile, dérouté que déroutant, interprété par un artiste plein d’énergie et de fantaisie.

    - The Nest de Sean Durkin (Grand Prix 2020). Carrie Coon et Jude Law par l’intensité et les nuances de leur jeu apportent la complexité nécessaire à ces deux grands enfants perdus que sont Allison et Rory. La musique, de plus en plus inquiétante, et la mise en scène, d’une élégante précision, épousent brillamment l’angoisse qui progressivement, s’empare de chacun des membres de la famille, se retrouvant bientôt tous isolés, dans le fond comme dans la forme, dans le manoir comme dans les problèmes qu’ils affrontent. La noirceur et la nuit s’emparent des âmes et des décors. Jusqu’à ce que, qui sait, la clarté et le jour ne se lèvent et le nid ne réconforte et recueille ses occupants.  Un scénario ciselé, une mise en scène élégante, des personnages brillamment dessinés au service d’un suspense haletant et d’un dénouement d’une logique à la fois surprenante et implacable.

    - Aftersun de Charlotte Welles (Grand Prix 2022). Aftersun est un film sublimement triste, comme un soleil d’été ardent soudain masqué après avoir ébloui avec intransigeance, comme l’insouciance et l’enfance et un père qui s’éclipsent avec une brusquerie déconcertante, peut-être à tout jamais. Film impressionniste sur quelques jours d’été entre un père et sa fille en Turquie. Tous deux au bord du vide, chacun à leur manière : la fin des illusions pour l’un, de l’enfance pour l’autre. Moment suspendu, instants faussement futiles, dont on devine vaguement qu’ils sont essentiels, qu’on voudrait retenir mais comme les grains de sable qui filent entre les doigts, déjà ils périclitent entre les mailles de la mémoire. Un film gracieux, d’une délicatesse mélancolique qui charrie la beauté fugace de l’enfance devenue songe et la saveur inégalable de ses réminiscences (floues). Et puis ce dernier plan ! Celui du vide et du mystère que laissent les (êtres et moments, essentiels) disparus, que laissent les instants futiles dont on réalise trop tard qu’ils étaient cruciaux, fragiles et uniques. Celui du manque impossible à combler. Celui du (couloir) du temps qui dévore tout. Renversant d’émotions. Vous chavirerez, aussi, surtout si votre soleil d’enfance a été dévoré par l’ombre…

    - LaRoy de Shane Atkinson (Grand Prix 2023) Des dialogues savoureux. Un humour noir réjouissant. Une musique particulièrement réussie et mémorable de Delphine Malausséna, Rim Laurens et Clément Peiffer. Le décor de cette petite ville trompeusement sereine dissimulant l’excentricité et le chaos intérieur des êtres vous hantera longtemps. Un bijou entre comédie et thriller. Jubilatoire.

    Mais Deauville, ce sont aussi les derniers blockbusters, les monstres sacrés du cinéma qui viennent fouler les planches et inaugurer leurs cabines. C’est nourrir son amour du cinéma avec les master class, et rêvasser en arpentant les planches dont la mélancolie joyeuse et envoûtante ne se retrouve nulle part ailleurs.  Il me semble parfois y voir cet homme avec son chien qui marche dans la brume et qui  fait penser à Giacometti (selon le personnage incarné par Jean-Louis Trintignant dans Un homme et une femme), sur la musique de Francis Lai.

    Deauville, c’est un tapis rouge auquel sied mieux le noir et blanc nostalgique. Et un tapis rouge souvent foulé sous un soleil éblouissant. Terre de contrastes et paradoxes. C’est Al Gore qui vient présenter son sidérant documentaire contre le réchauffement climatique et dire des « vérités qui dérangent ». Ce sont aussi les films au dénouement desquels flotte glorieusement et insolemment la bannière étoilée. Deauville, c’est la discrétion et la tonitruance. C’est Cannes sans l’exubérance. C’est le luxe avec la convivialité. Ce sont les premiers balbutiements de jeunes cinéastes et la consécration de leurs aînés. C’est Kirk Douglas qui marche difficilement mais non moins majestueusement sur la scène du CID. C’est James Coburn et son flegme légendaire qui envoûtent le Salon des Ambassadeurs. C’est Lauren Bacall qui vient accompagnée de Nicole Kidman. Le cinéma d’hier y côtoie celui d’aujourd’hui et l’un et l’autre s’enrichissent mutuellement. Deux époques se rencontrent, deux Amérique aussi. C’est ainsi Gus Van Sant qui vient présenter Gerry, la quintessence du film indépendant. C’est aussi Sylvester Stallone qui vient présenter son dernier film. C’est un festival qui satisfait à la fois les amateurs de cinéma d’action et les cinéphiles les plus exigeants, les spectateurs et les « professionnels de la profession ». Ce sont James Ellroy, Meryl Streep, Gena Rowlands, George Clooney, Steven Spielberg, Mick Jagger, Harrison Ford, Morgan Freeman ou tant d’autres qui stupéfient l’assistance lors de mémorables conférences de presse. C’est Cyd Charisse qui esquisse quelques pas de danse sur la scène du CID. C’est Paul Haggis qui y gagne ses premiers galons de réalisateur en remportant le grand prix du festival avec Collision. Ce sont Steve Buscemi ou Charlie Kaufman qui y donnent de passionnantes leçons de cinéma. C’est Joel Grey qui entonne avec grâce quelques notes dans un CID silencieusement attentif. C’est le charismatique Al Pacino qui ne peut retenir ses larmes d’émotion, instant inoubliable. Ce sont les applaudissement effrénés pendant la projection de  Tigre et Dragon d’Ang Lee. Ce sont Clint Eastwood, Tom Hanks, Morgan Freeman, Harrison Ford, Steven Spielberg, Sydney Pollack et tant d’autres prestigieux invités habitués des Planches. C’est la présence d’un trio inoubliable et inégalable : Spielberg-Lucas-Coppola. Ce sont Tom Di Cillo, Jonathan Nossiter, Karyn Kusama, John Cameron Mitchell, Damien Chazelle… qui ont vu leurs films présentés en compétition officielle, couronnés. Ce sont les derniers feux de l’été, souvent les plus brillants et intenses, qui auréolent les Planches d’une luminosité incomparable comme sortie d’un songe d’une nuit d’été. Deauville, c’est ainsi aussi le prix Michel d’Ornano qui récompense le meilleur traitement de scénario de long-métrage d’un jeune scénariste français.  Ce sont aussi les hommages qui ont amené à Deauville les plus grands noms du cinéma américain. Ce sont  les Docs de l’Oncle Sam pour découvrir un autre Amérique. 

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    33ème Festival du Cinéma Américain.  © Inthemoodforcinema.com.

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    35ème Festival du Cinéma Américain.  © Inthemoodforcinema.com.

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    Lucas et Coppola.  © Inthemoodforcinema.com.

    J'aurai le plaisir de couvrir ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2024, un festival auquel j'assiste depuis tant d'années qu'il serait indécent de les comptabiliser. Deauville restera mon premier festival de cinéma, celui dont je n'ai manqué une seule édition, celui qui a exacerbé ma passion pour le septième art et les festivals de cinéma. Evidemment, je ne pouvais donc pas manquer son cinquantième anniversaire. Cette édition commencera le 6 septembre et s'achèvera le 15 septembre.

    Vous pourrez ainsi retrouver mon interview dans le magazine Normandie Prestige 2024 dans lequel je vous parle de ma passion pour ce festival. Dans ce même magazine, vous pourrez aussi lire mon bilan de l'édition 2023 du Festival du Cinéma Américain, à retrouver aussi sur Inthemoodfordeauville.com, ainsi que mes articles sur les précédentes éditions du festival. Vous pouvez lire le magazine Normandie Prestige en ligne sur Calameo, ici.

    Après avoir eu l'honneur d'être sélectionnée au Festival Livres et Musiques en mai dernier et de dédicacer dans le cadre majestueux des Franciscaines, j'aurai aussi le plaisir de dédicacer de nouveau mon roman La Symphonie des rêves à Deauville, pendant ce festival, le samedi 6 septembre, le matin, à la librairie du Marché de Deauville. 

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    Voici donc, en détails, le programme de cette 50ème édition :

    - l'invité d'honneur : Michael Douglas.

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    - le  Président du jury : Benoît Magimel. Il sera entouré de :

    . Ludivine Sagnier (comédienne)
    • Ibrahim Maalouf (trompettiste, musicien & compositeur)
    • Elias Belkeddar (réalisateur, scénariste & producteur)
    • Émilie Dequenne (comédienne)
    • Agathe Riedinger (réalisatrice, scénariste & photographe)
    • Damien Bonnard (comédien)
    • Lou Lampros (comédienne)
    • Martin Bourboulon (réalisateur & scénariste)

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    Pho­tos : Benoit Magi­mel © Arno Lam – Char­lette Stu­dio / Ludi­vine Sagnier © Denis Boulze / Ibra­him Maa­louf © Boby / Agathe Rie­din­ger © Romain Rachlin / Damien Bon­nard © Marie Rouge / Mar­tin Bour­bou­lon © Arno Lam

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    A l’occasion du 50ème Festival du cinéma américain de Deauville, Laurent Vallet, Président-directeur général de l'Institut national de l'audiovisuel (INA), remettra la Distinction numérique de l'INA à Benoit Magimel, Président du jury, sur la scène du Centre international de Deauville. Cette distinction, représentée par une tablette numérique, contient l'intégralité du patrimoine audiovisuel français concernant l'acteur et réalisateur, soit plus de 86 heures de télévision et près de 26 heures de radio.
    Cette cérémonie se déroulera le samedi 7 septembre à 20h avant la projection en avant-première du nouveau film de Tim Burton, BEETLEJUICE BEETLEJUICE.

    -la composition du jury de la révélation :  Alice Belaï­di – Pré­si­dente (comé­dienne), Emma Benes­tan (réa­li­sa­trice & scénariste), Salim Kechiouche (comé­dien, réa­li­sa­teur & scénariste), Iris Kal­tenbäck (réa­li­sa­trice & scénariste), Karid­ja Tou­ré (comé­dienne)

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    Alice Belaï­di © Andreas Rentz / Salim Kechiouche © Vincent Pes­ci / Karid­ja Tou­ré © Tho­mas lemarchand

     

    -Les deux jurys devront départager les films suivants :

    LISTE DES FILMS EN COMPETITION :

    • BANG BANG de Vincent Gra­shaw
    • COLOR BOOK de David For­tune - Pre­mier film
    • DADDIO de Chris­ty Hall - Pre­mier film
    • EXHIBITING FORGIVENESS de Titus Kaphar - Pre­mier film
    • GAZER de Ryan J. Sloan - Pre­mier film
    • IN THE SUMMERS d’Ales­san­dra Laco­raz­za Samu­dio - Pre­mier film
    • LA COCINA d’Alon­so Ruizpalacios
    • LES DAMNÉS de Rober­to Minervini
    • NOËL À MILLER’S POINT de Tyler Taor­mi­na
    • SING SING de Greg Kwe­dar
    • THE KNIFE de Nnam­di Aso­mu­gha - Pre­mier film
    • THE SCHOOL DUEL de Todd Wise­man Jr. - Pre­mier film
    • THE STRANGERS’ CASE de Brandt Ander­sen - Pre­mier film
    • WE GROWN NOW de Min­hal Baig

    LES PREMIERES

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    Voici les 10 films présentés dans la section « Premières » en présence des équipes :
    • A DIFFERENT MAN d‘Aaron Schimberg
    • ANORA de Sean Baker
    • BEETLEJUICE BEETLEJUICE de Tim Burton
    • LE ROBOT SAUVAGE de Chris Sanders
    • LEE MILLER d’Ellen Kuras
    • MEGALOPOLIS de Francis Ford Coppola
    • SILVER STAR de Lola Bessis & Ruben Amar
    • SPEAK NO EVIL de James Watkins
    • THE LAST STOP IN YUMA COUNTY de Francis Galluppi
    • THE THICKET d’Elliott Lester 

     

    LES HOMMAGES

    -L'actrice Natalie Portman recevra un Deauville Talent Award

    -L'actrice Michelle Williams recevra un Deauville Talent Award

    "Le Festival du cinéma américain a l’honneur de remettre un Deauville Talent Award à Michelle Williams en sa présence, afin de célébrer le talent d’un visage miroitant de l’Amérique et la liberté artistique admirable d’une actrice au parcours kaléidoscopique."

    - L'acteur Sebastian Stan recevra un prix Nouvel Hollywood

    - L'actrice Daisy Ridley recevra un prix du Nouvel Hollywood

    -L'actrice Mikey Madison recevra un prix du Nouvel Hollywood

    "Saluant le talent et l’audace, Le Festival du cinéma américain de Deauville est heureux d’accueillir Sebastian Stan pour lui remettre le Prix du Nouvel Hollywood en sa présence."

    - Le festival rendra hommage à Frederick Wiseman

    -Le Festival rendra hommage à James Gray. James Gray sera présent à Deauville pour une conversation exceptionnelle lundi 9 septembre. Pour cette 50e édition, à l'occasion de son hommage, le Festival du cinéma américain de Deauville propose au public une rencontre animée par Gaël Golhen (rédacteur en chef de Première) avec le réalisateur James Gray. La rencontre aura lieu lundi 9 septembre.

    L’intégralité de sa filmographie sera également projetée pendant le festival.

    Retrouvez mes critiques des films suivants en cliquant sur leurs titres :

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    La nuit nous appartient

    Two lovers

    The immigrant

    Armageddon Time

    FOCUS SUR SEAN BAKER, "L'AMERIQUE DE LA MARGE"

    "Le Festival découvre Sean Baker, alors jeune cinéaste émergent, en 2015 avec TANGERINE, qui obtient le Prix du Jury. Six ans plus tard, RED ROCKET remporte le Prix du Jury et le Prix de la Critique.
    Le Festival propose cette année de mettre en avant cet auteur à travers la présentation de son nouveau long métrage ANORA, lauréat de la Palme d’or cette année, et de ses quatre premières œuvres, inédites en France : FOUR LETTER WORDS (2000), TAKE OUT (2004), PRINCE OF BROADWAY (2008) et STARLET (2012)."

    LE PRIX D'ORNANO VALENTI

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    - Le Prix d’Ornano-Valenti sera offi­ciel­le­ment remis lors de la céré­mo­nie du Pal­ma­rès du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de Deau­ville, il sera attribué à RABIA de Mareike Engel­hardt, qui sor­ti­ra en salles le 27 novembre 2024.

    MON CINEMA AMERICAIN : CONVERSATION AVEC CHRISTOPHE HONORE

    "Pour cette 50e édition, le Festival du cinéma américain de Deauville propose au public une rencontre animée par Lily Bloom (animatrice de l’émission « Le Cercle » sur CANAL+) avec une personnalité majeure du cinéma français et président du Jury de la Révélation en 2006 : Christophe Honoré. Le  réalisateur, écrivain et metteur en scène échangera sur sa vision du cinéma américain en dévoilant sa filmothèque coup de cœur le samedi 14 septembre."

    LES FILMS DU FESTIVAL DE CANNES

    Découvrez les 3 films présentés dans la section « L'Heure de la Croisette » durant la 50e édition du Festival du cinéma américain de Deauville, en présence des équipes :
    • ALL WE IMAGINE AS LIGHT de Payal Kapadia
    • LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES de Michel Hazanavicius
    • PARTHENOPE de Paolo Sorrentino 

    FENÊTRE SUR LE CINEMA FRANÇAIS

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    Découvrez les films présentés dans la section « Fenêtre sur le cinéma français » durant la 50e édition du Festival du cinéma américain de Deauville, en présence des équipes :
    • FINALEMENT de Claude Lelouch - Première française
    • NI CHAÎNES NI MAÎTRES de Simon Moutaïrou - Première mondiale

    LES DOCS DE L'ONCLE SAM

    Découvrez les 6 films documentaires présentés dans la section « Les Docs de l'Oncle Sam » durant la 50e édition du Festival du cinéma américain de Deauville, en présence des équipes :
    • L’OMBRE DU COMMANDANT de Daniela Völker
    • LES DISPARUES de Sabrina Van Tassel
    • MY WAY de Thierry Teston & Lisa Azuelos
    • SHARON STONE : L’INSTINCT DE SURVIE de Nathalie Labarthe
    • SUPER/MAN : L’HISTOIRE DE CHRISTOPHER REEVE d’Ian Bonhôte et Peter Ettedgui
    • THE NEON PEOPLE de Jean-Baptiste Thoret

    PRIX NOUVELLE GENERATION

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    "Pour cette 50e édition anniversaire, le Festival du cinéma américain de Deauville a souhaité célébrer les nouvelles figures du cinéma de demain, en remettant un prix à un talent émergent, spécialement créé pour l’évènement. En cette année exceptionnelle, le Prix Nouvelle Génération est décerné à la réalisatrice Malia Ann, en sa présence, pour son premier court métrage, THE HEART."

    PRIX LUCIEN BARRIERE DU 50ème

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    Un jury composé des journalistes et écrivains François Armanet, Ariane Bois, Tiffany Gassouk, Colombe Schneck et Éric Neuhoff remettra le Prix littéraire Lucien-Barrière lors du Festival du cinéma américain de Deauville, sous la bienveillance de Béatrice Nakache Halimi.
    Le Prix littéraire Lucien-Barrière 2024 est décerné à Bien-être de Nathan Hill, en sa présence, publié aux éditions Gallimard, et traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Bru.

    50 FILMS AMERICAINS QUI ONT CHANGE NOS REGARDS SUR LE MONDE

    Les organisateurs ont également annoncé que,  pour son cinquantième anniversaire, le Festival du cinéma américain de Deauville mettrait en avant une sélection de 50 films qui ont changé nos regards sur le monde. 50 films américains, de INTOLERANCE de D. W. Griffith (1916) à ONCE UPON A TIME IN... HOLLYWOOD de Quentin Tarantino (2019), "sélectionnés en toute subjectivité pour leur manière d’avoir profondément façonné le 7e art au cours de son premier siècle d’existence, tant par leur technique, leur mise en scène, leur inventivité, leur audace, leur contenu et toutes les idées diverses qu’ils ont pu projeter."

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    MULHOLLAND DRIVE de David Lynch © StudioCanal

     À cette occasion, Deauville étend sa collaboration avec le cinéma Morny pour offrir aux festivaliers une deuxième salle de projection, où les films seront présentés par des talents ou des professionnels de l'industrie. Spécialement consacrée à cette rétrospective exceptionnelle, cette nouvelle salle incarnera un vaste panorama du cinéma américain, où les regards se croisent dans un miroir qui renvoie à notre passé, accompagne notre présent et prédit notre avenir.

    Voici la liste des 50 films en questions que je vous recommande tous.  Je vous propose par ailleurs la critique de l'un d'entre eux, en bas de cet article : Casablanca de Michael Curtiz.

     LISTE DES 50 FILMS

    1916       INTOLÉRANCE de D. W. Griffith

    1927       L’AURORE de Friedrich Wilhelm Murnau

    1932       FREAKS de Tod Browning

    1939       AUTANT EN EMPORTE LE VENT de Victor Fleming

    1940       LE DICTATEUR de Charlie Chaplin

    1941       CITIZEN KANE de Orson Welles

    1942       CASABLANCA de Michael Curtiz

    1942       TO BE OR NOT TO BE d’Ernst Lubitsch

    1946       LA VIE EST BELLE de Frank Capra

    1950       OUTRAGE d’Ida Lupino

    1950       EVE… de Joseph L. Mankiewicz

    1955       LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton

    1956       LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT de John Ford

    1959       AUTOPSIE D'UN MEURTRE de Otto Preminger

    1959       RIO BRAVO de Howard Hawks

    1959       MIRAGE DE LA VIE de Douglas Sirk

    1959       CERTAINS L’AIMENT CHAUD de Billy Wilder

    1960       PSYCHOSE de Alfred Hitchcock

    1961       WEST SIDE STORY de Robert Wise & Jerome Robbins

    1967       BONNIE AND CLYDE de Arthur Penn

    1968       2001, L'ODYSSÉE DE L'ESPACE de Stanley Kubrick

    1969       EASY RIDER de Dennis Hopper

    1969       LA HORDE SAUVAGE de Sam Peckinpah

    1970       WANDA de Barbara Loden

    1972       LE PARRAIN de Francis Ford Coppola

    1972       CABARET de Bob Fosse

    1973       L’EXORCISTE de William Friedkin

    1974       UNE FEMME SOUS INFLUENCE de John Cassavetes

    1975       VOL AU-DESSUS D'UN NID DE COUCOU de Milos Forman

    1976       NETWORK de Sidney Lumet

    1976       CARRIE AU BAL DU DIABLE de Brian de Palma

    1976       TAXI DRIVER de Martin Scorsese

    1977       LA GUERRE DES ETOILES de Georges Lucas

    1978       VOYAGE AU BOUT DE L'ENFER de Michael Cimino

    1982       E.T, l’EXTRA-TERRESTRE de Steven Spielberg

    1982       RAMBO de Ted Kotcheff

    1984       TERMINATOR de James Cameron

    1989       DO THE RIGHT THING de Spike Lee

    1990       EDWARD AUX MAINS D'ARGENT de Tim Burton

    1992       IMPITOYABLE de Clint Eastwood

    1997       BOOGIE NIGHTS de Paul Thomas Anderson

    1999       MATRIX des Wachowski

    1999       VIRGIN SUICIDES de Sofia Coppola

    2001       MULHOLLAND DRIVE de David Lynch

    2003       ELEPHANT de Gus Van Sant

    2007       ZODIAC de David Fincher

    2010       INCEPTION de Christopher Nolan

    2012       ZERO DARK THIRTY de Kathryn Bigelow

    2015       SPOTLIGHT de Tom McCarthy

    2019       ONCE UPON A TIME IN... HOLLYWOOD de Quentin Tarantino

    Critique de ONE UPON A TIME...IN HOLLYWOOD de Quentin Tarantino

     

    Critique de CASABLANCA de Michael Curtiz

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    On ne présente plus Casablanca ni Rick Blaine (Humphrey Bogart), le mystérieux propriétaire du bigarré Café Américain. Nous sommes en 1942, à Casablanca, là où des milliers de réfugiés viennent et échouent des quatre coins de l’Europe, avec l’espoir fragile d’obtenir un visa pour pouvoir rejoindre les Etats-Unis. Casablanca est alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Deux émissaires nazis porteurs de lettres de transit sont assassinés. Ugarte (Peter Lorre), un petit délinquant, les confie à Rick alors qu’il se fait arrêter dans son café.  C’est le  capitaine Renault (Claude Rains), ami et rival de Rick, qui est chargé de l’enquête tandis qu’arrive à Casablanca un résistant du nom de Victor Laszlo (Paul Henreid). Il est accompagné  de sa jeune épouse : la belle Ilsa (Ingrid Bergman). Rick reconnaît en elle la femme qu’il a passionnément aimée, à Paris, deux ans auparavant…

    Casablanca est un film qui contient plusieurs films, plusieurs histoires potentielles esquissées ou abouties, plusieurs styles et tant de destins qui se croisent.

    Plusieurs films d’abord. Casablanca est autant le portrait de cette ville éponyme, là où tant de nationalités, d’espoirs, de désespoirs se côtoient, là où l’on conspire, espère, meurt, là où la chaleur et l’exotisme ne font pas oublier qu’un conflit mondial se joue et qu’il est la seule raison pour laquelle des êtres si différents se retrouvent et parfois s’y perdent.

    C’est ensuite évidemment l’histoire de la Résistance, celle de la collaboration, l’Histoire donc.

    Et enfin une histoire d’amour sans doute une des plus belles qui ait été écrite pour le cinéma. De ces trois histoires résultent les différents genres auxquels appartient ce film : vibrante histoire d’amour avant tout évidemment, mais aussi comédie dramatique, film noir, mélodrame, thriller, film de guerre.

    Peu importe le style auquel il appartient, ce qui compte c’est cette rare alchimie. Cette magie qui fait que, 83 ans après sa sortie, ce film est toujours aussi palpitant et envoûtant.

    L’alchimie provient d’abord du personnage de Rick, de son ambiguïté.  En apparence hautain, farouche individualiste, cynique, velléitaire, amer, il se glorifie ainsi de « ne jamais prendre parti », de  « ne prendre de risque pour personne » et dit qu’ « alcoolique est sa nationalité » ; il se révèle finalement patriote, chevaleresque, héroïque, déterminé, romantique. Evidemment Humphrey Bogart avec son charisme, avec son vieil imper ou son costume blanc (qui reflètent d’ailleurs le double visage du personnage), sa voix inimitable, sa démarche nonchalante, ses gestes lents et assurés lui apporte un supplément d’âme, ce mélange de sensibilité et de rudesse qui n’appartient qu’à lui. Un personnage aux mille visages, chacun l’appelant, le voyant aussi différemment. Auparavant surtout connu pour ses rôles de gangsters et de détectives, Humphrey Bogart était loin d’être le choix initial (il fut choisi après le refus définitif de George Raft) tout comme Ingrid Bergman d’ailleurs (Michèle Morgan, notamment, avait d’abord été contactée), de même que le réalisateur Michael Curtiz n’était pas le choix initial de la Warner qui était William Wyler. On imagine désormais mal comment il aurait pu en être autrement tant tous concourent à créer cette alchimie…

    Cette alchimie provient évidemment du couple qu’il forme avec Ingrid Bergman qui irradie littéralement l’écran, fragile, romanesque, nostalgique, mélancolique  notamment grâce à une photographie qui fait savamment briller ses yeux d’une tendre tristesse. Couple romantique par excellence puisque leur amour est rendu impossible par  la présence du troisième personnage du triangle amoureux qui se bat pour la liberté, l’héroïque Victor Laszlo qui les place face à de cruels dilemmes : l’amour ou l’honneur. Leur histoire personnelle ou l’Histoire plus grande qu’eux qui  tombent « amoureux quand le monde s’écroule ». L’instant ou la postérité.

    Et puis il y a tous ces personnages secondaires : Sam (Dooley Wilson), le capitaine Renault, …,  chacun incarnant un visage de la Résistance, de la collaboration ou parfois une attitude plus ambiguë à l’image de ce monde écartelé, divisé dont Casablanca est l’incarnation.

    Concourent aussi à cette rare alchimie ces dialogues, ciselés, qui, comme le personnage de Rick oscillent entre romantisme noir et humour acerbe : « de tous les bistrots, de toutes les villes du monde c’est le mien qu’elle a choisi ». Et puis ces phrases qui reviennent régulièrement comme la musique de Sam, cette manière nonchalante, presque langoureuse que Rick a de dire « Here’s looking at you, kid » .

    Et comme si cela n’était pas suffisant, la musique est là pour achever de nous envoûter. Cette musique, réminiscence de ces brefs instants de bonheur à Paris, entre Rick et Ilsa, à La Belle Aurore, quand l’ombre ne s’était pas encore abattue sur le destin et qu’il pouvait encore être une « belle aurore », ces souvenirs dans lesquels le « Play it again Sam » les replonge lorsque Illsa implore Sam de rejouer ce morceau aussi célèbre que le film : As time goes by  ( la musique est signée Max Steiner mais As time goes by a été composée par Herman Hupfeld en 1931 même si c’est Casablanca qui a contribué à sa renommée).

    Et puis il y a la ville de Casablanca d’une ensorcelante incandescence qui vibre, grouille, transpire sans cesse de tous ceux qui s’y croisent, vivent de faux-semblants et y jouent leurs destins : corrompus, réfugiés, nazis, collaborateurs… .

    Des scènes d’anthologie aussi ont fait entrer ce film dans la légende comme ce combat musical, cet acte de résistance en musique (les partisans des Alliés chantant la Marseillaise couvrant la voix des Allemands chantant Die Wacht am Rhein, et montrant au détour d’un plan un personnage changeant de camp par le chant qu’il choisit) d’une force dramatique et émotionnelle incontestable.  Puis évidemment la fin que les acteurs ne connaissaient d’ailleurs pas au début et qui fut décidée au cours du tournage, cette fin qui fait de Casablanca sans doute une des trois plus belles histoires d’amour de l’histoire du cinéma. Le tournage commença ainsi sans scénario écrit et Ingrid Bergman ne savait alors pas avec qui son personnage partirait à la fin, ce qui donne aussi sans doute à son jeu cette intrigante ambigüité. Cette fin ( jusqu’à laquelle  l’incertitude est jubilatoire pour le spectateur) qui rend cette histoire d’amour intemporelle et éternelle. Qui marque le début d’une amitié et d’un engagement (le capitaine Renault jetant la bouteille de Vichy, symbole du régime qu’il représentait jusqu’alors) et est clairement en faveur de l’interventionnisme américain, une fin qui est aussi  un sacrifice, un combat pour la liberté qui subliment l’histoire d’amour, exhalent et exaltent la force du souvenir (« nous aurons toujours Paris ») et sa beauté mélancolique.

    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d’un personnage à l’autre avec beaucoup d’habileté et de fluidité, ses beaux clairs-obscurs se faisant l’écho des zones d’ombre  des personnages et des combats dans l’ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d’une beauté déchirante. Un film qui comme l’amour de Rick et Ilsa résiste au temps qui passe.

    Le tout concourant à ce romantisme désenchanté, cette lancinance nostalgique et à ce que ce film soit régulièrement classé comme un des meilleurs films du cinéma mondial. En 1944, il fut ainsi couronné de trois Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur film) et l’American Film Institute, en 2007, l’a ainsi classé troisième des cents meilleurs films américains de l’Histoire derrière l’indétrônable Citizen Kane et derrière Le Parrain.

    Le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires,  la cosmopolite Casablanca, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique As time goes by, la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario (signé Julius et Philip Epstein d’après la pièce de Murray Burnett et Joan Alison Everybody comes to Rick’s), le dilemme moral, la fin sublime, l’exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l’universalité de l’idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté font de ce film un chef d’œuvre…et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses.

    La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c’était un film parfait évoquant l’amour, le patriotisme, le mystère et l’idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l’on trouve rarement au cinéma. Je suis d’accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick’s Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C’est ça, la vraie magie du cinéma ».

    Un chef-d’œuvre à voir absolument. A revoir inlassablement. Ne serait-ce que pour entendre Sam (Dooley Wilson)  entonner As time goes by et nous faire chavirer d’émotion.

    Pour en savoir plus et pour réserver vos pass : 

    Le site officiel du Festival du Cinéma Américain de Deauville

    Téléchargez ici le programme officiel du 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

  • Alain Delon : hommage et souvenirs...

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     ©  Inthemoodforcinema.com. Remise de la palme d'or d'honneur à Alain Delon, le 19 mai 2019

    Définitivement, les héros de l’enfance ne sont pas éternels. Je n’ai jamais réussi à jeter ces cassettes sur lesquelles mon père m’enregistrait les films dans mon enfance, des films avec Gabin, Ventura et surtout Delon, beaucoup « de » Delon. Le temps et la même saleté de maladie auront emporté l’un et l’autre mais il reste encore ces cassettes avec leurs titres bien lisibles. L’accessoire survit toujours à l’essentiel, pour remuer le couteau dans la plaie, béante. C’est après avoir quitté l’un dans un cauchemar que, ce matin, j’apprends la mort de l’autre. La mort d’une autre part d’enfance, un peu aussi. Mais si les héros de l’enfance ne sont pas éternels, la magie du cinéma est toujours là, notre baume à l’âme, pour nous fait croire à leur immortalité.

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     ©  Inthemoodforcinema.com. Master class d'Alain Delon au Festival de Cannes, le 19 mai 2019

    J’ai d’abord pensé à ce 19 mai 2019. Étrange signe du destin que cette remise de la palme d’or d’honneur, à Cannes, le jour de mon anniversaire… Je n’oublierai jamais cet adieu à la scène, à la vie, bouleversant, après la projection du chef-d’œuvre de Losey, Monsieur Klein, dans lequel son personnage se laisse lui aussi emporter par la mort… Le 19 Mai 2019, j’avais donc rendez-vous avec les émotions de mon enfance, avec mes premiers élans passionnés pour le cinéma, avec le héros de Visconti, Clément, Deray, Verneuil, Losey, Giovanni, Melville, avec Tancrède, Roger Sartet, Robert Klein, Roch Siffredi, Gino sans oublier le glacial, élégant et solitaire Jef Costello.

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    Il y en eut bien d’autres rendez-vous avant cela : au théâtre, où il fut à chaque fois magistral (Variations énigmatiques, Les Montagnes russes, Sur la route de Madison, Love letters, Une journée ordinaire), au Festival de Cannes déjà, et même un rendez-vous professionnel manqué…

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     ©  Inthemoodforcinema.com. Première de la pièce de théâtre Love Letters

     
    Flashback…
     
    Je me souviens de ce Festival de Cannes 2010, lorsqu’il était venu présenter une version restaurée du Guépard. Je me souviens d’Alain Delon, devant moi, qui regardait l'écran avec tant de solennité, de nostalgie, de tristesse, comme ailleurs, dans le passé, comme s'il voyait une ombre du passé ressurgie en pleine lumière, pensant, probablement, comme il le disait souvent, à ceux qui ont disparu : Reggiani, Lancaster, Visconti.... 
     

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    C'était d'autant plus troublant que la scène de la réalité semblait faire étrangement écho à celle du film qui raconte la déliquescence d'un monde, la nostalgie d'une époque. Comme si Delon était devenu le Prince Salina (Lancaster dans le film) qui regarde avec mélancolie une époque disparaître. Palme d'or 1963 à l'unanimité. Pour moi, le plus grand film de l’Histoire du cinéma. Les décors minutieusement reconstitués d’une beauté visuelle sidérante. La sublime photo de Giuseppe Rotunno. Cette fresque tragique, une composition sur la décomposition d’un monde, dont chaque plan se regarde comme un tableau. Ses voluptueux plans séquences (notamment la scène du dîner pendant laquelle résonne le rire interminable et strident d’Angelica comme une insulte à l’aristocratie décadente, dîner au cours duquel se superposent des propos, parfois à peine audibles, faussement anodins, d’autres vulgaires, une scène autour de laquelle la caméra virevolte avec virtuosité, qui, comme celle du bal, symbolise la fin d’une époque). L’admirable travail sur le son. Le travail sur les couleurs (la séquence dans l’église où les personnages sont auréolés d’une significative lumière grise et poussiéreuse). Ses personnages stendhaliens. Ses seconds rôles judicieusement choisis. Le charisme de ses trois interprètes principaux. La noblesse féline de Burt Lancaster. La majesté du couple Delon-Cardinale. La volubilité, la gaieté et le cynisme de Tancrède (pour qui « il faut que tout change pour que rien ne change ») formidablement interprété par Alain Delon. La grâce de Claudia Cardinale. La musique lyrique, mélancolique et ensorcelante de Nino Rota. Une fresque romantique, engagée, moderne.  La lenteur envoûtante dont est empreinte le film qui métaphorise la déliquescence du monde qu’il dépeint. Magistrale immersion dont on peinera ensuite à émerger, hypnotisés par l’âpreté lumineuse de la campagne sicilienne, par l’écho du pesant silence, par la splendeur stupéfiante de chaque plan. Par cette symphonie visuelle cruelle, nostalgique et sensuelle dans laquelle l’admirateur de Proust qu’était Visconti nous invite à l’introspection et à la recherche du temps perdu.

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     ©  Inthemoodforcinema.com. 2013, Alain Delon lors de la projection au Festival de Cannes, de Plein soleil, en version restaurée 

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    Je me souviens, plus tard, toujours au Festival de Cannes, de la projection de Plein soleil en copie restaurée, en 2013, dans le cadre Cannes classics, à nouveau.  L’acteur avait alors déjà tenu à ce qu’il ne s’agisse pas d’un « hommage à Alain Delon mais d’un hommage à René Clément. René Clément « mon maître absolu » disait Delon. « Le 17 Mars passé, René aurait eu 100 ans et j’aurais tellement aimé qu’il soit là ce soir. Je sais qu’il aurait été bouleversé » déclara-t-il ce jour-là. Comme le soleil qui à la fois éblouit et brûle, dans Plein soleil, Ripley (Delon) et Greenleaf (Ronet) sont l’un et l’autre aussi fascinants que dangereux. La caméra de Clément enferme dans son cadre ses personnages comme ils le sont dans leurs faux-semblants. Acte de naissance d’un mythe, thriller palpitant, personnage délicieusement ambigu, lumière d’été trompeusement belle aux faux accents d’éternité, Plein soleil est un chef d’œuvre du genre dans lequel la forme coïncide comme rarement avec le fond, les éléments étant la métaphore parfaite du personnage principal.  

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     ©  Inthemoodforcinema.com. Alain Delon, Claudia Cardinale et Martin Scorsese lors de la projection au Festival de Cannes, du "Guépard" en version restaurée (2010)
     
    Delon aura pourtant mis du temps à revenir à Cannes, après ne pas avoir été invité au 50ème anniversaire en 1997.  Il était venu pour la première fois en 1961 pour Quelle joie de vivre de René Clément, puis pour L’Eclipse de Michelangelo Antonioni en 1962 (Prix du jury), pour Le Guépard de Luchino Visconti, et en 1976 pour Monsieur Klein de Joseph Losey qui n’avait pas reçu l’accueil que ce chef-d’œuvre aurait mérité.
     
    Et puis donc 2019. La remise de la palme d’or d’honneur et la projection de Monsieur Klein avaient été précédées d’une master class d’1h30 lors de laquelle le temps avait été suspendu (mon récit complet, ici). Il semblait au tout début un peu contrarié d’être là, (plutôt tout simplement une manière pudique de masquer son émotion) et, pourtant, comme lorsque la caméra se met à tourner, lorsque son tour de parler vint, de parler de ces cinéastes et acteurs qu’il a tant aimés et admirés, il était le Alain Delon de notre enfance à nouveau, là, devant nous, captivés. « Parle comme tu parles, écoute comme tu écoutes. Fais tout comme tu le fais. Sois toi. Ne joue pas. Vis. Cela m’a marqué toute ma vie. Ce départ avec Yves. Je n’ai jamais joué de ma vie dans tous les films que j’ai faits. Je vis mes rôles. Je ne joue pas. La différence essentielle entre un comédien ou un acteur… Il y a des comédiens absolument fabuleux comme Belmondo qui ont pris des cours. Et des gens comme moi. Et comme Lino… » a-t-il commencé à raconter, et des indications que lui donnait Yves Allégret.

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    Et puis il y a eu l’extrait de Rocco et ses frères, un extrait avec Annie Girardot. Alain Delon a essuyé une larme. Nous étions presque gênés lorsque la lumière s’est rallumée, d’être là, avec lui dans ses souvenirs.  « Je n’étais pas venu ici pour chialer. C’est surtout cette scène merveilleuse avec Annie qui n’est plus là. Je l’aime. Elle m’aime. Et ce sacrifice que je fais, je le fais pour mon frère. Voir Annie comme elle est là, cela m’a tuée. Elle est magnifique. Cela m’a fait vraiment mal. »

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    Que ce soit à la cour de Bavière avec Ludwig, ou au palais Donnafigata avec le Prince Salina, avec Visconti, c’est toujours d’un monde qui périclite et de solitude dont il est question mais aussi de grandes familles qui se désagrègent, d’être promis à des avenirs lugubres qui, de palais dorés en logements insalubres, sont sans lumière et sans espoir. Face à Annie Girardot, Alain Delon illumine ce film sombre de sa beauté tragique et juvénile et montre ici toute la palette de son jeu, du jeune homme timide, fragile et naïf, aux attitudes et aux craintes d’enfant encore, à l’homme déterminé. Une palette d’autant plus impressionnante quand on sait que la même année (1960) sortait Plein soleil de René Clément, avec un rôle si différent. La réalisation de Visconti reprend le meilleur du néoréalisme et le meilleur de la Nouvelle Vague avec une utilisation particulièrement judicieuse des ellipses, du hors champ, des transitions, créant ainsi des parallèles et des contrastes brillants et intenses. Il ne faudrait pas non plus oublier la musique de Nino Rota qui résonne comme une complainte à la fois douce, cruelle et mélodieuse.  Un film d’une beauté et d’une lucidité poignantes, sombres et tragiques, porté par de jeunes acteurs (Delon, Girardot, Salvatori…), un compositeur et un réalisateur déjà au sommet de leur art.  Rocco et ses frères a obtenu le lion d’argent à la Mostra de Venise 1960.

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    Et puis il y eut ce moment où il raconta une fois de plus l’incendie des studios Jenner, évoquant Melville : « Et il regarde brûler sa vie, ses studios, ses films, ses lettres, ses bouquins. Tout brûlait. Et à un moment. (Il m’appelait toujours mon coco.) Et on regarde sa vie brûler et il me fait "Mon coco, notre oiseau, NOTRE oiseau…". Sa vie brûlait, sa carrière brûlait, et il pensait à notre piaf qui était en train de brûler et rien d’autre. Mon coco, notre oiseau… » a-t-il raconté, la voix étranglée par l’émotion. Ce film, Le Samouraï, ne serait sans doute pas devenu un chef-d’œuvre sans la présence d’Alain Delon (que Melville retrouvera pour Le Cercle rouge, en 1970, puis dans Un flic en 1972) qui parvient à rendre attachant ce personnage de tueur à gages froid, mystérieux, silencieux, élégant dont le regard, l’espace d’un instant face à la pianiste, exprime une forme de détresse, de gratitude, de regret, de mélancolie pour ensuite redevenir sec et brutal. N’en reste pourtant que l’image d’un loup solitaire impassible d’une tristesse déchirante, un personnage quasiment irréel (Melville s’amuse d’ailleurs avec la vraisemblance comme lorsqu’il tire sans vraiment dégainer) transformant l’archétype de son personnage en mythe, celui du fameux héros melvillien.  Avec ce film noir, polar exemplaire, Melville a inventé un genre, le film melvillien avec ses personnages solitaires ici portés à leur paroxysme, un style épuré d’une beauté rigoureuse et froide et surtout il a donné à Alain Delon l’un de ses rôles les plus marquants, étant sans doute assez proche de ce qu’il était : ce samouraï charismatique, mystérieux, élégant et mélancolique au regard bleu acier, brutal et d’une tristesse presque attendrissante, et dont le seul vrai ami est un oiseau. Rôle en tout cas essentiel dans sa carrière que celui de ce Jef Costello auquel Delon lui-même fera un clin d’œil dans Le Battant.

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    Mais revenons à ce 19 mai 2019. Son départ de cette scène. Un adieu déchirant aux feux de la rampe. Il a d’abord évoqué son personnage dans Monsieur Klein :
     « J’ai voulu faire ce personnage justement parce que c’était tout ce que je n’avais jamais fait, tout ce que je n’étais pas. Lonsdale au moment de la Rafle me court après. La fin n’était pas comme ça. La fin, il me rejoignait, m’arrêtait et m’enlevait de la rafle. C’est là que j’en ai parlé à Joseph et je lui ai dit, je ne veux pas ça, je veux aller jusqu’au bout. Je veux vivre comme le Robert Klein que je ne suis pas. Je veux faire la Rafle du Vel d’Hiv. Je suis emporté. Je sais où je vais. On va m’amener dans le métro, dans le train, et je veux cette fin-là. »
     Quelques minutes plus tôt, il était arrivé sous les acclamations effrénées et émues de la salle, des cinéphiles, beaucoup (trop ?) de politiques, et quelques rares personnalités du cinéma (Bertrand Tavernier, Pierre-William Glem). Il était là, dans la rangée située dans le prolongement de la mienne. Tandis que Thierry Frémaux évoquait sa carrière, mon regard ne pouvait s’empêcher de dévier vers lui. Sa fille lui remettait les boutons de sa chemise. Leurs mains se caressaient et s’enlaçaient. Sans doute savait-il ce qu’il allait dire, ces mots poignants, définitifs. Peut-être espérait-il d’autres présences. Sans doute pensait-il à tous ses disparus. À ses larmes que Thierry Frémaux a qualifiées « de bonheur », il a précisé qu’elles étaient « des larmes, pas seulement de bonheur » en ajoutant : « Je n’ai jamais pleuré devant autant de personnes. » « Ce soir, c’est un peu un hommage posthume, mais de mon vivant. Maintenant, je sais que ce qui est difficile, c’est de partir parce que je vais partir. Mais je ne partirai pas sans vous le dire et sans vous remercier. Parce que tout ma vie j’ai fait le mieux que je le pouvais  ».  Après la remise de sa palme d'or d'honneur, il est revenu au micro et a également terminé par ces mots, la voix étranglée par les sanglots « Avant de partir, je voudrais simplement vous dire que je pense à Mireille et à Romy ».  Alain Delon a ensuite quitté la salle pour que soit lancée la projection de Monsieur Klein. Comme le plan final d’un film bouleversant. Le départ du héros.

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     ©  Inthemoodforcinema.com. Remise de la palme d'or d'honneur à Alain Delon, 19 mai 2019
     
     À l’issue de la projection, Alain Delon est revenu au milieu du silence, suivi de quelques timides applaudissements. Comment ne pas être ému, emporté par ces mots d'un homme qui nous dit ainsi adieu et par le film, et quel film ? ! Comment ne pas établir de parallèle, et ne pas en être bouleversé davantage encore, entre Monsieur Klein qui se laisse emporter par la mort et Alain Delon qui nous annonçait avoir choisi la même proche destinée ? Mais oubliant cet adieu déchirant, oubliant d'applaudir, oubliant ce chef-d'œuvre du septième art qui résonne pourtant comme un avertissement sur des dangers qui nous menacent encore, comme si nous étions amnésiques et ne voulions pas nous souvenir de cette Histoire, déjà chacun parlait du dîner à venir, du film suivant ou de la fête à ne pas manquer, forcément celle où vous n'étiez pas. Une actualité et une émotion en chassent une autre. Époque carnassière qui ne prend plus le temps et dévore tout. Même les héros de l'enfance. De mon enfance. Ce 19 mai 2019, le mien n'était plus depuis 6 ans bientôt et sans doute lui aussi aurait-il été bouleversé comme je l'ai été par ce moment. J'aurais aimé que la salle applaudisse à tout rompre pour dire un dernier merci, pour dire « ne partez pas », pour dire l'émotion du présent et de l'enfance, pour dire «  jouez encore pour nous » parce que de grands rôles encore peuvent vous attendre...
     
    Il y a un peu plus d’un mois, sur le quai d’une gare, après un festival de cinéma, le hasard a voulu que la personne avec laquelle je parlais soit rejointe par un producteur à qui, il y a 17 ans de cela, j’avais envoyé un scénario intitulé Les Orgueilleux que j’avais écrit pour Alain Delon. Un rôle parfait pour Delon m’avait dit à l’époque le producteur en question à qui je l’avais naïvement envoyé. Avec le recul, je ne vois plus que les défauts de ce projet. Du jour au lendemain, le producteur en question ne me donnait plus signe de vie. Et si je lui avais dit, sur le quai de cette gare, mon nom ne lui aurait certainement rien rappelé. De ce rendez-vous manqué subsista pourtant de nombreuses années un parfum de regret. En 2019, j'avais avec moi ce premier roman dans lequel Mélodie en sous-sol joue un rôle central. Et il s'en est fallu de eu que je puisse lui transmettre...
     Mais aurait-ce été bien de le rencontrer alors. Est-ce toujours bien de rencontrer les héros de son enfance… ? Je lui ai consacré quelques lignes dans La Symphonie des rêves, j'espère qu'elle lui rende l'hommage que sa légende mérite.
     
    Je vous laisse avec une citation de Henri Calet, que j’aime tout particulièrement, dont Alain Delon reprenait souvent les derniers mots, pour se qualifier : « C’est sur la peau de mon cœur que l’on trouverait des rides. Je suis déjà un peu parti, absent. Faites comme si je n’étais pas là. Ma voix ne porte plus très loin. Mourir sans savoir ce qu’est la mort, ni la vie. Il faut se quitter déjà ? Ne me secouez pas. Je suis plein de larmes. »
     
    Pour terminer, je vous encourage à (re)voir tous les chefs-d’œuvre qui ont jalonné la carrière d’Alain Delon qui en compte tant (quel acteur peut se vanter de compter autant de chefs-d'œuvre dans sa filmographie ? Aucun...), en espérant que les quelques mots qui précèdent vous auront donné envie d’en re(découvrir) quelques-uns, au premier rang desquels : Plein soleil (René Clément), Rocco et ses frères (Visconti), L’Eclipse (Antonioni), Mélodie en sous-sol (Antonioni), Le Guépard (Visconti), Les Félins (Clément), Le Samouraï (Melville), La Piscine (Deray), Le Clan des Siciliens (Verneuil), Borsalino (Deray), Le Cercle rouge (Melville), La Veuve Couderc (Granier-Deferre), Le Professeur (Zurlini), Deux hommes dans la ville (Giovanni), Monsieur Klein (Losey)…

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    Enfin, Je ne peux que vous conseiller le livre merveilleux de Laurent Galinon, « Delon en clair-obscur » (Mareuil Editions) qui vous parlera mieux de Delon que je ne saurais le faire et probablement mieux que quiconque n’a su le faire, réflexion passionnante sur le mystère, la solitude, la mélancolie et sur cet acteur « entier, contradictoire, complexe » qui « préfère la vulnérabilité de ses personnages à leur beauté ». (cf mon post Instagram du 22 juin 2024). A voir également, du même auteur : le remarquable documentaire du même Laurent Galinon Delon - Melville, la solitude de deux samouraïs.
     

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    Il y aura encore certainement « un Delon » à la télévision ce soir. Les héros de l’enfance, finalement, peut-être, ne meurent jamais….
     
    Pour terminer, vraiment cette fois, une citation extraite du livre précité, de Rilke : « Le beau n’est que le premier degré du terrible. »
  • Podcast cinéma : écoutez désormais "In the mood for cinema" et mes critiques de films sur Spotify

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    IN THE MOOD FOR CINEMA Le podcast de Sandra Mézière_20240716_165534_0000.png

    Après avoir enregistré quelques-unes de mes nouvelles littéraires (dont certaines d'une mauvaise qualité d'enregistrement pour laquelle je vous prie de m'excuser, je les réenregistrerai prochainement), je vous propose désormais mes critiques en podcast, sur Spotify (podcast "In the mood for cinema"), ici.

    Pour l'heure, je vous en propose sept, seot coups de cœur de cette année.

    Cliquez sur les titres pour accéder au podcast désiré :

    La Zone d'intérêt

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    Le Comte de Monte-Cristo

    La Bête

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    Hors-saison

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    Boléro

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    Les rois de la piste

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    Super papa

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  • Critique de SUPER PAPA de LÉA LANDO (au cinéma le 7 août 2024)

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    Retrouvez également cette critique en podcast (Podcast "In the mood for cinema" sur Spotify), ici.

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    « Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. » Goethe

    Quelle idée incongrue, penserez-vous, de commencer un article sur une comédie par une citation de Goethe. Trouver cette idée et cette citation incongrues, cela reviendrait à sous-estimer ce fameux « rôle social des illusionnistes ». Des « illusionnistes » dont l’audace possède le génie de nous faire croire à l’impossible. De nous évader du présent et de la réalité, souvent âpres. De nous permettre de renouer avec nos croyances enfantines. Et, le temps d’une séance de cinéma, de voir le monde avec des yeux écarquillés, candides et remplis d’espoir comme le sont ceux du petit Gabriel.

    Ainsi, Gabriel dit Gaby (Ismaël Bangoura) vient de perdre sa mère et se retrouve sous la garde de son père qui en devient le représentant légal, un comédien à la carrière poussive, prénommé Thomas Blandin dit Tom (Ahmed Sylla), aussi sympathique qu’immature, qui ne s’en est guère occupé jusque-là, qui a même oublié son anniversaire, et le traditionnel cadeau. N’ayant pas les moyens de lui offrir la console de jeu pour laquelle il avait de prime abord opté, il se rabat à la va-vite sur Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Seulement, le livre ne contient que des pages blanches. Pour maquiller sa maladresse, Tom raconte à son fils qu’il s’agit d’un livre magique dans lequel il suffit d’écrire ses rêves pour qu’ils se réalisent. Tom va alors tout mettre en œuvre pour redonner le sourire à son fils, et pour réaliser ses rêves les plus fous. Il se retrouve rapidement dépassé par son idée et par les souhaits extravagants de son fils. Sans compter que Tom vit en colocation chez son ami et « manager » Étienne (Julien Pestel) et son amie Mathilde (Louise Coldefy) et que la grand-mère du petit garçon (Zabou Breitman) est plus que méfiante quant aux capacités de ce grand enfant dégingandé à s’occuper d’un fils de 8 ans qui « a besoin d’un père, pas d’un affabulateur ». Et ce n’est pas son arrivée chez elle, en trombe, qui saccage ses plates-bandes, qui va la faire changer d’avis…

    Après cinq courts-métrages, Super papa est le premier long-métrage de la talentueuse, prolifique et éclectique Léa Lando : animatrice, chroniqueuse, autrice et humoriste, aussi à la manœuvre d’un excellent podcast intitulé Retour vers le début, que je vous recommande, dans lequel des artistes racontent leurs parcours et comment ils en sont arrivés à concrétiser leurs rêves (peut-être autrefois confiés à leurs livres magiques d’enfance...).

    Pour Super papa, Léa Lando s’est inspirée d’une touchante histoire vraie. Celle de son propre père qui, comme Tom dans le film, a inventé cette fable, celle du livre magique dans lequel il suffit d’écrire ses rêves pour qu’ils se réalisent. Une idée farfelue et généreuse qu’il avait eue après avoir acheté un simple bloc-notes à l’effigie du Petit Prince au petit frère de Léa Lando, Elie, alors qu’il pensait lui offrir le livre de Saint-Exupéry. Pour ne pas perdre la face, il avait alors prétendu que le livre était magique et que le petit garçon n’avait qu’à écrire des questions dans le cahier le soir avant de se coucher et que le Petit Prince y répondrait dans la nuit.

    Ismaël Bangoura, que vous avez peut-être déjà remarqué dans Le Règne animal de  Thomas Cailley, et qui fait partie de la troupe de la comédie musicale du Roi Lion, en ce moment au théâtre Mogador (dans laquelle il joue Simba enfant), incarne ce Gabriel angélique et attendrissant avec beaucoup de vitalité, un parfait « petit prince » pour l’amour duquel Tom est un super papa prêt à tout, même lui mentir pour voir ses yeux briller de joie et lui faire quitter le « mystérieux pays des larmes » pour reprendre une expression de Saint-Exupéry. L'alchimie fonctionne indéniablement à l'écran entre le Petit Prince et son super papa de cinéma.

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                                                 Copyright SND

    Louise Coldefy et Julien Pestel (les colocataires) forment un couple irrésistible, au premier rang d'un ensemble de seconds rôles judicieusement choisis : Sophie Vannier, Simon Zibi, Claudia Tagbo…

    Quant à Ahmed Sylla, qui a déjà une dizaine de films à son actif (L’Ascension de Ludovic Bernard, Chacun pour tous de Vianney Lebasque, Les Femmes du square de Julien Rambaldi, Un petit frère de Léonor Serraille, Comme un prince de Ali Marhyar…), il est un grand enfant désarmant d’humanité et de sincérité, trimballant une bonhomie qui attire immédiatement la sympathie, dès qu’il apparaît dans sa voiture jaune brinquebalante aux allures de jouet. Cela commence et se termine avec ce dernier sur scène mais, entre les deux, il aura appris à grandir, à trouver le sens de l'essentiel, à « voir avec le cœur » ce qui « est invisible pour les yeux. »

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    C’est aussi l’occasion de retrouver Zabou Breitman, aussi talentueuse en tant que réalisatrice (notamment des bouleversants Se souvenir des belles choses et Je l’aimais) qu’actrice, et toujours d’une justesse remarquable, comme elle l’est à nouveau ici en grand-mère inquiète, bougonne et hostile à son gendre en qui elle n’a aucune confiance pour s’occuper de son petit-fils adoré. Chacune de ses apparitions dans le film est réjouissante. Et quand elle dit avec une tendre colère : « Moi aussi j’ai envie de rire un bon coup », il semble que personne d’autre ne puisse prononcer ces mots ainsi, et être aussi désopilant avec une phrase aussi simple.


    Jezabel Marques fait aussi une apparition remarquée en James Bond Girl/Catwoman. Cette dernière avait signé un premier long-métrage magnifique dont un des personnages principaux était aussi un enfant ayant perdu un parent, le remarquable Sol, un film embrasé de douceur et de lumière. Je vous le recommande aussi au passage. Un film à l’image de la musique qui le porte et lui donne la note : un tango argentin chaleureux et mélancolique, réconfortant et nostalgique, qui étreint l’âme et entremêle force, délicatesse et sensualité. 

    Justement, c’est de nouveau le compositeur de la musique en question, Laurent Perez del Mar, qui a concocté la bande originale de Super papa, un compositeur pour les musiques duquel je vous avais déjà partagé mon enthousiasme, notamment il y a un an à l’occasion de la sortie de la tragi-comédie burlesque et mélancolique de Rémi Bezançon, Un Coup de maître, dont la sublime BO nous envoûte dès le début, avec ces notes qui ruissellent, rebondissent et tombent comme le feraient des gouttes cristallines sur un miroir, préfigurant les premiers mots du film, nous enjoignant à bien regarder, au-delà, puis à l'occasion de la diffusion de Tu ne tueras point,
    avec son thème d’une beauté entêtante, renversante et déchirante, un film d’une force saisissante de Leslie Gwinner qui alerte brillamment sur la place du handicap dans notre société et sur la place accordée à la différence et aux plus vulnérables, mais aussi à ceux qui les entourent (diffusé récemment sur France 2, disponible en replay, ici). Laurent Perez del Mar avait aussi composé la merveilleuse musique du chef-d’œuvre de Michael Dudok de Wit, La tortue rouge, dont la puissance romanesque hisse et propulse le film, et le spectateur, dans une sorte de vertige hypnotique et sensoriel d’une force émotionnelle exaltante, rarement vue (et ressentie) au cinéma. De nouveau, dans ce film de Léa Lando, sa musique apporte une valeur ajoutée et un supplément d’âme, un rythme surtout, à tel point que je me suis surprise à taper des pieds en cadence (ce qui peut sembler relativement normal et anodin ailleurs mais légèrement saugrenu, voire suspicieux, en séance presse) lorsqu’elle survient et inonde le film d’un entrain contagieux et d’une jubilation communicative. Ses notes réconfortantes ruissellent joyeusement. J’avais déjà employé ce verbe pour qualifier la musique d’Un Coup de maître mais, dans le film de Léa Lando, elles le font avec plus de douceur, comme une comptine, avec ces gouttes de guitare caressantes, ou ces violons qui la teintent d’une suave nostalgie et d’une cajoleuse mélancolie quand Gaby évoque sa mère disparue, dit qu’il ne sera plus jamais heureux et est envahi par la tristesse. Une musique qui s’emballe comme un élan romanesque, à l'unisson de l’imagination de Gaby, quand un de de ses rêves se réalise et que son visage s’illumine de joie. Ou qui devient plus emphatique, tambourine et s’emballe comme un cœur d’enfant en fête. Et quand il dit que la magie n’existe pas, la musique semble insinuer le contraire, apportant un malicieux contrepoint pour que le film ne sombre jamais vraiment dans la tristesse. Elle est aussi parfois ponctuée de notes facétieuses et d’éclats de joie. Elle devient « électrique » et trépidante (il me semblait que Bullitt allait débarquer d’un instant à l’autre) quand Gaby doit remplir sa mission tel un agent secret, et colorée et festive quand son père s’emploie à réaliser son souhait le plus farfelu. Comme dans certaines de ses précédentes BO, Laurent Perez del Mar a également composé une chanson mémorable. Dans Un Coup de maître, la chanson finale (All you’ve got interprétée par Laure Zaehringer) nous emportait comme une douce fièvre, harmonieuse et réconfortante. On se souvient aussi de l’exaltante chanson Believe avec Mani Hoffman dans La Brigade de Louis-Julien Petit. On retrouve ici la voix envoûtante et jazzy de Laure Zaehringer mais aussi Jim Bauer pour un titre que vous aurez envie de réécouter et de fredonner en quittant la salle, Fly away.

    Le scénario signé Léa Lando et Nathanael Guedj, rejoints pour l’adaptation et les dialogues par Fadette Drouard (auteure ou co-auteure de nombreux scénarios, notamment celui du brillant, instructif et palpitant -et injustement oublié des derniers César- La Syndicaliste de Jean-Paul Salomé), sur une idée originale de Léa Lando, dose subtilement tendresse, drôlerie, émotion et nostalgie. Et s’adresse aussi bien aux adultes qu’aux enfants. Les premiers auront envie d'empoigner leurs rêves sans perdre de vue l'essentiel. Les seconds seront forcément en empathie avec le petit Gaby. Les clins d’œil à James Bond, Love actually, voire à La bonne année (quand Ahmed Sylla se grime en vieux monsieur intrépide, il m’a rappelé Ventura dans le film de Lelouch) renforcent l’aspect gaiement ludique du scénario.


    Le super pouvoir ici, c’est celui, inestimable, de l’imaginaire qui suspend le vol du temps et du chagrin. Et celui de l’amour. D’un père pour son fils. Entre Tom et son « manager ». Entre Gabriel et sa grand-mère. Entre le couple de colocataires.  Cet amour qui, comme sa musique, inonde le film et « ruisselle ».

    De ces films qui nous donnent envie de savourer chaque seconde de l’existence, de ne pas oublier qu’elle peut être fauchée en plein vol, et de se concentrer sur l’essentiel. Un film empreint de douceur, tendrement drôle, ludique et jubilatoire. Mais aussi dénué de cynisme. D'une salutaire bienveillance. Et tant pis si ce substantif hérisse certains aigris, mais en ces temps troublés, en lesquels la réalité ressemble à un film insensé inventé par un démiurge démoniaque particulièrement retors, l’idée que nous pourrions posséder un livre magique qui exaucerait nos rêves (par exemple de sérénité, de remise en marche logique du monde) représente une respiration réconfortante. Sans aucun doute la comédie familiale de l’été, rythmée (grâce à la musique de Laurent Perez del Mar, au scénario, à l'alchimie entre les comédiens mais aussi grâce au montage signé Stéphan Couturier et Manon Illy), drôle, tendre et émouvante, avec en prime un rap du Président de la République dans un hélicoptère (si, si).

    Le film est dédié à la mère de Léa Lando et à son petit frère, Elie (dont c’est l’histoire et qui apparaît brièvement), récemment décédés, les personnes plus importantes de sa vie pour lesquelles elle a écrit ce film, comme le raconte la réalisatrice. Il ne fait aucun doute qu’ils seraient fiers d'elle et de son film qui est à l'image de ses personnages : plein de charme. Et que le public lui rendra l’amour que ce film charrie.  Une ode aux mensonges affectueux et à la force de l’imaginaire (et donc à la magie du cinéma) qui permettent d’édulcorer les fourberies de la vie quand des gens « disparaissent en claquant des doigts ». Je vous le garantis, petits ou grands enfants, l’émotion vous envahira à la fin.

    Selon Anatole France, « Vivre sans illusions, c’est le secret du bonheur ». Elles me semblent au contraire apporter d'indispensables éclairs de joie et d'évasion. Alors, écoutez Saint-Exupéry…et Léa Lando : « Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve. » Et hâtez-vous de rencontrer ce Super papa à la gaieté contagieuse et de découvrir ce que contient son livre magique, le 7 août au cinéma.