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FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE 2021

  • Documentaire - JANE PAR CHARLOTTE de Charlotte Gainsbourg (Festival du Cinéma Américain de Deauville 2021)

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    Les magnétiques. Tel est le titre du film lauréat du prix d'Ornano-Valenti de ce Festival du Cinéma Américain de Deauville 2021. Tel pourrait aussi être celui de ce documentaire. Parfois les films qui provoquent les voyages les plus intenses ne sont pas les plus clinquants ou démonstratifs. Plutôt que d’évoquer « Dune » (dont le principal mérite de sa projection à Deauville fut de nous permettre de mesurer l’impressionnant son immersif du Centre International de Deauville), quelques mots sur le documentaire projeté dans le cadre de « L’heure de la Croisette » intitulé  « Jane par Charlotte» dans lequel Charlotte Gainsbourg « capture l'instant présent » reprenant ainsi les mots et la démarche de Varda (le titre se réfère à "Jane B. par Agnès V") mais avec sa singularité et sa sensibilité, à fleur de peau. Un dialogue intime mais jamais impudique entre Gainsbourg et Birkin qui, pendant 3 ans et avec un dispositif minimaliste, au gré des voyages, du Japon à la Bretagne en passant par les États-Unis, et au gré de l’évocation des « petits riens » devient un dialogue universel entre une mère et sa fille, un zoom progressif d'une fille sur sa mère, sans fards. Jane Birkin y apparaît telle qu’elle est : sans méfiance, fantasque, empathique. Mais aussi seule, insomniaque, tourmentée. Tourmentée par les deuils et leurs chagrins inconsolables. La maladie. Le drame ineffable la perte de sa fille Kate. Le temps insatiable et carnassier qui altère la beauté et emporte les êtres chers. Au milieu de tout cela, la visite « comme dans un rêve » de la maison de la rue de Verneuil, l'ombre de Serge Gainsbourg et les silences éloquents et émouvants. Le portrait d’une femme majestueuse. Un portrait qui s’achève par la voix mélodieuse et les mots bouleversants de sa fille se livrant à son tour, enfin, et évoquant la peur terrifiante et universelle de la perte de sa mère et qui, par ce film, tente d'appréhender l'inacceptable, de l'apprivoiser, de retenir chaque poussière d’instant en compagnie de celle dont l'intermédiaire de la caméra lui permet paradoxalement de se rapprocher. Un bijou de tendresse et d’émotion portée par une judicieuse BO (de Bach aux interludes électroniques de Sebastian). D’humour aussi, d'humour beaucoup, grâce au regard décalé, espiègle et clairvoyant que Jane Birkin porte sur elle-même, la vie, les autres, mais aussi celui que sa fille porte sur sa mère. Un film comme elles, réservées et terriblement audacieuses : riche de leurs séduisants paradoxes. Léger dans la forme et teinté de touches de gravité. Libre aussi. Et encore cela : délicat, iconoclaste, éperdument vivant et attachant. Un documentaire qui, en capturant le présent et sa fragilité, nous donne une envie folle d’étreindre chaque seconde de notre vie et aux filles de s'accrocher à leurs mères comme elles deux dans ce dernier plan avec l'illusion d'empêcher ainsi l'inexorable, que la vague effroyable de l'impitoyable faucheuse ne les emporte un jour, à tout jamais...
    Je voudrais remonter le temps. Redevenir celle qui, en 1999, avait eu la chance de partager 5 jours mémorables avec Jane Birkin en tant que membre d'un jury qu'elle présidait au Festival du Film Britannique de Dinard (petite digression pour vous dire que la 32ème édition 2021 a lieu en ce moment, jusqu’au 3 octobre). Et lui dire à quel point sa bienveillance, cette confiance sans filtre envers les autres qui transpire dans ce documentaire, m'avaient émue...Et lui dire merci tout simplement.  Alors merci Jane et merci Charlotte Gainsbourg pour ce portrait qui entremêle les émotions, nuancé aussi à l'image du film de clôture de ce festival, le magistral dernier long-métrage de Yvan Attal, "Les choses humaines" dont je vous parlerai plus tard. "Jane par Charlotte" sort en salles le 27 octobre. Et vous l'aurez compris : je vous le recommande vivement. Et j'en profite aussi pour vous recommander un autre documentaire projeté dans le cadre des "Docs de l'oncle Sam" du Festival de Deauville ("L'État du Texas contre Melissa" de Sabrina Van Tassel dont je vous parlais ici il y a quelques jours).

    Rendez-vous sur mon compte instagram (@sandra_meziere) pour retrouver les vidéos de la présentation du film dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville.

  • "L'Etat du Texas contre Melissa" de Sabrina Van Tassel - Festival du Cinéma Américain de Deauville 2021 (Docs de l'Oncle Sam)

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    Quelques mots sur deux poignants documentaires projetés dans au 47ème Festival du Cinéma de Deauville : le premier fut projeté dans la section des "Docs de l'oncle Sam", le deuxième dans le cadre de "L'heure de la Croisette". Difficile a priori de comparer ces deux films même s'ils nous donnent envie de dévorer ou déguster (selon votre appétit de la vie) l'instant présent, car finalement, aussi différents soient leurs sujets, dans les deux la mort plane.


    "L'État du Texas veut me tuer". Ce documentaire commence ainsi, par ces mots terribles de Melissa et par des images chocs : devant les policiers qui l'interrogent et lui demandent de reproduire les gestes qui sont censés avoir provoqué la mort de sa fille, elle frappe violemment le dos d'une poupée symbolisant son enfant. Melissa Lucio reconnaît ainsi les faits dont elle est accusée : avoir provoqué la mort de sa fille de deux ans. Elle devient alors la première femme hispano-américaine condamnée à mort au Texas. Pauvre, droguée, mère de 14 enfants, elle est la coupable idéale...Depuis dix longues années, elle attend en prison l'application de l'implacable sentence. Ne lui reste qu'un seul recours : la cour suprême. Ce documentaire est une passionnante et bouleversante démonstration de son innocence mais aussi pour ceux qui n'en seraient pas encore convaincus, une édifiante démonstration de l'absurdité révoltante et abjecte de la peine de mort.


    Les intérêts politiques (le procureur montre ainsi à ses électeurs qu’il défend une justice intraitable), la corruption, la dissimulation des preuves attestant de son innocence (ses enfants qui l’auraient innocentée n’ont pas été appelés à témoigner), un avocat incompétent ont abouti à cette terrible injustice.

    Sa culpabilité qui apparaissait comme une évidence au début est démontée point par point ensuite et au fur et à mesure que les preuves irréfutables en sa faveur s'accumulent l'empathie du spectateur grandit pour cette accusée victime d'un destin tragique. Melissa a certes reconnu les faits, mais après un interrogatoire de plus de sept heures dans des conditions inhumaines interrogée inlassablement par des policiers menaçants  ayant pour seul objectif de lui faire avouer  alors qu’elle venait de vivre une tragédie, la perte de son enfant.

    Impossible de ne pas être révoltée par le sort inique qui lui est réservé alors que se dessine peu à peu le portrait d'une mère aimante, a fortiori quand un intervenant l’accuse d’avoir mérité ce qui lui arrive car elle a refusé de plaider coupable, ce qui lui aurait permis d’obtenir une peine « plus clémente » de trente années de prison.  


    Ce documentaire, avec une remarquable, rigueur réalise le travail de défense qui a manqué à l'accusé mais témoigne aussi de ce qu’est la peine de mort, un acte illogique et effroyable : le recours d'un État à un crime pour "punir" une personne accusée d'un autre crime ou quand la justice devient vengeance. Le documentaire met également en lumière les failles criantes du système judiciaire américain, véritable machine à broyer les individus.

    Un documentaire qui ne tombe jamais dans le pathos mais qui n'en est pas moins bouleversant, d'autant plus qu'il est porté par une réalisation soignée accompagnée par la BO interprétée en partie par le guitariste Dominic Miller. Un plaidoyer contre la peine de mort dont on ne peut qu'espérer qu'il change le terrible destin qu'il relate...On en ressort secoué, sonné, et plus que jamais indigné contre le non-sens terrifiant que représente la peine de mort...qu'elle s'applique à un coupable ou un innocent comme l'est incontestablement Melissa.


    À suivre, mon avis sur le formidable documentaire "Jane par Charlotte" de Charlotte Gainsbourg...

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  • Bilan et palmarès du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2021

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    L’ouverture au son des Moulins de mon cœur de Michel Legrand (ré)interprétés au piano par Steve Nieve, à l'image de l'affiche de cette édition, nous invitait à embrasser la vie, à nous étourdir de cinéma, pour nous éloigner de l'âpreté de l'actualité. Les films, toujours un instantané de l'Amérique contemporaine, nous y ramenaient cependant aussi, déconstruisant le rêve américain, explorant le besoin de (re)pères d’êtres désorientés, traquant le mensonge. Le portrait d’une Amérique déboussolée, en quête de vérité, se raccrochant aux liens familiaux souvent dépeints comme instables. Plus que jamais, le cinéma et ce festival se révèlent indispensables. Pour braquer la lumière sur les ombres du monde. Pour essayer de les éclairer. Mais aussi pour s’en évader.

    Stillwater de Tom McCarthy a ouvert cette foisonnante 47ème édition.
    Stillwater, c'est le nom de la ville d'Oklahoma de Bill Baker (Matt Damon) dont la fille emprisonnée à Marseille est condamnée pour meurtre. Polar, drame social, romance ce film est aussi le parcours initiatique d'un homme pétri de foi, religieuse et en l'innocence de sa fille, qui, d'Américain trumpiste et rustre, va peu à peu s'ouvrir à d'autres horizons. Un remarquable scénario pour une quête poignante et haletante.

    Le festival a également ouvert une nouvelle page avec sa Fenêtre sur le cinéma français. 6 films dont 5 avant-premières mondiales, qui s'ajoutaient à la cinquantaine de films américains sélectionnés. L’occasion de découvrir le dernier Lelouch, L’amour c’est mieux que la vie.  « La vie est le plus grand cinéaste du monde » a coutume de dire ce dernier. En 50 films, il n’a en effet eu de cesse de la célébrer. Celui-ci ne déroge pas à la règle. On retrouve ses « fragments de vérité », ses aphorismes, sa naïveté irrévérencieuse, les hasards et coïncidences et leur beauté parfois cruelle. Et des personnages toujours passionnément vivants dont celui incarné par Sandrine Bonnaire, lumineuse comme elle ne l’a jamais été.  

    C’est sur la musique de Morricone qu’a eu lieu l’hommage sobre à Belmondo le jour de sa disparition, devant une assistance bouleversée. Comment ne pas penser à un autre film de Lelouch, Itinéraire d’un enfant gâté dans lequel Belmondo incarne Sam Lion, un de ses plus beaux rôles ? Une magnifique métaphore du cinéma qui nous conduit croire à l’impossible, y compris le retour des êtres disparus et l'immortalité des héros de notre enfance.

    Comme chaque année, le prix d’Ornano-Valenti était un gage de talent, dévolu au film de Vincent Maël Cardona. Les Magnétiques. Titre qui sied magnifiquement à ce film enfiévré de sons et de musiques qui suinte la fougue, l’énergie, le désir, les certitudes folles, l’urgence ardente, la fragilité, le charme et la déraison de la jeunesse. Un vertige fascinant d’ondes et de lueurs stroboscopiques. Une expérience sensorielle qui vous donne envie d’empoigner et danser la vie, l’avenir et la liberté.

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    Dans la section L’heure de la Croisette initiée l’an passé sont regroupés les films du Festival de Cannes projetés à Deauville. L’occasion de découvrir notamment La Fracture de Catherine Corsini, tragicomédie sociale ébouriffante, dans laquelle elle marie avec brio les genres pour faire retentir ce cri d’alerte retentissant à la fois drôle et désespéré sur la fracture et les maux d’une époque. Mais aussi le prix du jury à Cannes, Un héros de Farhadi, histoire kafkaïenne sur les dérives des réseaux sociaux mais aussi sur les affres d’un pays, l’Iran.

    C’est aussi dans ce cadre que fut projeté le documentaire Jane par Charlotte de Charlotte Gainsbourg, présidente du jury 2021. Un dialogue intime mais jamais impudique entre Gainsbourg et Birkin. Fantasque. Empathique. Mais aussi seule et tourmentée. Par les deuils et leurs chagrins inconsolables. Le temps insatiable et carnassier qui altère la beauté et emporte les êtres chers. Un bijou de tendresse et d’émotion portée par une judicieuse BO, de Bach aux interludes électroniques de Sebastian. D’humour aussi grâce au regard décalé, espiègle et clairvoyant que Jane Birkin porte sur elle-même, la vie, les autres, mais aussi celui que sa fille porte sur sa mère. Un documentaire qui, en capturant le présent et sa fragilité, nous donne une envie folle d’étreindre chaque seconde de notre vie.

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    Parmi les autres documentaires remarquables, dans la section Docs de l’Oncle Sam, L'État du Texas contre Melissa de Sabrina van Tassel. Melissa est la première femme hispano-américaine condamnée à mort au Texas. Depuis dix longues années, elle attend en prison l'application de l'implacable sentence. Ce documentaire, avec une remarquable rigueur, réalise le travail de défense qui a manqué à l'accusé et met en lumière les failles criantes du système judiciaire américain, véritable machine à broyer les individus. Un plaidoyer contre la peine de mort sur le point de changer le destin qu'il relate.

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    Blue bayou de Justin Chon (compétition, prix du public) et Flag day de Sean Penn mettent en lumière la noirceur de destins tragiques, éblouis et terrassés par l'American dream. Le deuxième, se penche sur la relation chaotique d'une fille (Dylan Penn honorée d'un Deauville Talent Award) avec son père John (Sean Penn), escroc et menteur pathologique. La mise en scène et le montage sont à l'image de leur relation : chaotiques, morcelés, poétiques.  Le tout porté par une bo remarquable entre compositions de Joseph Vitarelli, standards rock-folk et Chopin, et une voix off qui instillent l'émotion.

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    Parmi les petits bijoux ce la compétition, John and the hole (prix de la révélation) de Pascual Sisto. Un premier long métrage d’une étrangeté fascinante. Des plans étirés et des dialogues sporadiques instillent le malaise accru par l’interprétation du Charlie Shotwell, mutique et inquiétant.

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    Cette édition 2021 ne fut pas avare d’évènements avec les « conversations ». Des rencontres avec Michael Shannon (récipiendaire d’un Deauville Talent Award), Johnny Depp, Oliver Stone. Des voix singulières qui clament et revendiquent leur indépendance et leur liberté, ne manquant pas de critiquer Hollywood et les médias.

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    La Première évènementielle fut cette année Dune dont le principal mérite de sa projection à Deauville fut de nous permettre de mesurer l’impressionnant son immersif du Centre International de Deauville.

    Cette 47ème édition s’est terminée avec Les choses humaines d’Yvan Attal, prenant de la première à la dernière seconde. La première, c’est Alexandre qui débarque à l’aéroport et qui, plein de sollicitude apparente, aide une femme avec sa valise. La dernière, c’est le visage face caméra de la victime qui l’accuse de viol. Entre les deux, 2h18 captivantes. Parce que les « choses humaines » ne sont ni manichéennes ni simples, l’intérêt du film est de les disséquer dans toute leur complexité et les restituer dans leur ambivalence. Tableau passionnant et nuancé de notre société dans laquelle, là encore, des mondes se côtoient sans se comprendre.

    Selon Truffaut « Le cinéma est un mélange parfait de vérité et de spectacle ». Le Festival du Cinéma Américain de Deauville plus que jamais en 2021 incarnait ce mélange parfait !

    PALMARES

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    Grand prix :

    Down with the King de Diego Ongaro

    Prix du jury :(ex-æquo)

    Pleasure de Ninja Thyberg

    Red Rocket de Sean S. Baker

    Prix de Fondation Louis Roederer de la Révélation 

    John and the Hole de Pascual Sisto

    Prix du public 

    Blue Bayou de Justin Chon

    Prix de la critique internationale 

    Red Rocket de Sean S. Baker

    Prix Nouvel Hollywood 

    Dylan Penn

    Deauville Talent Award 

    Michael Shannon

    Prix d'Ornano-Valenti 

    Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona

  • Critique - LES CHOSES HUMAINES de Yvan Attal - Première - Film de clôture - Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Présenté en clôture du festival et à la Mostra de Venise (hors compétition) « Les choses humaines » est l’adaptation du roman éponyme de Karine Tuil couronné du prix Interallié et du Goncourt des lycéens. Ce fut pour moi le film marquant de cette 47ème édition du Festival de Deauville et sans aucun doute un des meilleurs films de cette année.

    Alexandre (Ben Attal) étudiant à Stanford, issu d’une famille aisée, est le fils unique de Jean Farel (Pierre Arditi), un journaliste politique influent et de Claire (Charlotte Gainsbourg), une essayiste connue pour ses engagements féministes. Alexandre est de passage à Paris pour voir ses parents désormais séparés. Un soir, il passe dîner chez sa mère et son nouveau compagnon, Jean (Matthieu Kassovitz). Ce même soir, la fille de Jean, Mila (Suzanne Jouannet), issue d’une famille plus modeste, juive orthodoxe, accompagne Alexandre à une soirée. Le lendemain, la police débarque chez le père d’Alexandre où ce dernier séjourne. Mila accuse le jeune homme de l’avoir violée lors de la soirée précédente. Un avocat commis d’office (interprété par Benjamin Lavernhe) lui est attribué.

    Ce film est prenant de la première à la dernière seconde. La première, c’est Alexandre qui débarque à l’aéroport et qui, plein de sollicitude apparente, aide une femme avec sa valise. La dernière, c’est le visage face caméra de la victime. Entre les deux, 2h18 passionnantes qui permettent au spectateur de se forger une opinion. Le fait de société est traité tel un thriller, y compris dans sa réalisation, nerveuse, surtout dans les deux premières parties, épousant notamment le rythme de vie trépidant d’Alexandre qui semble tout « dévorer », vivre à perdre haleine. Le film se divise ainsi en trois parties : « Lui », « Elle », « Le Procès ». Les deux premières sont consacrées successivement aux deux protagonistes. Le spectateur est ainsi invité à connaître et comprendre chacun d’eux. La troisième est consacrée aux plaidoiries.

    Parce que les « choses humaines » ne sont ni manichéennes ni simples, l’intérêt du film est de les disséquer dans toute leur complexité. Y a-t-il une seule vérité ? L’innocence n’est-elle qu’une question de point de vue ? La violence est-elle un fait incontestable ou bien une question de ressenti ? À partir de quand peut-on considérer qu’il y a consentement ou qu’il est bafoué ?

    La troisième partie consacrée au procès aurait pu être rébarbative surtout que le cinéma nous en a tant donné à voir qu’il est difficile de croire que cela puisse encore être surprenant, inventif et captivant.  Et pourtant… Et pourtant, le spectateur est suspendu à chaque mot prononcé lors de ce procès, chaque parole constituant alors un indice sur la réalité des faits. Comme dans « La Fille au Bracelet » de Stéphane Demoustier, le tribunal devient le lieu de l’action et pas seulement de la parole. Yvan Attal cite en référence « 12 hommes en colère » de Sidney Lumet. De la même manière, le spectateur se retrouve immergé au cœur du procès, à se demander quelle aurait été sa réaction s’il avait dû juger en toute impartialité et s’il y serait parvenu. Sans aucun doute un des procès les plus passionnants qu’il m’ait été donné de voir au cinéma.

    Le scénario, particulièrement solide et habile, n’élude aucun personnage et c’est aussi ce qui constitue la richesse de ce film. Ce qu’on apprend des personnes qui gravitent autour des deux protagonistes permet aussi d’appréhender les faits sous un éclairage différent et de mettre en lumière les personnalités de la victime et de l’accusé. Alexandre a ainsi une mère féministe (bouleversante Charlotte Gainsbourg). Peut-on imaginer que son comportement soit ainsi à l’opposé des discours de sa mère ? Certes, mais son père (incarné par Pierre Arditi, remarquable) se conduit avec les femmes comme il se conduit dans son métier, avec cynisme, condescendance, domination. La scène avec sa stagiaire lors de laquelle il se conduit avec une répugnante obséquiosité et avec une désinvolture consternante est édifiante.

    Il n’y a pas non plus le cruel accusé et la gentille victime. Il y a surtout deux mondes qui s’affrontent. Deux perceptions de la réalité. Pour Alexandre « elle était consentante ». Pour son père même « c’est sûrement une folle. » Alexandre, c’est le fils arrogant, touchant même parfois, mais qui vit dans un milieu où la séduction n’existe pas vraiment, si ce n’est comme un jeu de faux-semblants dans lequel aucune des deux parties n’est censée être dupe de la finalité. Un monde où l’interdit et l’hésitation n’ont pas leur place. D’ailleurs avec son ex-petite amie (forte et ambitieuse, très différente de Mila) la relation était une passion violente, et celle-ci prendra sa défense au procès. Il ne semble ainsi envisager les rapports avec les femmes que sous cet angle.  Les rapports hommes/femmes ne sont que des rapports de force dont l’issue ne laisse pas de places au doute ou au refus. Dans le milieu d’Alexandre, on banalise des comportements au mieux désinvoltes et égoïstes, au pire brutaux. Il appartient à un univers social qui maîtrise des codes qui ne sont peut-être pas ceux de Mila. Un univers dans lequel tout s’achète et tout s’obtient. Un monde sans barrières. Sans obstacles. Sans refus envisageable. Il suit le modèle de son père qui ne considère pas vraiment les femmes si ce n’est comme l’objet de la satisfaction de son plaisir. Un objet, comme les autres, dont on s’empare et qui s’oublie aussitôt en attendant le suivant.

    Mila vient d’une famille juive croyante et pratiquante, d’un milieu plus modeste, plus mesuré, moins exubérant. Elle n’est d’ailleurs que l’enjeu d’un pari entre copains lors d’une soirée sous l’effet de substances diverses. Mila se contredit par ailleurs plusieurs fois quant à la contrainte qu’elle dit avoir subie. Elle dit avoir repoussé clairement Alexandre sans savoir non plus si elle le lui a réellement fait comprendre. La partie adverse laisse entendre qu’elle aurait aussi pu agir par vengeance, humiliée en découvrant que cette relation n’avait été que l’enjeu d’un pari. La scène du viol restera toujours hors champ, dans un local poubelles. Les minutes qui précèdent, Mila semble pourtant plus sous l’emprise que sous le charme d’Alexandre (même si le doute plane malgré tout, même si la frontière reste fragile) qui, lui, ne semble rien voir de la réaction apeurée qu’il provoque.

    Chacun semble donc avoir sa vérité. Alexandre paraît sincère quand il dit qu’il n’a peut-être pas perçu le refus de Mila. Mais si l’intention de nuire n’était pas là, son manque d’empathie (à laquelle le film nous invite au contraire, même à l’égard de l’accusé) et l’égoïsme de son comportement ne sont-ils pas tout aussi coupables ? Le ressenti de la victime n’est-il pas tout ce qui compte ? Sans doute, Mila, trop choquée pour y parvenir, n’a-t-elle pas réussi à faire comprendre qu’elle n’était pas consentante. Mais qu’elle ait ressentie cela comme un viol n’est-il pas tout ce qui compte ?

    Plus qu’un affrontement entre un homme et une femme, c’est donc l’affrontement entre deux mondes. L’arrangement financier proposé par le père d’Alexandre pour éviter un procès qui, selon lui, « risque de gâcher sa vie pour vingt minutes d’action » en témoigne violemment. De même, quand les policiers viennent chercher Alexandre au petit matin, il ne cesse de répéter : « Je ne sais pas de quoi vous parler, de qui vous parler. » « C’est forcément une erreur. »

    Les réactions des personnages sont comme elles le sont dans la vie, excessives ou mesurées, mais jamais caricaturales, aidées en cela par des dialogues particulièrement brillants, une réalisation au plus près de leurs visages et de leurs états d’âme, et un casting exceptionnel. En plus des acteurs précités, il faut nommer Mathieu Kassovitz, Audrey Dana, Benjamin Lavernhe, Judith Chemla. Et que dire de Suzanne Jouannet et de Ben Attal. Les deux révélations du film.  Leur criante justesse est pour beaucoup dans la crédibilité de l’ensemble. La première n’est jamais mièvre comme ce à quoi son rôle aurait pu la cantonner. Le deuxième est tour à tour exaspérant, presque attendrissant puis de nouveau irritant, et parfois tout cela en même temps. Le cataclysme que constituent l’accusation, l’arrestation puis le procès dans l’entourage est traité par petites touches subtiles, comme la relation entre la mère d’Alexandre et le père de Mila résumée en une scène dans un café, particulièrement émouvante, qui aurait eu toute sa place dans un film de Sautet qui affectionnait tant ces scènes de café, ces moments de non-dits, silences éloquents et dissonances.

    Ce film a presque inventé un genre, le thriller sociétal, qui dresse un tableau passionnant mais effrayant de notre société, dans laquelle des mondes se côtoient sans se comprendre, dans laquelle même dans l’ère post #Metoo des comportements inacceptables restent banalisés. Il questionne notre époque, et dans celle-ci le rapport à l’autre, à la vérité, au corps, à la sexualité. Il en est un instantané brillant et nuancé. Un film qui fait confiance à l’intelligence du spectateur à qui il appartiendra de se forger une opinion après ce plan de la fin et ce visage, poignant, qui pour moi apporte une réponse sur ces faits qu’Yvan Attal a eu la brillante idée de laisser hors champ. Mais pour chacun sans doute cette réponse sera-t-elle différente. Et là réside aussi le mérite de ce film :  susciter le débat sur la manière dont chacun perçoit les « choses humaines ». Et les restituer dans toute leur ambivalence. Un film qui m’a laissée bouleversée et KO comme au dénouement d’un thriller, palpitant.

    En salles le 1er décembre 2021

  • Critique - LES MAGNETIQUES de Vincent Maël Cardona - Prix d'Ornano-Valenti - Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona a obtenu aujourd'hui le prix d'Ornano-Valenti du Festival du Cinéma Américain de Deauville, toujours un gage de talent et de qualité. Il fut également présenté dans le cadre de la Quinzaine des Réalisateurs 2021. Il avait reçu le prix de la SACD. En bref, je vous donne quelques excellentes raisons de le découvrir, urgemment. Avant cela, son synopsis.

    Une petite ville de province au début des années 80. Philippe (Thimotée Robart) vit dans l’ombre de son frère, Jérôme (Joseph Olivennes), le soleil noir de la bande, extraverti, extravagant même. Entre la radio pirate, le garage du père (Philippe Frécon) et la menace du service militaire, les deux frères ignorent qu’ils vivent là les derniers feux d’un monde sur le point de disparaître. La première partie se déroule en province, entre la radio, le garage de leur père…et la belle Marianne (Marie Colomb), en stage dans le salon de coiffure local, la petite amie de Jérôme dont Philippe tombe fou amoureux. La deuxième partie se déroule à Berlin où Philippe effectue son service militaire, n’ayant pas réussi à se faire réformer.


    Ce sublime titre sied magnifiquement à ce film enfiévré de sons et de musiques qui est cela de la première à la dernière seconde. Magnétique !

    Le film débute le 10 mai 1981.  Quatre jours avant le premier tour de la Présidentielle 2022, voilà de quoi vous plonger dans l’ambiance de celle de 1981. Celle de l’’espoir et du sentiment de tous les possibles. Et d’un monde scindé en deux qu’on croyait à jamais révolu…Mais, surtout, si vous avez connu les années 1980, ce film vous insufflera forcément un parfum de nostalgie tout en étant d’une contemporanéité et modernité époustouflantes.

    Ce  film suinte la fougue, l’énergie, le désir, les certitudes folles, l’urgence ardente, la fragilité, le charme et la déraison de la jeunesse. Comme il y en a peu.

    Vous serez forcément emportés par ce maelstrom de sons, de musiques, d’émotions, ce vertige fascinant d’ondes et de lueurs stroboscopiques. Par ce montage visuel et sonore d’une inventivité rare qui sublime la puissance sensuelle des sons et de la musique. Une véritable expérience sensorielle.

    Vous serez aussi forcément fascinés par la mise en scène inspirée de Vincent Maël Cardona et ses nombreux moments d’anthologie, d’une déclaration originale sur les ondes, à une scène tout en pudeur et « magnétisme » sur la musique de Claude-Michel Schönberg. Sans oublier des plans dans l’embrasure d’une porte qui se répondent comme un hommage à John Ford.

     Vous serez forcément charmés par son héros timide et discret, interprété magistralement par Thimotée Robart (toute la distribution est d’ailleurs remarquable), un ancien perchman (une belle ironie pour un film qui met tant en valeur le son), avec sa voix qui vous emporte comme une mélopée qui vous dit : « La maladie de la jeunesse ce n'est pas de savoir ce qu'on veut mais de le vouloir à tout prix. Moi je sais ce que je veux. Je détestais ma voix. C'était tout ce que j'avais à l'intérieur tout ce que je voulais cacher. »

    Croyez-moi, ce film vous donnera envie d’empoigner, célébrer et danser la vie, l’avenir et la liberté.

    Et puis un film qui cite les Lettres à un jeune poète de Rainer Maria Rilke est forcément recommandable : « Les êtres jeunes, neufs en toutes choses, ne savent pas encore aimer ; ils doivent apprendre. »  Pour terminer, une autre citation de « Lettres à un jeune poète » (qui n’est pas dans le film mais qui pourrait s’appliquer à celui-ci) : « Si beaucoup de beauté est ici, c'est que partout il y a beaucoup de beauté. »

  • Critique de 99 HOMES de Ramin Bahrani- Hommage à Michael Shannon - Festival du Cinéma Américain de Deauville

     

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    "99 homes" a reçu le grand prix du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2015.

    Le film était projeté aujourd'hui à Deauville, dans le cadre de l'hommage à Michael Shannon, Deauville Talent Award 2022.

    Malgré leur diversité de styles, d’époques, de points de vue (14 films étaient ainsi présentés en compétition), des thématiques communes se dégageaient ainsi des films en lice du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2015 : des personnages avides de liberté, emprisonnés dans un quotidien étouffant, une vie qu’ils n’ont pas choisie à laquelle ils désirent échapper, englués dans les difficultés économiques, marqués par l’absence du père et/ou le deuil comme la métaphore d’un monde en quête de (re)pères et d’un nouveau souffle de liberté. Comme chaque année, cette compétition nous donnait à voir une autre Amérique, l’envers de l’American dream, les failles et blessures qui se cachent derrière l’étincelante bannière étoilée, la réalité souvent crue que le cinéma américain préfère habituellement dissimuler et édulcorer. En cela, ce fut une plongée passionnante dans une autre Amérique.

    Le film qui a reçu le Grand prix « 99 homes » de Ramin Bahrani explore d’ailleurs ces différentes thématiques. Un homme dont la maison vient d’être saisie par sa banque (Andrew Garfield), se retrouve à devoir travailler avec le promoteur immobilier véreux (Michael Shannon) qui est responsable de son malheur.

    Cela commence par une image choc. Un homme ensanglanté, mort, chez lui. Dès le début, musique, montage vif, caméra fébrile au plus près des visages contribuent à souligner le sentiment d’urgence, de menace qui plane.

    Si la situation est manichéenne: les autorités contre les propriétaires expulsés tels les méchants contre les gentils d’un western dont le film emprunte d’ailleurs les codes (à l’image du film qui a reçu le prix d’Ornano Valenti du festival, un de mes coups de cœur de ce festival, « Les Cowboys » de Thomas Bidegain), bien vite le spectateur décèle la complexité de la situation (notamment grâce au jeu plus nuancé qu’il ne semble de Michael Shannon, dont le cynisme se craquèle par instants fugaces), un « far west » des temps modernes dans lequel chacun lutte pour sa survie, au mépris de la morale.

    C’est l’envers de l’American dream. Dans cette Amérique-là, pour faire partie des « gagnants », tous les coups sont permis. Ramin Bahrani a retranscrit des situations réelles d’expulsion pour enrichir son film, lui apportant un aspect documentaire intéressant qui montre comment la machine (étatique, judiciaire, bancaire) peut broyer les êtres et les âmes.

    Dommage cependant que, pour appuyer un propos déjà suffisamment fort et qui se suffisait à lui-même, il ait fallu recourir à cette musique dont l’effet d’angoisse produit est certes incontestable mais qui est peut-être superflue.

    Le drame social devient alors thriller. La fin (sauver sa peau) justifie alors les moyens, tous les moyens. L’homme qui travaille pour le promoteur immobilier (avec lequel une sorte de relation filiale s’établit, l’un et l’autre ayant en commun de ne pas vouloir devenir ce que leurs pères furent, à tout prix), prêt à tout pour sauver sa famille, même faire vivre à d’autres le même enfer que celui qu’il a vécu (en essayant tout de même d’y mettre les formes) deviendra-t-il un parfait cynique ou finira-t-il par recouvrer une conscience, une morale? C’est autour de ce suspense que tient le film.

    La tension culmine lors de la scène finale, attendue, et qui finalement emprunte là aussi aux codes du western: la morale est sauve. N’est-elle pas un peu facile ? Je vous en laisse juges…

    « Sa force dramatique intense et son interprétation absolument exceptionnelle » ont convaincu le jury de lui attribuer le Grand prix comme l’a expliqué son président, le cinéaste Benoît Jacquot qui, lors de la clôture, a d’ailleurs précisé que le jury n’avait vu « quasiment que de bons films ». Un thriller social que je vous recommande.

  • Critique de JOHN AND THE HOLE de Pascual Sisto (Compétition - Festival du Cinéma Américain de Deauville)

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    John (Charlie Shotwell) ressemble à tous les collégiens de son âge ; élève moyen, il aime jouer aux jeux vidéo en ligne avec ses copains. En famille aussi, il se sent bien… Un jour, avec le drone que lui a offert son père, il découvre, par hasard, au fond de son jardin, un vieux bunker. Contre toute attente, il décide d’y enfermer sa sœur et ses parents après les avoir drogués...

    John se révèle rapidement différent des autres enfants : froid et détaché. Une atmosphère de menace latente pèse sur la famille qui vit dans une maison moderne et dénuée d’âme comme un miroir du jeune John. Les repas se déroulent dans un quasi-silence seulement rompu par des échanges sans intérêt. John est inscrit pour des compétitions de tennis, ce qui semble réjouir son père mais le laisser comme tout le reste : froid et indifférent. L’étrangeté s’immisce peu à peu et commence avec le mensonge de John qui raconte avoir perdu son drone pourtant toujours en sa possession.

    Il pose constamment des questions décalées et étranges pour son jeune âge. Avec son meilleur ami Peter, les jeux auxquels ils s’adonnent tournent souvent autour de la mort dans la piscine, ce qui ne fait que renforcer l’impression de menace sous-jacente. Une fois son plan diabolique mis à exécution, John considère ses parents et sa sœur avec une indifférence terrifiante comme s’ils étaient déshumanisés, comme des animaux de laboratoire ou comme des jouets inanimés.

    Les plans sont aussi maîtrisés et longs que les dialogues sont parcimonieux. Le spectateur est à l’affût du moindre indice, captivé par cette ambiance. Un jeu subtil de mise en abyme apparaît peu à peu par le truchement d’une mère qui  raconte à sa petite fille l’histoire de John et le trou, ajoutant encore un degré de mystère et d’étrangeté.

    Mystérieux, palpitant, singulier, glacial, glaçant, perturbant, ce premier long-métrage qui fait confiance au spectateur pour se créer son propre film (et cela fait un bien fou) doit aussi beaucoup à l’interprétation énigmatique et inquiétante du jeune Charlie Shotwell, déjà remarqué dans The  Nest et Captain Fantastic qui furent aussi projetés et récompensés à Deauville. Il y a du Haneke et du Lanthimos dans ce film mais surtout du Pascual Sisto, un cinéaste à part et sans aucun doute à suivre. Un film qui sort des sentiers battus qui bouscule et interroge. Une pépite à voir absolument !