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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2008

  • Critique de 16 LEVERS DE SOLEIL de Pierre-Emmanuel Le Goff

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    Sorti début octobre, présenté en clôture du doc corner du Festival de Cannes 2018 et, plus récemment, projeté dans le cadre du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, 16 levers de soleil de Pierre-Emmanuel Le Goff sera présenté au Cinéville de Laval, le jeudi 13 décembre à  19H30, pour  une projection exceptionnelle en 4K, en présence du réalisateur. Cette projection dans ma ville natale est une excellente raison d’évoquer à nouveau ce film remarquable. 

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    Précisons tout d'abord que si le documentaire s’intitule poétiquement 16 levers de soleil, c’est parce que la station spatiale fait le tour de la terre en 1H30, soit 16 levers de soleil en 24H.

    S'envoler pour l'espace : le rêve de tant d’êtres humains. C'est ce rêve que Thomas Pesquet a pu réaliser en décollant depuis la base de Baïkonour pour séjourner à bord de l’ISS (Station Spatiale Internationale), entre novembre 2016 et juin 2017, à 450 kilomètres de la Terre. Alors que, sous la station spatiale, les continents défilent à 28000 kilomètres heure (!), durant ces six mois où le monde semble basculer dans l’inconnu sous cet angle singulier, le réalisateur a eu la judicieuse idée de tisser un dialogue entre l'astronaute et l’œuvre visionnaire de Saint Exupéry que ce dernier a emportée dans la station spatiale, comme un trait d'union à travers l'espace-temps.

    « L'avenir, tu n'as pas à le prévoir mais à le permettre. » Citadelle.  C’est par cette citation de Saint-Exupéry que débute ce documentaire qui, à l’image d’un livre du célèbre écrivain, aviateur et reporter (dont les mots accompagnent parfois les images comme une douce mélopée) nous emmène d’emblée dans son univers, nous emporte dans son fascinant voyage, dans cette aventure hors du commun. Un voyage  poétique, onirique, intemporel et universel mais aussi très réaliste. 

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    "Faire grandir les hommes par la force des rêves". Quel plus beau programme que celui-ci ?  Pierre-Emmanuel Le Goff, Thomas Pesquet et le reste de l'équipe ont ainsi commencé à travailler avant le décollage, pendant l’entraînement,  une phase importante de la vie d’un astronaute ( et non moins passionnante ! ) que nous avons rarement l'occasion de suivre. Après un entraînement intensif et près de cinquante heures passées à bord de l’habitacle exigu de la fusée Soyouz, Pesquet débute ainsi son séjour de plus de six mois au sein de la fameuse station internationale.

     Ce film est d’abord une prouesse technique puisque c’est le premier long-métrage réalisé dans l’espace à partir de prises de vues en résolution 6K. Le réalisateur Pierre-Emmanuel Le Goff, déjà auteur de plusieurs  reportages télévisés sur Thomas Pesquet lui a ainsi  confié une caméra haute définition 6K. Il y avait par ailleurs plusieurs types de caméra à bord mais aussi une GoPro 4K spécialement préparée pour la sortie extravéhiculaire qui nécessitait une préparation particulière pour résister à des températures extrêmes (de – 100 à + 150 degrés Celsius !). Jamais des caméras d’une telle qualité n’avaient été utilisées que ce soit dans la station spatiale ou pour filmer des sorties extravéhiculaires. N’oublions pas non plus que, d'une part, la  station spatiale tourne à 28 000 km/h et, d'autre part que l’intérieur était très sombre alors que la terre était très lumineuse et que le jeu sur les lumières était là aussi une prouesse.

    C’est aussi une prouesse humaine au regard des journées chargées de Thomas Pesquet qui, en plus de ses expériences scientifiques, a réalisé ces prises de vue d’une beauté à couper le souffle, avec la volonté de partager au maximum et avec le plus grand nombre son expérience comme il l’a fait sur les réseaux sociaux pendant son extraordinaire périple. 

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    Thomas Pesquet ne filme pas seulement la terre vue du ciel mais aussi les scènes de la vie quotidienne qui n’ont, dans cet habitacle, plus rien de banal et en deviennent palpitantes. Tout à bord semble être devenu aventure ! Nous assistons ainsi aux repas de Thomas Pesquet et de ses co-équipiers (avec lesquels la complicité traverse l'écran), l’Américaine Peggy Whitson et le Russe Oleg Novitskiy. Nous le voyons aussi jouer au saxophone sous la coupole de la Station. Le compositeur de l'ensorcelante musique du documentaire Guillaume Perret a ainsi imaginé un morceau que l’astronaute a interprété à bord de l’ISS avec son propre saxophone (son instrument fétiche) amené par un cargo spatial. Le temps d'une chanson ou d'échanges avec la terre, l'expression "le temps suspend son vol" n'a jamais été aussi parlante.

    Le travail sur le son est également impressionnant. Parfois la bande sonore rappelle l'actualité (la  montée de la tension entre la Corée du Nord et les Etats-Unis  ou le non-respect de l'accord sur le climat) et la vitesse carnassière à laquelle ce monde-là tourne alors que, paradoxalement, de là-haut, la terre, majestueuse, irréelle, semble trompeusement paisible. Inoffensive face à la folie des hommes. Fragile aussi et surtout face à tous ces périls qui la menacent. Les sons parfois inquétants semblent être la complainte de cette terre qui crie, en vain, sa souffrance dans le silence.   Le montage a duré sept mois. Les repères temporels sont peu nombreux, donnés parfois par l'actualité qui résonne si étrangement vue de là-haut, ce qui rend le film encore plus intemporel et universel, et nous procure la sensation de pénètrer dans un univers parallèle. Même les déambulations en apesanteur dans la station spatiale sont fascinantes, comme une danse  aérienne dans un dédale exigu. 

    Ce documentaire (qui est d'ailleurs plus que cela : une expérience) est souvent contemplatif et enchanteur, parfois oppressant tant nous avons l'impression d'y être lors de scènes absolument incroyables qu'aucune fiction ne pourrait rendre aussi captivantes (puisque par définition nous savons qu'elles appartiennent à la fiction) comme lorsque Thomas Pesquet sort en scaphandre et filme ses pieds avec notre planète 450 kilomètres plus bas (la sensation de vide, d'infini, est vertigineuse et éblouissante)  sans oublier le décollage et l’atterrissage  du Soyouz au retour filmés de l’intérieur (le calme et la maîtrise de chaque geste de Pesquet et son confrère sont particulièrement impressionnants). Nous retenons littéralement notre souffle. J'ai d'ailleurs eu l'impression de retenir mon souffle du début à la fin du film, comme hypnotisée par un éblouissement perpétuel.

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     Plus qu'un documentaire, 16 levers de soleil est en effet une véritable expérience cinématographique à voir et vivre absolument. Je vous invite à suivre Thomas Pesquet dans son voyage (spatial et intérieur) six mois à bord de la Station Spatiale Internationale au rythme envoûtant des pensées de  Saint-Exupéry et du saxophone de Guillaume Perret.  Un instant hors du temps, dans une autre dimension, là où s'observent et se vivent 16 levers du soleil par jour (sidérants de beauté), là où le temps semble arrêter sa course folle.  Après 1H58, vous en ressortirez comme en apesanteur, avec un étrange sentiment de plénitude et aussi l'envie exacerbée de protéger cette planète, somptueusement fragile.  C'est mieux encore que Gravity ou Interstellar (lequel n'en est pas moins un voyage inoubliable aux confins de la galaxie, de la mort et de l’imaginaire que je vous recommande vivement et dont vous pouvez retrouver ma critique, ici), sans doute parce que la réalité confère à ce que nous voyons une dimension supplémentaire, un supplément d’âme. (Au passage, vous découvrirez aussi une belle référence au monolithe de 2001, Odyssée de l'espace).

    "Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve" écrivait aussi Saint-Exupéry. Encore une phrase qu'aurait pu prononcer Thomas Pesquet. Un rêve que ce documentaire captivant, sensoriel et intime, nous permet de partager pendant 2h. C'est inestimable alors ne vous en privez pas ! Prenez votre ticket pour le rêve et pour l'espace : vous ne le regretterez pas !

  • Critique de « Green zone » de Paul Greengrass avec Matt Damon…

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    Avec ce septième long-métrage, Paul Greengrass retrouve pour la troisième fois Matt Damon et s'attèle également pour la troisième fois au film « historique » après « Bloody Sunday » et « Vol 93 ».  Mais qu'allait donc donner cette collaboration entre le réalisateur et l'acteur qui, sous la direction de Paul Greengrass, pour la première fois n'incarne plus Jason Bourne mais l'adjudant-chef Roy Miller  dans cette adaptation du livre d'enquête de Rajiv Chandrasekaran?

    Pendant l'occupation américaine de Bagdad en 2003, ce dernier et ses hommes ont ainsi pour mission de trouver des armes de destruction massive censées être stockées dans le désert iraquien mais, d'un site à un autre où il ne trouve jamais rien, Roy Miller commence à s'interroger sur le véritable objectif de leur mission. C'est dans la Green zone (quartier fortifié du gouvernement provisoire irakien, des ministères et des ambassades) que se joue le sort du pays entre les mains de ceux pour qui il est un capital enjeu...

    Le premier grand atout de cette nouvelle collaboration Damon/Greengrass (et disons-le tout de suite,  de cette vraie réussite) c'est d'expliquer intelligemment et avec simplicité  tous les ressorts d'une situation aussi explosive que complexe. Ainsi,  chaque personnage incarne un point de vue sur la situation irakienne : le militaire américain qui remet en cause la position du Pentagone, l'Irakien (blessé lors de la guerre Iran/Irak et victime de ce conflit qui à la fois le concerne directement et l'ignore) qui souhaite avant tout que son pays aille de l'avant et le débarrasser des anciens acolytes de Saddam Hussein (les fameuses cartes comme si cette désolante et tragique mascarade n'était qu'un jeu), les militaires qui obéissent aveuglement au mépris des vies sacrifiées et au prétexte de l'objectif fallacieux dicté par la Maison Blanche (et pour couvrir cet objectif fallacieux), les journalistes manipulés et par voie de conséquence manipulateurs de l'opinion, le nouveau gouvernement incompétent choisi par l'administration américaine... et au milieu de tout ça, une population qui subit les conséquences désastreuses qui, aujourd'hui encore, n'a pas trouvé d'heureux dénouement.

     Le film de guerre se transforme alors en explication géopolitique imagée mais n'allez pas croire qu'il s'agit là d'un film soporifique comme son sujet aurait pu laisser le craindre. Caméra à l'épaule, réalisation nerveuse, saccadée, contribuant à renforcer le sentiment d'urgence, immersion dès le premier plan qui nous plonge en plein chaos... Paul Greengrass, avec son style documentaire et réaliste (il a même fait tourner de nombreux vétérans de la guerre en Irak), n'a pas son pareil pour créer une tension qui nous emporte dans le début et ne nous quitte plus jusqu'à la fin.  Côté réalisation le film lorgne donc du côté  des Jason Bourne surtout que Roy Miller, tout comme Jason Bourne est aussi en quête de vérité, pas celle qui le concerne mais qui implique l'Etat dont il est censé défendre les valeurs. Matt Damon avec son physique d'une force déterminée et rassurante  confirme une nouvelle fois la pertinence de ses choix.

    En signant le premier film à aborder frontalement le thème de l'absence des armes de destruction massive, Paul Greengrass n'épargne personne, ni l'administration Bush ( un dernier plan sur des installations pétrolières est particulièrement significatif quant aux vraies et accablantes raisons du conflit) ni certains militaires ni les médias ne sont épargnés.  Enfin des images sur une piètre vérité pour un film aussi explosif que la situation qu'il relate.

    Entre thriller et film de guerre, un film prenant en forme de brûlot politique qui n'oublie jamais, ni de nous distraire, ni de vulgariser une situation complexe, ni son objectif de mettre en lumière la sombre vérité. Courageux et nécessaire. A voir absolument !

     

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  • Critique de « New York, I love you » (film collectif)

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    ( Réalisateurs :  Mira Nair, Fatih Akin, Yvan Attal, Allen Hughes, Shekkar Kapur, Shunji Iwai, Joshua Marston, Brett Ratner, Jiang Wen, Natalie Portman, Jason Reitman.../ Acteurs: Andy Garcia, Julie Christie, Robin Wright Penn, Natalie Portman, Orlando Bloom, Ethan Hawke, Maggie Q et beaucoup d'autres ).

    Suivant le même modèle que  "Paris, je t'aime" (c'est d'ailleurs le même producteur, Emmanuel Benbihy qui est à l'origine du projet) pour lequel différents cinéastes avaient réalisé des courts-métrages immortalisant chacun une histoire d'amour dans un quartier parisien différent, dans « New York, I love you », autre ville emblématique du 7ème art où tant de caméras et non des moindres se sont promenées  ( celles de Woody Allen, Martin Scrosese et tant d'autres), différents cinéastes ont porté leur regard sur « big apple », chaque histoire d'amour étant le prétexte à la découverte d'un nouveau quartier.

     A la différence de « Paris je t'aime », pas de fondus au noir entre chaque film et les noms des cinéastes ne sont dévoilés qu'à la fin, ce qui contribue à créer une relative unité.  Par ailleurs, ici, entre chaque séquence, des transitions aident le spectateur à passer d'un quartier et d'un réalisateur à l'autre. (réalisées par Randall Balsmeyer) Parmi les impératifs imposés aux différents cinéastes : tourner deux jours seulement, sept jours de montage, et une histoire d'amour.

    Le risque était de tomber dans la carte postale, dans le dépliant touristique et d'oublier de porter un vrai regard et de véritablement nous raconter une histoire. New York, comme Paris, est une ville éminemment romanesque (peut-être justement parce que le cinéma l'a tant de fois immortalisée, contribuant à sa mythologie) où chaque lieu, chaque coin de rue sont propices à une rencontre impromptue, à la beauté fulgurante du hasard.

    On retrouve dans « New York, I love you » la même inégalité dans la qualité des segments proposés, inégalité inhérente au principe. Le procédé aurait pourtant dû être le moyen pour chaque cinéaste de montrer leur liberté, leur univers, de se révéler dans cette contrainte. Passée la déception de trouver un réel conformisme dans la forme et une vision assez académique de New York, on se laisse prendre au jeu et embarquer pour un tour de New York, de Chinatown (dans deux films), à Greenwich village en passant par Soho, le Diamond district... 

    C'est curieusement un Français (Yavn Attal) qui réalise deux des meilleurs courts, même s'il est vrai que leur principale qualité n'est pas réellement de nous faire découvrir New York, mais plutôt d'en retranscrire une atmosphère. Ils mettent en scène d'un côté Ethan Hawke et Maggie Q. et l'autre Robin Wright et Chris Cooper.  Deux courts qui se répondent d'ailleurs avec la même dose d'humour et  d'audace nocturne.

    J'ai aussi beaucoup apprécié  le très mélancolique segment de Shekhar Kapur qui nous fait suivre une éblouissante Julie Christie qui rencontre Shia LeBoeuf dans un mélange subtil de regrets et de rêve trouble et troublant. Allen Hughes, quant à lui, nous emporte avec sensualité et sensibilité, dans le second rendez-vous d'un couple d'amants entre crainte et souvenir langoureux du premier.

    Brett Ratner a, quant à lui, lui choisi l'humour, de même que Joshua Marston qui y ajoute une pincée de tendresse.

    Natalie Portman (réalisatrice d'un court et actrice d'un autre) est sans aucun doute meilleure devant que derrière la caméra, s'arrêtant à des intentions certainement louables mais un peu vagues et vaines. Quant au court dans lequel elle joue, réalisé par Mira Nair, c'est sans doute le moins réussi. Fatih Akin comme toujours filme des personnages cabossés par la vie ou du moins dont la fragilité affleure, ici un peintre mourant et une jeune herboriste chinoise. Je vous laisse poursuivre seul votre promenade new yorkaise afin qu'elle conserve quelques surprises...

    Malgré ses faiblesses, je vous recommande quand même de prendre le taxi (vous le prendrez beaucoup d'ailleurs pendant ce film) pour ce vagabondage dans New York et pour cette rencontre avec les destins qui s'y croisent et s'y lient, une promenade certes très consensuelle, mais avec quelques moments d'humour ou de magie qui valent largement le voyage, parfois mélancolique mais souvent léger et particulièrement plaisant à regarder... Prochain arrêt : Shanghai.

    En bonus, dans l'article suivant (ci-dessus donc), je vous propose la vidéo du court-métrage de Scarlett Johansson  « These Vagabond shoes » réalisé pour ce film collectif mais qui n'a finalement pas été retenu. Je vous en laisse juges...

    Suivez aussi les autres blogs "in the mood": In the mood for Cannes , In the mood for luxe et In the mood for Deauville .

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  • Critique - « Soul Kitchen » de Fatih Akin

     

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    Un film signé Fatih Akin est déjà une bonne raison d'aller le voir,  d'autant plus qu'avec « Soul Kitchen » ce dernier se lance pour la première fois dans la comédie.

    Zinos (Adam Bousoukos) est un jeune restaurateur d'origine grecque à Hambourg.  Il traverse une période difficile : sa copine Nadine (Pheline Roggan) est partie s'installer à Shanghai, les clients de son restaurant, le Soul Kitchen, boudent la cuisine gastronomique de son nouveau chef, aussi talentueux que caractériel, et des problèmes de dos viennent couronner le tout! Malgré tout, Zinos souhaite rejoindre Nadine en Chine, il confie donc son restaurant à son frère Illias (Moritz Bleibtreu)  , tout juste sorti de prison. Mais rien ne se passera comme prévu surtout qu'un promoteur immobilier (Birol Ünel) est prêt à tout pour acquérir le « Soul Kitchen ».

    Est-ce bien là un film signé par celui qui a écrit « De l'autre côté » ? On se le demande tant ce film, dans son écriture, en est à l'opposé, ce qui n'est certes pas un défaut en soi...

    Si l'idée d'un film à la forme désordonnée qui profite et nous fait profiter de l'instant sans se soucier de la scène suivante est en accord avec le caractère hédoniste du sujet et des personnages, ce caractère justement est censé impliquer que cela procure un certain plaisir au spectateur. Or, je me suis rarement autant ennuyée à l'exception de quelques scènes joyeusement loufoques qui franchissent néanmoins souvent la frontière du ridicule (scène du cimetière).

     Pourtant un film avec de la musique grecque, quand on connaît ma passion inconditionnelle pour ce pays partait avec un apriori plus que positif. Il faut d'ailleurs reconnaître que la bande originale est particulièrement réussie, ce qui parvient à raviver l'intérêt par intermittence. Heureusement, ce qui est rare dans les comédies : la réalisation est plutôt dynamique et inspirée, ce qui permet aussi d'oublier provisoirement les faiblesses, voir l'absence (certes assumée) de scénario (un comble pour celui qui avait obtenu le prix du scénario à Cannes en 2007). Un goût soudain pour la légèreté qui manque réellement de saveur même si on retrouve les thèmes habituels du cinéaste (ici survolés) comme l'intégration ou l'exil.

    Suite de saynètes certes déridant  par moments les zygomatiques, Soul Kitchen possédait en effet tous les ingrédients d'une bonne comédie mais malheureusement la sauce ne prend pas malgré la générosité qui émane de l'ensemble mais qui manque néanmoins de consistance et de ce petit supplément d'âme pour que la recette prenne réellement. Vivement que Fatih Akin revienne au drame!

    Si vous avez envie d'une comédie allez plutôt voir celle-ci.

    « Soul Kitchen » a reçu le prix du jury de la 66ème Mostra de Venise.

    Le reste de l'actualité sur les autres blogs « in the mood » : « In the mood for Cannes », « In the mood for Deauville », « In the mood for luxe ».

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  • Critique- « Tout ce qui brille » de Géraldine Nakache et Hervé Mimran

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    Avec le printemps refleurissent les comédies qui surfent sur la vague d'une saisonnière soif de légèreté et de fraîcheur dont on aspire à ressortir le cœur (et plus rarement le cerveau) alertes. Ayant délibérément choisi de délaisser pour quelques jours les projections presse où, il faut bien le dire, l'assistance est assez souvent blasée, je retrouve donc avec plaisir les joies de la file d'attente et surtout d'une salle qui, quand elle rit, ne le fait pas au détriment du réalisateur (un jour, il faudra que je vous fasse une note sur le sarcasme journalistique). Antoine Duléry (qui a visiblement chipé l'imperméable de Colombo) a choisi la même séance où il aura pu admirer la bande-annonce pleine de délicatesse et de nuance de Camping 2 (je m'exerce au sarcasme journalistique, quoique ... là guère besoin de me forcer). Ces petites extrapolations dîtes, venons-en au film. J'ai souvent tendance à me méfier des films avec deux réalisateurs (si un film est certes un travail collectif, la vision sur la mise en scène doit tout de même être personnelle) mais je me méfie aussi des préjugés, avec raison d'ailleurs en ce qui concerne « Tout ce qui brille ».

    Synopsis : Ely (Géraldine Nakache) et Lila (Leïla Bekhti) sont comme deux sœurs. Elles se connaissent depuis l'enfance, vivent dans la même banlieue à dix minutes de Paris, partagent tout et rêvent ensemble d'une autre vie, à dix minutes de là, là où tout brille. Entre Puteaux et Neuilly, il n'y a finalement qu'un pas... Elles vont tout faire pour entrer dans ce monde qui n'est pas le leur et qui les fascinent. Avec un peu de culot elle vont y arriver... mais leur amitié y résistera-t-elle ?

    Dès les premières minutes, le charme de la complicité du duo opère et nous conquiert. M'a conquise en tout cas. Les dialogues sont rythmés et énergiques sans jamais être vulgaires. Et ce qui saute d'abord aux yeux, c'est le regard, communicatif, tendre et empathique, porté sur les personnages mais aussi sur la banlieue, sans condescendance, misérabilisme ou démagogie. Ce n'est d'ailleurs finalement pas le sujet.

     Ainsi, si Lila, « leadeur » mais finalement aussi la plus fragile du duo, se laisse éblouir, c'est avant tout parce qu'elle a besoin de se griser, d'oublier le rejet de son père, préférant se mentir à elle-même, croire en un amour voué à l'échec pour édulcorer la rudesse de la réalité, pour croire que « tout brille » pour éluder les zones d'ombre de son existence. Pendant ce temps, sa mère attend inlassablement ce dernier, chantant  chaque week end là où ils se sont connus des années auparavant.

     Si les nuits parisiennes ne sont finalement pas (non plus) le sujet principal, entre, notamment, une danseuse en moon boots et une soirée dans un supermarché reconstituée,  « Tout ce qui brille » croque avec ironie  le côté ridicule de certaines soirées prétendues branchées.

    Géraldine Nakache et Hervé Mimran ont réussi une chose rare : une comédie tendre ET drôle ET sans mafieux russe (trouvez-moi une comédie dernièrement qui n'a pas eu son mafieux russe) ET qui ne cherche pas à faire à la manière de... Et c'est sans doute pour cela que ça fonctionne aussi bien, que ces deux filles attachantes nous embarquent dans leurs péripéties dans ce monde de paillettes même si nous nous doutons bien qu'elles découvriront bientôt que tout ce qui brille n'est pas de l'or, et qu'à vouloir « s'élever » socialement, elles risquent de passer à côté de l'essentiel...

    Alors certes, ce film n'est pas dénué de défauts (ainsi dommage que les personnages masculins soient un peu moins travaillés et les intrigues sentimentales plus bâclées) mais les deux réalisateurs n'ont visiblement pas voulu signé une comédie romantique mais une histoire d'amitié d'ailleurs pas si naïve nous parlant notamment d'émancipation, de relations entre parents et enfants et de désirs d'ailleurs.

    Un film joyeux, rafraîchissant, pétillant, lumineux, d'une tendre drôlerie et justesse qui, s'il vous confirmera qu'il ne faut pas vous laisser éblouir par tout ce qui brille, fera au moins briller vos yeux grâce à l'intelligence de son écriture mais aussi de ses trois interprètes ( Géraldine Nakache, Leïla Bekhti et Audrey Lamy, également impayable en prof de sport ). Un film dont vous aurez envie de sortir en faisant le paon et en dansant sur Véronique Sanson (si, si, vous verrez !).

    Et aussi: "In the mood for Cannes", "In the mood for Deauville" , "In the mood for luxe".

  • "Bus Palladium" de Christopher Thompson

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    Alors qu'il a toujours baigné dans l'univers cinématographique, entre son grand-père Gérard Oury et sa mère Danièle Thompson (avec laquelle il a coécrit plusieurs scénarii), Christopher Thompson a attendu d'avoir presque quarante ans pour passer derrière la caméra. Un premier film est souvent le plus personnel, celui qui porte le plus l'empreinte de son réalisateur. Christopher Thompson, lui, a choisi de nous parler de musique et d'amitié à travers une bande de jeunes musiciens...

    Lucas, (Marc-André Grondin), Manu (Arthur Dupont), Philippe (Abraham Belaga), Jacob (Jules Pelissier) et Mario (François Civil) s'aiment depuis l'enfance. Ils ont du talent et de l'espoir. Ils rêvent de musique et de gloire. Leur groupe de rock, LUST, connaît un succès grandissant, mais les aspirations de chacun rendent incertain leur avenir commun. L'arrivée de Laura (Elisa Sednaoui) dans leur vie va bousculer un peu plus ce fragile équilibre.

    Cela débute sur le sublime air de « Let it loose » des Stones et pour moi c'était déjà une bonne raison d'aimer ce film ( vous saurez désormais comment me corrompre... : -)). Et ensuite ? Ensuite, « Bus Palladium » pâtit un peu de cette brillante référence avant de nous embarquer dans sa propre musique. Plus lisse, plus douce mais non dénuée de rugosité et d'amertume. Christopher Thompson fait commencer son film dans un joyeux désordre imprégné de l'enthousiasme de ce groupe qui débute. Puis, des personnages se distinguent : Lucas et Manu surtout, définis autant par l'amitié qui les lie que par leur rapport à leurs mères. La mère de Lucas est psy, réfléchie et compréhensive. Celle de Manu est très jeune, hôtesse de l'air, elle est indépendante, libre, et vit avec son fils comme avec un colocataire, dans un incessant tourbillon. Le premier est aussi équilibré que le second vit sur le fil et en déséquilibre. Et c'est là la grande force de ce premier film qui nous en fait dépasser les faiblesses : le caractère attachant de ses personnages dont Christopher Thompson (et Thierry Klifa, son coscénariste) brosse subtilement les portraits, à travers leurs relations avec leurs parents (mère dans le cas des deux précités ou grand-mère dans le cas de Babcia la grand-mère de Jacob qui ne parle que Yiddish.) Il sait singulariser ses personnages, les distinguer, nous les rendre familiers, particulièrement aidé en cela par trois acteurs exceptionnels. D'abord, la découverte Arthur Dupont qui interprète l'écorché vif Manu qui joue la comédie avec un air de Romain Duris et chante avec la voix de De Palmas. Ensuite Marc-André Grondin qui de nouveau en est au « premier jour du reste de sa vie ». et Elisa Sednaoui, séductrice et forte avec juste ce qu'il faut de fragilité qui affleure.

    Ces trois-là nous valent de suivre le film avec intérêt, leurs relations parfois troubles, surtout fortes, leur douloureux et définitif adieu à l'adolescence et le cruel renoncement à leurs rêves. Dommage alors que le reste soit si peu « rock », si peu à l'image du nom du groupe « Lust » (qui signifie luxure), que tout semble tellement lisse, que le Bus Palladium et certains personnages (au contraire de ces trois-là qui en ont tant) manquent  de caractère, que le film ait refusé de se situer vraiment dans une époque pour malheureusement ne pas parvenir non plus à être intemporel ( l'intrigue se déroule dans les années 80 avec des références vestimentaires des années 1970  et un vocabulaire des années 2000 « taf », « buzz » sans oublier la nourriture venant de chez Quick...).

    Malgré cela, émanent de ces trois personnages  principaux un tel charisme et une belle fragilité qu'on les quitte avec regret même s'ils nous laissent, comme Rizzo (lumineuse Naomi Greene)qui, dans le dernier plan, regarde à travers une vitre baignée de soleil, avec le bel espoir et la force d'un avenir (plus) radieux. Allez-y ne serait-ce que pour ces trois-là qui crèvent l'écran... Une première réalisation imparfaite mais attachante avec quelques beaux plans qui reflètent bien le tourbillon d'effervescence et de mélancolie mêlées de cette période charnière de leurs existences.

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  • "L'Arnacoeur " de Pascal Chaumeil

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    Voilà un film dont le synopsis, le casting et l'ambition étaient pour le moins séduisants et que j'attendais avec impatience...trop sans doute.

    Le synopsis d'abord : Alex exerce une profession singulière, briser des couples en séduisant la femme du duo, mais comme Alex a une éthique, uniquement si cette dernière est malheureuse. Une éthique à laquelle il dérogera pourtant en acceptant un nouveau contrat donc la cible s'appelle Juliette, jeune héritière libre et indépendante qui, dix jours plus tard, doit épouser un séduisant jeune homme dont elle est amoureuse. Dix jours pour que l'arnacoeur accomplisse sa mission a priori impossible, avec l'aide de ses deux acolytes, sa sœur et son beau-frère.

    Le casting : Vanessa Paradis (Juliette), Romain Duris (Alex), Julie Ferrier (Mélanie, la sœur d'Alex), François Damiens (Marc, le mari de Mélanie), Helena Noguerra (Sophie, l'amie d'enfance de Juliette), Andrew Lincoln (Jonathan, le futur mari de Juliette)

    L'ambition : réaliser une comédie romantique à l'américaine...mais en France, enfin presque, plus précisément à Monaco.

    L'idée de ce mélange de James Bond et d'Arsène Lupin voire de Jim Phelps du cœur, briseur de couples,  est brillante et réjouissante, légèrement politiquement incorrecte. Le rythme est soutenu et cela dès le pré-générique inspiré des comédies américaines. Vanessa Paradis est lumineuse avec ce qu'il faut d'énergie et de mystère, et de classe à la Audrey Hepburn. Romain Duris est charmant et convaincant rappelant ses meilleurs rôles chez Klapisch. Leur couple est une belle idée.  Helène Noguerra est délicieusement vulgaire. Julie Ferrier aussi drôle que touchante et son couple avec François Damiens est savoureusement décalé.

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    Mais...

    Mais à force de vouloir faire « à la manière de » cet arnacoeur en a oublié l'essentiel, trouver sa propre voie, sa propre identité pour se fondre dans un modèle. Comme dans toute comédie romantique à l'américaine qui se respecte les décors se doivent d'être spectaculaires et chics. Quoi de mieux donc que Monaco ? Oui mais tout dépend de la manière dont on filme la principauté dont on voit ici davantage les immeubles que le bleu scintillant de la Méditerranée. Comme dans toute comédie romantique qui se respecte, il doit y avoir une scène de danse...ici empruntée à un autre film ( « Dirty dancing ») qui devient même un élément de l'intrigue. Dommage que le glamour ne soit pas assumée et qu'elle ne soit pas filmée avec la même légèreté que celle dont font preuve les deux danseurs (Romain Duris est ici aussi impressionnant pour les cascades que pour la danse, à n'en pas douter il serait très doué dans les films d'action).

    Et puis surtout le film penche davantage du côté de la comédie que du romantisme, avec des « gags » parfois un peu trop récurrents (ah ce personnage de gros balourd ignare que j'ai l'impression d'avoir vu dans 50 comédies françaises) venant systématiquement briser l'émotion naissante.

    Mais ce qui m'a le plus dérangée, c'est la naïveté du personnage féminin incarné par Vanessa Paradis qui est décrite comme « très intelligente » et qui à aucun moment ne met en doute la sincérité d'Alex. Son amour pour Jonathan semble finalement assez superficiel et les obstacles entre elle et Alex finalement trop minces pour créer un vrai suspense. Même si le principe d'une comédie romantique est d'en deviner d'avance l'issue heureuse, il est bien d'avoir un peu l'illusion de croire que ce n'est pas gagné d'avance.

    Malgré tout, même s'il manque cette petite étincelle qui s'appelle la magie, le charme de cet Arnacoeur agit, il nous embarque dans sa séduisante légèreté et nous fait adhérer à la beauté lumineuse et au talent indéniable de son duo de protagonistes, nous divertit à un rythme soutenu... et probablement ai-je tort d'en exiger davantage, d'autant qu'il s'agit là du premier long-métrage d'un réalisateur provenant de la publicité et du sitcom...Il est d'ailleurs fort probable que cet Arnacoeur sera le succès comique du printemps et plus probable encore que les Britanniques et les Américains en feront un remake. Et avec la plume magique d'un Richard Curtis cet Arnacoeur pourrait devenir une référence...

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    Sortie en salles: le 17 mars 2010