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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2025

  • Critique de SOUS TENSION de Penny Panayotopoulou (au cinéma le 20 août 2025) et CONCOURS (4x2 places à gagner)

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    Au cœur de l’été, quelle meilleure idée que de vous embarquer avec moi pour un pays que j’affectionne et dont je vous ai souvent parlé dans mes articles sur le cinéma mais aussi dans mes fictions littéraires : la Grèce. Ne vous attendez cependant pas à vous extasier devant les paysages idylliques des îles Ioniennes et des Cyclades, ou d’être saisis de vertige devant les magnificences du Parthénon (l’émotion irrationnelle que ce monument fascinant me provoque à chaque fois, mais c’est une autre histoire). Avec son troisième long-métrage, Penny Panayotopoulou nous amène en effet à la découverte de l’envers du décor, pour une plongée dans la réalité sociale de la Grèce contemporaine, qui met en exergue les failles du système hospitalier public. Cela n’en est pas moins passionnant.

    Ce film fut présenté dans le cadre des « Découvertes européennes » du Arras Film Festival 2024. Il a notamment obtenu le Prix du Public et Prix meilleur début pour Giannis Karampampas au Festival international du film de Thessalonique 2024 et le prix de la réalisation au Festival du film grec de Los Angeles 2025.

    Nous suivons ainsi Costas (Giannis Karampampas), depuis peu agent de sécurité dans un hôpital public sous tension. Sa famille a de graves problèmes financiers. Il doit par ailleurs s’occuper de sa jeune nièce, Nicky (Garifalina Kontozu), après le décès brutal de son frère, endetté. Il se laisse alors entraîner dans une combine : monter de toute pièce un dossier pour faute médicale. Costas, poussé par un médecin et une infirmière aussi opportunistes qu’antipathiques, doit alors guetter les situations qui pourraient être transformées en cas d’erreurs médicales, l’avocat alors informé pouvant verser de conséquents dessous-de-table….

    D’emblée, le spectateur devine que la légèreté des premières minutes ne saura durer, la musique mélancolique qui les accompagne résonant déjà comme un avertissement. Sur sa moto avec sa petite amie qui, par jeu refuse de lui dire qu’elle l’aime, Costas tournoie dans ce terrain vague, tandis que la lueur du soleil perce dans le lointain, avec la mer à peine perceptible pour déjà nous signifier que ce ne sera pas cette autre Grèce-là, maritime et iconique, qui nous sera racontée ici. La magie et l’insouciance semblent bien fragiles, déjà. Un voile de tristesse semble parfois teinter le regard de Costas, comme s’il était déjà à l’écart du groupe auquel il  veut s’intégrer. La mort va en effet bien vite constituer son quotidien, entre celles auxquelles il est confronté dans l’hôpital dans lequel il travaille et celle de son frère.

    L’intemporalité et l’universalité du personnage principal et du drame auquel il doit faire face (Qui, malheureusement, ne s'est jamais retrouvé face aux fourberies tragiques du destin ?) nous conduisent à être rapidement en empathie avec Costas, qui est de tous les plans. Certes, l’intrigue se déroule en Grèce, met en lumière les difficultés du système hospitalier public grec, mais l’histoire de cet homme pourrait avoir lieu presque partout ailleurs. La précarité. Le dilemme moral. Le difficile choix (mais en est-ce vraiment un, a-t-il vraiment le choix ?) de devoir renier ses principes moraux pour sauver sa famille. En plus du faible salaire qu’il perçoit, Costas est témoin de racisme, d’injustices diverses, mais il n’a pas le loisir de se rebeller : sous tension permanente, il doit sauver sa famille. Coûte que coûte.

    La réalisatrice utilise avec beaucoup d’intelligence les hors-champ, les ellipses, les symboles. Comme lorsque Costas regarde le lit d’hôpital vide et les quelques affaires qu’une patiente tout juste décédée a laissées. Ce petit sac qui contient toute une vie est plus bouleversant que la vision d’un corps mort. Comme les chatons auxquels Costas refuse l’entrée de la maison. Mais quand il n’en restera plus qu’un survivant, il sera recueilli, choyé, au cœur du foyer. Telle la petite Nicky qui a perdu son père. Et puis il y a cet oranger malade. Costas avait promis à son frère de s’en occuper. Il symbolisera l’espoir retrouvé. La vie qui reprend, malgré tout. « La certitude que rien ne se perd jamais ».

    Giannis Karampampas qui interprète Costas, avec son physique à la fois contemporain et intemporel, d’une beauté fragile, presque humble, se glisse avec beaucoup de justesse dans toutes les nuances de la douleur et de la révolte contenue que connaît son personnage. C’est difficile à croire mais il s’agit pourtant là de son premier rôle au cinéma (une interprétation à juste titre récompensée en festivals). La mère aussi, Despina (Alexandra Sakellaropoulou), contient sa douleur, héroïne tragique dont on devine qu’elle n’a peut-être pas toujours été tendre, qui souffre dans le silence.

    Les jeux de lumière sont particulièrement judicieux. Le bonheur semble toujours là, à flotter dans l’air, dans un ailleurs proche et inaccessible, jusqu’à la bouleversante scène finale lors de laquelle la lumière irradie, éblouit, à la fois naturelle et teintée d’accents irréels. Un travelling virtuose et émouvant l’accompagne et nous emmène de l’autre côté de la maison, dans un havre de sérénité. Costas a sauvé l’essentiel, son âme sans doute. « Aimer la beauté, c'est vouloir la lumière. C'est ce qui fait que le flambeau de l'Europe, c'est-à-dire de la civilisation, a été porté d'abord par la Grèce, qui l'a passé à l'Italie, qui l'a passé à la France. » Voilà qui me fait penser à cette phrase extraite des Misérables de Victor Hugo.

    Un drame familial et moral captivant, mais aussi un état des lieux alarmant du système hospitalier grec, objet de la corruption. L’envers du décor, c’est cela mais aussi des terrains vagues, des immeubles aux constructions interrompues, des lieux qui semblent abandonnés, désincarnés, très éloignés de la carte postale. Même la maison de Costas et sa famille semble chancelante, sous tension elle aussi.

     Il y a du néo-réalisme italien dans l’humanité avec laquelle la réalisatrice accompagne la précarité de son personnage principal. Elle ne néglige cependant aucun des personnages secondaires. C’est le souvenir de chacun d’eux et de l'humanité malmenée et victorieuse de Costas que nous emportons, après cette dernière scène, sublime, poignante, bercée par cette lumière paradisiaque. Mieux peut-être encore que celle figurant sur une carte postale des Cyclades. Ici c’est la vérité brute, atténuée par le regard particulièrement sensible de la cinéaste qui n’édulcore pas la réalité, mais sait en extraire la poésie à laquelle fait écho la magnifique musique de Nikolas Anadolis qui a signé la BO de ce film qui sait relâcher la tension (magnifiques plans de Costas marchant dans les rues vides) pour mieux la signifier, et mieux conserver notre attention. Je vous recommande ce voyage hors des sentiers battus, de la Grèce et du cinéma.

    CONCOURS : 4x2 places pour le film à gagner

    Souhaitant défendre ce film que j'ai particulièrement apprécié, je vous propose de remporter 4x2 places pour celui-ci, en partenariat avec Épicentre Films. Soyez simplement les plus rapides à me dire quel est votre film grec préféré et pourquoi, par email à inthemoodforfilmfestivals@gmail.com, en n'oubliant pas de joindre vos coordonnées postales pour l'envoi des places, et en n'oubliant pas de vérifier qu'il sera bien à l'affiche du lieu où vous vous trouve(re)z. Καλή τύχη !

  • Critique de MERLUSSE de Marcel Pagnol (version restaurée, au cinéma le 30.07.2025) – Cannes Classics 2025

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    Pagnol. Un nom dont le simple énoncé exhale déjà la garrigue, le soleil éblouissant ruisselant sur les sublimes paysages de Provence, le chant des cigales, les cœurs déchirés, sinueux et humbles, la tendresse, l'humour, l'humanité, des histoires universelles et intemporelles. Et des soirées d'enfance à pleurer devant Manon des sources.

    Cette année, Marcel Pagnol aurait eu 130 ans. L’âge du cinéma…Peut-être est-ce pour cela que les premiers plans de Merlusse rappellent La sortie de l’usine Lumière… Un hommage à l’art qui naquit la même année que lui, et à ses inventeurs -cf mon article sur Lumière, l’aventure continue ! de Thierry Frémaux-. Pagnol affectionnait cette coïncidence : « Le cinéma et moi sommes nés le même jour, au même endroit. »

    La version restaurée de ce film méconnu de Pagnol, Merlusse, fut présentée dans le cadre de Cannes Classics 2025, un conte de Noël réaliste qui inspira d’autres cinéastes, de Truffaut à Alexander Payne. Ce dernier a ainsi déclaré : « Merlusse a servi de base à mon Winter Break... Sans Marcel Pagnol, mon film n’existerait pas. »  

    Merlusse est une adaptation livre de L’Infâme Turc, un texte que Pagnol avait publié en 1922 dans la revue Fortunio.

    À Marseille, l’internat du lycée Thiers se vide à l’approche de Noël. Seule une poignée d’élèves d’horizons divers s’apprête à y passer les fêtes, sous la surveillance stricte de Blanchard (Henri Poupon), un pion borgne au visage balafré, détesté et redouté, que tous surnomment « Merlusse », l’accusant de « sentir la morue ». Ses collègues ne sont guère plus élogieux : « Avec un physique pareil, il n'a pas besoin de punir. »

    Ce 30 juillet 2025 sortait ainsi en salles la Rétrospective Marcel Pagnol - partie 2.  L’année dernière, la première partie avait réuni plus de 40 000 spectateurs ! Espérons que cette deuxième partie connaîtra le même succès.

    Au programme de cette deuxième partie figurent 6 films du cinéaste dans de toutes nouvelles versions restaurées : Merlusse, Cigalon, Naïs, Manon des sources, Ugolin et Les Lettres de mon moulin. Six films touchants et profondément humains, dans lesquelles la parole tient une place essentielle, teintée d’humour et de poésie.
     
    Marcel Pagnol présente la particularité d’avoir marqué l’Histoire de différents arts : le théâtre, la littérature et le cinéma par des œuvres qui ont en commun d’être intemporelles, empreintes d’une profonde humanité, dans lesquelles poésie et humour, comédie et mélodrame se côtoient. Ses personnages ne sont jamais condamnés, l'auteur porte toujours sur eux un regard empathique. Si ses histoires sont ancrées dans le sud de la France, ses personnages possèdent toujours une dimension universelle.

    Dès 1933, Pagnol privilégie les tournages en extérieur, plaçant au centre de ses histoires le jeu des acteurs et le « naturel » des situations mises en scène. Sans doute sont-ce les raisons pour lesquelles Roberto Rossellini et Vittorio De Sica le qualifieront même de père du néoréalisme.  Pagnol décide ainsi de tourner Merlusse en décor réel, dans le lycée Thiers de Marseille, dans lequel il a fait ses études. De vrais lycéens interprètent les enfants du film, d'où le sentiment de vérité qui en émane.

    Pagnol réalisa aussi des adaptations, d’Émile Zola (Naïs) ou d’Alphonse Daudet (Les Lettres de mon moulin), en plus  d’avoir, à l’inverse, adapté ses propres films en romans, avec Manon des Sources et Ugolin, adaptés dix ans plus tard sous le titre L’Eau des collines, regroupant Jean de Florette et Manon des Sources.

    En 1946, il est le premier cinéaste élu à l’Académie Française. Il côtoie alors de nombreux écrivains et commence à écrire en prose. Il débute avec ses souvenirs cinématographiques, Cinématurgie de Paris, puis par une attaque cinglante contre les critiques intitulée Critique des critiques. En 1955, il met un terme à sa carrière cinématographique. Il se consacrera au cinéma jusque-là en produisant et réalisant plus d’une vingtaine de films : Fanny, Topaze, Angèle, César, La Fille du puisatier, La Femme du boulanger, Regain, Manon des sources, Naïs etc.

    L’œuvre de Marcel Pagnol a été adaptée dans le monde entier. Daniel Auteuil a aussi récemment adapté plusieurs de ses œuvres, La Fille du puisatier, Marius, Fanny et César. En 2022, Christophe Barratier a adapté Le Temps des secrets, adaptation du roman éponyme, troisième tome des Souvenirs d'enfance de Marcel Pagnol, paru en 1960.

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    Merlusse, quatrième réalisation de Pagnol, distingue par sa durée (1h12) et son lieu unique (le lycée Thiers donc).

    Au cœur de la solitude croquée parfois en quelques mots comme lorsque cet élève dit à propos de sa mère "Elle ne s'appelle plus comme moi. Elle s'appelle Madame Lavigne. Sortir pour aller chez Lavigne ! J'aime autant rester ici.", les élèves vont découvrir la profonde humanité de celui qu’ils surnomment Merlusse. Le personnage inquiétant, fantomatique, étrange et menaçant va se révéler être un modèle de bonté, un écho à leur propre solitude. Ils vont alors dépasser leurs préjugés tout comme les enseignants vont dépasser les leurs à propos de ces élèves qu’ils considèrent bien souvent comme des vauriens. À l’extérieur de l’enceinte du lycée, les familles célèbrent Noël. C’est finalement dans l’école que les enfants et leur professeur trouveront un peu de chaleur humaine.

    Avec ce film, Pagnol expérimente  les possibilités du son, réalisant ce film au départ pour tester un nouvel appareil de prise de son. Le film est tourné en quinze jours, avant Cigalon, qu'il qualifiera d« historiette sans ambition ». Un film qui reflète pourtant le profond humanisme qui caractérise l’œuvre de Pagnol incarné ici par Henri Poupon, que Pagnol avait déjà dirigé dans Jofroi et Angèle, remarquable en Merlusse qui dans ces quelques mots révèlent le cœur en or qu'est le sien que dissimulent son physique ingrat et ses propos sévères : "En 24 ans de service, jamais je n'ai donné une seule punition. Je n'ai jamais fait un rapport sur un élève. Je n'ai jamais privé un enfant d'une seule minute de sa liberté." "Pourquoi ont-ils peur de vous ? lui demande-t-on." "Parce que j'ai peur d'eux" répond-il...

    Merlusse a été restauré en 4K en 2025 par CMF-MPC et la Cinémathèque française. Avec le soutien du CNC, de la Région Sud et du Fonds de Dotation Marcel Pagnol. Restauration effectuée par le laboratoire Transperfect Média. Étalonnage de Guillaume Schiffman.

     

  • Critique de LA VENUE DE L’AVENIR de Cédric Klapisch

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    Trois ans après En corps, et après une incursion dans la série avec Salade grecque en 2023, Cédric Klapisch revient au cinéma avec ce film grâce auquel il a pour la première fois intégré la sélection cannoise. Ce quinzième long-métrage du cinéaste, coécrit (comme le précédent) avec Santiago Amigorena, fut ainsi projeté hors-compétition dans le cadre du 78ème Festival de Cannes.

    Alors que son avant-dernier long métrage, Deux moi (2019), s’achevait par un cours de danse lors duquel les destinées parallèles de ses protagonistes se croisaient enfin, son précédent, En corps, était entièrement consacré à cet art. En corps commence ainsi par quinze minutes fascinantes. Quinze minutes entre la scène et les coulisses. Un tourbillon éblouissant de bleu et de rouge. Une explosion étourdissante de couleurs et de mouvements (déjà évoquant presque ce geste pictural qu'exalte La Venue de l’avenir). Klapisch y célèbre la force des fragilités. La beauté du ballet aussi, qu’il soit classique, aérien, poétique même, presque abstrait et celle de la danse contemporaine, une beauté brute, presque véhémente et pourtant tout aussi vibrante.
    Ce film lumineux met le cœur en joie, vous cueille quand vous ne vous y attendez pas, par un flashback et un plan, de loin, d’un père qui enlace sa fille, filmés tout en pudeur. Une fois de plus, Klapisch, dans En corps, capte la beauté et le romanesque de Paris mais aussi l’air du temps.  

    C’était déjà le cas, dans le film Paris (2008), dans lequel il filme comme nul autre cette ville au cœur battant. Klapisch dans ce film choral, sublime et confronte l’éphémère dans la ville éternelle. Des destins d’abord présentés comme autant de quartiers épars. Des destins vus ou entrevus ou même imaginés peut-être par Pierre (Romain Duris) qui, du haut de son balcon démiurgique qui surplombe la capitale, atteint d’une maladie cardiaque, ne sachant pas s’il va survivre, porte un regard neuf et différent sur Paris et ceux qui s’y croisent, s’y manquent. Chacun devient le héros des histoires qu’il s’invente, sorte de double de Klapisch scénariste car que fait d’autre le scénariste que de faire des gens qu’il croise, connaît ou devine, les héros d’histoires qu’il s’invente ? Rien ne les rassemble a priori si ce n’est cette ville, les ramifications du destin, telles des lignes de métro qui de toute façon finissent en un même point : le cœur. Tous les chemins mènent au cœur de Paris. Le cœur, justement, celui qui menace de lâcher à tout instant. L’éphémère face à l’éternel. L’insignifiant face à l’essentiel. La vie face à la mort. La ville vue par le prisme d’un condamné à mort : une ville dont le cœur bat, insouciante, une ville qui vibre, qui danse, une ville de tous les possibles, une ville et une vie où rien n’empêche personne de « donner une chance au hasard », de faire valser les fils du destin comme il le fait du haut de son balcon.

    Alors, justement, les fils du destin, Klapisch les fait plus que jamais danser et s’entrelacer dans La Venue de l’avenir qui est une nouvelle fois une ode à l’art : la peinture et la photographie, après la danse, mais aussi à nouveau une ode à la beauté romanesque de Paris.

    Il s’agit également une nouvelle fois d’un récit choral comme il les affectionne et comme les affectionnent ceux qui, comme moi, aiment son cinéma dans lequel les destins se tissent en s'entrecroisant. Pour son premier film en costumes, il n’a pas choisi la facilité puisqu’il se déroule sur deux périodes distinctes, 1895 et 2025, principalement à Paris. Peut-être (1999) se déroulait déjà sur deux époques…et aurait d’ailleurs aussi pu s’intituler La Venue de l’avenir.

    Ainsi, dans ce nouveau film de Cédrid Klapisch qui commence en 2025, une trentaine de personnes issues d’une même famille apprennent qu’ils vont recevoir en héritage une maison située en Normandie, abandonnée depuis des années. Quatre d'entre eux, Seb (Abraham Wapler), le créateur de contenus digitaux, Abdel (Zinedine Soualem), le professeur bientôt à la retraite, Céline (Julia Piaton), l’ingénieure en état dépressif, et Guy (Vincent Macaigne), l’apiculteur idéaliste, sont chargés d’en faire l'état des lieux. Ces lointains « cousins » vont alors découvrir des trésors cachés dans cette vieille maison normande dont le terrain est convoité par des promoteurs immobiliers qui souhaitent y construire un hypermarché avec parking écoresponsable. Ils vont se retrouver sur les traces d'une mystérieuse Adèle Vermillard (Suzanne Lindon) qui a quitté sa Normandie natale, à 20 ans. Cette Adèle se retrouve à Paris en 1895 (quelle année..., évidemment que ce soit celle de la naissance du cinéma n'est pas un hasard), au moment où cette ville est en pleine révolution industrielle et culturelle. Cette fille de la campagne veut y retrouver sa mère (Sara Giraudeau) qu’elle n’a pas connue. Là, elle croisera la route de Sarah Bernhardt, Nadar, Claude Monet…

    Les quatre cousins vont alors découvrir cette période charnière de la fin du XIXème siècle, la naissance d’un nouvel art, la photographie, et d’un courant pictural, l’impressionnisme. Ce voyage dans le passé va les conduire à se questionner sur leur présent et leur avenir et va questionner aussi l’héritage que nous laissent la peinture et la photographie, mémoires d’une époque, et l’art en général.

    Le premier court-métrage de Cédric Klapisch, Ce qui me meut, avait déjà pour cadre de Paris de la fin du XIXème siècle. Avec ce nouveau long-métrage, il mêle les histoires et l’Histoire. Le roman Scènes de la vie de bohème d’Henri Murger a particulièrement nourri le travail du réalisateur et de son coscénariste.

    Chacun des quatre cousins incarne un rapport différent au progrès, le professeur représentant celui pour qui finalement les choses ne changent guère, celui-ci exerçant de surcroît le métier qui devint celui de son ancêtre, Adèle. « Il y a deux manières d'envisager l’avenir : une logique continue du présent ou une rupture » dit ainsi le personnage de Julia Piaton. Lors de la conférence de presse du Festival de Cannes, Klapsich (précisant que sa mère était psychanalyste) a ainsi expliqué : « On a plus dessiné les personnages sur les rapports qu'ils ont avec le futur. Chaque personnage a été construit en fonction de son impact sur le futur »

    Klapisch oppose et relie deux époques, deux façons de regarder le monde qui nous entoure (la première scène, au musée, montre des visiteurs qui tournent le dos aux Nymphéas, plus occupés à regarder leurs smartphones et à faire des selfies qu’à admirer l’œuvre de Monet), et deux rapports au temps : les uns se téléportent quasiment en TGV quand les autres éprouvent le temps long et enrichissant du voyage. Un temps de rencontre aussi puisque c’est à cette occasion qu’Adèle rencontrera le peintre et le photographe, incarnés par Paul Kircher et Vassili Schneider, qui changeront eux aussi son regard sur la vie. Le montage avec des transitions toujours très (bien) pensées rend les passages d’une époque à l’autre fluides et ludiques.

    Le chef opérateur Alexis Kavyrchine a par ailleurs réalisé un travail remarquable en cherchant à imiter les autochromes, premières photos en couleur, pour les scènes ayant lieu en 1895 qui nous immergent dans un Montmartre à la beauté picturale. Ils ont aussi repris des cadrages directement inspirés de tableaux de Monet ou Degas, autre manière de rendre hommage à cette période de la peinture que le film narre.

    La musique fait aussi souvent le lien entre les deux époques. Pour la première fois, Cédric Klapisch a travaillé avec le compositeur Rob -Robin Cudert - (ancien peintre !) pour créer une musique instrumentale moderne qui évoque aussi l’univers de Debussy ou de Satie. Une musique impressionniste qui crée un pont judicieux entre les époques et souligne la majesté des paysages. Le mélange de musique classique (Mozart, Mendelssohn, Schubert, Debussy, Donizetti), d'électro, pop, variété française et de techno (Sawtooz, Alexzavesa, Bequadro, Yvette Guilbert, Léon Malaquais, Aphex Twin, Kompromat) permet aux deux époques de se fondre astucieusement. Et la chanson de Pomme, La Nuit, intégrée à l’intrigue, renforce l’impression de douceur mélancolique qui se dégage film et sublime sa beauté picturale. D’ailleurs sur sa palette, Klapisch mêle les époques mais aussi les tonalités, le film oscillant toujours habilement entre humour et émotion.

    Cela commence sur un portable dos tourné aux œuvres, au milieu de la foule, avec une influenceuse qui se demande si on la voit assez et qui veut changer la couleur des Nymphéas - !- (en opposition au personnage de Pomme qui demande si on ne la voit pas trop devant le spectacle splendide de Paris). Et cela se termine comme si le passé avait imprégné le présent de sa lenteur et de sa douceur. Entre les deux, un film aussi riche, foisonnant, captivant et rassurant qu’un tableau impressionniste. On entre ainsi dans un film de Klapisch, comme dans une œuvre picturale avec une vision d’ensemble, celle qui s’offre à notre premier regard, avant d’en découvrir les multiples nuances. Chacun y trouve sa résonance avec son histoire. Et on en ressort avec la même envie que devant un tableau réussi : le revoir pour en capter les détails et pour ressentir à nouveau les émotions multiples qu’il nous a procurées.

    Comme dans tout film de Klapisch, il est évidemment aussi question d’amour, dans le présent comme dans le passé. Selon Guy : « L’amour c'est une réinvention de la vie et réinventer l'amour, c'est une réinvention de cette réinvention. »

    Dans une sorte de mise en abyme, Klapisch dépeint la venue du jour, immortalise la beauté fugace de l’instant. Et, pour notre plus grand plaisir, fait revivre Monet dessinant Impression, soleil levant : « C'est pas le port que je peins mais juste un instant. » Une réalité à la fois abstraite et poétique...comme le titre du film avec ses allitérations en v et en n.

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    L'équipe du film lors de la conférence de presse au 78ème Festival de Cannes - Photo par Inthemoodforcinema.com

    « J’aime bien mettre de la poésie dans le réel. J'aimais par exemple ce qu'était le réalisme poétique du temps de Marcel Carné. » a déclaré Klapisch lors de la très joyeuse conférence de presse du film à Cannes. Il y a en effet du réalisme poétique dans ce film, du Prévert, et du Carné, peintre « des choses derrière les choses ». On imagine à tout instant Garance elle aussi traverser le temps, faire un bond en 1895, surgir et dire : « Paris est tout petit pour ceux qui s'aiment d'un aussi grand amour. »  

    Comme toujours, le voyage dans l’univers de Klapisch fait du bien, donne envie d’embrasser la vie : « Il vaut mieux regretter de choses qu'on a faites plutôt que de choses qu'on n’a pas faites. »  C’est finalement Vincent Macaigne qui en a parlé le mieux lors de la conférence de presse cannoise : « Le film est comme une sorte de caresse sur nos peurs. À toute époque, on essaie d'être ensemble, de se lier, de tomber amoureux, on a peur de l'avenir et finalement ce qui reste ce sont les œuvres d'art. Ce film nous donne envie et de créer et d'être ensemble et tous les personnages portent ça en eux. »

    C’est le personnage incarné par Abraham Wapler, Seb, élevé par son grand-père avec lequel il vit toujours, pour lequel ce voyage dans le passé va le plus éclairer le présent et l’avenir. Le jeune photographe va se trouver des liens avec ses illustres aïeux, ce qui éclaire ainsi la voie qu’il doit emprunter, personnellement et professionnellement. : « Je regardais toujours devant et cela m'a fait du bien de réparer derrière. » La transmission est toujours très présente dans le cinéma de Klapisch qui y avait même consacré un film : Ce qui nous lie (2017). Et c’est en effet avant tout de liens qu’il est question ici : des liens avec le passé, des liens amoureux, des liens amicaux, des liens familiaux, des liens que nous entretenons avec l’art. Cet art qui traverse le temps, crée un présent éternel et qui relie les générations.

    Si Abraham Wapler est la découverte du film, lui aussi teintant son jeu sobre de mille nuances, les seconds rôles comme dans les films du réalisme poétique sont aussi savoureux : Cécile de France en historienne de l’art aussi snob que passionnée et finalement attachante, Claire Pommet (Pomme), douce enchanteresse comme sa voix,  Sara Giraudeau dont le timbre si particulier apporte toujours une touche d’enfance à ses personnages écorchés, François Berléand dans le rôle de Victor Hugo… Et, en premiers rôles, le quatuor des cousins fonctionne parfaitement, et Suzanne Lindon est parfaite pour nous transporter dans les dédales du Paris du XIXème siècle, avec sa beauté à la fois intemporelle et singulière.

    Klapisch entremêle brillamment fantaisie et mélancolie, tendresse et nostalgie. Par ce dialogue inventif entre les générations, il brosse le portrait de ce qui nous lie, l’amour et l’art. C’est reposant, coloré, festif, et gaiement nostalgique comme une promenade à Giverny, comme une avenue de l’Opéra qui s’illumine et trace le chemin au milieu d’un Paris plongé dans l’obscurité, comme un tableau de Monet, comme une rencontre sur un bateau qui mène vers le passé. Une fresque qui relève de la fable savoureuse, teintée de nostalgie. Woody Allen, avec son conte jubilatoire, Minuit à Paris, d’une autre manière, avait réenchanté le présent, en montrant qu’on peut s’enrichir du passé pour en saisir l’étendue de la beauté. Klapisch, lui, veut réenchanter le présent et l’avenir, sous l’éclairage du passé, et nous enjoint à ne jamais délaisser l’éblouissement auquel invitent l'amour et surtout l'art, que ce soit la photographie, la peinture...ou le cinéma, et même à les réinventer. Ce film en suscite aussi un, réjouissant.

  • Critique de AVIGNON de Johann Dionnet - Séance au Cinéma Pathé BNP Paribas à Paris

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    Il y a quelques semaines, ainsi vous présentais-je le dernier film de Thierry Frémaux, Lumière, l’aventure continue ! :

    « Le cinéma est un mélange parfait de vérité et de spectacle. » Cette citation de François Truffaut résume parfaitement ce qu’était déjà le cinéma à ses origines, lors de la première projection publique payante qui eut lieu dans le Salon Indien du Grand Café, à Paris, le 28 décembre 1895. Dès cette première projection, il était évident que le cinéma n'était pas simplement le reflet d’une réalité, mais aussi un spectacle, une vérité légèrement mensongère, une écriture singulière. Les frères Lumière ne filmaient pas seulement le mouvement, ils l’écrivaient déjà. Ils n’étaient pas seulement des inventeurs mais aussi des cinéastes. Telle est d’ailleurs la signification du substantif Cinématographe, « écrire le mouvement ».

    Sans doute est-ce pour cela que j’aime si peu regarder les films ailleurs que dans un cinéma, parce que pour moi pour que cet art se déploie pleinement, il doit être vu, dégusté même, dans une salle, sans quoi il ne serait pas totalement ce « mélange parfait de vérité et de spectacle. »

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    J’étais ainsi invitée à découvrir le Cinéma Pathé BNP Paribas à Paris, cinéma fraîchement rénové dans le deuxième arrondissement de Paris, qui a ouvert le 30 avril 2025, destiné à accueillir de nombreux évènements cinéma exclusifs organisés par BNP Paribas. Entièrement modernisé, le cinéma Pathé BNP Paribas, ancien Pathé Opéra Premier situé au 32 rue Louis Le Grand, accueille les spectateurs dans les meilleures conditions. Les 5 salles de 42 à 192 fauteuils pour un total de 440 places sont équipées de larges fauteuils en velours de laine rouge inclinables, de projecteurs Laser de dernière génération pour une qualité d’image exceptionnelle. Alors que certains cinémas parisiens sont vétustes et infestés d’insectes parasites, une offre d’un cinéma moderne et accueillant comme celle-ci est plus que jamais appréciable, nous rappelant aussi qu’aller au cinéma n’est jamais anodin : c’est aller au spectacle, par définition collectif, c’est lever les yeux vers l’écran, c’est profiter d’un moment unique, en l’occurrence dans des conditions idéales.

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    Sans avoir réellement lu le synopsis, je décidai d’aller voir la comédie qui avait remporté le Grand Prix au Festival du Film de Comédie de l’Alpe d’Huez 2025, Avignon. En ce jour de canicule, le flambant neuf Cinéma Pathé BNP Paribas était vraiment le havre de paix, de fraîcheur et de rêves idéal pour le découvrir.

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    En 2022, Johann Dionnet réalisa le court-métrage Je joue Rodrigue. Trois ans plus tard, à quelques jours du début du 79ème Festival d’Avignon ( qui aura lieu du 5 au 26 juillet 2025) sort donc sur les écrans sa version longue, son premier long métrage : Avignon (coécrite par ce dernier, Benoît Graffin, et Francis Magnin).

    Cela commence comme cela se termine : sur une scène de théâtre auquel le film rend un magnifique hommage. Mais aussi à ces comédiens pour qui jouer est une passion viscérale. Parmi eux, Stéphane (Baptiste Lecaplain), qui débarque avec sa troupe à Avignon pour jouer une pièce de boulevard intitulée Ma sœur s’incruste. Là, il recroise Fanny (Elisa Erka), une comédienne qui, des années auparavant, avait suivi le même stage de théâtre que lui. Seulement, alors que sa carrière à lui piétine, Fanny a récemment reçu un Molière. Stéphane est sous le charme et profite d’un quiproquo pour lui faire croire qu’il est à Avignon pour interpréter Rodrigue dans Le Cid, une pièce qu’il n’a pourtant même jamais lue, et dont il ignorait tout jusqu’alors. Il va s’enfoncer de plus en plus dans un mensonge dont il sera d’autant plus compliqué de se défaire que Fanny va commencer elle aussi à tomber sous le charme...

    Avignon est d’abord un film de troupe. Celle de la pièce Ma sœur s’incruste est menée par Serge (Lyes Salem) confronté à des soucis pécuniaires qui le rendent souvent irascible. Elle comprend aussi notamment sa compagne Coralie (Alison Wheeler), actrice principale de la pièce dans laquelle joue également Patrick (Johann Dionnet). Il y a aussi Marc (Rudy Milstein), l’apprenti régisseur, aussi maladroit que surprenant.

    Ce film est une douceur estivale, savoureuse, entre la comédie romantique à la Richard Curtis, la comédie à la Toledano Nakache, et la critique sociale, égratignant le mépris d’un certain théâtre, à la Jaoui/Bacri  (Le Goût des autres...).

    Avignon s’inspire de l’expérience de Johann Dionnet, scénariste, réalisateur mais aussi acteur (il joue d’ailleurs dans le film, un acteur de la troupe en quête d’amour, attachant). Le scénario réussit le parfait équilibre entre rire et romantisme. Contrairement à de nombreuses comédies qui oublient souvent la forme pour se concentrer sur les dialogues (le plus souvent filmés en champ /contre-champ), elle est ici particulièrement soignée, grâce au travail du chef-opérateur Thomas Rames, avec notamment un magnifique plan-séquence devant le Palais des Papes ou encore une scène de hamac lors de laquelle la caméra tourne autour des personnages dans un jeu d’ombres éclairées par la lune.

    Le film se déroule au rythme qui est celui du festival, joyeux, effréné, intense, dans une atmosphère estivale suffocante, palpable, dont la chaleur semble traverser l’écran. Stéphane promène sa tendresse mélancolique dans les rues d’Avignon, ville qui est un personnage à part entière de cette comédie. Baptiste Lecaplain, avec son air un peu lunaire, de doux rêveur aux cheveux ébouriffés, un peu égaré dans ses rêves et la réalité, est l'acteur idéal pour incarner Stéphane. Face à lui Fanny évolue avec des comédiens qui pratiquent ce qu’ils considèrent comme le seul théâtre qui vaille : la tragédie classique. Ils assènent leurs avis péremptoires sur les goûts des autres (pour eux, la comédie populaire n’est qu’un sujet de moquerie et non du théâtre). À ce petit jeu cruel, l’horripilant David (Amaury de Crayencour) est absolument et odieusement irrésistible. Les personnages et intrigues secondaires sont impeccablement dessinés. Alison Wheeler est ainsi d’un naturel saisissant.

    Si le film égratigne un certain snobisme, il n’en est pas moins une ode au théâtre (à toutes les formes de théâtre), à la puissance des mots et au jeu en général (illusion théâtrale, illusion amoureuse) et à la ville qui est le décor fascinant de cette échappée ludique. Les mots enchanteurs de Corneille se faufilent entre ses rues jusqu’aux cœurs : l’illusion théâtrale crée l’illusion amoureuse.

    Les dialogues sont soignés. La musique originale l'est aussi, elle a été confiée à Sébastien Torregrossa qui a privilégié la guitare pour teinter le film de couleurs chaudes (comme la photographie, très solaire), comme la voix de Elisa Erka qui interprète une chanson qui envoûte Stéphane.

     Le film nous fait aussi découvrir les coulisses du festival : les locations de salles à des prix exorbitants, les pantomimes diverses auxquelles doivent se plier les acteurs en arpentant la ville pour vendre leurs places, les terrasses bondées sous un soleil écrasant, le rythme trépidant, la concurrence, la joie contagieuse « d'en être », …

    « L'amour est un tyran qui n'épargne personne. » , « Jamais nous ne goûtons de parfaite allégresse : Nos plus heureux succès sont mêlés de tristesse. » Le film illustre parfaitement ces citations du Cid dont il met en lumière la beauté et la poésie enchanteresses.

    La fête du cinéma, c’est l’essence même du cinéma tel qu’inventé par les frères Lumière. Il vous reste encore deux jours pour en profiter et pour découvrir Avignon. Vous l’aurez compris, je vous recommande cette pépite tendre, émouvante, délicate, ensoleillée, qui réconcilie le théâtre populaire et le théâtre classique, qui sublime les mots, le jeu, les illusions théâtrale et amoureuse, et qui donne envie de prendre immédiatement un billet direction Avignon, pour se fondre dans ce spectacle permanent à la gaieté communicative dont on ressort les yeux brillants comme ceux d'enfants émerveillés, découvrant pour la première fois le théâtre de Boulevard...ou une tragédie classique. Je vous le mets : vous ne regretterez pas le voyage !

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     La fête du cinéma 2025 est ainsi un véritable succès avec 920000 spectateurs le premier jour, prouvant ainsi l’attachement du public pour ce mélange de « vérité et de spectacle » : le cinéma en salle. Vous pouvez encore en profiter jusqu’au 2 juillet au tarif de 5 euros la séance. Comme le Printemps du Cinéma, la Fête du Cinéma est organisée par le FNCF. BNP Paribas est partenaire pour la 21ème année consécutive de ce bel évènement qui célèbre cette année ses 40 ans. Et si vous en profitiez pour découvrir Avignon et le magnifique cinéma Pathé BNP Paribas ?

    Cliquez ici pour réserver votre séance au Pathé BNP Paribas

    A propos du Cinéma Pathé BNP Paribas : complément d’information

    L’ouverture du Pathé BNP Paribas vient enrichir l’offre cinématographique du quartier de l’Opéra et de la rive droite, les spectateurs parisiens bénéficieront d’un choix plus large tant en termes de programmation de films, de confort que d’équipements innovants. En s’associant à Pathé pour la réouverture de ce cinéma emblématique, pour la première fois en France, BNP Paribas appose son nom sur ce cinéma, renforçant ainsi son engagement pour soutenir le 7ème art et permettre au public d’y avoir accès dans les meilleures conditions.

    BNP Paribas fera de ce cinéma un lieu privilégié pour accueillir ses avant-premières et ses événements exclusifs autour du cinéma à Paris, notamment des événements dédiés à la communauté de fans de cinéma welovecinema.

    En complément, les clients de BNP Paribas bénéficieront de tarifs préférentiels. BNP Paribas finance un film sur deux produits en France, soit plus de 150 films chaque année.

    Pathé est leader de l’exploitation cinématographique en France, aux Pays-Bas et en Suisse, et est également présent en Belgique et en Afrique. Pathé exploite 128 cinémas pour un total de 1 282 écrans (76 cinémas et851 écrans en France). La stratégie de montée en gamme et de modernisation des cinémas Pathé repose sur une politique active de création, de reconstruction et de rénovation ainsi qu’une innovation permanente avec les meilleures technologies, des services inédits et adaptés pour un parcours spectateur optimisé, en salles et sur le digital. Pathé est l’un des principaux producteurs et distributeurs européens de films de cinéma.

  • Ouverture du 78ème Festival de Cannes et « Partir un jour » de Amélie Bonnin : dansons et chantons sous la pluie…

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    Il y a quelques jours, je commençais mon article consacré à la sélection officielle de ce 78ème Festival de Cannes (à retrouver ici) par cette citation de Costa-Gavras : « Vous ne pouvez changer la vision politique des gens avec un film, mais vous pouvez au moins engendrer une discussion politique. » La cérémonie d’ouverture de ce 78ème Festival de Cannes, d’une prestigieuse et élégante sobriété, nous rappelait ainsi que le cinéma n’est pas seulement un objet et un sujet de divertissement mais aussi un vecteur d’idées politiques.

     Laurent Lafitte, maître des cérémonies de cette 78ème édition, a commencé son discours par un hommage à la lauréate du prix d’interprétation féminine de 1999 pour Rosetta, l’inoubliable et si talentueuse Emilie Dequenne : « Elle est née au Festival de Cannes, sa délicatesse humble et puissante va manquer, j’aimerais dédicacer cette cérémonie d’ouverture à Émilie Dequenne. » Son discours a ensuite principalement rendu hommage aux actrices et aux acteurs, fil directeur de celui-ci, de James Stewart, Jean Gabin, Isabelle Adjani à… Volodymyr Zelensky, nous invitant à imiter leur courage, « par nos discours, nos choix et nos refus, afin d’être à la hauteur de cette phrase de Frank Capra :  Seuls les audacieux devraient faire du cinéma. »

    Il a aussi mis à l’honneur la sublime (double) affiche de cette année représentant Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant enlacés, dans le chef-d’œuvre de Claude Lelouch, palme d’or 1966, Un homme et une femme : « On se pose toujours la question de savoir si le cinéma peut changer le monde. Mais si on demande au cinéma toujours plus d’inclusivité, de représentativité, de parité, c’est donc bien qu’en effet il peut changer le monde. Et parfois, il suffit de raconter un homme et une femme pour toucher au sublime et à l’universel. »

    Il fut ensuite rejoint par les neuf membres du jury international des longs métrages : Halle Berry, Payal Kapadia, Alba Rohrwacher, Leïla Slimani, Dieudo Hamadi, Hong Sangsoo, Carlos Reygadas et Jeremy Strong, et leur présidente : Juliette Binoche, « née actrice dans cette même salle » qui a évoqué les maux du monde actuel, de l’ignominie du 7 octobre, au dérèglement climatique, au drame de Gaza, en rendant hommage à  la photojournaliste Fatima Hassouna tuée par un missile et qui, la veille de sa mort,  avait appris que le film dans lequel elle figurait ( Put Your Soul on Your Hand and Walk, documentaire de Sepideh Farsi), était sélectionné au Festival de Cannes. « L’art reste, il est le témoignage puissant de nos vies, de nos rêves, et nous, spectateurs, nous l’embrassons. Que le Festival de Cannes, où tout peut basculer, y contribue ! » a-t-elle conclu.

    Avec son titre inédit et mélancolique, Mylène Farmer a rendu hommage à David Lynch et bouleversé les festivaliers du Théâtre Lumière.

    Leonardo DiCaprio a ensuite rappelé qu'il devait le lancement de sa carrière et sa rencontre avec Martin Scorsese à Robert De Niro à qui il a remis une Palme d’or d’honneur : « Ce soir, j’ai l’insigne honneur d’être devant vous pour rendre hommage à quelqu’un qui est notre modèle. L’œuvre de Robert De Niro se décline dans la façon dont il a inspiré les acteurs à traiter leur métier, pas seulement comme une performance solo, mais comme une transformation. Robert De Niro n’est pas juste un grand acteur, c’est L’Acteur. Avec Martin Scorsese, ils ont raconté les histoires les plus légendaires du cinéma, les histoires sans compromis. Ils n’ont pas seulement fait des films, ils ont redéfini ce que le cinéma pouvait être. Ils ont élevé la relation entre acteurs et réalisateurs au stade d’un creuset de partage des risques. »

    Politique, la déclaration de Robert De Niro l’était aussi indéniablement. Vibrante aussi :

    « Merci infiniment au Festival de Cannes d’avoir créé cette communauté, cet univers, ce « chez soi « pour ceux qui aiment raconter des histoires sur grand écran. Le Festival est une plateforme d’idées, la célébration de notre travail. Cannes est une terre fertile où se créent de nouveaux projets. Dans mon pays, nous luttons d’arrache-pied pour défendre la démocratie, que nous considérions comme acquise. Cela concerne tout le monde. Car les arts sont, par essence, démocratiques. L’art est inclusif, il réunit les gens. L’art est une quête de la liberté. Il inclut la diversité. C’est pourquoi l’art est une menace aujourd’hui. C’est pourquoi nous sommes une menace pour les autocrates et les fascistes de ce monde. Nous devons agir, et tout de suite. Sans violence, mais avec passion et détermination. Le temps est venu. Tout un chacun qui tient à la liberté doit s’organiser, protester et voter lorsqu’il y a des élections. Ce soir, nous allons montrer notre engagement en rendant hommage aux arts, ainsi qu’à la liberté, à l’égalité et à la fraternité. »

    Enfin, c’est avec son enthousiasme légendaire qu’un Quentin Tarantino bondissant a déclaré ouverte cette 78ème édition du Festival de Cannes.

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    Pour l’ouverture, les sélectionneurs ont eu cette année l’idée judicieuse de choisir un premier film enchanté et enchanteur, Partir un jour d'Amélie Bonnin, idéal pour lancer les festivités, aussi politiques soient-elles. Partir un jour est le premier long-métrage d'Amélie Bonnin, tiré de son court-métrage éponyme, récompensé par le César du meilleur court-métrage de fiction en 2023.

    Alors que Cécile (Juliette Armanet) s’apprête à réaliser son rêve, ouvrir son propre restaurant gastronomique à Paris, et alors qu'elle vient de découvrir qu'elle est enceinte, elle doit rentrer dans le village de son enfance à la suite de l'infarctus de son père. Loin de l'agitation parisienne, elle recroise son amour de jeunesse (Bastien Bouillon). Ses souvenirs ressurgissent et ses certitudes vacillent…

    Dès les premières minutes, il se dégage de ce film une justesse qui nous happe, d’autant plus surprenante que les chansons qui traduisent les pensées des personnages pourraient y nuire. Au contraire, elles renforcent ce sentiment, et notre proximité avec leurs émotions, par le réveil de nos propres réminiscences, nous embarquant avec eux d’emblée. Cela commence par Alors on danse de Stromae et se termine par le Partir un jour des 2 be 3 qui donne son titre au film. Entre les deux, des personnages qui se débattent avec leurs regrets, que la réalisatrice filme avec beaucoup de tendresse.

    Les scènes chantées ont été enregistrées en direct sur le plateau, sans studio, pour préserver l'authenticité et l'émotion des interprétations, et c’est une entière réussite. Elles ne semblent pas « plaquées » mais s’intègrent parfaitement à l’histoire. La grande majorité des séquences chantées et dansées a par ailleurs été chorégraphiée par Thierry Thieû Niang, ce qui procure beaucoup de fluidité à l’ensemble.

    Un film qui allie avec beaucoup d’intelligence la gaieté, la nostalgie, et l’envie d’étreindre le présent, émaillé aussi de belles idées de mises en scène comme un flashback intégrant le présent.

    Amélie Bonnin rend aussi un bel hommage à l’universalité des musiques que son long métrage intègre parfaitement au récit comme elles-mêmes s’intègrent à celui de nos vies, à tel point que les premières notes d’une chanson dont nous n’entendrons pas un mot suffit à nous faire comprendre ce qu’un personnage ne parvient pas à formuler.

    Si Bastien Bouillon -Une jeune fille qui va bien, La Nuit du 12, Le Comte de Monte-Cristo (que nous retrouverons aussi à Cannes dans la section Cannes Première, dans Connemara de Alex Lutz) nous avait déjà habitués à son talent, qui se confirme ici, dans son étendue, malgré sa coiffure improbable, dans un rôle aux antipodes de ceux dans les films précités, Juliette Armanet nous sidère littéralement par son jeu nuancé et précis, et par sa vitalité qui inonde tout le film. Dominique Blanc et François Rollin, sont tout aussi parfaits dans les rôles des parents de Cécile, l’une complice, et l’autre bougon au cœur tendre. Amandine Dewasmes est particulièrement subtile dans ce rôle d'épouse, faussement aveugle,  sur la fragile frontière entre bienveillance et naïveté. Et Tewfik Jallab impose une présence magnétique.

    Un film qui ré-enchante le passé, et nous serre le cœur d’une douceur mélancolique, comme un souvenir d’adolescence que le temps n’altère pas mais rend à la fois plus beau et plus douloureux.

    Si ce film n’atteint pas la perfection de On connaît la chanson d’Alain Resnais (pour moi un des films les plus brillants et profonds de l’Histoire du cinéma malgré sa légèreté apparente, un mélange subtile –à l’image de la vie – de mélancolie et de légèreté, d’enchantement et de désenchantement, un film à la frontière des émotions et des genres qui témoigne de la grande élégance de son réalisateur, du regard tendre et incisif de ses auteurs et qui nous laisse avec un air à la fois joyeux et nostalgique dans la tête. Un film qui semble entrer dans les cadres et qui justement nous démontre que la vie est plus nuancée et que chacun est forcément plus complexe que la case à laquelle on souhaite le réduire, moins lisse et jovial que l’image « enchantée » qu’il veut se donner) avec lequel certains l’ont comparé, n’oublions pas qu’il s’agit là d’un premier film.

    Ce film musical était décidément parfait pour l’ouverture de ce 78ème Festival de Cannes, nous enjoignant à chanter et danser sous la pluie (Alors, on danse ?), donc malgré les maux du monde sur lesquels les films de ce festival seront, comme chaque année, une « fenêtre ouverte ». Une fête du cinéma lucide et engagée, et tant pis si certains y voient là un paradoxe répréhensible. Une danse mélancolique. Peut-être à l’image des films de cette sélection ? Réponse dans quelques jours après le festival en direct duquel je serai la semaine prochaine.

  • Télévision – Fiction - Critique LES AILES COLLÉES de Thierry Binisti (le 14 mai 2025 sur France 2)

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    Il y a quelques jours, je vous parlais ici du film Le Combat d’Alice, également réalisé par Thierry Binisti. Je vous le recommande de nouveau. Cette fiction télévisée qui devait être diffusée en mars sur France Télévisions, dont la programmation a été annulée pour cause d'actualité, est disponible en replay sur France TV, ici. Ainsi concluais-je l’article :

     Je vous recommande vivement cette fiction sur les combats d’Alice pour et vers la vie, qui ne contient aucune scène superflue, qui insinue constamment de l’émotion sans jamais la forcer, qui traite avec nuances, humanité, pudeur, sensibilité et subtilité du deuil et de notre relation à la vie et forcément à la mort, qu’elle soit humaine ou animale. L’histoire d’une double libération (d’un animal mais aussi d’une jeune fille et de son père, emprisonnés dans leurs rancœurs, leurs non-dits, et surtout leurs douleurs), d’un éveil (au militantisme) et d’un retour à la vie. Il n’est jamais trop tard pour panser les blessures les plus ineffables, et pour réparer les liens brisés : ce film le raconte magnifiquement.

    Beaucoup de ces qualificatifs pourraient aussi définir Les Ailes collées, et a fortiori la dernière phrase. Les Ailes collées est peut-être le plus beau film de Thierry Binisti, avec Une bouteille à la mer, qui, comme ce film-ci, aurait eu toute sa place dans les salles de cinéma…

    Le jour de son mariage, Paul (Roby Schinasi) voit ressurgir Joseph (Jeremy Kapone), qu’il n’a pas revu depuis leur adolescence. Cette venue inattendue est une surprise d’Ana (Pauline Bression) qui ignore tout des liens qui les unissaient autrefois. Elle a eu l’idée de cette surprise en tombant par hasard sur une photo d’eux prise vingt ans plus tôt. C’est sur une plage, un bel après-midi d’été, que les deux adolescents s’étaient rencontrés et immédiatement liés d’amitié. L’amitié laissera bientôt place à un amour, fulgurant, qui suscitera un harcèlement homophobe violent et incessant de la part des camarades de classe de Paul. Jusqu’à cette nuit tragique qui bouleversera à jamais leur existence.  Ces retrouvailles font rejaillir les souvenirs brûlants de leur rencontre. Les doutes sur les choix d’une vie et les émois de cette relation interdite vont alors submerger Paul et Joseph. Quinze ans plus tard, le passé encore brûlant fait vaciller le présent... 

    Ce film est l’adaptation du roman éponyme de Sophie de Baere (Lattès, 2022) pour lequel elle fut lauréate de plusieurs prix littéraires : prix Maison de la Presse 2022, prix du LAC 2022.... Cette adaptation est produite par Jean Nainchrik. Le scénario et les dialogues sont signés Alain Layrac et Alexis Bayet. Je vous ai déjà souvent parlé ici du travail d’Alain Layrac, notamment de son remarquable ouvrage sur l’écriture de scénario, Atelier d’écriture, qui avait servi de base au scénario du film Le Cours de la vie de Frédéric Sojcher. Un livre dans lequel il fait notamment l’éloge du roman Martin Eden de Jack London qui « décrit mieux qu’aucun autre livre ce sentiment euphorisant et éphémère de la satisfaction du travail d’écriture accompli. » Je suis bien d’accord…

    La sensibilité de l'écriture d'Alain Layrac se prête tout particulièrement à l’adaptation de ce roman de Sophie de Baere. L’émotion affleure (pour, je vous préviens, totalement nous ravager à la fin du film), de la première à la dernière seconde. Mais, comme toujours dans les films de Thierry Binisti, sans jamais être forcée, toujours amenée avec délicatesse, dès les retrouvailles entre Paul et Joseph, lorsque la mélancolie flotte subitement dans l’air, et que Paul est submergé par l’émotion, et sort, se retrouvant au milieu des ruines. Tout un symbole alors que les vestiges de son propre passé ressurgissent.

    Le voilà replongé vingt ans plus tôt. C’était l’été. Il n’était alors qu’un adolescent qui n’avait pas d’amis : « Mes voyages à moi, c’est plutôt la musique. J’ai pas trop d’amis. Les gens ne s’intéressent pas à moi d’habitude » dit-il à Joseph quand il le rencontre, lequel lui répond que « ça tombe bien, il n’y a que les gens bizarres qui m’intéressent. » La vie de l’un est aussi bohème que celle de l’autre est rangée. Mais tous deux ont des rapports compliqués avec leurs pères. Celui de Joseph vit au Canada. Celui de Paul trompe la mère de ce dernier. L’alchimie est immédiate, entre eux, et à travers l’écran. L’amitié va bientôt se transformer en amour incandescent. Un amour qui passe par la musique aussi, celle que joue Paul, et celle qu’ils écoutent ensemble, notamment le jazz. Certains morceaux comme I Was Telling Him About You de Carol Sloane est ainsi un 33 tours que Joseph offre à Paul et qui symbolise l’amour et le retour à la vie. Une musique qui exacerbe encore l’émotion du film, lui apporte beaucoup de douceur aussi. C’est Jean-Gabriel Becker qui est l’auteur de la musique originale.  Mogens Peterson, Andrew Patrick Oye, Paul Mottram mais aussi Bach, Chopin, Bach et Schubert, et son incontournable et si romantique sérénade, rythment la magnifique BO de ce film.

    Avec Le prochain voyage, fiction télévisée au tournage de laquelle j’avais eu le grand plaisir d’assister, Thierry Binisti s’attelait au sujet si délicat de la fin de vie. Le film était paradoxalement irradié de lumière, et avant tout empreint de tendresse, de douceur, et là aussi de notes vibrantes de jazz, de la beauté toujours flamboyante de Line Renaud (radieuse, espiègle, si juste) et du charme de Jean Sorel, de la touchante histoire d’amour de leurs personnages. Un film qui faisait avant tout l’éloge de la vie et de la liberté. Un film d’une infinie pudeur, sans pathos, porté par des comédiens exceptionnels. C’est une nouvelle fois le cas ici…

    L’amour qui lie les deux adolescents transperce l’écran, et nimbe le film d’une beauté ensorcelante, ce qui rend d’autant plus âpre et insupportable le harcèlement, la violence, les mots et maux qu’il provoque et qui cherchent à l’enlaidir. Lors d’un exposé une camarade de classe de Paul, celle-ci explique que 6 millions de Juifs sont morts pendant la Shoah, et qu’effectuer une minute de silence pour chacun reviendrait à être silencieux pendant onze ans et demi, ajoutant qu’il n’y avait pas que les Juifs qui subirent ce sort mais aussi notamment les homosexuels qui, eux, portaient un triangle rose. La violence imbécile des harceleurs de Paul se révèle alors en une image, atroce, quand ils lui collent à son tour ce triangle rose sur le dos.

    Que ce soit lorsque l’un des deux garçons déclare son amour à l’autre, ou lorsqu’ils se retrouvent des années plus tard et que, malgré la présence de leurs conjoints respectifs, les regards trahissent la force de leurs sentiments, la musique est toujours là pour dire ce que les mots taisent, et les scènes sont toujours filmées avec la même infinie délicatesse (je me répète, mais c’est vraiment le point commun entre toutes les réalisations de Thierry Binisti). Avec des images très cinématographiques, qui restent, comme lorsque Paul, à Paris avec ses parents, éloigné de Joseph, écoute du jazz et pense à lui, derrière la vitre de la voiture sur laquelle se reflète la tour Eiffel.

    Et puis il y a ce papillon claquemuré, fou de douleur, qui se cogne contre les parois du lustre, qui cherche l’air, la lumière, à libérer ses ailes emprisonnées dans le silence et la souffrance L’emprisonnement à nouveau. Comme dans Le Combat d’Alice. Comme dans Louis XV, le soleil noir enfermé dans sa prison doré (Versailles), comme dans  Une bouteille à la mer (un bijou que je vous recommande, découvert au Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz dans le cadre duquel il fut primé du Prix du meilleur film en 2011, une adaptation du roman de Valérie Zenatti Une bouteille à la mer de Gaza) où Naïm et Tal sont aussi enfermés physiquement de part et d’autre de la frontière, et dans un amour impossible.

    La mère de Paul lit La femme fardée de Sagan…comme sa femme des années plus tard. Un livre dans lequel le drame est latent, et la tension constante, dans lequel la musique est aussi cathartique. Comme les histoires de Sagan, aussi ancrées dans une époque soient-elles, ce film raconte une histoire universelle. Une histoire d’amour(s). Une histoire d’intolérance et donc de violence et de bêtise. Une histoire de rendez-vous manqués (impossible de vous en dire plus sans trop en dévoiler, mais c’est aussi ce qui rend ce film particulièrement poignant). Une histoire de renaissance.

    Le film a été distingué au Festival des créations télévisuelles de Luchon par le prix de la meilleure interprétation masculine, attribué ex-aequo à Max Libert et Alexis Rosenstiehl. Ils le méritent amplement. Tout le casting est d’ailleurs impeccable. Mais ces deux acteurs (et ceux qui incarnent leurs personnages des années plus tard, Roby Schinasi et Jeremy Kapone) sont pour beaucoup dans la bouleversante justesse de ce film. Mais aussi ceux qui les entourent (aucun rôle n’est négligé) comme les deux comédiennes qui interprètent les mères de Joseph et Paul.

    Une fois de plus, dans le cinéma de Thierry Binisti, intime et sujet politique s’entremêlent brillamment.  Dans son troisième long-métrage pour le cinéma, Le Prix du passage, il partait là aussi de l’intime pour parler du politique. Là aussi, il s’agissait de deux personnages forts. Là aussi il s’agissait de désirs (d’ailleurs). Là aussi l’histoire singulière donnait une incarnation à une situation plus universelle, celle des migrants qui, au péril de leur vie, fuient et bravent tous les dangers pour se donner une chance d'un avenir meilleur.

    Les Ailes collées est un film incandescent et marquant. Un film indispensable et déchirant, d’une profonde sensibilité, un plaidoyer vibrant contre l’intolérance et le harcèlement. Un film pour libérer du fardeau du silence et qui, je l’espère, éveillera quelques consciences, et permettra à quelques ailées collées de se libérer, et de prendre leur envol, vers la lumière, vers la parole et la liberté (d'être, d'aimer). Un film que vous n'oublierez pas.

    Dès le jeudi 8 mai sur france.tv et le mercredi 14 mai à 21.10 sur France 2. France Télévisions propose ce film à l’approche de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, et mobilise sa plateforme france.tv, ses antennes linéaires et ses médias sociaux avec une offre de programmes impactante et diversifiée, à l’image de son engagement permanent contre toutes les formes d’exclusion, de violence, de harcèlement et de discrimination. La fiction inédite Les ailes collées, réalisée par Thierry Binisti, est au cœur de ce dispositif éditorial.

  • Critique de LA RÉPARATION de Régis Wargnier (le 16 avril 2025 au cinéma)

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    Qui offre les caractères traditionnels du roman (aventures, sentiments, etc.). Qui a des idées, des sentiments dignes des romans. Qui rappelle l'aspect sentimental, aventureux ou merveilleux. Voilà quelques définitions du dictionnaire d’un adjectif qui m’est cher et qui est celui qui, selon moi, définit le mieux le cinéma de Régis Wargnier : romanesque. Plus intimes que ses grandes fresques historiques que sont notamment Indochine, Une Femme française et Est-Ouest, ce nouveau film du cinéaste n’en correspond pas moins à cet adjectif.

    Trente-neuf ans après son premier film, La femme de ma vie, et onze ans après Le Temps des aveux, nous le retrouvons donc (enfin !) avec plaisir pour ce nouveau long-métrage qui se déroule entre la Bretagne et Taïwan. Comme le furent chacun de ses longs-métrages, de Je suis le seigneur du château (sorte de voyage immobile, avec des personnages – et donc un spectateur - enfermés dans un château en Bretagne, avec sa forêt magique environnante) en passant par Indochine avec l’Asie (déjà), Est-Ouest avec la Russie et l’Ukraine, Man to Man avec l’Afrique du Sud et l’Écosse, Le Temps des aveux avec le Cambodge…La Réparation est une invitation au voyage.

    Bien qu’absent depuis dix ans des salles obscures en tant que réalisateur, Régis Wargnier n’avait cependant pas rompu tout lien avec le septième art. Cinéphile averti, très présent dans les festivals de cinéma, pendant quatre ans, il a aussi présidé plusieurs commissions au CNC, en charge de l’aide aux éditeurs de DVD, et aussi de l’aide à la numérisation. Il fait également partie, depuis 2009, du comité de pilotage de la fondation « culture et diversité », créée par Marc de La Charrière, et dirigée par sa fille Eléonore. Cette fondation a pour but de favoriser l’accès aux écoles de la culture des jeunes des zones défavorisées, sur le principe de l’égalité des chances. Il est également romancier (le romanesque, nous y revenons) : Les Prix d’excellence, publié en 2018, chez Grasset, et La Dernière Vie de Julia B., paru en 2022 chez Robert Laffont.

    Ce cinéma, romanesque donc, trop rare aujourd’hui (remis au goût du jour avec le succès, mérité, du Comte de Monte-Cristo, presque dix millions d’entrées en France à ce jour), auquel, avant lui, David Lean ou Sydney Pollack avaient donné ses lettres de noblesse, compte au moins un chef-d’œuvre, Indochine, qui lui permit de remporter une pluie de récompenses parmi lesquelles l’Oscar du meilleur film étranger en 1993 et le César de la meilleure actrice pour Catherine Deneuve, la même année. Ses films sont de grandes fresques qui provoquent un vertige d’émotions, dans lesquelles se déploie l’ivresse des sentiments. Un cinéma parcouru d’un souffle contagieux dans lequel les personnages sont guidés par leurs élans passionnels et donnent envie aux spectateurs d’embrasser la vie avec fougue. « Les vraies passions donnent des forces, en donnant du courage » écrivait Voltaire. Un cinéma dans lequel les impitoyables soubresauts de l’Histoire fracassent les destins individuels mais font jaillir les forces de la passion.

    Cette fois, direction la Bretagne donc. Là où, quelques heures avant l'attribution de sa troisième étoile, le célèbre chef Paskal Jankovski (Clovis Cornillac) disparaît avec son second, Antoine (Julien De Saint Jean), lors d'une partie de chasse. À vingt ans, sa fille Clara (Julia de Nunez) se retrouve seule aux commandes du restaurant. Deux ans plus tard, elle reçoit une mystérieuse invitation pour Taïwan où elle décide de se rendre. Elle y croise notamment un chroniqueur gastronomique, Mangenot (Louis-Do de Lencquesaing) qui va aussi enquêter sur la disparition de son père, guidé par les saveurs d’un énigmatique chef, Tao (J.C. Lin).

    La disparition (dix mille personnes disparaissent chaque année en France !) est évidemment un sujet éminemment cinématographique par les attentes, les doutes, les questionnements, les hypothèses et les espoirs qu’elle suscite. Elle fait écho au thème de la mer et de l’océan, et plus largement de l’eau, (omni)présents dans le cinéma de Régis Wargnier. Qu’y a-t-il en effet de plus fascinant, impressionnant et mystérieux que ces grandes étendues d’eau, à l’image de ce vertige saisissant que représente une disparition ? C’est ainsi sur des plans de la mer que commencent Indochine et Est-Ouest. On se souvient aussi des plans d’une vertigineuse magnificence de la Baie d’Halong dans le premier.

    La scène d’ouverture de La Réparation joue avec ces souvenirs du spectateur, brouillant les repères des époques et des lieux : dans une nature bretonne qui préfigure les espaces verdoyants et plus exotiques de l’Asie, deux amoureux s’enlacent passionnément. Comme un clin d’œil aux histoires qui ont précédé celle-ci dans le cinéma de Régis Wargnier, profondément épiques et romantiques.

    Clara est au seuil de la vie adulte, sur le point de s’émanciper, à l’âge délicat et brûlant où le respect dû aux parents bataille avec les envies d’ailleurs, de liberté, et d’être soi. Un âge à l’image aussi de ce qu’est ce cinéma romanesque de Régis Wargnier : ardent.

    Les personnages des films de Régis Wargnier sont ainsi souvent confrontés à des tragédies qui les dépassent, historiques comme dans Est-Ouest ou Indochine, ou plus intimes comme dans La Réparation ou dans Je suis le seigneur du château dans lequel le petit Thomas Bréaud, dix ans, perd lui aussi un parent, en l’occurrence sa mère.

    Le thème universel de la filiation figure ainsi également souvent au centre du cinéma de Régis Wargnier. C’est en effet aussi un parcours initiatique pour Clara qui devra l’amener, ainsi qu’Antoine, à réparer le drame dont ils sont les protagonistes involontaires. Elle devra aussi apprendre à gérer ce pesant héritage familial et ses doutes obsédants.

    Dans Indochine, dans les années 30, Eliane Devries (Catherine Deneuve) dirige avec son père Émile (Henri Marteau) une plantation d'arbres à caoutchouc. Elle a adopté Camille (Linh-Dan Pham), une princesse annamite orpheline. Toutes les deux ne vont pas tarder à tomber amoureuses de Jean-Baptiste (Vincent Pérez), un jeune officier de la marine. Là aussi la filiation et la transmission sont au cœur du récit.

    La Réparation n’est pas seulement un film romanesque et de voyage, il se situe ainsi aux frontières de plusieurs genres dont le thriller, le mystère accompagnant la disparition du père de Clara. C’est la gastronomie qui sera le fil directeur de la quête de vérité de la jeune femme, et les saveurs qui la mèneront peut-être jusqu’à lui. Les goûts portent en eux une mémoire et suscitent souvent des réminiscences et peut-être en l’espèce les réponses à ses questions.

    Jane Birkin. Catherine Deneuve. Linh-Dan Pham. Emmanuelle Béart. Sandrine Bonnaire…Ces merveilleuses actrices incarnent des héroïnes fortes et passionnées, sublimées par la caméra aimante du réalisateur, des actrices dans la lignée desquelles s’inscrit Julia de Nunez qui crevait déjà l’écran dans le rôle de Bardot dans la série éponyme de 2023. Sa forte présence, son intensité (de jeu et de regard), son phrasé singulier, son naturel, en font déjà une grande actrice en devenir. Ici, elle est à la fois lumineuse et ombrageuse, intrépide et dévorée par les doutes. Elle incarne son personnage à deux périodes de sa vie : une jeune femme de vingt ans encore sous l’influence de son père qui n’ose lui avouer sa relation avec son second puis une femme éprouvée par un drame qui prend son destin en main pour partir à la recherche de ce dernier à Taïwan avant de prendre un nouveau départ.

    Dans le cinéma de Régis Wargnier, la passion conduit souvent les personnages à transgresser les règles. Ainsi, dans Indochine, Éliane (Catherine Deneuve) transgresse les règles de son rang social pour vivre son amour avec Jean-Baptiste (Vincent Pérez) tandis que celui-ci trahit l’armée française par amour pour Camille (Linh-Dan Pham). Dans Est-Ouest, Marie (Sandrine Bonnaire) ne cessera de lutter pour revenir en France. Dans Une femme française, Jeanne (Emmanuelle Béart) vivra sa passion au mépris des conventions. Ce long-métrage inspiré de la vie de la propre mère de Régis Wargnier explique aussi certainement pourquoi presque tous ses films mettent en scène des personnages de femmes qui bousculent les règles, des femmes libres qui puisent dans l’amour la force de lutter.

    Le scénario de La Réparation, écrit par Régis Wargnier, en collaboration avec Manon Feuvray et Thomas Bidegain, se divise ainsi en deux parties distinctes, portées par la sublime musique originale de Romano Musumarra (qui magnifie les sentiments et les paysages, apporte encore une note supplémentaire de romanesque mais aussi de mystère), et par les saveurs qui en constituent le sel et le liant.

    Le voyage s’avère aussi savoureux grâce aux lieux profondément empreints d’une âme, amoureusement filmés, comme le restaurant en Bretagne et comme le grand hôtel de Taipei et le monastère dans la montagne, grâce aussi à une photographie particulièrement soignée de Renaud Chassaing qui exhale un sentiment romanesque. Dans les deux cas, ce sont de vrais restaurants qui servent de décors au film. Le premier convivial, esthétique, chaleureux, le Moulin de Rosmadec, fait écho au second, celui du restaurant Raw qui sert de décor au film pour la partie se déroulant à Taipei.

    Clovis Cornillac incarne une présence suffisamment forte pour que son absence constitue une sorte d’ombre fantomatique et puissante qui irrigue tout le film, un questionnement permanent aussi. On devine aisément le vertige de celui qui se retrouve à la cime de sa profession après avoir tant bataillé pour gravir les échelons de la gastronomie et y parvenir. Tendre, protecteur et directif avec sa fille, il est aussi intransigeant et perfectionniste avec sa brigade.

    Pour contrebalancer cette silhouette vigoureuse et cette absence omniprésente, il fallait un acteur comme Julien De Saint Jean (déjà formidable dans le rôle d’André dans Le Comte de Monte-Cristo), plus fragile mais non moins fortement présent, au visage poignant. Face à lui, J.C. Lin  a une aura  plus énigmatique et fuyante, mais non moins captivante, comme un double de celle du père de Clara.

    Finalement père et fille seront confrontés à cette même question : comment trouver sa place ? Quel est le sens et quel est le but de cette quête (de réussite) acharnée ?

    Un film qui se savoure, aux thématiques aussi intimes qu’universelles, parcouru d’une mélancolie fascinante comme les paysages qui lui servent de cadre. Le portrait d'un magnifique personnage de femme incarné par une actrice magnétique, aussi à l’image de l’affiche du film : un personnage vulnérable qui court pour trouver la vérité, le chemin de sa vérité, et combat les affres du destin, devant des paysages vertigineux et majestueux, ceux d'une nature grandiose qui la dépasse comme l’énigme indicible à laquelle elle est confrontée.

    Le dernier plan d’un visage, lumineux et judicieusement énigmatique, m’a rappelé celui, sublime et inoubliable, d’Indochine : Catherine Deneuve de dos face au lac, face à ses souvenirs, son avenir, ses espoirs, ses émotions, après les mots bouleversants de son petit-fils.

    Au début d’Indochine, en voix off, Catherine Deneuve prononce cette phrase : « C’est peut-être ça la jeunesse. Croire que le monde est fait de choses inséparables. »  Et ce dernier plan, dans ce film précité comme dans La Réparation, nous suggère cela aussi : l’éternité des choses inséparables. Par-delà la disparition. Et un sentiment de douceur sur lequel s’achèvent ces deux films. C’est peut-être cela, aussi, la réparation…

    «Le silence, c'est laisser la porte ouverte.» Une phrase à l'image de ce film, d'un charme énigmatique, qui nous accompagne bien après la projection. Un immense coup de cœur. Ne le manquez pas !