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Cinéma - Page 2

  • Ouverture du Ciné-Bistrot Claude Lelouch à Trouville le 2 novembre 2025

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    Photo extraite du site officiel du Ciné-Bistrot Claude Lelouch

    Chaque mois désormais, je vous recommande une bonne adresse liée au cinéma... En voici une qu'il m'était impossible de ne pas évoquer ici !

    "On ne meurt jamais d'une overdose de rêves" a coutume de répéter Claude Lelouch. Qui mieux que lui pouvait initier un lieu dédié au septième art, et donc forcément aux rêves, à deux pas de la ville que sa palme d'or 1966 a immortalisé et qu'elle contribua à faire connaître au monde entier ?

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    Lors du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville (dont vous pouvez lire mon compte-rendu, ici), le très attendu Ciné-Bistrot Claude Lelouch n'avait pas encore ouvert ses portes. L'inauguration aura en effet lieu le 30 octobre 2025, jour de l'anniversaire du cinéaste qui fêtera ainsi ses 88 ans (je vous avais raconté, ici, le mémorable concert symphonique donné pour ses 85 ans), et l'ouverture le 3 novembre 2025. Je n'ai donc pas encore pu visiter les lieux, ce à quoi je remédierai lors de mon prochain séjour normand.

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    En attendant, je vous présente néanmoins ce nouvel antre des amoureux du cinéma après vous avoir emmenés le mois dernier dans une autre adresse normande indissociable de Claude Lelouch, l'hôtel Barrière Le Normandy de Deauville, dont je vous parlais, ici, et le mois précédent à la découverte du Cinéma hôtel mk2 Paradiso. En bas de cet article, vous trouverez aussi mes critiques des films qui seront projetés la semaine de l'ouverture.

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    L'ambition de Claude Lelouch était de créer "un lieu où redécouvrir les plus grands films sur grand écran, dans des conditions exceptionnelles." Ce rêve a donc donné naissance au Ciné-Bistrot Claude Lelouch, à Trouville-sur-Mer, à deux pas du casino, face à la mer.

    Dans cette entreprise dédiée au rêve, annoncée comme un "festival permanent", le réalisateur sera secondé par Alexis Chermant, "passionné de gastronomie" qui "a contribué à donner au lieu son esprit convivial et gourmand. Ensemble, ils ont voulu créer un endroit où l’on vient autant pour savourer un bon film que pour partager un repas, un goûter ou un verre, dans une atmosphère chaleureuse et intime."

    Ce lieu hybride réunira ainsi "deux plaisirs universels : le cinéma et la table". Le cinéma redevient ce qu'il était lors de ses origines, et cela dès la première projection publique payante du 28 décembre 1895 : un "plaisir collectif".

    "La salle a été pensée comme un salon confortable, avec des fauteuils accueillants, une lumière douce et une acoustique étudiée. À la sortie de la projection, on peut prolonger la soirée autour d’un dessert, d’un verre ou simplement d’une conversation au bar, face à la mer."

    Le lieu a été conçu par l'Atelier Hemon Architectes et Jean-Marc Lalo, qui ont ainsi transformé cet ancien bâtiment municipal en lieu convivial dédié au cinéma et à la gastronomie.

    Au programme, à partir du 3 novembre : Itinéraire d'un enfant gâté (du 3 au 9 novembre), L'aventure c'est l'aventure (du 3 au 9 novembre), Un + une (du 10 au 16 novembre) et D'un film à l'autre (du 10 au 16 novembre). Je vous propose ci-dessous mes critiques de trois de ces quatre films. Je vous les recommande évidemment tous.

    Plus qu'un repas ou une séance de cinéma, le Ciné-Bistrot vous promet ainsi une expérience unique. 


    Ouvert tous les jours sauf les jeudis et vendredis.
    – 12 h à 14 h : Service déjeuner
    – 15 h à 18 h : Formule Ciné et Goûter – 30 € / personne
    – 19 h à 23 h : Formule Buffet et Ciné – 43 € / personne
    (Projection du film à 20 h 30)

    Le site officiel du Ciné-Bistrot Claude Lelouch pour en savoir plus, ici.

    Le Ciné-Bistrot Claude Lelouch sur Instagram : @cinebistrotclaudelelouch.

    Critique - ITINÉRAIRE D'Un ENFANT GÂTÉ de Claude Lelouch

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    Itinéraire d’un enfant gâté de Claude Lelouch est un des plus grands succès du cinéaste, un film datant de 1988, que j'avais d'ailleurs eu le plaisir de revoir lors du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2016 dont vous pouvez retrouver mon compte rendu ici. (avec également le résumé de la rencontre avec Richard Anconina qui avait suivi la projection)

    Sam Lion (Jean-Paul Belmondo) a été élevé dans le milieu du cirque puis a dû faire une reconversion forcée comme chef d’entreprise. Mais la cinquantaine passée, il se lasse de ses responsabilités et de son fils, Jean-Philippe, dont la collaboration ne lui est pas d’un grand secours. Il décide d’employer les grands moyens et de disparaître en Afrique, après avoir simulé un naufrage lors de sa traversée de l’Atlantique en solitaire. Mais son passé va l’y rattraper en la personne d’Albert Duvivier (Richard Anconina), un de ses anciens employés licencié qu’il retrouve par hasard en Afrique et qui le reconnaît…

    « Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte ». La citation d’Albert Cohen qui ouvre le film le place sous le sceau du pessimisme et de la solitude, impression  que renforce la chanson de Nicole Croisille qui ouvre le long-métrage. « Qui me dira, les mots d’amour qui font si bien, du mal ? Qui me tiendra, quand tu iras décrocher toutes les étoiles ? Qui me voudra, avec le nez rouge, et le cœur en larmes ? Qui m’aimera, quand je n’serai plus que la moitié d’une femme ? » La musique est reprise en chœur tandis qu’un petit garçon, seul sur un manège, attend désespérément sa mère. Un homme s’occupe de lui, découvre le carton qu’il a autour du cou et qui indique que sa mère l’a abandonné. La musique épique, flamboyante, lyrique, accompagne ensuite les premières années et les numéros de cirque étourdissants qui défilent (sans dialogues, juste avec la musique pour établir le lien) jusqu’à l’accident fatidique. Les flashbacks alternent avec les vagues sur lesquelles flotte le navire de Sam Lion, des vagues qui balaient le passé. Les premières minutes sont bouleversantes, captivantes, montées et filmées sur un rythme effréné, celui sur lequel Sam Lion (ainsi appelé parce qu’il a été élevé dans un cirque) va vivre sa vie jusqu’à ce qu’il décide de disparaître.

    Rares sont les films qui vous émeuvent ainsi, dès les premiers plans et qui parviennent à maintenir cette note jusqu’au dénouement. Pour y parvenir, il fallait la subtile et improbable alliance d’ une musique fascinante comme un spectacle de cirque, d’acteurs phénoménaux au sommet de leur art, de dialogues jubilatoires magistralement interprétés, un scénario ciselé, des paysages d’une beauté à couper le souffle, des histoires d’amour (celles qui ont jalonné la vie de Sam Lion, avec les femmes de sa vie, son grand amour décédé très jeune, sa seconde femme, sa fille Victoria pour qui il est un héros et un modèle et qui l’aime inconditionnellement, mais aussi celles d’Albert avec Victoria), jouer avec nos peurs (l’abandon, la disparition des êtres chers, le besoin de reconnaissance), nos fantasmes (disparaître pour un nouveau départ, le dépaysement) et les rêves impossibles (le retour des êtres chers disparus).

    Sam Lion va par hasard rencontrer un employé de son entreprise (entre-temps, il a construit un empire, une entreprise de nettoyage), ce jeune homme maladroit et qui manque de confiance en lui va devenir l’instrument de son retour et sa nouvelle famille.  Cela tombe bien : il commence à s’ennuyer.

    Peu à peu, le puzzle de la vie et des déchirures de Sam Lion, grâce aux flashbacks, se reconstitue, celui des blessures de cet homme qui l’ont conduit à tout quitter, écrasé par les responsabilités sans avoir le temps de penser à ses blessures, ni de les panser, porté par la soif d’ailleurs, de vérité, de liberté.

    Alors, bien sûr, il y a la si célèbre et irrésistible scène du bonjour, toujours incroyablement efficace, tant la candeur d’Albert est parfaitement interprétée par Anconina, tant la scène est magistralement écrite, tant les comédiens sont admirablement dirigés mais chaque scène (les acteurs sont filmés en gros plan, au plus près des émotions) sont des moments d’anthologie de comédie, d’humour, de poésie, d’émotion (parfois tout cela en même temps lorsque Victoria est conduite à son père grimé en pompiste et qu’on lui présente comme le sosie parfait de son père qu’elle croit mort, lors de la demande en mariage…) et toujours ces moments qui auraient pu être de simples saynètes contribuent à faire évoluer l’intrigue et à nous faire franchir un cran dans l’émotion, dans ces parfums de vérité qu’affectionne tant le réalisateur. Claude Lelouch ne délaisse aucun de ses personnages ni aucun de ses acteurs. Chacun d’entre eux existe avec ses faiblesses, ses démons, ses failles, ses aspirations. Et puis quelle distribution : Marie-Sophie L, Michel Beaune, Pierre Vernier, Daniel Gélin… !

    Jean-Paul Belmondo,  plusieurs années après  Un homme qui me plaît  retrouvait ici Claude Lelouch qui lui offre un de ses plus beaux rôles en lui permettant d'incarner  pour la première fois un homme de son âge au visage marqué par le temps mais aussi un personnage non moins héroïque. En choisissant Anconina pour lui faire face, il a créé un des duos les plus beaux et les plus touchants de l’histoire du cinéma.

    Itinéraire d’un enfant gâté est une magnifique métaphore du cinéma, un jeu constant avec la réalité : cette invention qui nous permet d’accomplir nos rêves et de nous faire croire à l’impossible, y compris le retour des êtres disparus. Belmondo y interprète l’un de ses plus beaux rôles qui lui vaudra d’ailleurs le César du Meilleur Acteur, césar que le comédien refusera d’aller chercher.

    On sort de la projection, bouleversés de savoir que tout cela n’était que du cinéma (le temps malheureusement reste assassin), mais avec la farouche envie de prendre notre destin en main et avec, en tête, la magnifique et inoubliable musique de Francis Lai : « Qui me dira… »  et l’idée que si « chaque homme est seul », il possède aussi les clefs pour faire de cette solitude une force, pour empoigner son destin. Et ce dernier plan face à l’horizon nous laisse à la fois bouleversés et déterminés à regarder devant, prendre le large ou en tout cas décider de notre itinéraire. Un grand film intemporel, réjouissant, poignant.

    Critique - UN + UNE de Claude Lelouch

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    En 1966, avec Un homme et une femme, sa sublime histoire de la rencontre de deux solitudes blessées avec laquelle il a immortalisé Deauville, Claude Lelouch recevait la Palme d’or, l’Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario parmi 42 récompenses … à 29 ans seulement ! Ce 45ème film de Claude Lelouch, presque cinquante ans plus tard raconte à nouveau l’histoire d’un homme et d’une femme et les années et les films qui séparent ces deux longs-métrages semblent n’avoir en rien entaché la fougue communicative, la réjouissante candeur, le regard enthousiaste, la curiosité malicieuse du cinéaste. Ni la fascination avec laquelle il regarde et révèle les acteurs. Les acteurs et la vie qu’il scrute et sublime. Bien que les critiques ne l’aient pas toujours épargné, il est en effet toujours resté fidèle à sa manière, singulière, de faire du cinéma, avec passion et sincérité, et fidélité, à la musique de Francis Lai, aux fragments de vérité, aux histoires d’amour éblouissantes, à sa vision romanesque de l’existence, à son amour inconditionnel du cinéma et de l’amour, à ses phrases récurrentes, à ses aphorismes, aux sentiments grandiloquents et à la beauté parfois terrible des hasards et coïncidences.

    Claude Lelouch est né avec la Nouvelle Vague qui ne l’a jamais reconnu sans doute parce que lui-même n’avait «pas supporté que les auteurs de la Nouvelle Vague aient massacré Clouzot,   Morgan, Decoin, Gabin », tous ceux qui lui ont fait aimer le cinéma alors qu’il trouvait le cinéma de la Nouvelle Vague « ennuyeux ». Et tous ceux qui m’ont fait aimer le cinéma. Avec son film Roman de gare, les critiques l’avaient enfin épargné, mais pour cela il avait fallu que le film soit au préalable signé d’un autre nom que le sien. Peu m’importe. Claude Lelouch aime la vie. Passionnément. Sous le regard fiévreux et aiguisé de sa caméra, elle palpite. Plus qu’ailleurs. Et ce nouveau film ne déroge pas à la règle.

    Après Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Sandrine Bonnaire dans Salaud, on t’aime, c’est un autre trio charismatique qui est à l’honneur dans ce nouveau film : Jean Dujardin, Elsa Zylberstein et Christophe Lambert (voire un quatuor avec Alice Pol). Son film précédent, Salaud, on t’aime, se rapprochait de Itinéraire d’un enfant gâté, du moins en ce qu’il racontait l’histoire d’un homme à l’automne de sa vie, un autre « enfant gâté » passé à côté de l’essentiel et qui, contrairement au film précité, n’allait pas fuir sa famille mais tenter de la réunir. Ici, c’est finalement aussi d’un homme passé à côté non pas de sa vie mais de lui-même dont Lelouch nous raconte l’histoire.

    La manière dont le film est né ressemble déjà à un scénario de film de Claude Lelouch. Jean Dujardin et Elsa Zylberstein ont ainsi plusieurs fois raconté sa genèse. Le hasard qu’affectionne tant Claude Lelouch les a réunis sur le même vol entre Paris et Los Angeles lors duquel ils ont parlé de cinéma pendant des heures et notamment d’un film de Claude Lelouch, Un homme qui me plaît, qu'ils adorent tous les deux. L'histoire d'amour entre un compositeur incarné par Jean-Paul Belmondo et une actrice incarnée par Annie Girardot qui tombent amoureux à l'autre bout du monde. Elsa Zylberstein a appelé Claude Lelouch et l’histoire était lancée, une histoire d’amour qui, eux aussi, les a emmenés à l’autre bout du monde…

    Jean Dujardin incarne ici le séduisant, pragmatique, talentueux Antoine. Antoine est compositeur de musiques de films. Antoine regarde la vie avec distance, humour et légèreté. Antoine est comme un enfant joueur et capricieux. D’ailleurs, il porte le prénom du petit garçon dans Un homme et une femme. Il part en Inde travailler sur une version très originale de Roméo et Juliette intitulée Juliette et Roméo et alors que sa compagne (Alice Pol) le demande en mariage par téléphone. À l’occasion d’une soirée donnée en son honneur à l’Ambassade de France, il rencontre la pétillante Anna (Elsa Zylberstein), la femme de l’ambassadeur (Christophe Lambert), aussi mystique qu’il est pragmatique, une femme qui, en apparence, ne lui ressemble en rien, pourtant, dès ce premier soir, entre ces deux-là, semble régner une magnétique connivence. Cette rencontre va les entraîner dans une incroyable aventure. Et le spectateur avec eux.

    Ce que j’aime par-dessus tout dans les films de Claude Lelouch, ce sont ces personnages, toujours passionnément vivants. Dans chacun de ses films, la vie est un jeu. Sublime et dangereux. Grave et léger. Un jeu de hasards et coïncidences. Le cinéma, son cinéma, l’est aussi. Et dans ce film plus que dans tout autre de Claude Lelouch. Le fond et la forme coïncident ainsi en une ludique mise en abyme. Le film commence par l’histoire d’un voleur qui va inspirer le film dont Antoine a composé la musique et dont les images jalonnent le film…de Lelouch. Le présent, le passé et le rêve s’entrelacent constamment pour peu à peu esquisser le portrait des deux protagonistes, pour se jouer de notre regard sur eux et sur la beauté troublante des hasards de la vie.

    Cela commence par des images de l’Inde, fourmillante, colorée, bouillonnante de vie dont la caméra de Lelouch, admirative, caresse l’agitation multicolore. Prémisses d’un voyage au pays « du hasard » et « de l’éternité. » Un voyage initiatique. Puis, il nous raconte une première histoire. Celle du voleur qui sauve sa victime, et de leur histoire d’amour. Celle du film dans le film. Un miroir de celle d’Anne et d’Antoine. Presque un conte. D’ailleurs, devant un film de Lelouch, j’éprouve la sensation d’être une enfant aux yeux écarquillés à qui on raconte une fable. Ou plein d’histoires puisque ce film est une sorte de poupée russe. Oui, une enfant à qui on rappelle magnifiquement les possibles romanesques de l’existence.

    Ensuite, Antoine rencontre Anna lors du dîner à l’ambassade. Antoine pensait s’ennuyer et le dit et le clame, il passe un moment formidable et nous aussi, presque gênés d’assister à cette rencontre, leur complicité qui crève les yeux et l’écran, leur conversation fulgurante et à l’image de l’Inde : colorée et bouillonnante de vie. Il suffirait de voir cet extrait pour deviner d’emblée qu’il s’agit d’un film de Lelouch. Cette manière si particulière qu’ont les acteurs de jouer. Ou de ne pas jouer. Vivante. Attendrissante. Saisissante de vérité. En tout cas une scène dans laquelle passe l’émotion à nous en donner le frisson. Comme dans chacun des tête-à-tête entre les deux acteurs qui constituent les meilleurs moments du film, dans lesquels leurs mots et leurs silences combattent en vain l’évidente alchimie. Ils rendent leurs personnages aussi attachants l’un que l’autre. Le mysticisme d’Anna. La désinvolture et la sincérité désarmante d’Antoine avec ses irrésistibles questions que personne ne se pose. Antoine, l’égoïste « amoureux de l’amour ».

    Comme toujours et plus que jamais, ses acteurs, ces deux acteurs, la caméra de Lelouch les aime, admire, scrute, sublime, magnifie, révèle, caresse presque, exacerbe leur charme fou. Ce film comme chaque film de Lelouch comporte quelques scènes d’anthologie. Dans son précédent film Salaud, on t’aime, les deux amis Kaminsky/Johnny et Selman/ Eddy nous rejouaient Rio Bravo et c’était un régal. Et ici, chacun des échanges entre Antoine et Anna l’est aussi. Comme dans tout film de Lelouch aussi les dialogues sont parsemés de petites phrases dont certaines reviennent d’un film à l’autre, souvent pour nous rappeler les « talents du hasard » :

    « Mon agent, c’est le hasard. »

    « Mon talent, c’est la chance. »

    « Le pire n’est jamais décevant. »

     Ce film dans lequel l’amour est l’unique religion est une respiration salutaire a fortiori en cette période bien sombre. Un hymne à l’amour, à la tolérance, au voyage aussi bigarrés et généreux que le pays qu’il nous fait traverser. Un joyeux mélange de couleurs, de fantaisie, de réalité rêvée ou idéalisée, évidemment souligné et sublimé par le lyrisme de la musique du fidèle Francis Lai (retrouvez mon récit de la mémorable master class commune de Lelouch et Lai au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2014, ici) et celle de la Sérénade de Schubert (un peu trop utilisée par les cinéastes ces temps-ci mais c’est celle que je préfère donc je ne m’en lasse pas), par des acteurs que le montage inspiré, la musique lyrique, la photographie lumineuse ( de Robert Alazraki), le scénario ingénieux (signé Valérie Perrin et Claude Lelouch), et l’imparable et incomparable direction d’acteurs de Lelouch rendent plus séduisants, convaincants, flamboyants et vibrants de vie que jamais.

     Une « symphonie du hasard » mélodieuse, parfois judicieusement dissonante, émouvante et tendrement drôle avec des personnages marquants parce que là comme ils le sont rarement et comme on devrait toujours essayer de l’être : passionnément vivants. Comme chacun des films de Lelouch l’est, c’est aussi une déclaration d’amour touchante et passionnée. Au cinéma. Aux acteurs. À la vie. À l’amour. Aux hasards et coïncidences. Et ce sont cette liberté et cette naïveté presque irrévérencieuses qui me ravissent. Dans la vie. Au cinéma. Dans le cinéma de Lelouch qui en est la quintessence. Vous l’aurez compris, je vous recommande ce voyage en Inde !

    Critique - Documentaire - D'UN FILM A L'AUTRE

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    Le cinéma de Claude Lelouch a bercé mon enfance. D’ailleurs, moi dont la passion pour le cinéma a été exacerbée à et par Deauville, j’étais presque « condamnée » à aimer son cinéma indissociable de cette ville qu’il a magnifiquement immortalisée.

    Lelouch. Prononcez ce nom et vous verrez immédiatement l’assistance se diviser en deux. Les adorateurs d’un côté qui aiment : ses fragments de vérité, ses histoires d’amour éblouissantes, sa vision romanesque de l’existence, sa sincérité, son amour inconditionnel du cinéma, ses phrases récurrentes, ses aphorismes, une musique et des sentiments grandiloquents, la beauté parfois cruelle des hasards et coïncidences. Les détracteurs de l’autre qui lui reprochent son sentimentalisme et tout ce que les premiers apprécient, et sans doute de vouloir raconter une histoire avant tout, que la forme soit au service du fond et non l’inverse. Je fais partie de la première catégorie et tant pis si pour cela je dois subir la condescendance des seconds. Le cinéma est pour moi avant tout affaire de passion, de sincérité, d’audace et quoiqu’en disent ses détracteurs, le cinéma de Claude Lelouch se caractérise par ces trois éléments comme le démontre magnifiquement de documentaire, D’un film à l’autre, réalisé à l’occasion des 50 ans des films 13.  Un documentaire qui résume un demi-siècle de cinéma.

    Ayant lu l’autobiographie de Claude Lelouch (Itinéraire d’un enfant très gâté, Robert Laffont) que je vous recommande et ayant vu un grand nombre de ses films, j’ai néanmoins appris pas mal d’anecdotes et an ai réentendu d’autres comme l’histoire de la rencontre de ses parents à laquelle fera formidablement écho la remise de son Oscar des années plus tard (je vous laisse la découvrir si vous ne connaissez pas l’anecdote). Magnifique hasard à l’image de ceux qu’il met en scène.

    Un parcours fait de réussites flamboyantes et d’échecs retentissants. « C’est plus difficile aujourd’hui de sortir d’un échec, aujourd’hui la terre entière est au courant. À l’époque, cela restait confidentiel. Derrière un échec on peut rebondir autant qu’on veut si on ne demande rien aux autres. Etant donné que j’ai toujours été un spécialiste du système D, j’ai toujours trouvé le moyen de tourner des films » a-t-il précisé lors du débat.

     La plus flamboyante de ses réussites fut bien sûr Un homme et une femme, palme d’or à Canes en 1966, Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario parmi 42 récompenses … à 29 ans seulement ! Film que Claude Lelouch a, comme souvent réalisé, après un échec. Ainsi le 13 septembre 1965, désespéré, il roule alors vers Deauville où il arrive la nuit, épuisé. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture,  elle  marche sur la plage avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera Un homme et une femme, la rencontre de deux solitudes blessées qui prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.

    Une histoire que vous redécouvrirez parmi tant d’autres comme les derniers instants de Patrick Dewaere,  et puis des tas d’autres hasards et coïncidences et d’histoires sur les uns et les autres que Lelouch nous raconte en voix off, avec passion et sincérité, comme un film, celui de son existence, une existence à 100 à l’heure, à foncer et ne rien regretter à l’image de son court-métrage C'était un rendez-vous qui ouvre le documentaire. L’histoire d’une vie et une histoire, voire une leçon, de cinéma. Claude Lelouch souligne notamment l’importance de la musique tellement importante dans ses films : « L’image, c’est le faire-valoir de la musique ». « Chaque nouvelle invention modifie l’écriture cinématographique. Mes gros plans c’est ma dictature, et les plans larges c’est ma démocratie, et pas de plan moyen. » a-t-il précisé lors du débat. « Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui va très vite et on n’a plus le temps de lire le mode d’emploi alors que de mon temps on avait le temps de lire le  mode d’emploi mais il y a quelque chose qui n’a pas fait de progrès c’est l’amour.  La montée et la descente d’une histoire d’amour  m’ont toujours fasciné. »

    Claude Lelouch est né avec la Nouvelle Vague qui ne l’a jamais reconnu sans doute parce que lui-même  n’avait « pas supporté que les auteurs de la Nouvelle Vague aient massacré Clouzot,  Morgan, Decoin, Gabin », tous ceux qui lui ont fait aimer le cinéma alors qu’il trouvait le cinéma de la Nouvelle Vague « ennuyeux ».

    Quel bonheur de revoir Jean-Paul Belmondo, Jacques Villeret, Yves Montand, Annie Girardot, Jean Louis Trintignant, Anouk Aimée, Fabrice Luchini Evelyne Bouix, Catherine Deneuve, Lino Ventura, Fanny Ardant,  Francis Huster, Alessandra Martines, tantôt irrésistibles ou bouleversants, parfois les deux, magnifiés par la caméra de Claude Lelouch qui sait si bien, par sa manière si particulière de tourner et surtout de diriger les acteurs, capter ces fameux fragments de vérités. « Les parfums de vérité plaisent au public français. Donner la chair de poule, c’est l’aristocratie de ce métier. » Comment ne pas être ému en revoyant Annie Girardot dans  Les Misérables (film qui lui vaudra ce César de la meilleure actrice dans un second rôle, en 1996, et sa déclaration d’amour éperdue au cinéma ), Jean-Paul Belmondo et Richard Anconina dans Itinéraire d’une enfant gâté ? Des extraits comme autant de courts-métrages qui nous laissent un goût d’inachevé et nous donnent envie de revoir ses films.

     « Il n’y a pas de vraies rencontres sans miracles » d’après Claude Lelouch et chacun de ces miracles en a donné un autre, celui du cinéma.  «L’idée était de raconter l’histoire des films 13 et comment je suis allée d’un miracle à l’autre car un film est toujours un miracle. »

     Alors tant pis si une certaine critique continue de le mépriser (il y est habitué lui dont un critique clairvoyant disait à ses débuts  "Claude Lelouch... Souvenez-vous bien de ce nom. Vous n'en entendrez plus jamais parler.")  voire les professionnels de la profession  car  comme il le dit lui-même :  « Un seul critique qui compte sur moi, c’est le temps qui passe ».

     Alors si comme moi, vous aimez le cinéma de Claude Lelouch et les fragments de vérités, si vous croyez aux  hasards et coïncidences, fussent-ils improbables, découvrez ce documentaire qui est aussi la leçon d’une vie d’un homme  qui a su tirer les enseignements de ses succès et surtout de ses échecs et d’un cinéaste qui a tellement sublimé l’existence et les acteurs, ce dont témoigne chaque seconde de ce documentaire passionnant, itinéraire d'un enfant gâté, passionné fou de cinéma.

    Retrouvez aussi, ici, mon compte-rendu des 10 ans du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule dont Claude Lelouch était l'invité d'honneur.

    Vous voulez davantage de bonnes adresses ? Retrouvez-en de nombreuses autres sur mon autre site In the mood for hôtels de luxe.

  • Télévision – Documentaire - VOIR L’AUTOMNE, UNE SAISON EN FRANCE de Jeremy Frey (mardi 21 octobre à 21h10 sur France 2)

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    Que ce soit Verlaine avec sa Chanson d’automne (« Les sanglots longs Des violons De l’automne Blessent mon cœur D’une langueur Monotone… »), Camus ( « L’automne est un second printemps où chaque feuille est une fleur») ou Baudelaire (« La beauté de l’automne est un poème écrit par la nature»)…, nombreux sont les poètes et écrivains à avoir célébré cette saison plurielle et mystérieuse charriant une myriade de couleurs envoûtantes, ombrageuses et/ou éclatantes.

    Voir l'automne, une saison en France. Tel est le titre du documentaire inédit de 97 minutes à découvrir dès le vendredi 17 octobre sur france.tv et le mardi 21 octobre à 21h10 sur France 2. Réalisé par Jeremy Frey, écrit par Jeremy Frey et Rémi Dupouy, il est produit par Hope Production (Yann Arthus-Bertrand…) et Calt Production.

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    © Hope production / Calt production

    Je vous parlais hier, dans mon compte-rendu du troisième Festival de la Fiction et du Documentaire Politique de La Baule (à lire, ici), dont le palmarès a été délivré samedi dernier, du remarquable documentaire de Yann Arthus-Bertrand et Michael Pitiot, France, une histoire d’amour, à découvrir au cinéma le 5 novembre 2025, lauréat du prix des lycéens du festival. Un film dont la sublime photographie (justement signée Jeremy Frey, réalisateur de Voir l’automne) magnifie la beauté du territoire français, de ses visages et de leur générosité. Yann Arthus-Bertrand y prononce la phrase suivante, qui pourrait aussi s’appliquer à cet autre documentaire que je vous recommande aujourd’hui : « Là on va être dirigé par un dictateur sans conscience, le climat. La vie n'a aucun sens. C'est vous qui décidez de donner un sens à votre vie. On a tous la mission et le devoir de protéger la vie sur terre. J'ai passé ma vie à photographier la beauté. C'est quoi la beauté ? C'est les gens qui font, qui partagent. Cette beauté a un nom très simple. Elle s'appelle l'amour. »

    En 2024, l’automne avait aussi inspiré une fiction avec François Ozon qui, dans Quand vient l’automne, filmait ainsi des personnages aux couleurs lunatiques à l'image de celles de cette saison dont il célébrait la mélancolie troublante. Un film ensorcelant et chamarré comme les couleurs automnales (photographie de Jérome Alméras), doux et cruel, savoureusement ambigu, qui célèbre autant l’automne de la vie que cette saison, et qui s’achève, comme toujours chez Ozon, par la fin logique d’un cycle, entre ambivalence et apaisement.

    Ce documentaire lui rend aussi un magnifique hommage, sensoriel. C’est un hymne à cette saison et à la nature, et un vibrant plaidoyer pour sa préservation. En automne, la nature flamboie, déploie toute une palette de couleurs et d’émotions, dont le réalisateur capte ici avec une infinie sensibilité la moindre nuance et le moindre frémissement.

    Synopsis : Au fil d'images insolites et grandioses, sensibles et inédites de la faune comme de la flore, une découverte de l'automne de l'intérieur, pour mieux en saisir le fonctionnement et les nuances. Des jardiniers, professeurs, pompiers, activistes, gardes forestiers, photographes amateurs ou cantonniers révèlent, à travers leurs expériences, anecdotes et récits, de multiples façons de regarder la nature. Dans des paysages hauts en couleur, ils invitent à une exploration inédite de la nature en France, à un décryptage des phénomènes qui font l'actualité en automne et à une invitation à s'émerveiller devant les temps forts et les bouleversements de cette saison si particulière. "Voir l'automne, une saison en France" nous entraîne dans un voyage sensible à travers ceux qui vivent la saison au plus près du vivant.  Un couple de jeunes vignerons dont les festives vendanges marquent le début de l’automne. Un vieux berger, mémoire du Mercantour, qui transmet son savoir à sa fille en pleine transhumance. Un apnéiste qui vit une histoire avec un phoque dans le Finistère, au moment de la saison des amours. Une acousticienne qui tente de capturer la puissance du brame du cerf. Marie, jeune biologiste à Saint-Pierre-et-Miquelon, face à une baleine à bosse qui entame sa migration. Yann Arthus-Bertrand face à un chasseur à la hutte en baie de Somme. Vincent, dans les Pyrénées, photographe animalier en devenir, le seul à voir régulièrement l’ours, bientôt en hibernation.

    Cela débute par des silhouettes qui s'avancent face à des images somptueuses d'automne dans la brume, comme si ces ombres nous invitaient à entrer dans l’image, à nous glisser dans le fascinant labyrinthe automnal, à nous laisser éblouir avec elles par la magie de cette saison, à pénétrer dans un conte qui narre les grandes étapes de l'automne en France, à travers les « rencontres avec ceux qui les vivent aux premières loges. » « Je crois que tu vas voir l'automne » annonce ainsi le réalisateur Jeremy Frey à Yann Arthus-Bertrand, comme s’il l’invitait lui aussi à entreprendre ce périple fabuleux grâce aux « images tournées en milieu naturel par l'équipe à cette saison ».

    Dès les premiers plans, la beauté stupéfiante des images accompagnées et sublimées par la musique, lyrique et prenante, nous saisit et nous emporte. Nous voilà embarqués pour un voyage qui nous donne à voir la beauté versatile et captivante de l’automne. Chaque plan du film exhale et exalte la beauté éblouissante de la nature. Ses couleurs chatoyantes nous invitent ainsi à une danse consolante.

    Une attention particulière est accordée aux sons. « Car l’automne, c’est aussi une musique. » Le réalisateur explique ainsi avoir travaillé avec « des ingénieurs du son, des acousticiens et des compositeurs pour révéler cette dimension acoustique, pour que les oreilles s’ouvrent autant que les yeux. » Et le résultat est époustouflant. Comme si nous étions un animal se faufilant dans cette nature vibrante, guidés et émerveillés par la poésie de ses bruits : le vent dans les feuilles mortes, le chant des oiseaux, le bourdonnement des abeilles, le bruissement d’ailes ou de pattes sur les feuilles, la pluie qui rebondit et crépite sur la végétation…et même la force (d’autant plus) saisissante des silences et le rire cristallin des enfants.

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    © Hope production / Calt production

    Dans sa note d’intention, le réalisateur explique qu’il souhaite filmer « le sauvage, réellement » et « nous réapprendre à voir l’automne, à l’écouter, à nous en émerveiller. » À cette époque insatiable, dans laquelle l’attention est constamment sollicitée, une émotion supplantée par une autre, dans une surenchère et un enchaînement harassants de bruits et d’images, ce documentaire remplit la salutaire et noble mission de nous inviter à saisir la beauté, à prendre le temps, à voir et à écouter ce qui est là, juste face à nous, et que nous ne distinguons pourtant bien souvent même plus. Ce tableau bouleversant de la nature ne le serait pas sans le regard empreint d’humanité, de sensibilité et de douceur qui se pose dessus mais aussi sans la vision de ceux qui racontent « leur » automne. L’entreprise n’est pas seulement esthétique et sensorielle mais pédagogique, aspirant à contribuer à renouer le lien entre l’homme et la nature, à redonner envie de préserver ce monde qui nous fait vivre.

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    © Hope production / Calt production

    Ce voyage inoubliable, nous fait passer par toutes les couleurs et les émotions de l’automne, des plaines au littoral, en passant par la montagne, les marais, l’océan et les forêts, la mangrove, du mois de septembre avec ses dernières fleurs, en plaine avec les libellules, le sanglier d’Eurasie, le chevreuil d’Europe, en passant par les vignobles, la saison des amours des phoques, jusqu’à décembre avec les premières neiges dans les Alpes du Nord.

    À travers les histoires de chacun, ce voyage intime et universel nous dévoile les merveilles de cette saison méconnue, pourtant essentielle pour beaucoup d’espèces. Le premier intervenant a été victime d’un accident de chasse à cause duquel il a perdu l’usage de tout son corps jusqu’au torse. Sans esprit de revanche mais animé par la bienveillance, il explore la biodiversité, apprend aux enfants à connaître les abeilles, leur explique que, à cause du frelon asiatique, la  « survie de la ruche est engagée si on ne fait rien. » Ce film célèbre la diversité, la richesse et la magnificence de la vie à travers les témoignages. Les histoires à travers lesquelles l’automne est raconté humanisent la nature. Comme la bouleversante Élodie, photographe d’animaux sauvages, pour qui la nature était un refuge quand elle était harcelée à l’école : « La nature, c’était un refuge pour moi, parce que j’ai été harcelée à l’école. J’allais dans la nature pour évacuer. Dans la nature, il n’y a pas de bons ni de mauvais, il n’y a pas de juste ou d’injuste. En fait, la nature, elle est, tout simplement. » Tout concourt à souligner (sans jamais surligner, la caméra caresse l’environnement, avec respect) la puissance émotionnelle de la nature et à souligner le rôle crucial de tout ce et ceux qui la compose(nt). Il nous rappelle aussi que l’observation de la vie sauvage ne nécessite pas forcément d’aller au bout du monde.

    Jeremy Frey est réalisateur de documentaires société comme 7 jours à Kigali la semaine où le Rwanda a basculé, qu’il avait coréalisé avec Mehdi Ba, dont je vous avais déjà parlé, ici. Un documentaire là aussi porté par une réalisation inspirée, élégante, sensible, respectueuse de la parole, des drames et des émotions des victimes auxquelles il rend magistralement hommage et donne une voix. Un documentaire qui nous laissait avec le souvenir glaçant de ces témoignages mais aussi le souvenir de sublimes vues (notamment aériennes) qui immortalisent   la beauté vertigineuse de cette ville auréolée de lumières, malgré ses terribles cicatrices, une ville porteuse d’espoir, si lointaine et soudain si proche de nous. Grâce à la force poignante des images. Et des mots. Foudroyants. Comme le mariage improbable de la beauté et de l’horreur absolues. Jeremy Frey est aussi réalisateur de documentaires nature pour National Geographic, France Télévisions, Netflix et Arte. Il est également le directeur artistique de la série Affaires Sensibles, le réalisateur de Féminicides pour France2/Le Monde, et le fondateur des sociétés Jmage et Saola studio et enfin le directeur photo notamment sur les longs métrages de Yann Arthus-Bertrand, dont Human dont je vous avais longuement parlé, ici, qui est bien plus qu’un documentaire et un projet salutairement naïf et pharaonique. Human est en effet un voyage émotionnel d’une force redoutable (comme l'est Voir l'automne, d'ailleurs), une démonstration implacable de la réitération des erreurs de l’humanité, une radiographie saisissante du monde actuel, un plaidoyer pour la paix, pour l’écoute des blessures de la planète et de l’être humain dans toutes leurs richesses et leurs complexités, une confrontation clairvoyante, poignante au monde contemporain et à ceux qui le composent. Un documentaire nécessaire, d’une bienveillance, d’une empathie et d’une utopie salutaires quand le cynisme ou l’indifférence sont trop souvent glorifiés, et parfois aussi la cause des tourments et les ombres du monde que Human met si bien en lumière.

    Avec la sensibilité et la délicatesse de son regard, qui saisit et suscite les émotions d'une manière si personnelle et universelle, avec une rare acuité, et avec la beauté éblouissante et si singulière  de ses images, nous ne pouvons que souhaiter que le réalisateur de Voir l'automne, une saison en France passe à la fiction, genre qui n’est pas plus ou moins noble que le documentaire, mais auquel il apporterait certainement un supplément d’âme.

    En attendant, vous l’aurez compris, je vous recommande vivement ce documentaire dans lequel, par ailleurs, l’ensemble de l’équipe qui y a contribué est sciemment et intelligemment mise en avant. Soulignons donc aussi le formidable travail de montage qui donne encore plus de vivacité, d’élan et de profondeur au film (montage signé Véronique Algan).

    Un documentaire qui prend au cœur, qui nous donne la sensation de flotter comme la brume qui sinue au-dessus des arbres, ou de tournoyer comme le ballet des baleines, ou de virevolter avec les feuilles qui tombent au sol, ou d’être emportés par le vol majestueux de l’aigle royal. Comme le souligne une des intervenantes qui étudie les bruits de la nature, « On change d'échelle. On devient une fourmi. Un oiseau. » C’est aussi la sensation que procure ce documentaire au téléspectateur. Certaines images restent gravées comme la féérie mirifique des forêts qui s’embrasent. Comme ces chiens de protections de troupeaux. Comme cet « hypnotisant » iguane des petites Antilles, « L'animal du présent qui t'amène dans le passé » comme le qualifie Angeline, l’experte des mangroves, « monstre magnifique » comme le définit le réalisateur. Comme l’isard des Pyrénées et sa course folle et superbe sur les montagnes. Comme la fougue magnifique des chevaux qui galopent. Comme la « danse de la baleine ». Comme le vol des oiseaux dans la baie de Somme. Comme les contrastes entre la noirceur du ciel et la blancheur de la neige. Comme ces phoques absolument sublimes devant lesquels nous ne pouvons que partager le sentiment de Yann Arthus-Bertrand qui trouve si « émouvant de voir des animaux qui ont été exterminés revenir ici chez eux ». Rarement la biodiversité, à travers les différents témoignages et le portrait de l’automne, aura été aussi si bien célébrée.

    Ce documentaire est comme une danse enivrante avec la nature. Il nous invite à valser avec elle, avec douceur, pour en éprouver la force paisible, en ressentir la respiration rassurante et fragile, vibrer à l'unisson de celle-ci. Comme un conte adressé à l’enfant qui subsiste en nous, pour réveiller son émerveillement. Il met en exergue ce que la nature recèle de plus subtil, d’infime ou grandiose. Les odeurs chantantes de l’automne. Le brasier féérique des forêts. Les trajectoires émouvantes de ceux qui traversent l’automne, femmes, hommes ou animaux. Un artifice de couleurs. Un périple étourdissant de beauté. Ours brun, salamandre, vautour fauve, baleine à bosse de l’Atlantique, chocards à bec jaune, bouquetin des Alpes…autant d’animaux (parmi de nombreux autres) qui en sont les héros admirables, filmés dans toute leur noblesse. Quelques animaux en images d’animation renforcent l’aspect poétique, et la beauté picturale de l’ensemble. La musique (elle aussi sublime), principalement la musique originale d’Anna Kova et Full Green mais aussi classique (Vivaldi…) procure encore plus de majestuosité grisante et de souffle épique au film comme s’il était la matérialisation visuelle de cette citation de George Sand : « L’automne est un andante mélancolique et gracieux qui prépare admirablement le solennel adagio de l’hiver ». Un voyage envoûtant au cœur (battant la chamade) de l'automne. Une ode fabuleuse à la nature et à l'émerveillement. Un périple enrichissant, incontournable, pour petits et grands. Dès le vendredi 17 octobre sur france.tv et le mardi 21 octobre à 21h10 sur France 2.

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    ("Voir l'automne" est gratuitement mis à la disposition des établissements scolaires, associations, ONG et toute initiative non commerciale pour organiser une projection, en toute autonomie. Sur le site voirlautomne.fr., vous trouverez aussi comment vous engager au quotidien (en limitant la consommation de viande, en protégeant les espèces en voie d’extinction, en limitant la chasse, en laissant un coin en friche dans votre jardin en évitant de tondre, en mangeant bio pour diminuer les pesticides si vous en avez les moyens, en plantant des haies, des arbres et des fleurs pour aider la pollinisation, en rejoignant une association de préservation de la biodiversité) et une liste d’associations. 

     

  • Compte-rendu et palmarès du 3ème Festival de la Fiction et du Documentaire Politique de La Baule (2 au 5 octobre 2025)

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    Selon Albert Camus, « La société politique contemporaine » est « une machine à désespérer les hommes. » Quant à Stefan Zweig, il considérait que « La raison et la politique suivent rarement le même chemin. » Si l’actualité politique récente, nationale et internationale, tend à donner dramatiquement raison aux deux écrivains, cette troisième édition du Festival de la Fiction et du Documentaire Politique de La Baule a su magistralement montrer que la politique pouvait aussi être synonyme d’espoir et de raison, du moins de (ré)conciliation.

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    Nous sommes aujourd’hui le 7 octobre 2025.  Deux ans jour pour jour après l’ineffable attaque terroriste en Israël. Il y a quelques jours, non loin de La Baule, au large de Saint-Nazaire, était arraisonné un navire de la flotte fantôme russe. Le 6 octobre, la France a connu un revirement politique sans précédent, avec la nomination d’un gouvernement et la démission du Premier Ministre, moins de 14 heures plus tard. Ce 9 octobre, Robert Badinter entrera au Panthéon. Ainsi, ce festival  pouvait difficilement être plus au cœur de l’actualité  avec, parmi les films projetés et primés : Holding Liat de Brandon Kramer (prix du jury documentaire et mention spéciale du jury des lycéens) qui suit la famille de l'otage Liat Beinin Atzili dans les jours, les semaines et les mois qui ont suivi son enlèvement le 7 octobre 2023, Les Combats méconnus de Robert Badinter de Dominique Missika et Bethsabée Zarka (prix du jury ex-aequo), deux films consacrés aux gilets jaunes (Les Braises de Thomas Kruithof -prix du jury fiction politique et mention spéciale du jury médias- et Dossier 137 de Dominik Moll -prix du public-),  le documentaire en compétition Les armes secrètes de Poutine de Hugo Van Offel et Martin Boudot qui révèle comment la Russie contourne les sanctions internationales, sans oublier deux films qui explorent la dictature, qu’elle soit irakienne et vue à hauteur d’enfant dans The President’s cake de Hasan Hadi (mention spéciale du jury fiction et prix des médias), ou stalinienne et décrite à travers les yeux d’un jeune procureur dans Deux Procureurs de Sergei Loznitsa.

    Ce festival, véritable voyage dans l’Histoire, passée et contemporaine, fut passionnant par la qualité des films sélectionnés (je vous les recommande tous) qui permettent de questionner et décrypter les enjeux sociétaux et politiques avec nuance, distance, recul, loin du flux ininterrompu et déhiérarchisé des chaînes d’informations et des réseaux sociaux, élargissant, voire changeant notre perception sur des faits d’actualité. Il a aussi pour vertus de permettre aux politiques, journalistes, artistes et spectateurs de s’écouter respectueusement (un miracle réconfortant dans cette actualité inaudible et insatiable) et de dialoguer dans une atmosphère particulièrement conviviale et chaleureuse, à l’image de l’équipe du festival, notamment de ses deux fondateurs, Anne-Catherine Mendez et Jérôme Paoli, et du président du festival, Gabriel Le Bomin.

    Quatre jurys ont eu pour mission de départager les 5 documentaires et les 5 fictions. Le jury fiction politique était présidé par la comédienne, réalisatrice et scénariste Audrey Dana. Elle était entourée du réalisateur Antoine Raimbault, du producteur Philippe Boeffard, de la Haute Commissaire à l'enfance, Sarah El Hairy, et du comédien Arié Elmaleh. Le jury documentaire politique était présidé par la comédienne Odile Vuillemin, entourée du producteur Paul Rozemberg, de l'ancien Ministre de la Mer et de la Biodiversité Député de la 2ème circonscription des Côtes d'Armor, Hervé Berville. Le jury presse et médias politique était présidé par l'éditorialiste politique, essayiste, ancien DG de France Télévisions, Patrice Duhamel, entouré du Directeur de la rédaction de la Tribune Dimanche, éditorialiste à BFMTV, Bruno Jeudy, du rédacteur en chef des Echos de la Presqu'île, Frédéric Prot, et de la journaliste et éditorialiste politique, Saveria Rojek. Le jury lycéens politique était présidé par l'ancienne Ministre, responsable associative, Najat Vallaud-Belkacem, entourée des lycéens Charlie Connan-Levallois, Gustave Diebolt, Inès Fernandez, Anna Gallou-Papin, Maël Lehuede, Swann Mahyaoui-Chantrel, Elyne Pernet.

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    Après avoir suivi pendant dix ans le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, j’étais ravie de découvrir ce nouvel évènement baulois, réunissant deux de mes passions, le cinéma et la politique.  Et de retrouver l’équipe du cinéma Le Gulf Stream qui avait été si accueillante lors de ma séance de dédicaces dans ses locaux, en juillet 2024. Je les en remercie de nouveau. C’est dans l’incontournable cinéma baulois que furent donc projetés les dix films en compétition  et les trois avant-premières hors compétition (La Femme la plus riche du monde de Thierry Klifa en ouverture, Jean Valjean d'Éric Besnard vendredi soir et L'Inconnu de la grande arche de Stéphane Demoustier, samedi soir, en clôture).

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    Le palmarès a été délivré en présence de la Présidente de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet (qui avait également participé à l’instructive et captivante masterclass dans l’après-midi), suivi de la projection de L’Inconnu de la grande arche de Stéphane Demoustier.

    Je vous parlerai de nouveau plus longuement de chacun des films projetés au moment de leur sortie. En attendant, j’espère que les quelques mots ci-dessous vous donneront envie de les découvrir.

    1. La Femme la plus riche du monde de Thierry Klifa (film d’ouverture) – Au cinéma le 29 octobre 2025

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    Le festival a donc débuté avec la projection du très attendu dernier film de Thierry Klifa, projeté au Festival de  Cannes hors compétition, en mai dernier. Je vous avais vivement recommandé son dernier film, Les rois de la piste, ici.

    Neuf ans après Elle de Paul Verhoeven, Isabelle Huppert et Laurent Lafitte sont de nouveau réunis à l’écran avec des personnages dont la relation (bien que très différente) est, cette fois encore, aussi insaisissable que dérangeante. La comparaison s’arrête là…

    La femme la plus riche du monde se nomme Marianne Farrère (Isabelle Huppert). Avec l’écrivain photographe Pierre-Alain Fantin (Laurent Lafitte), cela n'était censé durer que le temps d’une séance photos pour un magazine. Mais voilà, un coup de foudre amical les emporte. Dans leur ombre se trouve une héritière méfiante qui se bat pour être aimée (Marina Foïs). Mais aussi un majordome aux aguets qui en sait plus qu'il n’en dit (Raphaël Personnaz). Et des secrets de famille. Des donations astronomiques. Une guerre où tous les coups sont permis.

    Après Tout nous sépare et son documentaire André Téchiné, cinéaste insoumis, avec Les rois de la piste, Thierry Klifa avait souhaité se tourner vers la comédie. Comme toujours, il nous parlait de la famille et, comme souvent, de la figure maternelle.

    Flashback. Dans l’excellent Tout nous sépare (2017), Thierry Klifa joue et jongle avec les codes du film noir et de la chronique sociale, entre Chabrol et Corneau, avec la légende que transporte avec elle son actrice principale (Deneuve, dans le rôle de la mère, magistrale). Un film qui assume son côté romanesque et qui confronte deux réalités, deux mondes, deux fragilités. 

    Auparavant, dans son troisième film, Les yeux de sa mère (2011), après Une vie à t’attendre (2003) et Le héros de la famille (2006), Thierry Klifa, après s’être intéressé au père dans Le héros de la famille, (avec son coscénariste Christopher Thompson avec qui il a également coécrit le premier film en tant que réalisateur de ce dernier  Bus Palladium) s’intéressait déjà  à la mère, qu’elle soit présente ou absente. Le film est aussi un savant jeu de miroirs et mises en abyme. Entre Catherine Deneuve qui incarne une star du petit écran et Catherine Deneuve, star de cinéma. Entre Géraldine Pailhas, ancienne danseuse qui incarne une danseuse étoile. Entre l’écrivain dans le film qui infiltre la vie des autres et le cinéaste qui, par définition, même involontairement, forcément, la pille aussi un peu. Entre l’écrivain voyeur de la vie des autres et le spectateur qui l’est aussi. Hommage au mélodrame donc mais aussi aux acteurs, et à la mère chère au cinéma d’Almodovar dont une lumineuse représentante figure dans ce film en la personne de Marisa Paredes. Mère absente, qui abandonne, de substitution, adoptive, ou même morte. Les yeux de sa mère est aussi un thriller sentimental qui instaure un vrai suspense et qui n’est néanmoins jamais meilleur que lorsqu’il prend le temps de se poser, de regarder en face « les choses de la vie » et de laisser l’émotion surgir comme dans un très beau montage parallèle qui reflète au propre comme au figuré la filiation du courage.

    Dans Les rois de la piste, la mère est de nouveau à l’honneur. Flamboyante et toxique. Agaçante et irrésistible. Charmante et exaspérante. Impertinente et séduisante. Cinglante et attendrissante. Fanny Ardant apporte au personnage de Rachel sa voix inimitable, sa fantaisie, sa folie réjouissante et prouve qu’elle peut encore nous étonner, que la Mathilde de La Femme d’à côté, l’étrange étrangère incandescente, impétueuse et fragile du film de Truffaut au prénom d’héroïne de Stendhal, ou l’irrésistible Barbara de son Vivement dimanche ! (d’ailleurs cité ici) peut être aussi époustouflante, fantasque, attendrissante, excentrique, éblouissante, follement séduisante, infiniment libre, à la fois menteuse et si vraie, gaiment tonitruante comme son rire. Elle peut tout se permettre (même aller un peu trop loin) sans jamais perdre l’empathie du spectateur. Elle est à l’image de ce film : gaie, tendrement cruelle, lumineuse, légèrement mélancolique, joyeusement excessive. Sincère tout en ayant l’air de mentir et inversement.

    Ici, la mère est une héritière lassée de tout qui revit grâce à la rencontre avec un écrivain photographe opportuniste. Cette histoire est librement inspirée de l’affaire Bettencourt. Rappelez-vous : en 2016, attaqué par la fille de Liliane Bettencourt, héritière et première actionnaire de L’Oréal, l’écrivain-photographe François-Marie Banier avait été condamné pour abus de faiblesse à quatre ans de prison avec sursis et 375000 euros d’amende.

    Comme toujours chez le cinéaste cinéphile Thierry Klifa, ce film se situe à la frontière des genres, entre la comédie et la satire de la bourgeoisie, avec des accents de drame (de la solitude). Mais aussi des zones d’ombre, liées à l’Histoire et l’histoire de la famille, celles du passé collaborationniste et antisémite de certains membres.

    Même si le terme est galvaudé, je n’en vois pas d’autre pour définir ce film : jubilatoire. Grâce à des dialogues ciselés et une interprétation de Lafitte en opportuniste insolent, désinvolte, flamboyant, détestable, grossier, rustre, absolument exceptionnelle, qui a elle seule vaut le détour. Malgré les traits de caractère excessifs de son personnage, il relève le défi de n’être jamais caricatural. Les répliques cinglantes, les gestes obscènes et la fantaisie savamment cruelle de Fantin sont particulièrement délectables, même s'il sera pris à son propre piège, et peut-être finalement la première victime de son petit jeu cynique et cupide.

    Tous les personnages semblent finalement en mal d’amour, de la fille méprisée au gendre incarné par Mathieu Demy ("caution juive" pour tenter de faire oublier que le fondateur de la marque fut un ancien collaborateur) à l’énigmatique majordome (Raphaël Personnaz, dont une fois de plus le jeu sensible apporte un supplément d’âme, de malice, de sensibilité, et de nuance à son personnage) que Fantin prend un malin plaisir à humilier, peut-être parce qu’il vient du même milieu que lui et représente ce qu’il aurait pu devenir, ce qu’il méprise en lui-même. Le majordome reste digne, malgré tout. Ce sera le seul personnage finalement intègre de ce théâtre des vanités. Il en sera évincé, sacrifié. Mathieu Demy et André Marcon, respectivement dans le rôle du gendre et du mari de "La femme la plus riche du monde" sont également parfaits, notamment dans leur aveuglement feint et intéressé.

     Le fim est visuellement splendide, là aussi sans jamais être caricatural (la vraie richesse se fait discrète), entre Ozon et Chabrol dans le ton, d’une ironie savoureuse, faisant exploser les codes de bonne conduite bourgeois. Klifa livre là un de ses meilleurs films, et donne à Isabelle Huppert un de ses rôles les plus marquants (et pourtant sa carrière n’en manque pas), celui  d’une milliardaire qui se prend d’une amitié affectueuse et aveugle (quoique…) pour cet être qui lui fait retrouver une insouciance presque enfantine, en défiant toutes les conventions de son milieu, et en osant tout, y compris lui demander de changer intégralement sa décoration, ou de lui faire des chèques d’un montant astronomique (certes dérisoire à l’échelle de la fortune de la milliardaire).

    Un scénario signé Thierry Klifa, Cédric Anger, Jacques Fieschi (un trio de scénaristes royal, ce dernier, accessoirement scénariste de mon film préféré, vient d’être récompensé au Festival Cinéroman de Nice, récompense amplement méritée pour celui qui est pour moi le plus grand scénariste français).

    Une fois de plus, comme dans les autres films de Klifa, la musique joue un rôle primordial (notamment dans une scène de discothèque que je vous laisse découvrir). Tout nous sépare avait ainsi été récompensé au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule (meilleur film, meilleure interprétation masculine pour Nekfeu et Nicolas Duvauchelle et meilleure musique pour Gustavo Santaolalla). Dans Les rois de la piste, c’était déjà Alex Beaupain qui était à la manœuvre. Bien qu’ayant conçu les musiques des trois pièces de théâtre de Thierry Klifa, c’était la première fois que les deux hommes travaillaient ensemble pour le cinéma. La musique était ludique, inspirée par les différents genres auxquels appartient le film -policier, comédie, amour, espionnage- et les compositeurs qui en sont indissociables (Legrand, Mancini, Delerue, Barry). Plus d’une heure de musique au cours de laquelle Alex Beaupain s’amusait et s’inspirait des musiques de genres cinématographiques dans lesquels le film fait une incursion, du film noir à la comédie. Alex Beaupain avait également écrit les (magnifiques) chansons que chantent les comédiens du film, celle de Duvauchelle (une idée de ce dernier), et de Fanny Ardant, pour le générique de fin. Cette fois, pour La femme la plus riche du monde, la musique d’Alex Beaupain, teintée de notes joyeuses et railleuses, fait aussi parfois songer à celle de Morricone pour I comme Icare.

    Sont à noter également le travail de reconstitution remarquable de la cheffe décoratrice Eve Martin, de la cheffe costumière Laure Villemer, et la photographie splendide de Hichame Alaouié.

    De cette histoire dont on aurait pu penser a priori que l’univers qu’elle dépeint nous aurait tenus à distance, Klifa et ses scénaristes ont extrait un récit universel, le portrait d’un petit monde théâtral, qui n’en est pas moins cinégénique et réjouissant à suivre, avec ses personnages monstrueux et fragiles, excessifs et fascinants, entourés et désespérément seuls. Un chaos réjouissant. Une tendresse, aussi féroce soit-elle, qui était comme une respiration dans ce monde compassé qui en est tant dépourvu. Une parenthèse au milieu de l’ennui et de la solitude. Comme une sortie au théâtre pour découvrir une pièce avec un protagoniste avec une personnalité et une présence telles que sa disparition de la scène fait apparaître la vie plus terne encore, surtout pour Marianne qui se retrouve face à elle-même, dégrisée après cette ivresse ébouriffante. On se souvient alors de cette réponse à une question de sa fille : « Tu veux savoir si je t’aime ? Je ne sais pas si je t’aime. » Les portes de la prison dorée viennent de se refermer. Comme un boomerang. Jubilatoire, vous dis-je !

    1. Holding Liat de Brandon Kramer – compétition documentaire – Prix du jury ex-aequo et mention spéciale des lycéens – Au cinéma le 16 février 2025

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    Ce documentaire, coproduit par le réalisateur Darren Aronofsky, est tourné avec la famille de l'otage Liat Beinin Atzili (enlevé au kibboutz Nir Oz) dans les jours, les semaines et les mois qui ont suivi son enlèvement le 7 octobre 2023. C’est avant tout une ode à la paix, le récit poignant et nuancé d’une situation complexe et explosive. Le réalisateur est un proche de la famille Atzili. Lors de sa première visite en Israël, vingt ans auparavant, il avait séjourné chez les parents de Liat, Yehuda et Chaya, dans leur kibboutz. Cette relation étroite lui a permis de les filmer dans les moments les plus tendus, y compris lorsque les membres de la famille ne sont pas d’accord sur la marche à adopter. Liat étant à la fois citoyenne américaine et citoyenne israélienne, son père décide de prendre l’avion pour Washington D.C., afin de plaider en faveur de sa libération. Là, il n’hésite pas à échanger avec un militant palestinien, et à parler des deux États et de paix, quand son petit-fils et son autre fille voudraient aborder seulement la question de la libération des otages. 54 jours. C’est la durée pendant laquelle Liat demeurera détenue. Avec la famille, nous suivons les espoirs, déçus, les listes de noms sur lesquelles Liat n’est pas, la colère et l’attente insoutenable. Et enfin la libération. Malgré tout ce que Liat a traversé (son mari a été tué, des traces de sang sur un mur du Kibboutz suffisent à faire comprendre l’émotion de la famille et son calvaire), elle exprime de l’empathie pour les Palestiniens et la souffrance de ceux, tous ceux qui sont victimes de ce conflit. Un message de paix, de résilience. Et un film qui a bouleversé les festivaliers.

    1. The President’s cake de Hasan Hadi (mention spéciale du jury presse et médias politique, et grand prix du jury fictions) – Au cinéma le 4 février 2026

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    Ce film était déjà lauréat de la caméra d’or du dernier Festival de Cannes, prix qui récompense un long-métrage parmi tous les premiers films des différentes sélections, et du Prix du public à la Quinzaine des Cinéastes 2025.

    Dans l’Irak de Saddam Hussein, Lamia, 9 ans, tirée au sort, se voit confier par son instituteur la lourde tâche de confectionner un gâteau pour célébrer l’anniversaire du président. Sa quête d’ingrédients, accompagnée de son ami Saeed, bouleverse son quotidien. Un premier film qui raconte l’Irak de Saddam Hussein à travers les yeux d’une enfant, une œuvre si universelle qu’elle pourrait raconter le quotidien de n’importe quel enfant dans un pays en guerre dirigé par un dictateur. Lamia va donc aller à Bassora, la grande ville la plus proche de son lieu d’habitation, en compagnie de sa grand-mère et de son coq Hindi. Dans un pays dans lequel tout tourne autour du culte du dictateur qui le dirige, chacun joue un rôle et masque ses petitesses derrière des mensonges. Les denrées que doit trouver Lamia sont chères et rares, en raison de la pénurie et de l’embargo, mais les trouver est pour elle vital. Commerçants malhonnêtes, policiers corrompus, soignants acceptant des pots-de-vin, elle rencontre le pire. Mais aussi des gestes d’amitié et d’amour, lueurs au milieu de la noirceur dans ces rues écrasées de soleil. Il y a de l’héritage du néo-réalisme italien dans ce premier film irakien qui regorge de beauté au milieu de l’horreur. L’image de la petite Lamia et de son coq Hindi serré contre elle, déterminée, forte et fragile, obligée de ruser et voler pour satisfaire les caprices d’un dictateur qui vit dans l’opulence, est de celle que l’on n’oublie pas, comme cette scène finale, et deux regards qui me hantent encore par leur courage mais aussi leur puissance, et surtout leur innocence et leur beauté sacrifiées.

    1. France, une histoire d’amour de Michael Pitiot et Yann Arthus-Bertrand (Prix des lycéens) – Au cinéma le 5 novembre 2025

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    De beauté et d’amour, le film de Michael Pitiot et Yann Arthus-Bertrand qui a séduit le jury des lycéens présidé par Naja Vallaud-Belkacem, en déborde aussi.

    Après avoir exploré le monde, Yann Arthus-Bertrand revient chez lui, en France, et part à la rencontre des Françaises et Français qui agissent concrètement pour faire avancer leur monde. Ce documentaire, touchant et plein d’humanité, tourné comme un road-movie dans la France entière, est une invitation à la curiosité mais surtout au vivre ensemble. Ces rencontres permettent de révéler des paroles sincères et des moments rares qui dessinent des portraits d’hommes et de femmes engagés.

    Après s’être intéressé à La Terre vue du ciel, dans le documentaire éponyme mais aussi avec Home, hymne à la terre qui nous expliquait que, en 200 000 ans d’existence, l’Homme avait rompu un équilibre fait de près de 4 milliards d’années d’évolution, à la Planète océan, à l’humain avec Human (dont je vous avais longuement parlé, ici : un voyage émotionnel d’une force redoutable, une démonstration implacable de la réitération des erreurs de l’humanité, une radiographie saisissante du monde actuel, un plaidoyer pour la paix, pour l’écoute des blessures de la planète et de l’être humain dans toutes leurs richesses et leurs complexités, une confrontation clairvoyante, poignante au monde contemporain et à ceux qui le composent), aux femmes avec Woman, à l’histoire de l’homme et de la nature avec Legacy, notre héritage, le photographe éperdument écologiste et humaniste part à la rencontre des Français pour les photographier, qu’ils soient réfugiés, agriculteurs, charcutiers, prisonniers en réinsertion, ou membres de Dernière rénovation… Il dresse ainsi le portrait d’une France plurielle, riche de ses différences, tournée vers l’autre, solidaire, empathique et généreuse, malgré les tensions et incompréhensions, prônant l’écoute et le dialogue. Des Français conscients des enjeux environnementaux et sociaux qui cherchent des solutions, leurs solutions, qui tentent d’éveiller les consciences aussi sur les défis écologiques et l’urgence climatique. Un voyage pétri d’émotions et de tendresse (« Être un homme c'est savoir pleurer » dit-il à un jeune homme qui s’est réinséré après avoir été incarcéré) à la rencontre de ces Français, qui en aidant les autres, donnent un sens à leur vie. « Je voulais faire un film sur tout ce que j’aime en France. », « On essaie de montrer tous les gens qui font des choses pour les autres. » « On voyage à travers la France pour filmer des gens qui font des choses que j'admire. » Comme Brigitte Lips, « Mamie charge », qui aide les migrants. Comme Camille Étienne « qui donne un visage et une voix à la génération climat ». Comme Émilie Jeannin qui « a tenté (en vain) par son abattoir mobile d’agir pour le respect animal et de promouvoir un abattage digne », comme ceux qui redistribuent les invendus des magasins à des associations… Le film est aussi, comme presque toujours chez Yann Arthus-Bertrand, un message d’alerte. Il nous rappelle ainsi ce chiffre sidérant et terrifiant : en 2070, 3 milliards de gens ne pourront plus vivre là où ils vivent. Il n’est pas non plus dénué d’humour comme cet intervenant qui ironise sur la manière dont certains tentent de donner un sens à leur vie : « Au bout de 20 ans pour que ça change dans leur vie, ils font une nouvelle véranda ». Ou lorsque Yann Arthus-Bertrand titille gentiment Bruno, le preneur de son, sans compter que le cinéaste a la fâcheuse habitude de se perdre sur les routes de France, s’amusant aussi du surnom que certains lui ont attribué, « l’hélicologiste ». Les deux cinéastes filment aussi la détresse des agriculteurs (« On pousse les gens à faire du bio puis après on les lâche ») ou des bergers face aux loups qui déciment les troupeaux, et qui disent faire face aux menaces de mort des environnementalistes. C’est peut-être la bergère qui prône la meilleure solution alors que Yann Arthus-Bertrand doute de la réalité de ces menaces : « la solution, c'est de s'écouter et de ne pas mettre notre parole en doute. » On comprend et partage l’émotion de Yann Arthus-Bertrand lorsque, lors d’une intervention devant des chefs d’entreprises et responsables politiques, on lui fait maladroitement comprendre qu’il a trop parlé alors qu’il essayait, une fois de plus, de donner l’alerte : « De plus en plus, c'est difficile pour moi de parler de tout cela devant des gens qui sont indifférents. Là on parle de ça. C'est fini. Cela a glissé. » « Là on va être dirigé par un dictateur sans conscience, le climat. La vie n'a aucun sens. C'est vous qui décidez de donner un sens à votre vie. On a tous la mission et le devoir de protéger la vie sur terre. J'ai passé ma vie à photographier la beauté. C'est quoi la beauté ? C'est les gens qui font, qui partagent. Cette beauté a un nom très simple. Elle s'appelle l'amour. » Le film est accompagné de chansons françaises judicieusement choisies, comme La Corrida de Cabrel sur les images d’une vache qui part à l’abattoir (ambulant) ou La vie ne vaut rien de Souchon qui nous donne envie de fredonner et de conclure après la projection de ce film à la photographie sublime qui magnifie la beauté du territoire français, de ses visages et de leur générosité :  « La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut la vie. »

    1. Dossier 137 de Dominik Moll (prix du public) – Au cinéma le 19 novembre 2025

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    Le dernier film de Dominik Moll, La nuit du 12, était une vision très personnelle du polar, à la mise en scène puissante. À l’heure où les féminicides sont dramatiquement nombreux, ce film était un plaidoyer retentissant et vibrant contre les violences faites aux femmes. L’intérêt de l’enquête résidait ainsi moins dans la résolution du crime que dans l’auscultation de la vision de la femme, d’une femme. Bouli Lanners et Bastien Bouillon y incarnaient deux policiers perdus et tourmentés, et leur désespoir, leur fragilité, leur solitude face à cette affaire irrésolue qui nous hantent autant que cette dernière après le film. La procédure est décortiquée mais ce sont surtout les âmes humaines qui le sont comme dans un film de Tavernier (on songe à L627). Le dernier plan, celui du policier qui s'échappe du vélodrome et roule le jour est la respiration tant attendue qui nous marque longtemps après la projection comme ce film qui ne peut laisser indifférent, tant il entre en résonance avec les plaies à vif de notre époque.

    Cette digression sur La nuit du 12 pour vous dire qu’il en va de même pour Dossier 137. C’est moins la résolution de l’enquête que le parcours et le portrait de celle qui mène l’enquête qui présente un intérêt. Le dossier 137 est en apparence une affaire de plus pour Stéphanie (Léa Drucker), enquêtrice à l’IGPN, la police des polices. Une manifestation tendue, un jeune homme blessé par un tir de LBD, des circonstances à éclaircir pour établir une responsabilité... Mais un élément inattendu va troubler Stéphanie, pour qui le dossier 137 devient autre chose qu’un simple numéro, une histoire qui la renvoie à ses racines, et risque d’ébranler ses certitudes. En compétition dans le cadre du Festival de Cannes 2025, ce film se penche sur un cas de bavure policière lors des manifestations des Gilets jaunes. Comme l’enquêtrice de l’IGPN qu’elle interprète dont les certitudes vacillent, le regard de Léa Drucker tremble légèrement, marque un doute et une fragilité à peine perceptibles, si savamment joués. Elle tient bon malgré l’incompréhension de ses anciens collègues face à la voie qu’elle a choisie (elle travaillait auparavant aux stups), à la colère de la famille de la victime (originaire du même endroit qu’elle), à la haine que suscite la police que son propre fils ne cesse de lui rappeler. Ce Dossier 137 n’est pas un dossier comme un autre pour elle. Il sera (peut-être) classé mais quelque chose dans ses convictions aura vacillé. La générosité du personnage de Léa Drucker inonde tout le film, qu’elle prenne soin d’un petit chat égaré qu’elle adopte ou qu’elle essaie d’oublier la réalité en regardant des vidéos de chats. Et quand, en visionnant ces vidéos, son rire soudain enfantin cesse d’un coup, c’est toute son impuissance et sa fragilité que cette femme intègre et combattive a tenté de masquer tant bien que mal qui ressurgissent. Le portrait passionnant d’une femme, d’une policière, et d’une époque en proie aux fractures.

    1. Les Braises de de Thomas Kruithof (mention spéciale du jury des médias et mention spéciale du jury fictions) – Au cinéma le 5 novembre 2025

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    Alors que le cinéma s’était peu emparé de ce sujet jusqu’à présent, ce film est le deuxième de ce festival à se pencher sur le mouvement des gilets jaunes.

    Karine (Virginie Efira) et Jimmy (Arieh Worthalter) forment un couple uni, toujours très amoureux après vingt ans de vie commune et deux enfants. Elle travaille dans une usine ; lui, chauffeur routier, s’acharne à faire grandir sa petite entreprise. Quand surgit le mouvement des Gilets Jaunes, Karine est emportée par la force du collectif, la colère, l’espoir d’un changement. Mais à mesure que son engagement grandit, l’équilibre du couple vacille.  Plus Karine va s’impliquer, plus son couple va se fracturer. La fracture. D’ailleurs, tel pourrait être le titre de ce film (déjà employé par Corsini). La fracture au sein de la famille. Entre Karine et son fils d’un côté, son mari et sa fille de l’autre, qui regarde son engagement avec circonspection. La fracture entre les Gilets jaunes dont fait partie Karine et le gouvernement. La fracture entre ceux qui dirigent avec cynisme (les entreprises qui méprisent Jimmy) et ceux qui travaillent au péril de leur santé et de leur vie. Thomas Kruithof filme les manifestations comme des moments de bonheur et de plénitude (il faut voir comment Karine est métamorphosée lorsqu’elle participe à une manifestation la première fois, son visage s’illumine d’une joie nouvelle), des lieux en lesquels l’entraide, l’écoute et la fraternité règnent. Le film pose (habilement) plus de questions qu’il n’apporte de réponses : jusqu’où doit-on aller par engagement militant ? Faut-il sacrifier sa vie personnelle à ses idéaux ? Virginie Efira est une nouvelle fois parfaite dans ce rôle sobrement interprété de femme généreuse, déterminée, humble, et amoureuse. « Tous deux ont une haute idée de l’amour » a ainsi déclaré le réalisateur lors du débat d’après-film, à propos de ses deux personnages principaux. Et c’est en cela avant tout que le film a bouleversé les festivaliers : l’amour d’un homme pour sa femme qui, pour elle, va ouvrir les yeux, dépasser ses propres peurs et préjugés. Les braises, ce sont celles d'un incendie social qui menace d'enflammer le pays, mais aussi celle d'une passion qui ne s'est jamais réellement éteinte.

    1. Jean Valjean d’Eric Besnard (hors compétition) - Au cinéma le 19 novembre 2025

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    Jean Valjean (Grégory Gadebois) sort du bagne, brisé, rejeté de tous. Errant sans but, il trouve refuge chez un homme d’Église, Monseigneur Bienvenu, (Bernard Campan), sa sœur (Isabelle Carré) et leur servante (Alexandra Lamy). Face à cette main tendue, Jean Valjean vacille et, dans cette nuit suspendue, devra choisir qui il veut devenir. Jean Valjean s’intéresse aux origines du célèbre personnage des Misérables, aux cinquante premières pages du roman d’Hugo qui explique comment Valjean va retrouver son humanité, et la rédemption malgré l’injustice qu’il a subie. En sortant du bagne, Valjean est une bête traquée et sauvage, un homme ébranlé, tiraillé entre le bien et le mal, brisé par dix-neuf ans d’enfermement, habité par la violence et la colère. Le film raconte cette lutte-là, intime et universelle, son cheminement de la noirceur et de la haine vers la lumière et l’amour. La bonté de l’homme d’Église va décontenancer Valjean : Il ne supporte la vie que parce qu'il est certain que le monde est injuste. « Si la bonté existe tout cela n'avait aucun sens », explique ainsi le réalisateur, après la projection. Doit-il prendre cette main tendue ou se laisser happer par son désir de haine et de vengeance ? Comment ne pas être dévoré par le ressentiment et la haine envers une société qui lui a volé sa vie ? L’homme d’Église par sa bonté, le regard qu’il va porter sur lui, va « réduire l’espace entre ce qui est et devrait être », lui « rendre l’innocence ». Le film accumule les contrastes (entre la lumière et la noirceur, entre la tenue rouge du bagnard et la blancheur immaculée) et les symboles et références (paysages bibliques, esthétique inspirée du western). Une adaptation très personnelle qui a un écho dans la société contemporaine, portée par la sublime musique de Christophe Julien qui collabore ici pour la septième fois avec le cinéaste, et la présence imposante, massive et poignante de Grégory Gadebois, mais aussi la douleur d’Isabelle Carré dont la fragilité est finalement un écho à celle du bagnard. La fin, par l’espoir qu’elle incarne, la lueur qu’elle exhale, le lyrisme qu’elle exalte, nous donne envie de croire en ce qu’il y a de plus beau dans l’Homme, sa capacité à changer, à renaître, à se relever, à délaisser la vengeance pour la bonté que Gadebois représente mieux que nul autre acteur n'aurait probablement su le faire.

    1. Deux procureurs de Sergei Loznitsa (compétition fiction) – Au cinéma le 5 novembre 2025

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    L’oublié du palmarès du Festival de La Baule comme il le fut du palmarès cannois (le film était en compétition officielle du dernier Festival de Cannes).

    Union Soviétique, 1937. Des milliers de lettres de détenus accusés à tort par le régime sont brûlées dans une cellule de prison. Contre toute attente, l’une d’entre elles arrive à destination, sur le bureau du procureur local fraîchement nommé, Alexander Kornev. Il se démène pour rencontrer le prisonnier, victime d’agents de la police secrète, la NKVD. Bolchévique chevronné et intègre, le jeune procureur croit à un dysfonctionnement. Sa quête de justice le conduira jusqu’au bureau du procureur-général à Moscou. À l’heure des grandes purges staliniennes, c’est la plongée d’un homme dans un régime totalitaire qui ne dit pas son nom. Loznitsa confronte ce procureur idéaliste, tout juste sorti des études, à la tenue parfaite et qui se tient bien droit au sens propre comme au sens figuré, à cet autre procureur qui a trahi les valeurs en lesquelles le premier croit, et qu’il incarne. Un jeune homme épris de justice au regard malicieux (heureux peut-être de jouer un mauvais tour à l’injustice), candide presque, déterminé aussi, qui n’a pas conscience que tant d’innocents croupissent dans les prisons jusqu’à l’arrivée de la fameuse lettre. Les couleurs, ternes, le cadre qui l’enferme, tout est là pour signifier l’oppression. Les décors rappellent ceux de Playtime de Tati et notamment cette marche interminable dans des couloirs labyrinthiques avec un nombre incalculable de portes qui le mènent vers son prisonnier. Symboles de l’absurdité d’un régime inique et intransigeant. Le réalisateur ukrainien  formé à l’institut de cinéma VGIK de Moscou est exilé aujourd’hui à Berlin. Sa dénonciation du totalitarisme, brillante parabole, a évidemment des résonances contemporaines. Ce film s’inspire de la nouvelle éponyme de Georgy Demidov, de 1969. Ce physicien fut arrêté en 1938 durant les grandes purges staliniennes et passa quatorze années au goulag. Ce film compte une des plus brillantes scènes de l’histoire du cinéma. Le procureur revenant d’un voyage lors duquel il a essayé d’alerter les autorités et de leur signaler les injustices dont il a été témoin se retrouve dans un wagon-lit avec deux « ingénieurs » particulièrement affables, qui lui jouent de la musique, partagent une bonne bouteille de vin, semblent prêts à tout pour lui être agréable. Une façade lisse à l’image de celle du régime. L’issue de cette scène, inéluctable, sera glaçante, même si nous n’avions guère de doutes sur les motifs de l’entreprise. La réalisation austère éclaire les ombres du régime avec maestria. L’atmosphère est oppressante et âpre, soulignée par ces plans fixes magistraux d’une rigueur, d’une précision, d’une composition et d’une beauté sombre saisissantes. La tension est constante et présente, dans chaque mot, chaque geste, chaque regard, chaque silence. Le portrait d’un homme qui défie le régime totalitaire, pris dans un engrenage fatal, porté par son souci de justice. Un immense film d’une intelligence rare (contenue dans la perfection de chaque plan).

    1. Les combats méconnus de Robert Badinter de Dominique Missika et Bethsabée Zarka (prix du jury documentaire ex-aequo) - Un film bientôt diffusé sur la chaîne LCP-AN.

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    De justice aussi, forcément, il était question avant tout dans ce documentaire récompensé.

    Dès septembre 1981, alors qu’il vient d’être nommé garde des Sceaux par François Mitterrand, Robert Badinter déploie toutes ses forces pour faire abolir la peine de mort, malgré les vents contraires et au nom d’une France qu’il aime tant qu’il la rêve exemplaire. Mais qui sait que Badinter, ministre, avocat, militant et professeur de droit, amoureux de Victor Hugo en qui il puise son humanisme et une opposition viscérale à la peine de mort, a porté d’autres immenses combats ? Notamment l’abrogation des « lois indignes »  (lois sécuritaires, juridictions d’exception), mais aussi la suppression des articles de loi discriminant les homosexuels, la réduction de la population carcérale, et l’élargissement du droit des victimes. Robert Badinter sera panthéonisé ce 9 octobre 2025, une date symbolique puisqu’il s’agit de la date anniversaire de la promulgation de la loi d'abolition de la peine de mort de 1981, quelques mois après être devenu ministre (en juin). On peut regretter que le documentaire n’explore pas du tout cette loi essentielle qui le fit entrer dans l’Histoire, mais c’est aussi l’intérêt de ce film que de montrer que, en plus de cette avancée historique cruciale à laquelle il œuvra avec tant de courage et d’obstination, Robert Badinter mena bien d’autres combats guidés par  le refus de l’injustice et  de la barbarie dont fut victime le père de cet enfant juif dont les parents furent naturalisés français, un père raflé rue Sainte-Catherine à Lyon, envoyé à Drancy puis à Sobibor. Il s’engagea d’abord  pour l'amélioration des conditions de vie des détenus et l’humanisation des prisons (en autorisant la lumière le soir, en supprimant les uniformes des quartiers de haute sécurité, mais aussi en essayant d'améliorer la situation essentielle des surveillants pénitentiaires, ou encore en œuvrant pour la prise en charge intelligente pour permettre aux détenus de se projeter ), mais aussi pour  l'égalité des homosexuels devant la loi et la dépénalisation de l’homosexualité,  et encore pour honorer la mémoire des victimes de la Seconde guerre mondiale. « Toute ma vie j'ai essayé de combattre l'injustice » dira-t-il ainsi. Le documentaire rappelle également qu’il fut contre la peine de mort contre l'avis de la majorité des Français, et toujours le « défenseur intransigeant des plus faibles », et que « toute forme de discrimination lui est insupportable », raison pour laquelle il se plaçait toujours « du côté des plus vulnérables. » Il dut se battre contre Gaston-Defferre, Ministre de l’Intérieur soutenu par Mitterrand, qui voulait la suppression de sa loi Sécurité et liberté.  Ce documentaire rappelle aussi à quel point cet homme, dont personne (à l’exception de quelques extrémistes) ne remet aujourd’hui en cause l’humanisme et le rôle historique, fut détesté, victime même d’un attentat à son domicile. La seule loi à porter son nom est la Loi Badinter de 1985 consacrée au sort des victimes d’accidents de la route et à leurs conditions d'indemnisation. Parmi ses combats victorieux figure encore la création du Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie qui permettra de condamner pour crimes de guerre et crimes contre l'Humanité, mais aussi son combat sans répit pour la mémoire. Il gagne ainsi son procès contre le négationniste Faurisson.  Son histoire personnelle renait en 1983 quand Klaus Barbie va être jugé en France pour crime contre l'Humanité. Badinter fait voter une loi pour la création d’archives audiovisuelles de la justice. Pour la première fois, ce procès historique sera filmé. Il lèvera aussi « le voile de silence, d’oubli » sur les fusillés du Mont Valérien, là où Joseph Esptein fut fusillé en 1944. Ne subsistent que trois photos des exécutions au mont Valérien où 1008 hommes furent fusillés « parce qu'ils étaient juifs, communistes, résistants, opposants au nazisme ». La lettre que Joseph Epstein écrivit à son fils, lue dans le documentaire, est absolument bouleversante. À la naissance, son père l'avait déclaré sous le nom d'un camarade de Résistance. Badinter l’aidera à reprendre le nom de son père : « Mon père est revenu sur la place publique. Je le dois à Robert Badinter. » Ce documentaire brosse le portrait d’un homme qui a mené inlassablement ses combats dont les fondements résident sans doute dans ses « objets » qui « contiennent tout ce qu’il était » dont le scellé de l’abolition de la peine de mort, un modèle de guillotine par le peintre Dürer, deux cuillères rouillées (dont l’une qu’il a ramassée au camp d’Auschwitz), deux pierres provenant du mur du ghetto de Varsovie, un tableau que son père avait acheté représentant un tableau de Juifs pieux et « surtout le décret de naturalisation de son père qui avait été si fier de devenir français »  : « Il a défendu la liberté des Français et tenté de les protéger des fracas de l'Histoire ». Il dira ainsi : « J'ai traversé à toute vitesse l'enfance et l’adolescence pour devenir un adulte, j'étais prêt pour la vie. » Terminons avec cette phrase d’Hugo que Badinter affectionnait, ses combats témoignent de la volonté qu’il mit à être fidèle à cette idée : « On ne peut pas priver une personne de son droit fondamental de devenir meilleur ».

    1. Les Glucksmann, une histoire de famille de Steve Jourdin (prix du public) – Bientôt sur Public Sénat

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    Tout aussi passionnant est le documentaire consacré à trois générations de Glucksmann produit par la société Caméra subjective pour la chaîne Public Sénat.

    De Moscou à Paris, des services secrets soviétiques aux ors de la République française, voici l’incroyable saga des Glucksmann. Un grand-père espion au service de Staline. Un père philosophe, figure des « nouveaux philosophes » et intellectuel médiatique. Un fils, Raphaël, désormais sur le devant de la scène politique et prétendant à l’Élysée en 2027. Espion, philosophe, candidat : le film suit trois générations de Glucksmann. Entre idéologies, trahisons et conquête du pouvoir, Les Glucksmann, une histoire de famille raconte comment une dynastie singulière de militants traverse le siècle. Et si, à travers l’histoire d’une famille, se jouait aussi celle de la France ? Alors que « tous les services de contre-espionnage se sont cassé les dents sur la véritable identité » du grand-père, Ruben, espion soviétique recruté en Palestine, dont la mission, était d’« exporter la révolution bolchevique sur toute la planète », tandis que le fils André était « auteur de livres qui vont bouleverser la vie politique française », son « contemporain capital » selon BHL, Raphaël, quant à lui, aspire aujourd’hui aux plus hautes fonctions de l’Etat français. Ruben. André. Raphaël. Trois générations différentes. Trois engagements à gauche. « L'Histoire d'une famille française pas comme les autres ».  En 1917, Lénine s'empare de la Russie. Beaucoup de Juifs se laissent séduire. Comme Martha et Ruben, les parents d’André. Au début des années 30, Ruben est envoyé en Allemagne. Il se lance dans le trafic d'armes à destination des Républicains espagnols. Officiellement, ses entreprises faisaient du commerce de fourrure. Il est ensuite arrêté en 1940 par le MI5.  Il sera déporté vers le Canada. Sur le chemin, son bateau sera bombardé par une torpille allemande. Le bateau coulera. Cohn-Bendit fait aussi le mea culpa de leur soutien à « tous ces mouvements de libération nationale qui ont terminé en totalitarisme. » Avec La cuisinière et le mangeur d'hommes, en 1972, Glucksmann a mis le doigt sur les atrocités du régime soviétique. Cela marque sa rupture nette et définitive avec la gauche communiste. Le film aborde ensuite la troisième génération, Raphaël, celui avec qui sa mère, Fanfan « a découvert la passion ». La parentalité ne les détourne pas du militantisme. Ils hébergent chez eux des Tchétchènes, des Rwandais… Leur appartement est un lieu bouillonnant de débats et de rencontres dans lequel défile « le tout Paris intellectuel ». Raphaël qui révèle n’avoir appelé ses parents papa et maman qu’à leur mort (leur relation était filiale mais aussi et avant tout d’amitié) est vite intégré à la bande. Ce bon élève d’Henri IV puis de Sciences Po va rapidement rejoindre les combats de ses parents, et notamment le combat de son père contre Poutine qui le conduit à se tourner vers la Géorgie. La mort de son père en 2015 sera pour lui « un immense manque et une immense chance d’avoir été son fils ». Il reconnaît une erreur de son père, l’Irak (décidément les films du festival se répondent). Avec Goupil et Bruckner, ils rejetèrent en effet la position du gouvernement français qui refusait de participer à la guerre et ils appuyèrent l’idée d’une intervention. Après 500000 morts, aucune arme de destruction massive ne fut retrouvée. En avril 2007, lors du meeting de Bercy, André défendra Sarkozy avec passion, se disant très convaincu qu’il doit gagner, Sarkozy étant pour lui « l'homme de l'ouverture, l'homme qui rétablit les Droits de l'Homme ». « Sarkozy a ainsi réussi à lui faire croire qu’il allait se battre contre Poutine pour les Tchétchènes, les Géorgiens, les Ukrainiens » raconte Raphaël qui évoque avec lucidité les « sincérités successives » des hommes politiques. »  Raphaël Glsucksmann est élu au parlement européen en 2019. Le documentaire s’interroge : « Sera-t-il prêt à faire des compromis pour faire triompher ses idées ? Jusqu'où ira-t-il ? ». Cohn-Bendit déclare ainsi avec tendresse : « Je crois qu'en 2027 il n'a aucune chance mais s'il a envie, let's go. » Laissons le mot de la fin à Raphaël Glucksmann : « Je crois que la politique cela reste profondément tragique. »

    1. Masterclass : Politique et fiction et politique-fiction : Quel scénario pour conclure le quinquennat ?

    Avant la clôture, le festival a proposé une passionnante masterclass sur le thème précité, en présence de nombreux intervenants et notamment la Présidente de l’Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet, de l’ancienne Ministre de l’Éducation Nationale, présidente du jury des lycéens, Najat Vallaud-Belkacem, et de Michel Field, directeur de la Culture et du Spectacle Vivant à France Télévisions, maître des cérémonies d’ouverture et de clôture du festival.

    Quelques déclarations marquantes et éclairantes extraites de cette masterclass dont vous pourrez aussi retrouver quelques extraits sur mon compte Instagram :

    Yaël Braun-Pivet, à propos de l'Assemblée Nationale : « Cela devient de plus en plus une arène, un ring, un show. On a changé le personnel politique et on a aucune barrière entre le sympathisant, le député. Chaque parole est interchangeable. Des députés qui se transforment en activistes. Plus de distinction entre les rôles de chacun. »

    « En dehors du Promeneur du Champ de Mars, il a fallu attendre 40 ans pour que le personnage politique de Mitterrand devienne un personnage fictionnel ».

    Michel Field : « On vient d'une culture où les écrits sont les vecteurs de la politique. »

    Le Bomin a souligné le recours au vocabulaire cinématographique pour évoquer la politique, pour signifier le réel :  en cas de remaniement on parle de « casting » politique, on évoque aussi une « séquence ».

    Yaël Braun-Pivet : « La réalité dépasse la fiction donc on peut tout imaginer* même le pire. » (*Dans les fictions).


    Concernant une question sur le peu d'appétence des cinéastes français pour célébrer le roman national, Najat Vallaud-Belkacem a répondu que cela était « lié à l’esprit critique mais aussi à la plus grande prudence chez les artistes et scénaristes qui ont le goût de l'exactitude, et a contrario ont du mal à saisir la vie politique. »

    Michel Field : « Cette Assemblée Nationale ressemble plus à la société. »

    Yaël Braun-Pivet : « Le bureau est parfaitement représentatif de la société. , « Plus de 30 textes ont été votés à l'unanimité. », « Le problème est que les gouvernements successifs et l’administration font comme s’ils étaient majoritaires. »

    « La question de survie du film politique est de s'éloigner du film partisan. »

    « Ce qui compte ce n'est pas objectivité du journaliste mais l’honnêteté.»


    Yaël Braun-Pivet : « Il ne faut ne pas se réfugier derrière les institutions pour se dédouaner. Quand cela tangue, les institutions protègent. Cela nécessite d'ajuster les règles pour plus de partage du pouvoir avec parlement, le peuple etc. »

    1. L’Inconnu de la Grande Arche de Stéphane Demoustier (film de clôture) – Au cinéma le 5 novembre 2025

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    Dans son dernier film, Borgo, Stéphane Demoustier nous racontait l’histoire de Mélissa (Hafsia Herzi), surnommée « Ibiza » par les détenus, surveillante pénitentiaire expérimentée, qui s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. Là, elle intègre les équipes d’un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres dans lequel on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens et non l’inverse ! Si ce film a pour matériau de départ l'histoire vraie d’une surveillante pénitentiaire mise en cause dans le double assassinat de Poretta en 2017, et en particulier des comptes-rendus lus dans la presse, le réalisateur s’est avant tout inspiré du personnage de la surveillante qu’il dépeint ici dans toute sa complexité comme il le fit pour la protagoniste de La fille au bracelet.  Le film sonde l’âme du personnage et son basculement, sa proximité de plus en plus forte avec le monde mafieux, les rapports de force, le glissement progressif dont elle ne semble pas se rendre compte. La minutie de la reconstitution (notamment de la vie de la prison, fortement documentée), la tension constante (entre le racisme dont est victime le mari de Mélissa, et la prison où finalement elle semble mieux accueillie et protégée, avec parmi de nombreuses remarquables scènes celle où les prisonniers, d’une cellule à l’autre, chantent en son honneur, scène lors de laquelle le visage de la surveillante s’illumine, la joie et la fierté l’emportant sur le sérieux qu’imposent ses fonctions), l’interprétation magistrale de Hafsia Herzi mais aussi de tous les seconds rôles judicieusement choisis (notamment de nombreux acteurs insulaires), la musique de Philippe Sarde, le scénario particulièrement audacieux, jouant avec les temporalités et points de vue, en font un film d’une maîtrise impressionnante. À nouveau, avec L’Inconnu de la grande arche (sélection officielle du Festival de Cannes 2025, section Un Certain Regard), Stéphane Demoustier centre son récit sur un personnage ayant réellement existé, Otto von Spreckelsen, architecte danois de 53 ans, et sur des faits réels, en l’occurrence décrits dans le livre de Laurence Cossé, La Grande Arche (2016). François Mitterrand (Michel Fau), Président de la République récemment élu, annonce le nom du vainqueur du concours international d’architecture lancé pour le futur chantier de construction de la Défense. L’heureux gagnant a remporté le concours grâce à son idée de cube géant. Les services présidentiels ne le connaissent pas et n’ont même pas de numéro auquel le joindre. Le film va raconter les obstacles à cette construction, projet de la vie d’un homme (un architecte), et instrument de grandeur d’un Président de la République volontariste. Otto von Spreckelsen (Claes Bang), est accompagné de son épouse Liv (Sidse Babett Knudsen), doit composer avec un jeune conseiller du président (Xavier Dolan) et l’architecte français Paul Andreu (Swann Arlaud) qui va mettre en œuvre le projet. Mais entre les contrariétés administratives, et l’arrivée en 1986 d’un nouveau gouvernement avec un ministre délégué au budget, Alain Juppé, qui souhaite avant tout réaliser des économies, le beau rêve d’Otto tourne au cauchemar. Le chantier, pharaonique, doit être revu à la baisse malgré la détermination orgueilleuse d’Otto.  D’ailleurs, lui ne parle pas de « grande arche » mais de son « cube ». Payé 25 millions de francs, il dépense sans compter, encouragé par le président qui veut à tout prix que son projet voie le jour et soit inauguré pour le Bicentenaire de la Révolution française, n’hésitant pas à payer un grutier 50 000 francs, juste pour qu’une maquette à taille réelle lui donne une idée de la perspective du projet depuis les Champs-Élysées, tarif astronomique qui est la contrepartie à la privation d’un mariage d’un membre de la famille du grutier (totalement inventé par ce dernier). Demoustier reconstitue avec autant de minutie ce chantier phare des années 1980 qu’il avait dépeint avec soin la prison corse de Borgo. La réussite de l’ensemble doit beaucoup au casting : Claes Bang qui interprète l’opiniâtre, présomptueux, tempétueux et parfois exaspérant Otto. Sidse Babett Knudsen, qui joue le rôle de sa femme, prête à le suivre dans tous ses caprices…jusqu’à un certain point, toujours d’une sobriété et d’une justesse remarquables (le film s’inspire notamment des lettres qu’a laissées l’épouse de l’architecte). Michel Fau qui campe un François Mitterrand lui aussi têtu dont l’obstination aveugle frôle aussi le ridicule. Swann Arlaud, toujours impeccable. Xavier Dolan, absolument irrésistible en conseiller pointilleux un peu dépassé par les exigences de l’architecte, et cherchant à les modérer. Derrière les ambitions de chacun, il y a l’argent public dépensé à tout-va pour satisfaire des ambitions, voire caprices(s), et si le film se déroule dans les années 1980, en cela il est aussi intemporel. L’Inconnu de la Grande Arche est un film passionnant sur cet inconnu dont la trajectoire révèle avec une ironie réjouissante les dépenses inconsidérées et les aberrations administratives de l’État français.  Tout cela aboutira à un projet très éloigné de ce à quoi aspirait Otto von Spreckelsen, peu à peu rongé par les désillusions. Et à un film passionnant, parfait pour clore en beauté ce formidable festival.


    PALMARÈS

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    La majeure partie des prix ont été remis par la présidente de l’Assemblée Nationale qui a loué ce festival qui a le mérite de  « rapprocher la chose publique des citoyens ». La présidente du jury des lycéens a, quant à elle, évoqué les vertus d’un « conversation qui n’a pas lieu ailleurs », une « parenthèse enchantée »

    * Prix du jury (attribué par le jury fiction politique)
    The President's Cake de Hasan Hadi
    * Mention spéciale
    Les Braises de Thomas Kruithof

    * Prix des médias (attribué par le jury presse & médias politique)
    The President's Cake de Hasan Hadi
    * Mention spéciale
    Les Braises de Thomas Kruithof

    * Prix du public (attribué par le public du Festival)
    Dossier 137 de Dominik Moll

    Compétition documentaire

    * Prix du jury (attribué par le jury documentaire politique)
    DOUBLE PRIX
    Holding Liat de Brandon Kramer
    &
    Les Combats méconnus de Robert Badinter de Dominique Missika et Bethsabée Zarka

    * Prix des Lycéens (attribué par le jury lycéen politique)
    France, une histoire d'amour de Michael Pitiot et Yann Arthus-Bertrand
    * Mention spéciale
    Holding Liat de Brandon Kramer

    * Prix du public (attribué par le public du Festival)
    Les Glucksmann, une histoire de famille de Steve Jourdin

    SÉLECTION OFFICIELLE

    Compétition fiction

     La Vague de Sebastián Lelio

    The President’t Cake de Hasan Hadi

    Dossier 137 de Dominik Moll

    Deux procureurs de Sergei Loznitsa

     Les Braises de Thomas Kruithof

    Compétition documentaire

    Holding Liat de Brandon Kramer

     France, une histoire d’amour de Michael Pitiot et Yann Arthus-Bertrand

    Les Armes secrètes de Poutine de Hugo Van Offel et Martin Boudot

    Les Combats méconnus de Robert Badinter de Dominique Missika et Bethsabée Zarka

     Les Glucksmann, une histoire de famille de Steve Jourdin

    Hors-compétition

    La Femme la plus riche du monde de Thierry Klifa

     Jean Valjean de Éric Besnard

     L’Inconnu de la grande arche de Stéphane Demoustier

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  • Critique de DALLOWAY de Yann Gozlan (Séance de Minuit – Festival de Cannes 2025)

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    Clarissa (Cécile de France), romancière en mal d’inspiration, rejoint une résidence d’artistes luxueuse à la pointe de la technologie, à l’abri de la chaleur caniculaire et de la pandémie qui sévissent à l’extérieur dans un Paris futuriste et pourtant familier. Elle trouve en son assistante virtuelle, incarnée par la voix envoûtante de Mylène Farmer et nommée Dalloway comme l’héroïne de Virginia Woolf, un soutien et même une confidente qui l’aide à écrire son nouveau roman justement consacré à l’écrivaine britannique. Mais peu à peu, Clarissa éprouve un malaise face au comportement de plus en plus intrusif de son IA, renforcé par les avertissements d’un autre résident, Mathias Nielsen (Lars Mikkelsen). Se sentant alors surveillée par cette domotique omnisciente, Clarissa se lance secrètement dans une enquête pour découvrir les réelles intentions de ses hôtes. S’agit-il alors d’une menace réelle ou cette dernière, éprouvée par le suicide de son fils, est-elle en plein délire paranoïaque ?

    Le film commence par des images paisibles de la mer, portées par le bruit rassurant des vagues. Ce tableau idyllique disparaît pour laisser place à une chambre, celle de Clarissa. Ce sentiment de quiétude n’était qu’une illusion. Projetée par l’IA. Clarissa se lève, échange avec Dalloway sur la température du jour. Dans la salle de bain, un miroir affiche les résultats de ses tests de santé quotidiens analysés par Dalloway. La journée peut commencer, entièrement régenté par Dalloway qui fait bouillir l’eau, trie les emails, impose sa voix et sa voie. Dalloway est omniprésente et toute puissante. Elle contrôle tout, la température de l’air, la santé de l’artiste, la fermeture de la porte. Elle distille quelques idées à Clarissa pour son roman, lui pose des questions bienveillantes qui se transforment insidieusement en interrogations intrusives.

    Lorsque le roman dont le film est l’adaptation a été écrit, l’Intelligence Artificielle n’était encore qu’une abstraction. Elle s’empare aujourd’hui de toutes les sphères de la société, au point de rendre obsolètes certaines professions. Dalloway est l’adaptation du roman d’anticipation de Tatiana de Rosnay, Les Fleurs de l’ombre, publié en 2020. Le contexte de la crise sanitaire qui n’était pas présent dans le roman a été ajouté par les scénaristes (Yann Gozlan, Nicolas Bouvet, en collaboration avec Thomas Kruithof).

    La résidence apparaît donc de prime abord comme un cocon protecteur, et Dalloway comme une présence rassurante. La chambre si confortable de Clarissa et la résidence prestigieuse se transforment peu à peu en univers menaçant et carcéral. Le film brosse le portrait d’un monde, le nôtre déjà, dans lequel des images et des informations nous sollicitent en permanence, et dispersent notre attention. En même temps que Dalloway lui lit la lettre d’une lectrice qui souhaite la rencontrer, Clarissa lui demande l’avis des téléspectateurs sur le fim qu’elle va regarder, zappe d’un film à l’autre, s’intéressant sommairement à la lettre comme aux films. Comme dans la société contemporaine, l’attention est constamment sollicitée. L’émotion est tenue à distance. Une émotion que l’écriture permet de recréer, de cristalliser, de verbaliser.

    Ce film est aussi captivant pour les questions qu’il pose sur les conséquences de l’Intelligence Artificielle que sur l’acte d’écrire. Qu’est-ce qui nourrit l’écriture ? C’est ici la culpabilité et les émotions qui la submergent qui font naitre le récit de Clarissa mais qui vont provoquer une autre culpabilité, et surtout une dépendance. Quand la fuite par l’écriture n’existe plus, quelle issue reste-t-il ? Quelle fenêtre sur l’ailleurs ou quelle introspection trouver encore ? Isolée de son entourage, Clarissa voit en l’IA l’attention que ses proches ne lui accordent pas, à ses risques et périls. Même sa montre connectée est fournie par la résidence pour surveiller ses moindres déplacements. Des capteurs de mouvements sont installés dans son appartement, enregistrant peut-être plus que les simples gestes. Mathias en est d’ailleurs certain : ces capteurs servent à les surveiller et l’IA va s’emparer des émotions des artistes pour se perfectionner, et les remplacer.

    Cette histoire qui aurait semblé invraisemblable il y a cinq ans nous paraît désormais effroyablement plausible. Même ce Paris écrasé de chaleur, aseptisé et fantomatique, où tout est surveillé (des drones observent et suivent les passants), contrôlé (la santé est vérifiée à l’entrée du métro, des chiens robots reniflent les passagers) ne nous est pas totalement étranger.

    La voix, mystérieuse, chaleureuse, et ensorcelante de Mylène Farmer forge la personnalité de l’IA, d’une étrangeté douce et autoritaire. Récemment, elle était déjà la voix (off) d’un autre film, Bambi de Michel Fessler, dans lequel elle était une voix ensorcelante d’une présence discrète qui ne force pas l’émotion mais ajoute subtilement une dimension poétique, parfois philosophique.

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    « Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du Samouraï si ce n'est celle d'un tigre dans la jungle… Peut-être… ». Cette citation qui figure en ouverture du film de Melville pourrait s’appliquer à tous les films de Yann Gozlan qui ont en commun d’ausculter la solitude portée à son paroxysme.

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    Ainsi, dans Boîte noire, Pierre Niney incarnait Mathieu Vasseur, un technicien au BEA, autorité responsable des enquêtes de sécurité dans l’aviation civile, personnage en apparence aux antipodes d’un autre Mathieu, celui que l’acteur incarnait dans Un homme idéal, sa précédente collaboration avec Yann Gozlan, l’un paraissant aussi sombre que l’autre semblait solaire. Comme dans Un homme idéal néanmoins, et comme dans Dalloway avec Clarissa, se dessine peu à peu le portrait d’un personnage face à ses contradictions, ses failles, ses rêves brisés, qui veut tout contrôler et qui perd progressivement le contact avec la réalité. Dans les deux films, comme dans Dalloway, la réalisation de Yann Gozlan enserre le protagoniste pour souligner son enfermement mental. Déjà dans Un homme idéal, les brillantes références étaient savamment intégrées :  Plein soleil, Match point, La Piscine, Tess, Hitchcock pour l’atmosphère (ce qui est à nouveau le cas dans Dalloway), Chabrol pour l’auscultation impitoyable de la bourgeoisie. La mise en scène était déjà précise, signifiante et le scénario, terriblement efficace, allait à l’essentiel, ne nous laissant pas le temps de réfléchir, le spectateur ayant alors la sensation d’être claquemuré dans le même étau inextricable que Mathieu, aux frontières de la folie.  Il en va de même, là encore, pour Clarissa dans Dalloway.

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    Dans Un homme idéal, cet autre Mathieu a 25 ans et travaille comme déménageur. 25 ans, l’âge, encore, de tous les possibles. L’âge de croire à une carrière d’auteur reconnu. Malgré tous ses efforts, Mathieu n’a pourtant jamais réussi à être édité. C’est lors de l’un de ces déménagements qu’il tombe par hasard sur le manuscrit d’un vieil homme solitaire qui vient de décéder. Jusqu’où peut-on aller pour réussir à une époque où celle-ci se doit d’être éclatante, instagramée, twittée, facebookée ? Pour Mathieu : au-delà des frontières de la légalité et de la morale, sans aucun doute…

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    Les films s’évertuent souvent à nous montrer à quel point la création, en particulier littéraire, est un acte jubilatoire et un symbole de réussite (nombreux sont les films à se terminer par l’envol d’un personnage qui, de mésestimé, voire méprisé, devient estimable et célèbre en publiant son premier roman), ce qu’elle est (aussi), mais ce film montre que cela peut également constituer une terrible souffrance, comme elle l’est pour Clarissa qui a choisi d’écrire sur une écrivaine qui s’est suicidée, après le suicide de son propre fils.

    Le talent qu’il n’a pas pour écrire, Mathieu l’a pour mettre en scène ses mensonges, se réinventant constamment, sa vie devenant une métaphore de l’écriture. N’est-elle pas ainsi avant tout un arrangement avec la réalité, un pillage ? De la vie des autres, de soi-même. Elle l’est aussi dans Dalloway puisque Clarissa va puiser dans les émotions de son fils pour écrire…tout comme l’IA va se nourrir des émotions de l’écrivaine.

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    En 2014, le quatrième long métrage de Spike Jonze, Her, nous embarquait dans les réjouissants méandres d’un imaginaire débridé, celui du cinéaste et de son personnage, et nous interrogeait aussi sur les dangers de l’Intelligence Artificielle. Theodore Twombly (Joaquin Phoenix), écrivain public des temps modernes est inconsolable après une rupture difficile, en effet en instance de divorce avec sa femme Catherine (Rooney Mara), vit seul dans un appartement sans âme. Il fait alors l'acquisition d'un programme informatique ultramoderne, capable de s'adapter à la personnalité de chaque utilisateur. En lançant le système, il répond à de brèves questions, choisit une voix féminine et fait la connaissance de Samantha (Scarlett Johansson), une voix féminine intelligente, intuitive et dotée d’humour et même d’ironie. Peu à peu, l’impensable va survenir : l’homme et la machine vont tomber amoureux…A l’image de l’affiche, c’est avant tout l’histoire d’un homme seul face à nous, miroir de nos solitudes modernes, et surtout face à lui-même, et dont le métier consiste à envoyer des lettres pour et à des inconnus avant de retrouver son appartement glacial donnant sur les lignes verticales et froides de la ville, avec l’hologramme d’un jeu vidéo pour seule compagnie. Dans la première scène, il dit des mots d’amour face caméra. Puis, nous découvrons qu’il est en réalité sur son lieu de travail, seul face à un ordinateur. Comme une prémonition. Dans cette ville intemporelle et universelle (Spike Jonze a tourné à Shangaï et Los Angeles) se croisent des êtres qui vivent dans leur bulle imaginaire, soliloquant, emmurés dans leurs solitudes comme ils le sont dans cette ville tentaculaire. La technologie froide et déshumanisée va s’humaniser pour devenir l’âme sœur au sens propre, un amour désincarné, cristallisé. Le vrai bonheur semble dans l’ailleurs, l’insaisissable, l’imaginaire, ou alors le passé, cette « histoire qu’on se raconte » et la forme et le fond se répondent intelligemment puisque le passé idéalisé est ici raconté par des flashbacks silencieux auréolés de lumière. Scarlett Johansson réussit le pari de donner corps à cette voix (elle  a même remporté le Prix d'Interprétation Féminine au 8ème Festival International du Film de Rome, en novembre 2013) et de faire exister ce personnage invisible. Un film à la fois salutaire, parce qu’il montre le redoutable et magique pouvoir de l’imaginaire et fait appel à celui du spectateur (par exemple pendant la scène d’amour, seul demeure un écran noir), et terrifiant en ce qu’il nous montre un univers d’une tristesse infinie avec ces êtres « lost in translation » prêts à tout pour ressentir la chaleur rougeoyante d’un amour fou, sublimé, un univers pas si éloigné du nôtre ou de ce qu’il pourrait devenir.

    Cette crainte exprimée dans Her est devenue réalité puisque des cas de personnes tombées amoureuses de leur IA ont déjà été diagnostiqués. Le monde où tout, y compris les émotions, serait régi par l’IA, et qui fabriquerait de l’art à la demande, n’est pas celui de demain mais celui d’aujourd’hui. Cela rend ce film encore plus passionnant et glaçant. Cette Clarissa, peu à peu dépossédée de ses émotions, d’elle-même, qui s’étiole tandis que l’IA au contraire se nourrit et grandit, pourrait exister. L’identification est renforcée par les focales très courtes auxquelles recourt le réalisateur. Et par le jeu de Cécile de France, dans un rôle très éloigné des personnages mémorables qu’elle a incarnés dans Un Secret ou Quand j’étais chanteur ou même des rôles plus « physiques » comme celui de Möbius d’Éric Rochant (remarquable thriller, que je vous recommande), apporte un supplément d’âme, une intensité et une ambivalence qui rendent le délire paranoïaque et l’emprise aussi crédibles l’un que l’autre.

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    Pour le personnage d’Anne Dewinter, qui dirige la résidence, Anna Mouglalis, apporte magnétisme, autorité et mystère. Frédéric Pierrot, qui porte toujours si bien son nom, jouant souvent des personnages lunaires, amène quant à lui sa force tranquille à ce personnage bienveillant de l’ancien mari. 

    La musique de Philippe Rombi accroît le sentiment d’angoisse latente et la paranoïa, avec des notes sombres et minimalistes, mélangeant sons électroniques et cordes acoustiques.

    Un thriller d’anticipation terrifiant en ce qu’il nous parle d’un monde qui nous est familier, et passionnant en ce qu’il interroge ce qui distingue l’homme de la machine, mais aussi le devenir de l’émotion et de la création, dans cet environnement de plus en plus robotisé qui tente de les maîtriser, et qui les tient de plus en plus à distance de ce qui en constitue l’essence : la sincérité et la singularité. Une fois de plus, fortement inspiré par les films noirs et leur indissociable fatalité inexorable et implacable, en explorant les failles de la solitude, et en nous plongeant dans ses abysses, Yann Gozlan m’a captivée. Son prochain film intitulé Gourou racontera ainsi « l’ascension d’un gourou du développement personnel qui va se révéler une personnalité toxique », un thriller dans lequel Pierre Niney tiendra le rôle principal. En attendant ce film que je ne manquerai pas d’aller voir (au cinéma le 28 janvier 2026), je vous recommande de vous laisser charmer par Dalloway sans rien perdre de votre libre-arbitre et de la distance nécessaire que ce film nous invite habilement à questionner dans une société dans laquelle l'Intelligence Artificielle tient une place grandissante.

  • Critique de UN SIMPLE ACCIDENT de Jafar Panahi – Prix de la Citoyenneté et Palme d’or du 78ème Festival de Cannes

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    Ce Festival de Cannes 2025 s’est achevé pour moi comme il avait débuté, par une histoire de son, en l’espèce le film en compétition The History of sound de Oliver Hermanus. Des sons qui viennent débusquer la nostalgie nichée au fond de nos cœurs. Un note finale implacable qui justifie la partition antérieure, tout en retenue. Celle d’une rencontre vibrante qui influe sur la mélodie d’une vie entière. L’art rend les étreintes éternelles : l’affiche de ce 78ème Festival de Cannes le suggérait déjà magnifiquement. Ce Festival de Cannes 2025 s’est terminé pour moi par un autre son, glaçant, celui qui accompagnait le dernier plan du film de Jafar Panahi qui me hantera longtemps comme ce fut le cas avec cette rose sur le capot dans le chef-d’œuvre qu’est Taxi Téhéran.

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    En février 2010, le pouvoir islamique avait interdit à Jafar Panahi de se rendre à la Berlinale dont il était l'invité d'honneur. Cette interdiction était intervenue après sa participation à des manifestations après la victoire controversée d'Ahmadinejad en 2009. Il avait ensuite été arrêté, le 1er mars 2010, puis retenu dans la prison d'Evin. Lors du Festival de Cannes, une journaliste iranienne avait révélé qu’il avait commencé une grève de la faim pour protester contre les mauvais traitements subis en prison. Comment ne pas se souvenir de la pancarte tenue par Juliette Binoche et de son siège vide de membre du jury cannois en 2010 ? Il fut libéré sous caution le 25 mai 2010, ce qui l’empêcha de venir défendre L’Accordéon sélectionné à la Mostra en 2010 et, en décembre de la même année, il fut condamné à six ans de prison et il lui fut interdit de réaliser des films et de quitter le pays pendant vingt ans. En février 2011, il fut tout de même membre du jury à titre honorifique à la Berlinale. En octobre 2011, sa condamnation a été confirmée en appel.

    Après le Lion d'or à la Mostra de Venise en 2000 pour Le Cercle, l'Ours d'or à la Berlinale en 2015 pour Taxi Téhéran, l’Ours d’argent pour Closed Curtain en 2013, Jafar Panahi vient donc de recevoir la Palme d'or du Festival de Cannes 2025 pour Un Simple accident, des mains de la présidente du jury (ironie magnifique de l’histoire), Juliette Binoche…, après avoir (notamment !) déjà remporté la Caméra d’or au Festival de Cannes 1995 pour Le Ballon blanc, le Prix du jury Un Certain regard en 2003 pour Sang et or,  le Prix du scénario au Festival de Cannes en 2018 pour Trois Visages et le prix spécial du jury de la Mostra de Venise en 2022 pour Aucun ours.

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    Pour Taxi Téhéran, filmer dans un taxi avait été un véritable défi technique. Trois caméras étaient ainsi dissimulées dans le véhicule. Jafar Panahi avait par ailleurs tout géré seul : le cadre, le son, le jeu des acteurs et donc le sien, tout en conduisant !  Cette fois, pour la première fois depuis vingt ans, il n’apparaît pas à l’écran.

    On se souvient du début de Taxi Téhéran. Un plan fixe : la ville de Téhéran grouillante de monde et de vie, vue à travers la vitre avant d’un taxi dont on perçoit juste le capot jaune. Le chauffeur reste hors-champ tandis que la conversation s’engage entre les deux occupants du taxi qui ne se connaissaient pas avant qu’ils ne montent l’un après l’autre dans le véhicule. L’homme fait l’éloge de la peine de mort après avoir raconté une anecdote sur un voleur de roues de voiture. « Si j’étais à la tête du pays, je le pendrais » déclare-t-il ainsi. La femme, une institutrice, lui rappelle que l’Iran détient le triste record mondial d’exécutions après la Chine. Avant de partir, l’homme révèle son métier : voleur à la tire. Ce premier tableau permet un début d’esquisse de la société iranienne mais aussi de planter le décor et d’installer le ton, à la fois grave et burlesque. Le décor est l’espace feutré du taxi qui devient un lieu de liberté dans lequel se révèlent les incongruités suscitées par l’absurdité des lois et interdictions en vigueur. L’ingéniosité du dispositif (qui nous rappelle que Panahi a été l’assistant de Kiarostami) nous permet de rester à l’intérieur du taxi et de voyager, pas seulement dans Téhéran, mais aussi dans la société iranienne, et d’en établir une vue d’ensemble.

    Un Simple accident commence aussi dans une voiture et comme le titre du film l’indique, par un « simple accident ». Sur les hauteurs de Téhéran, une famille (le père, la mère enceinte, et la petite fille) voyage en voiture sur une route cabossée et tombe en panne après avoir heurté un chien. Ce  « simple accident » va enrayer la mécanique… Rien ne laisse présager quel type d'individu sinistre est le conducteur de la voiture, si ce n’est peut-être la manière dont il qualifie la victime de l’accident,  ce avec quoi la petite fille est en désaccord. Il entre ensuite dans un hangar pour demander de l’aide. C’est là que travaille Vahid (Vahid Mobasheri), un ouvrier, qui semble reconnaître le son si particulier de sa démarche boiteuse. Le lendemain, Vahid suit le père de famille, l’assomme et l’embarque à l’arrière de sa camionnette. Mais cet homme est-il réellement Eghbal (Ebrahim Azizi) dit « La guibole » à cause de sa prothèse à la jambe ? Est-il vraiment le gardien de prison qui l’a autrefois « tué mille fois » ? L'idée ne nous quitte pas, qu'il se trompe, et que le châtiment soit encore plus inhumain que ce qui l'a suscité, en se déployant sur un innocent.… Vahid n’est d'ailleurs pas certain, lui qui s’était retrouvé dans cette situation éprouvante, simplement parce qu’il réclamait le paiement de son salaire d’ouvrier. Après avoir emmené celui qu'il pense être Eghbal dans un endroit désert, et l’avoir mis dans la tombe de sable qu’il a creusée, l’homme parvient à le faire douter qu’il fut vraiment son tortionnaire. Vahid va alors partir en quête d’autres témoins capables d’identifier formellement leur bourreau : une future mariée et son époux, une photographe, un homme qui ne décolère pas. Va alors se poser une question cruciale : quel sort réserver au bourreau ? Lui réserver un sort similaire à celui qu’ils ont subi, n’est-ce pas faire preuve de la même inhumanité que lui ? La meilleure des vengeances ne consiste-t-elle pas à montrer qu’il ne leur a pas enlevé l’humanité dont il fut dépourvu à leur égard ?

    Comme dans Taxi Téhéran, le véhicule devient un lieu essentiel de l’action de ce film tourné dans la clandestinité. Dans Taxi Téhéran, ce n’est qu’après plus de neuf minutes de film qu’apparaît le chauffeur et que le spectateur découvre qu’il s’agit de Jafar Panahi, révélant ainsi son sourire plein d'humanité, sa bonhomie. Son nouveau passager le reconnaît ainsi (un vendeur de films piratés qui, sans doute, a vendu des DVD de Jafar Panahi, seul moyen pour les Iraniens de découvrir ses films interdits et qui, comble de l’ironie, dit « Je peux même avoir les rushs des tournages en cours ») et lui déclare « c’étaient des acteurs », « C’est mis en scène tout ça » à propos d’une femme pétrie de douleur que Panahi a conduite à l’hôpital avec son mari ensanglanté, victime d’un accident de deux roues. Panahi s’amuse ainsi de son propre dispositif et à brouiller les pistes, les frontières entre fiction et documentaire. De même, dans Un Simple accident, le protagoniste n’apparaît pas tout de suite. Nous pensons d’abord suivre les trois membres de cette famille, et que le père sera le personnage principal, celui qui suscitera notre empathie…

     

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    Au-delà du portrait de la société iranienne sous le joug d'un régime autoritaire et inique mais malgré tout moderne, vibrante de vie, d’aspirations, Taxi Téhéran était aussi une déclaration d’amour au cinéma dont le taxi est une sorte de double : un espace salutaire de liberté, de jeu, de parole, d’irrévérence, de résistance. Le film devient ainsi une leçon de cinéma, le moyen pour Panahi de glisser quelques références. Le jeu de mise en abyme, de miroirs et de correspondances est particulièrement habile. Le cinéaste multiplie les degrés de lecture et les modes de filmage, de films dans le film, ce que filment les caméras dans le véhicule, ce que filme sa nièce avec son appareil photo, ce que filme son portable, démontrant ainsi la pluralité de possibles du cinéma.

    Le dispositif est beaucoup plus simple ici, il n’en recèle pas moins de puissance dénonciatrice, et d’autant plus de courage puisque le propos est encore plus clair et direct.

    Dans Taxi Téhéran, lorsque Jafar Panahi évoque aussi sa propre situation, avec une fausse innocence, et celle des prisons (« J’ai entendu la voix du type qui me cuisinait en prison » dit-il à son avocate), cela pourrait être le point de départ de Un Simple accident comme si les deux films se répondaient. Et lorsque cette dernière, suspendue de l’ordre des avocats, lui dit « comme si le syndicat des réalisateurs votait ton interdiction de tourner », l’ellipse qui suit, ou plutôt la pseudo-indifférence à cette phrase, en dit long. « Tu es sorti mais ils font de ta vie une prison », « Ne mets pas ce que je t’ai dit dans ton film sinon tu seras accusé de noirceur », « Il ne faut montrer que la réalité mais quand la réalité est laide ou compliquée, il ne faut pas la montrer ». Chaque phrase de l’avocate ressemble à un plaidoyer contre le régime. Un Simple accident pourrait être le prolongement de ce dialogue, même si Jafar Panahi n’apparait pas, ou justement parce que Jafar Panahi n’apparaît pas.

    Avec Un Simple accident, le cinéaste continue donc son exploration et sa dénonciation de la dictature iranienne. Il a choisi cette fois la forme d'un thriller, mais un thriller burlesque. Comment traiter autrement l’absurdité de ce régime ? Cette fois, il s’agit cependant de penser à l’après, de poser les questions morales et politiques concernant la manière dont il faudra traiter les tortionnaires du régime. Comme tout un pays, les cinq passagers de la camionnette sont hantés par ce qu’ils ont vécu. Ce trajet avec leur bourreau va mettre à l’épreuve leur humanité et leur avidité de justice. Mais va surtout révéler ce qui les différencie de celui qui les a torturés, qui a tué et violé.

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    Pour la première fois depuis quinze ans, Jafar Panahi était présent à Cannes pour défendre son film.  « Faire un film engagé n’a pas été facile » a -t-il expliqué. Si son film est un acte politique et un acte de courage (Jafar Panahi, malgré cette dénonciation frontale du régime, de ses oppresseurs mais aussi de sa corruption, est retourné en Iran après le festival), il est aussi une vraie œuvre de cinéma. Le film lui-même est ainsi une vengeance, ou du moins une revanche sur ses oppresseurs. Ils n’auront pas atteint sa liberté de dire, de filmer, de dénoncer, ni son humanité.

    L’an passé, Les graines du figuier sauvage de l'iranien Mohammad Rasoulof, qui aurait aussi mérité une Palme d’or, est reparti avec un prix spécial du Jury, prouvant la grande vitalité du cinéma iranien, bien qu’entravé par les lois du régime. 

    Grâce à un sens de la mise en scène toujours aussi aiguisé, un courage admirable, des comédiens parfaits, un ton tragi-comique, une portée morale, politique et philosophique, qui interroge aussi notre propre rapport à la vengeance et notre propre humanité, une fin glaçante d’une force indéniable, cette  farce savoureuse, quête de vérité rocambolesque méritait amplement cette Palme d’or.

    Jafar Panahi a dédié la projection de son film à « tous les artistes iraniens qui ont dû quitter l'Iran ».  Il ne fait aucun doute que sa voix les défendra et portera bien au-delà de l’Iran. Si l’art rend les étreintes éternelles, il donne aussi de la voix aux cris de rage et de détresse. Comme l’a si justement remarqué la présidente du jury de cette 78ème édition, lors de la remise de la Palme d’or, « l’art provoque, questionne, bouleverse », est « une force qui permet de transformer les ténèbres en pardon et en espérance. » Comme ce film. Comme cette mariée et sa robe blanche qui résiste aux ténèbres de la vengeance. La force n'est pas ici physiquement blessante, mais c'est celle des mots et des images, en somme du cinéma, qui feront surgir la vérité et ployer l'oppresseur.

    Voilà qui me donne aussi envie de revoir et de vous recommander un autre chef-d’œuvre du cinéma iranien, Copie conforme de Kiarostami, avec une certaine Juliette Binoche qui, en 2010, année où Panahi devait faire partie du jury, remporta le prix d’interprétation féminine à Cannes. (Et je pense aussi à ce petit bijou méconnu de Kiarostami, mais je m'égare). Copie conforme est un film de questionnements plus que de réponses. À l'image de l'art évoqué dans ce film dont l'interprétation dépend du regard de chacun, le film est l'illustration pratique de la théorie énoncée par le personnage principal. Un film sur la réflexivité de l'art qui donne à réfléchir. Un dernier plan délicieusement énigmatique et polysémique qui signe le début ou le renouveau ou la fin d'une histoire plurielle.

    Enfin, je vous parlerai ultérieurement d’un autre coup de cœur cannois, en compétition et qui aurait mérité aussi de figurer au palmarès, un autre film iranien, Woman and child de Saeed Roustaee qui, comme Jafar Panahi cette année, avait obtenu le Prix de la citoyenneté, pour Leila et ses frères, en 2022. Le jury du Prix de la Citoyenneté 2025 était présidé par le cinéaste Lucas Belvaux. Ce prix met en avant des valeurs humanistes, universalistes et laïques. Il célèbre l'engagement d'un film, d'un réalisateur et d'un scénariste en faveur de ces valeurs auxquelles répond incontestablement le film de Jafar Panahi (ci-dessous, la remise du prix à Cannes). Le jury a ainsi salué  la « façon dont la réalisation a utilisé le cinéma pour faire d'un simple accident une réflexion sur la responsabilité individuelle, le courage, et la nécessité d'arrêter le cycle de la violence.»

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    Un Simple accident sortira au cinéma en France le 1er octobre 2025.

     

  • Bilan et palmarès du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2025 – 51ème édition

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    Ci-dessous, retrouvez mon bilan émotionnel de ce 51ème Festival du Cinéma Américain de Deauville auquel j'ai assisté de l'ouverture à la clôture. Je reviendrai ultérieurement en détails sur les films présentés lors de leurs sorties en salles.

    Retrouvez aussi de nombreuses photos et vidéos de cette édition sur mon compte Instagram @Sandra_Meziere, ici.

    Mes stories Instagram consacrées au 51ème Festival du Cinéma Américain de Deauville sont à retrouver ici.

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    « Il n'y a pas d'âge pour réapprendre à vivre. On dirait même qu'on ne fait que ça toute sa vie : repartir, recommencer, respirer à nouveau. » Françoise Sagan

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    Réapprendre à vivre. Repartir. Recommencer. Respirer à nouveau. Il me semble que ce sont ces pouvoirs magiques que m'insuffle Deauville chaque année depuis ce tout premier Festival du Cinéma Américain de Deauville auquel j’ai assisté, il y a trois décennies. Peut-être parce que là flotte toujours dans l'air le parfum de réminiscences de souvenirs heureux. Probablement est-ce le reflet du passé qui pare les planches de cette aura particulière. Ainsi, la lumière ici me semble puissamment douce, comme nulle part ailleurs, si ce n'est quelque part sur les bords de la mer Égée peut-être.

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    Comment résumer ces dix jours intenses de cinéma ? Que va-t-il me rester de ce défilé enivrant de sons, d’images, d’émotions, de rencontres, de soleil ardent et d’ombres brûlantes ? Des images de films certainement qui vont s’intégrer à celles de ma propre vie. La claustrophobie enchantée et l’apocalypse tamisée de The End de Joshua Oppenheimer. Le pouvoir réparateur des mots et les cicatrices suintantes The Chronology of water de Kristen Stewart. L’hémoglobine de la fable paranoïaque de Yorgos Lanthimos, Bugonia. La nostalgie poignante et la musique consolatrice de The History of sounds de Olivier Hermanus. Les mensonges bouleversants, la vitalité et le cœur brisé de Eleanor the great de Scarlett Johansson. Le discours lyrique et marquant de Pamela Anderson, et son éloge de la vulnérabilité.

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    Les vœux de résistance et la douce puissance de la brillante Golshifteh Farahani face à l’Amérique, à l’image du monde : vacillante et fracturée. La danse aérienne de Marie-Agnès Gillot lors de la cérémonie d’ouverture, sur la musique de Philip Glass (The Hours de Stephen Daldry).

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    La valse des goëlands dans le projecteur de la pleine lune. Les vagues hypnotiques de la mer (trompeusement donc) prometteuse. Les idées insensées qui s’élancent et me grisent et m’égarent. Les promenades jusqu’à l’épuisement pour se gaver d’éclats et d’illusions.

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    Cette édition fut placée sous le signe du vertige. Celui de Kim Novak (qui a illuminé le festival de sa présence mythique et insaisissable) et d’Hitchcock auquel se référaient deux films de la compétition (dont le troublant After this death de Lucio Castro oublié du palmarès) et le documentaire qui était consacré à la comédienne, Kim Novak’s Vertigo de Alexandre O. Philippe. Même le film de clôture, Vie privée de Rebecca Zlotowski jongle avec les vertiges de l’identité et certains plans (notamment d’un escalier en spirale) se référent au film d’Hitchcock.

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    Un festival est un peu comme le chignon de Madeleine/ Carlotta, cercle de fatalité inexorable, non ? Tout est faux-semblants et nous hypnotise. Avant que la chute ne ramène au début, au présent, à la réalité, et à la beauté à jamais insondable de cet amour illusoire et incandescent.

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    Vous avez pu écouter quelques-unes de mes chroniques sur Deauville La Radio. J'y évoque quelques classiques que vous avez pu (re)découvrir pendant le festival : Sueurs froides (Vertigo ) d’Alfred Hitchcock (hommage à Kim Novak), La chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks (hommage à Paul Newman), mais aussi Gatsby le magnifique de Baz Luhrmann (hommage à Joel Edgerton)... presque une mise en abyme d'un festival de cinéma et de ses apparences trompeuses. Ou de cette fameuse « poussière empoisonnée flottant sur ses rêves » pour reprendre les mots de Francis Scott Fitzgerald. Retrouvez aussi ces chroniques en version écrite en bas de cet article.

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    « Nous célébrons non seulement les œuvres d'aujourd'hui mais aussi les rêves de demain » a déclaré le Maire de Deauville, Philippe Augier, lors de la cérémonie d’ouverture. C’est en effet ce qui distingue ce festival, ce à quoi nous pouvons aussi ajouter qu’il célèbre les œuvres d’hier puisque le festival a cette année rendu hommage à Paul Newman, Kim Novak et Alice Guy. Ironie du sort alors que vient de s’éteindre une autre légende du cinéma, Robert Redford. En 2013, All is lost dans lequel il incarnait le rôle principal avait d’ailleurs remporté le prix du jury à Deauville (je vous en parlais, ici). Le Maire de Deauville a aussi rappelé que cette 51ème édition était placée sous le signe du rêve californien, ce sont pourtant avant tout sur les cauchemars, les peurs et les ombres de l’Amérique qui les cinéastes en compétition ont braqué leurs projecteurs. « Un cinéma qui bouscule nos certitudes » a-t-il ajouté, se félicitant aussi que le jury de cette édition ait brillé par sa «convivialité et bonne humeur communicative.»

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    Ce festival était aussi placé sous le signe de la « rébellion féminine, puissante et joyeuse » pour reprendre les termes de la directrice du festival, Aude Hesbert. De la rétrospective Alice Guy, à Kristen Stewart, en passant par Kim Novak, Pamela Anderson, et la formidable Eleanor the great (qui prouve qu’une femme peut être une héroïne à 94 ans, merci Scarlett Johansson) en passant par Zoey Deutch ( récipiendaire du prix du Nouvel Hollywood, Jean Seberg dans le film Nouvelle vague de Richard Linklater présenté en avant-première à Deauville) ou encore la présidente du jury, Golshifteh Farahani (qui a reçu la distinction numérique de l’INA), les femmes étaient en effet à l’honneur.

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    Chaque soir, avant la projection officielle s'affichait cette phrase de Jack London : « The proper function of a man is to live, not to exist. » C'est cette impression que procure un festival de cinéma. Vivre. Impression fallacieuse peut-être, mais si douce. Car c'est vivre au rythme de 24 images par seconde, certes. Au rythme d'un réjouissant vertige. Vertigo. Tel le titre du chef-d’œuvre d'Hitchcock sous le signe duquel était placé la première journée du festival avec la présence de l'éblouissante Madeleine/Judy : Kim Novak. Et la projection du passionnant documentaire que lui consacre Alexandre O.Philippe, Kim Novak's Vertigo, dans lequel il est bien sûr question de Sueurs froides qu'elle évoque comme si ses personnages avaient déteint sur elle, dans une troublante et fascinante confusion.

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    Il fut aussi souvent question du poids de chagrins condamnés au silence, notamment dans le premier film en tant que réalisatrice de Kristen Stewart, The Chronology of water (adaptation de La Mécanique des fluides de Lidia Yuknavitch) qui a ainsi récolté le Prix de la Révélation pour ce film audacieux, impressionniste, âpre et sensible, mais aussi dans celui de Scarlett Johansson, Eleanor the great (qui a remporté le prix du public) mais aussi dans The History of sounds de Olivier Hermanus, présenté en avant-première après sa sélection en compétition du dernier Festival de Cannes. L'un évoque un amour impossible. Un autre deux deuils qui le sont tout autant. Le troisième un cœur qui saigne. Les trois m'ont bouleversée par la justesse et la résonance de leurs notes finales qui viennent débusquer nos propres chagrins et les apaiser, un temps. En nous démontrant le pouvoir des mots et de la musique comme forces réparatrices, ou pour nous permettre « disparaître dans l’imagination ».

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    Dans The History of sound de O.Hermanus, les sons viennent débusquer la nostalgie nichée au fond de nos cœurs. Une note finale implacable qui justifie la partition antérieure, tout en retenue. Celle d'une rencontre vibrante qui influe sur la mélodie d'une vie entière. L'art rend les étreintes éternelles.

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     Dans Eleanor the great, Eleanor Morgenstein, 94 ans, tente de reconstruire sa vie après la mort de sa meilleure amie, Bessie. Elle retourne à New York auprès de sa fille et de son petit-fils, après avoir vécu en Floride pendant des décennies. Incarnée par l'inégalable June Squibb, Eleanor, pour faire revivre Bessie, son amie survivante de la Shoah, va s'emparer de son histoire. Un film poignant sur les chagrins indicibles, le pardon, écrite et filmée avec beaucoup de délicatesse, humour et tendresse. « Il faut parler des choses qui nous rendent tristes. » « J'avais peur d'admettre que j'ai le cœur brisé ». Deux phrases extraites de ce film sur le « tabou du chagrin ». Il y a parfois des mots qui vous donnent envie de humer plus que jamais le parfum du présent... et de savourer la beauté incendiaire de Deauville.

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    N'avez-vous pas remarqué d’ailleurs qu'il en va des films comme des êtres humains ? Les plus intéressants sont ceux qui ne se contentent pas des apparences. Qui débusquent les failles, et tentent de les comprendre. Derrière le sourire. Derrière l'image lisse. Lisse comme semble l'être le cadre dans lequel évolue la famille de The End, premier long métrage de fiction de Joshua Oppenheimer déjà multi primé pour ses précédentes œuvres (documentaire et docu-fiction).

    « Vingt-cinq ans après qu’une catastrophe écologique a rendu la Terre inhabitable, Mère, Père et Fils vivent reclus dans leur luxueux bunker. Pour garder espoir et préserver une illusion de normalité, ils s’accrochent aux rituels du quotidien – jusqu’à l’arrivée de Fille, une inconnue qui bouleverse leur routine bien rodée. À mesure que les tensions montent, leur existence en apparence idyllique commence à s’effondrer. » Tableaux de maître. Intérieur luxueux. Mais pas de fenêtres. Et quelques dissonances et étrangetés nous font rapidement comprendre que ce décor aseptisé dissimule une terrible réalité. Le vernis va rapidement se craqueler et les égoïsmes meurtriers de chacun vont se révéler. Nous ne pouvons nous empêcher de penser que cette fable écologiste est prémonitoire. Les intermèdes musicaux apportent des notes trompeusement enchanteresses, dévoilant les états d'âme avec une gaieté trompeuse. Je vous parlerai longuement de ce film lors de sa sortie, film à la fois magique et terrifiant. Qui nous fait frissonner de jubilation et de terreur. La durée (2h29) a découragé quelques spectateurs qui ont quitté la salle en cours de route. Ce voyage déroutant et fascinant vaut pourtant le détour. Voilà qui me fait songer à cette phrase extraite de La chatte sur un toit brûlant programmé dans le cadre de l'hommage à Paul Newman :

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    « L'être humain sait qu'il doit mourir et il est le seul à le savoir dans la nature et cela ne le rend ni meilleur ni plus charitable que les autres bêtes. »

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    « Disparaître dans l'imagination » : je ne cesse de repenser à cette idée formulée dans le film The Chronology of water de Kristen Stewart. Là me semble la clef de tout, pour laisser les écorchures apparaître, les panser, les penser sans entraves. Disparaître dans l'imagination et y renaître.  Un film sur une femme qui saigne qui ne peut pas appeler à l'aide. Lors du débat d’après film, la réalisatrice a ainsi évoqué comme référence Tarkovski et la nécessité pour les films de « nous aider à nous comprendre nous-mêmes ».

    Ce sont 13 films en compétition qu’ont dû départager les deux jurys, l'un présidé par Golshifteh Farahani et l'autre (de la révélation) présidé par Jean-Pascal Zadi avec pas moins de 10 premiers films parmi lesquels ceux des comédiennes Scarlett Johansson et Kristen Stewart. « Une sélection vibrante et kaléidoscopique, qui dresse le portrait d’une jeunesse américaine composite, en quête de sens et d’identité » avait annoncé la Directrice du Festival, Aude Hesbert. Une sélection qui met à mal la figure paternelle, reflète une Amérique repliée sur elle-même en quête d'espoir, qui (se) ment pour supporter une réalité ineffable.

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    Soulignons cette ouveauté appréciable cette année : la reprise du palmarès, le dimanche 21 septembre, au Cinéma Le Grand Action, à Paris.  J'y rattraperai les films du palmarès que j'ai manqués.

    En attendant, voici la liste des films en compétition :

    AFTER THIS DEATH 
    Lucio Castro
    (Première française)
    ELEANOR THE GREAT 
    Scarlett Johansson
    (1er film)
    I LIVE HERE NOW
    Julie Pacino 
    (1er film - Première française)
    IN TRANSIT
    Jaclyn Bethany
    (Première française)
    LURKER
    Alex Russell
    (1er film - Première française)
    OLMO
    Fernando Eimbcke
    (Première française)
    OMAHA
    Cole Webley
    (1er film - Première française)
    REBUILDING
    Max Walker-Silverman
    (1er film - Première française)
    SOVEREIGN
    Christian Swegal
    (1er film - Première européenne)
    THE CHRONOLOGY OF WATER
    Kristen Stewart
    (1er film)
    THE END
    Joshua Oppenheimer
    (1er film - Première française)
    THE NEW WEST 
    Kate Beecroft
    (1er film - Première française)
    THE PLAGUE 
    Charlie Polinger
    (1er film)

    PALMARES

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    Le Jury de la 51ème édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Golshifteh Farahani, entourée de Thomas Cailley, Eye Haïdara, Katell Quillévéré, Philippine Leroy-Beaulieu, Vincent Macaigne, Benjamin Millepied et Emilie Tronche a dévoilé son palmarès, établi à partir des 13 films présentés en compétition cette année.

    Grand Prix
    THE PLAGUE de Charlie Polinger

    Prix du Jury
    OLMO de Fernando Eimbcke

    Prix du Jury
    OMAHA de Cole Webley

    Le Jury de la Révélation la 51eédition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, présidé par Jean-Pascal Zadi, entouré de Suzy Bemba, Julien Colonna, Bilal Hassani et Anaïde Rozam a dévoilé son palmarès, établi à partir des 13 films présentés en Compétition cette année.

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    Prix de la Révélation
    THE CHRONOLOGY OF WATER
    de Kristen Stewart
    En salles le 15 octobre 2025

    Prix du public de la ville de Deauville
    ELEANOR THE GREAT
    de Scarlett Johansson

     

    Prix CANAL+
    SOVEREIGN de Christian Swegal

    Le Jury de la Critique la 51e édition du Festival du Cinéma Américain de Deauville, composé des critiques et journalistes Eva Bettan (Présidente), Sophie Avon, Emily Barnett, Lily Bloom et Gael Golhen a remis un prix au film suivant :

    Prix de la critique
    THE PLAGUE
    de Charlie Polinger

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    Prix d'Ornano-Valenti
    NINO
    de Pauline Loquès
    En salles le 17 septembre 2025

    Hommage à Paul Newman – La chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks

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    Une des forces du Festival de Deauville est d’être à la fois un découvreur de talents, notamment avec les films en compétition, mais aussi une vitrine étincelante du cinéma d’hier et du glamour hollywoodien. Ainsi, à 19H30, le mercredi 10 septembre, au CID, les festivaliers ont pu assister à un hommage à Paul Newman en présence de sa fille.


    Dans le cadre de cet hommage étaient programmés plusieurs films dont La chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks, le 6 septembre à 11h au Morny. Ce film est adapté de la pièce de Tennessee Williams, Cat on a Hot Tin Roof, qui fut présentée à Broadway en 1955, mise en scène par Elia Kazan et qui eut un grand succès critique, remportant ainsi le Pulitzer Price. On accuse souvent le film d’être plus consensuel que la pièce, l’auteur qui avait pourtant été régulièrement consulté pendant le tournage le qualifiera même de saccage total. Il s’agit ainsi du 13ème long métrage de Richard Brooks qui connut un triomphe au box-office 1958, récolta six nominations aux Oscars 1959 dont celles de meilleure actrice pour Elisabeth Taylor et du meilleur acteur pour Paul Newman. L’intrigue nous plonge dans l’atmosphère moite d’une immense villa du Sud des Etats Unis, une prospère plantation du Mississippi, où se réunit une famille pour fêter le 65ème anniversaire du patriarche, surnommé « Big Daddy» sur le point de mourir, ce qu’il ignore. Sont présents sa belle-fille, Maggie, (Elisabeth Taylor) et son fils, Brick, (Paul Newman), ancien champion de football, terrassé par le suicide de son ami et coéquipier Skipper, après un mystérieux moment passé avec Maggie et un énigmatique coup de téléphone avec ce dernier. Brick se réfugie alors dans l’alcool et repousse sa femme au prétexte qu’il considère comme responsable de la mort de son ami. Elle se compare alors à une « chatte sur un toit brûlant. »  Pendant ce temps, la famille se déchire pour l'héritage de Big Daddy que Cooper, le frère de Brick, et son épouse, assoiffée d’argent et exaspérante, veulent absolument s’accaparer. Ils sont accompagnés de ceux que Maggie qualifie de « monstres sans tête », leurs cinq enfants insolents et pas très malins, que leur mère force à chanter des airs stupides à tout instant, pour flatter leur grand-père.

    C'est Richard Brooks qui insista pour que le Newman tienne le rôle principal, les producteurs étant réticents à cette idée. Le réalisateur disait l’avoir choisi parce « qu'il y a toujours en lui quelque chose qui demeure secret et refuse de se dévoiler facilement (...). Paul Newman livre une prestation habitée et bouleversante, de ce personnage tourmenté mais attachant. « Je suis un vieux gosse de 30 ans. » Ainsi Brick se qualifie-t-il. Il dit ne plus croire en rien et que le dégoût qu’il 'éprouve pour le mensonge est en fait le dégoût de lui-même.  Sa solitude et sa souffrance, emportent d’emblée l’empathie du spectateur, même si le sens de la pièce est ici trahi, censure oblige, et volonté du réalisateur de s’adresser au plus grand nombre, les liens plus affectifs qui l’unissaient à son coéquipier étant ici transformés en simple amitié.

    Face à Paul Newman, Liz Taylor, d’une insolence réjouissante, avec une palette de jeu très étendue, de la tendresse a cynisme, est d’une sensualité animale, d’une vitalité féroce et d’une beauté flamboyante.  Le film était prévu pour être tourné en noir et blanc mais Richard Brooks insista pour tourner en couleurs afin de mettre en valeur des yeux bleus de Paul Newman et ceux d’Elizabeth Taylor, couleur violette. Les couleurs y sont là aussi éblouissantes.


    Il y a une vraie jubilation à entendre ces dialogues délicieusement lucides et cruelles, à assister à l’effondrement de ce petit monde dominé par le mensonge, la duplicité, la cupidité, dans lequel tout le monde ment. La mise en scène est aussi particulièrement inventive, la tension étant rythmée par un orage et des pluies torrentielles qui les cristallisent. L’orage se déchaîne ainsi aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur. Vous ferez aussi attention décor qui sert de séparation des clans ou qui dément ce que les mots disent. Il faut aussi louer la mise en scène inventive et ce scénario ciselé.


    Qui sait …. Peut-être le calme reviendra-t-il après la tempête, après cette chaleur suffocante, ces mensonges étouffants, mais vous en ressortirez étourdis comme après un voyage aussi palpitant qu’éreintant. Terminons par une phrase du film qui en reflète la cruelle lucidité, et la qualité littéraire : « L'être humain sait qu'il doit mourir et il est le seul à le savoir dabs la nature et cela ne le rend ni meilleur ni plus charitable que les autres bêtes. »

    Hommage à Kim Novak – Sueurs froides (Vertigo) d’Alfred Hitchcock

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    Parmi les évènements incontournables de cette 51ème édition du Festival du Cinéma Américain, il y eut la venue de Kim Novak qui a reçu un Icon Award le 6 septembre à 17h au CID avant la projection du documentaire que lui est consacré. Les festivaliers ont également pu (voir ou revoir le chef d’œuvre d’Hitchcock Sueurs froides, intitulé en vo Vertigo, le 7 septembre au Morny et le 11 au Casino.


    En 1958, le maître du suspense adapte le roman de Boileau et Narcejac, D’entre les morts. Ce sera la quatrième et dernière collaboration de James Stewart et Alfred Hitchcock. L’acteur incarne ici un personnage moins sympathique et plus trouble que dans ses précédents rôles. Ce film aux multiples visages et interprétations décontenança ainsi le public et la critique lors de sa sortie, ne recevant que deux nominations aux Oscars. Il est aujourd’hui unanimement reconnu comme un chef-d’œuvre, voire comme le plus grand film de l’histoire du cinéma. Un film fascinant et captivant dès son générique en spirale hypnotique qui préfigure celle du fameux chignon de Kim Novak.


    James Stewart incarne ici Scottie, policier, sujet à l’acrophobie, une peur du vide. Rendu responsable de la mort d'un de ses collègues, il décide de quitter la police. Une ancienne relation le contacte afin qu'il suive sa femme, Madeleine, Kim Novak, dont le comportement étrange lui fait redouter qu’elle se suicide. Elle serait possédée par l'esprit de son aïeule, Carlotta Valdès. Scottie s'éprend immédiatement de la jeune femme. D’elle ou d’une image idéalisée. Puis peut-être de son sosie. Vivants et morts, Illusion et réalité, s’enlacent et s’entrelacent en effet dans un étourdissant manège visuel.


    Alfred Hitchcock souhaitait que Vera Miles incarne Madeleine. Celle-ci étant tombée enceinte, il engage Kim Novak. Il déclarera après le tournage que ce changement lui avait fait perdre « tout intérêt pour le personnage et le film en lui-même ». On se demande pourtant qui mieux qu’elle aurait pu incarner la blonde hitchcockienne, douloureusement belle, élégante et mystérieuse, idéalisée par Scottie, une sorte de rêve morbide dans lequel il se laisse emporter. Kim Novak était d’ailleurs déjà une star quand elle tourna Sueurs froides. Elle avait notamment déjà joué dans L'Homme au bras d'or sous la direction d'Otto Preminger.  Alfred Hitchcock a utilisé de nombreux filtres pour les apparitions de l’actrice, ce qui rend son personnage encore plus énigmatique, à la fois éblouissant et fantomatique.

    Sueurs froides marque aussi la quatrième collaboration entre Alfred Hitchcock et son compositeur Bernard Hermann. La beauté énigmatique, romantique et grave de sa musique fait écho à celle de Kim Novak et contribue à l’atmosphère sombrement envoûtante du film. Regardez bien aussi les couleurs avec lesquelles Hitchcock  joue admirablement, du gris des vêtements de Madeleine pour exacerber son étrangeté, au vert, pour évoquer ce qui a trait au passé, et le rouge, pour annoncer la mort.


    Un film insaisissable comme Madeleine avec une atmosphère troublante, qui nous emporte dans son vertige (au sens figuré et au sens propre lors de la magistrale scène de l’escalier du clocher, une des nombreuses scènes d’anthologie que compte le film), qui nous aspire dans son étourdissant mystère. Un thriller en trompe-l’œil sur l’obsession et la culpabilité. Une histoire d’amour bouleversante. Ce film dans lequel tout est faux-semblants nous hypnotise comme le chignon de Madeleine qui signifie aussi l’idée de répétition du drame, comme un cercle de la fatalité inexorable.


    Hitchcock a réalisé là un film dans lequel chacun peut aussi projeter ses rêves ou ses cauchemars. La fin est certainement une des plus marquantes et redoutablement et ironiquement poignante de l’histoire du cinéma. Un film qui a inspiré de nombreux cinéastes comme Brian de Palma. Enfin, ne manquez le cameo d’Alfred Hitchcock qui fait une courte apparition comme dans chacun de ses longs-métrages. Vous l’aurez compris, je vous recommande de voir ou revoir ce chef-d’œuvre aussi intrigant et ensorcelant à la première vision qu’à la dixième.

    Hommage à Joel Edgerton – Gatsby le magnifique de Baz Luhrmann

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    Le lundi 8 septembre, à l’occasion de l’hommage à Joel Edgerton, à 10H30 au Cinéma Le Morny les festivaliers ont pu voir Gatsby le Magnifique, un film de 2013 de Baz Luhrmann, adaptation de l’intemporel chef-d’œuvre éponyme de Francis Scott Fitzgerald. Peut-être certains d’entre vous connaissent-ils uniquement la version de Michael Clayton de 1974 avec Mia Farrow et Robert Redford dans les rôles repris par Carey Mulligan et Leonardo Di Caprio. Joel Edgerton incarne Tom Buchanan décrit par Francis Scott Fitzgerald comme un riche colosse. Il fallait un acteur au physique imposant qui puisse rivaliser de charisme avec Di Caprio.

    Nous sommes au printemps 1922. Apprenti écrivain, Nick Carraway quitte la région du Middle-West pour s’installer à New York, où son voisin est le mystérieux millionnaire, Jay Gatsby qui s’étourdit en fêtes mondaines. Dans son entourage figure aussi sa cousine Daisy et son mari volage, Tom Buchanan. Nick se retrouve au cœur de leurs illusions, de leurs amours et de leurs mensonges.

    L’adaptation de Clayton (écrite par Coppola), se distinguait avant tout par la magnificence crépusculaire de la photographie et par la langueur fiévreuse qui étreignait les personnages et laissait entendre que tout s’achèverait dans le drame. C’est avant tout dans la retranscription de la flamboyance de l’univers de Gatsby que Luhrmann se distingue. La mélancolie affleure néanmoins dans cette débauche festive. L’amertume derrière l’apparente légèreté. Le désenchantement derrière la désinvolture. Gatsby le magnifique est une critique de l’insouciance cruelle de l’aristocratie que symbolise Daisy, mais aussi le portrait fascinant d’un homme au passé trouble et à l’aura romantique dont la seule obsession est de ressusciter le passé et qui ne vit que pour satisfaire son amour inconditionnel et aveugle. Face à lui Daisy, frivole et lâche, qui préfère sa réputation et sa richesse à Gatsby dont la réussite sociale n’avait d’autre but que de l’étonner. Gatsby est une histoire de contrastes. Entre le goût de l’éphémère de Daisy et celui de l’éternité de Gatsby. Entre la réputation sulfureuse de Gatsby et la pureté de ses sentiments. Entre la fragilité apparente de Daisy et sa cruauté. Entre la douce lumière d’été et la violence des sentiments. Des contrastes d’une douloureuse beauté dans le roman, et dans l’adaptation de Luhrmann. Joel Edgerton ne démérite pas face à Di Caprio et représente avec beaucoup de crédibilité l’arrogance et le privilège associés à l’ancienne richesse.  Enfin signalons la B.O exceptionnelle qui vaut aussi le déplacement.


    Un film, comme celui de Clayton, empreint de la fugace beauté de l’éphémère et de la nostalgie désenchantée que symbolise Gatsby. Baz Luhrmann y ajoute une mélancolique flamboyance.

    Relisez le magnifique texte de Fitzgerald, ne serait-ce que pour des expressions sublimes telles que « La poussière empoisonnée flottant sur ses rêves » …mais ne passez pas non plus à côté de cette adaptation qui ne déshonore pas la beauté de ce roman bouleversant sur l’amour absolu, la solitude et les illusions perdues derrière le faste et la multitude. Presque une mise en abyme puisque cela pourrait finalement être aussi la définition d’un festival de cinéma.

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    Le bilan du 51ème Festival du Cinéma Américain de Deauville en chiffres :

    - 64 films présentés

    - plus de 150 séances et évènements

    - plus de 100 invités américains

    - 36 films inédits

    - 19 premières françaises

    -3 premières européennes

    - 16 premiers films

    -plus de 500 professionnels et équipes de films accrédités

     

  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2025 : le programme complet

    Affiche du 51ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.jpg

    Cet article sera mis à jour au fur et à mesure des annonces concernant le 51ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.

    En ces jours assombris par une actualité particulièrement anxiogène, le Festival du Cinéma Américain de Deauville, avec l’affiche de sa 51ème édition, nous invite à croire à un horizon plus ensoleillé et à plonger dans le rêve californien. Avant de vous présenter le programme complet de cette édition 2025 annoncé lors de la conférence du 21 août, en direct de l'hôtel Barrière Le Normandy de Deauville, quelques mots sur la 50ème édition qui a entrelacé le cinéma indépendant et la flamboyance d’un cinéma plus grand public. Une alliance magique, source de la singularité de ce festival, si bien symbolisée par les présences de James Gray et Francis Ford Coppola.

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    L’édition 2024 fut particulièrement marquante pour les 60000 festivaliers venus célébrer le 50ème anniversaire du festival. Il y eut ainsi :  la passionnante master class de James Gray, un hommage à deux figures du cinéma récemment disparues, indissociables de Deauville, Anouk Aimée et Gena Rowlands, Michael Douglas récipiendaire d’un prix d’honneur, Natalie Portman qui reçut son Deauville Talent Award des mains d’Isabelle Adjani, des « prix du Nouvel Hollywood » décernés à Daisy Ridley, Mikey Madison et Sebastian Stan, des Premières prestigieuses (La plus précieuse des marchandises, Anora, All we imagine as light, Lee Miller, Megalopolis), l’émotion communicative de Coppola, la présence des anciens présidents du jury…

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    Comme chaque année, le prix d'Ornano-Valenti fut un des temps forts du festival, attribué à Rabia de Mareike Engel­hardt. Comme chaque année également, la compétition a recelé des petits bijoux, explorant l’incommunicabilité d’une Amérique déboussolée, la violence dans les rapports familiaux et sociaux, et la quête d’un espoir souvent inaccessible. Mon coup de cœur, le délicat et poignant Color Book de David Fortune, a reçu du Prix de la Critique. Dans un élégant noir et blanc, il sublime un voyage père/fils aux accents d’adieu à la mère décédée, pour voir, enfin, étinceler l’avenir.

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    « On demande tout le temps aux artistes de résoudre des échecs sociaux ou politiques mais notre rôle est de communiquer la beauté, de transcender la réalité » a déclaré James Gray lors de sa master class. Transcender la réalité et la relater, c’est une symbiose à laquelle parvient magistralement ce festival depuis 50 ans, éclairant ainsi les ombres, les élans et les magnificences des êtres et de la société américaine.

    Une cinquantième édition fabuleuse dont je suis repartie avec cette phrase résonnant tel un air entêtant, à l’image du film dont elle est issue (La plus précieuse des marchandises), d’une force déchirante et d’une beauté renversante : « Voilà la seule chose qui mérite d’exister : l’amour. Le reste est silence ».

    L'édition 2025

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    Cette année, le programme du festival (avec pas moins de 65 films dans 11 catégories) s’annonce une fois plus judicieusement diversifié, mettant en avant les premières œuvres, sans rien oublier du glamour et de la flamboyance avec l’hommage à l’actrice légendaire de Sueurs froides, Kim Novak, qui recevra un « Icon award » mais aussi « l’entrée posthume au panthéon deauvillais de la cinéaste française pionnière des débuts du cinéma en Amérique, Alice Guy » (selon les mots de la directrice du festival, Aude Hesbert), le prix du Nouvel Hollywood à Zoey Deutch qui incarne Jean Seberg dans Nouvelle Vague de Richard Linklater (présenté en première dans le cadre du festival), un Deauville Talent Award à Joel Edgerton ainsi qu’à Pamela Anderson, un focus sur Greg Arraki, des documentaires  sous l’appellation « American doc stories », une carte blanche « Mon cinéma français » à Kristen Stewart qui viendra présenter son premier film en tant que réalisatrice, séléctionné en compétition. Mais aussi les 13 films en compétition que devront départager les deux jurys, l'un présidé par Golshifteh Farahani et le jury de la révélation présidé par Jean-Pascal Zadi, et encore les 14 Premières parmi lesquelles Libre échange de Michael Angelo Covino en ouverture et Vie privée de Rebecca Zlotowski en clôture. Deauville proposera aussi une nouveauté cette année à travers un volet professionnel, Deauville Industry Encounters, « destiné à faire du festival le laboratoire de la coopération artistique et économique entre les deux industries ». La directrice du festival annonce ainsi cette édition 2025 comme une  « promesse de beauté et de pensée, de dialogue et d’amitié, à travers l’éclectisme d’une programmation » « généreuse et audacieuse, dans un syncrétisme de l’expérimentation, du divertissement et du rêve qui définissent si bien les fondements du cinéma américain. »

    Dates du festival 2025

    L’édition 2025 aura lieu du 5 au 14.09.2025.

    Le jury

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    Le jury sera présidé par Golshifteh Farahani. L’Institut National de l’Audiovisuel lui remettra une Distinction numérique

    Elle sera entourée de

    • Thomas Cailley
      Réalisateur et scénariste
    • Eye Haïdara
      Comédienne
    • Katell Quillévéré
      Autrice et réalisatrice
    • Philippine Leroy-Beaulieu
      Comédienne
    • Vincent Macaigne
      Comédien, auteur, metteur en scène & réalisateur
    • Benjamin Millepied
      Chorégraphe et réalisateur
    • Emilie Tronche
      Réalisatrice, scénariste & animatrice

    Le jury de la révélation

    Le jury de la révélation sera présidé par Jean-Pascal Zadi. Le comédien sera entouré de la comédienne Suzy Bemba, du cinéaste Julien Colonna, du chanteur Bilal Hassani, et de la comédienne Anaïde Rozam

    Les films en  compétition

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    Comme chaque année, à n’en pas douter, la compétition nous réservera de belles surprises. Au programme : 13 films dont 10 en Première française et 10 premiers films parmi lesquels ceux des comédiennes  Scarlett Johansson et Kristen Stewart. « Une sélection vibrante et kaléidoscopique, qui dresse le portrait d’une jeunesse américaine composite, en quête de sens et d’identité. » Ainsi la Directrice du Festival, Aude Hesbert, qualifie-t-elle cette compétition 2025. Voilà qui accroît encore notre impatience ! Enfin, nouveauté appréciable cette année : la reprise du palmarès, le dimanche 21 septembre, au cinéma le Grand action, 5 rue des Ecoles, 75005 Paris.

    AFTER THIS DEATH 
    Lucio Castro
    (Première française)

    ELEANOR THE GREAT 
    Scarlett Johansson
    (1er film)

    I LIVE HERE NOW
    Julie Pacino 
    (1er film - Première française)

    IN TRANSIT
    Jaclyn Bethany
    (Première française)

    LURKER
    Alex Russell
    (1er film - Première française)

    OLMO
    Fernando Eimbcke
    (Première française)

    OMAHA
    Cole Webley
    (1er film - Première française)

    REBUILDING
    Max Walker-Silverman
    (1er film - Première française)

    SOVEREIGN
    Christian Swegal
    (1er film - Première européenne)

    THE CHRONOLOGY OF WATER
    Kristen Stewart
    (1er film)

    THE END
    Joshua Oppenheimer
    (1er film - Première française)

    THE NEW WEST 
    Kate Beecroft
    (1er film - Première française)

    THE PLAGUE 
    Charlie Polinger
    (1er film)

    Les Premières

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    14 films seront projetés en avant-première.

    BUGONIA de Yórgos Lánthimos

    FORGE de Jing Ai Ng

    LE SON DES SOUVENIRS de Oliver Hermanus

    LEFT-HANDED GIRL de Shih-Ching Tsou

    LES LUMIÈRES DE NEW YORK de Lloyd Lee Choi

    L'INTERMÉDIAIRE – RELAY de David Mackenzie

    LIBRE ÉCHANGE de Michael Angelo Covino
    (Film d'ouverture)

    NOUVELLE VAGUE de Richard Linklater

    SUPER GRAND PRIX de Waldemar Fast
    (Séance jeune public)

    THE ASTRONAUT de Jess Varley

    THE MASTERMIND de Kelly Reichardt

    THE SUMMER BOOK de Charlie McDowell

    TRAIN DREAMS de Clint Bentley

    VIE PRIVÉE de Rebecca Zlotowski
    (Film de clôture)

    American doc stories

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    8 documentaires seront projetés en avant-première.

    À 2000 MÈTRES D'ANDRIIVKA de Mstyslav Tchernov

    ANDRÉ IS AN IDIOT de Tony Benna

    HOLDING LIAT de Brandon Kramer

    KIM NOVAK'S VERTIGO de Alexandre O. Philippe

    LOWLAND KIDS de Sandra Winther

    ORWELL 2 + 2 = 5 de Raoul Peck

    VIKTOR de Olivier Sarbil

    WHY WE DREAM de Meredith Danluck

    Focus - Gregg Araki : Trilogie Teenage Apocalypse

    Dans les années 90, la trilogie Teenage Apocalypse consacre Gregg Araki comme un cinéaste culte et un chef de fil du “New Queer Cinéma” américain. Les trois longs métrages qui la composent, Totally F***ed Up (1993), The Doom Generation (1995) et Nowhere (1997) font exploser les conventions du cinéma hollywoodien traditionnel par leur flamboyance visuelle et le nihilisme post-moderne de son auteur. Avec pour fils conducteurs la ville de Los Angeles et l’acteur James Duval, ces trois films dressent un portrait halluciné de la jeunesse américaine des années 90 : désenchantée, hypersexualisée, perdue dans un monde saturé d’images, attirée par la drogue et la mort.

    L'affiche

    Communiqué de presse du Festival du Cinéma Américain de Deauville au sujet de l'affiche :

    Derrière le soleil brûlant de la Californie, ses palmiers légendaires, sa nature généreuse et ses grands espaces, son Lifestyle légendaire, c’est l’épitome de l’industrie du cinéma cohabitant avec ses rêves d’avant-garde, c’est l’Amérique tout entière, que nous regardons, que nous rêvons, et que nous admirons.

    Phare encore scintillant de valeurs progressistes, féministes et humanistes, incarnation de l’excellence cinématographique, la Californie - et ses emblèmes que sont Los Angeles et Hollywood - personnifie ce pays de la liberté, de l’innovation, et de la création.

    Avec cette affiche, nous rendons hommage aujourd’hui à sa résilience, sa solidarité, et sa capacité à renaître de ses cendres après les épreuves du Covid, des grèves et des incendies.

    Deauville se veut plus que jamais un espace de conversation et de dialogue avec l’Amérique, à travers son cinéma, véhicule privilégié de ses valeurs et de ses inquiétudes.

    Gageons que cette amitié culturelle aura de longs jours devant elle, et nous serons heureux de la sceller à Deauville.

    Prix du Nouvel Hollywood

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    L’actrice Zoey Deutch recevra un Prix Nouvel Hollywood. Cette distinction honore chaque année une personnalité émergente du cinéma américain dont "le parcours, la justesse de jeu et les choix artistiques incarnent le renouveau du 7ème art."

    À cette occasion sera projeté en Première le dernier film de Richard Linklater, Nouvelle vague, dans lequel l'actrice y incarne le rôle de Jean Seberg. Cette projection aura lieu le vendredi 12 septembre 2025.

    Deauville Talent Award

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    Acteur, scé­na­riste, réa­li­sa­teur et pro­duc­teur, Joel Edger­ton recevra un Deauville Talent Award. On se souvient notamment de son rôle de Tom Buchanan dans Gatsby le magnifique de Baz Lhurmann.

    Après Michelle Williams, Nata­lie Port­man et Michael Dou­glas en 2024, le Fes­ti­val pour­sui­vra cette année son hom­mage aux artistes d’exception en remet­tant un Deau­ville Talent Award à Joel Edger­ton. La céré­mo­nie se tien­dra le jeu­di 11 sep­tembre et sera sui­vie de la pro­jec­tion hors com­pé­ti­tion du film Train Dreams, adap­ta­tion de la nou­velle de Denis John­son réa­li­sée par Clint Bent­ley, dans lequel Joel Edger­ton tient le pre­mier rôle aux côtés de Feli­ci­ty Jones.

    Plu­sieurs de ses films emblé­ma­tiques seront éga­le­ment pro­je­tés au cours du Fes­ti­val, pour per­mettre au public de (re)découvrir son œuvre en salle :

    -Boy Erased de Joel Edgerton

    -Gatsby le magnifique de Baz Luhrmann

    -Loving de Jeff Nichols

    -Master Gardener de Paul Schrader

    -Warrior de Gavin O'connor

    Prix d'Ornano-Valenti

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    Cette année, le Prix d’Ornano-Valenti sera remis à Nino de Pauline Loquès lors de la Cérémonie du Palmarès, le 13 septembre.

    Instauré en 1991 par les compagnies membres de la Motion Picture Association (MPA), association regroupant six studios de production et de distribution de films américains, le Prix d’Ornano-Valenti est décerné par un jury de journalistes anglo-saxons sous la présidence de Jean-Guillaume d’Ornano. Il récompense un premier film français, dans le but d’aider à sa reconnaissance, sa promotion et son exportation. Depuis 2009, le Fonds Culturel Franco-Américain soutient cette initiative.

    Nino de Pauline Loquès
    Avec Théodore Pellerin, William Lebghil, Salomé Dewaels, Jeanne Balibar
    Dans trois jours, Nino devra affronter une grande épreuve. D’ici là, les médecins lui ont confié deux missions. Deux impératifs qui vont mener le jeune homme à travers Paris, le pousser à refaire corps avec les autres et avec lui-même.

    En salle le 17 septembre 2025

    Prix Lucien-Barrière du Roman Américain


    L'écrivaine Joyce Maynard sera quant à elle la lauréate du Prix Lucien-Barrière du Roman Américain qui sera également décerné pendant le festival.

    Deauville Industry Encounters

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    Cette année, le Festival du Cinéma Américain de Deauville proposera un nouveau programme professionnel qui aura pour ambition de devenir une plateforme d'échange de bonnes pratiques des deux côtés de l'Atlantique et un espace de dialogue pour mieux se comprendre afin de collaborer plus efficacement. Cette journée aura lieu le lundi 8 septembre. La matinée sera consacrée aux enjeux de tournage et de la production. Et l'après-midi au jeu d'acteur en France et aux Etats-Unis. 

    Un hommage à Paul Newman

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    Image tirée de La Chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks

    Acteur de légende, réalisateur respecté, pilote passionné et philanthrope infatigable, Paul Newman (1925 - 2008) incarne l’élégance rare de ceux qui ont su conjuguer célébrité et engagement.  À l’occasion du centenaire de sa naissance, le Festival de Deauville rend hommage à cette figure mythique d’Hollywood, dont l’aura magnétique et la profonde humanité continuent d’inspirer les générations.

    Pour célébrer la mémoire d’un homme d’exception, dont l’influence perdure tant dans l’histoire du cinéma que dans les engagements solidaires qu’il a fait naître, le Festival de Deauville organisera une cérémonie en son honneur le mercredi 10 septembre, en présence de sa fille, Clea Newman, ambassadrice de cet héritage humaniste.

    Plusieurs des films ayant jalonné sa carrière seront également présentés à cette occasion pendant le Festival :

    La chatte sur un toit brûlant de Richard Brooks

    La couleur de l’argent de Martin Scorsese

    Le Verdict de Sidney Lumet

    Luke la main froide de Stuart Rosenberg

    Prix d’honneur à Kim Novak

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    Photo issue de Sueurs froides d’Alfred Hitchcock (1958)

    Dernière grande star glamour de l’âge d’or hollywoodien, pionnière libre et artiste complète, Kim Novak incarne une figure légendaire du 7ᵉ art.

    En 1958, elle entre dans la légende avec Sueurs froides d’Alfred Hitchcock. Son interprétation magistrale, aux côtés de James Stewart, est devenue l’une des plus commentées et analysées de l’histoire du cinéma. Elle devient alors l’actrice la plus rentable du box-office mondial. Pionnière des droits des femmes, elle est aussi la première comédienne à fonder sa propre société de production, refusant de se plier aux diktats des studios pour préserver sa liberté artistique. Au sommet de sa notoriété, elle fait le choix de quitter Hollywood pour mener une vie loin des projecteurs. Elle s’installe près de Carmel, en Californie, puis dans l’Oregon. Peintre et poétesse, elle consacre sa vie à la création et voit son œuvre plastique saluée par plusieurs institutions prestigieuses.  
    Kim Novak occupe une place à part dans le panthéon du 7ᵉ art.

    Pour saluer la richesse de son parcours, le Festival de Deauville lui remettra un Prix d’Honneur le samedi 6 septembre. La cérémonie sera suivie de la projection du documentaire inédit Kim Novak’s Vertigo, réalisé par Alexandre O. Philippe, un portrait intime de cette légende hollywoodienne farouchement indépendante.

     Plusieurs de ses films emblématiques seront également projetés au cours du Festival :

    - L'HOMME AU BRAS D'OR de Otto Preminger

    - L'ADORABLE VOISINE de Richard Quine

    - SUEURS FROIDES de Alfred Hitchcock

    Pamela Anderson – Deauville Talent Award

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    Photo issue de Y a-t-il un flic pour sauver le monde ? de Akiva Schaffer (2025)

    Après Michelle Williams et Natalie Portman en 2024, le Festival poursuit cette année son hommage aux artistes d’exception en remettant un Deauville Talent Award à Pamela Anderson à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du Festival le vendredi 5 septembre.

    À l’occasion de sa 51ème édition, le Festival de Deauville tient à célébrer la carrière singulière d’une artiste qui a su conjuguer sa carrière de comédienne à un engagement constant, marquant ainsi durablement l’imaginaire collectif. En 2024, elle s’illustre dans The Last Showgirl de Gia Coppola présenté au Festival de Toronto puis au Festival de Saint-Sébastien, où il reçoit le Prix spécial du jury. Le film sera projeté pendant le Festival pour permettre à chacun de (re)découvrir cette performance saluée par la critique qui vaut à Pamela Anderson des nominations aux Golden Globes, aux SAG Awards et aux Gotham Awards.

    Kristen Stewart – Carte Blanche « Mon cinéma français »

    Pour cette 51e édition, le Festival du cinéma américain de Deauville propose au public une rencontre avec une figure majeure du cinéma américain. Le samedi 13 septembre, la comédienne, scénariste et réalisatrice Kristen Stewart échangera sur sa vision du cinéma français en dévoilant sa filmothèque coup de cœur.

    Alice Guy à l'honneur

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    Pour la première fois de son histoire, le Festival du Cinéma Américain de Deauville consacre une rétrospective aux films américains d’Alice Guy, en mettant à l’honneur une réalisatrice visionnaire, trop longtemps restée dans l’ombre. En 2025, Le Festival de Deauville fait événement en programmant une sélection exceptionnelle de ses œuvres rares, exclusivement américaines, quelques-unes inédites en France, et récemment restaurées avec le concours de la Library of Congress.

    Pour en savoir plus... :

    Retrouvez mon bilan de l’édition 2024 du Festival du Cinéma Américain de Deauville dans le magazine Normandie Prestige 2025 et tous mes articles sur l'édition 2024, ici, sur Inthemoodforcinema.com et Inthemoodfordeauville.com.

    En complément, retrouvez également le deuxième article de ma nouvelle rubrique "bonnes adresses in the mood for cinema" consacré ce mois-ci à l'Hôtel Barrière Le Normandy de Deauville, ici.

    Retrouvez aussi mes chroniques sur Deauville La Radio : Gatsby le magnifique (hommage à Joel Edgerton), films en compétition, La chatte sur un toit brûlant (hommage à Paul Newman), Sueurs froides (hommage à Kim Novak), Valeur sentimentale (tourné à Deauville, pendant l'édition 2024 du Festival du Cinéma Américain)... et suivez la radio en direct ici (en bas pour la version smartphone, colonne de droite du blog pour la version web).