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festival du cinéma et musique de film de la baule

  • Critique - LE THÉORÈME DE MARGUERITE d'Anna Novion (prix de la meilleure musique du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2023)

    Le Théorème de Marguerite.jpg

    Ce film, présenté en séance spéciale du Festival de Cannes, a reçu le prix de la meilleure musique du 9ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule mais aurait aussi mérité celui du meilleur film.

    La Marguerite du théorème est une brillante élève en Mathématiques à l'ENS, dont le destin semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

    Résumé ainsi, ce film pourrait s’annoncer comme particulièrement rébarbatif. Il ne l’est aucunement, pas une seule seconde. Quand on demande à Marguerite ce qu’elle aime dans les mathématiques, elle répond : « Je ne pourrais pas vivre sans. » Le Théorème de Marguerite est avant tout cela, une histoire de passion, de solitude face à l’engagement qu’elle implique. « Les mathématiques ne doivent souffrir d'aucun sentiment » lui assène son mentor, pourtant pour Marguerite ce n’est que cela. Un moyen aussi d’affronter les mystères du monde et la vanité de l’existence : « J'étais très angoissée par l'infini, l'idée que l'univers n'avait pas de fin. Goldbach, c'était un moyen de mettre de l'ordre dans l'infini. »

    Si vous êtes hermétique aux mathématiques, rassurez-vous, ce film vous parlera malgré tout, a fortiori si vous connaissez cet état second dans lequel vous plongent une passion ou les affres de la création. Les mathématiques sont presque un prétexte, poétique, comme ces murs recouverts de formules qui en deviennent soudain abstraits et admirables. Le parallèle est évident avec l’engagement que nécessite un film, cette formule complexe qui aboutit à la magie, ce travail acharné au résultat incertain.

    C’est avant tout le (magnifique) portrait d’une femme moderne, singulière, qui ne tombe dans aucun cliché (et cela fait un bien fou). Froide, fermée, à l’image de son prénom suranné, Marguerite n’est pas de prime abord sympathique. Les lignes cliniques et l’âpreté des décors reflètent son état d’esprit et, comme elle, ils chemineront progressivement vers la lumière, le désordre, l’asymétrie.

    Jean-Pierre Darroussin, faussement dur et autoritaire, mais surtout blessé dans son orgueil, est parfait dans le personnage du directeur de thèse et mentor, Werner. Ella Rumpf, découverte dans Grave de Julia Ducournau, se glisse totalement dans la peau de Marguerite, renfermée sur sa passion et sur elle-même, combattive, et s’ouvrant peu à peu aux autres. Elle procure toute sa force captivante au film. Celle qu’on surnomme « la mathématicienne en chaussons », le corps recroquevillé, le regard frondeur, n’est pas là pour se distraire mais dévouée corps et âme à la conjecture de Goldbach, problème irrésolu et en apparence insoluble de la théorie des nombres. Quelle intelligence dans l’écriture du scénario pour transformer ce qui aurait pu être ennuyeux et abscons en véritable thriller des émotions, palpitant. Il faudra l'arrivée d'un nouvel étudiant particulièrement brillant (Julien Frison de la Comédie Française) pour faire s’écrouler tout son édifice et la faire renaître, s’abandonner.

    Clotilde Courau dans le rôle de la mère fascinée par le « don » de sa fille et dépassée par sa mue, est une nouvelle fois d’une justesse remarquable. La magnifique Sonia Bonny incarne la lumineuse et sensuelle colocataire de Marguerite. Grâce à elle, Marguerite découvre un autre univers, celui des joueurs de Mahjong du quartier chinois de Paris et des virées nocturnes. Marguerite va peu à peu (re)naitre au monde, à la vie, à la lumière, aux désirs autres que ceux suscités par l’envie de trouver des solutions aux formules mathématiques. Elle se relève et se redresse dans tous les sens du terme, et l’environnement s’illumine.

    Un sublime portrait de femme et une brillante dissection métaphorique des effets de la création, de la solitude et de l'abnégation qu'elle implique, mais surtout un film sensible, parfaitement écrit et interprété, passionnant de la première à la dernière seconde, porté par la musique inspirée de Pascal Bideau.

    Ella Rumpf aurait aussi mérité un prix d’interprétation tant elle donne corps, vie et âme à Marguerite.

  • Mon nouveau roman "La Symphonie des rêves" (Éditions Blacklephant - 26/10/2023) : présentation

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    Je suis particulièrement heureuse de vous dévoiler la couverture et la quatrième de couverture de mon nouveau roman intitulé La Symphonie des rêves, publié par les Éditions Blacklephant, disponible en librairie à partir du 26 octobre 2023, et dès à présent en précommande, en librairie et sur les plateformes. Ce roman, comme le personnage qui figure sur cette photo, regarde vers la lumière, vers l'horizon, vers l'ailleurs. Il vous fera ainsi voyager en France, en Grèce et en Italie. Découvrez la page des Editions Blacklephant consacrée à La Symphonie des rêves, ici.
     
    Mon premier roman, qui évoquait un deuil insurmontable, était une plongée dans un gouffre infernal. Celui-ci, au contraire, chemine de l’ombre vers la lumière.
     
    J’ai commencé à écrire ce roman pendant le deuxième confinement, avec pour objectifs de m'évader, de me griser d’espoirs extravagants, de donner envie de croire en des émotions qui égarent parfois et enfièvrent et transportent. 
    J’espère que ce roman sera cela aussi pour vous : une échappée belle, une fugue joyeuse, une invitation à l'audace de rêver.
     
    Cette consolante contrée qu’est la musique, qui bouscule et relie ici les destins de mes personnages, a suscité l’idée de ce roman dans lequel il est aussi beaucoup question de cinéma, forcément. Il vous conduira ainsi notamment au Festival de Cinéma et de Musique de Film de La Baule et au Festival de Cannes.
     
    Pourquoi écrit-on ? 
    Pourquoi s'obstiner à lutter contre le silence, ses doutes et ses maux?
    À vouloir dompter les phrases et des destinées fictives ? 
    Je ne cesserai de m’interroger sur cette légitimité, en revanche pas sur ma passion viscérale et vitale pour l’écriture, en revanche pas sur cette nécessité impérieuse de raconter et entrelacer des destins, d’esquisser des âmes ébréchées, de jongler avec les mots, d'insuffler de la beauté dans la laideur, de tenter de me faufiler dans des interstices de vérité à travers la fiction. 
     
    Je remercie l'équipe de ma nouvelle maison d'édition pour l’écoute, la confiance, l’enthousiasme, la bienveillance. Je suis heureuse que le coup de foudre ait été réciproque. Pour faire retentir cette Symphonie, je n'aurais pu trouver mieux que Blacklephant éditions  dont les valeurs s'accordent si bien avec ce roman qui aspire à exalter la force des rêves.

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    Je vous donnerai prochainement les dates des séances de dédicaces en librairies et salons du livres. Vous pouvez d'ores et déjà noter celle de la Fnac de Laval le samedi  4 novembre 2023 à 15h et à la Librairie du Marché de Deauville pendant les vacances de Noël (date précisée prochainement).
    J'espère que cette Symphonie résonnera en vous…
  • Compte-rendu et palmarès du 9ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule

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    Cet article sera complété au fur et à mesure des visionnages des films programmés dans le cadre du festival que je n’ai pas encore eu la possibilité de découvrir.

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    « J'étais très angoissée par l'infini, l'idée que l'univers n'avait pas de fin. Goldbach, c'était un moyen de mettre de l'ordre dans l'infini. » Cette phrase extraite du film Le Théorème de Marguerite d'Anna Novion, lauréat du prix de la meilleure musique de film, pourrait être aussi une magnifique définition du cinéma, et de l'art en général : une tentative de mettre de l'ordre dans l'infini, et de dompter les angoisses qu'il engendre. Et donc de maîtriser le temps. Le temps et la volonté de le maîtriser ou distordre étaient aussi au centre de plusieurs films de cette édition (Une nuit, Les Promesses). Cela tombe bien, un festival, et celui-ci en particulier, est avant tout un moyen d'en suspendre le vol ou d'en savourer chaque poussière de seconde.

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    « La fiction est le mensonge par lequel nous disons la vérité » écrivit Albert Camus. En attendant de vous livrer ma vérité en mensonge avec mon roman La Symphonie des rêves, en librairie le 5.10.2023 (Editions Blacklephant), qui a en partie pour cadre le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule et au centre duquel se trouve la musique et en particulier la musique de film, je vous propose un récapitulatif de mes trois jours au festival au cours desquels la fiction, justement, fut à l’honneur. « Seule la musique est à hauteur de la mer » disait encore Albert Camus. Au Festival de La Baule, musique et mer s’enlacent ainsi dans une valse joyeuse…Chaque année, le festival est synonyme de réjouissantes et surprenantes découvertes cinématographiques, cette 9ème édition n’a pas dérogé à la règle. Elle fut portée par les battements trépidants de jazz de Kyle Eastwood. Le musicien, compositeur et arrangeur de musiques de film était en effet l’invité d’honneur de cette année. Le point culminant de sa présence fut un concert hommage aux plus belles musiques des films de son père, l’acteur et réalisateur Clint Eastwood, dont certaines qu’il a composées lui-même, un concert inédit intitulé Eastwood by Eastwood pour lequel il fut entouré de son quintet. Fils de Clint (à qui l'affiche de cette édition 2023 du festival rendait hommage), mais avant tout talentueux contrebassiste de jazz et compositeur ou arrangeur de musiques de film dont Gran Torino, Mystic River, Million Dollar Baby, Lettres d’Iwo Jima et Invictus, Kyle Eastwood est l’auteur de huit albums dont le dernier, Cinematic, est une variation sur des thèmes cultes du cinéma : Gran Torino, Pink Panther, Skyfall...

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    Le Festival de Cinéma et de Musique de Film de La Baule, auquel j'ai le plaisir d'assister depuis sa première année, revenait ainsi pour une 9ème édition qui eut lieu du 28 juin au 2 juillet 2023 avec, comme toujours, une sélection de longs et courts-métrages français en avant-première, en compétition ou hors compétition et, notamment, le dernier film du cofondateur du festival, Christophe Barratier, tourné en partie à La Baule, Comme par magie, en ouverture, présenté hors compétition pour la première fois au public en présence du réalisateur et de Gérard Jugnot. Cette comédie produite par M.E.S Productions, marque ainsi les retrouvailles entre Christophe Barratier et Gérard Jugnot, 20 ans après Les Choristes et 15 ans après Faubourg 36. 

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    Kev Adams incarne Victor, un jeune magicien en pleine ascension. Cela commence par une scène d’ouverture trépidante : un numéro de magie drôle et étourdissant interrompu par l’annonce de la naissance imminente de la fille du magicien. Seulement, rien ne se passe comme prévu et la tragédie succède rapidement à l'euphorie : la mère décède lors de l'accouchement. Victor doit alors élever seul sa fille qu’il prénomme Lison. Jacques (Gérard Jugnot), son fantasque beau-père, se mêle contre son avis de l’éducation de la petite auprès de laquelle il retrouve une seconde jeunesse. Ce tandem improbable aura pour arbitre Nina (Claire Chust), l’amie d’enfance de Victor…

    Christophe Barratier travaillait sur un autre projet quand le producteur Marc-Etienne Schwartz lui a proposé ce scénario, écrit à l’origine par Serge Lamadie et Cyril Gelbat, rejoints par Fabrice Bracq. Après quelques réussites en tant que producteur délégué et en tant que réalisateur de courts-métrages, Christophe Barratier, en 2004, connaissait un succès retentissant avec Les Choristes et ses 8,5 millions d’entrées puis ses deux César et ses deux nominations aux Oscars (meilleur film en langue étrangère et meilleure chanson pour Vois sur ton chemin). Vinrent après Faubourg 36 en 2008 et La Nouvelle guerre des boutons en 2011, des films nostalgiques dont l'action se déroulait dans les années 30, un cinéma populaire (au sens noble du terme) et de beaux hommages au cinéma d’hier.

    Faubourg 36 regorgeait ainsi de réjouissantes références au cinéma d’entre-deux guerres. Clovis Cornillac y ressemblait à s’y méprendre à Jean Gabin dans les films d’avant-guerre, Nora Arnezeder (la découverte du film comme Jean-Baptiste Maunier l'avait été auparavant dans Les Choristes) à Michèle Morgan : tous deux y faisaient penser au couple mythique Nelly et Jean du Quai des Brumes de Marcel Carné auquel un plan se référait d’ailleurs explicitement. Bernard-Pierre Donnadieu, quant à lui, rappelait Pierre Brasseur (Frédérick Lemaître) dans Les enfants du paradis de Carné et Jules Berry (Valentin) dans Le jour se lève du même Carné dont j’avais même cru reconnaître le célèbre immeuble dessiné par Alexandre Trauner dans le premier plan du film. Les décors du film entier paraissaient d’ailleurs rendre hommage à ceux de Trauner, avec cette photographie hypnotique et exagérément lumineuse entre projecteurs de théâtre et réverbères sous lesquels Paris et les regards scintillent de mille feux incandescents et mélancoliques. Et l'amitié qui unissait les protagonistes de ce Faubourg 36 résonnait comme un clin d’œil à celle qui unissait les personnages de La belle équipe de Duvivier.  Bref, Christophe Barratier est un cinéaste cinéphile. D'ailleurs, Les Choristes déjà était une adaptation du film de 1945 de Jean Dréville, La Cage aux rossignols.

    En 2016, il changea de registre avec le remarquable L’Outsider, thriller financier contemporain, très différent des films précités, une adaptation du livre écrit par Kerviel lui-même et publié en 2010, L'Engrenage : mémoires d'un trader, l’histoire d’un anti-héros pris dans une spirale infernale, dans l’ivresse de cette puissance de l’argent qui le grise et l’égare, et dans laquelle il se jette comme d’autres se seraient plongés dans la drogue ou l’alcool.  Barratier a réussi non seulement à vulgariser cet univers mais aussi à le rendre aussi passionnant et palpitant qu’un thriller. Ce film pourrait d’ailleurs illustrer un cours de scénario : ellipses à-propos (Kerviel sous le feu des blagues méprisantes qui deux ans plus tard en est l’auteur et répond avec aplomb aux sarcasmes), dialogues percutants, répliques et expressions mémorables, touche sentimentale (très bon choix de Sabrina Ouazani) sans qu'elles fassent tomber le film dans le mélo, caractérisation des personnages en quelques plans et répliques (le père, pas dupe), rythme haletant et personnage victime d'un système et d'une obsession et une addiction qui le dépassent et donc attachant malgré tout. Un film fiévreux, intense, captivant, et même émouvant, et très ancré dans son époque et dans le cinéma contemporain tout en s'emparant du meilleur des films d'hier qui ont forgé la culture cinématographique du réalisateur.

    Ensuite, en 2021, il sortit l’excellent Envole-moi, avec Victor Belmondo (quelle révélation !) et Gérard Lanvin puis, en 2022, Le Temps des secrets, magnifique adaptation du roman éponyme, troisième tome des Souvenirs d'enfance de Marcel Pagnol, paru en 1960. 

    Comme dans ses précédents films, avec ce Comme par magie, Christophe Barratier révèle un acteur (il y eut Jean-Baptiste Maunier, Nora Arzeneder...) ou fait éclater le talent d’un comédien déjà un peu connu (Arthur Dupont, Victor Belmondo) ou révèle l’étendue de la palette de jeu d’un acteur déjà renommé comme c’est le cas ici avec Kev Adams qui joue pour la première fois un rôle de père, oscillant entre drame et comédie, et dévoilant plus de nuances dans son interprétation. A nouveau, Christophe Barratier met également en scène un duo improbable et attachant, celui formé par Victor et son beau-père sous les traits de Gérard Jugnot que le cinéaste retrouve ici pour la quatrième fois, toujours aussi juste et sachant faire passer une émotion dans un silence, un geste ou un regard.

    Mais la révélation du film est pour moi Claire Chust (dont le visage est malheureusement absent de l'affiche...) qui incarne Nina, une jeune femme qui a grandi avec Victor, élevée d’abord en foyer comme lui, deux enfants nés sous X dont l’amitié est aussi ancienne qu’indéfectible. Elle dégage un charme enfantin et une grâce ingénue, et son personnage évolue joliment. La femme-enfant fragile se mue ainsi progressivement en femme qui s’assume davantage. Comme Victor, elle grandit. Quand l’un va vers l’enfant qu’il a et devient peu à peu père, l’autre pour évoluer doit aller vers ses origines et renouer avec l’enfant qu’elle fut sans doute pour se débarrasser du manteau encombrant de l’enfance blessées.

    Contrairement à ses précédents films, ce n’est pas Philippe Rombi  (et avant lui Bruno Coulais et Reinhardt Wagner) qui a écrit la bande originale mais Bertrand Burgalat, une bo teintée de notes jazzy qui accompagne judicieusement ce film tendre et drôle, avec mélancolie et malice, entre piano, guitare et flûte.

    Je déplore simplement qu'il n'y ait pas plus de tours de magie à l’image de celui final, réjouissant, qui n’est pas sans rappeler celui vertigineux du Prestige de Christopher Nolan. 

    Ce qui se dégage de ce film, entre rires et larmes, c’est donc avant tout une énorme tendresse. En résulte aussi une réflexion intéressante et pleine d'espoir sur la filiation, la transmission et la (re)construction malgré le deuil ou l’absence, sur la famille aussi, celle que l’on bâtit, en dépit des aléas de l'existence. Victor, Nina, Jacques et Lison sont finalement tous victimes de l’abandon, et vont aller de l’ombre vers la lumière, grâce aux liens qui se tissent entre eux. Si les derniers plans les montrent isolés les uns des autres, c'est parce qu'ils se sont certes trouvés une famille mais aussi parce qu'ils ont trouvé qui ils étaient vraiment ou voulaient être.

     Un film délicat, ludique, drôle et tendre qui ne juge pas ses personnages et ne tombe jamais dans le cynisme, sans doute la raison pour laquelle la critique l’a (injustement) snobé. Je vous le recommande. En ces temps troublés, cette douce mélodie qui se fraie un chemin vers l'harmonie n’est jamais larmoyante, et cela fait un bien fou ! On quitte même à regret ce quatuor particulièrement attachant dont on aimerait connaître la suite des aventures...

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     Au programme comme chaque année figuraient : un panorama de films internationaux singuliers (les “coups de projecteur’’, en partenariat avec Universciné parmi lesquels, comme chaque année, des pépites à découvrir), l’organisation de rencontres et d’échanges avec les artistes (les masters class : cette année Radu Mihaileanu, Ariane Ascaride, mais aussi celle de Ludovic Bource, Jean-Michel Bernard, Sacha Chaban à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister, passionnante et sans langue de bois, un échange instructif sur les différences de traitement du compositeur en France et aux USA), des projections de classiques (The Artist de Michel Hazavanicius, en présence de son compositeur Ludovic Bource, à l'occasion des 100 ans de la Warner Bros -photo anniversaire ci-dessus-, dont vous trouverez ma critique ci-dessous), une grande exposition intitulée Music & Iconic et des animations…sans oublier l'incontournable concert précité lors de la soirée du palmarès, celui de Kyle Eastwood qui a également donné une passionnante master class.

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    24 films furent présentés dont 22 en avant-première (19 longs métrages dont 5 en compétition et 5 courts métrages également en compétition). Au total, ce sont 34 projections qui ont été organisées durant 5 jours (avec les reprises des films durant le week-end).

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    Le jury présidé par le réalisateur Radu Mihaileanu et composé d’Amanda Sthers, Victoria Bedos, Irène Dresel et Stéphane de Groodt a récompensé les films suivants.

    Prix du Meilleur Film 2023 : Le syndrome des amours passées, d’Ann Sirot et Raphaël Balboni (en salles le 25 octobre 2023)

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    « Rémy et Sandra n’arrivent pas à avoir d’enfant car ils sont atteints du “Syndrome des Amours Passées”. Pour guérir, il n’y a qu’une seule solution : ils doivent recoucher une fois avec tou.te.s leurs ex. » Tel est le prosaïque pitch officiel (écriture inclusive comprise, au risque de chagriner les amoureux de l’orthographe dont je suis…) de ce film projeté en séance spéciale de la Semaine de la Critique et couronné par cette 9ème édition du festival. Une Vie Démente, le premier long métrage du duo/couple avait été multi primé. Le jury de La Baule a lui aussi visiblement été charmé par cette comédie loufoque qui préfère la fantasmagorie, le ton décalé, la fantaisie et l’absurde au réalisme pour disséquer les méandres de la vie de couple. Une comédie portée par deux remarquables acteurs en lesquels réside la richesse du film et sur lesquels se centre entièrement la mise en scène : Lucie Debay et Lazare Gousseau, la première incarnant (au départ) un personnage aussi libéré et terre-à-terre que le second est coincé et romantique.  Au gré des retrouvailles, leurs certitudes vont voler en éclat et leur relation qui semblait d’une solidité inaltérable va peu à peu se détériorer. D’une inventivité indéniable, laissant une large part à l’improvisation qui met en exergue le talent de ses interprètes, ce film sur les fragilités et atermoiements du couple, traite par le burlesque le désir d’enfant et se conclut d’une manière aussi politiquement correcte que son postulat de départ revendiquait de ne pas l’être. Les saynètes avec les seconds rôles incarnés par Laurence Loiret-Caille (surtout), Nora Hamzawi, Alice Dutoit sont néanmoins un régal et méritent le déplacement.

    J’avoue cependant avoir été davantage transportée par Le Théorème de Marguerite d’Anna Novion.

    Prix de la Meilleure Musique de film : Pascal Bideau avec Le Théorème de Marguerite d’Anna Novion (en salles le 1er novembre 2023)

    Ce film, présenté en séance spéciale du Festival de Cannes, a reçu le prix de la meilleure musique de ce 9ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule mais aurait aussi mérité celui du meilleur film.

    La Marguerite du théorème est une brillante élève en Mathématiques à l'ENS, dont le destin semble tout tracé. Seule fille de sa promo, elle termine une thèse qu’elle doit exposer devant un parterre de chercheurs. Le jour J, une erreur bouscule toutes ses certitudes et l’édifice s’effondre. Marguerite décide de tout quitter pour tout recommencer.

    Résumé ainsi, ce film pourrait s’annoncer comme particulièrement rébarbatif. Il ne l’est aucunement, pas une seule seconde. Quand on demande à Marguerite ce qu’elle aime dans les mathématiques, elle répond : « Je ne pourrais pas vivre sans. » Le Théorème de Marguerite est avant tout cela, une histoire de passion, de solitude face à l’engagement qu’elle implique. « Les mathématiques ne doivent souffrir d'aucun sentiment » lui assène son mentor, pourtant pour Marguerite ce n’est que cela. Un moyen aussi d’affronter les mystères du monde et la vanité de l’existence : « J'étais très angoissée par l'infini, l'idée que l'univers n'avait pas de fin. Goldbach, c'était un moyen de mettre de l'ordre dans l'infini. »

    Si vous êtes hermétique aux mathématiques, rassurez-vous, ce film vous parlera malgré tout, a fortiori si vous connaissez cet état second dans lequel vous plonge une passion ou les affres de la création. Les mathématiques sont presque un prétexte, poétique, comme ces murs recouverts de formules qui en deviennent soudain abstraits et admirables. Le parallèle est évident avec l’engagement que nécessite un film, cette formule complexe qui aboutit à la magie, ce travail acharné au résultat incertain.

    C’est avant tout le (magnifique) portrait d’une femme moderne, singulière, qui ne tombe dans aucun cliché (et cela fait un bien fou). Froide, fermée, à l’image de son prénom suranné, Marguerite n’est pas de prime abord sympathique. Les lignes cliniques et l’âpreté des décors reflètent son état d’esprit et, comme elle, ils chemineront progressivement vers la lumière, le désordre, l’asymétrie.

    Jean-Pierre Darroussin, faussement dur et autoritaire, mais surtout blessé dans son orgueil, est parfait dans le personnage du directeur de thèse et mentor, Werner. Ella Rumpf, découverte dans Grave de Julia Ducournau, se glisse totalement dans la peau de Marguerite, renfermée sur sa passion et sur elle-même, combattive, et s’ouvrant peu à peu aux autres. Elle procure toute sa force captivante au film. Celle qu’on surnomme « la mathématicienne en chaussons », le corps recroquevillé, le regard frondeur, n’est pas là pour se distraire mais dévouée corps et âme à la conjecture de Goldbach, problème irrésolu et en apparence insoluble de la théorie des nombres. Quelle intelligence dans l’écriture du scénario pour transformer ce qui aurait pu être ennuyeux et abscons en véritable thriller des émotions, palpitant. Il faudra l'arrivée d'un nouvel étudiant particulièrement brillant (Julien Frison de la Comédie Française) pour faire s’écrouler tout son édifice et la faire renaître, s’abandonner.

    Clotilde Courau dans le rôle de la mère fascinée par le « don » de sa fille et dépassée par sa mue, est une nouvelle fois d’une justesse remarquable. La magnifique Sonia Bonny incarne la lumineuse et sensuelle colocataire de Marguerite. Grâce à elle, Marguerite découvre un autre univers, celui des joueurs de Mahjong du quartier chinois de Paris et des virées nocturnes. Marguerite va peu à peu (re)naitre au monde, à la vie, à la lumière, aux désirs autres que ceux suscités par l’envie de trouver des solutions aux formules mathématiques. Elle se relève et se redresse dans tous les sens du terme, et l’environnement s’illumine.

    Un sublime portrait de femme et une brillante dissection métaphorique des effets de la création, de la solitude et de l'abnégation qu'elle implique, mais surtout un film sensible, parfaitement écrit et interprété, passionnant de la première à la dernière seconde, porté par la musique inspirée de Pascal Bideau.

    Si Ella Rumpf aurait aussi mérité un prix d’interprétation tant elle donne corps, vie et âme à Marguerite, c’est à deux autres comédiens que le jury a choisi d’attribuer le prix d’interprétation, ex-aequo.

    Prix de la Meilleure Interprétation : Alex Lutz & Karin Viard (ex-æquo) pour La Nuit, d’Alex Lutz

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    Ce dernier film d’Alex Lutz fut auparavant présenté en clôture de la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2023.

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    Paris, métro bondé, un soir comme les autres.
    Une femme bouscule un homme, ils se disputent. Très vite le courant électrique se transforme… en désir brûlant. Les deux inconnus sortent de la rame et font l’amour dans la cabine d’un photomaton.
    La nuit, désormais, leur appartient.
    Dans ce Paris aux rues désertées, aux heures étirées, faudra-t-il se dire au revoir ?

    On songe évidemment à Before Sunrise de Richard Linklater mais aussi au moins connu et non moins excellent After, avec Raphaël Personnaz et Julie Gayet, de Géraldine Maillet qui explorait également déjà cette idée de la nuit comme vecteur de rencontre et comme instrument de suspension de vol du temps. La nuit, le temps semble en effet s’étirer, et être le moment de tous les possibles (ceux de la jeunesse retrouvée), toutes les libertés et de toutes les audaces, de l’oubli de la rude réalité et des drames que le jour viendra réveiller de sa lumière crue. Entre maladresse et audace, ces deux-là vont se livrer comme ils ne l’ont jamais fait, réécrire et réinventer leur nuit, laisser affleurer leurs fragilités, mais surtout disserter sur leur couple et faire le bilan de leur vie. Peu à peu, ils se dépouillent du masque des apparences (au propre comme au figuré : ils empruntent des vêtements à des étudiants, se débarrassent de leurs portables, perdent leurs portefeuilles…). Parfois l’incongruité s’en mêle, ou la poésie le temps d’une rencontre avec un cheval. Même au milieu des autres, ils semblent couper du monde, dans leur bulle onirique, que ce soit dans un parc, un magasin de meubles ou une soirée étudiante. La caméra filme au plus près leurs visages, leur fugue et leur fouge. Les logorrhées désordonnées du personnage incarné par Alex Lutz font penser à Woody Allen comédien dans ses propres films, de même que leurs conversations pseudo-psychanalytiques débridées sur le couple rappellent évidemment les longs-métrages du cinéaste américain. Le « twist » final que de multiples indices disséminés dès le début mais aussi le jeu des deux comédiens auront permis aux plus attentifs de deviner, apporte un autre éclairage, romantique et dramatique, à cette histoire. Si elle n’a pas l’inventivité de Guy, cette promenade nocturne dans les rues de Paris n’en est pas moins émouvante et la nuit parisienne le terrain de jeu de deux talentueux comédiens dont le plaisir à écrire et jouer ensemble transpire dans chaque plan.

    Prix Spécial Coup de Projecteur – Universciné : Les Meutes de Kamal Lazraq

    Prix du Public – Groupe Barrière : Sous le tapis de Camille Japy

    Prix de la Meilleure Musique de l’année : Delphine Malausséna pour En plein feux de Quentin Reynaud

    Prix de la Révélation Jeune Talent Compositeur : Thibault Duclos Malidor

    Prix du Meilleur Court-Métrage : Boussa the Kiss de Azedine Kasri

    Prix d’Honneur : Kyle Eastwood

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    En clôture du festival, fut projeté le film d’une des membres du jury de cette 9ème édition, Amanda Sthers, Les Promesses, adapté de son roman éponyme, à découvrir au cinéma le 9 août 2023.

    Synopsis : La vie, en général, n’en finit pas de faire des promesses qu’elle prend plaisir, ensuite, à ne pas tenir. L’histoire d’amour inachevée entre Alexander et Laura …

    Ce film, dont je vous parlerai ultérieurement plus longuement, est à l’image de la musique signée Andrea Lazslo de la Simone, d’une lumineuse mélancolie et d’une réconfortante nostalgie. Les 4 saisons d’Alexander. Les 4 saisons de la vie d’un homme incarné par trois acteurs mais surtout Pierfrancesco Favino, magistral, de 40 à 77 ans. Une magnifique histoire d’amour impossible et un film sur lequel plane l’ombre de Visconti, en ce qu’il raconte la déliquescence d’un monde, et la solitude abyssale d’un homme. C’est avant tout cela, un magnifique portrait d’homme sur lequel Amanda Sthers porte un regard attendri, compatissant, un homme écartelé, perdu, à la dérive dont la seule bouée semble être cette femme inaccessible et fascinante dont le portrait apparaît en pointillés comme si elle n’était qu’un rêve évanescent (sublime Kelly Reilly). Entre passé et présent, enfance et âge adulte, premier et dernier amour, France et Italie, la toile se tisse peu à peu, la peinture devient plus précise et le personnage plus attachant, et surtout l’émotion plus prégnante, jusqu’à nous saisir au dénouement. Un film bouleversant qui entremêle subtilement passé et présent.

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    Le dernier film de Pierre Jolivet figure parmi les projections marquantes de cette édition, il fut projeté dans la section "Coups de projecteurs". 

    Il y a un peu plus d’un an, je vous parlais ici du film Goliath de Frédéric Tellier qui se penchait sur la lutte contre le glyphosate qui est, depuis 2015, considéré comme « cancérogène probable » par l’OMS. Un film percutant sur un sujet essentiel dont je pensais naïvement qu’il recevrait davantage d’échos médiatiques et de soutiens dans le combat qu'il met en exergue. De nombreux films engagés, à l’image de celui précité, évoquent des combats de David contre Goliath. Ceux de Costa-Gavras, Loach, Boisset, Varda ou des films comme L’affaire Pélican de Pakula ou Effets secondaires de Soderbergh.  Si le cinéma ne change pas toujours le monde, il peut y contribuer, et en tout cas la fiction sans aucun doute peut permettre que les projecteurs soient braqués sur des réalités révoltantes. J’en suis intimement persuadée et plus encore après voir vu le passionnant et édifiant dernier film de Pierre Jolivet que je vous recommande d’emblée. Vous avez tout le temps d’aller voir le dernier volet de Mission impossible (que je vous recommande aussi) mais ce film-ci est fragile, restera forcément moins longtemps à l’affiche, alors allez le voir en premier lieu, et ne tardez pas.

     Pierre Jolivet a co-écrit ce film avec la journaliste Inès Léraud, un film inspiré d’une BD vendue à plus de 130000 exemplaires. En 2019, Inès Léraud publiait ainsi avec Pierre Van Hove Algues vertes, l’histoire interdite aux éditions La Revue dessinée - Delcourt, une BD qui remporta 6 prix dont le grand prix du journalisme et le prix de la BD bretonne. Ensuite, en 2021, elle co-fonda le média d’investigation indépendant Splann ! avec d'autres journalistes travaillant en Bretagne.

    Synopsis : À la suite de morts suspectes, Inès Léraud (Céline Sallette), jeune journaliste, décide de s’installer en Bretagne pour enquêter sur le phénomène des algues vertes. À travers ses rencontres, elle découvre la fabrique du silence qui entoure ce désastre écologique et social. Face aux pressions, parviendra-t-elle à faire triompher la vérité ?

    « On doit des égards aux vivants ; on ne doit aux morts que la vérité. » Le long-métrage commence par cette citation de Voltaire, judicieusement choisie, reflétant le double discours du film qui est à la fois une déclaration d’amour à la Bretagne (celle des vivants à qui on « doit des égards ») et un combat légitime et acharné contre le silence retentissant et aberrant qui entoure les algues vertes (la vérité due aux morts qui en furent victimes).

    La première scène du film nous montre le rivage vu d’en haut. Indistinctes tout d’abord, les algues vertes dessinent un tableau abstrait presque fascinant. En se rapprochant, on découvre leurs ramifications tentaculaires. Le scandale est flagrant, indéniable… Et pourtant le silence règne face à l’évidence de la prolifération des algues. Bien sûr, rien dans cette image ne traduit encore leur dangerosité que le film démontre ensuite de manière magistrale.

    Ce film a ainsi l’intelligence d’être autant une déclaration d’amour à la Bretagne qu’une déclaration de guerre aux algues vertes (et au silence qui entoure ce fléau), et de mettre en parallèle l’histoire personnelle d’Inès (son histoire avec sa compagne Judith et son histoire d’amour avec la Bretagne où elles finiront par s’installer) et son combat. Il commence véritablement au moment du décès de Jean-René Auffray, joggeur retrouvé mort dans une vasière remplie d’algues vertes, dans la baie de Saint-Brieuc, en septembre 2016. Inès ne va avoir de cesse de lutter contre « la fabrique du silence qui entoure l’agroalimentaire breton », en enquêtant inlassablement et en y consacrant toutes ses chroniques radiophoniques, malgré les pressions, les menaces de morts et le silence obstiné des personnes qu’elle sollicite.

    Céline Sallette incarne subtilement l’opiniâtreté d’Inès, son courage, son investissement, son empathie, son intégrité, qui ne fléchissent pas, que ce soit face à la virulence d’un représentant de la FNSEA (qui ne réfutera pas l’importance du syndicat dans cette exploitation de la terre à outrance, pas même quand elle dira que la « FNSEA choisit le Ministre de l’Agriculture » et pour qui la vraie violence c’est « le prix du lait à cause des consommateurs qui ne veulent pas payer le prix »), ou face à  la couardise d’un vice-président de Conseil Régional devenu député (incarné par Jonathan Lambert) qui reconnaîtra l’ingratitude de sa profession et arguera des intérêts contradictoires qu’il doit gérer. L’agro-alimentaire est « un État dans l’État » et c’est à ce mastodonte invincible que se confronte Inès. Certains chiffrent donnent le tournis. Imaginez :  on dénombre 14 millions de cochons en Bretagne, soit 4 fois plus que d’habitants !

    Le film ne cède jamais au manichéisme. Inès ne fait pas de son combat une lutte contre les agriculteurs, bien au contraire, rappelant qu’ils ne sont que des pions dans cette surexploitation de la terre, des victimes de cette guerre et d’intérêts économiques supérieurs, et que deux agriculteurs par jour se suicident. Ce développement des algues vertes est en effet la conséquence de l’industrie agroalimentaire et notamment des rejets de nitrates provenant de l’élevage intensif. En cas d’accumulation importante, leur décomposition au soleil produit des gaz dangereux pour l’humain comme pour l’animal, notamment l’hydrogène sulfuré (H2S) qui « peut tuer aussi rapidement que du cyanure ».

     Il était tout aussi courageux de la part de Pierre Jolivet de s’attaquer à ce sujet, de dénoncer les complicités politiques (qui nient ou parfois même maquillent la réalité pour préserver les intérêts touristiques et plus largement économiques de toute une région). Tourné essentiellement dans le Finistère-nord, et autour de Saint-Brieuc, là où se concentre une grande partie des algues vertes, le tournage même, en six semaines avec presque 2 décors par jour, fut aussi un véritable défi. Certaines images restent gravées et suscitent forcément notre indignation : ces sangliers morts, ce cours d’eau rouge sang, ces algues vertes à perte de vue.

    Ce n’est pas la Bretagne qu’attaque Inès mais cette aberration écologique qui met en danger les populations qui y vivent. La Bretagne est montrée dans toute sa splendeur avec ses paysages d’une rudesse envoûtante. La compagne d’Inès (lumineuse Nina Meurisse dans le rôle de Judith), dira clairement qu’elle tombe amoureuse de la région. Et les baignades d’Inès constituent une respiration dans son quotidien éprouvant, mais aussi pour le spectateur qui suit comme un thriller son haletante et périlleuse enquête.

    Céline Sallette est entourée d’une pléiade de remarquables acteurs qui incarnent des personnages parfois bruts mais souvent très attachants : Hervé Mahieux, Françoise Comacle, Eric Combernous. Le personnage de Rosy Auffray (Julie Ferrier) représente magnifiquement, à la fois l’aveuglement, le scepticisme, les choix cornéliens (préserver sa tranquillité ou combattre) en lesquels chacun peut se reconnaître et contribue à l’émotion qui nous emporte totalement à la fin avec l’espoir que, enfin, David l’emporte contre Goliath, nous donnant envie de nous intéresser encore plus au sujet et de savoir ce que donnera l’appel de la vraie Rosy (en cours) dans le procès pour la reconnaissance de la responsabilité des algues vertes dans le décès de son mari.

    Pierre Jolivet signe là un magnifique portrait d’héroïne contemporaine, mais surtout un film engagé, militant même, qui pour autant n’oublie jamais le spectateur, et d’être une fiction, certes particulièrement documentée et instructive mais qui s’avère captivante et prenante de la première à la dernière seconde, tout en décrivant avec beaucoup d’humanité et subtilité un scandale sanitaire et toutes les réalités sociales qu’il implique. Ajoutez à cela la subtile musique originale d’Adrien Jolivet et vous obtiendrez un film marquant à la hauteur du sujet, des victimes d’hier et des personnes qui pourraient en être demain, qui rend aussi un vibrant hommage à la beauté renversante de la Bretagne.

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    Ce festival demeure un évènement unique et rare tant par la qualité des films projetés, la symbiose entre cinéma et musique que la convivialité qui y règne. Le tout dans le cadre majestueux de la Baie de La Baule qui sert d’écrin à ce festival qui, en 9 ans, a réussi à s’imposer comme un évènement cinématographique et musical indispensable avec, à son générique, des films majeurs, mais aussi des concerts marquants des plus grands compositeurs de musiques de films à l’image de ce que sera sans aucun doute celui de cette année.

    Il y a trois ans, les organisateurs de ce festival (créé et dirigé par Sam Bobino, notamment fondateur des Paris Film Critics Awards -vous trouverez ici mon compte-rendu détaillé et le palmarès de l'édition 2023 -  et le cinéaste Christophe Barratier) avaient eu la judicieuse idée d’inaugurer une nouvelle formule mettant l’accent sur le cinéma français.  Le festival devient ainsi une fenêtre d’exposition pour les films qui sortent pendant l’été, une idée lumineuse quand certains films à l’affiche en juillet-août ne bénéficient pas de la visibilité qu’ils mériteraient. 

    Les films découverts dans le cadre de ce festival sont souvent les meilleurs de l’année parmi lesquels il y eut : Paterson, À peine j’ouvre les yeux, Tanna, Le Prophète, Demain tout commence, Born to be blue, Jalouse, L’attente, Mr. Turner, Carole Matthieu, Tout nous sépare, Guy, La tortue rouge, Les hirondelles de Kaboul et, rien que pour l’année 2019, en compétition, sans doute les meilleurs films de l’année (Les Éblouis, J’ai perdu mon corps, La Belle époque, La dernière vie de Simon, La nuit venue, Lola vers la mer)…et tant d’autres et aussi de nombreux documentaires comme Abdel Rahman El Bacha - Un piano entre Orient et Occident, ou encore des courts-métrages. L'édition 2022 n'avait pas dérogé à la règle notamment avec la projection du documentaire Ennio de Giuseppe Tornatore, ou encore en compétition les films I love Greece de Nafsika Guerry-Karamounas, Flee de Jonas Poher Ramussen, mais aussi Maria rêve de Lauriane Escaffre et Yvonnick Muller... Retrouvez, ici, mon compte-rendu détaillé de l'édition du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2022.

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    Chaque année, le festival propose aussi  des master class passionnantes et des concerts mémorables comme le furent ceux de Francis Lai, Michel Legrand, Lalo Schifrin, Eric Serra, Gabriel Yared, Vladimir Cosma, Philippe Sarde et Alexandre Desplat l’an passé.

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    J’ai consacré il y a quelques jours, ici, un article aux 100 ans de la Warner. Le Festival de La Baule a eu l’excellente idée de les célébrer également avec la projection  du film The Artist que viendra présenter son compositeur Ludovic Bource. 

    Critique de The Artist de Michel Hazanavicius - et souvenir de projection au Festival de Cannes 2011, ma critique ci-dessous fut intialement publiée suite à cette projection -

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    C’était un dimanche matin de mai 2011, le début du Festival de Cannes encore, en projection presse. Pas encore vraiment l’effervescence pour le film qui obtint la palme d’or mais un joli bruissement d’impatience parmi les regards déjà las, ou obstinément sceptiques. 1H40 plus tard, la salle résonnait d’applaudissements, pendant dix minutes, fait rare en projection presse. Le soir même, j'étais retournée le voir en projection officielle. L’émotion fut la même, redoublée par la présence de l’équipe du film, terriblement émue elle aussi par les réactions enthousiastes du public, par les rires tendres, par cette cavalcade d’applaudissements qui a commencé lors de la dernière scène et ne s’est plus arrêtée pour continuer pendant un temps qui m’a paru délicieusement long. Un beau, rare et grand moment du Festival de Cannes.

    Le pari était pourtant loin d’être gagné d’avance. Un film muet (ou quasiment puisqu’il y a quelques bruitages). En noir et blanc. Tourné à Hollywood. En 35 jours. Par un réalisateur qui jusque là avait excellé dans son genre, celui de la brillante reconstitution parodique mais très éloigné de l’univers dans lequel ce film nous plonge. Il fallait beaucoup d’audace, de détermination, de patience, de passion, de confiance, et un peu de chance sans doute aussi, sans oublier le courage -et l’intuition- d’un producteur (Thomas Langmann) pour arriver à bout d’un tel projet. Le pari était déjà gagné quand le Festival de Cannes l’a sélectionné d’abord hors compétition pour le faire passer ensuite en compétition, là encore fait exceptionnel.

    Le film débute à Hollywood, en 1927, date fatidique pour le cinéma puisque c’est celle de l’arrivée du parlant. George Valentin (Jean Dujardin) est une vedette du cinéma muet qui connaît un succès retentissant mais l’arrivée des films parlants va le faire passer de la lumière à l’ombre et le plonger dans l’oubli. Pendant ce temps, une jeune figurante, Peppy Miller (Bérénice Béjo) qu’il aura au départ involontairement  placée dans la lumière, va voir sa carrière débuter de manière éblouissante. Le film raconte l’histoire de leurs destins croisés.

    Qui aime sincèrement le cinéma ne peut pas ne pas aimer ce film qui y est un hommage permanent et éclatant. Hommage à ceux qui ont jalonné et construit son histoire, d’abord, évidemment. De Murnau à Welles, en passant par Borzage, Hazanavicius cite brillamment ceux qui l’ont ostensiblement inspiré. Hommage au burlesque aussi, avec son mélange de tendresse et de gravité, et évidemment, même s’il s’en défend, à Chaplin qui, lui aussi,  lui surtout, dans « Les feux de la rampe », avait réalisé un hymne à l'art qui porte ou détruit, élève ou ravage, lorsque le public, si versatile, devient amnésique, lorsque le talent se tarit, lorsqu’il faut passer de la lumière éblouissante à l’ombre dévastatrice. Le personnage de Jean Dujardin est aussi un hommage au cinéma d’hier : un mélange de Douglas Fairbanks, Clark Gable, Rudolph Valentino, et du personnage de Charles Foster Kane (magnifiques citations de Citizen Kane) et Bérénice Béjo, avec le personnage de Peppy Miller est, quant à elle, un mélange de Louise Brooks, Marlène Dietrich, Joan Crawford…et nombreuses autres inoubliables stars du muet.

    Le cinéma a souvent parlé de lui-même… ce qui a d’ailleurs souvent produit des chefs d’œuvre. Il y a évidemment La comtesse aux pieds nus de MankiewiczLa Nuit américaine de Truffaut, Sunset Boulevard de Billy Wilder, Une étoile est née de George Cukor et encore Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly auxquels The Artist, de par son sujet, fait évidemment penser. Désormais, parmi ces classiques, il faudra citer The Artist de Michel Hazanavicius. Ses précédents films étaient d'ailleurs déjà des hommages au cinéma. On se souvient ainsi des références à Sueurs froides ou La Mort aux trousses d'Hitchcock dans OSS 117 : Rio ne répond plus.

    Hazanavicius joue ainsi constamment et doublement la mise en abyme : un film muet en noir et blanc qui nous parle du cinéma muet en noir et blanc mais aussi qui est un écho à une autre révolution que connaît alors le cinéma, celle du Numérique.

    Le mot jubilatoire semble avoir été inventé pour ce film, constamment réjouissant, vous faisant passer du rire aux larmes, ou parfois vous faisant rire et pleurer en même temps. Le scénario et la réalisation y sont pour beaucoup mais aussi la photographie (formidable travail du chef opérateur Guillaume Schiffman qui, par des nuances de gris, traduit les états d’âme de Georges Valentin), la musique envoûtante (signée Ludovic Bource, qui porte l’émotion à son paroxysme, avec quelques emprunts assumés là aussi, notamment à Bernard Herrmann) et évidemment les acteurs au premier rang desquels Jean Dujardin qui méritait amplement son prix d’interprétation cannois.

    Flamboyant puis sombre et poignant, parfois les trois en même temps, il fait passer dans son regard une foule d’émotions, de la fierté aux regrets,  de l’orgueil à la tendresse, de la gaieté à la cruelle amertume de la déchéance.  Il faut sans doute beaucoup de sensibilité, de recul, de lucidité et évidemment de travail et de talent pour parvenir à autant de nuances dans un même personnage (sans compter qu’il incarne aussi George Valentin à l’écran, un George Valentin volubile, excessif, démontrant le pathétique et non moins émouvant enthousiasme d’un monde qui se meurt). Il avait déjà prouvé dans Un balcon sur la mer de Nicole Garcia qu’il pouvait nous faire pleurer.  Il confirme ici l’impressionnant éclectisme de sa palette de jeu et d'expressions de son visage.

     Une des plus belles et significatives scènes est sans doute celle où il croise Peppy Miller dans un escalier, le jour  du Krach de 1929. Elle monte, lui descend. A l’image de leurs carrières. Lui masque son désarroi. Elle, sa conscience de celui-ci, sans pour autant dissimuler son enthousiasme lié à sa propre réussite. Dujardin y est d’une fierté, d’une mélancolie, et d’une gaieté feinte bouleversantes, comme à bien d’autres moments du film. Bérénice Béjo ne démérite pas non plus dans ce nouveau rôle de « meilleur espoir féminin » à la personnalité étincelante et généreuse, malgré un bref sursaut de vanité de son personnage. Il ne faudrait pas non plus oublier les comédiens anglo-saxons : John Goodman, Malcolm McDowell et John Cromwell (formidablement touchant dans le rôle du fidèle Clifton).

    Il y eut bien quelques cyniques pour dire que ce mélodrame  est plein de bons sentiments, mais Hazanicius assume justement ce mélodrame. The Artist est en effet aussi une très belle histoire d’amour simple et émouvante, entre Peppy et Georges mais aussi entre Georges et son cabot-in Uggy : leur duo donne lieu à des scènes tantôt drôles, tantôt poétiques, tantôt touchantes, et là encore parfois au trois en même temps. Hommage aussi à ce pouvoir magique du cinéma que de susciter des émotions si diverses et parfois contradictoires.

    Michel Hazanavicius  évite tous les écueils et signe là un hommage au cinéma, à sa magie étincelante, à son histoire, mais aussi et avant tout aux artistes, à leur orgueil doublé de solitude, parfois destructrice. Des artistes qu’il sublime, mais dont il montre aussi les troublantes fêlures et la noble fragilité.

    Ce film m’a éblouie, amusée, émue. Parce qu’il convoque de nombreux souvenirs de cinéma. Parce qu’il est une déclaration d’amour follement belle au cinéma. Parce qu’il ressemble à tant de films du passé et à aucun autre film contemporain. Parce qu’il m’a fait ressentir cette même émotion que ces films des années 20 et 30 auxquels il rend un vibrant hommage. Parce que la réalisation est étonnamment inspirée (dans les deux sens du terme d’ailleurs puisque, en conférence de presse, Michel Hazanavicius a revendiqué son inspiration et même avoir « volé » certains cinéastes). Parce qu’il est burlesque, inventif, malin, poétique, et touchant.  Parce qu’il montre les artistes dans leurs belles et poignantes contradictions et fêlures.

    Il ne se rapproche d’aucun autre film primé jusqu’à présent à Cannes…et en sélectionnant cet hymne au cinéma en compétition puis en le  primant,  le Festival de  Cannes a prouvé qu’il était avant tout le festival qui aime le cinéma, tous les cinémas, loin de la caricature d’une compétition de films d’auteurs représentant toujours le même petit cercle d’habitués dans laquelle on tend parfois à l’enfermer.

     Un film à ne manquer sous aucun prétexte si, comme moi, vous aimez passionnément et même à la folie, le cinéma. Rarement un film aura aussi bien su en concentrer la beauté simple et magique, poignante et foudroyante. Oui, foudroyante comme la découverte  de ce plaisir immense et intense que connaissent les amoureux du cinéma lorsqu’ils voient un film pour la première fois, et découvrent son pouvoir d’une magie ineffable, omniprésente ici.

    Gran Torino de Clint Eastwood - Critique

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    Walt Kowalski ( oui, Kowalski comme Marlon Brando dans Un tramway nommé désir), Walt Kowalski (Clint Eastwood) donc, ancien vétéran de la guerre de Corée et retraité de l’usine Ford de Détroit, a tout pour plaire : misanthrope, raciste, aigri, violent, cynique, irascible, intolérant. Et  très seul. D’autant plus que lorsque débute l’intrigue, il enterre sa femme méprisant autant ses enfants et petits-enfants que ceux-ci le dédaignent.  Enfin, seul… ou presque : il est toujours accompagné de la fidèle Daisy, son labrador,  de son fusil, de sa voiture de collection, une splendide Gran Torino qu’il ne se lasse pas d’admirer depuis la terrasse de son pavillon de Détroit,  de ses bières et ses douloureux souvenirs. La dernière volonté de sa femme était qu’il aille se confesser mais Walt ne fait confiance à personne ni à un prêtre (Christopher Carley) qui va le poursuivra inlassablement pour réveiller sa bonne (ou mauvaise) conscience pour susciter sa confession, ni à sa famille et encore moins ses voisins, des immigrants asiatiques qu’il méprise et qui lui rappellent de cruelles blessures. Jusqu’au jour où, sous la pression d’un gang, un adolescent Hmong, le fils de ses voisins,  le jeune, timide -et lui aussi solitaire et incompris- Thao (Bee Vang),  tente de lui voler sa voiture, ce à quoi il tient le plus au monde. Et lorsque le gang s’attaque à Thao,  Walt s’attaque au gang non pas pour le défendre mais pour les chasser de son jardin.  Sur ce malentendu, ayant ainsi défendu Thao, malgré lui, il devient ainsi le héros du quartier. Sue (Ahney Her), la sœur aînée de Thao, insiste pour que ce dernier se rachète en travaillant pour Walt. Ce dernier va alors lui confier des travaux d’intérêt général. Et peu à peu,  en apprenant à se comprendre, le timide adolescent aux prémisses de son existence, et le misanthrope, aux dernières lueurs de la sienne, vont révéler un nouveau visage, et emprunter une nouvelle route…

    Gran Torino est un film multiple et fait partie de ces films, rares, qui  ne cherchent pas l’esbroufe et à vous en mettre plein la vue mais de ces films qui vous enserrent subrepticement dans leur univers pour vous asséner le coup de grâce au moment où vous y attendiez le moins, ou plutôt alors que vous vous y attendiez. Mais pas de cette manière. Oui la grâce. Coup de grâce dans tous les sens du terme.

    Multiple parce qu’il est aussi drôle que touchant, passant parfois de l’humour à l’émotion, du comique au tragique  en un quart de seconde, dans une même scène. La scène où son fils et sa belle-fille viennent fêter son anniversaire est à la fois redoutablement triste et drôle.

    Multiple parce qu’il réunit tous les clichés du film manichéen pour subtilement et mieux s’en départir. Et après le justement très manichéen et excessivement mélodramatique L’Echange on pouvait redouter le pire, surtout que ce sujet pouvait donner lieu aux pires excès.

    Multiple parce que derrière cette histoire de vétéran de la guerre de Corée, c’est aussi celle d’un mythe du cinéma américain qui fait preuve d’autodérision, répondant à ses détracteurs, exagérant toutes les tares qui lui ont été attribuées et les faisant une à une voler en éclats mais créant aussi un personnage, sorte de condensé de tous ceux qu’il a précédemment interprétés. Souvent des hommes en marge, solitaires, sortes de cowboys intemporels. Et ce Kowalski  ressemble  un peu à l’entraîneur de  Million Dollar Baby, lui aussi fâché avec sa famille et la religion. Mais aussi à l’inspecteur Harry. Ou même au Robert Kincaid de Sur la route de Madison dont il semble pourtant de prime abord être aux antipodes.

    Multiple parce que c’est à la fois un film réaliste (les acteurs Hmong sont non professionnels, Gran Torino est ainsi le premier scénario de Nick Schenk –coécrit avec Dave Johannson- qui a travaillé longtemps dans des usines au milieu d’ouvriers Hmong, peuple d’Asie répartie dans plusieurs pays  avec sa propre culture,  religion, langue) et utopique dans son sublime dénouement. C’est aussi  à la fois un thriller, une comédie, un film intimiste, un drame, un portrait social, et même un western.

    Evidemment nous sommes dans un film de Clint Eastwood. Dans un film américain. Evidemment nous nous doutons que cet homme antipathique va racheter ses fautes, que la Gran Torino en sera l’emblème, qu'il ne pourra rester insensible à cet enfant, à la fois son double et son opposé, sa mauvaise conscience (lui rappelant ses mauvais souvenirs et ses pires forfaits) et sa bonne conscience (lui permettant de se racheter, et réciproquement d'ailleurs),  que la morale sera sauve et qu’il finira par nous séduire. Malgré tout. Mais c’est là tout l’immense talent de Clint Eastwood : nous surprendre, saisir, bouleverser avec ce qui est attendu et prévisible, faire un film d’une richesse inouïe à partir d’une histoire qui aurait pu se révéler mince, univoque et classique, voire simpliste.  D’abord, par une scène de confession qui aurait pu être celle d’un homme face à un prêtre dans une Eglise, scène qui aurait alors été convenue et moralisatrice. Une scène qui n’est qu’un leurre pour que lui succède la véritable scène de confession, derrière d’autres grilles. A un jeune garçon qui pourrait être le fantôme de son passé et sera aussi le symbole de sa rédemption.  Scène déchirante, à la fois attendue et surprenante. Ensuite et surtout,  avec cette fin qui, en quelques plans, nous parle de transmission, de remords, de vie et de mort, de filiation, de rédemption, de non violence, du sens de la vie. Cette fin sublimée par la photographie crépusculaire de Tom Stern (dont c’est la septième collaboration avec Clint Eastwood, cette photographie incomparable qui, en un plan, vous fait entrevoir la beauté évanescente d'un instant ou la terreur d'un autre) qui illumine tout le film, ou l’obscurcit majestueusement aussi, et par la musique de Kyle Eastwood  d’une douceur envoûtante  nous assénant le coup fatal.

    Vous quitterez ce film encore éblouis par sa drôlerie désenchantée,  à la fois terrassés et portés par sa sagesse, sa beauté douloureuse, sa lucidité, sa mélancolie crépusculaire, entre ombre et lumière, noirceur et espoir, mal et rédemption, vie et mort, premières et dernières lueurs de l'existence. Le tout servi par une réalisation irréprochable et par un acteur au sommet de son art qui réconciliera les amateurs de l’inspecteur Harry et les inconditionnels de Sur la route de Madison et même ceux qui, comme moi, avaient trouvé Million dollar baby et L’Echange  démesurément grandiloquents et mélodramatiques. Si, les premières minutes ou même la première heure vous laissent vous aussi parfois sceptiques, attendez…attendez que ce film ait joué sa dernière note, dévoilé sa dernière carte qui éclaireront l’ensemble et qui  font de ce film un hymne à la tolérance, la non violence (oui, finalement) et à la vie qui peut rebondir et prendre un autre sens (et même prendre sens!) à chaque instant.   Même l'ultime. Même pour un homme seul, irascible, cynique et condamné à mort et a priori à la solitude. Même pour un enfant seul, timide, a priori condamné à  une vie terne et violente. 

    Un film qui confirme le talent d’un immense artiste capable de tout jouer et réaliser et d’un homme capable de livrer une confession, de faire se répondre et confondre subtilement cinéma et réalité, son personnage et sa vérité, pour nous livrer un visage à nu et déchirant. Une démonstration implacable. Un film irrésistible et poignant.  Une belle leçon d’espoir, de vie, d’humilité. Et de cinéma…

    Ma vision romanesque du festival

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    En attendant de pouvoir vous parler de mon nouveau roman qui a en grande partie le festival pour cadre, je vous invite également à écouter ma nouvelle qui se déroule intégralement au Festival de La Baule, Un Certain 14 novembre, publiée dans le recueil de 16 nouvelles sur le cinéma Les illusions parallèles (Editions du 38 - 2016) que j'avais eu le plaisir de dédicacer au festival, une nouvelle enregistrée dans mon podcast In the mood for cinema, composé de 13 fictions littéraires, la plupart lauréates de concours d'écriture. A écouter ici sur Spotify mais aussi sur Deezer, Amazon Music, Google podcasts...

    Pour en savoir plus sur le festival

    Pour en savoir plus sur le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule , rendez-vous aussi sur le site officiel du festival, ainsi que sur le compte Instagram du festival (@festivallabaule).

    Mes bonnes adresses

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    Retrouvez mes articles sur mes bonnes adresses bauloises, le Castel Marie-Louise, L'hôtel Barrière L'Hermitage et l' Hôtel Royal Thalasso Barrière.

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  • Critique de MAESTRO(S) de Bruno Chiche

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    La scène d’ouverture présente Denis Dumar (Yvan Attal), chef d’orchestre, recevant une Victoire de la Musique Classique, et remerciant son entourage : son ex-femme et agent Jeanne (Pascale Arbillot), son fils Mathieu (Nils Othenin-Girard), sa mère Hélène (Miou-Miou), sa compagne Virginie (Caroline Anglade) - dont quelques plans nous suffisent à comprendre le rôle qu’elle joue dans sa vie - et son père, François (Pierre Arditi), également chef d’orchestre, absent, qui ne daignera même pas lui adresser un message de félicitations, préférant rester chez lui à écouter une musique mélancolique entouré de ses souvenirs. Cette scène initiale présente avec habileté Denis Dumar (qui demande à être sifflé plutôt qu'applaudi, ce qui n’est pas anodin sur ce que cela dit de l’image qu’il a de lui-même même s’il s’agit d’une boutade) et son entourage. Voilà le décor planté et les personnages caractérisés.

    Quand le père de Denis, François Dumar, apprend qu’il a été choisi pour diriger la Scala, son rêve ultime, il est fou de joie, transfiguré. Il revit et demande sa femme (avec qui il vit depuis 50 ans) en mariage. Heureux pour son père, et en même temps envieux, Denis déchante vite lorsqu’il découvre qu’il y a méprise et que c’est en réalité lui qui est attendu à Milan…

    Maestro(s) est une libre adaptation du film de Joseph Cedar, Footnote, sorti en 2011, dans lequel le père et le fils n’étaient pas chefs d’orchestre mais deux chercheurs universitaires travaillant sur la Torah. Bruno Chiche a eu la bonne idée (aidée au scénario de Yaël Langmann et Clément Peny) de transposer cette histoire dans le domaine de la musique classique.

    Si, comme moi, vous aimez la musique classique, alors ce film devrait vous enchanter. Et dans le cas contraire, il devrait vous donner envie dès la salle quittée d’écouter Antonín Dvorák, la 9ème de Beethoven, Laudate dominum de Mozart, la Sérénade de Schubert mais aussi Brahms et Rachmaninov qui parcourent le film tout en contribuant à faire évoluer l’intrigue. Les morceaux épousent les humeurs des personnages, reflétant par exemple tour à tour la mélancolie et la colère lorsqu’il s’agit de François. A cela s’ajoute une BO originale avec des notes beaucoup plus contemporaines signées Florencia Di Concilio. Le film fut ainsi présenté en avant-première dans le cadre du dernier Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule.

    L’autre atout de ce long-métrage, c’est sa distribution parfaite, en particulier son duo principal Arditi/Attal dont le face à face, lors duquel le premier est aussi bavard, volubile, remuant et vindicatif que le second est muet, statique et estomaqué, est particulièrement intense et justifie aussi le déplacement pour ce film avec lequel une certaine critique a été injustement sévère. Mais il faut aussi compter sur Miou-Miou, Caroline Anglade, et Pascale Arbillot dont je trouve qu’elle est encore trop rare dans des premiers rôles pour l’étendue de son talent. A noter aussi la découverte Nils Othenin-Girard, qui interprète le fils rêveur de Denis avec beaucoup de naturel. Comment trouver sa place (a fortiori dans la lumière) sans rester dans l’ombre des proches qui nous entourent ? Finalement, chacun des personnages devra répondre à cette question. Au dilemme et à l’interprétation plus intériorisée de Denis font face l’exubérance et la faconde de François. Un combat avec soi-même que chacun des deux devra affronter pour trouver sa mélodie du bonheur. Ce fut une excellente idée que d’avoir réunis Attal et Arditi pour  interpréter ce duo père/fils alors que le premier avait dirigé le second dans le mésestimé et pourtant palpitant film Les choses humaines, instantané brillant et nuancé de notre société qui en dresse un tableau passionnant mais effrayant, celui de mondes qui se côtoient sans se comprendre.

    Les plans séquences et la caméra particulièrement mobile du chef-opérateur Denis Rouden permettent d’éviter l’écueil du classicisme de cette histoire d’amour filial (et pas que) finalement plus tendre que cruelle portée par une pléiade de comédiens talentueux, un scénario sensible et surtout une musique qui suffisent (mais c'est déjà beaucoup) à provoquer l’émotion.

    « La musique souvent me prend comme une mer » écrivait Baudelaire. Alors laissez-vous emporter, bercer, et embarquer dans ce voyage mélodieux. Cette inestimable émotion-là vaut bien le déplacement, non ?

  • Critique de ENNIO de Giuseppe Tornatore

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    Ennio ne passe déjà plus que dans quelques salles malgré ses 2H36 absolument captivantes ! Ne soyez pas rebutés par la durée. Je vous assure que vous en ressortirez en vous disant que c'était trop court. Dans mon compte-rendu du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2022, je vous avais déjà parlé de ce documentaire qui y fut présenté en avant-première après l’avoir été à la Mostra de Venise 2021. J’espère, par ces mots ,vous convaincre de partir pour ce périple savoureux dans la carrière et la vie de Morricone mais aussi dans l’histoire du cinéma qu’il a tant marquée de son empreinte. Un documentaire absolument incontournable qui retrace le parcours du compositeur né en 1928 à Rome et qui, à l’âge de 8 ans, rêvait de devenir médecin. Son père en décide autrement : il sera trompettiste, comme lui.

    Quelle émotion de réentendre toutes ses musiques et de voir ces extraits de films qu’elles ont sublimés. Le film contient nombre de moments d'anthologie : le tournage d’Il était une fois en Amérique lors duquel De Niro joue sur un plateau inondé de musique, lorsque l’on découvre comment les lettres de Bach se dissimulent derrière la musique du Clan des Siciliens, comment il a orchestré instruments et influences pour créer la bande originale de Mission. On découvre comment il va user d’audaces dans ses partitions et arrangements pour créer des sonorités inédites.

    Ennio Morricone ne sera pourtant récompensé d’un Oscar qu’en 2016 (à 87 ans !) pour les Huit salopards de Quentin Tarantino, même si, en 2007, lui avait été décerné un Oscar pour l’ensemble de sa carrière. Il regrette de n’avoir jamais travaillé avec Kubrick, qui était pourtant si mélomane.

    Tornatore lui rend le plus beau des hommages en mettant en valeur l’incroyable  richesse et diversité de sa carrière. Celle-ci ne se réduit en effet pas aux musiques de son camarade d’école Leone (aussi majestueuses et inoubliables soient-elles) mais on y trouve aussi des BO des films de  : Henri Verneuil, John Boorman, Terrence Malick, Bertolucci,Lautner, Deray, Friedkin, De Palma, Joffé, Almodovar, Carion, Tarantino et tant d'autres.

    Sa première composition pour Tornatore fut pour Cinema Paradiso en 1988 (ma critique en bonus en bas de cet article), qui remporta alors l’Oscar du Meilleur film en langue étrangère et le Grand Prix au 42ème Festival de Cannes. Pour ce film, Morricone reçut le BAFTA de la Meilleure musique originale, avec son fils, Andrea, co-compositeur. Il a aussi signé la musique de neuf autres films de Tornatore. Quelques notes suffisent pour identifier la musique de celui qui a signé plus de 500 bandes originales. 

    Le documentaire nous permet d’entrer dans l’âme et les secrets du créateur par le truchement d’une longue interview de Giuseppe Tornatore et de nombreux témoignages qui auront nécessité 5 années de travail parmi lesquels ceux de Bernardo Bertolucci, Guiliano Montaldo, Marco Bellocchio, Dario Argento, les frères Taviani, Luca Verdone, Barry Levinson, Roland Joffé, Clint Eastwood, Oliver Stone, Quentin Tarantino Wong Kar Wai, Hans Zimmer, Bruce Springsteen.

    Tornatore, qui a travaillé 25 ans avec Ennio Morricone, sonde les mystères de la création, de sa passion pour les échecs à sa volonté constante d’expérimenter. Plus qu’un film, Ennio se regarde comme un spectacle constitué d’extraits des films, d’images d’archives, de concerts. Ces entretiens sont entrecoupés de fragments de vie privée de Morricone, des captations de ses tournées, des extraits de films, d’entretiens d’amis et de collaborateurs, et d’archives inédites sur une carrière qui s’étend sur plus de 70 ans. Morricone a inspiré de nombreux musiciens, des compositeurs de bandes originales de films aux groupes de rock, de Hans Zimmer, John Williams, Dire Straits à Muse, Metallica et Radiohead.

     Tornatore rend hommage à son incroyable audace, inventivité et originalité comme lorsqu’il mêle les instruments électriques aux instruments des orchestres symphoniques ou en ajoutant des sonorités bruitistes ou des  voix humaines. On en ressort en ayant envie d’écouter encore et encore ses musiques, de revoir les films pour lesquels il les a composées, de les redécouvrir différemment, et de regarder ceux à côté desquels nous serions passés parmi les...500 dont il a signé la BO. Bruce Springsteen évoque la « très très grande émotion » que procure sa musique, ce que nous procure aussi ce documentaire dont on ressort étourdi de musiques et de beauté, indissociable d'un certain mystère, celui de la création, celui d'une quête insatiable aussi. Un mystère qui demeure, et c'est tant mieux.

     

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    BONUS - Critique de CINEMA PARADISO de Giueseppe Tornatore

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    Je n’avais pas revu ce film depuis mon enfance. Simplement me souvenais-je de ce lieu suintant de vie et de chaleur, au cœur de la Sicile, où se trouve le Cinema Paradiso, du lien si touchant entre Toto et d’Alfredo, de ces extraits de films qui transpirent la passion du cinéma. Et qu’il m’avait bouleversée.  Avec le recul des années, l’émotion fut encore plus forte. Les thèmes évoqués ont pris une tout autre résonance parce que ce que l’enfance laissait deviner, l’âge adulte a permis de l’expérimenter. La nostalgie. La mélancolie. L’écoulement du temps qui emporte tout, même les êtres chers. Mais c’est aussi tout ce que le cinéma, par son pouvoir magique, peut rendre éternel. Et tout ce que ce même temps dévoreur n’emporte pas : les rêves. Parce que Cinéma Paradiso est avant tout cela, une déclaration d’amour fou au cinéma. A sa capacité à procurer à tout ce qui est éphémère des accents d’éternité. Le cinéma, dans ce film, est plus que jamais une fenêtre ouverte sur les rêves, ceux qui bercent d’illusions réconfortantes. Comme celles de cette histoire qu’Alfredo raconte à Toto, cet homme qui promet d’attendre la femme qu’il aime sous sa fenêtre 100 nuits et qui renonce à la 99ème. Comme le dit Alfredo, « La vie, c'est pas ce que tu as vu au cinéma. La vie c'est plus difficile que ça. » Oui, mais il y a le cinéma pour l’adoucir, l’éclairer, en sublimer les sentiments et transcender les émotions. Pour rêver d’une autre vie, pour s’identifier à d’autres destins, ceux projetés sur l’écran. Et pour croire à l'impossible, envers et contre tout.

    Sunset Boulevard de Billy Wilder. Eve et La Comtesse aux pieds nus de Mankiewicz. Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly. Les Ensorcelés de Minelli. The Artist d’Hazanavicius, La La Land de Damien Chazelle. 8 ½ de Fellini. Les grands films sur le cinéma ne manquent pas. Cinéma Paradiso ne dénote bien sûr pas dans cette liste. Je vous parle aujourd’hui de la version director’s cut de 2H35 dont la dernière partie évoque l’amour de jeunesse de Toto (incarné alors par Brigitte Fossey, coupée dans les autres versions.) La version originale de 173 minutes avait en effet été classifiée défavorablement lors de sa présentation au comité de censure italien en 1989. Le film fut donc écourté pour sa sortie en salle. En 2002 sortait la version « Director's cut ». Cinema Paradiso eut en effet trois versions différentes. Lors de la sortie initiale en 1988 en Italie, le film durait 2 h 35. Pour le Festival de Cannes 1989, la durée fut ramenée à 2 h 03 par la Miramax. Le film obtint alors le Prix spécial du Jury, puis le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, parmi de nombreuses autres récompenses.

    Un pot de fleurs face à la mer dans un appartement. Le vent qui agite les rideaux. Et la musique de Morricone. Ainsi commence Cinema Paradiso qui, par ce simple plan, déjà, nous ensorcelle par ses parfums de nostalgie. Puis, c’est le coup de fil de la mère de Salvatore qui essaie de le joindre depuis la Sicile. Il ne répond pas. « Il est trop occupé. Il y a bien 30 ans qu'il ne vient plus nous voir …» remarque la sœur de ce dernier. « Il se souviendra. Il se souviendra, j'en suis sûre… » rétorque sa mère. Sa compagne du moment transmet le message à Salvatore. Le message suivant :  « Un certain Alfredo est mort. Demain, c'est son enterrement. »

    Avec la mort d’Alfredo, incarné par Philippe Noiret, pour Salvatore di Vitta (Jacques Perrin), cinéaste reconnu, c'est tout un pan du passé qui s'écroule et qui, subitement, rejaillit dans sa vie. On l’appelait Toto a l'époque. Il partageait son temps libre entre l'office où il était enfant de chœur et la salle de cinéma paroissiale, en particulier la cabine de projection où régnait Alfredo.

    Les souvenirs de Salvatore nous ramènent alors en 1954. Dans un village de Sicile, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Toto, petit garçon facétieux et malin, fou de cinéma, orphelin d’un père qui "ressemblait à Clark Gable", passe son temps à perturber le projectionniste de la salle paroissiale, le Paradiso, avant de devenir son ami, et même son assistant et remplaçant dans la cabine de projection. Alfredo était aussi employé par la paroisse pour couper les scènes trop osées ou en tout cas considérées comme telles à l’époque, quand ne serait-ce qu’un simple baiser constituait déjà une atteinte à la pudeur.  L'histoire de cette salle de cinéma, véritable personnage du film, se confond alors avec celle de Salvatore.

    Une véritable amitié se noue entre le petit garçon turbulent et le vieux bougon autour de leur passion commune pour le cinéma. Le premier va s’assagir et le second va s’adoucir et dévoiler toute sa générosité et tendresse devenant le père de substitution du petit garnement. Lors d’un immense incendie qui ravage le cinéma, Toto sauve Alfredo des flammes. « Comment je fais moi si t’es pas là… » dira ainsi Alfredo, bouleversé et bouleversant.  Alfredo devenu aveugle, Toto le remplace puis le seconde dans ce qui est devenu le Nuovo Cinema Paradiso, reconstruit par un riche mécène.  Toto croise alors Elena, fille d’une famille bourgeoise. Il en tombe fou amoureux et après de nombreux efforts, malgré l’opposition de sa famille, son amour se révèle réciproque.

    Alfredo demande ensuite à Toto de partir de leur village sicilien et de ne jamais revenir. « Va-t-en retourne à Rome. Je ne veux plus t'entendre parler. Je veux juste entendre parler de toi. Ne reviens plus. Ne te laisse pas envahir par la nostalgie. Et si tu ne résistes pas ne viens pas me voir. Je ne te laisserai pas entrer. Quel que soit le métier que tu choisiras, aime-le comme tu as aimé la cabine du Paradiso quand tu étais petit. » Il partira alors pour Rome et y restera 30 ans sans revenir, sans avoir revu Elena qu’il avait attendue et cherché en vain. Le destin, un concours de circonstances et Alfredo les auront séparés.  Quand il revient pour les obsèques d’Alfredo, il se remémore alors son passé et cet amour qu’il n’a jamais oublié…et qu’il croit reconnaître. « Après toutes ces années, je croyais que j'étais devenu plus fort et que j'avais oublié des tas de choses mais en fait je retrouve tout comme avant comme si je n'étais jamais parti. »

    Le cinéma a fermé ses portes, et va être dynamité pour devenir un parking. L’histoire de Cinema Paradiso est aussi celle de l’histoire de la salle de cinéma, ce paradis anéanti par de nouvelles habitudes et de nouveaux loisirs, et par la télévision. C’est la fin d’une époque, celle où il n’y avait pas de télévision chez soi, quand le cinéma concentrait tous les désirs, toute la fièvre d'un village, celle d’un cinéma fédérateur, véritable temple, avant la désaffection des salles dans les années 80.

    Après la mort d'Alfredo, Salvatore récupérera un cadeau rempli d’amour(s) :  toutes les séquences interdites qu’Alfred a soigneusement collées les unes après les autres « Le feu se termine toujours en cendres. Même les plus grandes histoires d'amour se terminent. Et après, il y en a d'autres qui naissent. Tandis que Toto n'a qu'un seul avenir devant lui. » avait dit Alfredo à Elena. La vie et les amours périclitent. Mais le cinéma les rend éternels...

    Que serait ce film sans sa magnifique distribution ? Salvatore Cascio puis Marco Leonardi qui incarnèrent Toto enfant puis adolescent. Mais surtout Jacques Perrin qui apparaît peu à l’écran mais dont la présence puissante et lumineuse procure toute sa force mélancolique au film. Que d’expressions sur son visage  ! La bonté, la nostalgie, l’amour, et l’enfance qui semble toujours là, si prégnante, et qui illumine son visage d'une douce innocence. Comment ne pas fondre quand il dit « Mais je ne t'ai jamais oubliée Elena » ? D’ailleurs, je me demande si le choix de ce prénom dans le scénario de Giuseppe Tornatore n’était pas un hommage au Dernier métro de Truffaut. J'ai alors pensé à cette réplique du film de Truffaut :

     Est-ce que l'amour fait mal?

    - Oui, ça fait mal. [...] Tu es belle, Héléna. Quand je te regarde, c'est une souffrance.

    - Hier, vous disiez que c'était une joie.

    - C'est une joie et une souffrance.

    L'inoubliable musique d’Ennio Morricone vient renforcer toute la poésie mélancolique qui se dégage du film et du visage de Jacques Perrin. De ce "rêve merveilleux" comme Elena qualifiera son histoire d'amour avec Salvatore. Un rêve merveilleux, comme l'est le cinéma...Cinema Paradiso, c'est le récit nostalgique d'une époque révolue. Une ode au rêve. A la puissance du cinéma à laquelle le film par ses nombreux extraits de classiques rend le plus beau des hommages. Mais aussi par ce dernier plan sur le visage de Jacques Perrin qui, par le pouvoir magique du 7ème art, retrouve les émotions de son enfance et le message d'amour que lui envoie Alfredo, par-delà la mort. Un parfum d'éternité. Le cinéma est décidément un paradis. Celui des vivants. Peut-il y avoir plus belle invention que celle qui nous permet d' accéder vivants à ce paradis ? Comment ne pas aimer un film dont toute l'histoire traduit ainsi la magie du cinéma ?

    Je vous laisse reconnaître les nombreux films dont figurent des extraits : L’Ange bleu de Josef von Sternberg, Les Lumières de la ville et Les Temps modernes et La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin,  Autant en emporte le vent de Victor Fleming , Casablanca de Michael Curtiz , Gilda de Charles Vidor, La chevauchée fantastique de John Ford, Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton…et beaucoup d’autres. Un voyage dans l’histoire du cinéma, un édifice impressionnant auquel ce film s’ajoute. Tout aussi incontournable !

  • Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2022 : programme complet détaillé

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    Hier soir, au Palais des Congrès Atlantia de La Baule, était présenté le programme complet du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2022. Laissez-moi vous présenter ce festival que j'ai le plaisir de suivre depuis ses débuts et vous détailler sa singularité enchanteresse, ainsi que le programme  de cette 8ème édition.

    Selon Stendhal, « La bonne musique ne se trompe pas, et va droit au fond de l'âme chercher le chagrin qui nous dévore. » Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles ce festival dont ce sera (déjà !) la huitième édition, est-il aussi joyeusement consolateur ? Qu'elle aille chercher le chagrin qui nous dévore, la joie qui nous enflamme, l'illusion qui nous transporte, le secret qui nous tourmente, le rêve qui nous égare, le regret qui nous étreint, la peur qui nous tenaille, ou la passion qui nous élève...la musique cristallise toutes nos émotions, et en particulier la musique de film que met chaque année à l'honneur le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule qui, à l'image de son affiche 2022 (de l'artiste franco-Argentine Carolina Spielmann), enlace avec passion musique et cinéma, et nous embarque dans un joyeux tourbillon. Une affiche par ailleurs jaune et bleue, aux couleurs du drapeau de l'Ukraine à laquelle le festival témoigne ainsi de sa solidarité. Un festival donc également engagé puisqu'il présente aussi l'atout d'être un "green festival" comme je vous l'explique plus bas.

    Au programme de l'édition 2022 de ce festival à la fois populaire et exigeant, ouvert à tous et proposant une programmation diversifiée, idéale pour débuter l'été : 35 projections dont 5 long-métrages hors compétition que devra départager le jury présidé par Alexandre Astier, 6 courts-métrages en compétition, des films pour le jeune public, 4 master class, des documentaires musicaux, des films classiques dans le cadre de l’hommage à Alexandre Desplat, invité d’honneur de cette édition qui donnera un concert exceptionnel, mais aussi dans le cadre de l’hommage à Ennio Morricone et Jacques Perrin avec un ciné-plage consacré à Cinema Paradiso, le film de Giuseppe Tornatore dont vous pourrez retrouver également ma critique ci-dessous, et une exposition. Retrouvez, plus bas dans cet article, le détail de ce programme. 

    Le Festival du Cinéma et Musique de Film La Baule est ainsi un évènement unique et rare tant par la qualité des films projetés, la symbiose entre cinéma et musique que la convivialité qui y règne. Le tout dans le cadre majestueux de la Baie de La Baule qui sert d’écrin à ce festival qui, en 8 ans, a réussi à s’imposer comme un évènement cinématographique et musical incontournable avec, à son générique, des films majeurs, mais aussi des concerts marquants des plus grands compositeurs de musiques de films à l’image de ce que sera sans aucun doute celui de cette année.

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    L’an passé, les organisateurs de ce festival (créé et dirigé par Sam Bobino, notamment fondateur des Paris Film Critics Awards dont je vous parle, ici-  et le cinéaste Christophe Barratier) avaient eu la judicieuse idée d’inaugurer une nouvelle formule mettant l’accent sur le cinéma français.  Le festival devient ainsi une fenêtre d’exposition pour les films qui sortent pendant l’été, une idée lumineuse quand certains films à l’affiche en juillet-août ne bénéficient pas de la visibilité qu’ils mériteraient. Une mise en exergue d'autant plus nécessaire alors que le cinéma a plus que jamais besoin d’être défendu et soutenu en cette année où les entrées dans les salles fléchissent dramatiquement.

    Pour symboliser ses nouvelles dates, durant l’été, le Festival a opté cette année pour une affiche très différente de celles des années précédentes. "Les organisateurs ont fait appel, pour cela, à l’artiste Carolina Spielmann qui propose ici un visuel à la fois volontairement vintage et moderne (dans l’esprit de la Ville de La Baule, très attachée à son histoire et continuellement tournée vers l’avenir) et qui souligne aussi ce nouveau positionnement estival. Inspirée par la baie de La Baule et ses jolies tentes rayées bleu et blanc, l’artiste a souhaité combiner la tradition et la modernité avec cette baigneuse vintage et moderne à la fois. Cette baigneuse rigolote, qui enlace dans ses bras, avec passion, la musique et le cinéma, les deux thèmes du Festival. Sa bouche en forme de cœur exprime autant l’amour pour le cinéma que pour la musique, comme pour la Ville de La Baule et pour cette belle région Loire-Atlantique. Le jaune solaire nous invite à découvrir et à voyager dans cette région lumineuse et passionnée".

    Vladimir Cosma La Baule.jpg

    De ces sept années de ce passionnant festival s'entremêlent mes souvenirs et émotions, de vie et de cinéma. Comment oublier ce 13 novembre 2015 ? Comment ne pas penser au concert de Michel Legrand qui avait eu lieu le lendemain, ce fameux 14 novembre 2015 donc, concert lors duquel Michel Legrand, alors comme toute l’assistance bouleversé par l’ignominie impensable qui avait eu lieu la veille, avait débuté son concert par un morceau improvisé et deux mesures de La Marseillaise ? 

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    Les émotions sont aussi celles  procurées par tant de films découverts dans le cadre de ce festival aussi, souvent les meilleurs de l’année parmi lesquels Paterson, À peine j’ouvre les yeux, Tanna, Le Prophète, Demain tout commence, Born to be blue, Jalouse, L’attente, Mr. Turner, Carole Matthieu, Tout nous sépare, Guy, La tortue rouge, Les hirondelles de Kaboul et, rien que pour l’année 2019, en compétition, sans doute les meilleurs films de l’année (Les Éblouis, J’ai perdu mon corps, La Belle époque, La dernière vie de Simon, La nuit venue, Lola vers la mer)…et tant d’autres et aussi de nombreux documentaires comme Abdel Rahman El Bacha - Un piano entre Orient et Occident, ou encore des courts-métrages. Sans oublier des masterclasses et le concert mémorable de Francis Lai ou l’inoubliable concert de Vladimir Cosma. Ou encore celui de Philippe Sarde l’an passé.

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     « La musique, c’est du rêve » selon le personnage incarné par Daniel Auteuil (le si fascinant, si hermétique, si ambigu, si complexe Stéphane) dans le chef-d’œuvre de Claude Sautet, Un cœur en hiver. Alors, prêts à rêver du 29 juin au 3 juillet à La Baule ?

    INVITE D'HONNEUR (ALEXANDRE DESPLAT) ET CONCERT

    Cette huitième édition qui se tiendra du 29 juin au 3 juillet rendra ainsi hommage au compositeur qui sera l’invité d’honneur du festival : Alexandre Desplat qui succède ainsi à Francis Lai, Michel Legrand, Lalo Schifrin, Vladimir Cosma, Eric Serra, Gabriel Yared et Philippe Sarde les années précédentes !

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    Il participera à un concert hommage de clôture, dirigé par la cheffe d’orchestre et violoniste Solrey. Alexandre Desplat, digne héritier des compositeurs français consacrés par Hollywood a déjà écrit les partitions de plus de 200 films et a été célébré par 2 Oscars, 2 Golden  Globes, 3 Césars, 3 Baftas, 2 Grammys...La liste des cinéastes avec lesquels il a collaboré est longue : Terrence Malick, Jacques Audiard, Stephen Frears, Roman Polanski, Wes Anderson, George Clooney, Kathryn Bigelow, David Fincher, Guillermo del Toro et les films Sur mes lèvres, The King’s speech, De battre mon cœur s’est arrêté, The Ghost Writer, Monuments men, Un prophète, The Grand Budapest hotel, The Shape of water, The Curious case of Benjamin Button, Twilight, Godzilla, Harry Potter and the deathly Hallows, The imitation game, Little women, The french dispatch ...

    Ce concert événement, où le compositeur Alexandre Desplat se produira également sur scène comme flûtiste, aura lieu au Palais des Congrès et des Festivals Atlantia de La Baule, le dimanche 03 juillet à 16h30 (infos et réservations : https://billetterie.atlantia-labaule.com ou par téléphone au 02 40 11 51 51).

    JURY

    L’an passé, le jury du festival, alors présidé par François Berléand avait décerné l’Ibis d’or du meilleur film à C’est toi que j’attendais de Stephanie Pillonca tandis qu’ Un triomphe d’Emmanuel Courcol avait été récompensé de 2 Ibis d’Or dont celui de la meilleure musique de film de la sélection. Cette année le jury sera présidé par Alexandre Astier, réalisateur, scénariste et créateur de Kaamelott, mais aussi compositeur de musique de film. Il sera accompagné des actrices Mélanie Doutey, Anne Parillaud, Pascale Arbillot et de l'acteur et réalisateur Pascal Elbé. Ils devront départager les 6 longs-métrages en compétition.

    FILMS D'OUVERTURE ET DE CLÔTURE

    1. Film d'ouverture : Maestro(s) de Bruno Chiche 

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    2. Film de clôture : Menteur d'Olivier Baroux

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    LES 6 LONGS-METRAGES EN COMPETITION

    1. La Petite bande de Pierre Salvadori

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    2. Pétaouchnok de Edouard Deluc

    3. Une comédie romantique de Thibault Segouin

    4. Marianne rêve de Laurianne Escaffre et Yvonnick Muller

    5. Le petit Nicolas (Qu'est-ce qu'on attend pour être heureux ?) d'Amandine Freudon et Benjamin Massoubre

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    5 LONGS-METRAGES HORS COMPETITION

    1. Maestro(s) de Bruno Chiche (film d'ouverture)

    2. Rumba la vie de Franck Dubosc

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    3. Menteur d’Olivier Baroux (Film de clôture)

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    4. Les Minions 2 (Il était une fois Gru) de Kyle Balda

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    5. De l’autre côté du ciel de Yusuke Hirota

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    LONGS-METRAGES « COUPS DE PROJECTEUR »

    1. Flee de Jonas Poher Ramussen

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    2. Ninja baby de Yingvild Sve Flikke

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    3. After Yang de Koganada

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    4. I love Greece de Nafsika Guerry-Karamaounas 

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    LES SCOLAIRES AU FESTIVAL

    Le film d'animation, Le sommet des dieux, sera expliqué en musique et en images par son compositeur Amine Bouhafa.

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    MASTER CLASS ET CONFERENCES

    1. ALEXANDRE DESPLAT et SOLREY

    Dimanche 3 juillet, 14H30. Gulf-Stream

    2.ALEXANDRE ASTIER

    Jeudi 30 juin, 12h. Gulf-Stream

    3.Pierre Salvadori

    Jeudi 30 juin, 15H, Gulf-Stream

    4. Tchéky Karyo

    Vendredi 1er juillet, 16H, Gulf-Stream

    5.RENCONTRES UCMF

    Samedi 2 juillet, 12h00, Gulf-Stream

    Rencontre organisée autour des compositeurs et professionnels de la musique de film présents au festival.

    CINE MA PLAGE

    A (re) découvrir le sur la plage de La Baule le 1er juillet, à 22H30 :

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    CINEMA PARADISO de GIUSEPPE TORNATORE - Critique

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    Cinema Paradiso sera également diffusé sur la plage de La Baule le vendredi 1er juillet. Une idée d’autant plus judicieuse que cette projection sera aussi l’occasion de rendre hommage au grand acteur et producteur qu’était Jacques Perrin à qui le festival avait d’ailleurs attribué un Ibis d’or d’honneur, en 2018.

    Je n’avais pas revu ce film depuis mon enfance. Simplement me souvenais-je de ce lieu suintant de vie et de chaleur, au cœur de la Sicile, où se trouve le Cinema Paradiso, du lien si touchant entre Toto et d’Alfredo, de ces extraits de films qui transpirent la passion du cinéma. Et qu’il m’avait bouleversée.  Avec le recul des années, l’émotion fut encore plus forte. Les thèmes évoqués ont pris une tout autre résonance parce que ce que l’enfance laissait deviner, l’âge adulte a permis de l’expérimenter. La nostalgie. La mélancolie. L’écoulement du temps qui emporte tout, même les êtres chers. Mais c’est aussi tout ce que le cinéma, par son pouvoir magique, peut rendre éternel. Et tout ce que ce même temps dévoreur n’emporte pas : les rêves. Parce que Cinéma Paradiso est avant tout cela, une déclaration d’amour fou au cinéma. A sa capacité à procurer à tout ce qui est éphémère des accents d’éternité. Le cinéma, dans ce film, est plus que jamais une fenêtre ouverte sur les rêves, ceux qui bercent d’illusions réconfortantes. Comme celles de cette histoire qu’Alfredo raconte à Toto, cet homme qui promet d’attendre la femme qu’il aime sous sa fenêtre 100 nuits et qui renonce à la 99ème. Comme le dit Alfredo, « La vie, c'est pas ce que tu as vu au cinéma. La vie c'est plus difficile que ça. » Oui, mais il y a le cinéma pour l’adoucir, l’éclairer, en sublimer les sentiments et transcender les émotions. Pour rêver d’une autre vie, pour s’identifier à d’autres destins, ceux projetés sur l’écran. Et pour croire à l'impossible, envers et contre tout.

    Sunset Boulevard de Billy Wilder. Eve et La Comtesse aux pieds nus de Mankiewicz. Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly. Les Ensorcelés de Minelli. The Artist d’Hazanavicius, La La Land de Damien Chazelle. 8 ½ de Fellini. Les grands films sur le cinéma ne manquent pas. Cinéma Paradiso ne dénote bien sûr pas dans cette liste. Je vous parle aujourd’hui de la version director’s cut de 2H35 dont la dernière partie évoque l’amour de jeunesse de Toto (incarné alors par Brigitte Fossey, coupée dans les autres versions.) La version originale de 173 minutes avait en effet été classifiée défavorablement lors de sa présentation au comité de censure italien en 1989. Le film fut donc écourté pour sa sortie en salle. En 2002 sortait la version « Director's cut ». Cinema Paradiso eut en effet trois versions différentes. Lors de la sortie initiale en 1988 en Italie, le film durait 2 h 35. Pour le Festival de Cannes 1989, la durée fut ramenée à 2 h 03 par la Miramax. Le film obtint alors le Prix spécial du Jury, puis le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, parmi de nombreuses autres récompenses.

    Un pot de fleurs face à la mer dans un appartement. Le vent qui agite les rideaux. Et la musique de Morricone. Ainsi commence Cinema Paradiso qui, par ce simple plan, déjà, nous ensorcelle par ses parfums de nostalgie. Puis, c’est le coup de fil de la mère de Salvatore qui essaie de le joindre depuis la Sicile. Il ne répond pas. « Il est trop occupé. Il y a bien 30 ans qu'il ne vient plus nous voir …» remarque la sœur de ce dernier. « Il se souviendra. Il se souviendra, j'en suis sûre… » rétorque sa mère. Sa compagne du moment transmet le message à Salvatore. Le message suivant :  « Un certain Alfredo est mort. Demain, c'est son enterrement. »

    Avec la mort d’Alfredo, incarné par Philippe Noiret, pour Salvatore di Vitta (Jacques Perrin), cinéaste reconnu, c'est tout un pan du passé qui s'écroule et qui, subitement, rejaillit dans sa vie. On l’appelait Toto a l'époque. Il partageait son temps libre entre l'office où il était enfant de chœur et la salle de cinéma paroissiale, en particulier la cabine de projection où régnait Alfredo.

    Les souvenirs de Salvatore nous ramènent alors en 1954. Dans un village de Sicile, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Toto, petit garçon facétieux et malin, fou de cinéma, orphelin d’un père qui "ressemblait à Clark Gable", passe son temps à perturber le projectionniste de la salle paroissiale, le Paradiso, avant de devenir son ami, et même son assistant et remplaçant dans la cabine de projection. Alfredo était aussi employé par la paroisse pour couper les scènes trop osées ou en tout cas considérées comme telles à l’époque, quand ne serait-ce qu’un simple baiser constituait déjà une atteinte à la pudeur.  L'histoire de cette salle de cinéma, véritable personnage du film, se confond alors avec celle de Salvatore.

    Une véritable amitié se noue entre le petit garçon turbulent et le vieux bougon autour de leur passion commune pour le cinéma. Le premier va s’assagir et le second va s’adoucir et dévoiler toute sa générosité et tendresse devenant le père de substitution du petit garnement. Lors d’un immense incendie qui ravage le cinéma, Toto sauve Alfredo des flammes. « Comment je fais moi si t’es pas là… » dira ainsi Alfredo, bouleversé et bouleversant.  Alfredo devenu aveugle, Toto le remplace puis le seconde dans ce qui est devenu le Nuovo Cinema Paradiso, reconstruit par un riche mécène.  Toto croise alors Elena, fille d’une famille bourgeoise. Il en tombe fou amoureux et après de nombreux efforts, malgré l’opposition de sa famille, son amour se révèle réciproque.

    Alfredo demande ensuite à Toto de partir de leur village sicilien et de ne jamais revenir. « Va-t-en retourne à Rome. Je ne veux plus t'entendre parler. Je veux juste entendre parler de toi. Ne reviens plus. Ne te laisse pas envahir par la nostalgie. Et si tu ne résistes pas ne viens pas me voir. Je ne te laisserai pas entrer. Quel que soit le métier que tu choisiras, aime-le comme tu as aimé la cabine du Paradiso quand tu étais petit. » Il partira alors pour Rome et y restera 30 ans sans revenir, sans avoir revu Elena qu’il avait attendue et cherché en vain. Le destin, un concours de circonstances et Alfredo les auront séparés.  Quand il revient pour les obsèques d’Alfredo, il se remémore alors son passé et cet amour qu’il n’a jamais oublié…et qu’il croit reconnaître. « Après toutes ces années, je croyais que j'étais devenu plus fort et que j'avais oublié des tas de choses mais en fait je retrouve tout comme avant comme si je n'étais jamais parti. »

    Le cinéma a fermé ses portes, et va être dynamité pour devenir un parking. L’histoire de Cinema Paradiso est aussi celle de l’histoire de la salle de cinéma, ce paradis anéanti par de nouvelles habitudes et de nouveaux loisirs, et par la télévision. C’est la fin d’une époque, celle où il n’y avait pas de télévision chez soi, quand le cinéma concentrait tous les désirs, toute la fièvre d'un village, celle d’un cinéma fédérateur, véritable temple, avant la désaffection des salles dans les années 80.

    Après la mort d'Alfredo, Salvatore récupérera un cadeau rempli d’amour(s) :  toutes les séquences interdites qu’Alfred a soigneusement collées les unes après les autres « Le feu se termine toujours en cendres. Même les plus grandes histoires d'amour se terminent. Et après, il y en a d'autres qui naissent. Tandis que Toto n'a qu'un seul avenir devant lui. » avait dit Alfredo à Elena. La vie et les amours périclitent. Mais le cinéma les rend éternels...

    Que serait ce film sans sa magnifique distribution ? Salvatore Cascio puis Marco Leonardi qui incarnèrent Toto enfant puis adolescent. Mais surtout Jacques Perrin qui apparaît peu à l’écran mais dont la présence puissante et lumineuse procure toute sa force mélancolique au film. Que d’expressions sur son visage  ! La bonté, la nostalgie, l’amour, et l’enfance qui semble toujours là, si prégnante, et qui illumine son visage d'une douce innocence. Comment ne pas fondre quand il dit « Mais je ne t'ai jamais oubliée Elena » ? D’ailleurs, je me demande si le choix de ce prénom dans le scénario de Giuseppe Tornatore n’était pas un hommage au Dernier métro de Truffaut. J'ai alors pensé à cette réplique du film de Truffaut :

     Est-ce que l'amour fait mal?

    - Oui, ça fait mal. [...] Tu es belle, Héléna. Quand je te regarde, c'est une souffrance.

    - Hier, vous disiez que c'était une joie.

    - C'est une joie et une souffrance.

    L'inoubliable musique d’Ennio Morricone vient renforcer toute la poésie mélancolique qui se dégage du film et du visage de Jacques Perrin. De ce "rêve merveilleux" comme Elena qualifiera son histoire d'amour avec Salvatore. Un rêve merveilleux, comme l'est le cinéma...Cinema Paradiso, c'est le récit nostalgique d'une époque révolue. Une ode au rêve. A la puissance du cinéma à laquelle le film par ses nombreux extraits de classiques rend le plus beau des hommages. Mais aussi par ce dernier plan sur le visage de Jacques Perrin qui, par le pouvoir magique du 7ème art, retrouve les émotions de son enfance et le message d'amour que lui envoie Alfredo, par-delà la mort. Un parfum d'éternité. Le cinéma est décidément un paradis. Celui des vivants. Peut-il y avoir plus belle invention que celle qui nous permet d' accéder vivants à ce paradis ? Comment ne pas aimer un film dont toute l'histoire traduit ainsi la magie du cinéma ?

    Je vous laisse reconnaître les nombreux films dont figurent des extraits : L’Ange bleu de Josef von Sternberg, Les Lumières de la ville et Les Temps modernes et La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin,  Autant en emporte le vent de Victor Fleming , Casablanca de Michael Curtiz , Gilda de Charles Vidor, La chevauchée fantastique de John Ford, Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton…et beaucoup d’autres. Un voyage dans l’histoire du cinéma, un édifice impressionnant auquel ce film s’ajoute. Tout aussi incontournable ! Rendez-vous sur la plage de La Baule le 1er juillet pour le (re)découvrir dans des conditions exceptionnelles.

    DOCS MUSICAUX

    1. Le 8ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule  rendra cette année hommage à Ennio Morricone avec la projection du film évènement Ennio : The Maestro de Giuseppe Tornatore.

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    2. A-Ha the movie de Thomas Robsahm et Aslaug Holm

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    3. Studio 54 de Matt Tyrnauer

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    FILMS CLASSIQUES – HOMMAGE A ALEXANDRE DESPLAT (en partenariat avec Universcine.com)

    1. De battre mon coeur s'est arrêté  de Jacques Audiard

    2. Le Discours d'un roi de Tom Hooper - CRITIQUE

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    Le roi en question, c’est George VI (Colin Firth), à la fois fragile et colérique, qui n’avait d’ailleurs pas vocation à le devenir puisque c’est sont frère Edouard VIII (Guy Pierce) qui était destiné au trône à la mort de leur père.  Seulement Edouard VIII préféra abdiquer pour vivre son amour avec une femme, Wallis Simpson, à la réputation légère (du moins pour un monarque) car notamment divorcée deux fois. George VI que toute la famille royale appelle « Bertie » va donc devoir surmonter son handicap, un bégaiement qui l’empêche de s’exprimer en public. Pour cela, il pourra compter sur le soutien indéfectible de sa femme (Helena Bonham Carter) et sur l’aide d’un thérapeute du langage aux méthodes peu orthodoxes, Lionel Rogue (Geoffrey Rush). Alors qu’il mène cette guerre contre lui-même, une autre guerre beaucoup moins intime se fait de plus en plus menaçante…

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    A priori, cela s’annonçait donc comme un énième biopic avec reconstitution historique spectaculaire de rigueur et c’est sans doute d’abord le choix de prendre le contrepied de ce à quoi nous aurions pu nous attendre qui fait de ce film une grande réussite. Tom Hooper et son scénariste David Seidler ont ainsi fait le judicieux choix de l’intime, de l’histoire sans nier son implication sur l’Histoire mais vue telle que la voyait George VI, relativement lointaine. Le monde extérieur et ses rumeurs sont étouffés par l’atmosphère ouatée et non moins redoutable des allées du pouvoir.

    Plutôt que de  filmer George VI comme un personnage historique distant, Tom Hooper le filme à portée d’homme avec ses angoisses et ses faiblesses. Il n’apparait alors pas comme le puissant lointain (éloigné de nous historiquement et humainement) mais comme un homme qui doit affronter ses faiblesses en lequel chacun peut se reconnaître. La caméra de Tom Hooper le suit au plus près de son visage, de ses doutes, de son angoisse qui s’amorce. Le jeu en nuances de Colin Firth et la caméra sensible de Tom Hooper qui l’enferme ans son cadre, (il est tantôt filmé à gauche ou à droite, à son image, en marge) comme il l’est dans son handicap, nous donne la sensation asphyxiante d’éprouver nous aussi son angoisse si bien que notre souffle est  suspendu à ses lèvres hésitantes. La maîtrise du langage devient alors le véritable enjeu du suspense du film, haletant comme un thriller. Arrivera-t-il à prononcer ce fameux discours qui fera entrer le Royaume-Uni dans la guerre contre l’Allemagne nazie ?

     Un sujet qui n’a rien d’anachronique et qui est même particulièrement actuel à une époque (la nôtre)  où le contenant, la forme, la communication priment sur le contenu et le message, où celui ou celle qui recevra le plus de suffrages ne sera pas forcément le ou la plus apte à gouverner mais le ou la plus apte à délivrer son message et à maîtriser la communication et le langage.  Un peu la génération twitter aussi qui recherche le choc de la formule et qui pousse souvent à l’exagération, quitte à piétiner quelques personnes voire la réalité au passage. Plutôt que le pouvoir des mots, c’est donc celui de la communication que doit donc maîtriser le monarque. Un pouvoir qu’il était d’autant plus urgent de détenir quand un dictateur outre-Rhin en faisait un des instruments de sa propagande et l’utilisait pour haranguer, galvaniser et endormir les foules.  

    Le scénario montre habilement et par petites touches comment le poids de l’enfance et de l’Histoire (son père, ceux qui l’ont précédé, tous ceux dont les regards pèsent sur lui) sont responsables de son handicap. Mais, au-delà du combat personnel, c’est aussi une très belle histoire d’amitié entre deux hommes à la fois très différents et en quête de reconnaissance. Rogue demande constamment à être sur un pied d’égalité avec George VI, lui qui toujours à été à distance : du peuple, des autres, des mots. Prendre la parole c’est prendre sa place et exister. Le langage, dans le titre même, a d’ailleurs toute son importance : il ne s’agit pas du discours du roi mais d’un roi, qui n’a pas encore son identité propre, écrasé  par le poids de l’Histoire et  de ses prédécesseurs.

    La richesse des dialogues saupoudrés d’un humour so british participe amplement de la réussite du film. Il est vrai que le langage d’un film dont le sujet est justement le langage se devait d’être exemplaire mais ce n’était pas pour autant gagné d’avance.

    Enfin, le grand atout du film ce sont ses acteurs principaux : Colin Firth (absolument remarquable, ne forçant pas trop le trait comme c’est souvent le cas dans ces rôles à Oscars mais reflétant le bégaiement essentiellement par l’angoisse qu’il générait , Colin Firth d’ailleurs qui interprétait déjà pour moi un des meilleurs rôles de 2010  dans le très beau « A single man » de Tom Ford pour lequel il était déjà nommé à l’Oscar du meilleur acteur), Geoffrey Rush( impeccable en médecin peu conventionnel et malicieux ) et Helena Bonham Carter ( parfaite en future reine, à la fois cinglante et épouse aimante. )

    Si « Le discours d’un roi » est un film marquant, c'est en particulier en raison du degré de raffinement de chacun des éléments qui le constituent (musique d'Alexandre Desplat, , scénario, interprétation, mise en scène), un film à résonance universelle autant de par le combat qu’il met en scène (un homme, fût-il roi, qui surpasse ses faiblesses et ses peurs) que de par le langage qu’il emploie et dont il souligne le poids historique.

    6 COURTS-METRAGE EN COMPETITION

    1. La Débandade

    2. La légère déviation des atomes

    3. La Pose

    4. Prudence Ledoux a le vent en poupe

    5. La vie d'avant

    6. Replay

    ANIMATIONS

    EXPOSITION "CINEMA MON AMOUR, ANNEES STUDIO"

    Du 18 juin au 03 juillet 2022, du mardi au dimanche, de 14h30 à 19h (entrée libre). Centre culturel Chapelle Sainte-Anne (Place du Maréchal Leclerc). Exposition de trois photographes de  Studio Magazine célébrant ainsi les années DU magazine cinéma des années 90/2000 créé par Jean-Pierre Lavoignat et Marc Esposito à la fin des années 80.

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    GREEN FESTIVAL

    Comme je l'évoquais plus haut, autre atout du festival : celui d'être un "green festival". Le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule s’attache ainsi à placer le développement durable au cœur de l’ensemble de ses actions. Cette 8ème édition s’engage en prenant en compte les enjeux environnementaux :

    Un Festival privilégiant le « tout à pied » concentré essentiellement autour du Palais des Congrès. Une billetterie dématérialisée au maximum (QR code) et des supports de communication sur matériaux recyclés, recyclables (catalogues, programmes, affiches…).

    Une restauration typique privilégiant des aliments sains et responsables mettant en avant la richesse des produits locaux (circuits courts) en respectant certains principes du Slow Food.

    Un Festival reposant sur les lieux existants, réunissant les Baulois, les Festivaliers et les premiers touristes estivaux.

    Un Palais des Congrès éco-responsable.

    PODCAST INEDIT :

    Une nouvelle au cœur du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2015

    Retrouvez ma nouvelle Un certain 14 novembre dans le recueil Les illusions parallèles  - Editions du 38 – 2016 (cette fiction se déroule entièrement dans le cadre du festival avec en toile de fond les évènements réels de cette édition). A l'occasion de la 8ème édition du festival, en accord avec mon éditeur, Les Editions du 38, j'ai enregistré cette nouvelle en podcast, à écouter ici.

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    INFORMATIONS PRATIQUES

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    Pour en savoir plus et pour réserver dès à présent vos pass : le site officiel du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule et son twitter et compte instagram (@festivallabaule). Je vous rappelle que ce festival est accessible à tous. Réservez vos pass dès à présent (75 euros) pour en profiter pleinement... Ceux-ci donnent accès à l'ensemble des séances (ouverture et clôture comprises) et des conférences et master class. Cliquez ici pour accéder directement à la billetterie. 

    Suivez également le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule sur Facebook.

    En complément, retrouvez sur Inthemoodforcinema.com tous mes articles sur les 7 premières éditions du festival et mes prochains articles sur cette 8ème édition.

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    BONNES ADRESSES BAULOISES

    Retrouvez  mon article avec mon avis sur l'hôtel Barrière Le Royal de La Baule et sa thalasso.

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    Retrouvez également mon article avec mon avis sur l'hôtel Barrière L'Hermitage de La Baule

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    « La musique est peut-être l’exemple unique de ce qu’aurait pu être – s’il n’y avait eu l’invention du langage, la formation des mots, l’analyse des idées – la communication des âmes. » Proust

    Téléchargez le programme du festival :

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  • Critique de CINEMA PARADISO de Giuseppe Tornatore (à -re-voir au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2022)

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    Le 8ème Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule (dont je vous parle plus longuement, ici, et dont nous venons également d’apprendre que son jury serait présidé par Alexandre Astier) rendra cette année hommage à Ennio Morricone avec la projection du film Ennio : The Maestro de Giuseppe Tornatore.

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    Cinema Paradiso sera également diffusé sur la plage de La Baule le vendredi 1er juillet. Une idée d’autant plus judicieuse que cette projection sera aussi l’occasion de rendre hommage au grand acteur et producteur qu’était Jacques Perrin à qui le festival avait d’ailleurs attribué un Ibis d’or d’honneur, en 2018.

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    Je n’avais pas revu ce film depuis mon enfance. Simplement me souvenais-je de ce lieu suintant de vie et de chaleur, au cœur de la Sicile, où se trouve le Cinema Paradiso, du lien si touchant entre Toto et d’Alfredo, de ces extraits de films qui transpirent la passion du cinéma. Et qu’il m’avait bouleversée.  Avec le recul des années, l’émotion fut encore plus forte. Les thèmes évoqués ont pris une tout autre résonance parce que ce que l’enfance laissait deviner, l’âge adulte a permis de l’expérimenter. La nostalgie. La mélancolie. L’écoulement du temps qui emporte tout, même les êtres chers. Mais c’est aussi tout ce que le cinéma, par son pouvoir magique, peut rendre éternel. Et tout ce que ce même temps dévoreur n’emporte pas : les rêves. Parce que Cinéma Paradiso est avant tout cela, une déclaration d’amour fou au cinéma. A sa capacité à procurer à tout ce qui est éphémère des accents d’éternité. Le cinéma, dans ce film, est plus que jamais une fenêtre ouverte sur les rêves, ceux qui bercent d’illusions réconfortantes. Comme celles de cette histoire qu’Alfredo raconte à Toto, cet homme qui promet d’attendre la femme qu’il aime sous sa fenêtre 100 nuits et qui renonce à la 99ème. Comme le dit Alfredo, « La vie, c'est pas ce que tu as vu au cinéma. La vie c'est plus difficile que ça. » Oui, mais il y a le cinéma pour l’adoucir, l’éclairer, en sublimer les sentiments et transcender les émotions. Pour rêver d’une autre vie, pour s’identifier à d’autres destins, ceux projetés sur l’écran. Et pour croire à l'impossible, envers et contre tout.

    Sunset Boulevard de Billy Wilder. Eve et La Comtesse aux pieds nus de Mankiewicz. Chantons sous la pluie de Stanley Donen et Gene Kelly. Les Ensorcelés de Minelli. The Artist d’Hazanavicius, La La Land de Damien Chazelle. 8 ½ de Fellini. Les grands films sur le cinéma ne manquent pas. Cinéma Paradiso ne dénote bien sûr pas dans cette liste. Je vous parle aujourd’hui de la version director’s cut de 2H35 dont la dernière partie évoque l’amour de jeunesse de Toto (incarné alors par Brigitte Fossey, coupée dans les autres versions.) La version originale de 173 minutes avait en effet été classifiée défavorablement lors de sa présentation au comité de censure italien en 1989. Le film fut donc écourté pour sa sortie en salle. En 2002 sortait la version « Director's cut ». Cinema Paradiso eut en effet trois versions différentes. Lors de la sortie initiale en 1988 en Italie, le film durait 2 h 35. Pour le Festival de Cannes 1989, la durée fut ramenée à 2 h 03 par la Miramax. Le film obtint alors le Prix spécial du Jury, puis le Golden Globe et l’Oscar du meilleur film en langue étrangère, parmi de nombreuses autres récompenses.

    Un pot de fleurs face à la mer dans un appartement. Le vent qui agite les rideaux. Et la musique de Morricone. Ainsi commence Cinema Paradiso qui, par ce simple plan, déjà, nous ensorcelle par ses parfums de nostalgie. Puis, c’est le coup de fil de la mère de Salvatore qui essaie de le joindre depuis la Sicile. Il ne répond pas. « Il est trop occupé. Il y a bien 30 ans qu'il ne vient plus nous voir …» remarque la sœur de ce dernier. « Il se souviendra. Il se souviendra, j'en suis sûre… » rétorque sa mère. Sa compagne du moment transmet le message à Salvatore. Le message suivant :  « Un certain Alfredo est mort. Demain, c'est son enterrement. »

    Avec la mort d’Alfredo, incarné par Philippe Noiret, pour Salvatore di Vitta (Jacques Perrin), cinéaste reconnu, c'est tout un pan du passé qui s'écroule et qui, subitement, rejaillit dans sa vie. On l’appelait Toto a l'époque. Il partageait son temps libre entre l'office où il était enfant de chœur et la salle de cinéma paroissiale, en particulier la cabine de projection où régnait Alfredo.

    Les souvenirs de Salvatore nous ramènent alors en 1954. Dans un village de Sicile, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, Toto, petit garçon facétieux et malin, fou de cinéma, orphelin d’un père qui "ressemblait à Clark Gable", passe son temps à perturber le projectionniste de la salle paroissiale, le Paradiso, avant de devenir son ami, et même son assistant et remplaçant dans la cabine de projection. Alfredo était aussi employé par la paroisse pour couper les scènes trop osées ou en tout cas considérées comme telles à l’époque, quand ne serait-ce qu’un simple baiser constituait déjà une atteinte à la pudeur.  L'histoire de cette salle de cinéma, véritable personnage du film, se confond alors avec celle de Salvatore.

    Une véritable amitié se noue entre le petit garçon turbulent et le vieux bougon autour de leur passion commune pour le cinéma. Le premier va s’assagir et le second va s’adoucir et dévoiler toute sa générosité et tendresse devenant le père de substitution du petit garnement. Lors d’un immense incendie qui ravage le cinéma, Toto sauve Alfredo des flammes. « Comment je fais moi si t’es pas là… » dira ainsi Alfredo, bouleversé et bouleversant.  Alfredo devenu aveugle, Toto le remplace puis le seconde dans ce qui est devenu le Nuovo Cinema Paradiso, reconstruit par un riche mécène.  Toto croise alors Elena, fille d’une famille bourgeoise. Il en tombe fou amoureux et après de nombreux efforts, malgré l’opposition de sa famille, son amour se révèle réciproque.

    Alfredo demande ensuite à Toto de partir de leur village sicilien et de ne jamais revenir. « Va-t-en retourne à Rome. Je ne veux plus t'entendre parler. Je veux juste entendre parler de toi. Ne reviens plus. Ne te laisse pas envahir par la nostalgie. Et si tu ne résistes pas ne viens pas me voir. Je ne te laisserai pas entrer. Quel que soit le métier que tu choisiras, aime-le comme tu as aimé la cabine du Paradiso quand tu étais petit. » Il partira alors pour Rome et y restera 30 ans sans revenir, sans avoir revu Elena qu’il avait attendue et cherché en vain. Le destin, un concours de circonstances et Alfredo les auront séparés.  Quand il revient pour les obsèques d’Alfredo, il se remémore alors son passé et cet amour qu’il n’a jamais oublié…et qu’il croit reconnaître. « Après toutes ces années, je croyais que j'étais devenu plus fort et que j'avais oublié des tas de choses mais en fait je retrouve tout comme avant comme si je n'étais jamais parti. »

    Le cinéma a fermé ses portes, et va être dynamité pour devenir un parking. L’histoire de Cinema Paradiso est aussi celle de l’histoire de la salle de cinéma, ce paradis anéanti par de nouvelles habitudes et de nouveaux loisirs, et par la télévision. C’est la fin d’une époque, celle où il n’y avait pas de télévision chez soi, quand le cinéma concentrait tous les désirs, toute la fièvre d'un village, celle d’un cinéma fédérateur, véritable temple, avant la désaffection des salles dans les années 80.

    Après la mort d'Alfredo, Salvatore récupérera un cadeau rempli d’amour(s) :  toutes les séquences interdites qu’Alfred a soigneusement collées les unes après les autres « Le feu se termine toujours en cendres. Même les plus grandes histoires d'amour se terminent. Et après, il y en a d'autres qui naissent. Tandis que Toto n'a qu'un seul avenir devant lui. » avait dit Alfredo à Elena. La vie et les amours périclitent. Mais le cinéma les rend éternels...

    Que serait ce film sans sa magnifique distribution ? Salvatore Cascio puis Marco Leonardi qui incarnèrent Toto enfant puis adolescent. Mais surtout Jacques Perrin qui apparaît peu à l’écran mais dont la présence puissante et lumineuse procure toute sa force mélancolique au film. Que d’expressions sur son visage  ! La bonté, la nostalgie, l’amour, et l’enfance qui semble toujours là, si prégnante, et qui illumine son visage d'une douce innocence. Comment ne pas fondre quand il dit « Mais je ne t'ai jamais oubliée Elena » ? D’ailleurs, je me demande si le choix de ce prénom dans le scénario de Giuseppe Tornatore n’était pas un hommage au Dernier métro de Truffaut. J'ai alors pensé à cette réplique du film de Truffaut :

     Est-ce que l'amour fait mal?

    - Oui, ça fait mal. [...] Tu es belle, Héléna. Quand je te regarde, c'est une souffrance.

    - Hier, vous disiez que c'était une joie.

    - C'est une joie et une souffrance.

    L'inoubliable musique d’Ennio Morricone vient renforcer toute la poésie mélancolique qui se dégage du film et du visage de Jacques Perrin. De ce "rêve merveilleux" comme Elena qualifiera son histoire d'amour avec Salvatore. Un rêve merveilleux, comme l'est le cinéma...Cinema Paradiso, c'est le récit nostalgique d'une époque révolue. Une ode au rêve. A la puissance du cinéma à laquelle le film par ses nombreux extraits de classiques rend le plus beau des hommages. Mais aussi par ce dernier plan sur le visage de Jacques Perrin qui, par le pouvoir magique du 7ème art, retrouve les émotions de son enfance et le message d'amour que lui envoie Alfredo, par-delà la mort. Un parfum d'éternité. Le cinéma est décidément un paradis. Celui des vivants. Peut-il y avoir plus belle invention que celle qui nous permet d' accéder vivants à ce paradis ? Comment ne pas aimer un film dont toute l'histoire traduit ainsi la magie du cinéma ?

    Je vous laisse reconnaître les nombreux films dont figurent des extraits : L’Ange bleu de Josef von Sternberg, Les Lumières de la ville et Les Temps modernes et La Ruée vers l’or de Charlie Chaplin,  Autant en emporte le vent de Victor Fleming , Casablanca de Michael Curtiz , Gilda de Charles Vidor, La chevauchée fantastique de John Ford, Et Dieu créa la femme de Roger Vadim, Les Chemins de la haute ville de Jack Clayton…et beaucoup d’autres. Un voyage dans l’histoire du cinéma, un édifice impressionnant auquel ce film s’ajoute. Tout aussi incontournable ! Rendez-vous sur la plage de La Baule le 1er juillet pour le (re)découvrir dans des conditions exceptionnelles.