Master class acoustique de Gabriel Yared au cinéma Le Balzac
Ce 2 juin, au cinéma Le Balzac, organisée par l'association Hors champ (dont l’idée est de dialoguer sur l’origine du geste, qu’il soit celui de la photographie, du cinéma ou de l’art contemporain), avait lieu une passionnante master class acoustique de Gabriel Yared, un dialogue musical animé par Léolo, entrecoupé d'extraits de films et de musiques jouées au piano par Gabriel Yared. Un moment intimiste, privilégié, hors du temps et absolument captivant.
Gabriel Yared revenait tout juste du Festival de Cannes dans le cadre duquel a été présenté L’Envol, nouveau long métrage du réalisateur italien Pietro Marcello dont il signe la partition mais également les chansons du film, paroles et musique (sortie prévue en 2023). Le 18 mai 2022, L’Envol a fait l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs, en Première mondiale. Par ailleurs, le Lundi 23 Mai 2022, Gabriel Yared a donné une leçon de cinéma au Festival de Cannes en partenariat avec la Sacem qui lui a rendu hommage ainsi qu’à ses 50 ans de carrière.
Parmi ses nombreuses distinctions, il a remporté l’Oscar de la Meilleure Musique de Film pour Le Patient Anglais.
Récemment, Gabriel Yared a également composé la musique du premier long métrage de Jimmy Keyrouz, Le dernier Piano, notamment choisi pour représenter le Liban pour l’Oscar du meilleur film en langue étrangère.
En 2021, Gabriel Yared a également composé la musique de Broadway (sorti en salle le 1er juin 2022). Une histoire de danseurs, de vagabonds et de voleurs dans l’Athènes des temps modernes. Soutenu en développement par le Sundance Institute et l’Atelier de la Cinéfondation du Festival de Cannes, Broadway est le premier long métrage de Christos Massalas, jeune scénariste et réalisateur grec.
Gabriel Yared était également l’invité d’honneur du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2019 lors duquel avait eu lieu un concert en son honneur. Cet hommage avait été rendu à Gabriel Yared à l’occasion de son 70ème anniversaire et de ses 40 ans de carrière avec plus de 100 musiques de films composées essentiellement pour le cinéma.
Parmi les musiques incontournables qu'on doit à Gabriel Yared, on peut citer : Sauve qui peut (la vie) (1980), La lune dans le caniveau (1983), Hanna K. (1983), La diagonale du fou (1984), 37°2 le matin (1986), Beyond Therapy (1987), Camille Claudel (1988), Tatie Danielle (1990), Vincent et Théo (1990), La putain du Roi (1990), L’Amant (César de la meilleure musique de film en 1993), La cité des anges (1998), Une bouteille à la mer (1999), Le talentueux Mr Ripley (1999), Un automne à New York (2000), Retour à Cold Mountain (2003), Azur et Asmar (2006), Tom à la ferme (2013), Chocolat (2015), Juste la fin du monde (2016), Dilili à Paris (2018), The Happy Prince (2018), Ma vie avec John F. Donovan (2019)…
Cette master class a donc été l’occasion d’entendre cet autodidacte évoquer son métier avec passion et une grande humilité et notamment ses références, de Franz Liszt à Bernard Herrmann ou Chaplin.
Une master class qui fut aussi l’occasion de revoir des extraits de films : Camille Claudel, L’Amant, 37,2° le matin, ou encore la fin, bouleversante, de l’électrisant Juste la fin du monde de Xavier Dolan (dont vous pouvez retrouver ma critique complète, ici) accompagnée par la musique La valse de Gabriel Yared. Une fin en forme de valse de l'Enfer qui nous embrasse dans son vertige étourdissant et éblouissant, un paroxysme sans retour possible. Comme le bouquet final d’une démonstration implacable sur la violence criminelle de l’incommunicabilité. Quelques citations extraites de cette master class (dont je vous invite à voir un extrait sur mon compte instagram @Sandra_Meziere) :
« - Parfois il pleut sur moi des idées.
Je me nourris beaucoup, pas seulement de musique.
Cette nourriture me donne envie d'aller vers une certaine perfection que je n'atteins pas.
Quand j’étais petit, j'aimais Schumann, Chopin, puis j'ai découvert Debussy, Ravel.
Godard m’a dit deux ou trois phrases. Avec quelques adjectifs quelques descriptions, il m’a inspiré. Il m'a dit « pensez un thème pour l'imaginaire ».
En découvrant le film de Godard, j'ai vu que ma musique au moment où elle s'élançait, elle était coupée net. Après, j'ai compris, il y a une véritable philosophie du son et de la musique chez lui. J'ai adoré travailler avec lui. J'aime les images mais pas comme source d'inspiration. J'ai besoin de lire, de parler, qu’on me décrive. Quand on me décrit, il y a des images subjectives qui se forment.
Une musique doit être un tout intéressant en lui-même. Elle doit se tenir en elle-même et servir le film.
Je me suis découvert grâce à Godard
Godard me disait : « il faut confronter des idées vagues avec des images claires ».
Bernard Herrmann est probablement celui que j’aime le plus et m’a le plus inspiré avec Prokofiev, Bartok et Liszt.
Nous ne venons pas de nulle part. Un compositeur doit connaître le répertoire.
La musique fait une sorte de pause divine dans un film. La volonté d'accompagner les images ne suffit pas.
Anthony Minghella est ma plus belle histoire au cinéma : d’amitié, d’entente…
Minghella m'a dit : « je pense à Bach, à Puccini, pour l'élégance de ses harmonies et de son écriture. »
Je veux tendre vers l'éclectisme et la perfection.
Un mot peut faire naitre une musique. Avec Annaud, j'ai écrit beaucoup de musiques avant le tournage.
C'est comme si tout mon être était habité par le sujet.
C'est une recherche en cercles concentriques. Si je trouve un thème même s'il me plait je chercher un autre thème pour le contredire.
Je prends la musique que je compose très au sérieux et en même temps je suis fou de joie de faire ce métier.
J'ai toujours été complexé d’avoir appris tout seul. Alors, je cherche encore plus pour dédiaboliser ce manque de confiance que j'ai et qui me pousse à me dépasser.
Nous avons tous une musique en nous et on ne l'entend plus car nous sommes devenus sourds.
La musique est l'art ultime.
Camille Claudel me dépasse. Quand je l'entends, je me dis je ne sais pas comment j'ai fait cela.
Je suis inexistant. Je n'ai pas de grands intérêts dans la vie, que la musique. Inventer, c'est une renaissance permanente.
Ce qui m'importe le plus ce sont les nouveaux talents.
J'écris les films pour les maîtres d'œuvre car les films, ce sont eux. C'est ça qui m'intéresse, les relations humaines.
Je n'aime pas qu'il y ait trop de musique, sauf si c'est justifié, ni que ce soit trop fort, sauf si c'est justifié.
Pour rester vraiment soi, il faut savoir dire non pour préserver la musique qu'il y a en vous.
J'acceptais et je perdais l'exigence. Je crois que c'est important de résister.
Si la musique est un personnage, un personnage ne parle pas tout le temps. Et quand elle est là elle dit quelque chose par rapport au film
Je pense que toutes les musiques de films dont on se souvient, ce sont des thèmes.
J’aime beaucoup les musiques de film de Chaplin de Tati."