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deauville - Page 3

  • Roman - La Symphonie des rêves (Editions Blacklephant) - premiers épisodes de la belle aventure : critiques et dédicaces

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    Ci-dessus, La Symphonie des rêves à la librairie du Bon Marché Rive Gauche

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    Ci-dessus, La Symphonie des rêves à la nouvelle librairie Albin Michel, Boulevard Raspail, à Paris

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    Ci-dessus et ci-dessous, à la FNAC

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    Ci-dessous, à la librairie Gibert à Paris

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    Il est là. Le rêve qui se concrétise. Au milieu des autres. Un peu intimidé par ce prestigieux compagnonnage. Un peu fier d’y être, enfin. Je me souviens de ce sentiment d’exaltation quand l’idée s’est imposée, obsessionnelle, quand l’envie irréfragable d’écrire ce livre m’a transportée, quand j’ai établi un véritable plan d’attaque pour en bâtir l’univers en six mois alors que j’écris d’habitude à l’instinct, me laissant porter par mes personnages et émotions. L’émotion. C’est toujours la source et le but. Une émotion qui me submerge et m’envahit tant qu’il est vital de la transformer en histoire. Celle que j’espère réussir à vous transmettre, aussi. Je me souviens de cette énergie démente pendant ces six mois, à l’image de l’émotion d’alors qui la guidait. Je me souviens de ce journal intime auquel, à huit ans, j’avais confié le rêve secret, celui de devenir romancière. La voie me semblait impossible mais aussi être la seule possibilité de faire résonner ma voix. Je me souviens de ces livres dits d’adultes (Balzac, Hugo, Stendhal), que je dévorais à l’âge où ce n'était pas "normal", où au cours imposé de lecture à l’école je feignais de lire des BD pour avoir l’air « comme les autres ». Je me souviens que la normalité n’est qu’une invention des êtres sans fantaisie pour claquemurer celles des autres, et se rassurer. Je me souviens que les livres furent les derniers compagnons de vie de mon père qui m'en a transmis la passion, qu’ils nous relient au passé, aux disparus, aux rêves et êtres impossibles. Je me souviens qu’il vaut mieux éviter de se souvenir, parfois. Je me souviens d’une musique qui a tout enclenché, consolante et magnétique. Je me souviens que j’écris, à la fois pour me souvenir et pour oublier, pour une seule personne et pour tous. Et comme l’héroïne sur la couverture, pour regarder vers la mer, l’avenir, l’ailleurs, l’espoir.
    Je me souviens enfin de ces deux phrases déjà citées mais qui évoquent si bien la genèse de ce roman :
    « Écrire est un acte d'amour. S'il ne l'est pas il n'est qu'écriture. » Cocteau
    « Écrire, c'est aussi ne pas parler. C'est se taire. C'est hurler sans bruit. » Duras

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    Je pourrais vous parler des chemins détournés et épineux qu'empruntent les rêves pour se concrétiser. Je pourrais vous parler de tous les hasards et coïncidences, des turbulences et des rebondissements qui ont jalonné ces derniers mois avant et après la publication de ce roman. Je pourrais vous parler de ce qui, profondément, viscéralement, a suscité l'envie irrépressible de raconter cette histoire sur la force des rêves et la puissance émotionnelle de la musique qui, dans ce roman, bouscule et relie les destinées, enfièvre et console. Je pourrais vous parler des désillusions, des drames, des joies, des rencontres, des doutes qui l'ont nourri. Mais au fond je ne "parlerai" jamais aussi sincèrement et aussi bien de tout cela qu'à travers les personnages de La Symphonie des rêves, sorte de kaléidoscope de toutes ces émotions qui vous feront voyager, d'Athènes à Venise, de Trouville à Nice, de Dinard à Cannes, de La Baule à Hydra, de Beaune à Paris, du Festival de Cannes au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, au rythme des élans musicaux et de leurs élans du cœur.

    D'autres, aussi, en ont parlé magnifiquement, et je les remercie, tout particulièrement Dan Burcea pour son sublime article et sa magnifique analyse dans la revue littéraire Lettres Capitales, une chronique que vous pouvez lire, ici.

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    Retrouvez également mon interview sur le site littéraire A la lettre pour en savoir plus sur le roman, sa genèse, mes goûts cinématographiques, en matière de musiques de films...

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    Quelques avis de lecteurs, aussi (partagés avec leur accord) :

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    Merci à radio J pour l'invitation, et en particulier à Line Toubiana et Lise Gutman, les premières à avoir parlé de La Symphonie des rêves.

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    Enfin, les premières séances de dédicaces furent un bonheur, à la Librairie du Marché de Deauville, à la FNAC de Laval et à la Librairie du Cinéma du Panthéon de Paris que je remercie pour leur confiance.

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    Photo ci-dessus, copyright Dominique Saint

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    Retrouvez d'autres photos et vidéos des séances de dédicaces sur mon compte Instagram @Sandra_Meziere.

     

  • Bilan et palmarès du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023

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    Selon Simone de Beauvoir, « Il existe des procédés magiques qui suppriment les distances de l'espace et du temps : les émotions. » Quand, début septembre, l'été expire ses dernières lueurs, chaque année, les émotions deauvillaises les ravivent avec cet incontournable rendez-vous, supprimant la distance le séparant de l’édition précédente, d’autant plus avec ce 49ème Festival au programme passionnant, nullement altéré par les absences (pour cause de grève à Hollywood) de ceux qui auraient dû être à l'honneur cette année, récipiendaires de Deauville Talent Awards : Natalie Portman, Jude Law, Joseph Gordon-Levitt, Peter Dinklage.

    Comme chaque année, ce festival fut le reflet des ombres et lumières de la société américaine, et nous a offert une plongée réjouissante et/ou angoissante dans ses tourments et ses espoirs, avec 80 films en sélection officielle.

    Après quelques notes enchanteresses de Kyle EastwoodGuillaume Canet, président du jury, a rendu hommage au cinéaste Jerry Schatzberg comme son « ami et père spirituel » qui « représente le festival indépendant américain » L’occasion aussi de découvrir le documentaire que lui consacre Pierre Filmon, un plan-séquence qui met en exergue la richesse, la profondeur, la diversité du travail du photographe qui parvient toujours à capter la vérité des êtres. 

    Dans le cadre de Fenêtre sur le cinéma français, 3 œuvres françaises furent projetées en première mondiale dont Icon of french cinema de Judith GodrècheL'Heure de la Croisette a mis en lumière trois films de la sélection officielle du dernier Festival de Cannes :

    - Le Prix du jury, Les feuilles mortes de Aki Kaurismäki, petit bijou de poésie mélancolique d’une drôlerie désespérée, irradié de musique.

    Le règne animal de Thomas Cailley. Film hybride, audacieux, intelligemment métaphorique, teinté d’humour, récit initiatique, fable cauchemardesque d’une force rare mais aussi fim tendre sur la relation entre un père et son fils. Une auscultation de l’animalité de l’homme mais aussi une ode à la différence.

    L’enlèvement de Marco Bellochio. Fresque fascinante, opéra baroque, tragique et flamboyant, filmé dans un clair-obscur fascinant. Plaidoyer contre la folie religieuse et les fanatismes.

    Le chef-d’œuvre de ce festival fut La Zone d’intérêt de Jonathan Glazer, Grand Prix du dernier Festival de Cannes. Cela commence par un écran noir tandis que des notes lancinantes et douloureuses viennent nous avertir que la sérénité qui lui succèdera sera fallacieuse. La première scène nous donne à voir une image bucolique, et Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz de 1940 à 1943, qui habite avec sa famille dans une villa avec jardin, derrière les murs du camp. Un air de gaieté flotte dans l’air. C’est dans cette banalité que réside toute l’horreur, omniprésente, dans chaque son, chaque arrière-plan, chaque hors-champ. Cette zone d’intérêt, ce sont les 40 kilomètres autour du camp, ainsi qualifiés par les nazis. Une qualification qui englobe déjà le cynisme barbare de la situation.  L’arrière-plan teinte d’horreur tout ce qui se déroule au premier. La vie est là dans ce jardin, entre le père qui fume, les pépiements des oiseaux et les cris joyeux des enfants, éclaboussant de son indécente frivolité la mort qui sévit constamment juste à côté. La « banalité du mal » définie par Hannah Arendt dans chaque plan. Jonathan Glazer prouve d’une nouvelle manière, singulière, puissante, audacieuse et digne, qu’il est possible d’évoquer l’horreur sans la représenter frontalement. Cette image qui réunit dans chaque plan deux mondes qui coexistent et dont l’un est une insulte permanente à l’autre est absolument effroyable.  Si cette famille nous est montrée dans sa quotidienneté, c’est avant tout pour nous rappeler que la monstruosité peut porter le masque de la normalité. Un choc cinématographique. Un choc nécessaire. Pour rester en alerte. Pour ne pas oublier les victimes de l’horreur absolue mais aussi que le mal peut prendre le visage de la banalité. Un film brillant, glaçant, marquant, incontournable.

    Cette dichotomie permanente entre ce vacarme et l’indifférence me rappelle le formidable travail sur le son dans Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona, prix d’Ornano-Valenti 2021, prix cette année dévolu au premier long-métrage de fiction de la documentariste Delphine Deloget, Rien à perdre, magnifique portrait de femme prise au piège de mécanismes et d’une réalité qui la dépassent. Virginie Efira incarne une mère dont le fils se blesse alors qu’il est seul dans l’appartement. Les services sociaux sont alertés et placent l’enfant en foyer. Ce film nous tient en haleine de la première à la dernière seconde, en empathie avec cette mère aimante, qui révèle peu à peu ses zones d’ombre. Un film bouleversant qui met en exergue les dysfonctionnements d’une machine administrative rigide et implacable.

    Le festival propose aussi désormais des « conversations avec... ».  Luc Besson (à l'occasion de la première de son film Dogman) et Carole Bouquet (pour Captives de Arnaud des Pallières) furent cette année à l’honneur.

    Les 14 films en compétition officielle (dont 9 premiers films) ont dressé le tableau de l’état (délabré souvent, et en quête d’espoir) des États d’Amérique.

    Pour succéder à Aftersun de Charlotte Wells, film gracieux, d’une délicatesse mélancolique qui charrie la beauté fugace de l’enfance et la saveur inégalable de ses réminiscences (floues), il fallait un film aussi réjouissant et extravagant que LaRoy de Shane Atkinson qui a raflé le Grand Prix, le Prix du Public et le Prix de la Critique. Ce thriller teinté d'humour noir, tel celui des frères Coen, débute ainsi : un homme prend en stop un automobiliste en panne qui sous-entend qu’il est peut-être un tueur, quand son chauffeur émet la même hypothèse. Des dialogues savoureux. Une musique de Delphine Malausséna, Rim Laurens et Clément Peiffer. Le décor de cette petite ville trompeusement sereine dissimulant l’excentricité et le chaos intérieur des êtres. Un bijou entre comédie et thriller. Jubilatoire.

    Selon Baudelaire, « La mélancolie est l’illustre compagnon de la beauté. Elle l’est si bien que je ne peux concevoir aucune beauté qui ne porte en elle sa tristesse. » L’oublié du palmarès, Past lives – nos vies d’avant de Celine Song illustre parfaitement ces mots. Un film d’une mélancolie subrepticement envoûtante. Dans cette époque de fureur, de course effrénée et insatiable au résultat et à l’immédiateté, y compris dans les sentiments, ce refus du mélodrame, de l’explicite et de l’excès, n’est pas du vide, mais au contraire un plein de sensations et troubles contenus qui nous enveloppent, nous prennent doucement par la main, jusqu’à la fin, le moment où surgit enfin l’émotion, ravageuse.  Les notes cristallines, jamais redondantes ou insistantes, accompagnent le mystère qui lie les personnages, magnifient leurs silences et subliment l’implicite. Ce film tout en retenue, ensorcelante, est un joyau de pudeur, de subtilité, d’émotions profondes que l’on emporte avec soi une fois la porte de Nora refermée, et celle de son cœur avec, une fois celui-ci s'étant laissé brusquement envahir et submerger.

    Ont été récompensés du Prix du juryThe Sweet East de Sean Price Williams et Fremont de Babak Jalali, L’histoire d’une réfu­giée afghane de 20 ans, qui tra­vaille pour une fabrique de for­tune cookies. Le portrait d’une femme immigrée et solitaire, fière, combattive, déterminée, indépendante, rêveuse. Le mode de filmage, en 4/3, en plans fixes et en noir et blanc, poétise la mélancolie intemporelle qui émane de son personnage, lui procure de l’élégance, une douceur qui rassérène. On ressort de ce film salutairement lent et délicat, aux accents kaurismäkiens et jarmuschiens, comme l’on quitte ce festival : à regret et le cœur illuminé par les possibles de l’avenir.

    PALMARES COMPLET

    Le Jury de la 49ème édi­tion du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de Deau­ville, pré­si­dé par Guillaume Canet, entou­ré d’A­lexandre Aja, Anne Berest, Laure de Cler­mont-Ton­nerre, Léa Mysius, Mari­na Hands de la Comé­die-Fran­çaise, Rebec­ca Mar­der, Sté­phane Bak et Maxim Nuc­ci alias Yode­lice a décer­né les prix suivants :

    Grand Prix
    LAROY de Shane Atkinson
    (dis­tri­bu­tion : ARP Sélection)
    En salles en avril 2024

    Prix du Jury
    THE SWEET EAST de Sean Price Williams
    (dis­tri­bu­tion : Potem­kine Films)

    Prix du Jury
    FREMONT de Babak Jalali
    (dis­tri­bu­tion : JHR Films )
    En salles le 6 décembre 2023

    Le Jury de la Révé­la­tion de la 49e édi­tion du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de Deau­ville, pré­si­dé par Méla­nie Thier­ry, entou­rée de Julia Faure, Pablo Pau­ly, Rama­ta-Tou­laye Sy, Félix Lefebvre, et Cécile Maistre-Cha­brol a décer­né les prix suivants :

    Prix Fon­da­tion Louis Roe­de­rer de la Révé­la­tion 2023
    THE SWEET EAST de Sean Price Williams
    (dis­tri­bu­tion : Potem­kine Films)

    Prix du Public de la Ville de Deauville
    LAROY de Shane Atkinson
    (dis­tri­bu­tion : ARP Sélection)
    En salles en avril 2024

    Le Jury de la Cri­tique, com­po­sé de cinq jour­na­listes, a décer­né son Prix à

    LAROY de Shane Atkinson
    (dis­tri­bu­tion : ARP Sélection)
    En salles en avril 2024

    Prix d’Ornano-Valenti 2023
    RIEN À PERDRE de Del­phine Deloget
    (dis­tri­bu­tion : Ad Vitam)
    En salles le 22 novembre 2023

  • Critique - LES FEUILLES MORTES de Aki Kaurismäki - Section L'Heure de la Croisette (49ème Festival du Cinéma Américain de Deauville)

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    Il s'agit du cinquième film du cinéaste finlandais qui figurait en compétition du dernier Festival de Cannes.
     
    Dans le poste de radio d'un autre âge surgissent les échos d'une guerre si proche, en Ukraine, qui semble tout autant anachronique et pourtant tragiquement contemporaine. Un homme et une femme, chacun dans leur appartement spartiate, écoutent, enfermés dans leur solitude et leur vie précaire, à Helsinki.
     
    Avec une économie de mots, un humour burlesque et décalé, un sens du cadre et des couleurs indissociables de son cinéma, Kaurismäki filme l'amour naissant et l'incongruité de chaque moment de vie.
     
    Un film d'une drôlerie désespérée, parsemé de références cinématographiques (avec des affiches de Godard, Melville, Visconti...) qui s'achève par un hommage au maître du genre, une fin en écho à celle des Temps modernes.
     
    Un film irradié de musiques qui jouent aussi brillamment avec les codes et les contrastes. Encore bercée par la poésie mélancolique de ces feuilles mortes.
  • Hommage à Natalie Portman - Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023 - Critique de BLACK SWAN de Darren Aronokfsy

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    Natalie Portman ne pouvait être présente pour son hommage, cela ne nous a pas moins permis de revoir le chef-d'œuvre qu'est Black Swan.

    Nina (Natalie Portman) est ballerine au sein du très prestigieux New York City Ballet. Elle (dé)voue sa vie à la danse et partage son existence entre la danse et sa vie avec sa mère Erica (Barbara Hershey), une ancienne danseuse. Lorsque Thomas Leroy (Vincent Cassel), le directeur artistique de la troupe, décide de remplacer la danseuse étoile Beth Mcintyre (Winona Ryder) pour leur nouveau spectacle « Le Lac des cygnes », Nina se bat pour obtenir le rôle. Le choix de Thomas s’oriente vers Nina même si une autre danseuse, Lily, l’impressionne également beaucoup, Nina aussi sur qui elle exerce à la fois répulsion et fascination. Pour « Le Lac des cygnes », il faut une danseuse qui puisse jouer le Cygne blanc, symbole d’innocence et de grâce, et le Cygne noir, qui symbolise la ruse et la sensualité. Nina en plus de l’incarner EST le cygne blanc mais le cygne noir va peu à peu déteindre sur elle et révéler sa face la plus sombre.

    Black swan »n’est pas forcément un film d’emblée aimable (ce qui, pour moi, est une grande qualité quand les synopsis des films ressemblent trop souvent à des arguments marketing) : il se confond ainsi avec son sujet, exerçant tout d’abord sur le spectateur un mélange de répulsion et de fascination, entrelaçant le noir et le blanc, la lumière (de la scène ou de la beauté du spectacle, celle du jour étant quasiment absente) et l’obscurité, le vice et l’innocence mais le talent de cinéaste d’Aronofsky, rusé comme un cygne noir, et de son interprète principale, sont tels que vous êtes peu à peu happés, le souffle suspendu comme devant un pas de danse époustouflant.

    Black swan à l’image de l’histoire qu’il conte (le verbe conter n’est d’ailleurs pas ici innocent puisqu’il s’agit ici d’un conte, certes funèbre) est un film gigogne, double et même multiple. Jeu de miroirs entre le ballet que Thomas met en scène et le ballet cinématographique d’Aronofsky. Entre le rôle de Nina dans le lac des cygnes et son existence personnelle. Les personnages sont ainsi à la fois doubles et duals : Nina que sa quête de perfection aliène mais aussi sa mère qui la pousse et la jalouse tout à la fois ou encore Thomas pour qui, tel un Machiavel de l’art, la fin justifie les moyens.

    Aronofsky ne nous « conte » donc pas une seule histoire mais plusieurs histoires dont le but est une quête d’un idéal de beauté et de perfection. La quête de perfection obsessionnelle pour laquelle Nina se donne corps et âme et se consume jusqu’à l’apothéose qui, là encore, se confond avec le film qui s’achève sur un final déchirant de beauté violente et vertigineuse, saisissant d’émotion.

    Par une sorte de mise en abyme, le combat (qui rappelle celui de The Wrestler) de Nina est aussi celui du cinéaste qui nous embarque dans cette danse obscure et majestueuse, dans son art (cinématographique) qui dévore et illumine (certes de sa noirceur) l’écran comme la danse et son rôle dévorent Nina. L’art, du cinéma ou du ballet, qui nécessite l'un et l'autre des sacrifices. Le fond et la forme s’enlacent alors pour donner cette fin enivrante d’une force poignante à l’image du combat que se livrent la maîtrise et l’abandon, l’innocence et le vice.

    Quel talent fallait-il pour se montrer à la hauteur de la musique de Tchaïkovski pour nous faire oublier que nous sommes au cinéma, dans une sorte de confusion fascinante entre les deux spectacles, entre le ballet cinématographique et celui dans lequel joue Nina. Confusion encore, cette fois d’une ironie cruelle, entre l'actrice Winona Ryder et son rôle de danseuse qui a fait son temps. Tout comme, aussi, Nina confond sa réalité et la réalité, l’art sur scène et sur l’écran se confondent et brouillent brillamment nos repères. Cinéma et danse perdent leur identité pour en former une nouvelle. Tout comme aussi la musique de Clint Mansell se mêle à celle de Tchaïkovski pour forger une nouvelle identité musicale.

    La caméra à l’épaule nous propulse dans ce voyage intérieur au plus près de Nina et nous emporte dans son tourbillon. L’art va révéler une nouvelle Nina, la faire grandir, mais surtout réveiller ses (res)sentiments et transformer la petite fille vêtue de rose et de blanc en un vrai cygne noir incarné par une Natalie Portman absolument incroyable, successivement touchante et effrayante, innocente et sensuelle, qui réalise là non seulement une véritable prouesse physique (surtout sachant qu’elle a réalisé 90% des scènes dansées !) mais surtout la prouesse d’incarner deux personnes (au moins...) en une seule.

    Un film aux multiples reflets et d’une beauté folle, au propre comme au figuré, grâce à la virtuosité de la mise en scène et de l’interprétation et d’un jeu de miroirs et mise(s) en abyme. Une expérience sensorielle, une danse funèbre et lyrique, un conte obscur redoutablement grisant et fascinant, sensuel et oppressant dont la beauté hypnotique nous fait perdre (à nous aussi) un instant le contact avec la réalité pour atteindre la grâce et le vertige.

    Plus qu’un film, une expérience à voir et à vivre impérativement (et qui en cela m’a fait penser à un film certes a priori très différent mais similaire dans ses effets : L’Enfer d’Henri-Georges Clouzot) et à côté duquel le Somewhere de Sofia Coppola qui lui a ravi le lion d’or à Venise apparaît pourtant bien fade et consensuel...

  • Hommage à Jude Law - 49ème Festival du Cinéma Américain de Deauville - Critique de THE NEST de Sean Durkin

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    The Nest était projeté aujourd'hui dans le cadre de l'hommage à Jude Law. L'occasion de revoir ce film qui avait obtenu le Grand Prix 2020 et de vous le recommander de nouveau.

    Dans les années 1980, Rory (Jude Law), un ancien courtier devenu un ambitieux entrepreneur, convainc Allison (Carrie Coon), son épouse américaine, et leurs deux enfants, de quitter le confort d’une banlieue cossue des États-Unis pour s’installer en Angleterre, son pays de naissance. Persuadé d’y faire fortune, Rory loue un vieux manoir en pleine campagne où sa femme pourra continuer à monter et à donner des cours d’équitation. Mais l’espoir d’un lucratif nouveau départ s’évanouit rapidement et l’isolement fissure peu à peu l’équilibre familial.

    Vanessa Paradis, la présidente du jury du 46ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, dans le cadre duquel The Nest avait été projeté en compétition, a évoqué « un thriller oppressant, une fable sur le délitement d'une famille portée par une élégance de sa mise en scène et deux acteurs d'exception ».

    Ce deuxième film de Sean Durkin, qui avait remporté en 2011 le prix du meilleur réalisateur au Festival de Sundance pour Martha Marcy May Marlene, a en effet récolté pas moins de trois récompenses au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2020 : Grand prix, Prix de la Révélation et Prix de la Critique Internationale.

    Tout est en ordre dans cette famille et dans le nid (signification de The Nest) au sein duquel elle vit. Du moins, en apparence : tout est en ordre. Les voitures sont bien rangées devant le cossu pavillon. Rory reçoit un coup de fil dont on n’entend pas le contenu. Tout juste le voit-on avoir une conversation téléphonique qui semble le réjouir, derrière une fenêtre de la maison. Premier élément qui instille mystère et suspicion quant à l’apparente sérénité qui semble régner. Chacun des membres de la famille a une vie bien orchestrée, en équilibre comme la gymnastique que pratique la fille d’Allison. La musique laisse deviner un bonheur tranquille, une vie sans aspérités. Chaque matin, Rory apporte le café à sa femme. Et puis un jour il lui annonce « on devrait déménager » et lui présente cela comme une opportunité. « Tu devrais avoir ta propre écurie » lui dit-il, comme s’il s’agissait de lui demander son avis et de la convaincre. De simples détails dont le spectateur se souviendra ensuite laissent pourtant déjà présager ce qui deviendra le centre de leurs préoccupations : l’argent (elle réclame l’argent de ses leçons d’équitation) et les remarques pernicieuses de Rory (Rory fait comprendre que s’ils sont venus dans ce coin des Etats-Unis, c’est pour se rapprocher de la famille d’Allison).

    Malgré les réticences d’Alison, ils partent pour l’Angleterre où ils emménagent dans un nouveau nid. Un manoir isolé aussi gigantesque qu’inhospitalier et lugubre choisi par Rory seul et dans lequel il n’aurait certainement pas déplu à Hitchcock de placer l’intrigue d’un de ses films. Rory fanfaronne en évoquant le « parquet posé dans les années 1700 », les «membres de Let Zeppelin qui ont vécu ici en enregistrant un album » ou encore en offrant un manteau de fourrure avec grandiloquence et une once de grossièreté à Allison. Son patron lui dit en plaisantant : « ton bureau c’est pour apaiser ton ego fragile. » Cet ego est bel et bien ce qui domine ce personnage dont la propension au mensonge pour satisfaire son orgueil est la principale caractéristique. A son épouse, il dit « j’ai hâte de te montrer à tout le monde » comme un objet qu’il exhiberait tout comme il évoquera les 5000 dollars que lui coûte le « cheval défectueux » de sa femme le rabaissant là aussi à un état d’objet. Il paie le restaurant pour ses collègues. Ment en parlant de leur « penthouse à New York » alors qu’ils ne possèdent rien. Et Allison découvre que ce départ n’était pas la conséquence d’une opportunité mais d'une démarche de Rory.

    Derrière ce bonheur de façade, tout semble pouvoir exploser d’un instant à l’autre, et le nid pouvoir se fissurer.  Une scène de dîner au restaurant entre les deux époux témoigne d’ailleurs de la fragilité de leur bonheur mais aussi du caractère d’Alisson, la force de ce personnage étant aussi un des atouts de ce film, ne la cantonnant pas au rôle d’épouse complaisante et fragile. Une scène jubilatoire que je vous laisse découvrir.

    Peu à peu, le vernis se craquèle. On découvre que Rory a une mère qui vit en Angleterre et  qu’il n’a pas vue depuis des années, et dont il n’a vraisemblablement pas parlé à sa femme, et auprès de laquelle il se vante d’avoir épousé « une sublime blonde américaine. »  Les signes extérieurs de richesse sont primordiaux pour Rory en ces années 1980 où l’argent est roi. Tout se mesure en argent pour lui. Une revanche sur son « enfance merdique » comme il la qualifiera. Une revanche qu’il estime mériter, quoiqu’il en coûte à sa famille (au propre comme au figuré). Peu à peu leur monde se délite. Leur fille se met à fumer en cachette, à avoir de mauvaises fréquentations, à se rebeller. Leur fils subit du harcèlement à l’école et est terrifié à l’idée de traverser le manoir. Et même Allison semble croire que des ombres fantomatiques se faufilent dans le décor.  Et le cheval, l’élément d’équilibre de la famille, semble lui aussi perdu, malade, et courir vers une mort qui semble annoncer celle de toute la famille.

    La grande richesse de ce film provient de la parfaite caractérisation de ses deux personnages principaux et de leurs deux enfants, de leurs fragilités qui s’additionnent et semblent les mener vers une chute irréversible. L’obsession de réussite de Rory lui fait occulter tout le reste. Et tout n’est plus qu’une question d’argent, même sa relation avec Allison à qui il rappelle qu’il l’a sortie de la situation dans laquelle elle se trouvait avec sa fille avant de le rencontrer.

    Derrière le personnage imbuvable, pétri d’orgueil et de suffisance, aveuglé par son ambition, se dessine peu à peu le portrait d’un être brisé par son enfance. Le scénario est émaillé d’indices qui, comme ceux d’une enquête, nous permettent de constituer peu à peu le portrait et les causes de sa personnalité. Les dialogues souvent cinglants donnent lieu à des scènes d’anthologie et le basculement semble à chaque instant possible.

    Le dénouement signe l’explosion finale (et l’implosion finale, celle de la famille), inévitables. Chacun des occupants du nid franchit le seuil de sa folie avant de basculer irrémédiablement ou, qui sait, de retrouver le cocon rassurant et protecteur,  là où il n’est plus permis de jouer, de faire semblant.  D’ailleurs, pour rentrer, Rory se fraie un chemin au milieu des feuilles comme pour venir se réfugier auprès des siens et assister à la morale de la fable.

    Sean Durkin pose finalement un regard compatissant sur l’enfant capricieux et en mal de reconnaissance qu’est Rory jusqu’à faire tomber le masque. Face à lui, son épouse n’est pas la victime de ses actes mais bataille pour maintenir à flot le nid familial.  Carrie Coon et Jude Law par l’intensité et les nuances de leur jeu apportent la complexité nécessaire à ces deux grands enfants perdus que sont Allison et Rory.

    La musique, de plus en plus inquiétante, et la mise en scène, d’une élégante précision, épousent brillamment l’angoisse qui progressivement, s’empare de chacun des membres de la famille, se retrouvant bientôt tous isolés, dans le fond comme dans la forme, dans le manoir comme dans les problèmes qu’ils affrontent. La noirceur et la nuit s’emparent des âmes et des décors. Jusqu’à ce que, qui sait, la clarté et le jour ne se lèvent et le nid ne réconforte et recueille ses occupants.  Un scénario ciselé, une mise en scène élégante, des personnages brillamment dessinés au service d’un suspense haletant et d’un dénouement d’une logique à la fois surprenante et implacable.

  • Programme complet du 49ème Festival du Cinéma Américain de Deauville : à suivre en direct ici du 1er au 10 septembre 2023

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    Comme chaque année depuis une vingtaine d'années, je vous ferai vivre en direct le Festival du Cinéma Américain de Deauville dont la 49ème édition aura lieu du 1er au 10 septembre. Vous pourrez notamment me suivre sur mon compte Instagram (@Sandra_Meziere). Une édition avec un programme qui s'annonce passionnant malgré les absences de ceux qui auraient dû être à l'honneur cette année (Natalie Portman, Jude Law, Joseph Gordon-Levitt, Peter Dinklage) pour cause de grève à Hollywood. Le festival propose d'ailleurs une table ronde à ce sujet intitulée Grève à Hollywood : les mutations du cinéma, en partenariat avec Le Monde, le 2 septembre à 14h.

    Cela n'empêchera pas ce festival, comme chaque année, d'être le reflet des ombres et lumières de la société américaine, de nous offrir une plongée réjouissante dans les méandres du pays de l'Oncle Sam, avec 80 films en sélection officielle : Premières, compétition, Docs de l'Oncle Sam...mais aussi, comme c'est le cas depuis la pandémie, une Fenêtre sur le cinéma français ( 3 films français en première mondiale) et L'heure de la Croisette ( 3 films de la sélection officielle du dernier Festival de Cannes). Jerry Schatzberg sera par ailleurs bien présent à l'occasion de l'hommage que lui rendra le festival, de même que Kyle Eastwood qui fera résonner ses notes lors de la cérémonie d'ouverture et viendra présenter un documentaire qui lui est consacré. L'ouverture sera aussi l'occasion de découvrir Le Jeu de la Reine de Karim Aïnouz. Le festival propose cette année des "conversations avec..."  Luc Besson (à l'occasion de la première de son film Dogman) et Carole Bouquet (à l'occasion de la projection de Captives de Arnaud des Pallières). Comme chaque année, il ne faudra également pas manquer le Prix d'Ornano-Valenti attribué cette année à Rien à perdre de Delphine Deloget.

    Rendez-vous le 9 septembre pour découvrir le palmarès décerné par Guillaume Canet (à qui la distinction numérique de l'INA sera remise le 6 septembre avant la projection de L'enlèvement de Marco Bellochio) et Mélanie Thierry, et leurs jurys respectifs. La cérémonie du palmarès sera suivie du film de clôture : Joika de James Napier Robertson

    Retrouvez également l'ensemble de mes articles consacrés à l'édition 2022 du festival sur In the mood for Deauville et mon bilan du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022 dans le magazine Normandie Prestige 2023 (distribué à partir du 20 juillet 2023, également disponible en ligne ici).

    Cet article ci-dessous vous détaillant le programme du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023 sera mis à jour au fur et à mesure des annonces.

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  • Bilan et palmarès du 48ème Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    La version courte et remodelée de ce bilan sera publiée dans le magazine Normandie Prestige 2023 (disponible à partir du 19 juillet 2023).

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     «Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant où l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses.»  Kundera

    Un festival de cinéma est toujours un voyage, a fortiori celui de Deauville qui nous immerge dans les réalités du Pays de l'Oncle Sam. L'affiche de cette 48ème édition représentant Le Magicien d'Oz nous invitait ainsi à un voyage magique. Le programme était cependant beaucoup plus sombre sur les écrans. Comme chaque année, les films du festival ont ainsi dressé un passionnant état des lieux de la société américaine.

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    C’est dans la section L’heure de la Croisette que le Festival du Cinéma Américain de Deauville a programmé Sans filtre, la Palme d'Or du Festival de Cannes 2022, de Ruben Östlund, en sa présence. Là où un Chaplin aurait recouru au rire tendre et burlesque pour souligner les travers de son époque, pour croquer la sienne, Ruben Östlund a choisi le sarcasme impitoyable, l’ironie mordante, la férocité et l’excès du trait, le cynisme indécent en écho à celui qu’il dénonce. Le film est tourné en plans fixes, tout mouvement de caméra aurait finalement été un pléonasme devant ce spectacle de désolation, cette exhibition amorale, ce monde en plein naufrage. La réalisation, élégante, presque « avec filtre », souligne par la forme le propos et le contraste entre le paraître qui se veut si lisse et l'abjection de l'être. Tantôt réjouissante, tantôt dérangeante (à dessein) cette farce cruelle et satirique, sans la moindre illusion sur le monde, se termine par une pirouette facile destinée à nous montrer que le cycle infernal ne prendra jamais fin.

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    Close de Lukas Dhont Grand Prix ex-aequo du dernier Festival de Cannes était également présenté dans cette section. Léo, le blond, et Rémi, le brun, 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu'à ce qu'un événement impensable les sépare.  Le scénario est d’une justesse, d’une subtilité et d’une sensibilité rares disséquant la violence parfois tueuse du regard des autres, et la douleur ineffable de la perte (d’un être, de l’innocence). Les violons de la BO de Valentin Hadjadj accompagnent et contrebalancent la retenue des personnages. Un film d’une maitrise (de jeu, d’écriture, de mise en scène) rare, empreint de poésie dont le regard final ne nous lâche pas comme l’émotion poignante, la douce fragilité et la tendresse qui parcourent et illuminent ce film. Comme un écho à un autre visage, disparu, dont le souvenir inonde tout le film de sa grâce innocente.

     

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    Armageddon time, également dans le cadre de la section L’heure de la Croisette. Le regard aiguisé de James Gray se pose avec tellement de sensibilité sur les êtres que, dès les premiers plans, il vous captive même par une scène en apparence anodine dans une salle de classe. Celle du jeune Paul Graff qui vit dans le Queens, là où le cinéaste lui-même a habité dans son enfance. Seul son grand-père semble le comprendre. La sublime photographie de Darius Khondji aux accents automnaux renforce la sensation de mélancolie qui se dégage du film, douce puis plus âpre. James Gray filme l’intime avec grandeur et lui procure un souffle romanesque et émotionnel unique. Quelles images sublimes que celles du grand-père et du petit-fils dans cette lumière automnale, déclinante, et crépusculaire. Sublime et fascinante comme un dernier et vibrant sursaut de vie.  Armageddon time témoigne de toute la sensibilité, la dualité, la complexité, la richesse du cinéma de James Gray.

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    Pour la deuxième fois, le festival a proposé Fenêtre sur le ciné­ma fran­çais avec trois films pré­sen­tés en pre­mière mon­diale : La grande magie de Noé­mie Lvovs­ky, La Tour de Guillaume Nicloux et Les Ras­cals de Jim­my Lapo­ral-Tré­sor

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    La jeune géné­ra­tion d’Hollywood a également été à l’honneur avec Jesse Eisen­berg, Deauville Talent Awards venu When You Finish Saving the World, son pre­mier film en tant que réa­li­sa­teur. Lucy Boyn­ton (qui a marqué les festivaliers par son discours puissant) et Ana de Armas ont quant à elles reçu le prix du Nouvel Hollywood, cette dernière ayant bouleversé et divise les spec­ta­teurs avec Blonde d’Andrew Domi­nik qui met en scène une Marilyn Monroe sans cesse objetisée et victime de misogynie.

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    Arnaud Des­ple­chin et son jury ont départagé les 13 films de la compétition officielle couronnant le merveilleux Aftersun de Charlotte Wells, également lauréat du prix de la critique.

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    Un film sublimement triste, comme un soleil d’été ardent soudain masqué après avoir ébloui avec intransigeance, comme l’insouciance et l’enfance et un père qui s’éclipsent avec une brusquerie déconcertante, peut-être à tout jamais. Film impressionniste sur quelques jours d’été entre un père et sa fille en Turquie. Tous deux au bord du vide, chacun à leur manière : la fin des illusions pour l’un, de l’enfance pour l’autre. Moment suspendu, instants faussement futiles, dont on devine vaguement qu’ils sont essentiels, qu’on voudrait retenir mais comme les grains de sable qui filent entre les doigts, déjà ils périclitent entre les mailles de la mémoire. Un film gracieux, d’une délicatesse mélancolique qui charrie la beauté fugace de l’enfance devenue songe et la saveur inégalable de ses réminiscences (floues). Et puis ce dernier plan ! Celui du vide et du mystère que laissent les (êtres et moments, essentiels) disparus, que laissent les instants futiles dont on réalise trop tard qu’ils étaient cruciaux, fragiles et uniques. Celui du manque impossible à combler. Celui du (couloir) du temps qui dévore tout. Renversant d’émotions. Vous chavirerez, aussi, surtout si votre soleil d’enfance a été dévoré par l’ombre…

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    War Pony  de Riley Keough et Gina Gammell, un récit initiatique bouleversant, a reçu le prix de la révélation et le prix du jury ex-aequo. Après Les chansons que mes frères m’ont apprises et The Rider, ce film était également tourné la réserve de Pine Ridge.

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    Le Festival du Cinéma Américain de Deauville a eu l’excellente idée de braquer ses projecteurs sur Leonard Cohen et l’histoire fascinante de sa chanson mythique, Hallellujah, avec ce documentaire sélectionné dans Les Docs de l’oncle Sam. Cette chanson a fait le tour du monde et a souvent été utilisée au cinéma et, pourtant, qui en connaît véritablement le sens et l’histoire ? Cette passionnante histoire est aussi celle des affres de la création, des injustices du succès et d’une époque dans laquelle la diversité des médias facilite la vulgarisation des œuvres, sans pour autant que cette communication à outrance permette de connaître le sens profond des choses et leur origine. C’est un atout des documentaires, et de ce documentaire en particulier, que de permettre de redonner du temps au temps, de prendre du recul dans une époque d’immédiateté. Passionnant documentaire qui rend hommage à la beauté éternelle de cette chanson mais avant tout au talent du poète unique qui l’écrivit.

    Une histoire d'amour et de fantômes. Ainsi le pitch officiel présente-t-il ce premier long-métrage de Charlotte Le Bon, Falcon Lake, quia reçu le prix d’Ornano-Valenti, toujours un gage de qualité. Une fin entêtante, magnifique, énigmatique qui fait confiance au spectateur et au pouvoir de l’imaginaire. Une fin comme ce film, magnétique, dont le fantôme ne cessera ensuite de nous accompagner…Une histoire d’amour et de fantômes, certes, mais surtout une exceptionnelle et sublime histoire d’amour et de fantômes  qui vous hantera délicieusement très longtemps.

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    Une délicieuse hantise. Peut-être cet oxymore résume-t-il un film et un festival réussis, à l’image de ce que fut cette édition ouverte sur la société américaine, mais aussi sur le monde, ses maux, quelques espoirs, et sur l’avenir.

    PALMARES COMPLET DU 48ème FESTIVAL DU CINEMA AMERICAIN DE DEAUVILLE

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    Le Jury de la 48e édi­tion du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de Deau­ville, pré­si­dé par Arnaud Des­ple­chin, entou­ré de Jean Paul Civey­rac, Pierre Dela­don­champs, Léa Dru­cker, Sophie Letour­neur, Alex Lutz, Yas­mi­na Khadra,
    et Marine Vacth a décer­né les prix suivants :

    Grand Prix
    AFTERSUN de Char­lotte Wells
    (dis­tri­bu­tion : MUBI)

    Prix du Jury
    WAR PONY de Gina Gam­mell & Riley Keough
    (dis­tri­bu­tion : Les Films du Losange)
    En salles en 2023

     Prix du Jury
    PALM TREES AND POWER LINES de Jamie Dack
    (ventes inter­na­tio­nales : Film Constellation)

    Le Jury de la Révé­la­tion de la 48e édi­tion du Fes­ti­val du ciné­ma amé­ri­cain de
    Deau­ville, pré­si­dé par Elo­die Bou­chez, entou­rée de Andréa Bes­cond, Eddy de
    Pret­to, Nico­las Pari­ser, Agathe Rous­selle, et Yolande Zau­ber­man a décer­né les
    prix suivants :

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    Prix Fon­da­tion Louis Roe­de­rer de la Révé­la­tion 2022
    WAR PONY de Gina Gam­mell & Riley Keough
    (dis­tri­bu­tion : Les Films du Losange)
    En salles en 2023

    Prix du Public de la Ville de Deauville
    EMILY THE CRIMINAL de John Pat­ton Ford
    (dis­tri­bu­tion : Uni­ver­sal Pic­tures Content Group)

    Le Jury de la Cri­tique, com­po­sé de cinq jour­na­listes, a décer­né son Prix à
    AFTERSUN de Char­lotte Wells
    (dis­tri­bu­tion : MUBI)

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    Prix d’Ornano-Valenti 2022
    FALCON LAKE de Char­lotte Le Bon
    (dis­tri­bu­tion : Tandem)
    Sor­tie salles : 7 décembre 2022

    Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site officiel du Festival du Cinéma Américain de Deauville.

     

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