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cinéma - Page 203

  • Critique de « Canine » de Yorgos Lanthimos

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    Un film grec vous disais-je hier, l'argument était suffisant pour que je m'y précipite, tout ce qui concerne la Grèce de près ou de loin m'intéressant. Mon enthousiasme s'arrêtera là, « Canine » étant l'exact contraire de tout ce qu'évoque la Grèce pour moi... donc je vais tenter de mettre de côté mon attachement viscéral à ce pays pour vous parler de ce film.

    Loin de l'atmosphère chaleureuse, lumineuse, ensorcelante que peut évoquer la Grèce pour moi c'est ici, en pleine campagne, derrière les hauts murs d'une maison où vivent un couple et leurs trois enfants (qui ont allègrement dépassé la vingtaine) qui ne les ont jamais quittés, que se joue l'intrigue.  Ils ne connaissent rien du monde extérieur si ce n'est ce que leurs parents leur en laissent entendre. Ainsi les seules vidéos que les enfants regardent sont des vidéos familiales dont ils connaissent  les dialogues par cœur comme les répliques d'une fiction. Seul le père sort de la maison pour aller travailler dans son entreprise et la seule personne de l'extérieur à venir  dans la maison est Christina, agent de sécurité dans ladite entreprise qui vient assouvir les besoins sexuels du fils sur recommandation du père. Derrière ces murs, les parents recréent donc un monde où ils façonnent et manipulent leurs enfants. Un monde carcéral. Une prison d'autant plus cruelle qu'elle se trouve sous le soleil insolent de Grèce, dont quelques airs de musique écoutés dans la voiture par le père et Christina rappellent la beauté, la liberté, le bouillonnement de vie indissociable de ce pays.

    Voilà typiquement le genre de film qui m'agace prodigieusement, agace plus que dérange tant le propos du film est surligné. Et l'hypocrisie qui consiste à crier au génie sous prétexte qu'un film dérangeant serait forcément un chef d'œuvre (le film en question a obtenu le prix Un Certain Regard et le prix de la  jeunesse au dernier Festival de Cannes) m'agace encore davantage. Qu'est-ce qui me dit qu'il s'agit là d'hypocrisie me direz-vous... En effet, simple supputation, néanmoins appuyée sur les réactions de rejet à la projection presse hier...étrangement en contradiction avec les critiques lues dans la presse.  Oui, voilà, un film dérangeant est forcément un chef d'œuvre. Et affirmer le contraire serait preuve d'incompréhension, d'ignorance, de principes moralisateurs, de contresens artistique. Pas forcément, et j'espère vous en convaincre.

    Le propos donc. Une allégorie jusqu'au-boutiste de la manipulation mentale, œuvre d'une éducation rigide et évidemment plus largement des dictatures, des totalitarismes dont Yorgos Lanthimos démonte ou plutôt tente de démonter (et démontrer) le mécanisme. Conditionnée, la famille (ou donc le peuple) se laisse asservir ne connaissant d'autre réalité, ni la nuance entre bien et mal, moralité et immoralité. Un zombie devient une fleur jaune. Les chats deviennent des créatures maléfiques et meurtrières. Et on ne peut accéder à l'âge adulte que lorsqu'on a perdu une canine (d'où le titre...).  L'univers devient absurde pour un regard extérieur et normal pour ceux qui y vivent. En insérant dans la banalité  ces situations qui mettent néanmoins en scène des êtres opprimés, niés, il confronte les regards, et en renforce l'étrangeté en leur donnant un cadre a priori familier. L'idée était donc plutôt intéressante. De même que le cadrage, rectangulaire, rigide, parfois ne montrant pas les visages de ces êtres alors déshumanisés. Sans âme. Sans visage soudain.

    De l'absurde de certaines situations résulte un humour très noir et les rires proviennent davantage du malaise devant une telle imagination dans la manipulation et la perversité, voire du dégoût que de la jubilation. Un film jubilatoire ai-je lui ça et là... !! Mais n'est-ce pas là aller totalement à l'encontre du message du réalisateur ? En nous montrant le totalitarisme à l'échelle familiale, il en démonte aussi les mécanismes pervers, absurdes, terrifiants, malsains.

    Et c'est là qu'arrive la limite du film. Parce que Lanthimos n'est ni Ionesco (là aussi l'homme devient animal) ni Haneke et il croit visiblement que pour faire comprendre et donner de la force au propos, il faut tomber dans la surenchère. De nudité. De perversité. De transgression. D'asservissement. De bêtise.  Ne jamais utiliser le hors champ. Montrer, tout montrer. De préférence en plan fixe et en gros plan pour accroître le malaise. Du coup le propos en perd de la force.  Ce qui est excessif en devient insignifiant. Vulgaire. Vain.  Et Yorgos Lanthimos semble lui-même se complaire dans ce que son film aurait pu brillamment dénoncer, et forcer ainsi le spectateur à en devenir complice.

    Ce film me fait penser à ces gens, régulièrement invités sur des plateaux de télévision pour y déverser leur brillante logorrhée, qui maîtrisent parfaitement la rhétorique, que personne n'ose et ne sait contredire, non pas parce qu'ils édicteraient des vérités incontestables mais parce qu'ils savent tellement bien habiller la forme, que personne n'estime avoir le droit de remettre en cause le fond... vide bien souvent mais en apparence savamment habillée comme irréfutable.  Des propos qui, finalement, endorment, au lien de réveiller la conscience. Comme une séance d'hypnose. Et on se demande alors si, finalement ici, les pantins ne sont pas davantage les spectateurs que les personnages (les enfants manipulés par leurs parents) à moins que le réalisateur ne soit un tel génie que ce soit là son but implicite : nous démontrer ainsi la fascination perverse pour ce régime...  Sans quoi ce n'est (ou ne serait) qu'un beau gâchis. Une vulgaire illusion. Dommage : l'idée était belle...mais une idée aussi belle soit-elle ne peut tout justifier ou excuser. Surtout pas la démagogie.

    Et si, malgré cela, vous avez encore envie d'y aller et voulez vous faire votre propre avis, inthemoodforcinema.com, en partenariat avec mk2 vous fait gagner des places. Voir lien ci-dessous.

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  • 6ème Panorama du Cinéma Grec Contemporain au Cinéma des Cinéastes

    La projection de "Canine" de Yorgos Lanthimos (dont j'essaierai de vous parler quand je m'en serai remise:-)) m'aura au moins permis d'apprendre que du 2 au 8 décembre prochain aura lieu le sixième panorama du cinéma grec contemporain, au cinéma des cinéastes (7 avenue de Clichy dans le 17ème). Evidemment, je ne manquerai pas cet évènement parrainé par Costa-Gavras et je vous en reparlerai donc sur inthemoodforcinema.com. Au programme des longs métrages et des courts métrages, grecs évidemment, et contemporains donc.

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    Liens:
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  • « L’Homme de chevet » d’Alain Monne avec Sophie Marceau, Christophe Lambert...

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    Voilà un film que la critique n'a pas épargné victime, sans doute, de la notoriété de ses deux acteurs principaux, et de ce qui les unit au-delà de l'écran. Ils n'ont pourtant pas choisi la facilité, avec cette adaptation du roman d'Eric Holder, la deuxième de l'année après le très beau « Melle Chambon » de Stéphane Brizé  avec lequel il n'est d'ailleurs pas exempt de points communs.

    A Carthagène, en Colombie, Léo (Christophe Lambert) passe son temps à boire pour oublier. Un ami le recommande à Muriel (Sophie Marceau) une jeune femme tétraplégique qui recherche un garde malade et qui en a auparavant découragé un certain nombre. Peu à peu des liens vont se tisser entre ces deux êtres que tout aurait pu opposer... a priori.

    A priori parce que, au fond, ces deux personnages se ressemblent. Tous deux dépendants. Elle de son corps, à jamais immobilisé. Lui de l'alcool. Tous deux broyés par l'existence, accidentés de la vie.

    Femme libre et indépendante avant son accident de voiture, Muriel se retrouve prisonnière de son corps et de sa chambre d'où elle ne sort pas, avec pour seule compagnie Lucia (très convaincante Margarita Rosa de Francisco) son autre garde malade dont elle est la raison de vivre et de se lever, et ses livres.

    Avant même d'être une histoire d'amour « L'homme de chevet » est un film sur le corps. Le corps prisonnier de Muriel. Le corps maigre, presque désarticulé, de Léo qu'il abîme par l'alcool, lequel, ancien boxeur, vivait d'ailleurs de son corps. Le corps de Linnett, une jeune boxeuse qu'il entraîne (moyen aussi physique pour lui d'exprimer une rage que Muriel ne peut que verbaliser) qui elle-même se prostitue et vit de son corps. Ou encore un autre corps martyrisé, par la drogue, celui de Lucia. Le corps que  Linnett exhibe dans une robe  flamboyante s'oppose à celui que Muriel cache derrière ses draps blancs. Un corps qui va se réapproprier l'espace. Des corps malmenés qui vont retrouver la dignité et l'estime d'eux-mêmes ( à l'exception de Lucia.)

    Pour incarner ces corps et leur donner une âme, Sophie Marceau et Christophe Lambert sont absolument parfaits et bouleversants. La première, physiquement broyée, d'abord cassante, aigrie, usant d'un humour provocateur et cynique qui s'illumine peu à peu. Tout passe dans sa voix, l'expression de son regard qui se modifient progressivement et tout en restant immobile elle parvient à faire passer avec beaucoup de justesse une grande palette d'émotions, de la colère à l'attendrissement. Le second avec sa voix cassée, ses gestes las qui peu à peu reprend confiance, se redresse.

    Alors bien sûr ce film n'est pas parfait mais là où on aurait crié au film d'auteur brillant si les deux acteurs principaux avaient été inconnus, leur notoriété  rend le film suspect de mièvrerie (et même coupable sans avoir eu droit à la présomption d'innocence à laquelle Alain Monne pourrait d'autant plus prétendre qu'il s'agit d'un premier film), ce que le film évite constamment.

    Alain Monne filme en effet avec énormément de pudeur et dignité, sachant user de l'ellipse et du plan large avec délicatesse là où d'autres auraient abusé du gros plan et des violons. Et puis il y a la Colombie, sa moiteur, ses couleurs chaudes et brûlantes, ses êtres de là-bas ou d'ailleurs qui s'y égarent, victimes des fracas de l'existence.

    C'est l'histoire de trois belles renaissances, d'êtres qui se raccrochent les uns aux autres qui retrouvent la sensibilité aux autres, à la belle lumière de Carthagène,  et le goût de la vie.

    Alain Monne avait obtenu le Grand Prix du Meilleur Scénariste  pour ce film. J'assistais hier soir à la cérémonie 2009 (Alain Monne était d'ailleurs présent), je vous en parle demain. Il a également obtenu le prix du public au Festival d'Angoulême.

    Un beau film, sensible et émouvant, que je vous recommande.

  • CONCOURS- Gagnez vos places pour "Canine" de Yorgos Lanthimos

    canine.jpgUn film grec! Vous pensez bien que je ne pouvais pas ne pas vous en parler. Moi qui aime passionnément ce pays et qui vous en parle désormais assez régulièrement sur ce blog.

     Ce film grec c'est donc "Canine" de Yorgos Lanthimos qui a obtenu le prix Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes. Je le verrai demain (et vous retrouverez bien entendu ma critique en ligne) mais j'organise dès aujourd'hui un concours vous permettant de remporter 5 places pour 2 en partenariat avec le distributeur mk2.

    J'ai donc choisi de vous poser des questions sur la Grèce... évidemment. Les 5 premiers à m'envoyer les bonnes réponses aux 11 questions suivantes à inthemoodforcinema@gmail.com avec "Concours Canine" dans l'intitulé de l'email remporteront les places (que vous soyez en Paris ou en province, à condition que le film sorte en salles dans votre ville, ce 2 décembre, date de sortie nationale).  Les réponses sont simples et se trouvent pour la plupart sur le blog...

    Question n°1:

    Quel musée grec dont je vous ai parlé sur ce blog a été inauguré cette année?

    Question n°2:

    Dans quelle île grecque se trouve le site archéologique de Knossos?

    Question n°3:

    De quel chanteur grec vous ai-je récemment parlé sur inthemoodforcinema?

    Question n°4:

    Où se trouve "Les Vlachernes" ?

    Question n°5:

    Qui est-ce? Que lui est-il arrivé début octobre?

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    Question n°6:
    De quel film grec est extraite cette image?
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    Question n°7:
    Où est-ce?
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    Question n°8:
    En quelle année la Grèce a-t-elle intégré l'Union Européenne?
    Question n°9:
    Qui est-ce? De quel film est extraite cette image?
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    Question n°10
    De quel film a été extraite cette image?
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    Question n°11
    Quel est ce lieu?
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    BANDE ANNONCE DE "CANINE":
    Lien permanent Imprimer Catégories : CONCOURS Pin it! 2 commentaires
  • « Casablanca » de Michael Curtiz avec Ingrid Bergman, Humphrey Bogart, Paul Henreid, Claude Rains…

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    Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai revu ce classique du cinéma américain que j'ai revu hier soir pour la énième fois, toujours avec le même plaisir, la même émotion alors que je connais le déroulement de l'intrigue et les répliques par cœur. Indéniablement la marque des grands films. Nous surprendre et nous émouvoir encore et encore avec ce que l'on connaît.

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    On ne présente plus « Casablanca » ni Rick Blaine (Humphrey Bogart), le mystérieux propriétaire du bigarré Café Américain. Nous sommes en 1942, à Casablanca, là où des milliers de réfugiés viennent et échouent des quatre coins de l'Europe, avec l'espoir fragile d'obtenir un visa pour pouvoir rejoindre les Etats-Unis. Casablanca est alors sous le contrôle du gouvernement de Vichy. Deux émissaires nazis porteurs de lettres de transit sont assassinés. Ugarte (Peter Lorre), un petit délinquant, les confie à Rick alors qu'il se fait arrêter dans son café.  C'est le  capitaine Renault (Claude Rains), ami et rival de Rick, qui est chargé de l'enquête tandis qu'arrive à Casablanca un résistant du nom de Victor Laszlo (Paul Henreid). Il est accompagné  de sa jeune épouse : la belle Ilsa (Ingrid Bergman). Rick reconnaît en elle la femme qu'il a passionnément aimée, à Paris, deux ans auparavant...

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    Casablanca est un film qui contient plusieurs films, plusieurs histoires potentielles esquissées ou abouties, plusieurs styles et tant de destins qui se croisent.

    Plusieurs films d'abord. Casablanca est autant le portrait de cette ville éponyme, là où tant de nationalités, d'espoirs, de désespoirs se côtoient, là où l'on conspire, espère, meurt, là où la chaleur et l'exotisme ne font pas oublier qu'un conflit mondial se joue et qu'il est la seule raison pour laquelle des êtres si différents se retrouvent et parfois s'y perdent.

    C'est ensuite évidemment l'histoire de la Résistance, celle de la collaboration, l'Histoire donc.

     Et enfin une histoire d'amour sans doute une des plus belles qui ait été écrite pour le cinéma. De ces trois histoires résultent les différents genres auxquels appartient ce film : vibrante histoire d'amour avant tout évidemment, mais aussi comédie dramatique, film noir, mélodrame, thriller, film de guerre.

    Peu importe le style auquel il appartient, ce qui compte c'est cette rare alchimie. Cette magie qui, 70 ans après, fait que ce film est toujours aussi palpitant et envoûtant.

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    L'alchimie provient d'abord du personnage de Rick, de son ambiguïté.  En apparence hautain, farouche individualiste, cynique, velléitaire, amer, il se glorifie ainsi de « ne jamais prendre parti », de  « ne prendre de risque pour personne » et dit qu' « alcoolique » est sa nationalité ; il se révèle finalement patriote, chevaleresque, héroïque, déterminé, romantique. Evidemment Humphrey Bogart avec son charisme, avec son vieil imper ou son costume blanc (qui reflètent d'ailleurs le double visage du personnage), sa voix inimitable, sa démarche nonchalante, ses gestes lents et assurés lui apporte un supplément d'âme, ce mélange de sensibilité et de rudesse qui n'appartient qu'à lui. Un personnage aux mille visages, chacun l'appelant, le voyant aussi différemment. Auparavant surtout connu pour ses rôles de gangsters et de détectives, Humphrey Bogart était loin d'être le choix initial (il fut choisi après le refus définitif de George Raft) tout comme Ingrid Bergman d'ailleurs (Michèle Morgan, notamment, avait d'abord été contactée), de même que le réalisateur Michael Curtiz n'était pas le choix initial de la Warner qui était William Wyler. On imagine désormais mal comment il aurait pu en être autrement tant tous concourent à créer cette alchimie...

    Ensuite cette alchimie provient évidemment du couple qu'il forme avec Ingrid Bergman qui irradie littéralement l'écran, fragile, romanesque, nostalgique, mélancolique  notamment grâce à une photographie qui fait savamment briller ses yeux d'une tendre tristesse. Couple romantique par excellence puisque leur amour est rendu impossible par  la présence du troisième personnage du triangle amoureux qui se bat pour la liberté, l'héroïque Victor Laszlo qui les place face à de cruels dilemmes : l'amour ou l'honneur. Leur histoire personnelle ou l'Histoire plus grande qu'eux qui  tombent « amoureux quand le monde s'écroule ». L'instant ou la postérité.

    Et puis il y a tous ces personnages secondaires : Sam (Dooley Wilson), le capitaine Renault, ... ; chacun incarnant un visage de la Résistance, de la collaboration ou parfois une attitude plus ambiguë à l'image de ce monde écartelé, divisé dont Casablanca est l'incarnation.

    Concourent aussi à cette rare alchimie ces dialogues, ciselés, qui, comme le personnage de Rick oscillent entre romantisme noir et humour acerbe : « de tous les bistrots, de toutes les villes du monde c'est le mien qu'elle a choisi ». Et puis ces phrases qui reviennent régulièrement comme la musique de Sam, cette manière nonchalante, presque langoureuse que Rick a de dire « Here's looking at you, kid » .

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    Et comme si cela n'était pas suffisant, la musique est là pour achever de nous envoûter. Cette musique réminiscence de ces brefs instants de bonheur à Paris, entre Rick et Ilsa, à « La Belle Aurore » quand l'ombre ne s'était pas encore abattue sur le destin et qu'il pouvait encore être une « belle aurore », ces souvenirs dans lesquels le « Play it again Sam » les replonge lorsque Ilsa implore Sam de rejouer ce morceau aussi célèbre que le film : « As time goes by » ( la musique est signée Max Steiner mais « As time goes by » a été composée par Herman Hupfeld en 1931 même si c'est « Casablanca » qui l'a faîte réellement connaître).

     Et puis il y a la ville de Casablanca d'une ensorcelante incandescence qui vibre, grouille, transpire sans cesse de tous ceux qui s'y croisent, vivent de faux-semblants et y jouent leurs destins : corrompus, réfugiés, nazis, collaborateurs... .

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     Des scènes d'anthologie aussi ont fait entrer ce film dans la légende comme ce combat musical, cet acte de résistance en musique (les partisans des Alliés chantant la Marseillaise couvrant la voix des Allemands chantant Die Wacht am Rhein, et montrant au détour d'un plan un personnage changeant de camp par le chant qu'il choisit) d'une force dramatique et émotionnelle incontestable.  Puis évidemment la fin que les acteurs ne connaissaient d'ailleurs pas au début et qui fut décidée au cours du tournage, cette fin qui fait de « Casablanca » sans doute une des trois plus belles histoires d'amour de l'histoire du cinéma. Le tournage commença ainsi sans scénario écrit et Ingrid Bergman ne savait alors pas avec qui son personnage partirait à la fin, ce qui donne aussi sans doute à son jeu cette intrigante ambigüité. Cette fin( jusqu'à laquelle  l'incertitude est jubilatoire pour le spectateur) qui rend cette histoire d'amour intemporelle et éternelle. Qui marque le début d'une amitié et d'un engagement (le capitaine Renault jetant la bouteille de Vichy, symbole du régime qu'il représentait jusqu'alors) et est clairement en faveur de l'interventionnisme américain (comme un autre film dont je vous parlais récemment), une fin qui est aussi  un sacrifice, un combat pour la liberté qui subliment l'histoire d'amour, exhalent et exaltent la force du souvenir (« nous aurons toujours Paris ») et sa beauté mélancolique.

    La réalisation de Michael Curtiz est quant à elle élégante, sobre, passant d'un personnage à l'autre avec beaucoup d'habileté et de fluidité, ses beaux clairs-obscurs se faisant l'écho des zones d'ombre  des personnages et des combats dans l'ombre et son style expressionniste donnant des airs de film noir à ce film tragique d'une beauté déchirante. Un film qui comme l'amour de Rick et Ilsa résiste au temps qui passe.

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    Le tout concourant à ce romantisme désenchanté, cette lancinance nostalgique et à ce que ce film soit régulièrement classé comme un des meilleurs films du cinéma mondial. En 1944, il fut ainsi couronné de trois Oscars (meilleur réalisateur, meilleur scénario adapté, meilleur film) et l'American Film Institute, en 2007, l'a ainsi classé troisième des cents meilleurs films américains de l'Histoire derrière l'indétrônable « Citizen Kane » et derrière « Le Parrain ».

    Le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires,  la cosmopolite Casablanca, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique « As time goes by », la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario (signé Julius et Philip Epstein d'après la pièce de Murray Burnett et Joan Alison « Everybody comes to Rick's »), le dilemme moral, la fin sublime, l'exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l'universalité de l'idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté font de ce film un chef d'œuvre...et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses.

    La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c'était un film parfait évoquant l'amour, le patriotisme, le mystère et l'idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l'on trouve rarement au cinéma. Je suis d'accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick's Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C'est ça, la vraie magie du cinéma ».

     Un chef d'œuvre à voir absolument. A revoir inlassablement. Ne serait-ce que pour entendre Sam (Dooley Wilson)  :

  • Palmarès du 3ème Festival Européen des 4 écrans

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    La troisième édition du Festival Européen des 4 écrans, un festival initié par Hervé Chabalier consacré au cinéma, à la télévision, au web et au téléphone mobile a délivré son palmarès hier soir. 16 pays européens figuraient en compétition.

    Grand Prix des 4 écrans


    Burma VJ: Reporter i et lukket land d'Anders Ostergaard (Danemark)

    Ecran d'Or - Longs métrages


    Me, My Gipsy Family and Woody Allen de Lucile Hadzihalilovic (Italie)

    Ecran d'Argent - Longs métrages


    Coach de Joram Lürsen (Pays-Bas)

    Prix du Jury Jeunes - Longs métrages


    Burma VJ: Reporter i et lukket land d'Anders Ostergaard (Danemark)

    -Prix Phone Reporters

    “Un immigré clandestin expulsé comme un mouton” Lamine Mbegue, Espagne


    -Prix Web-Films: Ecran d’Or:

     “Living with infidels” de Aasaf Aimapore

    Site officiel du festival: www.festival-4ecrans.eu

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  • « Le Professeur » de Valerio Zurlini avec Alain Delon, Sonia Petrova, Lea Massari…

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    Connaissant mon addiction, assumée et revendiquée, aux films avec Alain Delon une amie blogueuse m'a parlé du « Professeur » de Zurlini et apprenant avec stupéfaction que je n'avais jamais vu ce film  elle me l'a gentiment prêté pour que je puisse combler cette impardonnable lacune... Histoire d'aggraver mon cas : j'avoue, légèrement honteuse,  qu'il s'agit également du premier film de Zurlini  que je regarde. Je vais essayer de me faire pardonner tous ces délits en vous parlant de ce film méconnu.

    professeur.jpgNous sommes en 1972, Alain Delon vient de tourner des chefs d'œuvre comme « La Piscine » ou « Le Cercle rouge » (mais également un excellent film comme « Borsalino » dont je vous rappelle qu'il est sorti hier en DVD). Marcello Mastroianni n'étant pas disponible, Zurlini fait appel à Alain Delon qui répond positivement et avec enthousiasme décidant même de coproduire le film. Il  demandera ainsi à Zurlini d'amputer le film de 20 minutes et de changer le titre pour un titre plus « delonien ».  Après Visconti et Antonioni, Zurlini s'ajoute donc à la liste des réalisateurs italiens à faire tourner Delon qui retrouve ici Lea Massari avec qui il avait tourné dans « l'Insoumis » en 1964.

    Delon incarne ici un jeune professeur de littérature nommé Daniel Dominici qui remplace un professeur malade au lycée de Rimini, lycée de riches et oisifs élèves. Il mène une vie d'infidélités assumées avec sa femme (Léa Massari) avec laquelle il vit « par désespoir plus que par habitude »,  qui seule semble comprendre sa blessure secrète, et il passe son temps à jouer et perdre aux cartes, et à boire.  C'est ce même sentiment de blessure qu'il décèle chez une de ses élèves de 19 ans, la mystérieuse et sombre Vanina (Sonia Petrova) dont il tombe amoureux.

    Dès les premiers plans, ce film tranche avec les films habituels dans lesquels joue Alain Delon. D'abord par son atmosphère. Celle de la ville italienne de Rimini hors saison, déserte, brumeuse, maussade, oppressante au bord d'une mer plus glaçante que chaleureuse. Le désespoir se lit sur les visages et s'insinue dans les rues désertes et brumeuses, et la tragédie semble menacer de s'abattre à tout instant, à nouveau, là où chacun semble traîner ses blessures enfouies. Ensuite dans le rythme où se mêlent ennui, langueur, oisiveté, mélancolie. Enfin et surtout dans le personnage incarné par Alain Delon. Mal rasé, ombrageux, usé, vêtu d'un long manteau beige informe et sans âge qu'il traîne nonchalamment et ne quitte jamais comme son mal être, c'est un professeur peu soucieux des convenances qui propose des cigarettes à ses élèves en classe et leur demande de raconter leur vie en dissertation pendant qu'il s'absente de la classe. Et qui surtout leur parle de poésie, de littérature (de Pétrarque, de Goethe, de Manzoni, et de Stendhal auquel le prénom de Vanina fait évidemment penser) qu'il aime plus que son métier, plus que la vie aussi semble-t-il. Amoureux de poésie dans laquelle il noie ses chagrins, ses secrètes fêlures et sa mélancolie et dont le visage d'ange inquiet de Vanina lui semble être le reflet. Elle sera d'ailleurs la seule à traiter le sujet de Manzoni sur le vice et la vertu qu'elle pourrait lui avoir inspiré.

    Dans cette ville grisâtre de Rimini, c'est aussi un portrait sans concession de la société italienne du début des années 1970 dépravée, cruelle, même perverse. Cette froideur et cette obscurité se retrouvent dans la réalisation qui reflète la face sombre et l'accablement des personnages.

    Si cette atmosphère est essentiellement suffocante, (une atmosphère exacerbée par une musique qui résonne comme un cri angoissé) les dernières minutes au cour desquelles la vérité des visages et des sentiments (de ses origines aristocrates aussi qu'il avait dissimulées) de Dominici éclatent , au cour desquelles Daniel trouve dans la mort "La prima notte di quiete" (vers de Goethe qu'il cite et qui fait référence à  la première nuit de quiétude parce qu'elle est sans rêve) sont d'une force poignante

    Avec ce rôle intériorisé, Delon, une nouvelle fois bluffant, joue un personnage désespéré, loin de ses personnages plus habituels à la beauté arrogante et à l'arrogance désinvolte, dans une société elle-même sans espoir, une  prestation saisissante d'une impressionnante justesse et crédibilité qui rend bouleversant ce film aussi douloureux qu'imparfait qui nous accompagne néanmoins longtemps après le générique comme un air pesant et mélancolique.

    Autres articles concernant Alain Delon sur inthemoodforcinema.com:

    La soirée Paramount de lancement du DVD de Borsalino (vidéos et critique du film)

    Documentaire sur Alain Delon

     « Les Montagnes russes », 

     « Sur la route de Madison »,

    « Love letters ».

     « La Piscine » de Jacques Deray

     Le Guépard » de Visconti