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  • Festival de Cannes 2022 - Compétition officielle - Critique de TRIANGLE OF SADNESS de Ruben Östlund

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    Après la palme d'or reçue pour The Square en 2017, Ruben Östlund pourrait bien intégrer le cercle très fermé des cinéastes ayant reçu deux fois la prestigieuse récompense ( Ken Loach, Michael Haneke, les frères Dardenne, Francis Ford Coppola, Shōhei Imamura, Bille August, Emir Kusturica) avec ce film choc qui peut difficilement laisser indifférent.

     

    Là où un Chaplin aurait recouru au rire tendre et burlesque pour souligner les travers de son époque, pour croquer la sienne, Ruben Östlund  a choisi le sarcasme impitoyable, l’ironie mordante, la férocité et l’excès du trait, le cynisme indécent en écho à celui qu’il dénonce.

    Après la Fashion Week, Carl (Harris Dickinson) et Yaya (Charlbi Dean Kriek), couple de mannequins et influenceurs, sont invités sur un yacht pour une croisière de luxe. Tandis que l’équipage est aux petits soins avec les vacanciers, le capitaine (Woody Harrelson) refuse de sortir de sa cabine alors que le fameux dîner de gala approche. Les événements prennent une tournure inattendue et les rapports de force s'inversent lorsqu'une tempête se lève et met en danger le confort des passagers.

    Carl est mannequin et c’est par un casting que débute le film ou plutôt le film dans le film puisqu’il s’agit d’un documentaire sur les coulisses. Il y est expliqué que s’ils posent pour un produit de luxe, les mannequins doivent impérativement arborer un air sinistre et « mépriser le client ». Nous assistons ensuite à un défilé de mode et pendant que les mannequins défilent les mots « optimisme » et « égalité » s'affichent sur l'écran vidéo en arrière-plan comme un slogan ironique, tandis que, au premier rang, des spectateurs sont déplacés pour que les remplacent des personnalités jugées plus importantes ou influentes (sans doute au nom de l’optimisme et de l’égalité). Comme un avertissement du bouleversement de la hiérarchie sociale qui va suivre mais aussi de la primauté de l’image sur le reste.

    Yaya, elle, est une influenceuse. C’est à ce titre qu’elle est invitée en croisière sur un yacht. Comme Carl, elle est parfaitement consciente du caractère éphémère de son activité et de son avenir d’« épouse trophée ». Yaya et Carl semblent ne pas vraiment s’aimer mais surtout tirer profit de l’image que leur couple renvoie.

    Le titre anglophone Triangle of sadness illustre parfaitement ce culte de l’image, et des apparences fallacieuses. Il est d’ailleurs peut-être plus parlant que le titre français, comme un écho au titre The Square, évoquant aussi une forme géométrique. L'expression the triangle of sadness fait référence à la partie du visage entre les yeux et les sourcils nommée ainsi par les chirurgiens esthétiques qui font en sorte qu’elle soit aussi lisse que possible pour que tout sentiment ou toute émotion soient imperceptibles. Dans ce monde « sans filtre », il n’y a d’ailleurs plus de place pour les sentiments.

    L’histoire est scindée en trois parties. Dans la première, un dîner au restaurant entre Yaya et Carl dégénère subitement en dispute au moment de régler l’addition. Carl reproche ainsi à Yaya son avarice et son conformisme de genre puisqu’elle considère que c’est toujours lui qui doit régler l’addition, et ne se pose même jamais la question.

    Nous retrouvons ensuite le couple sur le fameux yacht de croisière sur lequel ils vont côtoyer des personnages tout aussi haïssables et répugnants les uns que les autres comme un oligarque russe qui s’est enrichi en vendant de l’engrais (et qui ne cesse de clamer haut et fort et avec fierté à quel point c’est de la m…) ou encore un couple de retraités qui a fait fortune dans la vente de grenades et mines antipersonnel, avant que l’ONU et les lois sur les mines antipersonnel ne viennent ralentir leur activité (ce qu’ils évoquent en toute sérénité, comme s’ils évoquaient la hause du prix des fruits et légumes ou d’une autre marchandise anodine). Sans compter cette passagère qui ordonne à tout le personnel d’arrêter toute activité séance tenante pour « profiter du moment présent », se baigner via un toboggan qui les mène à la queuleuleu dans la mer parce que nous «sommes tous égaux», témoignant ainsi du contraire, et de son mépris de classe. Pour conduire ce joyeux petit monde à bon port, à la barre se trouve un capitaine alcoolique. Ou plutôt devrait se trouver puisqu’il passera une partie de la croisière dans la cabine avant de rejoindre le dîner de gala pour un repas « sans filtre » lors duquel tous ces personnages « à vomir » vont régurgiter au sens propre tout ce qu’ils ont avalé. Lorsque tout cela vire à La grande bouffe version 2022, le capitaine marxiste et le patron russe vont débattre de capitalisme et de socialisme (cet échange constitue un des atouts du film). Du burlesque on passe alors au grotesque et le rire vient désamorcer la gêne et le malaise délibérément occasionnés.

    La troisième partie, à la chute particulièrement prévisible, est interminable et peut-être inutile. Les rôles sont alors inversés. Les dominants deviennent les dominés. Les décideurs doivent obéir. Une des employés du bateau, Abigail (la seule à savoir pêcher ou cuisiner) prend la direction des opérations avec un plaisir ostensible tandis que les décideurs oppresseurs d’hier semblent ravis de se plier à ses ordres. Quand la dénonciation tourne ainsi à la misanthropie, le message semble être tronqué et la force de tout ce qui précède finalement annihilée.

    Le comble du cynisme était sans doute de projeter ce film à Cannes pendant que des yachts similaires à celui sur lequel se déroulait ce naufrage patientaient au large, comme un miroir de cette farce qui, dans la salle, a suscité l’hilarité parfois teintée de malaise...sans compter que Cannes avait cette année pour partenaire Tik Tok et que nombre de ses influenceurs étaient conviés sur la Croisette.

     Dans The Square, un homme singe provoquait de riches convives, les réduisant ainsi à une condition animale. C’est de nouveau le cas ici. Ruben Östlund  se paraphrase ainsi en changeant simplement de décor. Le film est tourné en plans fixes, tout mouvement de caméra aurait finalement été un pléonasme devant ce spectacle de désolation et de chaos, cette exhibition amorale, ce monde en plein naufrage. L’excès et le grotesque vont crescendo. Et cela aurait gagné à se terminer à la fin de la deuxième partie. La troisième partie représente le retour d’un cycle sans fin qui voit toujours les dominants et le consumérisme à outrance gagner. La réalisation est particulièrement élégante, presque « avec filtre», soulignant ainsi par la forme le propos et le contraste entre le paraître qui se veut si lisse et l'abjection de l'être.

    Tantôt réjouissante, tantôt dérangeante (à dessein) et finalement peut-être vaine, cette farce cruelle et satirique, sans la moindre illusion sur le monde, nous laisse une impression mitigée, se terminant par une pirouette facile destinée à nous montrer que la boucle est bouclée, que le cycle infernal ne prendra jamais fin. 

  • Festival de Cannes 2022 - Compétition officielle - Critique de FRÈRE ET SŒUR d’Arnaud Desplechin

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    Dans Les Fantômes d’Ismaël, la vie d’un cinéaste, Ismaël (Mathieu Amalric) est bouleversée par la réapparition de Carlotta, un amour disparu 20 ans auparavant. Un personnage irréel à la présence troublante et fantomatique incarné par Marion Cotillard, filmée comme une apparition, pourtant incroyablement vivante et envoûtante, notamment dans cette magnifique scène d’une grâce infinie lors de laquelle elle danse sur It Ain't Me Babe de Bob Dylan, une scène qui, à elle seule, justifie de voir le film en question. Dans ce film de 2017, Desplechin jongle avec les codes du cinéma pour mieux les tordre et nous perdre. A la frontière du réel, à la frontière des genres (drame, espionnage, fantastique, comédie, histoire d’amour), à la frontière des influences (truffaldiennes, hitchcockiennes -Carlotta est ici une référence à Carlotta Valdes dans Vertigo d’Hitchcock-) ce film est savoureusement inclassable, et à l’image du personnage de Marion Cotillard : insaisissable, et nous laissant une forte empreinte. Comme le ferait un rêve ou un cauchemar. Un film plein de vie, un dédale dans lequel on s’égare avec délice. Un film résumé dans la réplique suivante : « la vie m'est arrivée. » La vie avec ses vicissitudes imprévisibles que la poésie du cinéma enchante et adoucit.

    Dans Tromperie, le précédent film d'Arnaud Desplechin, dès la séquence d’ouverture, le cinéma, à nouveau, (ré)enchante la vie. Le personnage de l’amante incarnée par Léa Seydoux se trouve ainsi dans une loge du théâtre des Bouffes du Nord. Là, elle se présente à nous face caméra et nous envoûte, déjà, et nous convie à cette farandole utopique, à jouer avec elle, à faire comme si, comme si tout cela n’était pas que du cinéma. Un film solaire et sensuel, parfois doucement cruel mais aussi tendre, même quand il évoque des sujets plus âpres. Une réflexion passionnante sur l’art aussi et sur la vérité. Une réflexion que l’on trouve aussi dans Frère et sœur.

    Si dans Les Fantômes d’Ismaël, la présence de Marion Cotillard était troublante, elle est ici dans le rôle d’Alice carrément dérangeante pour son frère Louis (Melvil Poupaud). Ces deux-là se vouent une haine sans bornes. Elle est actrice. Il est professeur et écrivain. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Un terrible accident qui conduit leurs deux parents en soins intensifs à l’hôpital va les réunir. Une scène aussi magistrale que terrible. A l’image de ce film.

    On retrouve ici tous les thèmes habituels de Desplechin, dans une sorte de maelstrom d’émotions qui ne nous laisse pas indemnes. Comme un voyage qu’on n’aurait jamais eu la folie d'effectuer si on avait connu d’avance les épreuves auxquelles il nous confronterait mais qu’on ne regrette malgré tout pas d’avoir entrepris pour la sensation qu’il nous laisse. Ce film est déchirant, éprouvant, déroutant aussi. Et Desplechin s’y amuse une fois de plus avec les codes narratifs du cinéma.

    Le début est aussi suffocant qu’impressionnant. La famille s’est rassemblée autour de Louis et sa compagne après le décès de leur enfant. Tout à coup, le mari de la sœur de Louis surgit. Louis déborde soudain de colère contre lui et sa sœur qui attend à la porte.  « Tu avais 6 ans pour le rencontrer. Tu n’as rien perdu. J’ai perdu plus que ma vie. » Elle reste dehors, effondrée. Générique. Pas de temps mort. Survient ensuite l'accident qui nous saisit à son tour...

    Le spectateur ne connaîtra jamais vraiment les raisons de cette haine même si des indices sont parsemés et même si quelques flashbacks nous éclairent. L’orgueil blessé ? La jalousie ? Des relations dépassant ceux qui lient normalement un frère et une sœur ? Un amour excessif ? Ou bien une haine tenace mais surtout irrationnelle dont l’un et l’autre ne connaissent même peut-être pas la réelle cause. Il a fait d’elle un personnage de ses livres : « Je ne savais plus comment supporter la honte » dira-t-elle. Une honte telle qu’elle se frappera pour exorciser la douleur. « Je ne pardonnerai jamais à Louis. » Elle n’a pas supporté de ne plus être l’héroïne dans la vie. Son père avait écrit à son sujet : « Tu seras aimée, follement. ». « Cela me plaisait d’être son héroïne. Cela faisait dix ans qu’il n’arrêtait pas d’échouer. Il était dans mon ombre. » Alors un jour, elle lui dira « Je te hais » comme elle lui aurait dit « j’ai froid » ou « je suis là » ou « je suis lasse » . Et, laconiquement, il répondra « D’accord ». Il lui faudra dix ans pour réaliser qu’elle le hait vraiment, ou pour construire cette haine :  « Un jour, la haine avait pris toute la place. », « Je veux que tu ailles en prison. Que tu paies pour ton orgueil. »  Alors, ils se sont haïs. Follement.

    Louis peut être aussi affreusement cruel. Une cruauté qui parsème toujours les films de Desplechin. Une cruauté tranchante. Il l’est avec son père. Avec son neveu avec qui subitement il changera de ton : « Arrête de sourire. Les gentils, c’est tiède. » Melvil Poupaud est comme toujours sur le fil, à fleur de peau, d’une vérité troublante. Marion Cotillard se plonge aussi corps et âme dans son rôle.

    Tous deux sont enfermés dans cette haine au-delà d’eux-mêmes, au bout d’eux-mêmes, au-delà même peut-être de toute rationalité, comme une course folle vers l‘abîme après laquelle le retour en arrière semble impossible. « On ne va pas mourir et te laisser en prison. Tu es enfermée » dira ainsi son père à Alice.

    Dans un couloir de l’hôpital, ébloui par son âpre lumière, Louis qui y est assis ne verra pas tout de suite que la femme qui s’avance vers lui n’est autre qu’Alice. On retrouve quelques instants  le suspense cher aussi à Desplechin, le mélange des genres aussi comme si les deux ennemis d’un western allaient être confrontés l’un à l’autre, enfin (western auquel des chevauchées feront d’ailleurs explicitement référence). Elle avance. Louis ignore le danger de la confrontation qui le menace. Et quand il le réalise, il s’enfuit comme un enfant terrifié et elle s’effondre littéralement. Dans Rois et Reine et Un conte de noël, déjà Desplechin explorait cette haine entre frère et sœur.

    Et puis au milieu de tous ces moment suffocants (la haine étouffante, les scènes à l’hôpital qui saisissent de douleur, les drames successifs, la dépression d’Alice) il y a tous ces éclats de beauté lors desquels la lumière change, se fait plus douce, caressante, consolante. Les scènes, magnifiques, de Louis avec sa femme, qui illuminent le film d’une grâce infinie grâce notamment à la présence solaire de Golshifteh Farahani. Une scène de pardon. Un envol au-dessus des toits et de la réalité.  Un emprunt au fantastique. Ou même à Hitchcock qui rappelle ses célèbres oiseaux quand la grêle agresse Alice comme la neige qui la recouvrira sur la scène du théâtre. Il brouille les repères entre cinéma et réalité. Avant qu’ils ne se rejoignent…

    Et puis il y a a nouveau « Roubaix », cette « lumière ». Celle d'Irina Lubtchansky.  « Vous avez vu ? C’est affreux.  On dirait que le soleil ne va pas se lever» dit ainsi un pharmacien à Alice.  Au sens figuré aussi, le soleil souvent ne se lèvera pas et nimbera les âmes et le film d'une obscurité oppressante et glaçante. Mais lorsqu’il se lève, lorsque la noirceur laisse place à lumière chaude et apaisante, une sorte de poésie réconfortante nous envahit jusqu’au soulagement final, qui irradie de soleil, de chaleur et de vie après cette plongée dans les complexités de l’âme humaine.  « Ici je suis envahie d’histoires. Tu vois, j’ai tout laissé derrière moi. Le théâtre, mon homme, mon fils. Je suis partie. Je me souviens de ce vers que tu m’avais appris. Carte compas par-dessus bord. Je n’ai plus ni carte ni compas. Je suis en vie » écrira alors Alice. Comme un écho au « La vie m’est arrivée » des Fantômes d’Ismaël. Cette fois, on a la sensation que la vie va lui arriver, douce enfin. Et l'on respire avec elle après ce film riche, intense, qui chavire et serre le cœur. Prêts à affronter les vicissitudes torves et terrassantes de l'existence, et à laisser le cinéma et la poésie les réenchanter...une fois de plus.

  • Les films du Festival de Cannes à voir sur France TV Cinéma (France Télévisions)

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    A l’occasion du Festival de Cannes 2022, des films de Xavier Dolan, Céline Sciamma, Lars Von Trier et d’autres sont en accès gratuit sur la plateforme de France Télévisions (désormais partenaire officiel du festival), France TV Cinéma. Voici ma sélection (cliquez sur les titres pour accéder à mes critiques) :

    Juste la fin du monde de Xavier Dolan

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    Biutiful de Alejandro Gonzalez Inarritu

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    Timbutku de Abderrahmane Sissako

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    Copie conforme de Abbas Kiarostami

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    Et à voir le 22 mai à 21H10 sur France 2, Les plus belles années d’une vie de Claude Lelouch, dont je vous avais raconté la mémorable projection cannoise, ici.

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  • 50ème Festival La Rochelle Cinéma : Alain Delon à l'honneur

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    Pour fêter sa 50e édition en 2022, le Festival La Rochelle Cinéma (Fema) célèbrera un mythe du cinéma, Alain Delon. L’affiche, peinte comme chaque année par l’artiste Stanislas Bouvier, dévoile cet hommage exceptionnel.

    « L’affiche du 50e festival est un œil. Magnétique et inquiétant, cet œil, qui séduit et qui trouble, qui envoûte le spectateur des salles obscures, est celui d’Alain Delon dans Plein Soleil où le jeune acteur français fait une entrée triomphale dans le palais des artifices, des illusions et des mirages qu’est le cinéma célébré, comme chaque année, à La Rochelle. » Stanislas Bouvier.

    L’hommage présentera 21 titres dont quelques chefs-d’œuvre dans de belles copies restaurées par StudioCanal, Pathé, Gaumont et TF1 Studio. Découvrez la liste des films ci-dessous. Du 1er au 10 juillet, chaque film sera programmé 3 fois et quelques événements complèteront cet hommage : une table ronde, une exposition de photographies dans un lieu historique de la ville de La Rochelle ainsi qu’une leçon de musique en hommage à Ennio Morricone autour du film Le Clan des Siciliens (1969).

    Pour l’occasion, je vous propose mes critiques des films suivants que vous retrouverez en cliquant sur les titres (mais je vous recommande tout autant tous les autres projetés pendant le festival) : Plein soleil, Rocco et ses frères, Le Guépard, Le Samouraï, La Piscine, Borsalino, Le Cercle rouge.

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    Et en bonus, retrouvez ici, mon récit de sa masterclass et de la remise de sa palme d’or d’honneur au Festival de Cannes 2019 auxquelles j'avais eu le plaisir d'assister avec, aussi, mes critiques du Professeur et de Monsieur Klein qui furent projetés au Festival de Cannes à cette occasion, et que vous pourrez également (re)voir à La Rochelle.

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    Impossible pour moi de choisir entre ces 21 films. Je vous les recommande tous. 

    21 FILMS PROGRAMMÉS DU 01 AU 10.07 :

    Christine Pierre Gaspard-Huit (1958)

    Le Chemin des écoliers Michel Boisrond (1959) – en version restaurée 2K

    Plein Soleil René Clément (1960) – en version restaurée 4K

    Rocco et ses frères Rocco e i suoi fratelli Luchino Visconti (1960) – en version restaurée 4K

    Quelle joie de vivre René Clément (1961) – version restaurée 2K

    L’Éclipse L’Eclisse Michelangelo Antonioni (1962) – en version restaurée 2K

    Le Guépard Il Gattopardo Luchino Visconti (1963) – en version restaurée 2K

    Mélodie en sous-sol Henri Verneuil (1963) – en version restaurée 2K

    Le Samouraï Jean-Pierre Melville (1967) – en version restaurée 4K

    La Piscine Jacques Deray (1968) – en version restaurée 4K

    Le Clan des Siciliens Henri Verneuil (1969) – en version restaurée 4K

    Borsalino Jacques Deray (1970) – en version restaurée 4K

    Le Cercle rouge Jean-Pierre Melville (1970) – en version restaurée 4K

    La Veuve Couderc Pierre Granier-Deferre (1971) – en version restaurée 4K

    Un flic Jean-Pierre Melville (1972) – en version restaurée

    Le Professeur La Prima notte di quiete Valerio Zurlini (1972) – en version restaurée 4K

    Deux hommes dans la ville José Giovanni (1973) – en version restaurée 4K

    Flic Story Jacques Deray (1975) – en version restaurée 4K

    Monsieur Klein Joseph Losey (1976) – en version restaurée 4K

    Notre histoire Bertrand Blier (1984) – en version restaurée 4K

    Nouvelle Vague Jean-Luc Godard (1990)

    En collaboration avec Carlotta Films, Les Acacias, Les Films du Camélia, Gaumont, Park Circus, Pathé, SND, StudioCanal, Tamasa et TF1 Studio.

    Pour connaître le reste du formidable programme du Festival de La Rochelle, rendez-vous sur le site officiel du festival, ici.

  • Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2022 : Alexandre Desplat, invité d’honneur de cette 8ème édition

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    Selon Stendhal, « La bonne musique ne se trompe pas, et va droit au fond de l'âme chercher le chagrin qui nous dévore. » Peut-être est-ce une des raisons pour lesquelles ce festival dont ce sera (déjà !) la huitième édition, est-il aussi joyeusement consolateur ?

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    Le Festival du Cinéma et Musique de Film La Baule est ainsi un évènement unique et rare tant par la qualité des films projetés, la symbiose entre cinéma et musique que la convivialité qui y règne. Le tout dans le cadre majestueux de la Baie de La Baule qui sert d’écrin à ce festival qui, en 8 ans, a réussi à s’imposer comme un évènement cinématographique et musical incontournable avec, à son générique, des films majeurs, mais aussi des concerts marquants des plus grands compositeurs de musiques de films à l’image de ce que sera sans aucun doute celui de cette année.

    L’an passé, les organisateurs de ce festival (créé et dirigé par Sam Bobino, notamment fondateur des Paris Film Critics Awards dont je vous parle, ici-  et le cinéaste Christophe Barratier) avaient eu la judicieuse idée d’inaugurer une nouvelle formule mettant l’accent sur le cinéma français.  Le festival devient ainsi une fenêtre d’exposition pour les films qui sortent pendant l’été, une idée lumineuse quand certains films à l’affiche en juillet-août ne bénéficient pas de la visibilité qu’ils mériteraient. Une mise en exergue d'autant plus nécessaire alors que le cinéma a plus que jamais besoin d’être défendu et soutenu en cette année où les entrées dans les salles fléchissent dramatiquement.

    Pour symboliser ses nouvelles dates, durant l’été, le Festival a opté cette année pour une affiche très différente de celles des années précédentes. "Les organisateurs ont fait appel, pour cela, à l’artiste Carolina Spielmann qui propose ici un visuel à la fois volontairement vintage et moderne (dans l’esprit de la Ville de La Baule, très attachée à son histoire et continuellement tournée vers l’avenir) et qui souligne aussi ce nouveau positionnement estival. Inspirée par la baie de La Baule et ses jolies tentes rayées bleu et blanc, l’artiste a souhaité combiner la tradition et la modernité avec cette baigneuse vintage et moderne à la fois. Cette baigneuse rigolote, qui enlace dans ses bras, avec passion, la musique et le cinéma, les deux thèmes du Festival. Sa bouche en forme de cœur exprime autant l’amour pour le cinéma que pour la musique, comme pour la Ville de La Baule et pour cette belle région Loire-Atlantique. Le jaune solaire nous invite à découvrir et à voyager dans cette région lumineuse et passionnée".

    Cette huitième édition qui se tiendra du 29 juin au 3 juillet rendra ainsi hommage à l’un des plus grands compositeurs de musique de film dans le monde qui sera l’invité d’honneur du festival : Alexandre Desplat qui succède ainsi à Francis Lai, Michel Legrand, Lalo Schifrin, Vladimir Cosma, Eric Serra, Gabriel Yared et Philippe Sarde les années précédentes !

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    Il participera à un concert hommage de clôture, dirigé par la cheffe d’orchestre et violoniste Solrey. Alexandre Desplat, digne héritier des compositeurs français consacrés par Hollywood a déjà écrit les partitions de plus de 200 films et a été célébré par 2 Oscars, 2 Golden  Globes, 3 Césars, 3 Baftas, 2 Grammys...La liste des cinéastes avec lesquels il a collaboré est longue : Terrence Malick, Jacques Audiard, Stephen Frears, Roman Polanski, Wes Anderson, George Clooney, Kathryn Bigelow, David Fincher, Guillermo del Toro et les films Sur mes lèvres, The King’s speech, De battre mon cœur s’est arrêté, The Ghost Writer, Monuments men, Un prophète, The Grand Budapest hotel, The Shape of water, The Curious case of Benjamin Button, Twilight, Godzilla, Harry Potter and the deathly Hallows, The imitation game, Little women, The french dispatch ...

    Ce concert événement, où le compositeur Alexandre Desplat se produira également sur scène comme flûtiste, aura lieu au Palais des Congrès et des Festivals Atlantia de La Baule, le dimanche 03 juillet à 16h30 (infos et réservations : https://billetterie.atlantia-labaule.com ou par téléphone au 02 40 11 51 51).

    L’an passé, le jury du festival, alors présidé par François Berléand avait décerné l’Ibis d’or du meilleur film à C’est toi que j’attendais de Stephanie Pillonca tandis qu’ Un triomphe d’Emmanuel Courcol avait été récompensé de 2 Ibis d’Or dont celui de la meilleure musique de film de la sélection.

    De ces sept années de ce passionnant festival s'entremêlent mes souvenirs et émotions, de vie et de cinéma. Comment oublier ce 13 novembre 2015 ? Comment ne pas penser au concert de Michel Legrand qui avait eu lieu le lendemain, ce fameux 14 novembre 2015 donc, concert lors duquel Michel Legrand, alors comme toute l’assistance bouleversé par l’ignominie impensable qui avait eu lieu la veille, avait débuté son concert par un morceau improvisé et deux mesures de La Marseillaise ? 

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    Les émotions sont aussi celles  procurées par tant de films découverts dans le cadre de ce festival aussi, souvent les meilleurs de l’année parmi lesquels Paterson, À peine j’ouvre les yeux, Tanna, Le Prophète, Demain tout commence, Born to be blue, Jalouse, L’attente, Mr. Turner, Carole Matthieu, Tout nous sépare, Guy, La tortue rouge, Les hirondelles de Kaboul et, rien que pour l’année 2019, en compétition, sans doute les meilleurs films de l’année (Les Éblouis, J’ai perdu mon corps, La Belle époque, La dernière vie de Simon, La nuit venue, Lola vers la mer)…et tant d’autres et aussi de nombreux documentaires comme Abdel Rahman El Bacha - Un piano entre Orient et Occident, ou encore des courts-métrages. Sans oublier des masterclasses et le concert mémorable de Francis Lai ou l’inoubliable concert de Vladimir Cosma. Ou encore celui de Philippe Sarde l’an passé.

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     « La musique, c’est du rêve » selon le personnage incarné par Daniel Auteuil (le si fascinant, si hermétique, si ambigu, si complexe Stéphane) dans le chef-d’œuvre de Claude Sautet, Un cœur en hiver. (Un des rares films de ce dernier dont la musique ne fut pas composée par Philippe Sarde...et pour cause puisque la musique de Ravel l’accompagne et en est même un personnage à part entière !) Alors, prêts à rêver du 29 juin au 3 juillet à La Baule ?

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    Pour en savoir plus : le site officiel du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule et son compte instagram (@festivallabaule).

    En complément, retrouvez ici tous mes articles sur les 7 premières éditions du festival et mes prochains articles sur cette 8ème édition.

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    Retrouvez ma nouvelle Un certain 14 novembre dans le recueil Les illusions parallèles  - Editions du 38 – 2016 (cette fiction se déroule entièrement dans le cadre du festival avec en toile de fond les évènements réels de cette édition).

    Retrouvez enfin on article sur l'hôtel Barrière Le Royal de La Baule et sa thalasso.

  • Critique - ANNÉES 20 de Élisabeth Vogler (au cinéma le 27/04/2022)

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    À chaque silhouette entraperçue, chaque visage croisé, chaque bribe de conversation interceptée, déambuler dans Paris, c’est esquisser mille possibles, imaginer une multitude d’histoires, se représenter tous les destins qui s’y égarent, se frôlent, se rencontrent, se manquent, se heurtent, se croisent dans un cadre romanesque et historique, propice aux égarements de l’imaginaire. Ce long métrage au dispositif particulièrement ingénieux d’une précision admirable nous permet de nous immiscer quelques instants dans l’histoire de quelques-uns de ces destins tout en laissant vagabonder notre imagination lorsqu'ils échappent soudain à notre regard et lorsqu’une nouvelle histoire et de nouveaux personnages remplacent les précédents.

    Le titre évoque les années folles. Ces années 20 sont pourtant les nôtres, porteuses elles aussi d’un élan de liberté. Un film autofinancé. Un plan-séquence d’une heure trente dans Paris tourné à la sortie du premier confinement, avec plus de 24 actrices et acteurs et 16 personnes dans l’équipe technique. Sur six kilomètres, à pied, en métro ou à vélo, au milieu de la foule et de la circulation, la caméra s’insinue et se faufile, indiscrète et complice, dans les destinées qui déambulent dans Paris, un soir d’été 2020. De ces soirs où l’air est rempli de promesses, de désirs, où tout semble exhaler l’électricité et la fugacité de la vie. Voilà qui est propice à une échappée belle pleine d’énergie. Une respiration salutaire.

     La caméra suit un passant puis l’autre, voyageant à travers les rues de la ville et multipliant de curieuses rencontres : jeunes excentriques, personnages originaux et anticonformistes. Au cours d’un seul plan ininterrompu, la caméra lie les personnages à travers un même territoire, et une même époque en crise que chacun traverse et questionne à sa manière. Une dizaine de duos de personnages, racontant implicitement ce qu’ils ont vécu pendant le confinement et surtout en quoi cela a modifié leur vision de l’existence. Ainsi, Années 20 relie chaque petite histoire pour raconter notre époque.

     Cela commence rue de Rivoli. Des bruits assourdis. Une chute hors champ. Un jeune homme, Léon, de dos raconte une scène d’une série Netflix au téléphone. La caméra suit ses déambulations alertes jusqu'au Louvre où il rejoint une jeune femme, Julie, pour l’amener jusqu’à l’endroit où se trouve son frère, Jean, à l’autre bout de Paris. Il lui propose d’être attentive à ce qui se passe autour d’elle. Comme le film nous invite à l’être.

     Un autre personnage évoque les 50 hivers et 50 étés qu’il lui reste statistiquement à vivre, racontant qu’à l'âge de 12 ans, il a pris conscience qu’il allait mourir. Une autre voudrait « faire un truc subversif maintenant. » Voilà, c’est de cela dont il s‘agit après ces mois de confinement et d'inquiétude, alors que tout semble encore tellement incertain et friable. Il s’agit d’être libre. D’oser. De savourer chaque seconde comme si c’était la dernière.  Chacun semble porter une fragilité, être en quête d’autre chose, comme l’évoque ce mouvement perpétuel, poétique et universel. Mehdi annonce à son ami qu’il a démissionné de son travail. Edouard, humoriste, annonce à son producteur qu’il souhaite devenir danseur contemporain. Le Covid n’est jamais clairement évoqué mais toujours là, en filigrane, dans cet élan fiévreux d’envies. Il est là, dès les premiers plans lorsque la jeune femme interprétée par Alice de Lencquesaing, une infirmière, se montre dévorée par l’angoisse.  

    Les corps se rapprochent. Les terrasses reprennent vie. On s’interroge sur l’avenir, sur l’art. C’est parfois drôle, insensé ou miraculeux, comme l’est la vie. Ou absurde. Comme une mariée qui vient de fuir et se retrouve à converser avec un bébé abandonné. Pourtant cela sonne toujours juste. Cela reflète la diversité de Paris, sa beauté à mille visages, contrastés, étranges parfois, ses hasards et coïncidences.

    L’idée du film vient de Slacker de Richard Linklater. Celle d’un plan ininterrompu. Le film est signé Élisabeth Vogler, pseudo d'un ou d'une cinéaste qui souhaite conserver l’anonymat. Un pseudo emprunté à Bergman et au personnage de Liv Ullmann dans Persona. Un nom derrière lequel se cache aussi une identité multiple notamment celles, au scénario, de Joris Avodo, François Mark et Noémie Schmidt, également acteurs et actrices dans le film.

    Du Louvre jusqu’aux Buttes Chaumont en passant par les quais de Seine, dans le métro, place de la République, à Belleville ou encore au bord du canal Saint-Martin, c’est Paris qui devient le théâtre bouillonnant de ces destinées, personnage à part entière, décor intrinsèque et idéal de cinéma. La prouesse technique est fascinante, a fortiori car tout semble fluide, des déplacements à l’interprétation remarquable de chaque comédien : Noémie Schmidt, Alice de Lencquesaing, Manuel Severi, Paul Scarfoglio, Zoé Fauconnet, François Rollin, Lila Poulet, Adil Laboudi, Léo Poulet, Mehdi Djaad. Les enchainements sont à chaque fois de véritables prouesses. On songe à Victoria de Sebastian Schipper et à sa déambulation à couper le souffle dans Berlin. Ou encore au court métrage Rendez-vous de Claude Lelouch. À chaque fois, beaucoup d'inventivité, d'ingéniosité, d'audace, et un résultat unique et époustouflant de maîtrise.

    Parfois la conversation se poursuit hors champ. Le film continue alors sans nous. Et dans le même temps nous invite à regarder, à inventer, à rêver. À saisir l’électricité de l’existence. Laissez-vous porter par cette nouvelle vague jusqu’à son final chanté et enchanteur. Une véritable rêverie poétique. Un instantané de l’époque. Une expérience audacieuse. Une prouesse technique. Et un vent de fraicheur dans le cinéma français. Palpitant et joyeusement imprévisible comme une promenade estivale dans Paris. Prix du jury du Festival de Tribeca 2021.

    Sachez aussi que l’’aventure se poursuit dans une web série (ici) filmée dans 12 villes. Les 12 villes de la tournée qui ont précédé la sortie du film, avec à chaque fois le tournage d’un épisode en plan séquence. Chaque jour, vous pourrez retrouver un nouveau personnage dans sa ville d'origine avant de les voir tous réunis dans le film.

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  • Critique de TÉNOR de Claude Zidi Jr. (au cinéma le 4 mai 2022)

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    Quand les horreurs et les incongruités de l’actualité obscurcissent autant l’horizon, la salle de cinéma fait plus que jamais office d'antre où s’abriter des tumultes du monde, et plus encore quand elle nous donne à voir des films lumineux dont on ressort revigoré avec l’envie d'enlacer chaque seconde et d’embrasser l’avenir, malgré tout. Telles furent les émotions suscitées par mes trois derniers coups de cœur, uniquement des films français qui d’ailleurs témoignent de la vitalité et de la diversité du cinéma hexagonal (La Brigade de Louis-Julien Petit - au cinéma depuis le 23 mars -, En corps de Cédric Klapisch - au cinéma depuis le 30 mars -, et Les Magnétiques de Vincent Maël Cardona -disponible en DVD et Blu-ray le 19 avril et depuis peu en VOD-) auxquels il faudra donc d’ores et déjà ajouter un quatrième long métrage, Ténor de Claude Zidi Jr., à découvrir au cinéma le 4 mai prochain.

    Antoine (Mohamed Belkhir -MB14-), jeune banlieusard parisien, suit des études de comptabilité sans grande conviction, partageant son temps entre les battles de rap qu’il pratique avec talent et son job de livreur de sushis. Lors d’une course à l’Opéra Garnier, sa route croise celle de Mme Loyseau (Michèle Laroque), professeure de chant dans la vénérable institution, qui détecte chez Antoine un talent brut à faire éclore. Malgré son absence de culture lyrique, Antoine est fasciné par cette forme d’expression et se laisse convaincre de suivre l’enseignement de Mme Loyseau. 

    La magie opère dès les premiers plans, un combat de boxe de rue chorégraphié tel un ballet, sous la pluie, filmé au ralenti, porté par une flamboyante musique opératique. La caméra fluide de Claude Zidi Jr. zigzague avec habileté, capture notre attention et nous immisce immédiatement dans l’action et dans le jubilatoire choc des cultures auquel nous invite le film. Confrontation d’univers, urbains mais aussi musicaux : la banlieue de Bondy et l’Opéra Garnier, le rap et l’opéra.

    Comme Madame Loyseau l’enseigne à ses élèves, la technique doit toujours être au service de l’émotion. Et ici, elle l’est, incontestablement, d’emblée. Elle permet de nous transmettre celle d’Antoine quand il écoute Madame Butterfly face à la tour Eiffel. Quand un des plus beaux et célèbres poèmes de Victor Hugo, Demain, dès l’aube, est déclamé en rap. Quand Antoine s’adonne à une battle de rap et que les mots cristallisent la violence, comme si Cyrano s’était réincarné. Quand Paris s’offre, majestueuse, depuis le toit de l’Opéra Garnier et qu’Antoine, tel Rastignac, semble la défier de son indissociable « À nous deux ».

    Les histoires d’univers et d'êtres opposés qui se rencontrent (se défient puis s'allient) sont souvent synonymes de succès au cinéma et ce film mériterait de ne pas déroger à la règle. Si Toledano et Nakache sont les rois d’un cinéma qui marie avec maestria rires et larmes, et qui fait se rencontrer ceux dont les destinées n’auraient jamais dû se croiser, Claude Zidi Jr., avec ce premier film en solo semble leur emboîter le pas. Cette « filiation » est aussi celle d’un cinéma universel. Si le parcours d’Antoine est évidemment singulier, chacun pourra se reconnaître dans ce combat face à soi-même, cette lutte pour sortir des cases dans lesquelles la société veut nous claquemurer, pour trouver sa voie parmi les routes entre lesquelles il faut choisir. Une jeune femme de Bondy peut devenir militaire comme un jeune rappeur livreur de sushis peut devenir ténor. Tout comme, dans Le Brio d’Yvan Attal, la jeune banlieusarde incarnée par Camelia Jordana devenait la reine des concours d’éloquence.

    Le scénario, malin (cosigné Cyrille Droux, Raphaël Benoliel, Claude Zidi Jr. en collaboration avec Hector Cabello-Reyes) frôle les clichés pour mieux les contourner, pour démontrer que rien ne nous assigne à un rôle prédéterminé.  

    En regardant l’émission the Voice dont il était un des candidats, le producteur et le réalisateur ont eu la bonne idée de contacter Mohamed Belkhir alors connu sous le nom de MB14 qui, à l’image de son personnage qui débute dans l’opéra, fait ici ses premiers pas dans la comédie. Cette première expérience et le naturel déconcertant de son interprétation (comme l'est celle de son personnage) apportent une fraicheur supplémentaire. Une énergie revigorante. Sans que cela nuise à sa justesse, indéniable.

    Face à lui, Michèle Laroque dans ce rôle d’ancienne cantatrice devenue professeure de chant (dont on oublie parfois qu’elle a tourné avec Leconte, Sautet, Berliner, Veber, Kurys...parmi d'autres) trouve ici son meilleur rôle depuis Ma vie en rose avec ce personnage particulièrement attachant auquel elle apporte à la fois folie et gravité, humour et énergie, vivacité, liberté et émotion à fleur de peau, sans jamais tomber dans le pathos ou dans l’outrance comme aurait pu l’y inviter la maladie à laquelle est confronté son personnage. Elle semble se délecter à jouer ses dialogues comme son personnage déguste chaque fraction de seconde. Et quand elle dit « Je vais savourer chaque goutte de de vin et je vais regarder par la fenêtre même si elle est de plus en plus petite », il serait difficile de ne pas la croire, et de ne pas en être ému. Les seconds rôles sont tout aussi parfaits, de Maeva El Aroussi (Samia) à l’irrésistible Samir Decazza (Elio) qui a peur de la…pluie, un des nombreux ressorts comiques du film, ou encore Guillaume Duhesme qui incarne le personnage du frère d’Antoine, Didier, mais aussi Stéphane Debac (Pierre), Marie Oppert (Joséphine), Louis de Lavignère (Maxime). Dans un magnifique plan-séquence, Roberto Alagna fait aussi une apparition marquante.

    La réalisation n’est jamais empesée ou statique comme aurait pu l’y contraindre le prestige et la magnificence de l’Opéra Garnier ou comme se cantonnent souvent à l’être les mises en scène de comédies. La cité comme l’opéra sont sublimés par le chef opérateur Laurent Dailland. Un soin particulier a aussi été porté aux décors grâce à la cheffe décoratrice, Lise Péault.

    La caméra virevolte comme la musique originale de Laurent Perez del Mar dont les notes délicates accompagnent la mélancolie et la nostalgie de Marie Loyseau. Elles apportent aussi une profondeur et une douceur réconfortante comme si la précieuse beauté du présent prenait le pas sur son angoisse de l’avenir. Elle suggère subtilement les sentiments qui unissent, malgré tout, les deux frères, quand la violence verbale s’empare d’eux. Elle devient plus poignante quand Didier découvre la passion secrète de son frère. Elle évoque la fougue aventureuse de la jeunesse quand elle accompagne, tels des battements de cœurs, la première visite d’Antoine à l’Opéra Garnier. Et, à la fin, elle devient carrément bouleversante, tout en étant solaire et lyrique, allant crescendo, prenant de l'ampleur et de l'amplitude, telle l’émotion qui nous envahit, lorsqu’elle accompagne le magnifique montage (signé Benjamin Favreul) et la lecture d’une lettre (que je vous laisse découvrir). Comme un écho vibrant à l’injonction à vivre sa vie et à croire en soi que ses mots exaltent.  Nous donnant envie de gravir quatre à quatre l’escalier de Garnier…et de l’existence. Sa musique se mêle parfaitement aux notes de Verdi, Puccini, au rap...Une diversité de genres musicaux qui fait de ce film un véritable hymne à la musique et à son pouvoir émotionnel, ici une véritable arme dans le combat pour trouver sa voie/voix car, pour Mme Loyseau, il s'agit autant de transmettre l'apprentissage de la musique que la route pour devenir soi, et le clamer haut et fort.

    Produit par Raphaël Benoliel, (qui a notamment coproduit Chéri de Stephen Frears, Minuit à Paris et Magic in the moonlight de Woody Allen), ce conte des temps modernes, tendre, drôle, émouvant, tout en étant savamment pudique et elliptique, nous insuffle une bouffée d’oxygène plus que jamais indispensable. Aussi parce qu’il nous rappelle ce dont il est  crucial de se souvenir, tout particulièrement ces jours-ci, que l’altérité n’est pas une menace mais un enrichissement. Ou encore que tout peut être possible avec de la détermination et un coup de pouce du destin. Et qu'il faut s'accrocher à ses rêves. Comme dans ces films, britanniques surtout (Billy Elliot, Joue-la comme Beckham, Once...) dans lesquels les héros, après avoir bataillé contre la terre entière et surtout contre eux-mêmes, accomplissent leurs rêves, en apparence initialement impossibles. Comme le réalisateur s'est cramponné à celui de ce film qu'il porte depuis de nombreuses années...Et il a bien fait !

    Il nous laisse quitter notre antre avec les yeux et le cœur remplis de l'émotion de Nessun dorma de Puccini et de la vision du plafond mirifique de Chagall (qui rend d’ailleurs hommage à quatorze compositeurs et à leurs œuvres). Et avec l’envie de prendre notre place. De saisir chaque étincelle de vie. Là. Maintenant. Tout de suite. Intensément. Et de ne pas attendre pour cela d’être confronté à sa fragilité et à sa vanité.

    Ténor vient de recevoir le prix du Public des rencontres du cinéma de Gérardmer. Une raison de plus de le découvrir en salle le 4 mai si celles énumérées ci-dessus ne vous semblaient pas suffisantes.

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