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Cinéma - Page 11

  • ANALYSE de L'ARMÉE DES OMBRES de Jean-Pierre Melville (au cinéma le 05 juin 2024 en version restaurée 4K)

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    Présentée dans le cadre de Cannes Classics au Festival de Cannes 2024, cette version restaurée 4K ( Carlotta Films) du chef-d’œuvre de Melville est à voir dès aujourd’hui au cinéma. Dans l’analyse ci-dessous, je vous décrypte ce film sorti en 1969, entre deux autres chefs-d’œuvre de Melville, Le Samouraï (1967) et Le Cercle rouge (1970).

    Octobre 1942. Ingénieur distingué des Ponts et Chaussées, soupçonné de "pensée gaulliste, semblant jouir d’une certaine influence", Philippe Gerbier (Lino VENTURA) est interné dans un camp français puis transféré au quartier général de la Gestapo de l’hôtel Majestic à Paris. Il s’en évade en tuant une sentinelle et en sacrifiant l’autre homme arrêté. A Marseille, il est chargé avec Félix (Paul CRAUCHET) et Le Bison (Christian BARBIER) d’exécuter Doinot, qui les a trahis. Jean-François (Jean-Pierre CASSEL), un ancien ami de régiment de Félix, entre dans le réseau et réussit sa première mission : livrer un poste émetteur à Mathilde (Simone SIGNORET), membre du réseau de Paris. Il en profite pour rendre visite à son frère, Luc Jardie, grand bourgeois rêveur dont il ignore qu’il est le chef de son réseau de résistance. Gerbier, qui se cache à Lyon sous le nom de Roussel, organise l’embarquement de huit personnes à bord d’un sous-marin pour l’Angleterre ; parmi eux, Luc Jardie (Paul MEURISSE). Pendant ce temps, Félix, arrêté par la Gestapo lyonnaise, est torturé. Mathilde, grâce à un astucieux stratagème, réussit à s’introduire, avec Le Bison et Le Masque (Claude MANN), dans le Q.G. de la Gestapo.

    Par la minutie du scénario et la rigueur du découpage, L’armée des ombres est un film qui pourrait être considéré comme résolument classique, néanmoins la singularité de traitement de son thème principal et la singularité de traitement formel du temps notamment, en font un film loin d’être consensuel, à l’image des réactions contrastées, parfois même virulentes, qu’il suscita lors de sa sortie. 

    Genèse d’ un film singulièrement instructif

    L’armée des ombres est le onzième film de Melville et le troisième film qu’il consacre à la période de l’Occupation, une période qu’il connaissait bien pour l’avoir vécue dans la Résistance, s’étant engagé à Londres aux côtés du Général de Gaulle. Le premier de ces films fut Le silence de la mer en 1949, adapté du roman de Vercors, paru dans la clandestinité, et dans lequel le refus d’un vieil homme et de sa nièce d’adresser la parole à un officier allemand logeant dans leur maison incarnait déjà l’esprit de résistance. Le second fut Léon Morin, prêtre, en 1961, qui était le récit de la fascination d’une veuve pour un jeune prêtre et qui était également situé au cours de cette période trouble. Enfin, L’armée des ombres sortit en 1969. Ce film est l’adaptation du roman éponyme de Kessel publié en 1943, date depuis laquelle Melville n’avait cessé de rêver de son adaptation. Les souvenirs personnels liés à son passé d’agent de liaison constituent l’autre source d’inspiration comme peut le souligner la phrase d’exergue du film empruntée à Courteline :

    « Mauvais souvenirs, soyez pourtant les bienvenus...vous êtes une jeunesse lointaine. »

    Il est d’autant plus significatif que ce film soit signé Jean-Pierre Melville que ce nom est celui qu’il avait choisi pour entrer dans la Résistance alors qu’il s’appelait encore Jean-Pierre Grumbach. Melville est ainsi son patronyme de clandestin emprunté à l’auteur de Moby Dick qu’il admirait. Il passa ainsi en Grande-Bretagne en 1942 et participa au débarquement en France et en Italie. Il dira ainsi « dans ce film, j’ai montré pour la première fois des choses que j’ai vues, que j’ai vécues. Toutefois ma vérité est, bien entendu, subjective et ne correspond certainement pas à la vérité réelle. D’un récit sublime, merveilleux documentaire sur la Résistance (L’armée des ombres de Joseph Kessel) j’ai fait une rêverie rétrospective ; un pèlerinage nostalgique à une époque qui a marqué profondément ma génération. » Il dira encore : « je l’ai porté en moi 25 ans et 14 mois exactement. Il fallait que je le fasse et que je le fasse maintenant, complètement dépassionné, sans le moindre relent de cocorico. C’est un morceau de ma mémoire, de ma chair. »

    Une image inédite de la Résistance : une Résistance démythifiée

    Même si, de son propre aveu, Melville n’a pas cherché à effectuer une reconstitution réaliste mais plutôt « une rêverie rétrospective, un pèlerinage nostalgique à une époque qui a pourtant marqué ma génération », ces ombres rappellent fortement celles de personnages ayant réellement existé. Melville s’est en effet inspiré de parcours de résistants. Luc Jardie rappelle ainsi Jean Moulin, aussi bien dans son apparence vestimentaire que dans quelques détails sur sa vie qui parsèment le film. La vie de Lucie Aubrac a également inspiré le récit. Les personnages de L’armée des ombres sont à l’opposé des héros romantiques que symbolisent en général les résistants. Ils sont d’abord guidés par l’intérêt collectif même si parfois il leur arrive de succomber à des intérêts individuels remettant en cause leurs objectifs, notamment Mathilde dont la fille est menacée. L’armée des ombres est ainsi autant un film sur la Résistance que sur les contradictions humaines, plus exactement les contradictions entre les intérêts individuels et l’intérêt collectif, contradictions exacerbées dans ces conditions extrêmes. Alors que les films d’après-guerre étaient unanimes pour faire l’éloge inconditionnel de la Résistance et par conséquent unanimement manichéens, Melville se refuse à toute complaisance et se refuse à l’héroïsation de ces résistants qu’il ne présente pas comme des hommes exceptionnels mais comme des hommes ordinaires plongés dans l’exceptionnel. Loin d’assimiler chaque acte de ses personnages à des exploits, il en scrute la banalité tragique et parfois même l’inéluctable lâcheté ou les petitesses qu’elle engendre. La séquence au Majestic en fournit un exemple flagrant. Pour se sauver d’une mort certaine, Gerbier sacrifie un autre détenu, probablement un résistant comme lui, en lui demandant de courir pour détourner l’attention. Ce geste est précédé d’une suite de regards entre les deux hommes dans un silence pesant en cet instant décisif. Le vol du temps est suspendu, l’instant n’en paraît que plus crucial, la peur des personnages n’en est que plus prégnante. L’horloge est ainsi ostensiblement montrée deux fois, un de leurs « geôliers » baille à plusieurs reprises. Les deux prisonniers sont filmés en champ, contre-champ, l’autre résistant a le visage dans l’ombre préfigurant sa mort si bien qu’il est à peine perceptible tandis que celui de Gerbier est clairement visible. La caméra les scrute, les contourne, les domine. Melville ne glorifie donc pas la Résistance mais en offre une radiographie minutieuse, contrairement à des films comme Paris brûle-t-il ou La bataille du rail dans lesquels les résistants sont irréprochables et passent leur temps à accomplir des exploits. La lecture du dossier de Gerbier arrêté semble être une sorte de prologue puisque, dans le dossier en question, son attitude est qualifiée de « distante », distance avec laquelle Melville nous invite à regarder ces évènements historiques, paradoxalement voir le général, le global, en nous montrant des actions précises. Il ne la décrit pas avec emphase et avec une admiration aveuglée mais il recrée avec un certain réalisme le travail dans l’ombre des résistants. Plutôt que de situer son film par rapport à des faits historiques, il le centre sur les personnages, leur dévouement, leurs trahisons, leurs peurs, leurs erreurs. Il nous décrit des hommes et des femmes plongés dans des situations hors du commun, mais pas des mythes déshumanisés. Si Melville évite l’écueil du manichéisme et de la glorification, il évite aussi celui du mélodrame, raison pour laquelle les deux frères Jardie pourtant tous deux résistants ignorent tout de leurs activités respectives, ce qui nous épargne une éventuelle séquence larmoyante inadéquate dans cet univers de murmures et d’ombres silencieuses et évanescentes. Melville le dira ainsi lui-même « J’ai voulu éviter le mélodrame, ça vous manque ? ». Cette ignorance de leurs situations respectives est aussi le témoignage que dans cet univers toute fraternité est impossible. Ainsi, lorsque Félix sent une main sur son épaule, il s’empresse d’empoigner son revolver, ne pouvant plus croire ou penser d’emblée à un geste de fraternité mais se croyant forcément l’objet d’une agression de l’ennemi. Les résistants sont donc ici loin d’être irréprochables et un parallèle est même parfois implicitement établi avec ceux qu’ils combattent. Ainsi, lorsque les résistants conduisent le jeune homme qui les a trahis au lieu de son exécution, ce dernier croise le regard d’une jeune fille, regard exprimant de la pitié, celle-ci croyant certainement à une arrestation, façon d’assimiler leurs méthodes à celles de l’ennemi. L’assassinat du traître donne ensuite lieu à une séquence magistrale. Cette scène lourde de non-dits et d’angoisses de part et d’autre se déroule dans une pièce qui rappelle la chambre ascétique et austère du Samouraï et donc qui insinue ainsi que leurs méthodes franchissent les frontières de la loi. Tout est fait pour que sa mort suscite notre compassion et notamment l’indécision interminable de ces défenseurs de la liberté (indécision quant au moyen à employer pour procéder au meurtre) qui doivent en l’espèce devenir des assassins. Il est jeune, ne tente pas de se débattre et ne tente pas de se sauver, et on ne nous renseigne pas sur la faute qu’il a commise et tout concourt dans la mise en scène à ce que nous croyions que Félix, qui vient l’arrêter, soit un policier. La compassion suscitée chez le spectateur atteint son paroxysme lorsque, alors que le « traître » n’avait pas prononcé une parole, sa mort s’ensuit de l’écoulement de larmes sur ses joues. On est alors plus que jamais plongés dans un univers de contradictions où il faut employer les méthodes de l’ennemi pour en combattre l’action, à savoir des enlèvements et des exécutions sans jugements. La séquence au cours de laquelle Félix est arrêtée et torturée fait ainsi écho à celle où lui-même avait dû tuer le jeune traître. Loin d’être toutes utiles, héroïques et récompensées, leurs actions sont ici parfois viles, silencieuses, et inutiles. Ainsi, Jean-François se sacrifie inutilement pour Félix qui sera lui-même torturé. Il y a bien un but à tous ces actes (la Libération de la France) mais il semble démesurément lointain alors que chaque petite action paraît être payée d’un prix exorbitant. Tout est devenu irrationnel et le titre du livre de Jardie que Gerbier feuillette dans sa cachette Essai sur la logique et de la théorie de la science semble venir cyniquement en contrepoint, parce-que tout est alors justement irrationnel, « illogique ». Gerbier lui-même, protagoniste de l’histoire, ne survit qu’au prix d’une humiliation qui ébranle la confiance en lui-même. Il courra sous les balles de l’ennemi alors qu’il s’était promis de rester impassible. Ses amis ont compté sur sa faiblesse en lui lançant une corde à l’endroit jusqu’auquel ils avaient prévu qu’il courrait. Même un résistant doit trahir son courage pour continuer de servir sa cause. Même Jardie à qui Gerbier voue une immense admiration sera présent dans la voiture qui les conduira jusqu’à Mathilde pour la tuer, ce qui fera dire à Gerbier « Vous dans cette voiture de tueurs, il n’y a donc plus rien de sacré dans ce monde. » À la fin, aucun d’entre eux ne survivra… même si Gerbier sauvera sa conscience, cette fois mort en ne courant pas. On nous précise même les atroces souffrances de certains, ainsi Le Bison est « décapité à la hache ». Jardie, quant à lui, est mort en ne donnant qu’un nom « le sien ». L’héroïsme est alors celui de l’ombre et du silence. Melville nous montre donc la Résistance dans son effroyable banalité, dans sa terrifiante humanité, sans fards, sans artifices dramaturgiques ou mélodramatiques, sans grandiloquence élogieuse, par le truchement d’un film qui a une allure de tragédie. C’est le quotidien d’hommes et femmes qui risquent leur vie pour des exploits minuscules comme transporter un poste de radio, à l’image de Jean-François dont ce sera la première action de résistance et qui déjà risquera deux fois d’être arrêté. Melville démythifie la Résistance en nous montrant des hommes qui non seulement doivent abattre des traîtres mais qui doivent également constamment se battre avec eux-mêmes, leurs doutes, leurs peurs, leurs lâchetés. Il filme des êtres qui mènent un combat collectif mais qui sont irrémédiablement seuls. La musique entêtante et angoissante d'Eric Demarsan, et les couleurs d’un froid cinglant du film renforcent cette impression. Pas plus que la résistance n’y est dépeinte comme constamment héroïque et irréprochable, la France n’est dépeinte unanimement au service de sa Libération. Melville montre ainsi l’engagement de fait de l’administration française dans la répression contre les Juifs (camp d’internement en zone Sud géré par l’administration et la gendarmerie française qui remettent Philippe Gerbier à la Gestapo) ou encore en montrant l’action de la milice, notamment lors d’un contrôle d’un restaurant de Lyon qui mène à l’arrestation de Gerbier.  Melville montre également la France qui venait en aide aux résistants : le coiffeur, le douanier complice, les fermiers qui hébergent les aviateurs alliés en attente de départ pour Londres, le châtelain qui utilise ses terres pour faire atterrir les alliés.

    La mise en scène d’un film noir : le résistant, emblème paroxystique de la solitude du (anti)héros melvillien.

     C’est donc un univers sombre, cruel, sordide qui nous est dépeint et qui n’est pas sans rappeler l’univers de gangsters que Melville s’attache habituellement à filmer que ce soit dans le Doulosle Samouraï ou Le deuxième souffle. On songe ainsi à la phrase d’exergue du Samouraï : « il n’y a pas pire solitude que celle du tigre ». Les hommes de la résistance sont là aussi plongés dans ce « cercle rouge », ce « cercle de la mort où les hommes ont la chance de tous se retrouver un jour ». Tant de similitudes avec ce cinéma policier qu’il affectionnait tant firent dirent à certains qu’il réalisait un « film de gangsters sous couverture historique » … à moins que ses « films de gangsters » n’aient été à l’inverse le moyen d’évoquer cette idée de clandestinité qu’il avait connu sous la Résistance. Dans ses précédents films, Melville se serait donc abrité derrière des intrigues policières comme il s’abritait derrière ses indéfectibles lunettes, pour éviter de raconter ce qui lui était le plus intime. L’armée des ombres se distingue certes par son sujet des films « de gangsters » de Melville mais dans son traitement, il se rapproche davantage du film noir que du film de guerre. On retrouve en effet les thèmes chers au cinéaste : la fidélité à la parole donnée, les codes qui régissent les individus vivant en communauté et les mêmes acteurs jouent dans ses deux « catégories » de films, encore faudrait-il y voir deux catégories distinctes et nous allons voir que les points communs foisonnent. Ainsi Paul Meurisse et Lino Ventura étaient déjà à l’affiche du Deuxième souffle et Serge Reggiani avait interprété un rôle dans le Doulos. Par ailleurs, les poursuites rappellent celles entre policiers et truands. Ainsi, certaines scènes de L’armée des ombres, sorties de leur contexte, pourraient très bien figurer dans un film policier notamment lorsque Félix est arrêté dans une rue tranquille puis encadré et entraîné brutalement par deux hommes surgis de nulle part vers une voiture qui démarre en trombe. La chambre où le traître est exécuté rappelle ainsi celle de Jeff Costello/Delon dans Le Samouraï. Leur allure vestimentaire rappelle également celle des gangsters, notamment le chapeau qu’arbore la plupart du temps les résistants du film et qui renvoie au fameux chapeau de Costello dans Le Samouraï. Gangsters et résistants sont obsédés par le secret et les uns et les autres ont bien souvent une double vie. Les personnages vivent ici aussi dans la clandestinité afin de pouvoir réaliser leur objectif qui est de libérer la France tout comme ils vivent en clandestinité quand ils sont dans l’illégalité. Enfin les protagonistes de ces deux types de films sont également soumis à la solitude, à l’angoisse, au danger. Les Résistants ne sont pas ici des jeunes aventuriers intrépides comme on l’a souvent vu au cinéma. Melville casse délibérément cette image. Il montre des combattants de l’ombre dans leur quotidien. Ils se cachent, fuient, attendent dans un silence quasi absolu. On les voit douter des leurs convictions et parfois poussés par la peur à trahir, trahison qui engendre une exécution par la suite. On retrouve également l’influence du cinéma américain de ce cinéaste qui était un grand admirateur de Wyler. Melville rend même explicitement hommage au cinéma américain en reprenant le son du Coup de l’escalier dans la scène de l’ambulance où Mathilde vient sauver Félix. Ce son saccadé, haché, semble faire écho aux battements de cœur des Résistants que nous imaginons derrière leur impassibilité de façade. Ils martèlent aussi le temps qui passe et l’étirement des secondes dont chacune d’entre elles peut être décisive ou fatale. Tout comme le montrera ensuite Louis Malle avec  Lacombe Lucien, la frontière entre le traître et le héros, l’homme de loi et le hors la loi, est bien fragile, surtout à cette époque troublée au cours de laquelle Melville nous montre ainsi qu’elle devait parfois être franchie, ainsi le nécessitait le passage de la lumière à l’ombre pour ensuite revenir à une autre lumière, celle de la Libération.

    La forme au service du fond : des ombres et des silences au service d’une armée secrète

     Du film émane une lancinante mélancolie. L’esthétique est en effet ici au service de la suggestion plutôt que de la démonstration ostentatoire, le son au service du murmure qui sied au secret de l’action alors qu’une musique démonstrative aurait été au service de l’action tonitruante. Le temps semble s’étirer jusqu’au malaise autant pour le spectateur que pour les personnages comme dans la scène de l’assassinat du traître où le spectateur est en empathie avec lui de même qu’il est en empathie avec celui que Gerbier sacrifiera pour s’enfuir du Majestic. La musique d'Eric Demarsan, parfois dissonante, renforce cette impression de noirceur, d’harmonie impossible.

    Une mise en scène épurée au service d’une atmosphère claustrophobique

     La claustrophobie psychique des personnages se reflète dans les lieux de l’action et est renforcée d’une part par le silence, le secret qui entoure cette action et d’autre part par les « couleurs », terme d’ailleurs inadéquat puisqu’elles sont ici proches du noir et blanc et de l’obscurité. Le film est en effet auréolé d’une lumière bleutée, grisonnante, froide, lumière de la nuit, des rues éteintes, de ces ombres condamnées à la clandestinité pour agir. Ainsi, lors de la scène du meurtre du traître, ils sont enfermés dans une petite pièce obscure, fermée par une porte aux vitraux colorés, comme si elle symbolisait cet extérieur vivant et lumineux qui leur est désormais inaccessible. Ils sont condamnés à l’ombre. Les personnages sont souvent pris au piège. Ainsi, quand Gerbier ne doit pas se cacher, il est le plus souvent prisonnier. Les personnages sont constamment confrontés à leurs propres angoisses et peu nombreux sont les Français hors de leur « cercle rouge », de leur armée du moins, qui s’y immiscent pour leur venir en aide : la famille de fermiers, les châtelains ou d’autres qui, comme le barbier interprété par Serge Reggiani, préfèrent ignorer leur action même s’ils les aident ponctuellement. L’armée des ombres se démarque ainsi des films qui montrent une majorité de Français soutenant une Résistance invariablement héroïque. Par ailleurs le temps est constamment distendu renvoyant le spectateur à ses propres angoisses. Tavernier ira même jusqu’à dire qu’il stylise autant que Bresson dans Le condamné à mort s’est échappé. Dès le premier plan, on éprouve cette sensation d’étirement du temps. La place est d’abord vide puis nous entendons les bruits de bottes hors champ puis nous distinguons les soldats allemands qui arrivent vers nous. C’est un plan fixe. Vient ensuite le générique mais le décor est alors gris et il pleut abondamment. L’atmosphère, sombre, pluvieuse, est déjà plantée. Le récit lui-même est claustrophobique, enfermé sur lui-même et semble sans issue. Ainsi, en effet, le film commence par une trahison et par le meurtre de celui qui a donné un résistant et il s’achève par l’exécution « nécessaire » de Mathilde par ses propres compagnons. Le film commence à l’Arc de triomphe et s’achève à l’Arc de triomphe. Par ailleurs, les deux indices temporels sont ceux du début, le 20 octobre 1942 et de la fin, le 23 février 1943, un peu moins d’une année qui enferme le récit et les personnages dans leurs tragiques destins. Un sentiment oppressant se dégage du film et pas même les panneaux de la fin ne viendront le démentir puisqu’ils nous annoncent la mort de tous les protagonistes, le plus souvent torturés et exécutés. Ils nous renvoient ainsi au défilé militaire du début et ce qui s’est passé entre les deux semble n’y avoir rien changé, ce qui exacerbe encore l’horreur vaine des actes commis.

    L’implicite et le silence au service de la polysémie

     La grande force de ce film réside dans ses silences, ses non-dits qui engendrent des scènes judicieusement polysémiques. Cet implicite concerne tout d’abord la violence. Alors que Claude Berri dans Lucie Aubrac n’avait pu s’empêcher de montrer la torture, elle n’est ici que suggérée, notamment par le visage tuméfié de Félix ou encore de Jean-François lorsqu’ils sont arrêtés par la Gestapo. Le film est à l’image de la première scène qui nous désigne d’abord les Champs-Elysées déserts. Du hors champ provient ensuite le son de pas cadencés, qui entrent progressivement dans le champ sous la forme d’une colonne de soldats allemands. Cette scène se répètera plusieurs fois d’une certaine manière : là où les personnages se taisent, les images et le son hors champ disent. Ainsi en est-il dans cette scène magnifique où Gerbier s’échappe du Majestic et se réfugie chez un barbier interprété par Serge Reggiani. Après un long travelling qui accompagne sa fuite, tandis que des bruits de hurlements et de cris fusent à l’extérieur, Gerbier se fait raser la barbe et aperçoit le portrait de Pétain. Les deux hommes ne s’adressent pas la parole mais la tension est à son comble. Son rasage terminé, Gerbier tend un billet au barbier qui lui répond qu’il va descendre à l’étage inférieur pour aller chercher de la monnaie. Gerbier lui dit que cela n’est pas la peine. Le barbier descend quand même et lui rapporte un manteau. Dans un film résolument manichéen, il serait descendu pour téléphoner et le dénoncer. Ici, il lui a sauvé la vie. Tout aussi significatif est le silence entre Gerbier et Mathilde et de leurs mains qui se tiennent furtivement lorsque cette dernière vient de l’aider à s’évader et à échapper à une mort certaine. Même les gestes d’affection s’effectuent dans l’ombre et dans le silence. L’ambiguïté culmine à la fin du film. Arrêtée par la Gestapo, Mathilde ressort au bout de deux jours, saine et sauve. On ignore si elle a parlé. Ses amis de la Résistance seront contraints de l’abattre. Les apercevant, elle ne fuit pas. Son regard exprime un questionnement, une terreur indicible, une supplique : le doute plane. Lors du tournage, Melville lui-même aurait laissé toute liberté à Simone Signoret dans l’interprétation de la scène. Jardie, après avoir dit « Nous allons tuer Mathilde parce qu’elle nous en prie », avouera à Gerbier  « ce n’est qu’une hypothèse. » Le meurtre de Mathilde évoque d’ailleurs le degré de cynisme que les circonstances leur ont fait atteindre. Seul Le Bison, alors le plus proche de la criminalité, est horrifié par cette décision déclarant « Je tuerai tous les types que vous voulez, mais pas elle ». Cette scène met ainsi en exergue la déshumanisation de ceux qui agissent pour défendre l’humanité et qui dont dû franchir pour y arriver les frontières qu’ils voulaient rétablir. La scène est d’autant plus significative que c’est Luc Jardie, surnommé par son frère « Saint-Luc », qui le persuade de la nécessité de son exécution.

    La réception du film : un film sujet à polémique

    La polémique résulte de deux aspects presque antinomiques : la fidélité de Melville au Général de Gaulle et la vision contrastée et humanisée, démythifiée, de la résistance, le deuxième aspect atténuant en effet le premier. Dans l’Express du 15 septembre 1969, Claude Veillot dira ainsi « Melville réveille ses ombres ».

    Le film remporta un vif succès auprès du public. Tourné en extérieur en France et aux studios de Boulogne, de janvier à mars 1969, il fut présenté pour la première fois à Paris le 12 septembre 1969. Sorti en septembre 1969, il totalisa ainsi 1401822 spectateurs, notamment 338535 à Paris. Les critiques, quant à eux, reprochèrent à Melville, son indéfectible fidélité au Général de Gaulle qui incarnait certes la Résistance française mais à l’époque davantage encore celui qui était au pouvoir lors des évènements de Mai 1968. Un film en rupture avec l’image de la Résistance dans le cinéma Français et avec les simplifications manichéennes d’après-guerre. René Clément fut l’un des premiers à évoquer la Résistance avec La bataille du rail (1946) consacré à la lutte des cheminots contre l’occupant, le Père tranquille (1946) qui raconte la vie d’un quinquagénaire tranquille en réalité chef d’un réseau de la Résistance et Les Maudits ( 1947). Avant cela, Un ami viendra ce soir de Raymond Bernard en 1945 et Jéricho d’Henri Calef, la même année, avaient déjà montré les Français comme unanimement engagés contre la guerre. Les films qui succédèrent à ceux-ci empruntèrent la même optique d’idéalisation, montrant une France unanimement engagée contre l’occupant, une image flatteuse et héroïque. Avec L’armée des ombres Melville apporte une note discordante sur la Résistance et plus largement sur l’attitude des Français pendant la guerre, un film qui s’éloigne des images et des simplifications unanimement manichéennes d’après-guerre, même si trois ans auparavant, avec La ligne de démarcation, Chabrol avait déjà ouvert la voie. Il trouve ensuite un écho avec Le chagrin et la pitié d’Ophuls en 1971. Le cinéma évolue et derrière le masque du Résistant irréprochable apparaissent bientôt luttes internes, délateurs et marché noir. Uranus de Claude Berri, en 1990, et son aspect grandguignolesque noircit encore le tableau ne faisant pas preuve de la même nuance que Melville. Louis Malle avec Lacombe Lucien raconte l’histoire d’un jeune paysan qui cherche à entrer dans la Résistance et qui, n’y parvenant pas, rejoint les miliciens qui traquent les militants. Ainsi en 1974 Michel Foucault dans un entretien accordé aux Cahiers du cinéma de juillet août 1974 disait à propos de Lacombe Lucien et Le chagrin et la pitié : « Quand on voit ces films, on apprend ce dont on doit se souvenir. Ne croyez pas tout ce qu’on vous a raconté autrefois. Il n’y a pas de héros. » Il faudra attendre Papy fait de la résistance de Jean-Marie Poiré en 1982 pour que la comédie ose s’emparer du sujet...même si on se souvient du grinçant La traversée de Paris de Claude Autant-Lara en 1943 qui évoquait le marché noir et la passivité collective. À la suite de Melville apparaît donc un cinéma à l’image de la réalité, moins dichotomique et idyllique que ce qu’on aimerait y voir.

    Le gaullisme : sujet dichotomique et délicat dans cette période d’après 68

    Comme le souligneront notamment les Cahiers du cinéma d’octobre 1969, pour beaucoup de critiques L’armée des ombres est alors l’image de « la résistance telle que vue et jouée par les Gaullistes, et le premier et plus bel exemple cinématographique de l’Art gaulliste, fond et forme. » ou encore « une résistance digne, compassée, pisse-froid, de bon ton et bonne conduite où l’on finit par tuer mais « proprement » et la mort dans l’âme, un combat noble pour les nobles, une cause non seulement « sacrée » mais un Dieu (épisode de Londres où le Général « apparaît aux compagnons) etc ». Même si le personnage de Luc Jardie renvoie implicitement à Jean Moulin, le seul à être explicitement évoqué est en effet le Général de Gaulle même si son nom n’est jamais cité. Le nom de De Gaulle évoque alors davantage celui qui a démissionné le 28 avril 1969 qu’un symbole de la Résistance. De Gaulle apparaît d’abord dans l’embrasure d’une porte, ce qui permet furtivement de le reconnaître puis on le voit en amorce et on devine une stature imposante en voyant le regard de Luc Jardie se dirigeant vers le hors champ, en hauteur, vers « le ciel » (pour filer la métaphore des Cahiers) de celui qui lui remet une médaille. La critique fut de nouveau divisée entre ceux pour qui il s’agit d’un film « d’une simple dignité » comme Jean de Baroncelli le 16 septembre 1969 ou ceux pour qui, comme Marcel Martin dans Les lettres françaises, il s’agit d’un « échec complet ». Dans Le Figaro Louis Chauvet le qualifia de « description interminable du superflu au détriment de l’essentiel ». Peut-être est-ce d’ailleurs au contraire ce qui fait l’intérêt du film, nous montrer les détails au service du général, la banalité au service de l’héroïsme. En tout cas, il est indéniable, comme le souligna Etienne Fuzelier dans L’Education, que ce film « aurait été impossible tout de suite après la guerre ». Celui qui se définissait comme un « bourgeois artiste » a donc signé un film à son image : singulier, mystérieux, ombrageux qui comme tout grand film n’aura pas laissé ses contemporains indifférents.

    Pour reprendre l’expression employée par Renoir dans French Cancan, le film de Melville, en apportant un éclairage différent à l’Histoire a encore une fois montré « le rôle social des illusionnistes », en l'occurrence un cinéaste et des acteurs au sommet de leur art. L'armée des ombres est pour moi un chef-d’œuvre du cinéma, et le plus grand film sur la Résistance. À voir absolument.

  • Jury du Prix de la Citoyenneté du 77ème Festival de Cannes

     

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    Chaque année depuis sa création, je vous parle ici de ce prix indispensable qu’est le Prix de la Citoyenneté.  Le samedi 25 mai à 13h30, nous saurons quel film succèdera au lauréat 2023 : Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania (un prix et un film dont je vous avais longuement parlé, ici).

    L’association Clap Citizen Cannes, à l’initiative de ce prix,  a été créée en mai 2017 lors du 70ème anniversaire du Festival International du Film de Cannes. Les membres fondateurs sont Line Toubiana, Françoise Camet, Guy Janvier, et Jean-Marc Portolano. Le Président de l’association est Nabil Ayouch. Les Présidents d’honneur sont : Catherine Martin-Zay, Laurent Cantet, et Hélène Mouchard-Zay.

    En 2022, le jury du Prix de la Citoyenneté avait couronné un film iranien, le magistral, suffocant et bouleversant Leila et ses frères de Saeed Roustaee.

    Ce prix met en avant des valeurs humanistes, universalistes et laïques. Il célèbre l'engagement d'un film, d'un réalisateur et d'un scénariste en faveur de ces valeurs. Je vous recommande ainsi les pages passionnantes du site officiel du Prix de la Citoyenneté qui les définissent.

    Les films suivants ont reçu le Prix de la Citoyenneté les années passées : Capharnaüm de Nadine Labaki (2018)Les Misérables de Ladj Ly (2019), Un héros de Asghar Farhadi (2021), Leila et ses frères de Saeed Roustaee (2022). 

    Le Prix célèbre l'engagement d'un ou une cinéaste en faveur des valeurs citoyennes. Il sera remis pour la cinquième fois lors de d’édition du 77ème festival international du Film de Cannes à un film en compétition de la sélection officielle. Son objet est de "distinguer une œuvre de qualité artistique de premier plan qui exalte les vertus de la richesse humaine individuelle et collective, les engagements solidaires en faveur des femmes et des hommes, ainsi que la préservation des ressources de notre planète associées à la défense de la qualité environnementale en faveur des générations futures."

    Le Jury du Prix de la citoyenneté 2024

    Présidente du Jury 2024 :

    Valérie Donzelli (Réalisatrice, scénariste et actrice)

    Entourée de :

    Agathe Bonitzer (Actrice)

    Isabelle Chenu (Journaliste, cheffe du service Culture de RFI)

    Claus Drexel (Réalisateur, scénariste et metteur en scène allemand)

    Frédéric Sojcher (Réalisateur, écrivain et universitaire belge)

  • Annonce de la sélection officielle du 77ème Festival de Cannes : le programme détaillé du Festival de Cannes 2024

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    Article mis à jour au fur et à mesure des annonces postérieures à la conférence de presse (ajouts à lire en bas de cet article)

    Ce matin, à l’UGC Normandie, avait lieu l’annonce de la sélection officielle du 77ème Festival de Cannes qui se tiendra du 14 au 25 mai 2024, et que j’aurai le plaisir de couvrir pour la 22ème année consécutive. Comme le veut la tradition, la Présidente du Festival, Iris Knobloch (qui a succédé à Pierre Lescure qui lui-même a succédé à Gilles Jacob), a présenté cette édition et remercié les partenaires, après avoir rappelé que l'édition 2023 avai été celle de tous les records et que «la magie du grand écran est intacte. Plus que jamais, c'est au cinéma que le film a rendez-vous avec son histoire. C'est là qu'il a construit une légende », tandis que le Délégué général, Thierry Frémaux a annoncé la sélection officielle. Entre les « habitués » (Carax, Larrieu, Audiard, Coppola, Sorrentino, Cronenberg, Jia Zhang-Ke, Honoré, Lanthimos, Lellouche -pour la première fois en compétition- ) dont il est toujours réjouissant de découvrir de nouvelles œuvres et des cinéastes en devenir, venant des quatre coins du monde (comme Diamant brut d’Agathe Riedinger, un premier film français mais aussi beaucoup de premiers films d'origines très diverses et des films d’acteurs passés derrière la caméra, comme Daniel Auteuil pour un polar, Arianne Labed ou encore Noémie Merlant ou Laetitia  Dosch), cette sélection s’annonce hétéroclite et réjouissante avec, également, des montées des marches très « hollywoodiennes » : George Lucas, Richard Gere, Kevin Costner, Nicolas Cage, Demi Moore, Uma Thurman, Adam Driver, Francis Ford Coppola

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    Avec des films de Somalie, d’Inde, de Chine, du Vietnam, de Guinée, d’Ukraine etc, comme chaque année, la sélection officielle du Festival de Cannes permettra de dresser un état du monde cinématographique mais surtout un état des lieux du monde, en braquant ses projecteurs sur ses ombres et ses lumières.

    Comme le veut la tradition, quelques ajouts, « moins d’une dizaine de films », viendront compléter cette sélection. Le film de clôture n’a « pas encore été décidé », a souligné Thierry Frémaux. Le Festival de Cannes sera ouvert avec Le Deuxième Acte de Quentin Dupieux, un film au générique duquel figurent Vincent Lindon, Léa Seydoux, Louis Garrel, Raphaël Quesnard, une « comédie tout à fait réussie à la Dupieux qui nous mettra dans une belle humeur pour vivre ces 12 jours, un film qui repose beaucoup sur le cinéma et qui parle de cinéma. »  « Un festival dont on a décidé avec Iris et toute l’équipe qu'il serait pacifique, pacifié, joyeux et généreux et qu’on ne parlera que de cinéma ». C’est par ces mots que Thierry Frémaux a terminé cette annonce de sélection que je vous présente ci-dessous.

    Greta Gerwig présidera le jury de cette 77ème édition qui aura la passionnante mission de décerner la palme d’or parmi les 19 films en lice (pour l’instant) dont deux réalisés par des cinéastes ayant déjà obtenu la palme d’or (Coppola et Audiard). Le 25 mai, nous saurons qui succédera à Anatomie d’une chute de Justine Triet, lauréate de la palme d’or 2023 décernée par le jury de Ruben Östlund. Iris Knobloch a ainsi souligné que « Gerwig aime à réinventer les codes du cinéma. Elle embrasse tous les genres et s’adresse à tous les publics. Comme nous, elle valorise tous les métiers du cinéma puisqu’elle a été autrice, actrice et réalisatrice. Une jeune femme libre pleine d’idées et de talent ».

    Les cérémonies d’ouverture et de clôture seront présentées par Camille Cottin. « Notre maîtresse de cérémonie sera une autre femme brillante et engagée », a ainsi rappelé Iris Knobloch.  « Que des femmes tiennent cette année le haut de l’affiche me réjouit tout particulièrement » a-t-elle ajouté.

    Meryl Streep sera l'invitée d’honneur de la cérémonie d’ouverture. Elle donnera le coup d’envoi de cette 77ème édition. Après Jeanne Moreau, Marco Bellocchio, Catherine Deneuve, Jean-Pierre Léaud, Jane Fonda, Agnès Varda, Forest Whitaker ou Jodie Foster, Meryl Streep recevra à cette occasion une Palme d'or d'honneur. 35 ans après son Prix d’interprétation pour Un cri dans la nuit, qui reste à ce jour sa seule apparition au Festival de Cannes.

    Xavier Dolan présidera le jury Un Certain regard. « Je suis très heureuse que Xavier Dolan ait accepté de présider le jury Un certain regard » a spécifié Iris Knobloch. Il sera entouré de la scénariste et réalisatrice franco-sénégalaise Maïmouna Doucouré, la réalisatrice, scénariste et productrice marocaine Asmae El Moudir, l'actrice germano-luxembourgeoise Vicky Krieps et le critique de cinéma, réalisateur et écrivain américain Todd McCarthy.

    Une palme d’or d’honneur sera remise à Georges Lucas. « Célébrer les jeunes prodiges du cinéma aussi bien que les légendes vivantes a toujours été l’ADN du festival. Nous remettrons une palme d’or d’honneur à Lucas qui a fait entrer tant de héros dans la mythologie cinématographique qu’il est devenu un mythe lui-même. »

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    © Shochiku Co., Ltd. / Kurosawa Prod. – Création graphique © Hartland Villa 
    Rhapsodie en août d’Akira Kurosawa (1991)

    L’affiche de cette 77ème édition exhale poésie et mélancolie envoûtantes avec cette scène extraite de Rhapsodie en août du grand maître japonais Akira Kurosawa. « Dans ce film présenté Hors Compétition au Festival de Cannes en 1991, une grand-mère victime du bombardement de Nagasaki le 9 août 1945 transmet à ses petits-enfants et à son neveu américain sa foi en l’amour et en l’intégrité comme rempart contre la guerre. L’avant-dernier film du cinéaste rappelle l’importance de se réunir et de rechercher l’harmonie en toutes choses. Miroir de la salle de cinéma, cette affiche entend célébrer le 7e Art, avec émerveillement. Parce qu’il offre une voix à chacun, le cinéma permet l’émancipation. Parce qu’il se souvient des blessures, il lutte contre l’oubli. Parce qu’il témoigne des périls, il appelle à l’union. Parce qu’il apaise les traumatismes, il aide à réparer les vivants. Dans un monde fragile qui interroge sans cesse l’altérité, le Festival de Cannes réaffirme une conviction : le cinéma est un sanctuaire universel d’expression et de partage. Un lieu où s’écrit notre humanité autant que notre liberté. »

    Thierry Frémaux a annoncé la sélection officielle, après avoir précisé que ses équipes avaient cette année visionné 2000 films, et après avoir dédié la sélection à Michel Ciment récemment disparu :

    « Quand on repart en arrière, quand on lit l’histoire du festival, on s’aperçoit qu’elle est intimement liée à l’histoire de la critique et de la presse qui font aussi le Festival de Cannes. Je voudrais avoir une pensée pour le cinéma argentin qui connaît de grandes difficultés. Cette année, c’est à Michel Ciment qu’on voudrait dédier cette sélection, Michel qui a été membre du jury, qui était le fer de lance de la revue Positif, qui écrivait inlassablement sur les films, et il va nous manquer. La sélection cette année n’a pas été spécialement facile à faire. Le cinéma américain a été impacté par une longue grève. Un arrêt de plusieurs mois dans l’industrie hollywoodienne impacte forcément le Festival de Cannes. Le cinéma américain sera cependant tout à fait présent : Costner, Lucas. Columbia fêtera ses 100 ans à Cannes. »

    Thierry Frémaux a d’abord présenté les films de la section Cannes Première rappelant que le but pour les cinéastes était de « montrer leurs films sans autre enjeu. Le plaisir d’être en Debussy et de projeter leurs derniers travaux. Dans notre élan, nous aimons aussi que nos films soient vus et que les films marchent très bien en salles. »

    SÉANCES SPECIALES

    - La belle de Gaza de Yolande Zauberman : « histoire des transsexuels qui vont à Tel Haviv vivre leur nouvelle identité, filmée et écrite avant la guerre et qui prend une résonance particulière pour continuer d’explorer ce territoire douloureux de notre planète. »

    - Claire Simon présentera Apprendre, un film sur les enseignants, un « film tout à fait fort et émouvant comme l’est celui du cinéaste ukrainien Sergei Loznitsa, L’invasion, « pas un film sur l’invasion russe mais sur les conséquences et ce qui se passe quand un pays envahi par un ennemi. »

    - Raoul Peck présentera un documentaire qui s’appelle Ernest Cole, photographe, « une des plus grandes voix de la photo contemporaine. Ce film ramène aussi le passé au présent, le passé en l’occurrence était celui de l’Apartheid en Afrique du Sud, pays dans lequel il a grandi ».

    - Daniel Auteuil viendra présenter Le Fil, un polar dans lequel il joue également avec Grégory Gadebois (un film distribué par la petite maison de production qui monte, Zinc, dont je vous avais déjà parlé ici à plusieurs reprises.) « Là où a été montré l’an passé Le Théorème de Marguerite, petit film qui a connu très belle carrière jusqu’aux César pour l’actrice meilleure révélation de l’année » a tenu à souligner Thierry Frémaux (un film également présenté au Festival de La Baule dans le cadre duquel il fut également primé et dont je vous avais parlé ici).

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    CANNES PREMIERE

    - Alain Guiraudie viendra présenter Miséricorde, lequel « qui avait marqué le festival avec L’Inconnu du Lac à Un Certain Regard. Un film sur la circulation du désir des corps des regards entre les hommes. »

    - C’est pas moi, le film de Leos Carax : « un essai esthétique comme le ferait un écrivain. Film assez court, très fulgurant, très brillant. »

    - Nabil Ayouch pour Everybody loves Touda : « L’histoire d’une chanteuse et la manière dont parfois les chanteuses au Maroc étaient considérées comme autre chose et ne pouvaient pas complètement accomplir leur vocation d’artiste. »

    - En Fanfare d’Emmanuel Courcol

     - Rithy Panh présentera Rendez-vous avec Pol pot

    - Arnaud et Jean-Marie Larrieu seront de retour pour Le roman de Jim, un film avec Sara Giraudeau.

    SÉANCES DE MINUIT

    Thierry Frémaux a rappelé que Les Séances de Minuit étaient là « pour accueillir à Cannes un cinéma dont on pouvait penser il y a quelques années qu’il n’avait pas sa place à Cannes. »

    Au programme cette année, « deux films de genres qui sont aussi de grands films de metteurs en scène » : Twilight of the warrior walled in de Soi Cheang et I, The Executioner de Seung Wan Ryoo.

    Également en séance de minuit : The Surfeur de Nicolas Cage : « le film raconte l’histoire de Cage qui ayant grandi dans une petite baie en Australie décide de revenir faire du surf avec son fils. »

    Les femmes au balcon, la deuxième réalisation de Noémie Merlant, « comédie féministe à Marseille. »

    HORS COMPÉTITION

    - Furiosa, une saga Mad Max de George Miller, « au lendemain de l’ouverture ».  « Lucas et lui sont de grandes imaginations venues nourrir le cinéma de personnages nouveaux. »

    - Horizon de Kevin Costner, « première partie d’une saga américaine dirigée par Costner. Longue adaptation d’une vision de la conquête de l’Amérique.»

    - She’s got no name de Chan Peter Ho-Sun, « plus grosse production chinoise de l’année.  Grand film d’auteur populaire ».

    - Rumours, « coréalisation à 3 voix » de Evan Johnson, Galen Johnson et Guy Maddin. « Film qui raconte l’histoire d’un G7. Denis Ménochet campe le président français. Les dessous de la réunion des grands de ce monde. Comédie ironique et politique, extraordinairement instructive. »

    UN CERTAIN REGARD

    - The Shameless de Konstantin Bojanov

    - Le Royaume de Julien Colonna, un premier film, une « histoire d’apprentissage d’une jeune fille qui va apprendre les règles et les histoires de la communauté dans laquelle elle a grandi. »

    - Vingt Dieux, premier film de Louise Courvoisier, qui « a gagné la Cinéfondation il y a quelques années. »

    - Laetitia Dosch réalise son premier film une comédie intitulée Le procès du chien « dans ce monde où on est de plus en plus à interroger la justice pour telle ou telle raison. Film plein de choses formidables. Entrée suisse. »

    - Black dog de Duan Hu, « film chinois qui raconte l’histoire il y a quelques années quand se préparaient les jeux de Pékin, quand le gouvernement chinois a décidé d’éliminer tous les chiens errants. Histoire d’un homme chargé d’évacuer tous les chiens. »

    - The village next to paradise de Mo Harawe, un film somalien, un premier film.

    - « Autre premier film de comédienne, mais qui se révèle une cinéaste pleine de conviction Arianne Labed », September says, « un film tourné à Londres, un film d’échanges entre deux adolescentes et leur mère. »

    - L’histoire de Souleymane de Boris Lojkine, « personnage qui incarne tous les personnages que nous voyons dans les rues de Paris, de Lyon, ces gens qui vont livrer des repas pour des grandes enseignes mondiales. »

    - Roberto Minervini avec Les Damnés, « quelqu’un qui vient du documentaire, film de guerre de Sécession sur la guerre civile des jeunes soldats en mission avec un ennemi invisible. Un des grands intérêts du film est la manière dont il renouvelle le regard sur le quotidien de la guerre et le ressenti de jeunes soldats. »

    - « Première entrée de l’histoire du Festival de Cannes de la Zambie et de la Guinée puisque c’est un film entre les deux pays » : On becoming a Guinea fowl de Rungano Nyoni, « comédie dramatique familiale assez forte et assez inédite pour nous qui ne sommes pas de ces pays, une cinéaste nous raconte ce que sont les rapports humains, et femmes / hommes dans ces pays. »

    - Le film d’un jeune cinéaste japonais Hiroshi Okuyama, My Sunshine, que Thierry Frémaux compare à Kore-Eda. « Des films pour lesquels on voit dix minutes et on sait s’il y a quelque chose de proprement cinématographique et c’est le cas de tous ces films un Certain Regard. »

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    - Santosh de Sandhya Suri, « cinéaste indienne d’une génération de cinéastes venus d’Inde, pays qu’on a plaisir à voir revenir. »

    - Viet and Nam, de Truong Minh Quý, « cinéaste vietnamien qui, l’an passé, a gagné La Caméra d’or. »

    - Armand, premier film de Halfdan Ullmann Tøndel, « par ailleurs petit fils de Liv Ullmann. »

    COMPÉTITION

    - The Apprentice de Ali Abbasi, un « cinéaste iranien qui vit en Suède dont on avait montré Border, film fantastique qui avait gagné Un Certain Regard. Là, il s’agit d’un film américain. L’apprenti n’est ni plus ni moins que Donald Trump, il raconte ses jeunes années. »

    - Motel destino de Karim Aïnouz, « film brésilien film très personnel »

    - Bird d’Andrea Arnold, « récit d’apprentissage d’une jeune fille dans une banlieue anglaise qui va essayer de s’évader de la fatalité sociale à laquelle sa naissance la destinait. Style caméra à l’épaule. Cinéma extraordinairement nécessaire pour nous raconter l’histoire des pays. »

    - Emilia Perez de Jacques Audiard (lauréat de la palme d’or en 2015 avec Dheepan) comédie musicale chez les cartels mexicains. « J’en dis pas plus. Et cela nous permettra d’accueillir Zoe Saldana et Selena Gomez » précisé Thierry Frémaux.

    - Anora de Sean Baker 

    - Megalopolis de Francis Ford Coppola.  « On est très heureux d’accueillir celui qui fait partie du club fermé des réalisateurs ayant gagné deux palmes d’or, La Conversation -en 1974- et Apocalypse now – en 1979-. Film qu’il voulait faire de longue date. On est très heureux. Il est cher à notre cœur. »

    - Les Linceuls de David Cronenberg, un film qui « évoque la perte d’un être cher », avec Vincent Cassel et Diane Kruger.

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    ©   Gravetech Productions Inc. / SBS Productions

    - The Substance de Coralie Fargeat, « deuxième entrée française pour un film complètement américain avec Demi Moore. Film gore assumé. Pas mal de sang sur l’écran dont on a le sentiment qu’il traverse l’écran. »

    - Grand tour de Miguel Gomes. « Film en partie en noir et blanc et en couleurs. D’une grande virtuosité visuelle. Voix très singulière du cinéma d’auteur européen. »

    - Marcello mio de Christophe Honoré.  « La fille de Mastroianni qui tout à coup décide de refaire un petit voyage dans l’esprit de son père. Deneuve également dans ce film. Luchini, Biolay, Poupaud. Fiction mais une histoire réelle. »

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    - Caught by the tides de Jia Zhang-Ke :  « grand maître chinois qui a eu aussi à traverser le covid dans un pays qui a eu d’autres stratégies que le monde occidental et qui n’a pas cessé de travailler pour ce qui est un film d’une grande fluidité narrative à travers un mélange d’images d’archives, de fiction, de vidéos, d’images incroyablement travaillées et qui dit de la Chine quelque chose qu’on n’a pas l’habitude de voir à travers un certain nombre de personnages qui font que le voyage vaut la peine. »

    - All we imagine as light de Payal Kapadia.

    - Kinds of kindness de Yorgos Lanthimos avec Emma Stone et Willem Dafoe

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    © Atsushi Nishijima

    - Troisième entrée française avec Gilles Lellouche et L’amour ouf.

    - Diamant brut d’Agathe Riedinger, un premier film français. « Je ne vais pas dire que c’est la petite fille des Dardenne mais une petite nièce du sud de la France. Personnage une jeune fille que la caméra très virtuose suit, qui a des rêves, des utopies, un accomplissement qui passe beaucoup par une deuxième existence virtuelle sur les réseaux. Film extrêmement contemporain, moderne. Ce film avait la force pour que Cannes continue d’être une terre de découverte. »

    - Oh Canada de Paul Schrader, « un grand metteur en scène et un grand cinéphile bressonien, l’occasion de retrouver Richard Gere pour ce dernier scénario tourné de Russell Banks tourné l’an passé. Une comédie funèbre mais pas triste sur le vieillissement, sur le retour sur une vie. »

    - Limonov – The Ballad de Kirill Serebrennikov

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    ©  Gianni Fiorito

    - Parthenope de Paolo Sorrentino, « après un détour par d’autres supports, la série notamment avec The young Pope, il revient pour un film tourné à Naples, l’histoire d’une jeune fille dont le problème est qu’elle est jeune et belle et qui voudrait être considérée pour autre chose. Des sociétés différentes qui se côtoient, basse et haute société et des intellectuels. »

    - The girl with the needle de Magnus von Horn, « le moins connu, première entrée en sélection officielle et compétition, film tourné en noir et blanc d’époque au tournant du 19ème et 20èeme, les difficultés pour les ouvrières de continuer à exister dans le désir de liberté de l’esprit et du corps. »

    SÉLECTION OFFICIELLE

    FILM D'OUVERTURE

    LE DEUXIÈME ACTE

    Quentin Dupieux

    Hors Compétition

    COMPÉTITION

    THE APPRENTICE

    Ali Abbasi

    MOTEL DESTINO

    Karim Aïnouz

    BIRD

    Andrea Arnold

    EMILIA PEREZ

    Jacques Audiard

    ANORA

    Sean Baker

    MEGALOPOLIS

    Francis Ford Coppola

    THE SHROUDS

    David Cronenberg

    THE SUBSTANCE

    Coralie Fargeat

    GRAND TOUR

    Miguel Gomes

    MARCELLO MIO

    Christophe Honoré

    FENG LIU YI DAI (CAUGHT BY THE TIDES)

    Jia Zhang-Ke

    ALL WE IMAGINE AS LIGHT

    Payal Kapadia

    KINDS OF KINDNESS

    Yórgos Lánthimos

    L'AMOUR OUF

    Gilles Lellouche

    DIAMANT BRUT

    Agathe Riedinger

    1er film

    OH CANADA

    Paul Schrader

    LIMONOV - THE BALLAD

    Kirill Serebrennikov

    PARTHENOPE

    Paolo Sorrentino

    PIGEN MED NÅLEN (THE GIRL WITH THE NEEDLE)

    Magnus von Horn

    UN CERTAIN REGARD

    NORAH

    Tawfik Alzaidi

    THE SHAMELESS

    Konstantin Bojanov

    LE ROYAUME

    Julien Colonna

    1er film

    VINGT DIEUX !

    Louise Courvoisier

    1er film

    LE PROCÈS DU CHIEN (WHO LET THE DOG BITE?)

    Laetitia Dosch

    1er film

    GOU ZHEN (BLACK DOG)

    Guan Hu

    THE VILLAGE NEXT TO PARADISE

    Mo Harawe

    1er film

    SEPTEMBER SAYS

    Ariane Labed

    1er film

    L'HISTOIRE DE SOULEYMANE

    Boris Lojkine

    LES DAMNES

    Roberto Minervini

    ON BECOMING A GUINEA FOWL

    Rungano Nyoni

    BOKU NO OHISAMA (MY SUNSHINE)

    Hiroshi Okuyama

    SANTOSH

    Sandhya Suri

    VIET AND NAM

    Truong Minh Quý     

    ARMAND

    Halfdan Ullmann Tøndel

    1er film

    HORS COMPÉTITION

    SHE'S GOT NO NAME

    Chan Peter Ho-Sun

    HORIZON

    Kevin Costner

    RUMOURS

    Evan Johnson, Galen Johnson & Guy Maddin

    FURIOSA : UNE SAGA MAD MAX

    George Miller

    SÉANCES DE MINUIT

    TWILIGHT OF THE WARRIOR WALLED IN

    Soi Cheang

    THE SURFER

    Lorcan Finnegan

    LES FEMMES AU BALCON

    Noémie Merlant

    I, THE EXECUTIONER

    Seung Wan Ryoo

    CANNES PREMIÈRE

    EVERYBODY LOVES TOUDA

    Nabil Ayouch

    C’EST PAS MOI

    Leos Carax

    EN FANFARE

    Emmanuel Courcol

    MISÉRICORDE

    Alain Guiraudie

    LE ROMAN DE JIM

    Arnaud Larrieu & Jean-Marie Larrieu

    RENDEZ-VOUS AVEC POL POT

    Rithy Panh

    SÉANCES SPÉCIALES

    LE FIL

    Daniel Auteuil

    ERNEST COLE, PHOTOGRAPHE

    Raoul Peck

    L’INVASION

    Sergei Loznitsa

    APPRENDRE

    Claire Simon

    LA BELLE DE GAZA

    Yolande Zauberman

     

    AJOUTS DE PROGRAMMATION

    (après l'annonce de sélection du 11 avril)

    - Un tandem inédit présidera le Jury de la Caméra d’or du 77e Festival de Cannes : Emmanuelle Béart et Baloji. Ils seront accompagnés de : Gilles Porte (directeur de la photographie), Pascal Buron (DGA RH & Supports de TSF), Zoé Wittock (scénariste, réalisatrice), Nathalie Chifflet (critique).

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     © Hayao Miyazaki/Studio Ghibli

    - Le Studio Ghibli, Palme d'or d'honneur. Le Festival de Cannes honore une légende du cinéma et pour la première fois, la Palme d’or d’honneur devient un prix collectif qui sera remis au Studio Ghibli.  Venu se placer aux côtés des grands d’Hollywood, incarné par deux merveilleux conteurs, Hayao Miyazaki et Isao Takahata, et une multitude de personnages cultes, le studio japonais fait souffler un vent nouveau sur le cinéma d'animation depuis quatre décennies. Un Certain Regard avait accueilli La Tortue Rouge (2016), première collaboration des studios Ghibli avec une production européenne. Tout commence il y a tout juste 40 ans. Le succès de Nausicaä de la Vallée du Vent d’Hayao Miyazaki en 1984 lui permet de créer le Studio Ghibli avec Isao Takahata en 1985. " En Europe comme aux États-Unis, ces œuvres sont parmi les références les plus revendiquées par les animateurs, entre intransigeance et enjeux commerciaux de l’industrie. Elles représentent de véritables modèles, aussi bien pour la qualité de l’écriture, de la mise en scène et de l’animation, que pour la fidélité à une recherche esthétique. "

    En complément de l’hommage au Studio Ghibli, la Sélection officielle 2024 comptera ainsi 6 films d'animation : La plus précieuse des marchandises (Compétition), Flow (Un Certain Regard), Silex and the City, Slocum et moi, Sauvages et Angelo, dans la forêt mystérieuse.

    - Napoléon vu par Abel Gance (1re époque) en ouverture de Cannes Classics. "Légende connue des cinéphiles du monde entier, Napoléon vu par Abel Gance est l'une des œuvres les plus importantes du muet et l'une des restaurations les plus monumentales de l’histoire du cinéma. La Première Époque sera projetée le 14 mai en avant-première mondiale, dans une version issue d’un travail colossal et passionné, mené par la Cinémathèque française avec le soutien du CNC.

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    UN CERTAIN REGARD

     

    WHEN THE LIGHT BREAKS

    Rúnar Rúnarsson

    When the light breaks de Rúnar Rúnarsson fera l’ouverture du Certain Regard le mercredi 15 mai.

    NIKI

    Céline Sallette

    1er film

    FLOW

    Gints Zilbalodis

    CANNES PREMIÈRE

    VIVRE, MOURIR, RENAITRE

    Gaël Morel

    MARIA

    Jessica Palud

    SÉANCES SPÉCIALES

    SPECTATEURS

    Arnaud Desplechin

    NASTY

    Tudor Giurgiu

    LULA

    Oliver Stone

    AN UNFINISHED FILM

    Lou Ye

    HORS COMPÉTITION

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    LE COMTE DE MONTE-CRISTO

    Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte

    COMPÉTITION

    LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES

    Michel Hazanavicius

    TREI KILOMETRI PANA LA CAPATUL LUMII

    (Trois kilomètres jusqu'à la fin du monde)

    Emanuel Parvu

    THE SEED OF THE SACRED FIG

    Mohammad Rasoulof

    - Rendez-vous avec Valeria Golino. Invitée deux fois en Sélection officielle avec ses films Miele (2013) et Euforia (2018), elle revient cette année pour un rendez-vous spécial : elle vient d’adapter L’arte della gioia (L’Art de la joie), le grand roman de Goliarda Sapienza, avec Jasmine Trinca, Tecla Insolia et Valeria Bruni-Tedeschi. Au départ série TV, L’Art de la joie sortira en salles en Italie.  À l’occasion de ce rendez-vous, le premier épisode de la série sera projeté en avant-première et suivi d'un dialogue entre Valeria Golino et les spectateurs.

    CANNES CLASSICS

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    - La sélection Cannes Classics, fêtera ses vingt ans. Elle sera marquée par la présence de grands artistes : Faye Dunaway, Wim Wenders, Sylvia Chang, Costa-Gavras, Raymond Depardon, Marco Bellocchio, Ron Howard, Frederick Wiseman, Dong-ho Kim, Montxo Armendáriz.

    - Les 100 ans de la Columbia

    GILDA

    Charles Vidor

    - Les 40 ans de Paris, Texas de Wim Wenders, Palme d'or 1984

    PARIS, TEXAS

    Wim Wenders

    - Le siècle de Costa-Gavras

    LA VÉRITÉ EST RÉVOLUTIONNAIRE – L'AVEU

    Réalisé par Yannick Kergoat, écrit par Edwy Plenel

    - L'ultime film de Jean-Luc Godard

    SCÉNARIOS

    Jean-Luc Godard

    - Les 70 ans des Sept Samouraïs

    THE SEVEN SAMOURAI

    - Total Frederick Wiseman

    LAW AND ORDER

    - Raymond Depardon Photographe

    LES ANNÉES DÉCLIC

    - Lucy Barreto, une productrice au Brésil

    BYE BYE BRASIL

    - Les 60 ans des Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy, Palme d'or 1964

    LES PARAPLUIES DE CHERBOURG

    (The Umbrellas of Cherbourg)

    - JACQUES DEMY, LE ROSE ET LE NOIR

    Florence Platarets

    - DOCUMENTAIRES

    FAYE

    Laurent Bouzereau

    - JIM HENSON IDEA MAN

    Ron Howard

    - WALKING IN THE MOVIES

    (Younghwa cheongnyeon dong-ho)

    Lyang Kim

    - JACQUES ROZIER, D'UNE VAGUE À L'AUTRE

    Emmanuel Barnault

    - ELIZABETH TAYLOR: THE LOST TAPES

    (Elizabeth Taylor: les enregistrements perdus)

    Nanette Burstein

    - FRANÇOIS TRUFFAUT, LE SCÉNARIO DE MA VIE

    David Teboul

    - IL ÉTAIT UNE FOIS MICHEL LEGRAND

    (Once upon a time Michel Legrand)

    David Hertzog Dessites

    - COPIES RESTAURÉES

    VIOL EN PREMIÈRE PAGE

    (Sbatti il mostro in prima pagina)

    Marco Bellocchio

    - THE SUGARLAND EXPRESS

    Steven Spielberg

    - CAMP DE THIAROYE

    Ousmane Sembene et Thierno Faty Sow

    - L'ARMÉE DES OMBRES

    (Army of Shadows)

    Jean-Pierre Melville

    - JOHNNY GOT HIS GUN

    (Johnny s’en va-t’en guerre)

    Dalton Trumbo

    - ROSORA A LA 10

    (Rosaura à dix heures)

    Mario Soffici

    - TASIO

    Montxo Armendáriz

    - LA ROSE DE LA MER

    (The Rose of the Sea)

    Jacques de Baroncelli

    - BONA

    Lino Brocka

    - MANTHAN

    (The Churning)

    Shyam Benegal

    - SHANGHAI BLUES

    Tsui Hark

    - QUATRE NUITS D'UN RÊVEUR

    (Four Nights of a Dreamer)

    Robert Bresson


    NAPOLÉON VU PAR ABEL GANCE (1927) - film d'ouverture de Cannes Classics -
    Abel Gance
    1927, 3h40, France

    Présentation de la première partie (3h40) du film restauré d’Abel Gance (de la jeunesse de Bonaparte au siège de Toulon).
    En présence de Costa-Gavras, président de la Cinémathèque française, et de Frédéric Bonnaud, directeur général.

    La projection aura lieu en salle Debussy le mardi 14 mai à 14h.

    CINEMA DE LA PLAGE (programme bientôt complété)

    - Quatre films contemporains y figureront :

    TRANSMITZVAH

    Daniel Burman

    SILEX AND THE CITY

    Jul

    SLOCUM ET MOI

    Jean-François Laguionie

    MY WAY

    Lisa Azuelos et Thierry Teston

    -Deux films d’animation seront proposés au jeune (et moins jeune) public de Cannes 2024 :

    SAUVAGES

    Claude Barras

    ANGELO, DANS LA FORÊT MYSTÉRIEUSE

    Vincent Paronnaud et Alexis Ducord

    COMPETITION IMMERSIVE

    - La nouveauté : la compétition immersive : huit projets incluant des installations de réalité virtuelle collectives, des expériences de réalité mixte, ainsi que des œuvres de vidéo mapping et holographiques. Ces œuvres immersives soigneusement sélectionnées mettent en valeur l'avant-garde de cette nouvelle forme artistique, défiant les conventions établies, adoptant de nouvelles technologies et célébrant de nouveaux artistes ainsi que des figures établies :

    EN AMOUR

    France

    Claire Bardainne, Adrien Mondot, Laurent Bardainne

    EVOLVER

    Royaume-Uni, France, États-Unis

    Première française

    Barnaby Steel, Ersin Han Ersin, Robin McNicholas

    HUMAN VIOLINS: PRELUDE (version multi-utilisateurs)

    Roumanie, France

    Première mondiale

    Ioana Mischie

    MAYA: NAISSANCE D'UNE SUPER HEROÏNE

    Royaume-Uni, États-Unis, France

    Première européenne

    Poulomi Basu, CJ Clarke

    NOIRE

    France, Taïwan

    Tania de Montaigne, Stéphane Foenkinos, Pierre-Alain Giraud

    TELOS I

    Canada, Suède, Danemark

    Première mondiale

    Dorotea Saykaly, Emil Dam Seidel

    THE ROAMING

    France, Luxembourg, Canada

    Mathieu Pradat

    TRAVERSING THE MIST

    Taïwan

    Tung-Yen Chou

    Six œuvres non-compétitives complètent cette Sélection immersive. Celles-ci explorent l'évolution du médium et établissent des parallèles entre la réalité virtuelle, la production virtuelle, le cinéma et la narration collective.

    BATTLESCAR

    France, États-Unis

    Martin Allais, Nico Casavecchia

    EMPEREUR

    France, Allemagne

    Marion Burger, Ilan J. Cohen

    GLOOMY EYES

    Argentine, France, États-Unis

    Fernando Maldonado, Jorge Tereso

    MISSING PICTURES: NAOMI KAWASE

    France, Royaume-Uni, Taïwan, Luxembourg, Corée du Sud

    Clément Deneux

    NOTES ON BLINDNESS

    France, Royaume-Uni

    Arnaud Colinart, Amaury La Burthe, Peter Middleton, James Spinney

    SPHERES

    États-Unis, France

    Eliza Mcnitt

    Le Prix de la Meilleure Œuvre Immersive sera remis lors d’une Cérémonie de Clôture le 23 mai. La Compétition immersive du Festival de Cannes est une nouvelle compétition dédiée aux œuvres immersives, dont la première édition se tiendra du 15 au 24 mai 2024 au Cannes Cineum et à l'Université Côte d'Azur sur le campus de Georges Méliès.

    - PRIX DE La CITOYENNETE 2024

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    Chaque année depuis sa création, je vous parle ici de ce prix indispensable qu’est le Prix de la Citoyenneté.  Le samedi 25 mai à 13h30, nous saurons quel film succèdera au lauréat 2023 : Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania (un prix et un film dont je vous avais longuement parlé, ici).

    L’association Clap Citizen Cannes, à l’initiative de ce prix,  a été créée en mai 2017 lors du 70ème anniversaire du Festival International du Film de Cannes. Les membres fondateurs sont Line Toubiana, Françoise Camet, Guy Janvier, et Jean-Marc Portolano. Le Président de l’association est Nabil Ayouch. Les Présidents d’honneur sont : Catherine Martin-Zay, Laurent Cantet, et Hélène Mouchard-Zay.

    En 2022, le jury du Prix de la Citoyenneté avait couronné un film iranien, le magistral, suffocant et bouleversant Leila et ses frères de Saeed Roustaee.

    Ce prix met en avant des valeurs humanistes, universalistes et laïques. Il célèbre l'engagement d'un film, d'un réalisateur et d'un scénariste en faveur de ces valeurs. Je vous recommande ainsi les pages passionnantes du site officiel du Prix de la Citoyenneté qui les définissent.

    Les films suivants ont reçu le Prix de la Citoyenneté les années passées : Capharnaüm de Nadine Labaki (2018)Les Misérables de Ladj Ly (2019), Un héros de Asghar Farhadi (2021), Leila et ses frères de Saeed Roustaee (2022). 

    Le Prix célèbre l'engagement d'un ou une cinéaste en faveur des valeurs citoyennes. Il sera remis pour la cinquième fois lors de d’édition du 77ème festival international du Film de Cannes à un film en compétition de la sélection officielle. Son objet est de "distinguer une œuvre de qualité artistique de premier plan qui exalte les vertus de la richesse humaine individuelle et collective, les engagements solidaires en faveur des femmes et des hommes, ainsi que la préservation des ressources de notre planète associées à la défense de la qualité environnementale en faveur des générations futures."

    Le Jury du Prix de la citoyenneté 2024

    Présidente du Jury 2024 :

    Valérie Donzelli (Réalisatrice, scénariste et actrice)

    Entourée de :

    Agathe Bonitzer (Actrice)

    Isabelle Chenu (Journaliste, cheffe du service Culture de RFI)

    Claus Drexel (Réalisateur, scénariste et metteur en scène allemand)

    Frédéric Sojcher (Réalisateur, écrivain et universitaire belge)

  • Le Dinard Festival du Film Britannique devient le Dinard Festival du Film Britannique & Irlandais

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    Je vous parle chaque année de ce festival que je couvre presque tous les ans depuis ma participation à son jury en 1999. Vous pouvez ainsi retrouver, ici, mon compte-rendu de l'édition 2023 du Dinard Festival du Film Britannique. 

    La prochaine édition du festival aura lieu du 2 au 6 octobre 2024.

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    « Dans tous les secteurs culturels - littérature, musique, arts plastiques, cinéma - l’Irlande fait en effet preuve d’une vitalité et d’un dynamisme réjouissants. Nous en tenons compte et accordons
    désormais à nos amis irlandais une juste place aux côtés de nos voisins et amis britanniques »,
    déclare Vincent Remy, adjoint à la culture de la ville de Dinard.


    « Nous avons le plaisir d’annoncer un changement de nom qui reflète les personnes, les cultures et les industries cinématographiques du Royaume-Uni et de l’Irlande, qui sont profondément liées mais distinctes. Un changement dynamique qui nous met tous en avant », souligne Dominique Green, directrice artistique.


    Saluant également cette annonce, l'ambassadeur d'Irlande en France, Niall Burgess, a déclaré :


    « Dinard a fourni au cinéma irlandais une plateforme exceptionnelle en France depuis qu'il a
    introduit une section irlandaise, présentant au public le meilleur de notre industrie cinématographique. C'est Dinard qui a lancé en France An Cailín Ciúin (The Quiet Girl), nommé aux Oscars, qui est ensuite devenu le premier film en langue irlandaise à obtenir une sortie générale dans ce pays. Le nouveau titre du Festival marque un tournant pour le cinéma irlandais en France. C’est une reconnaissance de sa force et de son identité propre, et nous sommes ravis de travailler avec nos partenaires à Dinard, afin de présenter le meilleur de la culture irlandaise en Bretagne à nos cousins celtes et à nos plus proches voisins de l'UE. »

  • Critique de BORGO de Stéphane Demoustier

     

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    Dans mon compte-rendu du Arras Film Festival 2023, je vous avais fait part de mon enthousiasme pour ce film qui sort cette semaine en salles et qui vient d'obtenir le prix du jury au Festival Reims Polar.

    Parmi la large sélection de films français projetés en avant-première dans le cadre de ce festival, j’avais en effet découvert le nouveau film de Stéphane Demoustier, Borgo, qui nous tient en haleine de la première à la dernière seconde, un film signant le retour du cinéaste au cinéma après le complexe et palpitant La Fille au bracelet (2019).

    Borgo nous raconte l’histoire de Mélissa (Hafsia Herzi), surnommée "Ibiza" par les détenus, surveillante pénitentiaire expérimentée, qui s’installe en Corse avec ses deux jeunes enfants et son mari. Là, elle intègre les équipes d’un centre pénitentiaire pas tout à fait comme les autres dans lequel on dit que ce sont les prisonniers qui surveillent les gardiens et non l’inverse !

    Si ce film a pour matériau de départ l'histoire vraie d’une surveillante pénitentiaire mise en cause dans le double assassinat de Poretta en 2017, et en particulier des comptes-rendus lus dans la presse, le réalisateur s’est avant tout inspiré du personnage de la surveillante qu’il dépeint ici dans toute sa complexité comme il le fit pour la protagoniste de La fille au bracelet. Dans le film, son intégration est facilitée par Saveriu qui, tout en la protégeant à l’intérieur comme à l’extérieur de la prison, tisse peu à peu sa toile pour l'enfermer dans un piège inextricable. Fascinée, Mélissa ne voit pas le piège se refermer sur elle et la protection se transformer en emprise.

    Le film sonde l’âme du personnage et son basculement, sa proximité de plus en plus forte avec le monde mafieux, les rapports de force, le glissement progressif dont elle ne semble pas se rendre compte.

    La minutie de la reconstitution (notamment de la vie de la prison, fortement documentée), la tension constante (entre le racisme dont est victime le mari de Mélissa, et la prison où finalement elle semble mieux accueillie et protégée, avec parmi de nombreuses remarquables scènes celle où les prisonniers, d’une cellule à l’autre, chantent en son honneur, scène lors de laquelle le visage de la surveillante s’illumine, la joie et la fierté l’emportant sur le sérieux qu’imposent ses fonctions), l’interprétation magistrale de Hafsia Herzi mais aussi de tous les seconds rôles judicieusement choisis (notamment de nombreux acteurs insulaires), la musique de Philippe Sarde, le scénario particulièrement audacieux, jouant avec les temporalités et points de vue, en font un film d’une maîtrise impressionnante qui nous laisse ko lors de « l’évasion » finale, et certainement un des films qui fera beaucoup parler de lui en 2024.

    Lors du débat qui a succédé à la projection, le réalisateur a expliqué avoir voulu raconter « comment cette femme pouvait avoir une vie normale » et comment « elle pouvait dans le même temps être partie prenante de crime organisé », que selon lui « le monstre n'existe pas » mais qu’il l’intéressait de comprendre « comment on peut commettre des actes monstrueux ». Il est également revenu sur l’idée formelle de départ avec la double narration, « au plus proche de sa subjectivité et en parallèle les images de vidéo surveillance prétendument incontestables alors que la vérité leur échappe » avec « ces caméras qui ont trop de points de vue pour avoir un intérêt. » Il a également évoqué ses cinéastes de prédilection, Clouzot, Hitchcock, mais aussi la différence entre la France et les Etats-Unis, où « on invente des mythes », tandis qu’en France il « faut être plus proche du réel ». Il a aussi expliqué avoir beaucoup enquêté sur le rapport de force en Corse. Enfin, il a loué les formidables qualités d’actrice de Hafsia Herzi, une « actrice qui ne triche jamais, ultra bosseuse, qui ne s’use jamais, qui aime qu’il y ait énormément de prises. »

  • Exposition L'ART DE JAMES CAMERON à la Cinémathèque Française (04.04.2024/05.01.2025)

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    « Un voyage psychologique qui examine le pouvoir des rêves ». Le ton est donné, par ces mots, dès l'entrée, par James Cameron lui-même. Un voyage à travers six décennies de création, grâce à une sélection d’œuvres qui nous invitent à « rêver les yeux grand ouvert ».

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    L’art de James Cameron : ainsi s’intitule l’exposition que La Cinémathèque consacre au cinéaste à partir de demain jusqu'au 5 janvier 2025, centrée sur la trajectoire des idées, la manière dont elles naissent et croissent, avec une large part consacrée à son processus créatif et à ses dessins, d'une grande maîtrise. Pour James Cameron qui dit «peindre avec la lumière», les dessins sont ainsi des «phares qui éclairent différemment les films. »

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    Cinéphile et lecteur avide, amateur de science-fiction, James Cameron perfectionne d'abord son art, très jeune, en s’inspirant de ses œuvres préférées issues de la pop culture. L’exposition permet aussi de découvrir une série de projets de films de science-fiction qu’il a développés  pendant ses études à l’université de Fullerton, des projets qui n’ont jamais vu le jour mais qui ont nourri son œuvre future.

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    L’exposition met aussi en relief  sa fascination pour l’Intelligence Artificielle, la robotique et les techniques d’augmentation mécanique du corps humain. Mais aussi sa fascination pour les océans dont il a visité en personne les profondeurs, avec notamment plus d’une dizaine d’expéditions sur l’épave du Titanic. Il détient même le record de la première plongée en solo en 2012 à bord d’un mini sous-marin qu’il a contribué à concevoir jusqu’au point le plus profond de la planète, dans la fosse des Mariannes.

    Cette exposition est avant tout une ode à l’imaginaire, à la poursuite de ses rêves d’enfance, même quand ils sont nourris de visions cauchemardesque (le spectre de la destruction de masse plane ainsi sur de nombreux films de James Cameron). Il se définit ainsi comme un "conteur d’histoire".

    Le thème du passage est aussi au cœur de son œuvre : de la vie à la mort, du futur au passé, ou à travers la mémoire. Mais aussi son respect profond pour notre planète, dont il souligne la fragilité de l’écosystème face au progrès humain débridé. Il milite ainsi activement pour la préservation de l’environnement, pas seulement à travers ses films, évidemment dans Avatar mais aussi dans Titanic,  certes une histoire d'amour mais aussi une histoire intemporelle et universelle, d'orgueil, d'arrogance et de lâcheté, une tragédie métaphorique des maux de l'humanité, une course au gigantisme et à la vitesse au détriment de l’être humain et de la nature, qui fait s'entrelacer mort et amour, éphémère et éternité.

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    Parmi de nombreuses pépites rares et inédites issues des archives privées du cinéaste, vous pourrez voir le scénario original de Titanic, des bustes conceptuels pour plusieurs personnages de Na’vi et avatars d'Avatar...ou même les affiches de films qu'il concevait à ses débuts.

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    Une leçon de cinéma  (« Un personnage n’est jamais qu’une simple esquisse mais qui se doit d’être vraiment convaincante. «). Mais surtout une invitation à rêver coûte que coûte, à croire en la folie de son imaginaire, à se laisser porter par ses passions : « La passion nourrit la créativité et l’ingéniosité. » , « Beaucoup de personnes talentueuses n'ont pas pu accomplir leurs rêves parce qu’elles y ont trop réfléchi, qu’elles se sont montrées trop timides et réticentes à faire un saut vers l’inconnu. »

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    Comme chacune des expositions de la Cinémathèque, "L'art de James Cameron" nous donne envie de (re)plonger dans l'œuvre du cinéaste à l'honneur et nous rappelle la magie incomparable du cinéma qui nous permet de "rêver les yeux grand ouvert", mais aussi de regarder en face notre réalité tout en nous en extirpant avec délice, un temps suspendu, comme l'est celui de cette visite.

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    Ci-dessus, un de mes souvenirs les plus marquants de conférence de presse et exposition à La Cinémathèque, en 2015. Retrouvez ici mon article consacrée à l'exposition Scorsese à La Cinémathèque Française en 2015. 

  • Critique de HORS-SAISON de Stéphane Brizé

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    Sélectionné en compétition de la 80ème Mostra de Venise, Hors-saison est le 10ème film de Stéphane Brizé, deux ans après Un autre monde.

    Mathieu (Guillaume Canet) est acteur. Il vit à Paris et vient passer une semaine de thalassothérapie en Bretagne, dans un hôtel en forme de paquebot situé dans une petite cité balnéaire. Il l’ignore mais c’est là que vit désormais Alice (Alba Rohrwacher), professeure de piano, qu’il a aimée quinze ans plus tôt, puis quittée. Évidemment, la présence de l’acteur parisien en ces lieux ne passe pas inaperçue, et arrive aux oreilles d’Alice. Elle lui laisse un mot à la réception de son hôtel. Il la rappelle…

    Cela commence et cela s’achève par une voiture filmée en plongée qui arrive, puis repart. Entre les deux, une parenthèse de vie hors-saison, douce, parfois burlesque, surtout mélancolique.

    Quand Mathieu arrive dans ce décor grisâtre, même la mer semble déprimer, d’un bleu gris triste à pleurer. Le premier client de l’hôtel que Mathieu aperçoit est un vieil homme en peignoir qui avance, péniblement, grâce à un déambulateur. Le hall est désert, grand, clinique, froid. Mathieu est lui aussi filmé en plongée, perdu au milieu de cet univers aseptisé. Sa femme (Marie Drucker, dont on entendra simplement la voix), présentatrice du journal télévisé, semble lui faire une faveur quand elle lui accorde royalement deux minutes au téléphone lorsqu’il essaie de lui faire part de son mal-être, et d’évoquer les raisons pour lesquelles, 4 semaines avant la première, il a abandonné la pièce de théâtre dans laquelle il devait jouer. Elle se contente de répéter « Quel est le problème ? » ou « Quelle est la question ? », comme si tout était une affaire de bien ou de mal, de rentabilité, comme si elle avait face à elle un de ses invités récalcitrants. Pour elle, c’est un « dossier classé. »

    Mathieu se retrouve seul dans sa chambre, dépassé : par la machine à café, par des scénarios insipides qu’il doit lire, par ses larmes qui jaillissent. « Tout va bien mais le tout va pas bien », dit-il à Alice. À l’extérieur, il a tout de celui qui a réussi. À l’intérieur, cela ressemble plutôt au chaos. Il s'évertue pourtant à afficher l’image de réussite que les autres lui renvoient.

    Guillaume Canet est particulièrement convaincant et émouvant dans le rôle de cette sorte de double mélancolique, en proie aux questions existentielles et aux doutes, face à la peur de ne pas être à la hauteur dans ce premier rôle au théâtre, et dans la vie.

    Le décor reflète cet entre-deux, ce désespoir, ce vide, d’une effroyable modernité, faussement parfait. La ville est endormie, les volets sont fermés, la plage et les rues sont désertes. Plus de caméra à l’épaule comme dans les derniers films de Stéphane Brizé pour refléter le chaos. Ici c’est plutôt l’immobilité qui tétanise. Le chaos est invisible, doit être masqué.

    Face à Guillaume Canet, Alba Rohrwacher est lumineuse, mystérieuse, bouleversante. Elle semble s’être construit une vie avec son mari et sa fille. Mais quand cet amour qu’elle n’a jamais oublié ressurgit, les émotions contenues toutes ces années, elles aussi, ressurgissent. 

    Le film est émaillé de scènes burlesques, de la rencontre drôle et décalée entre deux mondes, avec ce professeur de « sport mystique » que Mathieu regarde comme un extraterrestre quand il lui dit être en retard parce qu’il s’est arrêté pour contempler un oiseau. Mais, même lors des scènes burlesques, la mélancolie affleure toujours joliment, tendrement. Comme lors de ce mariage, où enfin les couleurs remplacent le gris de la thalasso et de la mer, lors duquel les Chanteurs d’oiseaux (Johnny Rasse et Jean Boucault) suscitent une complicité silencieuse. Stéphane Brizé sait nous décontenancer aussi, avec cette rupture de ton, ce long récit de la mariée, une vidéo envoyée par Alice à Mathieu, qui nous émeut, de concert avec lui.

    Je n’ai jamais cessé de suivre et d’aimer le cinéma de Stéphane Brizé depuis la découverte de son premier film au Festival du Cinéma Américain de Deauville 1999 où il avait obtenu le prix Michel d’Ornano. Je l’ai toujours comparé à Claude Sautet, en ce qu’il s’attache et nous attache à des personnages qui nous accompagnent après le générique de fin, qui « existent ».  Comment oublier le Amédéo (Vincent Lindon) du film En guerre ? Cet homme constamment en colère, dévoré par son engagement, sa rage de défendre et de résister ? Comment oublier ce dénouement qui nous saisit et nous laisse KO d’émotion, a contrario de l’analyse clinique de la chaîne d’information qui le relate ? Comment oublier Thierry, de nouveau incarné par Vincent Lindon, dans La loi du marché, un homme de 51 ans qui, après 20 mois de chômage commence un nouveau travail qui le met bientôt face à un dilemme moral ?

    Les personnages de ses films d’amour sont tout aussi inoubliables. En 2005, dans Je ne suis pas là pour être aimé, nous suivions Jean-Claude Delsart (Patrick Chesnais) qui, dans les premiers plans, monte l’escalier d’un immeuble, essoufflé, haletant, lassé. Essoufflé par la situation autant que par sa vie. Comme la protagoniste du Bleu des villes, il a un métier a priori plutôt ingrat (huissier de justice), il ne nous apparaît pas « aimable » (dans les deux sens du terme) d’emblée. Sa vie routinière, monotone, se partage entre le cadre claustrophobique de son étude, grisonnante, voire sinistre, et celle de la chambre de la maison de retraite de son père, un père irascible. Et puis un jour la fenêtre de son étude s’ouvre et, de là, on découvre l’appartement qui lui fait face, s’y oppose même : celui où sont donnés des cours de tango dans une ambiance chaleureuse. Les couleurs du lieu sont aussi chaudes que celles de l’étude sont froides, la musique emplit autant le lieu que le silence de l’étude la vide. Une fenêtre s’ouvre aussi dans son existence. Ses désirs, ses échecs enfouis se réveillent soudain, ses « bleus » à l’âme aussi.  Là pourrait avoir été résumé tout le film, pourtant c’est bien plus que cela. Quelle danse plus sensuelle que le tango ? C’est avec cette même sensualité que Stephan Brizé filme ses personnages, filme celle qui s’empare peu à peu d’eux, un trouble imperceptible capté par la caméra : une main qui progressivement se rapproche d’une épaule, le frémissement d’un visage, et sans dialogues, le temps d’une danse, par son talent de réalisateur et par celui de son acteur principal, une histoire qui naît de manière indicible, avec la noblesse du silence. Les scènes dialoguées sont tout aussi réussies : percutantes, cruelles parfois (scènes de famille de la future mariée en proie aux doutes, scènes avec son père, etc) aux accents de réalité indéniables.

    En 2009, avec Mademoiselle Chambon, il nous racontait l’histoire de Jean (Vincent Lindon), maçon, bon mari et père de famille, qui croise la route de la maîtresse d'école de son fils, Mademoiselle Chambon (Sandrine Kiberlain), leurs sentiments réciproques vont s'imposer à eux.  Les mots sont impuissants à exprimer cette indicible évidence.  On retrouve cette tendre cruauté et cette description de la province, glaciale et intemporelle. Ces douloureux silences. Cette sensualité dans les gestes chorégraphiés, déterminés et maladroits. Cette révolte contre la lancinance de l'existence. Et ce choix face au destin. Cruel. Courageux ou lâche. (Magnifique scène de la gare dont la tension exprime le combat entre ces deux notions, la vérité étant finalement, sans doute, au-delà, et par un astucieux montage, Stéphane Brizé en exprime toute l'ambivalence, sans jamais juger ses personnages...). On retrouve aussi cet humour caustique et cette mélancolie grave, notamment dans la scène des pompes funèbres qui résume toute la tendresse et la douleur sourdes d'une existence et qui fait écho à celle de la maison de retraite dans Je ne suis pas là pour être aimé.

    On retrouve tout cela aussi dans Hors-saison. Mais surtout des personnages infiniment touchants et justes lorsqu’ils laissent apparaître leur vulnérabilité, leurs vérités à nu, leurs regrets, leurs faiblesses, leurs peurs. Un film qui, malgré la grisaille qui l’environne, nous enveloppe de chaleur, nous réconforte, nous embarque dans cette parenthèse mélancolique, comme pour nous dire qu’il existe toujours un hors-saison pour réparer le passé, et repartir un peu moins blessé vers l’avenir, comme pour nous dire qu’il est permis de tomber, que la vie n’est pas toujours une saison ensoleillée mais que le soleil peut surgir aux moments les plus inattendus, au creux de l’hiver. Ou avec quelques notes de Vincent Delerm (auteur de la BO, là aussi teintée de douce mélancolie, comme la photographie d'Antoine Héberlé). L’acteur qu’incarne Guillaume Canet a un peu du Bill Murray de Lost in translation (comme ce dernier dans son hôtel japonais, il est un peu perdu dans un univers hostile), avec ce mélange de drôlerie, de poésie, d’élégance. Les dialogues (le scénario, particulièrement sensible et subtil, est coécrit par Marie Drucker et Stéphanie Brizé) sont eux aussi toujours à la lisière entre humour et mélancolie, nuancés comme la vie. Et les silences sont aussi porteurs d'émotions (magnifique scène de danse, à nouveau), parabole amoureuse tout en pudeur et délicatesse. Un film dont on ressort apaisé. L’effet de la thalasso ? Non, d’un scénario ciselé, et de deux interprètes entre lesquels l’alchimie fonctionne merveilleusement. De leur couple se dégage un charme irrésistible qui inonde tout le film. Un tendre coup au cœur et de cœur pour ce film, et ces personnages une fois de plus dans un film de Brizé, forts (de leurs fragilités) et inoubliables.