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  • Compte-rendu et palmarès du 10ème FESTIVAL DU CINÉMA ET MUSIQUE DE FILM DE LA BAULE (26 au 30 juin 2024)

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    « On ne meurt pas d’une overdose de rêves. » (Claude Lelouch le 29.06.2024 au Festival du Cinéma et musique de Film de La Baule).

     « À mon sens, la musique renforce, aussi bien dans la joie que dans le drame, les sentiments. » (Jacques Demy)

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    Ces deux citations empruntées à deux cinéastes à l’honneur cette année au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule (le premier avec l’attribution d’un prix pour l’ensemble de sa carrière et un mémorable concert hommage aux musiques de ses films, le second avec la projection d’un documentaire consacré à Michel Legrand et la projection des Parapluies de Cherbourg) pourraient résumer l’essence de ce festival qui est une invitation aux rêves, mais aussi un moment de célébration de ces musiques de films qui « renforcent les sentiments. »

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    Cette 10ème édition du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, a charrié beaucoup d'émotions, aussi parce qu’il était particulièrement émouvant pour moi de dédicacer mon roman qui est une ode à la puissance émotionnelle de la musique (notamment de films), La Symphonie des rêves, dans le cadre du festival et dans les lieux qui servent de cadre à une partie de l’intrigue, comme la salle Atlantia, le Cinéma Le Gulf Stream, ou l'hôtel Barrière L'Hermitage.  Grâce à un heureux hasard, fiction et réalité étaient sans cesse imbriquées, avec à l’honneur cette année la musique de Michel Legrand qui est un fil directeur du roman d’autant plus que j’ai eu le plaisir de le dédicacer après la séance du film Il était une fois Michel Legrand (dont je vous parle plus bas, merci à David Hertzog Dessites de m’avoir laissé quelques minutes au début de son film pour présenter le roman et merci à l’enthousiaste et érudit Stéphane Lerouge pour ses quelques mots avant la projection). Mais aussi un des cinéastes dont les films et les musiques des films n'ont cessé de m’accompagner. Et voilà un hasard et une coïncidence qui ne devraient pas déplaire au cinéaste en question, Claude Lelouch. Je vous en dis aussi davantage sur ce roman et ma passion pour les musiques de films dans cette interview. Parmi les films évoqués dans le roman, figurent aussi des films qui furent projetés à La Baule comme La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit (Ibis d'or du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2016).

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    En dédicace de La Symphonie des rêves au cinéma Le Gulf Stream de La Baule, ici avec le président du jury de l'édition 2024 du festival, le comédien Samuel Le Bihan.

    10 ans déjà ! 10 ans déjà que ce festival a été créé par Sam Bobino et Christophe Barratier. Vous pourrez retrouver ici mes articles sur les 9 précédentes éditions de ce festival pour lequel je vous partage mon enthousiasme depuis la première année.

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    Les projections et l’ensemble des événements proposés ont réalisé cette année plus de 28000 entrées (un record) pendant les 5 jours d’avant-premières (plus d’une trentaine en présence des équipes de films et une soixantaine de projections au total), master classes, rencontres et expositions autour de la musique de film et du cinéma francophone. Une initiation à la musique à l’image à également été organisée pour 900 enfants, des scolaires de 8 à 12 ans, animée par le compositeur Mathieu Lamboley. Une projection a aussi été organisée avec le Secours Populaire de Loire Atlantique afin de permettre à une centaine d’enfants de découvrir le festival (et pour la première fois l’océan pour certains) le temps d’une journée.

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    CONCERT HOMMAGE

    Chaque année, le festival met un compositeur à l'honneur. La 9ème édition avait ainsi portée par les battements trépidants de jazz de Kyle Eastwood. Il y eut aussi : Alexandre Desplat, Michel Legrand, Lalo Schifrin, Vladimir Cosma, Eric Serra, Gabriel Yared…

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    Pour fêter cet anniversaire comme il se doit, les organisateurs ne pouvaient trouver meilleure idée qu'un hommage à Claude Lelouch et aux plus belles musiques de ses films ! En 2014, Claude Lelouch et son compositeur fétiche Francis Lai avaient ainsi été les premiers invités d’honneur du Festival de La Baule. Claude Lelouch avait alors déclaré être « le parrain de cœur du Festival ». Je vous avais longuement parlé ici de cette première édition. Vous pourrez retrouver mon compte-rendu de cette première édition ici.

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     Le prix d’honneur 2024 a donc été attribué à Claude Lelouch pour l’ensemble de sa carrière. C’était donc la deuxième fois qu’il recevait ce prix à La Baule puisqu’il il l’avait déjà reçu en 2014 lors de la première édition du festival. Cette année, il a illuminé le festival de sa présence, entre une passionnante master class et un concert inoubliable.

    « La musique parle à notre irrationnel » a déclaré Claude Lelouch lors de sa  master class. Certainement, en effet, lors du concert des 10 ans du festival, en hommage aux musiques de Francis Lai, n'y avait-il rien de rationnel à se laisser ainsi emporter par l'émotion, alors que j'avais assisté à une autre variation de ce concert saisissant, plus majestueuse, en 2022, au Palais des Congrès, pour les 85 ans du cinéaste (mon récit de ce précèdent spectacle symphonique, ici) mais l'émotion n'en a que faire de la majesté, elle s'insinue dans les interstices du cœur quand la raison baisse la garde et que les souvenirs et les rêves l’envahissent, et que la musique l'aiguise. Et au son de La Symphonie du cirque (musique d'Itinéraire d’un enfant gâté), il m’a semblé voir valser tous mes souvenirs comme dans une scène à la Lelouch. Dix ans de ce festival. Des souvenirs de tristesse abyssale vécus dans une sorte de brouillard.  De rêves qui s'élancent, renaissent, emportent.  De rencontres.  Un festival est comme un tour de manège qui vous laisse un peu étourdis. Et étourdissant ce festival le fut joyeusement chaque année.

    Ce « Concert Hommage aux Musiques des films de Claude Lelouch », sur la scène du Palais des Congrès et des Festivals – Jacques Chirac Atlantia – de La Baule, par l’Orchestre National des Pays de la Loire (ONPL) sous la direction du chef d’orchestre Nicolas Guiraud, l’arrangeur des musiques des films de Claude Lelouch,  fut l’occasion de célébrer non seulement les 60 ans de carrière de Claude Lelouch et plus de 50 films à son actif, mais également de fêter les 10 ans du Festival de La Baule. Ce grand concert symphonique totalement inédit, autour des bandes originales lelouchiennes emblématiques signées Francis Lai et Michel Legrand a enchanté les festivaliers. Il comptait parmi ses solistes Randy Kerber, le grand pianiste, claviériste, compositeur et orchestrateur américain qui a travaillé sur plus de 800 films dont TitanicLincoln, Harry Potter et Forrest Gump (le piano au début et à la fin du film c’est lui) ou encore La La Land (c’est lui qui double au piano Ryan Gosling) et qui a été nommé aux Oscars avec Quincy Jones pour la musique du film La Couleur Pourpre.

    Ce concert a fait tournoyer les souvenirs, la joie, la nostalgie, Dabadabada, Montmartre 1540, la voix de Trintignant, le bonjour d’Anconina, et comme dans un film de Lelouch, le réalisateur à l’honneur, a commencé par dédier ce concert à tous ceux qui ne sont plus « Anouk, Jean-Louis, Jean-Paul… » et a terminé sur scène en filmant le public et les musiciens. Décidément, cette année, la frontière entre fiction et réalité n’a cessé d’être franchie.

    L’émotion était également au rendez-vous lors de la diffusion de l’extrait des cinq premières minutes du film Les plus belles années d’une vie, peu de temps après la disparition d’Anouk Aimée.

    Au fil des ans, ce festival s'est imposé comme un rendez-vous incontournable, d'abord en novembre puis en été, mettant en lumière la musique de films mais aussi des films qui souvent ont ensuite connu un succès auprès de la critique et/ou du public. Cette année n’a pas dérogé à la règle. Rien qu'en 2023, le festival avait ainsi projeté des films tels que les formidables Le Théorème de Marguerite d'Anna Novion, Toni, en famille de Nathan Ambrosioni, Comme par magie de Christophe Barratier, Les Algues vertes de Pierre Jolivet etc. Autant de films que je vous avais vivement recommandés. Retrouvez, ici, mon compte-rendu de l'édition 2023 du festival.

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    Vous trouverez ayssu sur ce blog de très nombreuses critiques de films de Claude Lelouch : L'amour, c'est mieux que la vieUn + Une, mais aussi le récit du spectacle symphonique pour ses 85 ans en 2022, ici, la critique du film Les plus belles années d'une vie et le récit de la conférence de presse à Cannes, ou encore la critique d'Itinéraire d'un enfant gâté qui avait d'ailleurs été projeté dans le cadre du Festival de La Baule 2016, en présence de Richard Anconina.

    MASTER CLASS DE CLAUDE LELOUCH

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    Passionnante (comme toujours !) fut  la master class de Lelouch lors de laquelle fut notamment évoqué le fameux « concerto pour la fin d’un amour », extrait de la BO de Un homme qui me plaît avec cette fin inoubliable (Girardot elle-même ne savait pas si Belmondo sortirait ou non de l’avion, un film que je vous recommande vivement si vous ne l’avez pas encore vu).

    Quelques citations extraites de la master class (avec aussi les interventions de Didier Barbelivien, Valérie Perrin et Francis Huster) :

    -« La musique, c'est le langage du divin. »
    -« Je ne suis pas un metteur en scène, je suis un metteur en vie. Je me donne beaucoup de mal pour faire croire aux histoires que je raconte. »
    - « Je travaille avec un très grand scénariste qui est la vie. »
    - « Francis Lai était mon opposé. Il avait peur de l'avion, de sortir, de la vie. Il était amoureux de mes cascades et moi de sa simplicité et de son humilité. On a fait 35 films ensemble et, à chaque fois, il était mort de trac. Francis Lai était un ange. Avec Francis on parlait au cœur des gens. Legrand parlait plus au rationnel. »
    - « La musique, c'est le premier médicament que je prends quand je ne vais pas bien. »
    - « J'écoute la musique de mon film le matin en allant sur le plateau. »
    -« La musique est un immense directeur d'acteurs. »
    - « Je ne remercierai jamais assez tous les gens qui m'ont dit non, cela m'a permis de rencontrer ceux qui m'ont dit oui. »

    - « Dans les années 1962, 1963, on me propose de faire des scopitones. Je sors de mon premier film, Le propre de l’homme, qui avait été un ratage complet et qui m’avait mis dans une difficulté financière. Encore une fois, le hasard a joué un très grand rôle dans ma vie. Il a toujours eu du talent. Pendant deux ou trois ans, j’ai fait une centaine de scopitones avec toutes les stars de l’époque. En faisant tous ces petits films, je me disais, en faisant mes prochains films je commencerai toujours par la musique. »

    - « Le rationnel nous dit qu’on est mortels, qu’il faut faire la fin du mois. Et puis il y a notre part d’irrationnel, qui est notre inconscient, notre inné, et qui parle le mieux à notre part d’irrationnel, c’est la musique. »

    « Pendant deux heures, Francis Lai m’a fait écouter des thèmes merveilleux. Mais on ne tenait pas encore le thème principal. Il me dit, il y a un thème tellement simple, je n’ose pas te le faire écouter. C’était le thème d’Un homme et une femme. »

    « C’est ce que j’ai essayé de faire toute ma vie. Quand les acteurs cessent de jouer et quand ils redeviennent des êtres humains.  Moi j’ai eu envie de filmer la vie. Je ne suis pas un metteur en scène, je suis un metteur en vie. »

    Barbelivien, à propos de Francis Lai :
    « Je n'ai jamais connu quelqu'un d'aussi humble et modeste. Son problème, ce n'était pas de faire de la musique mais des émotions. »

    COMPETITION 

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    Le jury de cette 10ème édition était présidé par l'acteur, réalisateur, scénariste, producteur Franck Dubosc. Il était accompagné de : Leslie Medina (actrice, réalisatrice), Ludovic Bource (compositeur), Samuel Le Bihan (acteur), Audrey Dana (actrice, réalisatrice, écrivaine).

    Le festival a décerné ses prix lors d’une cérémonie qui s’est déroulée samedi 29 juin dans la grande salle du Palais des congrès et des festivals Jacques-Chirac – Atlantia, comble. Cinq longs métrages, cinq documentaires musicaux (avec pour la première fois la création d’un prix du meilleur documentaire musical) et six courts métrages étaient en compétition. 

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    Cinq longs-métrages figuraient en compétition parmi lesquels Le Fil de Daniel Auteuil (prix du public – groupe Barrière, musique : Gaspar Claus) et Le roman de Jim d'Arnaud Larrieu et Jean-Marie Larrieu (prix du meilleur film, musique de Bertrand Belin et Shane Copin), deux films remarquables primés dont vous pouvez retrouver mes critiques ci-dessous.

     CRITIQUE - LE FIL de Daniel Auteuil

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    Il y a des films comme cela, rares, qui capt(ur)ent votre attention dès la première seconde pour ne plus la lâcher, vous tenant en haleine jusqu’au dernier plan, lequel vous laisse sidérés, ne souhaitant dès lors qu’une chose : le revoir, pour en saisir la moindre nuance, pour décortiquer la moindre pièce du puzzle, pour déceler un indice qui nous aurait échappé. Le fil est de ceux-là. Les films de procès sont pourtant nombreux, et il devient de plus en plus difficile d’innover et de surprendre en la matière. Le film de Daniel Auteuil y parvient pourtant magistralement. Plus qu’un film de procès, Le Fil est la dissection de la quête de la vérité et de l’intime conviction. Il brosse le portrait de deux hommes que tout oppose en apparence, si ce n'est, peut-être, une quête de reconnaissance ou du moins de considération.

    Le titre se réfère au seul élément de preuve qui pourrait aboutir à la condamnation du suspect, un fil de sa veste retrouvé sous l’ongle de la victime, une veste qu’il avait dit ne pas avoir portée le soir du crime.

    Cela commence par des plans de tribunal auxquels succèdent ceux d’un paysage nimbé de lumière qui défile sur une musique entêtante, des notes pressées, impatientes même, qui coulent, ironisent peut-être. Puis, des enfants sur une balançoire. Le père qui les appelle à table. Le confort est spartiate, il ne semble pas faire très chaud dans la maison, mais le père s’occupe d’eux. On frappe à la porte. On lui annonce qu’il est placé en garde à vue pour homicide volontaire sur la personne de son épouse. Le père s’inquiète d’abord pour ses enfants : « Je ne peux pas laisser mes enfants comme ça. » On retrouve ensuite Maître Monier (Daniel Auteuil) avec son épouse, la rudesse qui émane de la scène précédente contraste avec la chaleur et la douceur qui les unissent. Complices, ils parlent d’un tableau venant de leur première année de mariage.

    Depuis qu’il a fait innocenter un meurtrier récidiviste, quinze ans auparavant, Maître Jean Monier ne prend plus de dossiers criminels. Ce soir-là, Maître Annie Debret (Sidse Babett Knudsen), son épouse, est appelée comme avocat commis d’office. Fatiguée, elle l’implore de la remplacer : « Tu vas faire la garde à vue et je récupère l'affaire demain ». Il accepte. Il rencontre alors Nicolas Milik (Grégory Gadebois), père de famille accusé du meurtre de sa femme qui lui raconte que cette dernière avait bu comme cela lui arrivait souvent, qu’ils se sont disputés, qu’elle a voulu le mettre dehors et a essayé de le frapper puis qu’elle est sortie. Touché par cet homme, il décide de le défendre. Convaincu de l’innocence de son client (« Pas de casier, ni un coupable crédible, ni un innocent évident, dit-il d’abord), il est prêt à tout pour lui faire gagner son procès aux assises, retrouvant ainsi le sens de sa vocation.

    La fille de Daniel Auteuil, Nelly Auteuil, qui produit le film avec Hugo Gélin (producteur mais aussi réalisateur des formidables Comme des frèresDemain tout commence, Mon Inconnue etc), a fait découvrir à l’acteur le blog que tenait un avocat aujourd’hui disparu, Jean-Yves Moyart, sous le pseudo de Maître Mô. C’est une des affaires qu’il relatait sur ce blog qui a inspiré le film.

    Le village, le bureau de l’avocat, le bar, les rues (vides souvent) … : le décor dépouillé permet de mettre en avant la force des mots et des silences, la puissance des visages et des gestes. Le spectateur se met alors à la place des jurés confrontés aux doutes face à la force de conviction de l’avocat.

     Nicolas Milik est apparemment un homme simple, qui ne boit pas, s’occupe de ses enfants qui l’aiment visiblement en retour. En apparence, il est une sorte de grand enfant désemparé, maladroit avec le langage et avec ses gestes, que personne ne semble avoir vraiment considéré, regardé ou écouté, à part son ami Roger (remarquable Gaëtan Roussel) qui le houspille pourtant sans vraiment le ménager. Le visage, le corps tout entier, les silences de Grégory Gadebois expriment tout cela avec maestria, ce mélange de rugosité et de tendresse bourrue. Il nous embarque alors dans sa vérité.

    Auteuil est lui aussi, une fois de plus, magistral, dans le rôle de cet avocat fragilisé, nerveux, que l’on sent pétri d’humanité, qui reprend vie et confiance en défendant son client (en pensant même le « sauver »), aveuglé en toute bonne foi, avec l’envie ardente de ceux qui veulent se bercer d’illusions pour tenter d’affronter la réalité et les noirceurs de l’âme humaine : « Je suis certain de son innocence. Rien dans son dossier n'indique le contraire. », « Il était un bon père. Il ne voulait que du bien à ses enfants. Rendez-vous ce père à ses enfants. »

    Autour d’eux, une pléiade d’acteurs aussi remarquables : Alice Belaïdi, convaincante dans le rôle de l’avocate générale persuadée de la culpabilité de l’accusé, Gaëtan Roussel dont on ne voit pas qu’il fait là ses débuts au cinéma tant il est crédible dans ce rôle de patron de bar acerbe et antipathique, et la formidable Sidse Babett Knudsen toujours à fleur d’émotions (dans L’Hermine de Christian Vincent, notamment, elle était irrésistiblement lumineuse).

    Avec ce sixième film en tant que réalisateur (La fille du puisatier,  et la « trilogie marseillaise de Pagnol », César, Marius, Fanny – au passage  beau cinéma populaire d’un romantisme sombre illuminé par la lumière du sud aussi incandescente que les deux acteurs principaux, par l’amour immodéré de Daniel Auteuil pour les mots de Pagnol, pour  ses personnages et ses acteurs, et Amoureux de ma femme), Daniel Auteuil prouve qu’il n’est pas seulement un de nos plus grands acteurs si ce n’est le plus grand – je crois que je vous ai assez dit à quel point le personnage de Stéphane qu’il incarne dans Un cœur en hiver, chef-d'œuvre de Claude Sautet est un des plus riches, fascinants, complexes de l’histoire du cinéma- et pour moi un grand auteur, poète et chanteur, ( si vous en doutez, écoutez ces chansons sublimes que sont Si vous m’aviez connu …-paroles de Daniel Auteuil et musique d’un certain… Gaëtan Roussel-, et toutes les autres de l’album éponyme)  mais aussi un cinéaste digne de ce nom.

    La photographie de Jean-François Hensgens éclaire et sonde au plus près les fragilités et les doutes de chacun, et nous plonge dans l'obscurité de ce tribunal (l'intrigue se déroule pourtant dans une région solaire, la Camargue, le contraste est d'autant plus frappant). La caméra scrute le moindre frémissement, le moindre vacillement.

    La musique est judicieusement à l’unisson des émotions de l’avocat, par exemple elle s’emballe en même temps qu’il retrouve l’énergie et l’envie quand il sort de la gendarmerie nationale et décide de défendre Milik, mais parfois des notes de piano lancinantes viennent instiller le doute. Le violoncelliste Gaspar Claus, pour ce film, a composé trois nouvelles compositions avec son violoncelle dont une variation autour de Bach avec également une pièce de piano de Johann Sebastian Bach Prélude en Do mineur qui rappelle un autre film récent de procès.  

    Je crois que la scène finale restera à jamais gravée dans ma mémoire, cette estocade après la corrida, le coup mortel (une allégorie qui parcourt le film), quand l’avocat revient voir son client en prison, que ce dernier le salue comme un bon copain, que son visage se reflète dans la vitre qui les sépare, symbole de cette terrible dualité que des mots effroyables vont transcrire, d’autant plus effroyables qu’ils sont prononcés avec une indécente innocence (et alors, on se souvient, abasourdis, que tout cela est inspiré d’une histoire vraie). Une fin aussi magistrale, sidérante, aiguisée, que glaçante et bouleversante qui révèle les méandres insoupçonnés et terrifiants de l’âme humaine et qui nous laisse comme celle de Garde à vue de Claude Miller : assommés. Un film captivant porté par une réalisation maligne et des comédiens au sommet de leur art.

    CRITIQUE - LE ROMAN DE JIM de Arnaud et Jean-Marie Larrieu

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    Le roman de Jim est l’adaptation du livre éponyme Pierric Bailly sorti en mars 2021. Par le truchement de sa maison d’éditions, P.O.L, l’auteur a fait parvenir son roman aux frères Larrieu dont il admire le cinéma.

    Aymeric (Karim Leklou) retrouve Florence (Laetitia Dosch), une ancienne collègue de travail, au hasard d’une soirée à Saint-Claude dans le Haut-Jura. Elle est enceinte de six mois et célibataire. Aymeric sort de prison. Quand Jim nait, Aymeric est là. Ils passent de belles années ensemble, jusqu'au jour où Christophe (Bertrand Belin), le père naturel de Jim (Eol Personne à 7 et 10 ans puis Andranic Manet à 23 ans), débarque... Ça pourrait être le début d’un mélo, c’est aussi le début d’une odyssée de la paternité.

    Dès le début se dégage du personnage du personnage d’Aymeric incarné par Karim Leklou beaucoup d’humanité et de gentillesse (« T’es gentil », lui dit ainsi Florence. « On me dit souvent que je suis gentil », répond-il), mais aussi d’empathie, celle, aussi, avec laquelle les Larrieu regardent chacun des personnages de ce film qui, tous, exhalent une vraie présence. Aymeric sort de prison pour un larcin dans lequel il s’est laissé embarquer, il a payé pour les autres, sans les dénoncer. Pour tout, d’ailleurs, Aymeric semble se laisser embarquer. Il regarde le monde à travers son appareil photo, toujours avec une profonde gentillesse, avançant avec discrétion.

    Joie et tristesse, douceur et cruauté des sentiments, tout cela se mêle habilement, sans esbroufe.  Karim Leklou interprète son personnage, si touchant, doux et vélléitaire, avec une infinie délicatesse et une grande générosité. Ce mélo décrit les nouvelles formes de paternité avec beaucoup de subtilité et de pudeur. Elles s’incarnent dans le personnage d’Aymeric, avec sa tendresse tranquille et communicative qui nous bouleverse subrepticement. Le roman de Jim, c’est aussi son histoire à lui, Aymeric, celle de sa renaissance.

    Laetitia Dosh ne démérite pas face à lui, libre, déjantée, un peu perdue, aimant mal. Sara Giraudeau, elle aussi est une femme libre et un peu perdue, professeure qui passe ses week-ends à danser et qui ne veut pas d’enfant, personnage salutairement iconoclaste et bienveillant qui saura regarder Aymeric et lui apporter sa vision solaire et généreuse de la vie.

    L’auteur compositeur et interprète Bertrand Belin joue le rôle de Christophe (il avait déjà joué dans le dernier long-métrage des Larrieu, Tralala, en 2021), auquel il apporte une présence évanescente et mélancolique qui sied parfaitement à ce personnage de père biologique. Il signe également la musique en collaboration avec Shane Copin.

    Les émotions contenues sont traduites par les délicates notes de piano auxquelles s’ajoutent de nombreux instruments pour signifier la joie et la respiration qu’inspirent les paysages du Jura. Shane Copin signe la musique électronique de Jim, aux Nuits Sonores, le festival de musique électro de Lyon, à la fin du film. La ballade de Jim d’Alain Souchon vient à point nommé là aussi pour instiller une note supplémentaire d’émotion et de tendresse. 

    Moins débridé que leurs autres films, parsemé d’une émotion contenue, avec Le roman de Jim, les Larrieu se sont surtout centrés sur leurs personnages, attachants, cabossés, incarnés par de remarquables comédiens.

    On ressort du Roman de Jim avec un sentiment de joie et de sérénité, gaiement bouleversés. On se souvient alors de la phrase de Florence au début du film : « C’est assez rare l’amour en fait ». Le roman de Jim est avant tout cela, un roman d’amour(s). Rare.

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    Cette année, le festival a également eu la bonne idée de proposer 4 documentaires musicaux en compétition. C’est le formidable Il était une fois Michel Legrand de David Hertzog Dessites qui a été primé du prix du meilleur documentaire musical. Vous pouvez retrouver ma critique ci-dessous.

    CRITIQUE - IL ETAIT UNE FOIS MICHEL LEGRAND de David Hertzog Dessites

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    Lola de Jacques Demy. Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda. Eva de Joseph Losey. Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. Bande à part de Jean-Luc Godard. La vie de château de Jean-Paul Rappeneau. Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy. L’Affaire Thomas Crown de Norman Jewison. La Piscine de Jacques Deray. Peau d’Âne de Jacques Demy. Un été 42 de Robert Mulligan. Le Sauvage de Jean-Paul Rappeneau. Les Uns et les Autres de Claude Lelouch. Yentl de Barbra Streisand. Prêt-à-porter de Robert Altman.

    Sans doute associez-vous sans peine tous ces films, chefs-d’œuvre pour la plupart, au compositeur de leurs bandes originales, Michel Legrand. Mais sans doute ignorez-vous comment il a débuté sa carrière, les multiples rôles qu’il a endossés mais aussi qu’il a composé plus de 200 musiques de films, ou encore la dualité de l’homme derrière le compositeur doté d’un immense talent. Ce documentaire, passionnant, et même palpitant, explore tout cela.

    Michel Legrand entre ainsi au Conservatoire de Paris à l’âge de 10 ans et s’impose très vite comme un surdoué. 3 Oscars et 75 ans plus tard, il se produit pour la première fois à la Philharmonie de Paris devant un public conquis. De la chanson au cinéma, ce véritable virtuose n’a jamais cessé de repousser les frontières de son art, collaborant avec des légendes comme Miles Davis, Jacques Demy, Charles Aznavour, Barbra Streisand ou encore Natalie Dessay. Son énergie infinie en fait l’un des compositeurs les plus acclamés du siècle, dont les mélodies flamboyantes continuent de nous enchanter.

    14.11.2015 / 18.05.2017 / 28.06.024 / 12.11.2024. Que signifie cette suite de dates vous demandez-vous sans doute. La première correspond au jour où Michel Legrand a reçu le Prix d’honneur du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule et, surtout, au jour de son inoubliable concert dans le cadre de ce même festival. C’était au lendemain des attentats du 13 novembre par lesquels Michel Legrand était évidemment bouleversé. Les spectateurs étaient donc doublement émus, par l’indicible tragédie de la veille survenue pendant un concert dans cette même salle et par l’émotion de Michel Legrand qui débuta son concert par quelques notes de La Marseillaise. Aujourd’hui encore, a fortiori en cette veille de 13 novembre, l’émotion m’étreint quand je repense à ce moment. Le 18 mai 2017, lors du festival, sur le toit du Palais des Festivals de Cannes, j’assistais, comme une enfant émerveillée, à un concert privé de Michel Legrand qui interpréta notamment la musique des Parapluies de Cherbourg sur différents tempos. Magique. Le 28 juin 2024, au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule, Stéphane Lerouge  (spécialiste de la musique au cinéma qui a écrit avec Michel Legrand sa première autobiographie, Rien n'est grave dans les aigus) avait la gentillesse d’annoncer et présenter ma séance de dédicaces de La Symphonie des rêves (roman dans lequel Michel Legrand est un fil conducteur) dans la salle de cinéma, avant la projection du documentaire Il était une fois Michel Legrand de David Hertzog Dessites (que je remercie à nouveau pour ces quelques minutes volées à la présentation de son film). Ce jour de novembre sur lequel régnait une brume judicieusement onirique, j’ai donc (enfin) découvert ce remarquable documentaire qui nous conte Michel Legrand, une projection après laquelle j’apprends que le réalisateur a rencontré pour la première fois Michel Legrand lors de ce fameux concert cannois du 18 mai 2017.

    Cette suite de dates comme autant de souvenirs marquants et signes du destin pour vous faire comprendre à quel point ce documentaire était destiné à m’émouvoir. Mais il fallait aussi pour cela qu’il fût remarquable, et il l’est. C’est en allant voir L’Affaire Thomas Crown, en 1968, que se sont rencontrés les parents du réalisateur. En sortant du cinéma, ils ont acheté le 45 tours de la chanson du film, The Windmills of your Mind. Encore une histoire de destin et de dates. Ce film est passionnant parce que, en plus de montrer, à qui en douterait encore, à quel point la musique est un rouage essentiel d’un film, mais aussi un art à part entière, il évoque la complexité de l’âme de l’artiste, artiste exigeant à l’âme d’enfant, et c’est ce qui rend ce film unique et passionnant.

    Ce n’est en effet pas une hagiographie mais un documentaire sincère qui n’édulcore rien, mais montre l’artiste dans toute l’étendue de son talent, et de ses exigences, témoignages de son perfectionnisme mais sans doute plus encore masques de ses doutes. Il témoigne évidemment aussi magnifiquement de la richesse stupéfiante de l’œuvre de celui qui entre au Conservatoire de Paris à 10 ans et qui ensuite n’a cessé de jouer, jusqu’à son dernier souffle. Du souffle. C’est sans doute ce qui caractérise sa musique et ce documentaire. Un souffle constamment surprenant. Un souffle de liberté. Le souffle de la vie. Le souffle de l’âme d’enfant qui ne l’a jamais quitté. Ce film est aussi un hymne à la musique qui porte et emporte, celle pour laquelle Michel Legrand avait tant d’« appétit ».

     Il vous enchantera en vous permettant de réentendre ses musiques les plus connues, des films de Demy, de L’Affaire Thomas Crown, de Yentl, mais aussi de découvrir des aspects moins connus comme ses collaborations dans la chanson française, jusqu’à ce ciné Concert de la Philharmonie de Paris en décembre 2018. Son dernier. Un vrai moment de cinéma monté comme tel. Truffaut disait bien que la réalité a plus d’imagination que la fiction, cette séquence palpitante en est la parfaite illustration. Un moment où il est encore question de souffle, le nôtre, suspendu à ce moment qu’il a magistralement surmonté, bien qu’exsangue. Encore une histoire de souffle.  Son dernier. Presque. Il décèdera moins de deux mois après ce concert.

    En plus d’être le résultat d’un travail colossal (constitué d’images de films, d’archives nationales et privées, d’une multitude de passionnants témoignages et séquences tournées lors des deux dernières années de vie du maestro), c’est aussi le testament  poignant d’un artiste légendaire, aux talents multiples : pianiste, interprète, chanteur, producteur, arrangeur, chef d'orchestre, et compositeur de plus de 200 musiques de films (dont de multiples chefs-d’œuvre à l’image de toutes les musiques des films de Demy) jusqu’à celle du film inachevé d’Orson Welles, De L’Autre Côté Du Vent.

    De son passage au conservatoire de Paris sous l’occupation alors qu’il avait 11 ans, jusqu’à son dernier concert à la Philarmonie de Paris, le réalisateur nous conte avec passion Michel Legrand, un homme double et complexe comme sa musique. Il a fallu plusieurs années de travail et deux ans de tournage à David Hertzog Dessites pour financer ce projet mais aussi pour en trouver les producteurs et ausculter les milliers d’archives avant un montage de trois mois afin qu’il puisse être présenté au Festival de Cannes.

    « La musique est la langue des émotions » selon Kant. Celle qui va droit au cœur et à l’âme, ce documentaire en témoigne parfaitement. L’émotion vous emportera, vous aussi, à l'issue de ce documentaire enfiévré de musique, je vous le garantis. Vous l’aurez compris, je vous le recommande vivement, comme je l’avais fait pour Ennio de Giuseppe Tornatore, autre film de référence sur un compositeur de légende. 

     

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    Comme chaque année, la compétition des courts métrages constituait aussi un des temps forts du festival. C'est Allez ma fille de Chloé Jouannet qui a remporté ce prix.

    Le festival fut également l'occasion de découvrir 5 longs-métrages hors compétition parmi lesquels Prodigieuses de Frédéric Potier et Valentin Potier, en ouverture, mais aussi D'un film à l'autre, le documentaire de et sur la carrière de Claude Lelouch.

    Prodigieuses, c’est l’histoire de Claire et Jeanne, jumelles pianistes virtuoses, admises dans une prestigieuse université de musique dirigée par l’intraitable professeur Klaus Lenhardt. Elles portent ainsi l’ambition de leur père qui a tout sacrifié pour faire d'elles les meilleures. Mais, une maladie orpheline, fragilise peu à peu leurs mains, et compromet brusquement leur ascension. Refusant de renoncer à leur rêve, elles vont devoir se battre et se réinventer pour devenir, plus que jamais, prodigieuses. D’après une histoire vraie. Ce premier film de Frédéric et Valentin Potier dont la musique originale a été composée par Dan Levy met en scène Camille Razat et Mélanie Robert, deux comédiennes incandescentes et formidables en jumelles pianistes. Une poignante histoire féministe de résilience et de sororité qui a bouleversé les festivaliers.

    CRITIQUE - D'un film à l'autre de Claude Lelouch

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    Lelouch. Prononcez ce nom et vous verrez immédiatement l’assistance se diviser en deux. D'un côté, les adorateurs qui aiment : ses fragments de vérité, ses histoires d’amour éblouissantes, sa vision romanesque de l’existence, sa sincérité, son amour inconditionnel du cinéma, ses aphorismes récurrents, une musique et des sentiments grandiloquents, la beauté parfois cruelle des hasards et coïncidences. De l'autre, les détracteurs qui lui reprochent son sentimentalisme et tout ce que les premiers apprécient, et sans doute de vouloir raconter une histoire avant tout, que la forme soit au service du fond et non l’inverse. Je fais partie de la première catégorie et tant pis si pour cela je dois subir la condescendance des seconds. Le cinéma est pour moi avant tout affaire de passion, de sincérité, d’audace et quoiqu’en disent ses détracteurs, le cinéma de Claude Lelouch se caractérise par ces trois éléments comme le démontre magnifiquement de documentaire « D’un film à l’autre » réalisé à l’occasion des 50 ans des films 13.  Un documentaire qui résume un demi-siècle de cinéma du Propre de l’homme à Ces amours-là.

    Ayant pourtant lu l’autobiographie de Claude Lelouch (Itinéraire d’un enfant très gâté, Robert Laffont) que je vous recommande et ayant vu un grand nombre de ses films, j’ai néanmoins appris pas mal d’anecdotes et en ai réentendu d’autres comme l’histoire de la rencontre de ses parents auquel fera formidablement écho la remise de son Oscar des années plus tard (je vous laisse la découvrir si vous ne connaissez pas l’anecdote). Magnifique hasard à l’image de ceux qu’il met en scène.

    Un parcours fait de réussites flamboyantes et d’échecs retentissants. « C’est plus difficile aujourd’hui de sortir d’un échec, aujourd’hui la terre entière est au courant. A l’époque, cela restait confidentiel. Derrière un échec on peut rebondir autant qu’on veut si on ne demande rien aux autres. Etant donné que j’ai toujours été un spécialiste du système D, j’ai toujours trouvé le moyen de tourner des films » a-t-il précisé lors du débat qui avait suivi la projection lors de laquelle j'avais vu ce documentaire.

     La plus flamboyante de ses réussites fut bien sûr Un homme et une femme, palme d’or à Cannes en 1966, Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario parmi 42 récompenses … à 29 ans seulement ! Film que Claude Lelouch a, comme souvent réalisé, après un échec. Ainsi le 13 septembre 1965, désespéré, il roule alors vers Deauville où il arrive la nuit, épuisé. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture,  elle  marche sur la plage avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera Un homme et une femme, la rencontre de deux solitudes blessées qui prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.

    Une histoire que vous redécouvrirez parmi tant d’autres comme les derniers instants de Patrick Dewaere,  et une multitude d’autres hasards et coïncidences et d’histoires sur les uns et les autres que Lelouch nous raconte en voix off, avec passion et sincérité, comme un film, celui de son existence, une existence à 100 à l’heure, à foncer et ne rien regretter à l’image de son court-métrage C'était un rendez-vous qui ouvre le documentaire. L’histoire d’une vie et une histoire, voire une leçon, de cinéma. Claude Lelouch souligne notamment l’importance de la musique tellement importante dans ses films : « L’image, c’est le faire-valoir de la musique ». « Chaque nouvelle invention modifie l’écriture cinématographique. Mes gros plans c’est ma dictature, et les plans larges c’est ma démocratie, et pas de plan moyen. » a-t-il précisé lors du débat. « Le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui va très vite et on n’a plus le temps de lire le mode d’emploi alors que de mon temps on avait le temps de lire le  mode d’emploi mais il y a quelque chose qui n’a pas fait de progrès c’est l’amour.  La montée et la descente d’une histoire d’amour  m’ont toujours fasciné. »

    Claude Lelouch est né avec la Nouvelle Vague qui ne l’a jamais reconnu sans doute parce que lui-même n’avait « pas supporté que les auteurs de la Nouvelle Vague aient massacré Clouzot,  Morgan, Decoin, Gabin », tous ceux qui lui ont fait aimer le cinéma alors qu’il trouvait le cinéma de la Nouvelle Vague « ennuyeux ».

     Quel bonheur de revoir Jean-Paul Belmondo, Jacques Villeret, Yves Montand, Annie Girardot,  Jean Louis Trintignant, Anouk Aimée, Fabrice Luchini Evelyne Bouix, Catherine Deneuve, Lino Ventura, Fanny Ardant,  Francis Huster, Alessandra Martines, tantôt irrésistibles ou bouleversants, parfois les deux, magnifiés par la caméra de Claude Lelouch qui sait si bien, par sa manière si particulière de tourner et surtout de diriger les acteurs, capter ces fameux fragments de vérités. « Les parfums de vérité plaisent au public français. Donner la chair de poule, c’est l’aristocratie de ce métier. » Comment ne pas être ému en revoyant Annie Girardot dans Les Misérables ( film qui lui vaudra ce César de la meilleure actrice dans un second rôle, en 1996, et sa déclaration d’amour éperdue au cinéma ), Jean-Paul Belmondo et Richard Anconina dans Itinéraire d’une enfant gâté (d'ailleurs projeté à La Baule, il y a quelques années) ? Des extraits comme autant de courts-métrages qui nous laissent un goût d’inachevé et nous donnent envie de revoir les films de Lelouch.

    « Il n’y a pas de vraies rencontres sans miracles » d’après Claude Lelouch et chacun de ces miracles en a donné un autre, celui du cinéma.  «L’idée était de raconter l’histoire des films 13 et comment je suis allée d’un miracle à l’autre car un film est toujours un miracle. »

    Alors tant pis si une certaine critique continue de le mépriser (il y est habitué lui dont un critique clairvoyant disait à ses débuts  "Claude Lelouch... Souvenez-vous bien de ce nom. Vous n'en entendrez plus jamais parler.")  voire les professionnels de la profession ( car  comme il le dit lui-même :  « Un seul critique qui compte sur moi, c’est le temps qui passe ».

     Alors si comme moi, vous aimez le cinéma de Claude Lelouch et les fragments de vérité, si vous croyez aux  hasards et coïncidences, fussent-ils improbables, ne manquez pas ce documentaire qui est aussi la leçon d’une vie d’un homme  qui a su tirer les enseignements de ses succès et surtout de ses échecs et d’un cinéaste qui a sublimé l’existence et les acteurs, ce dont témoigne chaque seconde de ce documentaire passionnant, l'itinéraire d'un enfant gâté, passionné fou de cinéma.

     

    A également projeté le film de Michel Hazanavicius, La plus précieuse des marchandises, qui figurait en compétition du 77ème Festival de Cannes, par ailleurs lauréat du Prix de la Semaine du Cinéma Positif.

    CRITIQUE - LA PLUS PRECIEUSE DES MARCHANDISES de Michel Hazanavicius

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    Le film de Michel Hazanavicius, La Plus Précieuse Des Marchandises figurait parmi les films en compétition de ce Festival de Cannes 2024.

    L’an passé, avec son chef-d’œuvre La Zone d’intérêt, également présenté en compétition à Cannes mais aussi en avant-première dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023, Jonathan Glazer prouvait d’une nouvelle manière, singulière, puissante, audacieuse et digne, qu’il est possible d’évoquer l’horreur sans la représenter frontalement, par des plans fixes, en nous en montrant le contrechamp, reflet terrifiant de la banalité du mal, non moins insoutenable, dont il signait ainsi une démonstration implacable, réunissant dans chaque plan deux mondes qui coexistent, l'un étant une insulte permanente à l’autre.

    Avant lui, bien d’autres cinéastes avaient évoqué la Shoah : Claude Lanzmann (dont le documentaire, Shoah, reste l’incontournable témoignage sur le sujet, avec également le court-métrage d’Alain Resnais, Nuit et brouillard) qui écrivit ainsi : « L’Holocauste est d’abord unique en ceci qu’il édifie autour de lui, en un cercle de flammes, la limite à ne pas franchir parce qu’un certain absolu de l’horreur est intransmissible : prétendre pourtant le faire, c’est se rendre coupable de la transgression la plus grave. »

    Autre approche que celle de La Liste de Schindler de Spielberg ( qui va à l'encontre même de la vision de Lanzmann) dont le scénario sans concessions au pathos de Steven Zaillian, la photographie entre expressionnisme et néoréalisme de Janusz Kaminski (splendides plans de Schindler partiellement dans la pénombre qui reflètent les paradoxes du personnage), l’interprétation de Liam Neeson, passionnant personnage, paradoxal, ambigu et humain à souhait, et face à lui, la folie de celui de Ralph Fiennes, la virtuosité et la précision de la mise en scène (qui ne cherche néanmoins jamais à éblouir mais dont la sobriété et la simplicité suffisent à retranscrire l’horrible réalité), la musique poignante de John Williams par laquelle il est absolument impossible de ne pas être ravagé d'émotions à chaque écoute (musique solennelle et austère qui sied au sujet avec ce violon qui larmoie, voix de ceux à qui on l’a ôtée, par le talent du violoniste israélien Itzhak Perlman, qui devient alors, aussi, le messager de l’espoir), et le message d’espérance malgré toute l’horreur en font un film bouleversant et magistral. Et cette petite fille en rouge que nous n'oublierons jamais, perdue, tentant d’échapper au massacre (vainement) et qui fait prendre conscience à Schindler de l’individualité de ces Juifs qui n’étaient alors pour lui qu’une main d’œuvre bon marché.

    En 2015, avec Le Fils de Saul, László Nemes nous immergeait dans le quotidien d'un membre des Sonderkommandos, en octobre 1944, à Auschwitz-Birkenau.

    Avec le plus controversé La vie est belle, Benigni avait lui opté pour le conte philosophique, la fable pour démontrer toute la tragique et monstrueuse absurdité à travers les yeux de l’enfance, de l’innocence, ceux de Giosué. Benigni ne cède pour autant à aucune facilité, son scénario et ses dialogues sont ciselés pour que chaque scène « comique » soit le masque et le révélateur de la tragédie qui se « joue ». Bien entendu, Benigni ne rit pas, et à aucun moment, de la Shoah mais utilise le rire, la seule arme qui lui reste, pour relater l’incroyable et terrible réalité et rendre l’inacceptable acceptable aux yeux de son enfant. Benigni cite ainsi Primo Levi dans Si c’est un homme qui décrit l’appel du matin dans le camp. « Tous les détenus sont nus, immobiles, et Levi regarde autour de lui en se disant : «  Et si ce n’était qu’une blague, tout ça ne peut pas être vrai… ». C’est la question que se sont posés tous les survivants : comment cela a-t-il pu arriver ? ». Tout cela est tellement inconcevable, irréel, que la seule solution est de recourir à un rire libérateur qui en souligne l'absurdité. Le seul moyen de rester fidèle à la réalité, de toute façon intraduisible dans toute son indicible horreur, était donc, pour Benigni, de la styliser et non de recourir au réalisme. Quand il rentre au baraquement, épuisé, après une journée de travail, il dit à Giosué que c’était « à mourir de rire ». Giosué répète les horreurs qu’il entend à son père comme « ils vont faire de nous des boutons et du savon », des horreurs que seul un enfant pourrait croire mais qui ne peuvent que rendre un adulte incrédule devant tant d’imagination dans la barbarie (« Boutons, savons : tu gobes n’importe quoi ») et n’y trouver pour seule explication que la folie (« Ils sont fous »). Benigni recourt à plusieurs reprises intelligemment à l’ellipse comme lors du dénouement avec ce tir de mitraillette hors champ, brusque, violent, où la mort terrible d’un homme se résume à une besogne effectuée à la va-vite. Les paroles suivantes le « C’était vrai alors » lorsque Giosué voit apparaître le char résonne alors comme une ironie tragique. Et saisissante.

    C’est aussi le genre du conte qu’a choisi Michel Hazanavicius, pour son premier film d’animation, qui évoque également cette période de l’Histoire, une adaptation du livre La Plus Précieuse Des Marchandises de Jean-Claude Grumberg. Le producteur Patrick Sobelman lui avait ainsi proposé d’adapter le roman avant même sa publication.

     Le réalisateur a ainsi dessiné lui-même les images, particulièrement marquantes (chacune pourrait être un tableau tant les dessins sont magnifiques), il dit ainsi s’être nourri du travail de l’illustrateur Henri Rivière, l’une des figures majeures du japonisme en France. En résulte en effet un dessin particulièrement poétique, aux allures de gravures ou d’estampes.

    Ainsi est résumé ce conte :  Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron (voix de Grégory Gadebois) et une pauvre bûcheronne (voix de Dominique Blanc). Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégée quoi qu’il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari, et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu’à l’homme qui l’a jeté du train.

     Avant même l’horreur que le film raconte, ce qui marque d’abord, ce sont les voix, celle si singulière et veloutée de Jean-Louis Trintignant d’abord (ce fut la dernière apparition vocale de l’acteur décédé en juin 2022) qui résonne comme une douce mélopée murmurée à nos oreilles pour nous conter cette histoire dont il est le narrateur. Dans le rôle du « pauvre bûcheron », Grégory Gadebois, une fois de plus, est d’une justesse de ton remarquable, si bien que même longtemps après la projection son « Même les sans cœurs ont un cœur » (ainsi appellent-ils d’abord les Juifs, les « sans cœurs » avant de tomber fou d’amour pour ce bébé et de réaliser la folie et la bêtise de ce qu’il pensait jusqu’alors et avant d’en devenir le plus fervent défenseur, au péril de sa vie) résonne là aussi encore comme une litanie envoûtante et bouleversante.

    Le but était ainsi que le film soit familial et n’effraie pas les enfants. Les images des camps sont donc inanimées, accompagnées de neige et de fumée, elles n’en sont pas moins parlantes, et malgré l’image figée elles s’insinuent en nous comme un cri d’effroi. Le but du réalisateur n’était néanmoins pas de se focaliser sur la mort et la guerre mais de rendre hommage aux Justes, de réaliser un film sur la vie, de montrer que la lumière pouvait vaincre l’obscurité. Un message qu’il fait plus que jamais du bien d’entendre.

     Le film est accompagné par les notes d’Alexandre Desplat qui alternent entre deux atmosphères du conte : funèbre et féérique (tout comme dans le dessin et l’histoire, la lumière perce ainsi l’obscurité). S’y ajoutent deux chansons : La Berceuse (Schlof Zhe, Bidele), chant traditionnel yiddish, et Chiribim Chiribom, air traditionnel, interprétées par The Barry Sisters.

    Michel Hazanavicius signe ainsi une histoire d’une grande humanité, universelle, réalisée avec délicatesse, pudeur et élégance sans pour autant masquer les horreurs de la Shoah. Les dessins d’une grande qualité, les sublimes voix qui narrent et jouent l’histoire, la richesse du texte, la musique qui l’accompagne en font un film absolument captivant, d’une grande douceur malgré l’âpreté du sujet et de certaines scènes. Un conte qui raconte une réalité historique. Une ode au courage, elle-même audacieuse. On n’en attendait pas moins de la part de celui qui avait osé réaliser des OSS désopilants, mais aussi The Artist, un film muet (ou quasiment puisqu’il y a quelques bruitages), en noir et blanc tourné à Hollywood, un film qui concentre magistralement la beauté simple et magique, poignante et foudroyante, du cinéma, comme la découverte de ce plaisir immense et intense que connaissent les amoureux du cinéma lorsqu’ils voient un film pour la première fois, et découvrent son pouvoir d’une magie ineffable. Chacun de ses films prouve l’immense étendue du talent de Michel Hazanavicius qui excelle et nous conquiert avec chaque genre cinématographique, aussi différents soient-ils avec, toujours, pour point commun, l’audace.

    Des années après Benigni, Hazanavicius a osé à son tour réaliser un conte sur la Shoah, qui est avant tout une ode à la vie, un magnifique hommage aux Justes, sobre et poignant, qui use intelligemment du hors champ pour nous raconter le meilleur et le pire des hommes, la générosité, le courage et la bonté sans limites (représentées aussi par cette Gueule cassée de la première guerre mondiale incarnée par la voix de Denis Podalydès)  et la haine, la bêtise et la cruauté sans bornes, et qui nous laisse après la projection, bouleversés, avec, en tête, les voix de Grégory Gadebois et Jean-Louis Trintignant, mais aussi cette lumière victorieuse, le courage des Justes auquel ce film rend magnifiquement hommage et cette phrase, à l’image du film, d’une force poignante et d’une beauté renversante  :  « Voilà la seule chose qui mérite d’exister : l’amour. Le reste est silence ».

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    A également été projeté en avant-première le film Seul de Pierre Isoard (avec le président du jury Samuel Le Bihan).

    Trois "coups de projecteur" ont également été projetés hors compétition.

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    La projection du poignant Le cœur qui bat de Vincent Delerm donna ainsi lieu à une master class de ce dernier qui a partagé avec le public sa passion de la musique de films, notamment de Delerue.

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    Entre fiction et documentaire, Le cœur qui bat est long-métrage intense et poétique. Un film tourné en 50 mm singulier et universel sur le sentiment amoureux qui suspend plusieurs fois le vol du temps, notamment le temps d’une chanson de Suzanne Lindon. Vincent Delerm opère seul et empoigne sa caméra pour s’en aller sonder des femmes et des hommes, anonymes, artistes, connaissances ou amis, au printemps ou à l’hiver de leurs vies, tous dissemblables mais tous à l’unisson lorsqu’il s’agit d’évoquer avec délicatesse, émotion ou humour leurs rapports aux vertiges de l’amour.

    Les amateurs de frissons et sueurs froides n’étaient pas en reste avec la séance de minuit consacrée à Nous les zombies de RKSS.

    Le festival, comme chaque année, a également proposé deux films classiques, Les Misérables de Claude Lelouch et Les Parapluies de Cherbourg de Jacques Demy. 

    Enfin, le jeune (et moins jeune) public a pu se régaler avec Petit Panda en Afrique.

    LE PALMARÈS COMPLET DE LA 10ème ÉDITION DU FESTIVAL DE LA BAULE

    Prix du meilleur film : Le Roman de Jim d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu. Musique de Bertrand Belin et Shane Copin. (Production : SBS Productions. Distribution : Pyramide Distribution)

    Prix de la meilleure musique de film : Dan Levy pour la musique du film Pendant ce temps sur Terre réalisé par Jérémy Clapin (Production : One World Films. Distribution : Diaphana Distribution)

    Prix de la meilleure interprétation : Jean-Pascal Zadi et Raphaël Quenard pour leur rôle dans le film Pourquoi tu souris ? réalisé par Christine Paillard et Chad Chenouga (Production : TS Productions. Distribution : Ad Vitam)

    Prix du meilleur court métrage : Allez ma fille réalisé par Chloé Jouannet. (Production : Nolita)                                      

    Prix du public – groupe Barrière : Le Fil réalisé par Daniel Auteuil. Musique : Gaspar Claus (Production : Zazi Films. Distribution : Zinc)

    Prix du meilleur documentaire musical : Il était une fois Michel Legrand de David Hertzog Dessites (Production : Martine et Thierry de Clermont Tonnerre, David Hertzog Dessites. Distribution : Dulac Distribution)

    Prix de la meilleure musique de l’année : Gabriel Yared pour la musique du film L’Amour et les Forêts de Valérie Donzelli.

    Prix Révélation jeune talent compositeur : Sam Tranchet.

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    La 11ème édition du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule aura lieu du 25 au 29 juin 2025.

     Remerciements

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    Je remercie tout particulièrement l’équipe du Relais & Châteaux Barrière Le Castel Marie-Louise et son directeur Thomas Chalet pour leur accueil si chaleureux dans cette maison qui possède une (belle) âme, mais aussi les équipes de l’hôtel Barrière L'Hermitage pour  ces photos sur les lieux de l'intrigue de mon roman. Merci aussi à Lilia Millier. Je remercie également tout particulièrement la Maison de la Presse de La Baule et le Cinéma Le Gulf Stream pour leur soutien, pour la première séance de dédicaces dans le cadre du festival au Gulf Stream mais aussi pour la deuxième improvisée le lendemain à la Maison de la Presse de la Ville de La Baule-Escoublac. Et je remercie les lecteurs nombreux et curieux…

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     Merci également à Michel Oriot pour l'article dans Ouest-France. Et à Mathilde Huaulme pour la communication autour de la séance de dédicaces. Merci également à Sam Bobino pour avoir permis cette mise en abyme avec la séance de dédicaces.

  • Spectacle symphonique "Claude Lelouch, d'un film à l'autre" : l'inoubliable hymne à la vie de Claude Lelouch pour ses 85 ans !

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    Éperdument vivants. Ainsi sont presque toujours les personnages dans les films de Claude Lelouch. Ainsi nous donnent-ils encore plus envie d’être. Dans Un homme et une femme, Jean-Louis Duroc (Trintignant) demande à Anne Gauthier (Anouk Aimée), citant Giacometti « Qu'est-ce que vous choisiriez : l'art ou la vie ? ». Lelouch n'a certainement pas choisi, ayant réussi a insufflé de l'art dans la vie de ses personnages et de la vie dans son art. Son cinéma, c'est de l'art qui transpire la vie. Et, hier soir, chaque seconde transpirait la vie.
     
    C’est par son fameux court-métrage, sa trépidante traversée de Paris de huit minutes, C’était un rendez-vous, qu’a débuté cette soirée unique. Hier soir, au Palais des Congrès, c’était effectivement un sacré rendez-vous. Un rendez-vous avec mes premiers émois de cinéma. Un rendez-vous avec certains des films qui me l’ont fait aimer, comme on devrait toujours aimer : la vie, les êtres chers, le septième art. Passionnément. Inconditionnellement. Par ce concert exceptionnel au Palais des Congrès, avec les 80 musiciens de l’orchestre philarmonique de Prague, Claude Lelouch a célébré ses 85 ans....enfin pardon ses...8+5=13 ans ! Une soirée qui, comme chacun de ses films, aspirait à nous faire « aimer un peu plus la vie » qui est « le plus grand cinéaste du monde », cette vie qu'il fait tournoyer sous sa caméra, et qu’il rend ainsi si vibrante et intense. Dans chacun de ses films, la vie est un jeu. Dénué de tiédeur. Sublime et dangereux. Grave et léger. Un jeu de hasards et coïncidences. Le cinéma, son cinéma, l’est aussi.
     
    « C’est l’irrationnel qui invente notre vie. La musique est ce qui parle le mieux à notre irrationnel » a coutume de dire Claude Lelouch. Alors, hier soir, l’irrationnel a déployé toute sa puissance pour nous embarquer dans un tourbillon d’émotions transcendé par la musique (surtout) de Francis Lai.
     
    Cette soirée aurait pu être une scène d’un film de Lelouch, là où la frontière entre le cinéma et la réalité est si ténue. L’ouvreuse vend le programme sur l’air de « qui me dira » et déjà le cinéma empiète sur la réalité, lui procure une aura romanesque.
     
    La vie de Lelouch a d’ailleurs débuté sous le signe du cinéma. C’est dans un cinéma qu’il se réfugia pendant la guerre. Et ses parents s’y sont rencontrés, pendant un film de Fred Astaire et Ginger Rogers, lesquels, des années plus tard, lui remettront son Oscar. Comme dans une scène d'un film de Lelouch glorifiant les hasards et coïncidences ! Il n’y a pas plus bel endroit pour s’abriter de la réalité qu’un cinéma après tout, non ?
     
    Claude Lelouch n’a eu de cesse de sublimer la vie et les acteurs avec sa fougue communicative, sa réjouissante candeur, son regard enthousiaste, sa curiosité malicieuse. Bien que les critiques ne l’aient pas épargné, il est toujours resté fidèle à sa manière, singulière, de faire du cinéma, avec passion et sincérité, et fidélité : à la musique de Francis Lai (toujours enregistrée avant le tournage et diffusée sur le plateau), aux fragments de vérité, aux histoires d’amour éblouissantes, à sa vision romanesque de l’existence, à ses aphorismes, aux sentiments grandiloquents et à la beauté (parfois terrible) des hasards et coïncidences.
     
    Quel plaisir de revoir tous ces moments inoubliables de cinéma portés par la musique (essentiellement de Francis Lai qui a composé les musiques de 35 de ses 50 films) magistralement interprétée par l’orchestre philarmonique de Prague, de cet inénarrable Dabada mondialement célèbre repris par Nicole Croisille à la musique de son prochain film composée par Ibrahim Maalouf et jouée en exclusivité hier.
     
    Que d’images et musiques inoubliables revues et réentendues hier ! La foule d’émotions qui passent sur le visage de Girardot à la fin d’Un homme qui me plaît jusqu’à son regard final, poignant, sur le magnifique Concerto pour la fin d’un amour. L’incroyable musique de western de ce film aussi. Ou encore ce couple magique et improbable interprété par Françoise Fabian et Lino Ventura dans le jubilatoire La bonne année (le film préféré de Kubrick, tandis qu’hier soir dans les messages enregistrés, Travolta déclarait que Un homme et une femme était son «film préféré de tous les temps» et Woody Allen que Lelouch était pour lui une source d’inspiration). Ce crescendo étourdissant et magistral du Boléro de Ravel plus bouleversant que jamais grâce à l’orchestre philarmonique et au montage des images des films de Lelouch. Ou encore la musique épique, flamboyante et lyrique de Itinéraire d’un enfant gâté qui, rappelez-vous, dans le film, accompagne d’abord les premières années de Sam Lion et les numéros de cirque étourdissants qui défilent (sans dialogues, juste avec la musique pour faire le lien) jusqu’à l’accident fatidique. Puis, les flashbacks qui alternent avec les vagues sur lesquelles flotte le navire de Sam Lion, des vagues qui balaient le passé. Rappelez-vous ces premières minutes bouleversantes, captivantes, montées et filmées sur un rythme effréné, celui sur lequel Sam Lion (ainsi appelé parce qu’il a été élevé dans un cirque) va vivre sa vie jusqu’à ce qu’il décide de disparaître.
     
    Rappelez-vous aussi le « Montmartre 1540 » de Trintignant dans Un homme et une femme (c’est déjà un peu de la musique quand il le prononce, non ?). Ou des années plus tard dans  Les plus belles années d’une vie quand soudain il s'illumine par la force des souvenirs de son grand amour, comme transfiguré, jeune, si jeune soudain. Et la majesté d'Anouk Aimée, sa grâce quand elle remet sa mèche de cheveux. Que d'intensité poétique et poignante lorsqu'ils se retrouvent et qu’ils sont l’un avec l’autre dans ce film des décennies après Un homme et une femme comme si le cinéma (et/ou l'amour) abolissai(en)t les frontières du temps et de la mémoire.
     
    « Les plus belles années d’une vie sont celles qu’on n’a pas encore vécues ». Cette citation de Victor Hugo reprise dans le film précité résume au fond ce que nous racontent tous les films de Claude Lelouch. Et ce qu’a raconté cette soirée. Et ce sont cette liberté et cette naïveté presque irrévérencieuses qui me ravissent, n’en déplaise aux sinistres cyniques. Comme chacun des films de Lelouch, cette soirée était une déclaration d’amour avec ses touchantes maladresses et ses élans passionnés. Une déclaration au cinéma. Aux acteurs. À l’amour. Aux hasards et coïncidences. Un hymne à la vie. Au présent. À l’émerveillement. À la musique.
     
    « Je ne suis pas un metteur en scène. Je suis un metteur en vie. Le plus grand scénariste, le meilleur dialoguiste, c’est la vie », « J’ai toujours privilégié l’émotion à la technique. L’émotion, c’est la vérité » répète régulièrement Claude Lelouch. « La musique c’est ce qui parle le mieux à notre instinct, qui interpelle notre cœur » dit-il aussi. Alors, hier, le mien était chamboulé.
     
    « Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte ». Cette citation d’Albert Cohen ouvre Itinéraire d’un enfant gâté et place le film sous le sceau du pessimisme et de la solitude, impression que renforce la chanson interprétée par Nicole Croisille qui ouvre le film. « Qui me dira, les mots d’amour qui font si bien, du mal ? Qui me tiendra, quand tu iras décrocher toutes les étoiles ? Qui me voudra, avec le nez rouge, et le cœur en larmes ? Qui m’aimera, quand je n’serai plus que la moitié d’une femme ? » tandis qu’un petit garçon seul sur un manège attend désespérément sa mère. Un homme s’occupe de lui, découvre le carton qu’il a autour du cou et qui indique que sa mère l’a abandonné.
     
    Rares sont les films qui émeuvent ainsi, dès les premiers plans et qui parviennent à maintenir cette note jusqu’au dénouement. Pour y parvenir, il fallait la subtile et improbable alliance d’ une musique fascinante comme un spectacle de cirque, d’acteurs phénoménaux au sommet de leur art, de dialogues réjouissants magistralement interprétés, un scénario ciselé, des paysages d’une beauté à couper le souffle, des histoires d’amour (celles qui ont jalonné la vie de Sam Lion, avec les femmes de sa vie, son grand amour décédé très jeune, sa seconde femme, sa fille Victoria pour qui il est un héros et un modèle et qui l’aime inconditionnellement, mais aussi celles d’Albert avec Victoria), jouer avec nos peurs (l’abandon, la disparition des êtres chers, le besoin de reconnaissance), nos fantasmes (disparaître pour un nouveau départ, le dépaysement) et les rêves impossibles (le retour des êtres chers disparus). Mais je digresse...
     
    Hier soir, au contraire, nous n’étions plus sur l’île déserte. La musique est effectivement le meilleur des médicaments comme l’a dit hier soir Claude Lelouch. Un baume universel sur les âmes meurtries et les cœurs blessés. Bref, ce fut un grand moment. De musique. D’émotions. De cinéma. Sur scène, Calogero, Nicole Croisille, Barbara Pravi, Ibrahim Maalouf, Patrick Bruel, Thomas Dutronc, ont rejoint l'orchestre philarmonique pour interpréter les chansons extraites des BO des films de Claude Lelouch tandis que Didier Barbelivien lui a composé et interprété une chanson inédite et que Francis Huster lui a lu deux déclarations d'amour, l'une de la compagne de Claude Lelouch, la talentueuse écrivaine Valérie Perrin, et l'autre des acteurs qui ont tourné avec lui, nombreux dans la salle venus souhaiter un joyeux anniversaire à celui dont on espère qu'il continuera le plus longtemps possible à nous faire aimer la vie, ainsi, passionnément.
     
    A l'issue du concert, Claude Lelouch est monté sur scène et, la voix étranglée par l'émotion, a déclaré : «A la fin de Guerre et Paix, Tolstoï disait, le plus difficile dans la vie, c'est d'aimer la vie. C'est ce que j'ai essayé de faire et à travers ces 50 films, d'essayer de vous faire partager cet amour que j'ai de la vie. Profitez-en. Vous ne pouvez pas savoir. Vous savez, je crois qu'on ne saura d'où l'on vient et où l'on va. Vous êtes arrivés dans un film qui avait commencé bien avant vous et vous serez obligés de vous barrer avant la fin du film. Alors profitez d'une seule chose, c'est le présent.» «La musique est la chose la plus importante de ma vie. C'est le meilleur des médicaments. Dès que j'ai un coup de blues, c'est à elle que je pense.»
     
    Selon Platon « La musique donne une âme à nos cœurs, des ailes à notre pensée et un essor à l’imagination. » En sortant du Palais des Congrès hier, la pensée et l’imagination s’envolaient en effet vers un joyeux ailleurs. Comme dans un film de Lelouch… Qui me dira…♪♪♪... Merci et joyeux anniversaire Monsieur Lelouch !
  • Festival de Cannes 2019 - LES PLUS BELLES ANNEES D’UNE VIE de CLAUDE LELOUCH - critique du film et conférence de presse

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    Premier article d’une série consacrée au Festival de Cannes 2019. Je commence avec la mémorable projection officielle du film Les plus belles années d’une vie de Claude Lelouch.

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    Il pleuvait ce soir-là à Cannes. Inlassablement. Mais il pleuvait gaiement. Parce que c’était joyeux de monter les marches pour retrouver 53 ans après Anne Gauthier et Jean-Louis Duroc dans la ville et le festival qui ont vu et fait éclore leur incroyable destin avec la Palme d’or 1966, suivie des Oscars du meilleur film étranger et du meilleur scénario parmi tant d’autres récompenses et alors que Claude Lelouch n’avait que 29 ans. Oui, c’était joyeux. Même sous une pluie intarissable. Comme dans un film de Sautet, après tout. Intarissable comme mes larmes d’émotion dès les premières minutes du film. L’émotion d’être là. L’émotion d’avoir rendez-vous avec mes premiers élans cinématographiques. L’émotion d’entendre les notes de musique de Francis Lai, notes mythiques d’un film mythique dans une salle elle aussi devenue mythique. Rendez-vous avec la mythologie du cinéma. L’émotion communicative de l’équipe du film. L’émotion d’une partie du public du Grand Théâtre Lumière. L’émotion dès les premières minutes, lors de ces plans sur le visage de Jean-Louis Duroc / Trintignant. L'émotion autant de retrouver le personnage de Jean-Louis Duroc que de retrouver Jean-Louis Trintignant au cinéma. Et quel Jean-Louis Trintignant !

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    Avant d’en revenir à cette émotion, d’abord le synopsis. Désormais, l’ancien pilote de course Jean-Louis Duroc (Jean-Louis Trintignant) vit dans une maison médicalisée, le bien nommé « Domaine de l’orgueil » (il n’y a que Lelouch pour oser nommer ainsi une maison de retraite et pas les Acacias, les Rosiers, ou les Peupliers, mais c’est ce qu’on aime, non, cette audace romanesque ?) et il se perd un peu sur les chemins de sa mémoire. Pour l’aider, son fils va retrouver celle que son père n’a pas su garder mais qu’il évoque sans cesse, Anne Gauthier (Anouk Aimée), le « meilleur souvenir » de Jean-Louis qui a pourtant pour habitude de « tout oublier ».  Anne va alors accepter de revoir Jean-Louis et reprendre leur histoire où ils l'avaient laissée.

    Pour Jean-Louis qui a beaucoup couru, sur les circuits et « après les femmes », cette résidence médicalisée n’est pas vraiment l’idéal. Peu importe, il y a le rêve justement pour s’évader.  Les souvenirs. Tout ce qui permet de faire s’entremêler présent et passé, rêve et réalité parce que « jamais personne n’est mort d’une overdose de rêves ». « Qu’est-ce qu’on ne ferait pas par amour ! » dit-il ainsi à Anne. Et par amour pour elle, il en a fait : des kilomètres, des déclarations, des coups de fil  après avoir prononcé de sa voix inimitable le fameux « Montmartre 1540 » qu’il est si émouvant de l’entendre à nouveau prononcer ici. La mémoire, du superflu du moins, s’est envolée mais il est toujours là le coureur, celui qui dit « il faut prendre des risques quand on est amoureux ».

    On aurait pu craindre que ce film soit la suite de trop, celui qui nous aurait fait penser qu’il fallait rester avec les souvenirs intacts, celui qui nous aurait laissés mélancoliques avec l’idée que le temps dévore tout, que même les personnages et leurs amours qu’on croyait éternelles s’abiment. C’est tout le contraire. Certes, le temps dévore tout mais Anne et Jean-Louis sont si lumineux, si justes, qu’on oublierait presque qu’ils n’ont plus l’âge qu’ils avaient il y a 53 ans. « Depuis la nuit des temps, la seule chose qui n’a pas bougé, c’est l’amour », entend-on Anne dire à sa fille.  Et, soudain, par la magie du cinéma, cela semble si vrai. Lorsqu'ils se retrouvent pour la première fois, notre cœur de cinéphile bat à tout rompre. C'est plut palpitant qu'une course-poursuite à toute allure dans un James Bond, c'est juste, c'est tendre, c'est drôle, c'est émouvant, et nostalgique, juste un peu. C'est un film en soi. C'est tout ce que sont Les plus belles années d'une vie.

    Tourner le film dans l’ordre en quelques jours était un un défi et au lieu de donner une impression d'inachevé ou d'imprécision, cela fait au contraire davantage surgir ces fragments de vérité qu’affectionne Claude Lelouch.

    En préambule figure une citation de Victor Hugo : « Les plus belles années d’une vie sont celles qu’on n’a pas encore vécues », des paroles que chante ici Nicole Croisille dont il est aussi si émouvant de retrouver la voix, indissociable de l’histoire d’Anne Gauthier et Jean-Louis Duroc.

    Cela débute donc dans le fameux Domaine de l’Orgueil. Les résidents participent à un jeu destiné à tester leurs mémoires des évènements et des dates. La caméra se rapproche du visage de Jean-Louis Trintignant en fauteuil roulant. Derrière lui se trouve son fils Antoine (incarné par Antoine Sire comme le petit Antoine d’Un homme et une femme tout comme d’ailleurs la petite Françoise est toujours incarnée par Saoud Amidou, quel plaisir là aussi de les retrouver ! ). Et puis au fur et à mesure comme pour Jean-Louis, tout cela ne devient plus pour nous qu’un brouhaha sans intérêt. Nous ne voyons plus que ce visage passionnant sur lequel passent tant d'expressions, tant de films, tant d'évènements, tant de souvenirs. Quel beau moment de cinéma ! Quel hommage à ce sublime acteur ! Quelles émotions, encore, déjà.

    « Je me suis embarqué sur ce film comme dans cette voiture que j’ai conduite à l’époque de mon court métrage C’était un rendez-vous, comme une métaphore de l’existence. Foncer dans la vie comme j’avais foncé dans Paris en 1976. Griller les feux, prendre tous les risques avec ces dangers à travers lesquels on passe… ou pas. » a ainsi déclaré Claude Lelouch. Utiliser les images de ce court-métrage est d’ailleurs une des nombreuses magnifiques idées de ce film. Lelouch reprend aussi de nombreuses images de Un homme et une femme, toujours à bon escient. Souvenez-vous…

    Anne (Anouk Aimée), scripte, inconsolable depuis la mort de son mari cascadeur Pierre (Pierre Barouh), rencontre à Deauville, en allant chercher sa fille à la pension, un coureur automobile, Jean (Jean-Louis Trintignant), dont la femme s'est suicidée par désespoir. Jean raccompagne Anne à Paris. Tous deux sont endeuillés, et tous deux ont un enfant. C'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui s'aiment, se repoussent, se retrouvent et s'aiment encore...

    Ce film, Claude Lelouch l’a, comme souvent, réalisé après un échec. Ainsi le 13 septembre 1965, désespéré, il roule alors vers Deauville où il arrive la nuit, épuisé. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture, elle marche sur la plage avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera Un homme et une femme, la rencontre de deux solitudes blessées qui prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.

    Il est impossible désormais de dissocier Deauville du film de Claude Lelouch qui a tant fait pour sa réputation (Deauville d’ailleurs à nouveau magnifiquement filmée dans Les plus belles années d’une vie), Un homme et une femme ayant créé la légende du réalisateur tout comme cela a contribué à celle de la ville de Deauville, et notamment sa réputation de ville romantique à tel point que, pendant le Festival du Cinéma Américain 2006, a été inaugurée une place Claude Lelouch, en sa présence et celle d'Anouk Aimée. J'étais présente ce jour-là et l'émotion et la foule étaient au rendez-vous.

    J'ai vu ce film un grand nombre de fois et, à chaque fois, avec le même plaisir, la même émotion, le même sentiment de modernité pour un film qui date de 1966, étonnant pour un cinéaste dont beaucoup de critiques ont si souvent raillé le classicisme. Cette modernité est bien sûr liée à la méthode Claude Lelouch d'ailleurs en partie la conséquence de contraintes techniques et budgétaires. Ainsi, Lelouch n'ayant pas assez d'argent pour tourner en couleurs tournera les extérieurs en couleurs et les intérieurs en noir et blanc. Le montage et les alternances de noir et blanc et de couleurs jouent alors habilement avec les méandres du temps et de la mémoire émotive, entre le présent et le bonheur passé qui ressurgit sans cesse.

    Je ne sais pas si « le cinéma c'est mieux que la vie » mais en tout cas Claude Lelouch fait partie de ceux dont les films et surtout Un homme et une femme nous la font aimer. Rares sont les films qui donnent à ce point la sensation de voir une histoire d'amour naître et vibrer sous nos yeux, d'en ressentir -partager, presque- le moindre battement de cœur ou le moindre frémissement de ses protagonistes, comme si la caméra scrutait les visages et les âmes. Par une main qui frôle une épaule si subtilement filmée. Par le plan d'un regard qui s'évade et s'égare. Par un sourire qui s'esquisse. Par des mots hésitants ou murmurés. Par la musique éternelle de Francis Lai (enregistrée avant le film) qui nous chavire le cœur. Par une photographie aux accents picturaux qui sublime Deauville filmée avec une lumière nimbée de mélancolie, des paysages qui cristallisent les sentiments de Jean-Louis et d'Anne, fragile et paradoxalement impériale, magistralement (dirigée et) interprétée par Anouk Aimée. Rares sont les films qui procurent cette impression de spontanéité, de vérité presque. Les fameux « instants de vérité » de Lelouch.

    Et puis il y a le charme incomparable du couple Anouk Aimée/ Jean-Louis Trintignant, le charme de leurs voix, notamment quand Jean-Louis Trintignant prononce « Montmartre 1540 ». Le charme et la maladresse des premiers instants cruciaux d'une histoire d'amour quand le moindre geste, la moindre parole peuvent tout briser. Et puis ces plans fixes, de Jean-Louis dans sa Ford Mustang (véritable personnage du film), notamment lorsqu'il prépare ce qu'il dira à Anne après avoir reçu son télégramme. Et puis ces plans qui encerclent les visages et en capturent la moindre émotion. Ce plan de cet homme avec son chien qui marche dans la brume et qui fait penser à Giacometti (pour Jean-Louis). Tant d'autres encore...

    Avec Un homme et une femme, Claude Lelouch a signé une histoire intemporelle, universelle avec un ton très personnel et poétique. Alors pour reprendre l'interrogation de Jean-Louis dans le film, citant Giacometti « Qu'est-ce que vous choisiriez : l'art ou la vie », Lelouch n'a certainement pas choisi, ayant réussi a insufflé de l'art dans la vie de ses personnages et de la vie dans son art. Voilà c'est de l'art qui transpire la vie.


    Alors que Claude Lelouch a tourné sans avoir de distributeur, sans même savoir si son film sortirait un jour, il obtint toutes les récompenses précitées et aujourd'hui encore de nombreux touristes viennent à Deauville grâce à Un homme et une femme, le film, mais aussi sa musique mondialement célèbre. Vingt ans après, Claude Lelouch tourna une suite Un homme et une femme, 20 ans déjà réunissant à nouveau les deux protagonistes. Et 53 ans après Un homme et une femme, nous avons  ainsi eu le plaisir de retrouver ces personnages mythiques dans Les plus belles années d'une vie.

    Ce film qui aurait pu être morose est au contraire plein de vie même si et justement même parce qu’on y entend à plusieurs reprises « La mort, c’est l’impôt de la vie. »  La vie est là, tout le temps. Eblouissante. Quand Anne et Jean-Louis s’évadent en voiture et que le soleil insolent perce à travers les feuilles.  Quand Jean-Louis crie fougueusement à Anne « Embrassez-moi ». Quand les femmes regardent Jean-Louis, ou que Jean-Louis regarde les femmes de sa vie. Avec tant de tendresse. La tendresse, ce film en regorge. L’humour aussi. Lors de multiples clins d’œil au film de 1966 comme lorsque Jean-Louis roule sur les planches et s’étonne que ce soit interdit et qu’un policier lui rétorque que c’est interdit « depuis 50 ans, depuis qu’un crétin a roulé ici avec sa Ford Mustang. »

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    Quelle justesse lorsqu’il dit « Je me souviens d’elle comme si c’était hier » ou lorsqu’elle dit « On est toujours beaux quand on est amoureux ». Cela aurait pu être mièvre. Par le talent de ces deux immenses acteurs et de Lelouch c’est infiniment beau et émouvant. Et ce visage de Trintignant quand soudain il s'illumine par la force des souvenirs de son grand amour, comme transfiguré, jeune, si jeune soudain. Et la majesté d'Anouk Aimée, sa grâce quand elle remet sa mèche de cheveux. Il faut dire aussi qu’ils sont si amoureusement filmés. Et que d'intensité poétique et poignante lorsqu'ils sont l'un avec l'autre comme si le cinéma (et/ou l'amour) abolissai(en)t les frontières du temps et de la mémoire. Encore un des pouvoirs magiques du cinéma auxquels ce film est aussi un hommage.

    Et puis, évidemment, il y a la musique, toujours si importante dans les films de Lelouch, a fortiori dans Un homme et une femme. La musique originale est signée Francis Lai et Calogero et les chansons originales sont interprétées par Nicole Croisille et Calogero sur des paroles de Didier Barbelivien.

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    Cette fois, Les plus belles années d’une vie était présenté hors compétition, contrairement à Un homme et une femme qui avait été présenté en compétition. Et s’il avait été en compétition, quel sort lui aurait réservé le jury ? 

    Vous l’aurez compris, je vous recommande vivement ce film si lumineux, tendrement drôle (d'une infinie tendresse), émouvant, joyeusement nostalgique, gaiement mélancolique, optimiste, hymne à la vie, à l’amour, hommage au cinéma, sublimé par la beauté si lumineuse de Trintignant et Aimée. Comme le Domaine de l'orgueil, si bien nommée.

    Je vous laisse imaginer l’émotion qui a envahi la salle lors du générique de fin, de cette dernière image sur Deauville, qui m’a envahie en tout cas. Un beau moment de vie et de cinéma entremêlés  et il me semble encore entendre le fameux « Chabadabada »  que le public du Grand Théâtre Lumière a repris en chœur résonner dans ma tête (rendez-vous sur mon compte instagram @sandra_meziere pour en voir un extrait),  comme cette pensée que « Les plus belles années d’une vie sont celles qu’on n’a pas encore vécues ». Un air entêtant, joyeusement mélancolique, comme Deauville aussi amoureusement filmée, à nouveau.

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    CONFERENCE DE PRESSE

    Quelques citations et quelques photos de la conférence de presse cannoise à laquelle j’ai eu le plaisir d’assister.

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    Claude Lelouch a ainsi rappelé que le film a été « tourné dans l’ordre en quelques jours. » « C’est le film qui m’a fait le plus peur. On ne pourra pas faire le film si les miracles ne sont pas au rendez-vous ». « La rencontre entre Anne et Jean-Louis, les 19 minutes ont été tournées dans la journée. Le soir en rentrant, j’ai dit on a déjà au moins un bon court-métrage. »

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    - A propos d’Un homme et une femme  :  « C’est difficile d’expliquer les miracles. En 1H30, on est passés de l’ombre à la lumière. Le public s’est approprié cette histoire. », « Encore une fois, le hasard a eu beaucoup de talent dans ma vie ». « J’ai vu dans ses yeux des choses qui m’ont interpellé, un sourire incroyable et je lui ai fait un pitch rapide. Il a Alzheimer. La seule personne dont il se souvient, c’est toi. ». « Il a fallu un millier de miracles. » « Il a fallu un alignement de planètes pour qu’on soit tous là aujourd’hui ». « C’était un rendez-vous » : c’est le film dont je suis le plus fier et dont j’ai le plus honte. J’ai grillé 18 feux rouges. Je me suis souvent comporté comme un petit voyou et si je n’avais pas été un voyou je n’aurais pas fait 50 films ». « Francis Lai n’a pas eu le temps de voir le film. »  « Pour moi les minutes sont des années, j’ai envie de réussir le sprint de ma vie. », « Les nouvelles technologies du cinéma sont formidables ». « Avec les plus belles années, j’ai voulu rendre hommage au cinéma d’hier et d’aujourd’hui », « Le plus grand scénariste du monde c’est la vie et je travaille avec ce scénariste et le plus grand scénariste de ma vie, c’est ma femme. »

    Bellucci : « C’était la première fois que j’étais dirigée comme ça. » A propos de l’Union Européenne et des Européennes pour lesquelles elle tient à voter : « Seul on va vite, ensemble on va plus loin ». Denicourt : « C’était un rêve car Jean-Louis Trintignant est un de mes acteurs préférés. »

    Antoine Sire  « Un cadeau incroyable »,  « Je suis acteur tous les 53 ans ».

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  • Critique de ITINERAIRE D'UN ENFANT GÂTÉ de Claude Lelouch (ce soir, sur Canal + Cinéma)

    itineraire

    Le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule (mon compte rendu complet, ici) permet aussi de revoir des classiques du cinéma. Parmi les nombreux classiques au programme (j’aurais aimé tous les revoir mais il a fallu faire des choix) figurait « Itinéraire d’un enfant gâté » de Claude Lelouch, un des plus grands succès du cinéaste datant de 1988, une projection d’autant plus riche en émotions que lui a succédé un échange passionnant avec Richard Anconina. Un film que j’ai choisi de mettre en parallèle avec une avant-première du festival, deux films qui ont en commun d’être des tours de manège, de nous raconter l’histoire d’hommes qui se choisissent une famille et dont les vies sont jalonnées de hasards et coïncidences. Deux films qui sont de magnifiques métaphores du cinéma qui permet de réinventer nos vies.

    Sam Lion (Jean-Paul Belmondo) a été élevé dans le milieu du cirque puis a dû faire une reconversion forcée comme chef d’entreprise. Mais la cinquantaine passée, il se lasse de ses responsabilités et de son fils, Jean-Philippe, dont la collaboration ne lui est pas d’un grand secours. Il décide d’employer les grands moyens et de disparaître en Afrique, après avoir simulé un naufrage lors de sa traversée de l’Atlantique en solitaire. Mais son passé va l’y rattraper en la personne d’Albert Duvivier (Richard Anconina), un de ses anciens employés licencié qu’il retrouve par hasard en Afrique et qui le reconnaît…

    « Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte ». La citation d’Albert Cohen qui ouvre le film le place sous le sceau du pessimisme et de la solitude, impression  que renforce la chanson de Nicole Croisille qui ouvre le film. « Qui me dira, les mots d’amour qui font si bien, du mal ? Qui me tiendra, quand tu iras décrocher toutes les étoiles ? Qui me voudra, avec le nez rouge, et le cœur en larmes ? Qui m’aimera, quand je n’serai plus que la moitié d’une femme ? » La musique est reprise en chœur tandis qu’un petit garçon seul sur un manège attend désespérément sa mère. Un homme s’occupe de lui, découvre le carton qu’il a autour du cou et qui indique que sa mère l’a abandonné.  La musique épique, flamboyante, lyrique, accompagne ensuite les premières années et les numéros de cirque étourdissants qui défilent (sans dialogues juste avec la musique pour faire le lien) jusqu’à l’accident fatidique. Les flashbacks alternent avec les vagues sur lesquelles flotte le navire de Sam Lion, des vagues qui balaient le passé. Les premières minutes sont bouleversantes, captivantes, montées et filmées sur un rythme effréné, celui sur lequel Sam Lion (ainsi appelé parce qu’il a été élevé dans un cirque) va vivre sa vie jusqu’à ce qu’il décide de disparaître.

    Rares sont les films qui vous émeuvent ainsi, dès les premiers plans et qui parviennent à maintenir cette note jusqu’au dénouement. Pour y parvenir, il fallait la subtile et improbable alliance d’ une musique fascinante comme un spectacle de cirque, d’acteurs phénoménaux au sommet de leur art, de dialogues jubilatoires magistralement interprétés, un scénario ciselé, des paysages d’une beauté à couper le souffle, des histoires d’amour (celles qui ont jalonné la vie de Sam Lion, avec les femmes de sa vie, son grand amour décédé très jeune, sa seconde femme, sa fille Victoria pour qui il est un héros et un modèle et qui l’aime inconditionnellement, mais aussi celles d’Albert avec Victoria), jouer avec nos peurs (l’abandon, la disparition des êtres chers, le besoin de reconnaissance), nos fantasmes (disparaître pour un nouveau départ, le dépaysement) et les rêves impossibles (le retour des êtres chers disparus).

    Sam Lion va par hasard rencontrer un employé de son entreprise (entre temps il a construit un empire, une entreprise de nettoyage), ce jeune homme maladroit et qui manque de confiance en lui va devenir l’instrument de son retour et sa nouvelle famille.  Cela tombe bien : il commence à s’ennuyer.

    Peu à peu le puzzle de la vie et des déchirures de Sam Lion, grâce aux flashbacks, se reconstitue, celui des blessures de cet homme qui l’ont conduit à tout quitter, écrasé par les responsabilités sans avoir le temps de penser à ses blessures, ni de les panser, porté par la soif d’ailleurs, de vérité, de liberté.

    Alors bien sûr il y a la si célèbre et irrésistible scène du bonjour, toujours incroyablement efficace, tant la candeur d’Albert est parfaitement interprété par Anconina, tant la scène est magistralement écrite, tant les comédiens sont admirablement dirigés mais chaque scène (les acteurs sont filmés en gros plan, au plus près des émotions) sont des moments d’anthologie de comédie, d’humour, de poésie, d’émotion (parfois tout cela en même temps lorsque Victoria est conduite à son père grimé en pompiste et qu’on lui présente comme le sosie parfait de son père qu’elle croit mort, lors de la demande en mariage…) et toujours ces moments qui auraient pu être de simples saynètes contribuent à faire évoluer l’intrigue et à nous faire franchir un cran dans l’émotion, dans ces parfums de vérité qu’affectionne tant le réalisateur. Claude Lelouch ne délaisse aucun de ses personnages ni aucun de ses acteurs. Chacun d’entre eux existe avec ses faiblesses, ses démons, ses failles, ses aspirations. Et puis quelle distribution ! En plus des acteurs principaux : Marie-Sophie L, Michel Beaune, Pierre Vernier, Daniel Gélin.

    Jean-Paul Belmondo,  plusieurs années après « Un homme qui me plaît » retrouvait ici Claude Lelouch qui lui offre un de ses plus beaux rôles en lui faisant incarner  pour la première fois un homme de son âge au visage marqué par le temps mais aussi un personnage non moins héroïque. En choisissant Anconina pour lui faire face, il a créé un des duos les plus beaux et les plus touchants de l’histoire du cinéma.

    « Itinéraire d’un enfant gâté » est une magnifique métaphore du cinéma, un jeu constant avec la réalité : cette invention qui nous permet d’accomplir nos rêves et de nous faire croire à l’impossible, y compris le retour des êtres disparus. Belmondo y interprète l’un de ses plus beaux rôles qui lui vaudra d’ailleurs le César du Meilleur Acteur, césar que le comédien refusera d’aller chercher.

    On sort de la projection, bouleversés de savoir que tout cela n’était que du cinéma, mais avec la farouche envie de prendre notre destin en main et avec, en tête, la magnifique et inoubliable musique de Francis Lai : « Qui me dira… »  et l’idée que si « chaque homme est seul », il possède aussi les clefs pour faire de cette solitude une force, pour empoigner son destin. Et ce dernier plan face à l’horizon nous laisse à la fois bouleversés et déterminés à regarder devant, prendre le large ou en tout cas décider de notre itinéraire. Un grand film intemporel, réjouissant, poignant.

  • Critique de UN + UNE de Claude Lelouch désormais disponible en Blu-ray, DVD et VOD

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    En 1966, avec « Un homme et une femme », sa sublime histoire de la rencontre de deux solitudes blessées avec laquelle il a immortalisé Deauville, Claude Lelouch recevait la Palme d’or, l’Oscar du meilleur film étranger et du meilleur scénario parmi 42 récompenses … à 29 ans seulement ! Ce 45ème film de Claude Lelouch, presque cinquante ans plus tard raconte à nouveau l’histoire d’un homme et d’une femme et les années et les films qui séparent ces deux longs-métrages semblent n’avoir en rien entaché la fougue communicative, la réjouissante candeur, le regard enthousiaste, la curiosité malicieuse du cinéaste. Ni la fascination avec laquelle il regarde et révèle les acteurs. Les acteurs et la vie qu’il scrute et sublime. Bien que les critiques ne l’aient pas toujours épargné, il est en effet toujours resté fidèle à sa manière, singulière, de faire du cinéma, avec passion et sincérité, et fidélité, à la musique de Francis Lai, aux fragments de vérité, aux histoires d’amour éblouissantes, à sa vision romanesque de l’existence, à son amour inconditionnel du cinéma et de l’amour, à ses phrases récurrentes, à ses aphorismes, aux sentiments grandiloquents et à la beauté parfois terrible des hasards et coïncidences.

    Claude Lelouch est né avec la Nouvelle Vague qui ne l’a jamais reconnu sans doute parce que lui-même n’avait «pas supporté que les auteurs de la Nouvelle Vague aient massacré Clouzot,   Morgan, Decoin, Gabin », tous ceux qui lui ont fait aimer le cinéma alors qu’il trouvait le cinéma de la Nouvelle Vague « ennuyeux ». Et tous ceux qui m’ont fait aimer le cinéma. Avec son film « Roman de gare », les critiques l’avaient enfin épargné, mais pour cela il avait fallu que le film soit au préalable signé d’un autre nom que le sien. Peu m’importe. Claude Lelouch aime la vie. Passionnément. Sous le regard fiévreux et aiguisé de sa caméra, elle palpite. Plus qu’ailleurs. Et ce nouveau film ne déroge pas à la règle.

    Après Johnny Hallyday, Eddy Mitchell et Sandrine Bonnaire dans « Salaud, on t’aime », c’est un autre trio charismatique qui est à l’honneur dans ce nouveau film : Jean Dujardin, Elsa Zylberstein et Christophe Lambert (voire un quatuor avec Alice Pol). Son dernier film « Salaud, on t’aime » se rapprochait de « Itinéraire d’un enfant gâté », du moins en ce qu’il racontait l’histoire d’un homme à l’automne de sa vie, un autre « enfant gâté » passé à côté de l’essentiel et qui, contrairement au film précité, n’allait pas fuir sa famille mais tenter de la réunir. Ici, c’est finalement aussi d’un homme passé à côté non pas de sa vie mais de lui-même dont Lelouch nous raconte l’histoire, une histoire que j’attendais de découvrir depuis que j’avais vu cette affiche du film orner les murs de Cannes, lors du festival, en mai dernier.

    La manière dont le film est né ressemble déjà à un scénario de film de Claude Lelouch. Jean Dujardin et Elsa Zylberstein ont ainsi plusieurs fois raconté sa genèse. Le hasard qu’affectionne tant Claude Lelouch les a réunis sur le même vol entre Paris et Los Angeles lors duquel ils ont parlé de cinéma pendant des heures et notamment d’un film de Claude Lelouch, « Un homme qui me plaît », qu'ils adorent tous les deux. L'histoire d'amour entre un compositeur incarné par Jean-Paul Belmondo et une actrice incarnée par Annie Girardot qui tombent amoureux à l'autre bout du monde. Elsa Zylberstein a appelé Claude Lelouch et l’histoire était lancée, une histoire d’amour qui, eux aussi, les a emmenés à l’autre bout du monde…

    Jean Dujardin incarne ici le séduisant, pragmatique, talentueux Antoine. Antoine est compositeur de musiques de films. Antoine regarde la vie avec distance, humour et légèreté. Antoine est comme un enfant joueur et capricieux. D’ailleurs, il porte le prénom du petit garçon dans « Un homme et une femme ». Hasard ? Ou coïncidence ? Il part en Inde travailler sur une version très originale de « Roméo et Juliette » intitulée « Juliette et Roméo » et alors que sa compagne (Alice Pol) le demande en mariage par téléphone. A l’occasion d’une soirée donnée en son honneur à l’Ambassade de France, il rencontre la pétillante Anna (Elsa Zylberstein), la femme de l’ambassadeur (Christophe Lambert), aussi mystique qu’il est pragmatique, une femme qui, en apparence, ne lui ressemble en rien, pourtant, dès ce premier soir, entre ces deux-là, semble régner une magnétique connivence. Cette rencontre va les entraîner dans une incroyable aventure. Et le spectateur avec eux.

    Ce que j’aime par-dessus tout dans les films de Claude Lelouch, ce sont ces personnages, toujours passionnément vivants. Dans chacun de ses films, la vie est un jeu. Sublime et dangereux. Grave et léger. Un jeu de hasards et coïncidences. Le cinéma, son cinéma, l’est aussi. Et dans ce film plus que dans tout autre de Claude Lelouch. Le fond et la forme coïncident ainsi en une ludique mise en abyme. Le film commence par l’histoire d’un voleur qui va inspirer le film dont Antoine a composé la musique et dont les images jalonnent le film…de Lelouch. Le présent, le passé et le rêve s’entrelacent constamment pour peu à peu esquisser le portrait des deux protagonistes, pour se jouer de notre regard sur eux et sur la beauté troublante des hasards de la vie.

    Cela commence par des images de l’Inde, fourmillante, colorée, bouillonnante de vie dont la caméra de Lelouch, admirative, caresse l’agitation multicolore. Prémisses d’un voyage au pays « du hasard » et « de l’éternité. » Un voyage initiatique. Puis, il nous raconte une première histoire. Celle du voleur qui sauve sa victime, et de leur histoire d’amour. Celle du film dans le film. Un miroir de celle d’Anne et d’Antoine. Presque un conte. D’ailleurs, devant un film de Lelouch, j’éprouve la sensation d’être une enfant aux yeux écarquillés à qui on raconte une fable. Ou plein d’histoires puisque ce film est une sorte de poupée russe. Oui, une enfant à qui on rappelle magnifiquement les possibles romanesques de l’existence.

    Ensuite, Antoine rencontre Anna lors du dîner à l’ambassade. Antoine pensait s’ennuyer et le dit et le clame, il passe un moment formidable et nous aussi, presque gênés d’assister à cette rencontre, leur complicité qui crève les yeux et l’écran, leur conversation fulgurante et à l’image de l’Inde : colorée et bouillonnante de vie. Il suffirait de voir cet extrait pour deviner d’emblée qu’il s’agit d’un film de Lelouch. Cette manière si particulière qu’ont les acteurs de jouer. Ou de ne pas jouer. Vivante. Attendrissante. Saisissante de vérité. En tout cas une scène dans laquelle passe l’émotion à nous en donner le frisson. Comme dans chacun des tête-à-tête entre les deux acteurs qui constituent les meilleurs moments du film, dans lesquels leurs mots et leurs silences combattent en vain l’évidente alchimie. Ils rendent leurs personnages aussi attachants l’un que l’autre. Le mysticisme d’Anna. La désinvolture et la sincérité désarmante d’Antoine avec ses irrésistibles questions que personne ne se pose. Antoine, l’égoïste « amoureux de l’amour ».

    Comme toujours et plus que jamais, ses acteurs, ces deux acteurs, la caméra de Lelouch les aime, admire, scrute, sublime, magnifie, révèle, caresse presque, exacerbe leur charme fou. Ce film comme chaque film de Lelouch comporte quelques scènes d’anthologie. Dans son précédent film « Salaud, on t’aime », les deux amis Kaminsky/Johnny et Selman/ Eddy nous rejouaient « Rio Bravo » et c’était un régal. Et ici, chacun des échanges entre Antoine et Anna l’est aussi. Comme dans tout film de Lelouch aussi les dialogues sont parsemés de petites phrases dont certaines reviennent d’un film à l’autre, souvent pour nous rappeler les « talents du hasard » :

    « Mon agent, c’est le hasard. »

    « Mon talent, c’est la chance. »

    « Le pire n’est jamais décevant. »

     Ce film dans lequel l’amour est l’unique religion est une respiration salutaire a fortiori en cette période bien sombre. Un hymne à l’amour, à la tolérance, au voyage aussi bigarrés et généreux que le pays qu’il nous fait traverser. Un joyeux mélange de couleurs, de fantaisie, de réalité rêvée ou idéalisée, évidemment souligné et sublimé par le lyrisme de la musique du fidèle Francis Lai (retrouvez mon récit de la mémorable master class commune de Lelouch et Lai au Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule 2014, ici) et celle de la Sérénade de Schubert (un peu trop utilisée par les cinéastes ces temps-ci mais c’est celle que je préfère donc je ne m’en lasse pas), par des acteurs que le montage inspiré, la musique lyrique, la photographie lumineuse ( de Robert Alazraki), le scénario ingénieux (signé Valérie Perrin et Claude Lelouch), et l’imparable et incomparable direction d’acteurs de Lelouch rendent plus séduisants, convaincants, flamboyants et vibrants de vie que jamais.

     Une « symphonie du hasard » mélodieuse, parfois judicieusement dissonante, émouvante et tendrement drôle avec des personnages marquants parce que là comme ils le sont rarement et comme on devrait toujours essayer de l’être : passionnément vivants. Comme chacun des films de Lelouch l’est, c’est aussi une déclaration d’amour touchante et passionnée. Au cinéma. Aux acteurs. A la vie. A l’amour. Aux hasards et coïncidences. Et ce sont cette liberté et cette naïveté presque irrévérencieuses qui me ravissent. Dans la vie. Au cinéma. Dans le cinéma de Lelouch qui en est la quintessence. Vous l’aurez compris, je vous recommande ce voyage en Inde !

    En bonus, ma critique de "Itinéraire d'un enfant gâté" de Claude Lelouch

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    Le Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule (mon compte rendu complet, ici) permet aussi de revoir des classiques du cinéma. Parmi les nombreux classiques au programme (j’aurais aimé tous les revoir mais il a fallu faire des choix) figurait « Itinéraire d’un enfant gâté » de Claude Lelouch, un des plus grands succès du cinéaste datant de 1988, une projection d’autant plus riche en émotions que lui a succédé un échange passionnant avec Richard Anconina. Un film que j’ai choisi de mettre en parallèle avec une avant-première du festival, deux films qui ont en commun d’être des tours de manège, de nous raconter l’histoire d’hommes qui se choisissent une famille et dont les vies sont jalonnées de hasards et coïncidences. Deux films qui sont de magnifiques métaphores du cinéma qui permet de réinventer nos vies.

    Sam Lion (Jean-Paul Belmondo) a été élevé dans le milieu du cirque puis a dû faire une reconversion forcée comme chef d’entreprise. Mais la cinquantaine passée, il se lasse de ses responsabilités et de son fils, Jean-Philippe, dont la collaboration ne lui est pas d’un grand secours. Il décide d’employer les grands moyens et de disparaître en Afrique, après avoir simulé un naufrage lors de sa traversé de l’Atlantique en solitaire. Mais son passé va l’y rattraper en la personne d’Albert Duvivier (Richard Anconinia), un de ses anciens employés licencié qu’il retrouve par hasard en Afrique et qui le reconnaît…

    « Chaque homme est seul et tous se fichent de tous et nos douleurs sont une île déserte ». La citation d’Albert Cohen qui ouvre le film le place sous le sceau du pessimisme et de la solitude, impression  que renforce la chanson de Nicole Croisille qui ouvre le film. « Qui me dira, les mots d’amour qui font si bien, du mal ? Qui me tiendra, quand tu iras décrocher toutes les étoiles ? Qui me voudra, avec le nez rouge, et le cœur en larmes ? Qui m’aimera, quand je n’serai plus que la moitié d’une femme ? » La musique est reprise en chœur tandis qu’un petit garçon seul sur un manège attend désespérément sa mère. Un homme s’occupe de lui, découvre le carton qu’il a autour du cou et qui indique que sa mère l’a abandonné.  La musique épique, flamboyante, lyrique, accompagne ensuite les premières années et les numéros de cirque étourdissants qui défilent (sans dialogues juste avec la musique pour faire le lien) jusqu’à l’accident fatidique. Les flashbacks alternent avec les vagues sur lesquelles flotte le navire de Sam Lion, des vagues qui balaient le passé. Les premières minutes sont bouleversantes, captivantes, montées et filmées sur un rythme effréné, celui sur lequel Sam Lion (ainsi appelé parce qu’il a été élevé dans un cirque) va vivre sa vie jusqu’à ce qu’il décide de disparaître.

    Rares sont les films qui vous émeuvent ainsi, dès les premiers plans et qui parviennent à maintenir cette note jusqu’au dénouement. Pour y parvenir, il fallait la subtile et improbable alliance d’ une musique fascinante comme un spectacle de cirque, d’acteurs phénoménaux au sommet de leur art, de dialogues jubilatoires magistralement interprétés, un scénario ciselé, des paysages d’une beauté à couper le souffle, des histoires d’amour (celles qui ont jalonné la vie de Sam Lion, avec les femmes de sa vie, son grand amour décédé très jeune, sa seconde femme, sa fille Victoria pour qui il est un héros et un modèle et qui l’aime inconditionnellement, mais aussi celles d’Albert avec Victoria), jouer avec nos peurs (l’abandon, la disparition des êtres chers, le besoin de reconnaissance), nos fantasmes (disparaître pour un nouveau départ, le dépaysement) et les rêves impossibles (le retour des êtres chers disparus).

    Sam Lion va par hasard rencontrer un employé de son entreprise (entre temps il a construit un empire, une entreprise de nettoyage), ce jeune homme maladroit et qui manque de confiance en lui va devenir l’instrument de son retour et sa nouvelle famille.  Cela tombe bien : il commence à s’ennuyer.

    Peu à peu le puzzle de la vie et des déchirures de Sam Lion, grâce aux flashbacks, se reconstitue, celui des blessures de cet homme qui l’ont conduit à tout quitter, écrasé par les responsabilités sans avoir le temps de penser à ses blessures, ni de les panser, porté par la soif d’ailleurs, de vérité, de liberté.

    Alors bien sûr il y a la si célèbre et irrésistible scène du bonjour, toujours incroyablement efficace, tant la candeur d’Albert est parfaitement interprété par Anconina, tant la scène est magistralement écrite, tant les comédiens sont admirablement dirigés mais chaque scène (les acteurs sont filmés en gros plan, au plus près des émotions) sont des moments d’anthologie de comédie, d’humour, de poésie, d’émotion (parfois tout cela en même temps lorsque Victoria est conduite à son père grimé en pompiste et qu’on lui présente comme le sosie parfait de son père qu’elle croit mort, lors de la demande en mariage…) et toujours ces moments qui auraient pu être de simples saynètes contribuent à faire évoluer l’intrigue et à nous faire franchir un cran dans l’émotion, dans ces parfums de vérité qu’affectionne tant le réalisateur. Claude Lelouch ne délaisse aucun de ses personnages ni aucun de ses acteurs. Chacun d’entre eux existe avec ses faiblesses, ses démons, ses failles, ses aspirations. Et puis quelle distribution ! En plus des acteurs principaux : Marie-Sophie L, Michel Beaune, Pierre Vernier, Daniel Gélin.

    Jean-Paul Belmondo,  plusieurs années après « Un homme qui me plaît » retrouvait ici Claude Lelouch qui lui offre un de ses plus beaux rôles en lui faisant incarner  pour la première fois un homme de son âge au visage marqué par le temps mais aussi un personnage non moins héroïque. En choisissant Anconina pour lui faire face, il a créé un des duos les plus beaux et les plus touchants de l’histoire du cinéma.

    « Itinéraire d’un enfant gâté » est une magnifique métaphore du cinéma, un jeu constant avec la réalité : cette invention qui nous permet d’accomplir nos rêves et de nous faire croire à l’impossible, y compris le retour des êtres disparus. Belmondo y interprète l’un de ses plus beaux rôles qui lui vaudra d’ailleurs le César du Meilleur Acteur, césar que le comédien refusera d’aller chercher.

    On sort de la projection, bouleversés de savoir que tout cela n’était que du cinéma, mais avec la farouche envie de prendre notre destin en main et avec, en tête, la magnifique et inoubliable musique de Francis Lai : « Qui me dira… »  et l’idée que si « chaque homme est seul », il possède aussi les clefs pour faire de cette solitude une force, pour empoigner son destin. Et ce dernier plan face à l’horizon nous laisse à la fois bouleversés et déterminés à regarder devant, prendre le large ou en tout cas décider de notre itinéraire. Un grand film intemporel, réjouissant, poignant.

    A lire également sur ce blog, ma critique de l'excellent "Salaud on t'aime", en cliquant ici.

     

  • Compte rendu et palmarès du 1er Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule

    Cliquez sur l'image ci-dessous pour accéder à mon article sur mon site http://inthemoodforfilmfestivals.com.

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  • "Un homme et une femme" de Claude Lelouch

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    deauville2010.jpgJe poursuis ma semaine « Films romantiques » et après le concours vous permettant de gagner deux places pour l'avant-première de « L'Arnacoeur », après la programmation spéciale « L'amour fou » au cinéma Le Grand Action, après ma critique du « Quai des brumes » de Marcel Carné à l'occasion de sa projection au restaurant ciné-club Les Cinoches, je vous parle aujourd'hui du film romantique par excellence « Un homme et une femme » de Claude Lelouch en vous signalant d'abord au passage que le 14 février prochain, à 15h, le film sera exceptionnellement projeté à Deauville, au cinéma du Casino Barrière. La projection est gratuite et à réserver à l'office de tourisme sachant que le nombre de places est limité à 450. Vous pouvez également réserver par internet. Par ailleurs, ce 14 février, Claude Lelouch, en hommage au 150ème anniversaire de la ville de Deauville filmera tous les amoureux qui viendront s'embrasser sur la plage qu'il a rendue célèbre dans le monde entier (à midi, place Claude Lelouch).

    Je ne sais plus très bien si j'ai vu ce film avant d'aller à Deauville, avant que cette ville soit indissociablement liée à tant d'instants de mon existence, ou bien si je l'ai vu après, après que mon premier séjour à Deauville, il y a 17 ans, ait modifié le cours de mon « destin »... Toujours est-il qu'il est impossible désormais de dissocier Deauville du film de Claude Lelouch qui a tant fait pour sa réputation, « Un homme et une femme » ayant créé la légende du réalisateur comme celle de la ville de Deauville, et notamment sa réputation de ville romantique à tel point qu'il y a 4 ans, pendant le Festival du Cinéma Américain 2006, a été inaugurée une place Claude Lelouch, en sa présence et celle d'Anouk Aimée. J'étais présente ce jour-là et l'émotion et la foule étaient au rendez-vous.

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    Alors sans doute faîtes-vous partie de ceux qui adorent ou détestent Claude Lelouch, ses « instants de vérité », ses hasards et coïncidences. Rares sont ceux qu'il indiffère. Placez son nom dans une conversation et vous verrez. Quelle que soit la catégorie à laquelle vous appartenez, peut-être ce film « d'auteur » vous mettra-t-il d'accord...

    Le 13 septembre 1965, Claude Lelouch est désespéré, son dernier film ayant été un échec. Il prend alors sa voiture, roule jusqu'à épuisement en allant vers Deauville où il s'arrête à 2 heures du matin en dormant dans sa voiture. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture, étonné de la voir marcher avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera « Un homme et une femme ».

    Synopsis : Anne (Anouk Aimée), scripte, inconsolable depuis la mort de son mari cascadeur Pierre (Pierre Barouh), rencontre à Deauville, en allant chercher sa fille à la pension, un coureur automobile, Jean (Jean-Louis Trintignant), dont la femme s'est suicidée par désespoir. Jean raccompagne Anne à Paris. Tous deux sont endeuillés, et tous deux ont un enfant. C'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui s'aiment, se repoussent, se retrouvent et s'aiment encore...

     J'ai vu ce film un grand nombre de fois, tout à l'heure encore et comme à chaque fois, avec le même plaisir, la même émotion, le même sentiment de modernité pour un film qui date de 1966, étonnant pour un cinéaste dont beaucoup de critiques raillent aujourd'hui le classicisme. Cette modernité est bien sûr liée à la méthode Claude Lelouch d'ailleurs en partie la conséquence de contraintes techniques et budgétaires. Ainsi, Lelouch n'ayant pas assez d'argent pour tourner en couleurs tournera les extérieurs en couleurs et les intérieurs en noir et blanc. Le montage et les alternances de noir et blanc et de couleurs jouent alors habilement avec les méandres du temps et de la mémoire émotive, entre le présent et le bonheur passé qui ressurgit sans cesse.

    Je ne sais pas si « le cinéma c'est mieux que la vie » mais en tout cas Claude Lelouch fait partie de ceux dont les films et surtout « Un homme et une femme » nous la font aimer.  Rares sont les films qui donnent à ce point la sensation de voir une histoire d'amour naître et vibrer sous nos yeux, d'en ressentir -partager, presque- le moindre battement de cœur ou le moindre frémissement de ses protagonistes, comme si la caméra scrutait les visages et les âmes. Par une main qui frôle une épaule si subtilement filmée. Par le plan d'un regard qui s'évade et s'égare. Par un sourire qui s'esquisse. Par des mots hésitants ou murmurés. Par la musique éternelle de Francis Lai (enregistrée avant le film) qui nous chavire le cœur. Par une photographie aux accents picturaux qui sublime Deauville filmée avec une lumière nimbée de mélancolie, des paysages qui cristallisent les sentiments de Jean-Louis et d'Anne, fragile et paradoxalement impériale, magistralement (dirigée et) interprétée par Anouk Aimée. Rares sont les films qui procurent cette impression de spontanéité, de vérité presque. Les fameux « instants de vérité » de Lelouch.

    Et puis il y a le charme incomparable du couple Anouk Aimée/ Jean-Louis Trintignant, le charme de leurs voix, notamment quand Jean-Louis Trintignant prononce « Montmartre 1540 ». Le charme et la maladresse des premiers instants cruciaux d'une histoire d'amour quand le moindre geste, la moindre parole peuvent tout briser. Et puis ces plans fixes, de Jean-Louis dans sa Ford Mustang (véritable personnage du film), notamment lorsqu'il prépare ce qu'il dira à Anne après qu'il ait reçu son télégramme. Et puis ces plans qui encerclent les visages et en capturent la moindre émotion. Ce plan de cet homme avec son chien qui marche dans la brume et qui  fait penser à Giacometti (pour Jean-Louis). Tant d'autres encore...

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     Avec « Un homme et une femme » Claude Lelouch a signé une histoire intemporelle, universelle avec un ton très personnel et poétique. La plus simple du monde et la plus difficile à raconter. Celle de la rencontre d'un homme et une femme, de la rencontre de deux solitudes blessées. Il prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.

    Alors pour reprendre l'interrogation de Jean-Louis dans le film citant Giacometti « Qu'est-ce que vous choisiriez : l'art ou la vie » Lelouch, n'a certainement pas choisi, ayant réussi a insufflé de l'art dans la vie de ses personnages et de la vie dans son art. Voilà c'est de l'art qui transpire la vie.

    Alors que Claude Lelouch a tourné sans avoir de distributeur, sans même savoir si son film sortirait un jour, il obtint la palme d'or à Cannes en 1966, l'oscar du meilleur film étranger et celui du meilleur scénario et 42 récompenses au total et aujourd'hui encore de nombreux touristes viennent à Deauville grâce à « Un homme et une femme », le film, mais aussi sa musique mondialement célèbre. Vingt ans après, Claude Lelouch tourna une suite « Un homme et une femme 20 ans déjà » réunissant à nouveau les deux protagonistes. Je vous en parle très bientôt.

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    photo de Deauville ci-dessus: inthemoodforcinema.com