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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Juste une petite vidéo à nouveau de Jane Fonda (retrouvez toutes celles de la master class en cliquant ici), cette fois du cocktail donné en son honneur en présence de la Présidente du Festival Paris Cinéma Charlotte Rampling, de Daniel Brühl, de Guy Bedos, de Géraldine Chaplin, de Rosanna Arquette et de quelques autres...
Au programme de ma journée d’hier, en plus de la passionnante master class de Jane Fonda, deux avant-premières : « Amore » de Luca Guadagnino et « Les Amours imaginaires » de Xavier Dolan (dont je vous parlerai ultérieurement mais que je vous recommande d’ores et déjà). Pour la première avant-première publique du festival, les organisateurs nous avaient réservé une belle surprise avec ce film italien qui débute dans la demeure des Recchi, grande famille industrielle lombarde, à l’heure d’un tournant pour la famille puisque le fondateur de l’entreprise lègue l’affaire familiale à son fils Tancredi et à l’un de ses petits fils, Edouardo. Emma (Tilda Swinton), l’épouse de Tancredi, qui l’a épousé des années auparavant pour échapper à sa vie en Russie, rencontre Antonio, un cuisinier, ami de son fils par lequel elle va être immédiatement attirée…
Dès les premiers plans : la ville de Milan alors inhabituellement grisâtre et enneigée, ce repas aux rituels et au rythme d’un autre temps, les plans silencieux et les couloirs interminables qui évoquent la monotonie suffocante de l’existence d’Emma…, Luca Guadagnino nous plonge dans une atmosphère d’une intemporelle étrangeté. Elégante, digne, laissant à peine affleurer sa mélancolie, Emma semble être à la fois présente et absente, un peu différente (malgré son souci apparent des conventions sociales). Sa rencontre avec Edouardo, et d’abord avec sa cuisine filmée avec sensualité qu’elle déguste avec gourmandise, va progressivement la transformer. Une passion irrépressible va s’emparer d’elle : pour cette cuisine qui réveille ses sens et pour Antonio, le jeune cuisinier.
« Amore » est un film foisonnant : de références, de sensations, d’intentions, de styles. Brillantes références puisque « Amore » cite ostensiblement «Le Guépard » de Visconti que ce soit par le nom d’un des personnages « Tancredi » qui rappelle Tancrède (le personnage d’Alain Delon dans « Le Guépard ») , la famille Recchi rappelant celle des Salina, mais aussi par l’opportunisme et la fin d’une époque que symbolise Tancredi qui vend son entreprise pour cause de globalisation à des Indiens pour qui « Le capitalisme c’est la démocratie » tout comme le Prince de Salina laissait la place à Tancrède et à une nouvelle ère dans « Le Guépard ». A ce capitalisme cynique et glacial s’oppose la cuisine généreuse et colorée par laquelle Emma est tellement séduite.
Puis de Visconti nous passons à Hitchcock. Le film glisse progressivement vers un autre genre. La musique de John Adams se fait plus présente, la réalisation plus nerveuse. Emma arbore un chignon rappelant celui de Kim Novak dans « Vertigo » auquel une scène fait explicitement référence. La neige laisse place à un éblouissant soleil. Emma est transfigurée, libérée, moins lisse mais enfin libre comme sa fille qui comme elle échappera aux archaïques principes familiaux et sera transformée par l’amour.
Malgré ses maladresses (métaphore florale un peu trop surlignée à laquelle Jean Renoir –comme bien d’autres- avait déjà pensé dans « Une Partie de campagne »), ce film m’a littéralement happée dans son univers successivement étouffant puis lumineux, elliptique et énigmatique et même onirique. Il est porté par Tilda Swinton, qui interprète avec retenue et classe ce personnage mystérieux que la passion va faire revivre, renaitre, retrouver ses racines, sa personnalité enfouies et par la richesse de son personnage qui va se libérer peu à peu de toutes contraintes : vestimentaires, physiques, familiales, sociales.
De chronique sociale, le film se transforme en thriller dont on sait le drame imminent mais qui ne nous surprend pas moins. Les dix dernières minutes sont réellement sublimes et d’une intensité inouïe. Riches de symboles (comme cette chaussure que Tancrèdi remet à Emma, la renvoyant à cette contrainte sociale, alors que Edouardo lui avait enlevé avec sensualité l’y faisant échapper), de douleurs sourdes (d’Emma mais aussi du troisième enfant de la famille, que la caméra comme le reste de la famille tient à l’écart), de révoltes contenues que la musique (qui rappelle alors celle d’Hermann dans les films d’Hitchcock), les mouvements de caméra saccadés, les visages tendus portent à leur paroxysme, nous faisant retenir notre souffle.
La caméra d’abord volontairement distante puis sensible puis sensuelle de Guadagnino épouse les atermoiements du cœur d’Emma et crée intelligemment une empathie du spectateur pour cette dernière. Un film de sensations (visuelles, sonores -que ce soit dans l’utilisation judicieuse de la musique ou des silences-, et presque gustatives) visuellement magnifique, envoûtant, sensible, sensuel, onirique, prenant, l’œuvre d’un cinéphile et d’un cinéaste qui nous enserre dans son univers avec une rare maestria. A voir absolument.
Hier après-midi avait lieu le deuxième grand événement de ce Festival Paris Cinéma 2010, après l’ouverture avec Woody Allen : la master class de Jane Fonda. La petite rue Champollion où se trouve la Filmothèque du Quartier Latin et où se déroulait la master class a connu hier une fébrilité inhabituelle. C’est dans une petite salle chaleureuse et intime sous le regard bienveillant d’un portrait warholien de Marylin que s’est ainsi déroulée cette master class. Jane Fonda est arrivée avec… sa silhouette longiligne, son regard pétillant et… son petit chien dans les bras, accompagnée de son compagnon avant de s’asseoir aux côtés de Fabrice Leclerc, rédacteur en chef de Studio CinéLive qui a dirigé l’interview. En quelques secondes le ton était donné : celui d’un humour décapant, d’un regard lucide et souvent ironique sur le milieu du cinéma (et surtout sur elle-même !), d’une véritable interaction avec le public et d'une énergie débordante. Une actrice aussi généreuse, malicieuse que talentueuse dotée d’une franchise salutaire et d’un humour et d’une bonne humeur communicatifs qui semblait réellement heureuse d’être là mais aussi une actrice engagée qui surtout ne veut pas être mise dans une case, elle a bien raison tant elle est unique et inclassable. Un moment rare. Une comédienne dans tous les (bons) sens du terme, s’inquiétant malicieusement de la lumière, ironisant sur son compagnon, demandant des nouvelles de son chien pendant la master class, passant du Français (qu’elle parle impeccablement) à l’Anglais. Jane Fonda a tourné avec les plus grands ( Cukor, Vadim, Penn, Pollack, Losey, Pakula, A.Penn…), le sujets ne manquaient donc pas.
Dans les vidéos ci-dessous (10 vidéos seront bientôt en ligne, vous en trouverez la première partie ci-dessous), vous l’entendrez parler (toujours avec beaucoup d’humour) du film qu’elle tourne actuellement en France et de ses partenaires dans le film, de Roger Vadim, de Marlon Brando, d’Alain Delon, du cinéma français, du cinéma américain, de son père Henri Fonda, de ses engagements contre la guerre au Vietnam… et de bien d’autres sujets. Je vous conseille vraiment de les regarder ! Pour le reste en voici un petit résumé ci-dessous :
Jane Fonda a d’abord évoqué le film qu’elle tourne actuellement en France, précisant qu’elle l’avait accepté sans lire le scénario (pour les acteurs !), un film sur la vieillesse a-t-elle précisé. Elle est ensuite revenue sur ses débuts disant qu’elle était devenue actrice « par hasard », qu’elle ne voulait pas être actrice mais qu’elle ne savait pas quoi faire pour gagner sa vie. Elle a également dit toute son admiration pour son père Henri Fonda que ce soit « en tant qu’acteur, être humain ou peintre », son père avec qui elle a tourné dans « La Maison du lac ». Elle a ainsi évoqué les difficultés pour monter le film car « personne ne voulait d’un film avec un couple de vieux » et c’est finalement ce film qui a permis à Henri Fonda d’obtenir un Oscar à la toute fin de sa carrière. Elle a ensuite évoqué Cukor pour qui elle a, selon elle, tourné « dans de mauvais films ». Elle a ensuite parlé de « Barbarella », film pour lequel elle était le « troisième choix après Brigitte Bardot et Sophia Lauren ». A la question sur les raisons pour lesquelles elle accepte un rôle, avec beaucoup d’humour … et d’honnêteté elle a répondu : « parfois c’est le scénario, parfois c’est le besoin d’argent qui fait accepter un film », « Ce que j’aime au cinéma c’est qu’on n’est pas seuls ». A propos de sa filmographie dans les années 80 : « Je manquais de foi, j’ai décidé d’arrêter. Je voulais être activiste tout le temps. J’étais tellement malheureuse que je ne pouvais plus continuer à jouer. C’est difficile quand on a mon âge de recommencer ». Sur une question sur ce qu’elle aime dans le cinéma Français, elle parlé de Truffaut, de Lelouch (citant « Un homme et une femme »), de Simone Signoret, de Renoir (citant « La Règle du jeu »). Quant à Hollywood selon elle « il y a de moins en moins de bons films car ils prennent de moins en moins de risques. C’est maintenant la télévision qui prend des risques ». Le cinéma est loin d’être toute sa vie : « J’ai autre chose dans la vie : j’écris des livres, j’ai un ami, j’ai un chien, je voyage, je milite… ». Elle a enfin évoqué la guerre du Vietnam, notamment la photo qui avait fait scandale (celle où elle posait sur un char anti-missiles vietnamien) disant que c’était à l’époque « un manque complet de jugement » qu’elle « regrette énormément. » Pour tout le reste de son engagement qui a parfois été (mal) interprété comme de l’anti-américanisme elle dit avoir été « très contente d’avoir fait ça ».
Si vous n’avez pas ou assister à la master class, sachez que vous pourrez retrouver Jane Fonda ce soir, au MK2 Bibliothèque pour la Projection en sa présence de « Klute » d'Alan J. Pakula le dimanche 4 juillet à 19h30 et regardez les vidéos ci-dessous !
1970 : nomination en tant que meilleure actrice, On achève bien les chevaux
1971 : meilleure actrice, Klute
1978 : nomination en tant que meilleure actrice, Julia
1978 : meilleure actrice, Le Retour
1980 : nomination en tant que meilleure actrice, Le Syndrome chinois
1982 : nomination en tant que meilleure actrice de soutien, La Maison du lac
1987 : nomination en tant que meilleure actrice, Le Lendemain du crime
Golden Globes :
1961 : actrice au meilleur potentiel
1971 : meilleure actrice dans un film (drame), Klute
1972 : actrice mondialement favorite
1977 : meilleure actrice dans un film (drame), Julia
1978 : actrice mondialement favorite
1978 : meilleure actrice dans un film (drame), Le Retour
Autres
1984, Emmy Awards, The Dollmaker
Filmographie
1960 : La Tête à l'envers (Tall Story) de Joshua Logan : June Ryder
1962 : La Rue chaude (Walk on the Wild Side) d'Edward Dmytryk
1962 : Les Liaisons coupables (The Chapman Report) de George Cukor
1962 : L'École des jeunes mariés (Period of Adjustment) de George Roy Hill
1963 : Dans la douceur du jour (In the Cool of the Day) de Robert Stevens
1963 : Un dimanche à New York (Sunday in New York) de Peter Tewksbury
1964 : Les Félins de René Clément : Melinda
1964 : La Ronde de Roger Vadim
1965 : Cat Ballou d'Elliot Silverstein
1966 : La Poursuite impitoyable (The Chase) d'Arthur Penn
1966 : La Curée de Roger Vadim
1966 : Chaque mercredi (Any Wednesday) de Robert Ellis Miller
1967 : Pieds nus dans le parc (Barefoot in the Park) de Gene Saks
1967 : Que vienne la nuit (Hurry Sundown) d'Otto Preminger
1968 : Histoires extraordinaires, sketch Metzengerstein de Roger Vadim : la comtesse Frederica
1968 : Barbarella de Roger Vadim : Barbarella
1968 : On achève bien les chevaux (They Shoot Horses, Don't They?) de Sydney Pollack
1971 : Klute de Alan J. Pakula
1972 : Tout va bien de Jean-Luc Godard, Jean-Pierre Gorin
1972 : F.T.A de Francine Parke
1973 : Steelyard blues d'Alan Myerson
1973 : Maison de poupée (A Doll's House) de Joseph Losey
1973 : We Can't go Home Again
1976 : L'Oiseau bleu (The Blue Bird) de George Cukor
1977 : Touche pas à mon gazon (Fun with Dick and Jane) de Ted Kotcheff
1977 : Julia de Fred Zinnemann
1978 : Le Retour (Coming Home) d'Hal Ashby
1978 : Le Souffle de la tempête (Comes a Horseman) d'Alan J. Pakula
1978 : California Hôtel (California Suite) d'Herbert Ross
1980 : Le Cavalier électrique (The Electric Horseman) de Sydney Pollack
1979 : Le Syndrome chinois (The China Syndrome) de James Bridges
1980 : Comment se débarrasser de son patron (Nine to Five|9 to 5) de Colin Higgins
1981 : La Maison du lac (On Golden Pond) de Mark Rydell
1981 : Une femme d'affaires (Rollover) d'Alan J. Pakula
1984 : Les Poupées de l'espoir (The dollmaker) de Daniel Petrie (TV) : Gertie Nevels
1985 : Agnès de Dieu (Agnes of God) de Norman Jewison
1986 : Le Lendemain du crime (The Morning After) de Sidney Lumet
1987 : Leonard Part 6
1989 : Old Gringo de Luis Puenzo
1990 : Stanley & Iris de Martin Ritt
1990 : Mandela in America
1994 : A Century of Cinema
2002 : Searching for Debra Winger de Rosanna Arquette (documentaire)
2005 : Sa mère ou moi ! (Monster-in-Law) de Robert Luketic
2007 : Georgia Rule de Garry Marshall
Tell Them Who You Are (produit en 2004, pas de date de sortie annoncée)
Autobiographie
Jane Fonda, Ma vie (traduit de l'anglais (États-Unis) par Marie-Hélène Dumas). Paris : éditions Plon, 2005. 590 pp.-[48] pp. de pl., 24 cm. ISBN 2-259-20281-0. Titre original : My life so far.
Ma sélection Paris Cinéma du jour :
Aujourd’hui, ne manquez pas « Klute » d’Alan J.Pakula, à 19H30, au MK2. Vous pouvez également assister à l’avant-première de « L’Age de raison » de Yann Samuell, à 19H, au Gaumont Opéra Capucines, présenté par le réalisateur et en présence de la comédienne Sophie Marceau. Par ailleurs, la compétition débute aujourd'hui avec le film roumain "If I want to whistle, I whistle" de Florin Serban. (à 21H, au mk2 Bibliothèque).
A suivre: mes critiques des deux excellents films vus hier: "Amore" de Luca Guadagnino et "Les Amours imaginaires" de Xavier Dolan.
C'est aujourd'hui que commence officiellement le Festival Paris Cinéma après la "première ouverture" en fanfare avec Woody Allen, jeudi.
Pour ma part, j'irai voir la master class de Jane Fonda, d'ores et déjà complète mais vous pourrez vous consoler avec le sublime "On achève bien les chevaux" de Sydney Pollack qu'elle présentera à 19H ce soir et dimanche 4 à 19h30 vous pourrez également la retrouver à l'occasion de la projection de "Klute", thriller magistral d'Alan J. Pakula. (le tout à la Filmothèque du Quartier Latin)
J'essaierai ensuite d'enchaîner (au mk2 Bibliothèque)avec l'avant-première d' "Amore" de Luca Guadagnigno en présence des comédiennes "Tilda Swinton et Marisa Berenson et j'enchaînerai ensuite avec "Les Amours imaginaires" de Xavier Dolan présenté par la comédienne Suzanne Clément.
Au programme également aujourd'hui: "De 20h au petit matin (au Forum des images) : la Nuit du Cinéma explore les penchants les plus tabous du 7e Art, avec 4 programmes transgressifs, inventifs, décalés et toujours jubilatoires, autour de Koji Wakamatsu, Joe Sarno, l'Ozploitation et les films inédits de One Piece."
Egalement au programme de ce jour: d'ores et déjà de nombreux films japonais.
En attendant la master class de M.Night Shyamalan à 18h vendredi au Gaumont Opéra et l'avant-première du "Dernier maître de l'air" samedi à 20H également au Gaumont Opéra (renseignements sur http://www.pariscinema.org) voici deux extraits du making of!
Hier soir, au cinéma Gaumont Opéra, avait lieu l’ouverture du Festival Paris Cinéma 2010 avec, en plus de la Présidente du festival Charlotte Rampling et du Maire de Paris, un invité de marque : Woody Allen, actuellement en tournage à Paris, venu présenter « Vous aller rencontrer un bel et sombre inconnu » ( « You will meet a tall dark stranger »), en présence également de Marisa Berenson, Hippolyte Girardot, Rosanna Arquette entre autres invités du festival. N’ayant pas été autant enthousiasmée par ce film-ci que par les précédents Woody Allen lors de ma première vision de celui-ci au dernier Festival de Cannes dans le cadre duquel le film était présenté hors compétition, je redoutais l’ennui d’une deuxième projection.
Est-ce le plaisir d’avoir vu et entendu Woody Allen présenter le film- en Français s'il vous plaît- (cf vidéo n°4 ci-dessous) avec, à l’image de ce qui imprègne ses films, un humour noir et décalé pudiquement et intelligemment dissimulé derrière une apparente légèreté ? Est-ce le plaisir de débuter ces 14 jours d’immersion festivalière en joyeuse compagnie ? Toujours est-il que j’ai été totalement charmée par ce « You will meet a tall dark stranger », davantage que lors de la première vision, la frénésie cannoise et l’accumulation de projections ne permettant peut-être pas toujours de vraiment déguster les films.
Moins concentrée sur l’intrigue que je connaissais déjà (voir ma critique du film en bas de cet article), j’ai pu focaliser mon attention sur tout ce qui fait des films de Woody Allen des moments uniques et de l’ensemble de son cinéma un univers singulier. J’ai été envoûtée par la photographie lumineuse et même chaleureuse comme un écho visuel à cette légèreté avec laquelle Woody Allen voile pudiquement la gravité de l’existence. Le jeu des acteurs (et la direction d’acteurs) m’a bluffée (avec une mention spéciale pour Lucy Punch, irrésistible) ou comment dans un même plan fixe avec deux comédiens, grâce à son talent de metteur en scène, de directeur d’acteurs et de dialoguiste il fait passer une multitude d’émotions et rend une scène dramatique irrésistiblement drôle ou une scène comique irrésistiblement dramatique, parfois les deux dans le même plan. L’art du montage et du récit, ou comment en quelques plans d’une fluidité remarquable, il parvient à nous raconter une rencontre qui préfigure l’avenir des personnages. Le mélange de lucidité et de tendresse, sur ses personnages et la vanité de l’existence. Les dialogues savoureux, tendrement cyniques. Une sorte de paradoxe que lui seul sait aussi brillamment manier : un pessimisme joyeux. Une lucidité gaie.
Woody Allen n’a décidément pas son pareil pour nous embarquer et pour transformer le tragique de l’existence en comédie jubilatoire. En ressortant du cinéma, après ce régal cinématographique, l’air de Paris était à la fois lourd et empreint d’une clarté éblouissante et de rassurantes illusions comme un écho à la gravité légère de Woody Allen à l’image de laquelle, je l’espère, seront ces 13 jours de festival. A suivre !
Ci-dessous ma critique de « You will meet a tall dark stranger » suite à la projection cannoise:
Fidèle à son habitude Woody Allen a préféré le confort d'une sélection hors compétition aux « risques » de la compétition. Lui qui faisait pourtant l'apologie de la chance dans « Match point » ne semble pas être si confiant en la sienne. Pour une fois, il n'a peut-être pas eu totalement tort... Après sa remarquable trilogie britannique ( « Match point » -qui reste pour moi la perfection scénaristique-, « Scoop », « Le Rêve de Cassandre »), après son escapade espagnole avec « Vicky Barcelona », Woody Allen était déjà revenu aux Etats-Unis avec le très réussi « Whatever works », il revient donc à nouveau à Londres (on retrouve aussi un air d'opéra qui nous rappelle « Match point »), cette fois pour une comédie.
Synopsis : les amours croisés de différents personnages tous à une époque charnière de leurs existences qui aimeraient tous avoir des illusions sur leur avenir et d'une certaine manière croire qu'ils vont rencontrer un mystérieux inconnu (a tall dark stranger) comme le prédit Cristal la voyante de l'une d'entre eux. Avec : Josh Brolin, Naomi Watts, Anthony Hopkins, Antonio Banderas, Freida Pinto (« Slumdog Millionaire »)...
Même un moins bon film de Woody Allen comme l'est celui-ci (mais on peut bien lui pardonner avec les films brillants qu'il a accumulés ces derniers temps) reste un moment savoureux avec des dialogues rythmés et caustiques et une mise en scène toujours alerte et astucieuse et de très beaux plans séquences.
« C'est la vitalité » disait François Truffaut du cinéma de Claude Sautet. Il aurait sans doute également pu attribuer ce terme au cinéma de Woody Allen. Cette vitalité, cette apparente légèreté cherchent pourtant comme toujours à dissimuler et aborder la fragilité de l'existence que ce soit en évoquant la mort avec une pudique désinvolture (certes ici prétexte à des scènes de comédie) ou la pathétique et touchante course contre le temps (remarquable Anthony Hopkins, ici sorte de double du cinéaste qui s'amourache d'une jeune « actrice » qu'il épouse).
Woody Allen croque ses personnages à la fois avec lucidité et tendresse pour nous donner une sorte de conte sur la manière de s'arranger avec la vanité de l'existence, qu'importe si c'est avec des illusions. Ce film illustre à nouveau très bien cette lucide phrase du cinéaste citée par Kristin Scott Thomas lors de l'ouverture du festival (« L'éternité, c'est long ... surtout vers la fin »).
Une fantaisie pétillante beaucoup moins légère qu'elle n'en a l'air mais aussi moins pessimiste puisque chacun trouvera un (certes fragile) nouveau départ, le tout illuminé par une très belle photographie et des acteurs lumineux. Vous auriez tort de vous en priver !
Je ne pouvais pas ne pas vous parler du programme du Festival de Lyon 2010 dont la programmation me paraît au moins aussi passionnante que celle de l'an passé. Je commence par ce qui m'intéresse le plus. Après la projection à Cannes du sublissime "Guépard" de Visconti en version restaurée (qui donna lieu à un moment magique que je vous ai raconté ici et là), le Festival de Lyon a décidé de rendre hommage au cinéaste italien avec une intégrale Luchino Visconti.
Ci-dessus, photo Inthemoodforcinema.com lors de la présentation du "Guépard" en copie restaurée, dans le cadre duFestival de Cannes 2010
Après Clint Eastwood l'an passé, cette année c'est à Milos Forman que sera attribué le prix Lumière. Une section sera consacrée au cinéma français oublié avec le cinéma de Raymond Bernard, une autre sera consacrée à des raretés américaines des années 1970. Le cinéma de Dario Argento (en sa présence) sera également à l'honneur. Un hommage sera rendu à Anthony Quinn en présence de sa femme et des membres de la Anthony Quinn Foundation avec une projection de "Zorba le Grec" dans une version restaurée par la Fox. Jean-Louis Trintignant viendra présenter le premier des deux films qu'il a réalisés ("Une journée bien remplie" 1972). Des classiques du cinéma français des années 60 à aujourd'hui seront projetés en présence de leurs réalisateurs comme "Z" de Costa-Gavras. Le best of restaurations 2010 permettra notamment de (re)voir "Le Tambour" de Volker Schlöndorff. Enfin vous pourrez redécouvrir des classiques ressortis en salles en copies neuves comme "La chatte sur un toit brûlant" de Richard Brooks. Bref, un programme vraiment riche et passionnant qui me donne vraiment envie d'aller à Lyon du 4 au 10 octobre. Je vous en reparlerai évidemment plus en détails prochainement.