Avant-première: "Largo Winch" de Jérôme Salle (bande-annonce)
Dès cet après-midi, retrouvez ma critique de "Largo Winch" de Jérôme Salle et mon compte rendu du débat avec l'équipe du film. En attendant, visionnez la bande annonce ci-dessous.
En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Dès cet après-midi, retrouvez ma critique de "Largo Winch" de Jérôme Salle et mon compte rendu du débat avec l'équipe du film. En attendant, visionnez la bande annonce ci-dessous.
Cette critique (réécrite et complétée depuis) a été publiée lors de la projection de « Two lovers » en compétition du 61ème Festival de Cannes et est extraite de mon autre blog « In the mood for Cannes ».
James Gray, malgré sa jeune carrière, est déjà un habitué de la Croisette puisqu’il y avait déjà présenté « The Yards » il y a 8 ans, et puisque « La nuit nous appartient », son polar familial, sombrement poétique, était en compétition officielle l’an passé. (Cliquez ici pour lire ma critique de « La Nuit nous appartient » de James Gray.)
New York. Un homme, Léonard Kraditor (Joaquin Phoenix), hésite entre suivre son destin et épouser la femme que ses parents ont choisie pour lui, Sandra (Vinessa Shaw), ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, belle et volage, Michelle (Gwyneth Paltrow) dont il est tombé éperdument amoureux.
Ce film aurait pu s’intituler comme un film de Sautet, « Une histoire simple », une histoire simple qui nous parle de raison et de sentiments, d’être forts et fragiles, d’un amour dévastateur et irrépressible, dans une ville que le cinéma a tant de fois arpentée, dépeinte, sublimée, dont on redécouvre ici la bouleversante mélancolie. Il n’y a finalement rien de plus compliqué que de raconter une histoire simple, de la transcender par la sensibilité et le talent de son auteur…
L’intérêt du film provient davantage des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses, que du scénario relativement prévisible ou de la réalisation qui l’épouse et, ainsi, le sublime…et pourtant, même si James Gray est plus habitué au polar, il règne ici une tension palpable liée au désir qui s’empare du personnage principal magistralement interprété par Joaquin Phoenix (que James Gray a ici choisi pour la troisième fois pour interpréter le personnage principal de son film) avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion même, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente : un sérieux prétendant au prix d’interprétation !
Ce dernier interprète le personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (à travers le regard duquel nous suivons l’histoire : il ne quitte jamais l’écran), un homme, atteint d'un trouble bipolaire (mais ce n'est pas là le sujet du film, juste là pour témoigner de sa fragilité) qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes : Michelle, sa nouvelle voisine incarnée par Gwyneth Paltrow, et Sandra, la fille d’amis de ses parents campée par l’actrice Vinessa Shaw. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard va balancer…
Léonard éprouve un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Ces « Two lovers » comme le titre nous l’annonce et le revendique d’emblée ausculte la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’accepte pas, broie les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister, de ne pas trouver « la mélodie du bonheur ».
Par des gestes, des regards, des paroles esquissées ou éludées, James Gray dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne (encore un plan derrière des barreaux, en l’occurrence de Gwyneth Paltrow, décidément le cinéma et ceux qu’il dépeint a cette année soif de liberté et d’évasion, décidément le monde n’a jamais été aussi ouvert et carcéral), exalte et détruit.
James Gray s’est ainsi inspiré d’une nouvelle de Dostoïevski intitulée « Nuits blanches » sur un homme qui développe un amour platonique et une véritable obsession pour une femme qu’il rencontre dans la rue.
James Gray a délibérément choisi une réalisation élégamment discrète et maîtrisée, et à l’image du scénario : pudique (ou lisse, c’est selon). Même si le dénouement est relativement prévisible, le regard de Joaquin Phoenix est suffisamment intense pour ne pas nous lâcher jusqu’à la dernière seconde, nous émouvoir même, malgré tout. James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages (Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père…).
Un thriller intime qui exalte et respire la beauté déchirante d'un amour contrarié. Un film d’une tendre cruauté qui dépeint magnifiquement une douloureuse histoire d’amour entre des êtres au bord du gouffre, sur le fil. Un film poignant d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur (de moi en tout cas). Irrépressiblement. Magnifiquement.
James Gray avec ces « Two lovers » a réinventé la comédie romantique, magnifié une histoire simple, nous donnant presque à ressentir les battements de cœur tourmentés de ses protagonistes, signant un film lumineux et douloureux, intense et inoubliable, profond et mélancolique… comme une nouvelle de Dostoïevski,.
Sortie en salles : le 19 novembre 2008
Sandra.M
Demain débutera la 8ème édition du Festival International du Film de Marrakech, un Festival auquel je ne serai pas, cette année du moins, même si l’aventure me tenterait bien pour l’année prochaine…
En attendant, je vous invite à découvrir l’alléchante programmation de ce Festival qui se déroulera dans un cadre idyllique, à Marrakech donc, du 14 au 22 novembre 2008. En 8 ans, ce Festival a réussi à s’imposer comme un des grand festivals de cinéma internationaux.
Au programme : une compétition de longs-métrages internationaux, un hommage au cinéma britannique grâce à la section « 40 ans de cinéma britannique », des flashbacks consacrés à Hitchcock, Losey et Kubrick, des hommages consacrés à Michelle Yeoh, Sigourney Weaver, à la Russie d’Andrei Konchalovsky et au meilleur de Youssef Chahine, une cérémonie d’hommage aux 50 ans de cinéma marocain...
« What juste happened » de Barry Levinson fera l’ouverture du Festival.
« 8 » de Jane Campion, Mira Nair, Gael Garcia Bernal, Jan Kounen, Gaspar Noé, Abderrahmane Sissako, Gus Van Sant & Wim Wenders en assurera la clôture.
D’autres films seront projetés hors compétition parmi lesquels « Far North » de Asif Kapadia dont je vous avais parlé lors de sa projection en compétition du Festival du Film Britannique de Dinard 2007 ou encore « Pour elle » de Fred Cavayé ou « The Duchess » de Saul Dibb, actuellement à l’affiche en France.
La section « Coups de cœur » propose également des films internationaux comme « Hunger » de Steve Mc Queen projeté dans la section Un Certain Regard du Festival de Cannes 2008 (cliquez ici pour en lire ma critique).
Le jury est présidé par Barry Levinson et est composé de : Agusti Villaronga, Ghita El Khayat, Hugh Hudson, Joaquim de Almeida, Mariama Barry, Natacha Régnier, Sébastien Koch, Caterina Murino
Le Public Système Cinéma (qui organise également le Festival du Cinéma Américain de Deauville, le Festival du Film Asiatique de Deauville, et prochainement le Festival du Film Policier de Beaune…) en assure la direction artistique et la co-organisation.
Ce festival particulièrement ouvert sur les cinémas du monde entier semble s’inscrire dans cette définition du cinéma de François Truffaut reprise par Bruno Barde, le directeur artistique du festival, dans son édito : « Un bon film est un film qui donne à la fois une vision du monde et une vision du cinéma ».
Les projections dans certaines salles de cinéma de la ville sont accessibles simplement sur achat d’un ticket, en revanche l’accès aux projections au palais des festivals est réservé aux badges et invitations.
Site internet officiel du Festival International du Film de Marrakech : http://www.festivalmarrakech.info/
Le blog officiel du Festival de Marrakech: http://www.limage.info/fifm/
Si vous avez eu la chance d’y assister et/ou si vous assisterez cette année à ce festival, n’hésitez pas à laisser votre compte rendu et vos commentaires suite à cet article.
Sandra.M
François Truffaut, avec Alain Resnais, Claude Sautet, Woody Allen, Alfred Hitchcock fait partie de ces cinéastes dont j’aime tous les films sans exceptions. J’ai d’abord découvert « Le Dernier Métro », « La Femme d’à côté », « L’Histoire d’Adèle.H », « La Mariée était en noir » avant la série des Antoine Doinel, puis « La Peau douce » et je me souviens encore à quel point « La Femme d’à côté » m’avait marquée la première fois. Je l’ai revu bien souvent depuis et notamment avant-hier, à l’occasion de sa rediffusion sur Arte. Cette critique est la première d’une série que je consacrerai au cinéaste.
Bernard Coudray (Gérard Depardieu) et Mathilde Bauchard (Fanny Ardant) se sont connus et aimés follement, passionnément, douloureusement, et séparés violemment, sept ans plus tôt. L’ironie tragique du destin va les remettre en présence lorsque le mari de Mathilde, Philippe Bauchard (Henri Garcin), qu’elle a récemment épousé, lui fait la surprise d’acheter une maison dans un hameau isolé, non loin de Grenoble, dans la maison voisine de celle qu’occupent Bernard, son épouse Arlette (Michèle Baumgartner), et leur jeune fils. (Une fenêtre sur cour que l’admirateur et grand connaisseur d’Hitchcock qu’était Truffaut n’a d’ailleurs certainement pas choisie innocemment.) Bernard et Mathilde taisent leur passé commun à leurs époux respectifs et vont bientôt renouer avec leur ancienne passion.
A mon sens, personne d’autre que Truffaut n’a su aussi bien transcrire les ravages de la passion, sa cruauté sublime et sa beauté douloureuse, cette « joie » et cette « souffrance » entremêlées. Si : dans un autre domaine, Balzac peut-être, dont Truffaut s’est d’ailleurs inspiré, notamment pour « Baisers volés » (« Le Lys dans la vallée ») ou « La Peau douce » (Pierre Lachenay y donne ainsi une conférence sur Balzac). L’amour chez Truffaut est en effet presque toujours destructeur et fatal.
La femme d’à côté est cette étrange étrangère au prénom d’héroïne de Stendhal, magnifiquement incarnée par la classe, l’élégance, le mystère, la voix ensorcelante et inimitable de Fanny Ardant, ici impétueuse et fragile, incandescente, ardente Fanny.
Truffaut dira ainsi : "J'ai volontairement gardé les conjoints à l'arrière-plan, choisissant d'avantager un personnage de confidente qui lance l'histoire et lui donne sa conclusion : "Ni avec toi, ni sans toi ". De quoi s'agit-il dans la "La Femme d'à côté" ? D'amour et, bien entendu, d'amour contrarié sans quoi il n'y aurait pas d'histoire. L'obstacle, ici, entre les deux amants, ce n'est pas le poids de la société, ce n'est pas la présence d'autrui, ce n'est pas non plus la disparité des deux tempéraments mais bien au contraire leurs ressemblances. Ils sont encore tous deux dans l'exaltation du "tout ou rien" qui les a déjà séparés huit ans plus tôt. Lorsque le hasard du voisinage les remet en présence, dans un premier temps Mathilde se montre raisonnable, tandis que Bernard ne parvient pas à l'être. Puis la situation, comme le cylindre de verre d'un sablier, se renverse et c'est le drame."
Le rapport entre les deux va en effet se renverser à deux reprises. Bernard va peu à peu se laisser emporter par la passion, à en perdre ses repères sociaux, professionnels et familiaux, à en perdre même la raison, toute notion de convenance sociale alors bien dérisoire. Le tourbillon vertigineux de la passion, leurs caractères exaltés, leurs sentiments dans lesquels amour et haine s’entremêlent, se confondent et s’entrechoquent vont rendre le dénouement fatal inévitable. Chaque geste, chaque regard, chaque parole qu’ils échangent sont ainsi empreints de douceur et de douleur, de joie et de souffrance, de sensualité et de violence.
Truffaut y démontre une nouvelle fois une grande maîtrise scénaristique et de mise en scène. Après « Le Dernier Métro » , la fresque sur l’Occupation avec ses nombreux personnages, il a choisi ce film plus intimiste au centre duquel se situe un couple, sans pour autant négliger les personnages secondaires, au premier rang desquels Madame Jouve (Véronique Silver), la narratrice, sorte de double de Mathilde, dont le corps comme celui de Mathilde porte les stigmates d’une passion destructrice. Elle donne un ton apparemment neutre au récit, en retrait, narrant comme un fait divers cette histoire qui se déroule dans une ville comme il y en a tant, entre deux personnes aux existences en apparence banales, loin de la grandiloquence d’Adèle.H, mais qui n’ en a alors que plus d’impact, de même que ces plans séquences dans lesquels le tragique se révèle d’autant plus dans leur caractère apparemment anodin et aérien. A l’image des deux personnages, la sagesse de la mise en scène dissimule la folie fiévreuse de la passion, et ce qui aurait pu être un vaudeville se révèle une chronique sensible d’une passion fatale. D’ailleurs, ici les portes ne claquent pas: elles résonnent dans la nuit comme un appel à l’aide, à l’amour et à la mort.
Deux personnages inoubliables, troublants et attachants, interprétés par deux acteurs magnifiques. Truffaut aurait songé à eux pour incarner cette histoire, en les voyant côte-à-côte lors du dîner après les César lors desquels « Le Dernier Métro » avait été largement récompensé.
Il fallait un talent démesuré pour raconter avec autant de simplicité cette histoire d’amour fou, de passion dévastatrice, qui nous emporte dans sa fièvre, son vertige étourdissant et bouleversant, comme elle emporte toute notion d'ordre social et la raison de ses protagonistes. Un film qui a la simplicité bouleversante d’une chanson d’amour, de ces chansons qui « plus elles sont bêtes plus, elles disent la vérité ».
Ce film sorti le 30 septembre 1981 est l’avant-dernier de Truffaut, juste avant « Vivement Dimanche » dans lequel Fanny Ardant aura également le rôle féminin principal.
Un chef d’œuvre d’un maître du septième art : à voir et à revoir.
Pour retrouver d’autres critiques de classiques du septième art sur « In the mood for cinema », rendez-vous dans la rubrique « Gros plan sur des classiques du septième art ».
Sandra.M
C'est avec fébrilité que j'entrai donc dans la salle, m'apprêtant à vivre une expérience cinématographique aussi intense que "Sur la route de Madison" (mon préféré de Clint Eastwood cinéaste mais aussi acteur, voir ma critique de "Sur la route de Madison" en cliquant ici).
Le synopsis était en effet particulièrement attractif et propice à un suspense eastwoodien. Clint Eastwood revenait ainsi hier sur la Croisette de nouveau avec un film noir 5 ans après y avoir présenté "Mystic River" dans lequel jouait un certain Sean Penn...
Synopsis: Los Angeles, 1928 : un samedi matin, dans une banlieue ouvrière, Christine (Angelina Jolie) dit au revoir à son fils Walter et part au travail. Quand elle rentre à la maison, Walter a disparu. Une recherche effrénée s’ensuit et, quelques mois plus tard, un garçon de neuf ans affirmant être Walter lui est restitué. Désorientée par l’avalanche de policiers et de reporters et par ses propres émotions, Christine ramène le garçon à la maison. Mais au fond de son coeur elle sait qu’il n’est pas son fils.
Il en va des films comme des personnes: il y en a que l'on aimerait savoir détester ou par lesquels on aimerait savoir être envoûté. J'aurais aimé porter (et être portée par) un enthousiasme inconditionnel pour ce film d'un des maîtres du cinéma américain, malheureusement j'en suis ressortie avec une impression très mitigée.
Inspiré de faits réels le scénario a été écrit par Joe Michael Straczynski et nous plonge dans l'angoisse puis le combat de cette mère dont le fils était la raison de vivre et dont le retrouver est la raison de se battre. C'est d'abord un portrait de femme meurtrie, courageuse, déterminée, portée par la foi et un espoir irrationnel qu'Angelina Jolie incarne avec beaucoup de talent, de sensibilité, avec l'aura des stars hollywoodiennes des années 40 et 50, un cinéma auquel Clint Eastwood rend d'ailleurs ouvertement hommage, notamment en nimbant la photographie, magnifique, d'une lumière subtilement surannée.
Vous vous demanderez alors probablement pourquoi ce film dont l'action débute en 1928 et qui traite d'une réalité lointaine est pressenti pour recevoir la palme d'or alors que Sean Penn a précisé qu'il faudrait que le lauréat ait "conscience du monde dans lequel il vit", tout simplement parce que, et c'est là le grand intérêt du film, en nous parlant des injustices hier, Clint Eastwood nous parle de celles d'aujourd'hui. A quelques détails près, le sujet est finalement effroyablement actuel et le combat de Christine a une résonance intemporelle et universelle, de même que la corruption, le poids de la religion dans la société ou encore le rôle de la presse .
Au risque de susciter de nombreuses réactions de désapprobation, ce qui m'a avant tout gênée c'est ce qui m'avait gênée dans la fin du scénario de "Million dollar baby": son caractère outrancièrement mélodramatique et davantage encore ici, ce à quoi se prête le style, en l'occurrence celui du film noir: le manichéisme. Ainsi Angelina Jolie incarne une femme qui ne fléchit ni ne doute jamais, le capitaine Jones incarne la corruption sourde des autorités, prêtes à tout pour voiler la vérité, imposer la leur, (même interner une femme saine d'esprit, tenter de lui faire croire et de faire croire à tous qu'un enfant qui lui est étranger est le sien) et donner l'image d'une police exemplaire. La vérité face au mensonge. La justice du combat d'une femme pour retrouver son fils face à l'injustice d'institutions corrompues. L'identification devrait être immédiate et pourtant ce manichéisme a fait que je suis toujours restée à distance, certes constamment là, mais à distance.
Par ailleurs, si le sujet n'avait été tiré d'un fait réel, j'aurais eu du mal à adhérer à cette histoire de tueur en série bourreau d'enfants(dont un instant j'ai imaginé qu'il serait manipulé par la police, créant de nouvelles ramifications dans cette histoire finalement un peu trop limpide à l'image de sa réalisation d'un classicisme certes impeccablement maîtrisé) .
Clint Eastwood reste un raconteur d'histoire exemplaire, sachant magnifier ses histoires et ses acteurs par une réalisation fluide mais à force de trop vouloir magnifier, à force de vouloir lui aussi, avec beaucoup de conviction, nous imposer sa vérité, il en oublie d'en donner le sentiment ave tout ce qu'elle recèle d'ambivalence. Certaines scènes demeurent particulièrement réussies comme celle qui nous glace le sang, de la confession de l'enfant ou celle dans laquelle un psychiatre tente de convaincre et se convaincre de la folie de Christine. Nous retrouvons alors ici l'ambivalence qui fait défaut au reste du film, chacune de ses paroles ayant un double sens, chaque rictus, chaque regard, chaque mot pouvant témoigner de sa folie. Une démonstration implacable du caractère alors subjectif de la vérité.
Clint Eastwood toujours reparti bredouille de la compétition cannoise (à l'exception d'un prix d'interprétation pour Forest Whitaker dans "Bird") n'a rien obtenu à nouveau pour "L'échange", il a en revanche été récompensé par le jury présidé par Sean Penn d'un prix pour l'ensemble de sa carrière.
Qu’est-ce qui fait qu’un film soit considéré comme un chef d’œuvre du septième art ? Pourquoi celui-là plus qu’un autre ? Un film intemporel ? Un film qui nous évade ? Un film qui nous fait réfléchir ? Un film qui nous remet en questions ? Un film qui nous dérange ? Un film qui nous bouleverse ? Un film qui apporte un autre regard sur le monde ? Un film dont la mise en scène révèle un univers, reflète une pensée, dont le "travelling est affaire de morale" ? Un film qui est une "fenêtre ouverte sur le monde"? C’est l’épineuse question sur laquelle ont dû se pencher près de cent personnalités du cinéma (critiques, cinéastes, producteurs, scénaristes, directeurs de festivals…) pour établir la liste des « 100 plus beaux films » de toute l’histoire du septième art.
La première chose qui m’a interpellée, voire dérangée, dans cette liste c’est l’absence de films des années 80, la quasi absence de films des années 90 (un seul : « Van Gogh » de Maurice Pialat) et des années 2000 (seulement deux : « Mulholland drive » de David Lynch et « Parle avec elle » de Pedro Almodovar), ce qui est d’autant plus surprenant de la part de professionnels. Manque de recul ? Excès de modestie ? Incapacité à juger un cinéma avec lequel ils sont en prise directe ? Automatisme de pensée, réponses ? C’est en tout cas surprenant de voir que le cinéma actuel est aussi mal jugé par ses contemporains, de surcroît ceux qui le font.
On observe que Chaplin est le plus cité (5 fois), devant Godard (3 fois), que Renoir, Hitchcock, Resnais, Fellini sont également cités plusieurs fois, et que des films comme « 2001, Odyssée de l’espace » ou « ET » (Spielberg n’y figure d’ailleurs pas du tout) qui figurent toujours habituellement dans ce genre de classements n’y sont pas. Les années 50 y sont présentes en majorité. Le cinéma policier est peu représenté. (Melville aurait pu y figurer…) Comme tout classement, cela demeure donc très subjectif…
Vous pouvez trouver sur ce blog les critiques de quelques films figurant dans cette liste en cliquant ici pour accéder à la rubrique "Gros plan sur des classiques du septième art" : vous y trouverez "La Grande illusion", "Le Guépard", "La Règle du jeu".
Si je vous parle de cette liste, c’est parce qu’elle donne lieu à un festival du 19 novembre 2008 au 6 juillet 2009, un festival initié par Claude-Jean Philippe (dont je vous ai déjà parlé au sujet de son ciné club, le dimanche matin, à l’Arlequin) et qui aura lieu au cinéma Le Reflet Médicis. Une initiative louable qui a pour objectif de faire découvrir ou redécouvrir des chefs d’œuvre du cinéma, avec deux ou trois films projetés chaque semaine. Une excellente manière de plonger « in the mood for cinema ».
Je vous recommande bien sûr tous ces films mais si je ne devais en choisir que quelques uns, je prendrais « L’Aurore », « Elle et lui », « Le Guépard », « Hiroshima mon amour », « Le Mécano de la Général », « Le Parrain », « Playtime », « La Règle du jeu », « Rio Bravo », « Le Dictateur », « Vertigo », « Certains l’aiment chaud », « La nuit du chasseur », « Pierrot le fou »… En fait, non, c’est impossible de choisir !
Et vous quels sont les films de cette liste que vous préférez ? Quels sont les films ou les cinéastes que vous regrettez de ne pas y trouver ? Y a-t-il, selon vous, des films des années 80, 90, 2000 qui devraient figurer dans cette liste ? Quels sont ceux (s'il y en a...) qui, selon vous, ne devraient pas y figurer ?
Cinéma Le Reflet Médicis : 3-5 rue Champollion- 75005 Paris- Métro Saint-Michel ou Cluny
Les cartes Les Ecrans de Paris, UGC illimité, et Le Pass y sont acceptés.
Site internet : www.lesecransdeparis.fr (notamment pour les horaires des projections)
Liste des films projetés (par ordre alphabétique) et dates de projections
Les 400 coups François Truffaut (1959-1h33) semaine du 3 au 9 décembre
A bout de souffle Jean-Luc Godard (1960-1h29) semaine du 31 décembre au 6 janvier
Andreï Roublev Andreï Tarkovski (1966-2h30) semaine du 11 au 17 mars
Amarcord Federico Fellini (1974-2h07) semaine du 17 au 23 décembre
America America Elia Kazan (1963-2h54) semaine du 29 avril au 5 mai
Apocalypse now redux Francis Ford Coppola (1979-3h22) semaine du 25 au 31 mars
L’Atalante Jean Vigo (1934-1h29) semaine du 17 au 23 juin
L’aurore Friedrich Murnau (1927-1h37) semaine du 20 au 26 mai
L’avventura Michelangelo Antonioni (1960-2h15) semaine du 1 au 6 juillet
Barry Lyndon Stanley Kubrick (1975-3h07) semaine du 15 au 21 avril
Certains l’aiment chaud Billy Wilder (1959-2h01) semaine du 25 au 31 mars
Citizen Kane Orson Welles (1941-1h55) semaine du 19 au 25 novembre
Chantons sous la pluie Stanley Donen (1952-1h42) semaine du 10 au 16 décembre
Comme un torrent Vincente Minnelli (1958-2h17) semaine du 24 au 30 décembre
La comtesse aux pieds nus Joseph Mankiewicz (1954-2h08) semaine du 10 au 16 juin
Les contes de la lune vague après la pluie Kenji Mizoguchi (1953-1h37) semaine du 14 au 20 janvier
Les contrebandiers de Moonfleet Fritz Lang (1955-1h23) semaine du 25 février au 3 mars
Le cuirassé Potemkine Sergeï Eisenstein (1925-1h10) semaine du 31 décembre au 6 janvier
Le dictateur Charles Chaplin (1940-2h06) semaine du 4 au 10 mars
La dolce vita Federico Fellini (1960-2h40) semaine du 10 au 16 décembre
El Luis Bunuel (1952-1h40) semaine du 15 au 21 avril
Elle et lui Leo Mac Carey (1957-1h55) semaine du 17 au 23 décembre
Les enfants du paradis Marcel Carné (1945-1h35 +1h27) semaine du 18 au 24 février
Une étoile est née Georges Cukor (1954-2h31) semaine du 24 au 30 décembre
Freaks Tod Browning (1932-1h05) semaine du 6 au 12 mai
Gertrud Carl Dreyer (1964-1h59) semaine du 22 au 28 avril
La grande illusion Jean Renoir (1937-1h53) semaine du 28 janvier au 3 février
Le guépard Luchino Visconti (1963-3h25) semaine du 13 au 19 mai
Haute pègre Ernst Lubitsch (1932-1h22) semaine du 27 mai au 2 juin
Hiroshima mon amour Alain Resnais (1959-1h31) semaine du 4 au 10 février
L’intendant Sansho Kenji Mizoguchi (1954-2h04) semaine du 28 janvier au 3 février
Intolérance DW Griffith (1916-3h) semaine du 6 au 12 mai
Ivan le terrible Sergei Eisenstein (1944 et 1946-1h40 et 1h29) semaine du 20 au 26 mai
Johnny Guitar Nicholas Ray (1953-1h50) semaine du 22 au 28 avril
King Kong Schoedsack et Cooper (1933-1h40) semaine du 25 février au 3 mars
Laura Otto Preminger (1944-1h28) semaine du 1 au 7 avril
Lettre d’une inconnue Max Ophuls (1948-1h26) semaine du 11 au 17 février
La mort aux trousses Alfred Hitchcock (1959-2h16) semaine du 3 au 9 décembre
Les lumières de la ville Charles Chaplin (1931-1h30) semaine du 4 au 10 mars
M le maudit Fritz lang (1931-1h45) semaine du 24 au 30 juin
Madame de… Max Ophuls (1953-1h40) semaine du 1 au 7 avril
Manhattan Woody Allen, (1979-1h36) semaine du 29 avril au 5 mai
Ma nuit chez maud Eric Rohmer (1969-1h50) semaine du 8 au 14 avril
Le mécano de la générale Buster Keaton (1927-1h16) semaine du 18 au 24 mars
Le mépris Jean-Luc Godard (1963-1h45) semaine du 10 au 16 juin
Monsieur Verdoux Charles Chaplin (1947-2h13) semaine du 27 mai au 2 juin
Mulholland drive David Lynch (2001-2h26) semaine du 26 novembre au 2 décembre
Nosferatu Friedrich Murnau (1922-1h34) semaine du 1 au 7 avril
La nuit du chasseur Charles Laughton (1955-1h33) semaine du 14 au 20 janvier
Nuit et brouillard Alain Resnais (1955-32 mn) semaine du 4 au 10 février
Parle avec elle Pedro Almodovar (2002-1h52) semaine du 3 au 9 décembre
Le parrain Francis Ford Coppola (1972-2h55) semaine du 13 au 19 mai
Une partie de campagne Jean Renoir (1936-40 mn) semaine du 17 au 23 juin
The party Blake Edwards (1968-1h39) semaine du 18 au 24 mars
La passion de Jeanne d’Arc Carl Dreyer (1928-1h59) semaine du 31 décembre au 6 janvier
Pierrot le fou Jean-Luc Godard (1965-1h55) semaine du 8 au 14 avril
Le plaisir Max Ophuls (1952-1h37) semaine du 28 janvier au 3 février
Pickpocket Robert Bresson (1959-1h15) semaine du 7 au 13 janvier
Playtime Jacques Tati (1967-2h06) semaine du 18 au 24 mars
La prisonnière du désert John Ford (1956-2h) semaine du 11 au 17 février
La règle du jeu Jean Renoir (1939-1h55) semaine du 19 au 25 novembre
Rio Bravo Howard Hawks (1959-2h21) semaine du 14 au 20 janvier
Le roman d’un tricheur Sacha Guitry (1936-1h20) semaine du 27 mai au 2 juin
Rome ville ouverte Roberto Rossellini (1945-1h40) semaine du 7 au 13 janvier
La ruée vers l’or Charles Chaplin (1925-1h36) semaine du 25 février au 3 mars
Le salon de musique Satyajit Ray (1958-1h40) semaine du 3 au 9 juin
Scarface Howard Hawks (1932-1h30) semaine du 1 au 6 juillet
Les sept samouraïs Akira Kurosawa (1954-3h20) semaine du 3 au 9 juin
La soif du mal Orson Welles (1958-1h35) semaine du 24 au 30 juin
Les temps modernes Charles Chaplin (1936-1h27) semaine du 26 novembre au 2 décembre
Tous en scène Vincente Minnelli (1953-1h53) semaine du 18 au 24 février
Les vacances de mr Hulot Jacques Tati (1953-1h23) semaine du 17 au 23 juin
Van Gogh Maurice Pialat (1991-2h38) semaine du 11 au 17 mars
Vertigo Alfred Hitchcock (1958-2h09) semaine du 4 au 10 février
Le voleur de bicyclette Vittorio De Sica (1948-1h30) semaine du 7 au 13 janvier
Voyage à Tokyo Yasujiro Ozu (1953-2h16) semaine du 21 au 27 janvier
Voyage au bout de l’enfer Michael Cimino (1978-3h03) semaine du 21 au 27 janvier
Alain Delon. Woody Allen. Alain Resnais. Voilà quelques uns des (rares) artistes dont je ne manquerais un film, ou en l’occurrence une pièce, sous aucun prétexte. Pour le premier d’entre eux, tant pis pour ceux qu’il agace, qui ignorent l’autodérision dont il sait aussi faire preuve (comme en interprétant le mégalomaniaque César et en jouant avec son image dans « Astérix aux Jeux Olympiques »), qui se méprennent sur son immodestie. Après tout n’est-ce d’ailleurs pas plutôt de la lucidité puisque figurent dans sa filmographie au moins 10 chefs d’œuvre du septième art et des noms de réalisateurs aussi prestigieux que ceux de Visconti, Melville, Godard, Clément, Verneuil, Losey, Antonioni, Verneuil et tant d’autres ? Pouvez-vous même me citer un seul acteur dans la filmographie duquel figurent autant de chefs d’œuvre, parmi lesquels, pour ne citer que ceux que je préfère « Le Guépard », « La Piscine », « Le Samouraï », « Monsieur Klein », « Plein soleil », « La Veuve Couderc », « Le Cercle rouge », « Mélodie en sous-sol », « L’Eclipse », « Rocco et ses frères » ? Après tout n’est-ce toujours pas mieux d’agacer, de susciter la controverse (son talent lui, d’ailleurs, n’est pas controversé) plutôt que de laisser indifférent, ne vaut-il pas mieux avoir trop de charisme que d’en être dépourvu ? En tout cas, voilà ce sur quoi inconditionnels et détracteurs pourront sans doute se mettre d’accord : Alain Delon n’a plus rien à prouver. Ses choix sont donc guidés par la sincérité et le plaisir : d’une rencontre, d’un texte, de jouer avec un ou une partenaire. (Mireille Darc dans « Sur la route de Madison », Anouk Aimée en l’espèce.)
C’est donc la quatrième fois que je le vois au théâtre, après « Variations Enigmatiques », "Les Montagnes Russes " et « Sur la Route de Madison », le texte de la première de ces pièces et l’ambiguïté jubilatoire du personnage d’Abel Znorko qu’il y interprétait étant d’ailleurs selon moi la plus à la (dé)mesure de son talent.
Théâtre de la Madeleine hier soir. Première de la pièce. Il me tarde d’entendre les trois coups décisifs. Le hasard m’a affublée d’une voisine aux gestes amples, au parfum capiteux et agressif, au rire tonitruant. Les trois coups, enfin, déjà. La lumière s’éteint. Derrière le rideau qui reste délibérément fermé quelques secondes encore, deux voix naissent, s’élèvent et déjà nous emportent dans leur histoire. La salle retient son souffle. Je retiens mon souffle. Pas à cause du parfum capiteux. Déjà oublié, presque devenu inodore même, celui-là. Non, je suis déjà dans une autre dimension, de l’autre côté de l’Atlantique, avec ces deux voix si reconnaissables et pourtant soudain différentes, presque mystérieuses. Puis le rideau s’ouvre…
Face à nous Alain Delon et Anouk Aimée. Ou plutôt non : Alexa et Thomas qui lisent les lettres qu’ils se sont écrites tout au long de leur vie. On oublie Tancrède, Jeff Costello, Corey, Robert Klein, Roger Sartet, Gino. On ne voit que cet enfant malicieux. Cela commence par quelques phrases griffonnées sur des cahiers d’écoliers. Les deux acteurs sont simplement assis derrière un bureau, sans artifices, sans décor et pourtant…et pourtant nous avons l’impression de voir deux enfants espiègles, de parcourir avec eux le New Hampshire, de voir leurs cadres familiaux se dessiner, plutôt dissolu et aisé pour l’une, aimant et uni pour l’autre. Dans leurs gestes et leurs regards, nous voyons, devinons : la malice, l’effronterie, la naïveté de l’enfance, ses blessures parfois aussi, et leurs deux caractères, si différents. Les mots prennent vie, sens, forme.
Nous oublions déjà le décor, son absence plutôt, le théâtre et ses autres spectateurs, le rire tonitruant et le manque de place pour cause de voisine indélicate. Nous sommes d’emblée plongés dans ces « Love letters », dans cette amitié qui s’ébauche, dans cet amour qui s’esquisse. Au fil des lettres, au fil du temps, nous voyons leurs regards, leurs voix, leurs gestes changer, nous les devinons grandir, à l’image de leurs sentiments, et leur ambivalence. Leurs caractères se révèlent: frondeuse, impertinente, fragile pour l’une; plus sage, respectueux, soucieux des convenances pour l’autre. Le destin, des kilomètres, la fierté, les malentendus vont les séparer mais ils vont continuer à s’échanger des lettres, quoiqu’il advienne. Des lettres incisives ou tendres, longues ou courtes, de louanges ou de reproches, amères ou drôles, crues ou plus en retenue, dont l’ absence ou la fréquence en diront plus long encore que les mots même.
Leurs espoirs et leurs désespoirs, leurs désirs et leurs désillusions se font écho, la distance est abolie par cette proximité scénique et en même temps recréée puisque jamais ils ne se regardent, mais le pouvoir des mots et bien sûr l’immense talent des deux interprètes nous transportent bien au-delà, à tel point que je n’ai réalisé que tardivement qu’un bruit assourdissant retentissait (j’imagine un feu d’artifice -?-qui a d’ailleurs laissé Anouk Aimée absolument imperturbable et a tout juste suscité une interrogation d’Alain Delon qui semblait même incluse dans le texte) et qu’il n’était pas un effet de mise en scène.
On comprend aisément pourquoi Alain Delon a accepté de jouer ce texte (et je dis bien jouer et non lire) : pour Anouk Aimée (dont on se dit que, si elle aussi a tourné avec les plus grands parmi lesquels Carné, Lelouch évidemment, Demi, Fellini, Becker, Lumet, Cukor-, elle a encore de beaux rôles devant elle ) avec laquelle il n’avait jamais joué ou tourné, pour cette histoire poignante et universelle, pour les multiples émotions qu’elle suscite, nous faisant passer du rire aux larmes, jusqu’au dénouement qui à lui seul mérite le déplacement, secondes volées à la réalité et au parfum capiteux, cet instant si cinématographique où le samouraï, un autre guépard peut-être, ressurgit, un guépard blessé, terriblement touchant et vrai (que n’a-t-il pas fallu vivre et jouer auparavant pour nous bouleverser à ce point, en quelques mots, pour sembler les vivre si intensément, la musique qui s’élève alors aussi sublime soit-elle est d’ailleurs superflue, le jeu et les mots pouvant en suggérer toute la cruelle , douloureuse, rageuse beauté) , en un mot : magistral. Cette pièce, toute statique soit-elle a d’ailleurs un rythme et une progression dramatique très cinématographiques. J'ai eu l'impression d'être au cinéma, de voyager dans ces deux vies et ces deux âmes, à travers les Etats-Unis, et même plus loin. Un film beaucoup trop court.
Une pièce sensuelle et mélancolique légère et profonde, douce et amère, mais aussi un hymne à l’écriture (à l’art même à travers la vocation ratée d’Alexa), à son pouvoir cristallisateur, sa sublime violence, au pouvoir inestimable, parfois mésestimé des mots, qui peuvent enchaîner ou libérer, parfois plus douloureux qu’un poignard ou plus doux qu’une caresse, à ce qu’ils disent et ce qu’ils dissimulent, ce qu’ils voilent et dévoilent.
J’ai repensé à cette phrase dans le dernier film de Woody Allen que « le véritable amour romantique est celui qui n’est pas satisfait », une phrase que cette pièce, d’ailleurs comme « Sur la route de Madison », illustre magnifiquement. Une pièce qui nous donne envie d’écrire, d’histoires épistolaires douces et cruelles qui nous élèvent forcément, nous perdent peut-être aussi, mais en tout cas nous font vibrer et exister bien au-delà des mots.
Alain Delon serait presque trop charismatique pour ce personnage aux idées conventionnelles mais il se glisse néanmoins dans sa peau, presque trop étroite pour lui, avec grâce. Quant à Anouk Aimée... elle a joué cette pièce pour la première fois en 1990, avec Bruno Crémer d’abord, puis avec Jean-Louis Trintignant, puis Jacques Weber, et enfin avec Philippe Noiret ; et cela se voit. Elle habite ce personnage, ne trébuche pas une seconde, tour à tour capricieuse, presque arrogante, lumineuse et sombre, lunatique et attachante, et finalement surtout blessée et bouleversante.
On les rêve dans un même générique de film. J’en imagine déjà le synopsis, qui sait: peut-être même en ai-je déjà écrit le scénario. A bons entendeurs…
Ecrite par Albert Ramsdell Gurney, cette histoire d’amour épistolaire traduite dans plus de 30 langues, montée pour la première fois à New York en 1989, a été adaptée de l’Américain par Anne Tognetti et Claude Baignères et mise en scène par Alain Delon, ou plutôt « mise en place » comme il aime à le dire lui-même.
Dépêchez-vous : seulement 20 représentations exceptionnelles sont prévues (jusqu’au 29 novembre) à moins que la pièce ne soit prolongée… Je vous la recommande, mais je crois que vous l’aurez compris. Est-ce utile de préciser que la salle, à la fin de la représentation, était debout et les yeux embués de larmes?
Articles publiés sur « In the mood for cinema » ayant un lien avec celui-ci :
Critique de la pièce "Sur la route de Madison" avec Alain Delon, Mireille Darc
Critique de "La piscine" de Jacques Deray avec Alain Delon, Romy Schneider
Critique des "Montages russes" avec Alain Delon
Critique du "Guépard" de Luchino Visconti avec Alain Delon, Claudia Cardinale...
Soirée des 60 ans du Festival de Cannes 2007
Informations pratiques :
Au théâtre de la Madeleine, du vendredi 7 novembre à 19H au samedi 29 novembre à 19H
Du mardi au samedi à 19H, matinées le samedi à 16H.
Réservations: 01-42-65-07-09 ou sur fnac.com ou sur la page internet du Théâtre de la Madeleine consacrée à "Love Letters".
De 29€ à 49€ et 10€ ( - de 26 ans, selon disponibilités, mardi, mercredi, jeudi)
Sandra.M