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laurent perez del mar

  • Critique de BAMBI, L’HISTOIRE D’UNE VIE DANS LES BOIS de Michel Fessler (au cinéma le 16 octobre 2024, en avant-première au Festival Cinéroman de Nice et au Festival du Film du Croisic)

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    Retrouvez également cette critique enregistrée en podcast, ici.

    Qui ne connaît pas Bambi, le dessin animé des studios Disney de 1942, bien souvent à l’origine des premiers chagrins et éblouissements cinématographiques ? Tout comme le film de Disney, celui de Michel Fessler, est adapté du livre Bambi, l’histoire d’une vie dans les bois de Felix Salten (1869–1945), autrichien d’origine hongroise, dramaturge, scénariste et romancier, qui écrivit plusieurs contes animaliers dont le célèbre Bambi, en 1923, dont le nom vient de l’italien bambino. Ce récit lui est inspiré par un séjour dans les Alpes. Bambi, Eine Lebengeschichte aus dem Walde.

    Cette fois, cependant, il ne s’agit pas d’un film d’animation mais de prises de vues réelles accompagnées par la voix de Mylène Farmer qui livre le récit, et par la musique originale de Laurent Perez del Mar. Le défi était de taille et est ici magistralement relevé avec pour résultat un conte initiatique d’une grande force et d’une saisissante beauté, un vibrant hymne à la nature.

    Comme le film de 1942, celui-ci raconte les aventures de Bambi, le jeune faon, entouré de sa mère et des animaux de la forêt : son ami le corbeau, le lapin, le raton laveur… Bambi découvre le monde des arbres et leurs secrets. Chaque jour, sa mère l’éduque pour qu’il puisse grandir avec force. Mais l’automne arrivé, Bambi s’aventure en terrain découvert lorsque des chasseurs le séparent de sa mère à tout jamais. Dès lors, le jeune faon doit apprendre à vivre seul. Heureusement, il retrouve Faline son amie d’enfance. Puis, un grand et majestueux cerf, qui n’est autre que son père, va retrouver Bambi et l’aider à grandir. Ce dernier va alors prendre son destin en main.

    Je vous parlais d’éblouissement à propos de ce que provoque Bambi chez les enfants qui découvrent le film d’animation de 1942 et qui, parfois, aussi, par ce biais, vivent leurs premières émotions cinématographiques. Éblouissement. Tel est aussi le mot qui définit la musique de Bambi, acteur à part entière de ce film qui le sublime.

    Dit-on d’une musique qu’elle éblouit ? Certainement le devrions-nous quand, comme celle-ci, elle charrie autant d’images et d’émotions, puissantes, entremêlées parfois. Un tourbillon d’émotions, même. La musique nous immerge en plein conte, dans une forêt tantôt luxuriante, tantôt menaçante, parfois les deux en même temps, tant elle est expressive, vibrante de vie, intense. À la fois terrienne et céleste (sensation qui atteint encore une dimension supplémentaire quand les voix de Léa Dasenka ou de Julia Wischnewski -chant ethnique pour la première et chant lyrique pour la seconde- se posent sur celle-ci). Elle nous donne à « voir » les animaux qui la peuplent, et qui gambadent, facétieux. Elle nous fait ressentir à quel point Bambi est accablé de chagrin. Elle évoque avec maestria la nature qui s’éveille, les lucioles qui volètent et nous procure la sensation de nous envoler avec elles, de ressentir les cycles de la vie, la succession des saisons, les dangers qui menacent le jeune faon, la renaissance de l'espoir.  Elle nous fait éprouver la peur et l’apaisement, la violence et la douceur, le désarroi et la gaieté. Elle nous transporte ailleurs, elle porte en elle l’élan de vie, et nous emporte dans son lyrisme subtil.

    Elle évoque une insouciance et un bonheur contagieux quand Bambi gambade avec sa mère, papillonne au milieu des fleurs ou s’éveille aux plaisirs de la liberté. Quand plane la menace de l’aigle, elle se fait à son image : majestueuse et inquiétante. Elle transcrit les élans amoureux quand Bambi est avec Faline, « quand deux petits cœurs s'emballent. » Quand « les lucioles se prennent pour des étoiles tombées du ciel », la musique miroite alors de concert avec elles. Quand Bambi est coursé par un chien, la musique tambourine et se gonfle d’un souffle épique, et évoque l’aventure et la chevauchée fantastique, telle celle d’un western. Elle irradie. Si elle est majestueuse, elle n’est jamais grandiloquente ou emphatique. Elle ne paraphrase pas. Elle accompagne, suggère une double lecture, ajoute un supplément d’âme, d’émotion et d’interprétation. À l'image du conte aussi : plusieurs degrés de lecture se superposent entre ses notes. Ainsi, quand Bambi est blessé, la musique suggère une double blessure, la blessure physique mais aussi la solitude, la blessure morale, l’absence de sa mère.  Elle chante, pleure, s’enthousiasme, vibre et vit, comme la nature qu'elle célèbre. Quand le coup de feu meurtrier immobilise la forêt et la fait trembler, elle se pare d’une gravité soudaine. Et quand elle est accompagnée de ces mots « La tristesse, c'est du froid à l'intérieur, il ne sait pas encore que c'est pour toujours », elle nous fait frissonner d’une glaçante admiration. Enfin, quand Bambi devient à son tour le roi de la forêt, ce et ceux qui la peuplent semblent vibrer en chœur et elle nous fait éprouver ce qu'ils ressentent : de la beauté pure, une joie profonde, rassurante et exaltante.

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    Souhaitons à cette musique un destin au moins aussi radieux que celui que connut la bande originale de La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit, du même Laurent Perez del Mar, qui a obtenu le Prix Spécial du Jury Un Certain Regard du 69ème Festival de Cannes avant de nombreux autres prix et nominations dans le monde, notamment aux César et aux Oscars comme meilleur film d’animation. Ce conte philosophique et écologique était aussi un éblouissement permanent qui nous attrapait dès la première image (comme si nous étions ballottés par la force des éléments avec le naufragé) pour ne plus nous lâcher, jusqu’à ce que la salle se rallume, et que nous réalisions, abasourdis, que ce voyage captivant sur cette île déserte, cet état presque second dans lequel ce film nous avait embarqués, n’étaient que virtuels. Le murmure des vagues. Le chuchotement du vent. Le tintement de la pluie. L’homme si petit au milieu de l’immensité. La barque à laquelle il tente de s'accrocher. Le vrombissement de l’orage. Les cris des oiseaux. Les vagues qui se fracassent contre les rochers, puis renaissent. Le bruissement des feuilles. L'armée joyeuse des tortues. Le clapotis de l'eau. La nature resplendissait là aussi à travers les notes :  sauvage, inquiétante, magnifique. Sans oublier la respiration (dissonante ou complémentaire de l’homme) au milieu de cette nature harmonieuse. La musique à peine audible d’abord, en gouttes subtiles, comme pour ne pas troubler ce tableau, se faisait peu à peu plus présente. L’émotion du spectateur allait crescendo à l'unisson, comme une vague qui prend de l’ampleur et nous éloigne peu à peu du rivage de la réalité avant de nous embarquer, loin, dans une bulle poétique et consolatrice.

    Si je vous parle ainsi de la musique de La Tortue rouge, c’est parce que dans Bambi, comme dans ce film précité, la musique et les ambiances de nature se (con)fondent et s'enrichissent alors avec virtuosité pour créer cette symbiose magique. Jamais redondante, elle apporte un contrepoint romanesque, lyrique, et un supplément d’âme et d’émotion qui culmine lors d’un ballet aquatique et lors de la scène du tsunami dans La tortue rouge, lorsque Bambi devient le roi de la forêt dans le film éponyme. À ces instants, dans les deux films, la puissance romanesque de la musique hisse et propulse le film, et le spectateur, dans une sorte de vertige hypnotique et sensoriel d’une force émotionnelle exaltante, rarement vue (et ressentie) au cinéma.

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    Je vous avais aussi parlé de cette musique qui s’emballe comme un élan romanesque, à l'unisson de l’imagination de celle du personnage de Gaby, quand un de ses rêves se réalise et que son visage s’illumine de joie, dans l’excellent Super papa de Léa Lando. Dans Bambi, on retrouve ce souffle romanesque, exacerbé, qui s’empare de nous.

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    Dans Un coup de maître de Rémi Bezançon, à la fin du film, la musique de Laurent Perez del Mar, sublime également la nature, lorsqu'elle s’emporte et s’emballe comme des applaudissements victorieux, comme un tourbillon de vie, comme un cœur qui renaît, comme le pouls de la forêt, avec de plus en plus de profondeur aussi, comme si la toile atteignait son paroxysme, sa plénitude. Dévoilant toute sa profondeur, elle emporte alors comme une douce fièvre, harmonieuse, réconfortante.

    Le travail sur le son, dans Bambi, est aussi absolument admirable et exceptionnel : les bruits de la nature sont en eux-mêmes une musique qui dialogue avec celle du compositeur.  Les feuilles qui bruissent et caressent nos oreilles. La pluie qui rebondit sur les feuilles. Les grondements de l’orage. Le clapotis de l’eau. Les bourdonnements des insectes. Les bruits des pattes du loup sur les feuilles. Les respirations des animaux et de la nature. Comme un acteur qui jouerait avec un partenaire, la musique de Laurent Perez del Mar répond aux sons de l'environnement et des animaux, joue et jongle avec les bruits (et les images) de la nature, grâce à un orchestre de plus de 70 musiciens.

    Le travail sur l’image et la réalisation est tout aussi admirable. Bambi est personnifié. L’Homme n’est ici qu’une ombre menaçante, insidieuse, tueuse, sans visage. L’animal est l’être sensible, humain, avec ses yeux expressifs, qui nous restent en mémoire, comme ses « points blancs sur son dos qui imitent les taches du soleil. » Comme tant d’autres plans qui imprègnent nos souvenirs de spectateurs, comme au retour d’un voyage aux sensations indélébiles. Les couleurs chatoyantes de l’automne. Les reflets menaçants du ciel dans l’eau. Les reflets de la lune. La brume qui serpente au-dessus de l’eau. Le ciel rougeoyant. La beauté de l’animal, qui se confond avec les couleurs de la nature. Les feuilles qui tombent et tourbillonnent autour de sa tête, au ralenti. 

    La voix off, ensorcelante, de Mylène Farmer, d’une présence discrète, ne force pas l’émotion mais ajoute subtilement une dimension poétique, parfois philosophique : « C’est la diversité qui fait la beauté du monde. », « Être curieux n'est pas un si vilain défaut. » « Parfois, le simple fait de se ressembler fait naître une étincelle. » « L'été est bien installé une boule de feu règne. », « Rien n'est plus doux que des liens qui fleurissent »...

    Une association de protection animale s'est opposée à la diffusion du film et dénonce l'utilisation de vrais animaux pendant le tournage. Quelle absurdité ! Ce film est au contraire une ode respectueuse à la nature. Il est par ailleurs clairement précisé qu’aucun animal n’a été maltraité durant les seize semaines du tournage, qui eut lieu en région Centre Val de Loire et dans le département du Loiret. L’équipe n’a jamais oublié d’être à l’écoute du bien-être des animaux et de leur rythme biologique. Ce film doit au contraire être vu par le plus grand nombre, a fortiori par les scolaires.

    Scénariste accompli, Michel Fessler a écrit et coécrit plus d’une trentaine de films français comme internationaux en variant les genres : aventure, drame intime et psychologique. En 2022, il signe deux succès internationaux, Le Chêne, une fiction documentaire réalisée par Michel Seydoux et Laurent Charbonnier et un long-métrage d’animation avec les dessins de Sempé Le Petit Nicolas co-écrit avec Anne Goscinny. Trois films nommés aux Oscars le font connaître au grand public : Ridicule, Farinelli et La Marche de l’Empereur.

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    Le travail de Laurence Buchmann, la cheffe monteuse, est également pour beaucoup dans la réussite de l'ensemble, et contribue aussi fortement à ce dialogue entre les animaux et les végétaux, et au rythme qui ne faiblit pas. De même que celui de Daniel Meyer, le Directeur de la photographie qui, après avoir parcouru le monde pour de multiples documentaires, a mis en lumière des séries télévisées ainsi que des unitaires, a participé à deux grands projets cinéma de Yann Arthus Bertrand, Human et Women, co-signé avec Anastasia Mikova.

    Bambi n’est pas seulement un conte pour enfants. Toute la vie, sa violence et sa douceur, sa beauté et sa cruauté, ses désespoirs et ses espoirs, ses morts et ses renaissances, l’amitié, l’amour, la découverte du monde et de soi, la préciosité, la force et la fragilité de la nature, tout cela est raconté dans le film de Michel Fessler. Et bien plus encore. Félix Salten, juif, dut fuir les nazis. Bambi fut ainsi interdit comme l'ensemble de l'œuvre de l'écrivain en raison de ses origines, en Allemagne puis dans l’Autriche annexée par Hitler.  L’homme qui cherche à enfermer et tuer la beauté de la nature, les animaux qui ne cessent de fuir… : difficile de ne pas y voir aussi une peinture de la noirceur de l’âme humaine et le reflet de la montée de l'antisémitisme.

    Un film sensoriel, une expérience et une musique qui est indéniablement une des plus expressives, profondes, puissantes, majestueuses, évocatrices, émouvantes, qu’il m’ait été donné d’entendre. Une musique éblouissante et bouleversante, d’une grande profondeur, richesse et sensibilité, qui reflète la simplicité et la polysémie du conte, face à la brutalité et la cruauté du monde. Une histoire intemporelle et universelle qui nous embarque dans un voyage fascinant, fascinés, les yeux écarquillés et les oreilles à l’affût du moindre frémissement de la nature, comme ceux d’un enfant ou du jeune faon devant la découverte des beautés du monde. Comme si nous découvrions un autre monde aux magnificences envoûtantes dont on oublie parfois que c'est aussi le nôtre et qu'il faut le protéger, le chérir et prendre le temps de l’admirer dans ce qu’il a de plus minuscule comme dans ce qu’il a de plus grandiose (magnifiques plans en plongée de la forêt). Une échappée belle inoubliable grâce à l’alliance d’une rare perfection de la musique et des images qui font que notre cœur bat la chamade à l’unisson de celui de Bambi et des vibrations de la nature. En préface de la réédition de l’œuvre de Félix Salten, Amélie Nothomb a écrit : « Je défie le lecteur de ne pas en sortir bouleversé. » Je dirais de même au sujet du film. Et j’ajoute : préparez-vous à être émerveillés ! Si ce film est un hymne à la nature, il l’est aussi à l’émerveillement et nous en fait ressentir, de la première à la dernière image, de la première à la dernière note. Un chef-d’œuvre du genre, tout simplement, d’autant plus impressionnant qu’il s’agit du premier long-métrage de fiction en tant que réalisateur de Michel Fessler. 

    À noter :

    • Le film sort en salles le 16 octobre et la musique sera disponible dès le 18 octobre, sur toutes les plateformes.

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    • Le film est sélectionné dans plusieurs festivals dont le Festival du Film du Croisic (festival d’adaptations littéraires sur grand écran) dans le cadre duquel il sera projeté, hors compétition, le mercredi 9 octobre, en présence d’une partie de l’équipe du film dont le réalisateur Michel Fessler et le compositeur Laurent Perez del Mar.

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    • Il sera également projeté en avant-première dans le cadre du Festival Cinéroman de Nice, le mardi 1er octobre à 18H, également en présence de son compositeur. Ce festival sera aussi l’occasion de découvrir d’autres films remarquables comme Le fil de Daniel Auteuil (compétition) ou encore un autre chef-d’œuvre, de Jonathan Glazer, La zone d'intérêt (compétition), dont je vous parle longuement ici, mais aussi La plus précieuse des marchandises de Michel Hazanavicius, ou encore des classiques comme Plein soleil de René Clément. Sont également proposées des masterclasses dont une sur l’Intelligence Artificielle à laquelle participera notamment le compositeur de la musique de Bambi.

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    • Bambi, L’histoire d’une vie dans les bois de Felix Salten. Le roman intégral originel (1923) augmenté du storyboard du film 130 x 200 mm - 220 pages, est également à découvrir aux éditions Télémaque.

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    •  L’album jeunesse La première adaptation en images réelles du roman de Felix Salten, d’après le film réalisé par Michel Fessler est également disponible. Le film raconté aux enfants avec une sélection de ses 40 plus belles photos. 210 x 297 mm relié - 40 pages illustrées www.editionstelemaque.com SORTIE EN LIBRAIRIE Le 10 octobre 2024
    • Retrouvez prochainement cette critique en podcast (podcast In the mood for cinema sur Spotify…).
    • Ajouts de mai 2025 : - Le 28/05/2025, l'Union des compositrices et des compositeurs de musique pour l'image a décerné le prix de la meilleure partition originale de long métrage à Laurent Perez del Mar pour la bande originale de ce film. - Bambi, l'histoire d'une vie dans les bois de Michel Fessler est désormais disponible en VOD, notamment ici, sur Universcine.com.
  • Critique de SUPER PAPA de LÉA LANDO (au cinéma le 7 août 2024)

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    Retrouvez également cette critique en podcast (Podcast "In the mood for cinema" sur Spotify), ici.

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    « Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. » Goethe

    Quelle idée incongrue, penserez-vous, de commencer un article sur une comédie par une citation de Goethe. Trouver cette idée et cette citation incongrues, cela reviendrait à sous-estimer ce fameux « rôle social des illusionnistes ». Des « illusionnistes » dont l’audace possède le génie de nous faire croire à l’impossible. De nous évader du présent et de la réalité, souvent âpres. De nous permettre de renouer avec nos croyances enfantines. Et, le temps d’une séance de cinéma, de voir le monde avec des yeux écarquillés, candides et remplis d’espoir comme le sont ceux du petit Gabriel.

    Ainsi, Gabriel dit Gaby (Ismaël Bangoura) vient de perdre sa mère et se retrouve sous la garde de son père qui en devient le représentant légal, un comédien à la carrière poussive, prénommé Thomas Blandin dit Tom (Ahmed Sylla), aussi sympathique qu’immature, qui ne s’en est guère occupé jusque-là, qui a même oublié son anniversaire, et le traditionnel cadeau. N’ayant pas les moyens de lui offrir la console de jeu pour laquelle il avait de prime abord opté, il se rabat à la va-vite sur Le Petit Prince de Saint-Exupéry. Seulement, le livre ne contient que des pages blanches. Pour maquiller sa maladresse, Tom raconte à son fils qu’il s’agit d’un livre magique dans lequel il suffit d’écrire ses rêves pour qu’ils se réalisent. Tom va alors tout mettre en œuvre pour redonner le sourire à son fils, et pour réaliser ses rêves les plus fous. Il se retrouve rapidement dépassé par son idée et par les souhaits extravagants de son fils. Sans compter que Tom vit en colocation chez son ami et « manager » Étienne (Julien Pestel) et son amie Mathilde (Louise Coldefy) et que la grand-mère du petit garçon (Zabou Breitman) est plus que méfiante quant aux capacités de ce grand enfant dégingandé à s’occuper d’un fils de 8 ans qui « a besoin d’un père, pas d’un affabulateur ». Et ce n’est pas son arrivée chez elle, en trombe, qui saccage ses plates-bandes, qui va la faire changer d’avis…

    Après cinq courts-métrages, Super papa est le premier long-métrage de la talentueuse, prolifique et éclectique Léa Lando : animatrice, chroniqueuse, autrice et humoriste, aussi à la manœuvre d’un excellent podcast intitulé Retour vers le début, que je vous recommande, dans lequel des artistes racontent leurs parcours et comment ils en sont arrivés à concrétiser leurs rêves (peut-être autrefois confiés à leurs livres magiques d’enfance...).

    Pour Super papa, Léa Lando s’est inspirée d’une touchante histoire vraie. Celle de son propre père qui, comme Tom dans le film, a inventé cette fable, celle du livre magique dans lequel il suffit d’écrire ses rêves pour qu’ils se réalisent. Une idée farfelue et généreuse qu’il avait eue après avoir acheté un simple bloc-notes à l’effigie du Petit Prince au petit frère de Léa Lando, Elie, alors qu’il pensait lui offrir le livre de Saint-Exupéry. Pour ne pas perdre la face, il avait alors prétendu que le livre était magique et que le petit garçon n’avait qu’à écrire des questions dans le cahier le soir avant de se coucher et que le Petit Prince y répondrait dans la nuit.

    Ismaël Bangoura, que vous avez peut-être déjà remarqué dans Le Règne animal de  Thomas Cailley, et qui fait partie de la troupe de la comédie musicale du Roi Lion, en ce moment au théâtre Mogador (dans laquelle il joue Simba enfant), incarne ce Gabriel angélique et attendrissant avec beaucoup de vitalité, un parfait « petit prince » pour l’amour duquel Tom est un super papa prêt à tout, même lui mentir pour voir ses yeux briller de joie et lui faire quitter le « mystérieux pays des larmes » pour reprendre une expression de Saint-Exupéry. L'alchimie fonctionne indéniablement à l'écran entre le Petit Prince et son super papa de cinéma.

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                                                 Copyright SND

    Louise Coldefy et Julien Pestel (les colocataires) forment un couple irrésistible, au premier rang d'un ensemble de seconds rôles judicieusement choisis : Sophie Vannier, Simon Zibi, Claudia Tagbo…

    Quant à Ahmed Sylla, qui a déjà une dizaine de films à son actif (L’Ascension de Ludovic Bernard, Chacun pour tous de Vianney Lebasque, Les Femmes du square de Julien Rambaldi, Un petit frère de Léonor Serraille, Comme un prince de Ali Marhyar…), il est un grand enfant désarmant d’humanité et de sincérité, trimballant une bonhomie qui attire immédiatement la sympathie, dès qu’il apparaît dans sa voiture jaune brinquebalante aux allures de jouet. Cela commence et se termine avec ce dernier sur scène mais, entre les deux, il aura appris à grandir, à trouver le sens de l'essentiel, à « voir avec le cœur » ce qui « est invisible pour les yeux. »

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    C’est aussi l’occasion de retrouver Zabou Breitman, aussi talentueuse en tant que réalisatrice (notamment des bouleversants Se souvenir des belles choses et Je l’aimais) qu’actrice, et toujours d’une justesse remarquable, comme elle l’est à nouveau ici en grand-mère inquiète, bougonne et hostile à son gendre en qui elle n’a aucune confiance pour s’occuper de son petit-fils adoré. Chacune de ses apparitions dans le film est réjouissante. Et quand elle dit avec une tendre colère : « Moi aussi j’ai envie de rire un bon coup », il semble que personne d’autre ne puisse prononcer ces mots ainsi, et être aussi désopilant avec une phrase aussi simple.


    Jezabel Marques fait aussi une apparition remarquée en James Bond Girl/Catwoman. Cette dernière avait signé un premier long-métrage magnifique dont un des personnages principaux était aussi un enfant ayant perdu un parent, le remarquable Sol, un film embrasé de douceur et de lumière. Je vous le recommande aussi au passage. Un film à l’image de la musique qui le porte et lui donne la note : un tango argentin chaleureux et mélancolique, réconfortant et nostalgique, qui étreint l’âme et entremêle force, délicatesse et sensualité. 

    Justement, c’est de nouveau le compositeur de la musique en question, Laurent Perez del Mar, qui a concocté la bande originale de Super papa, un compositeur pour les musiques duquel je vous avais déjà partagé mon enthousiasme, notamment il y a un an à l’occasion de la sortie de la tragi-comédie burlesque et mélancolique de Rémi Bezançon, Un Coup de maître, dont la sublime BO nous envoûte dès le début, avec ces notes qui ruissellent, rebondissent et tombent comme le feraient des gouttes cristallines sur un miroir, préfigurant les premiers mots du film, nous enjoignant à bien regarder, au-delà, puis à l'occasion de la diffusion de Tu ne tueras point,
    avec son thème d’une beauté entêtante, renversante et déchirante, un film d’une force saisissante de Leslie Gwinner qui alerte brillamment sur la place du handicap dans notre société et sur la place accordée à la différence et aux plus vulnérables, mais aussi à ceux qui les entourent (diffusé récemment sur France 2, disponible en replay, ici). Laurent Perez del Mar avait aussi composé la merveilleuse musique du chef-d’œuvre de Michael Dudok de Wit, La tortue rouge, dont la puissance romanesque hisse et propulse le film, et le spectateur, dans une sorte de vertige hypnotique et sensoriel d’une force émotionnelle exaltante, rarement vue (et ressentie) au cinéma. De nouveau, dans ce film de Léa Lando, sa musique apporte une valeur ajoutée et un supplément d’âme, un rythme surtout, à tel point que je me suis surprise à taper des pieds en cadence (ce qui peut sembler relativement normal et anodin ailleurs mais légèrement saugrenu, voire suspicieux, en séance presse) lorsqu’elle survient et inonde le film d’un entrain contagieux et d’une jubilation communicative. Ses notes réconfortantes ruissellent joyeusement. J’avais déjà employé ce verbe pour qualifier la musique d’Un Coup de maître mais, dans le film de Léa Lando, elles le font avec plus de douceur, comme une comptine, avec ces gouttes de guitare caressantes, ou ces violons qui la teintent d’une suave nostalgie et d’une cajoleuse mélancolie quand Gaby évoque sa mère disparue, dit qu’il ne sera plus jamais heureux et est envahi par la tristesse. Une musique qui s’emballe comme un élan romanesque, à l'unisson de l’imagination de Gaby, quand un de de ses rêves se réalise et que son visage s’illumine de joie. Ou qui devient plus emphatique, tambourine et s’emballe comme un cœur d’enfant en fête. Et quand il dit que la magie n’existe pas, la musique semble insinuer le contraire, apportant un malicieux contrepoint pour que le film ne sombre jamais vraiment dans la tristesse. Elle est aussi parfois ponctuée de notes facétieuses et d’éclats de joie. Elle devient « électrique » et trépidante (il me semblait que Bullitt allait débarquer d’un instant à l’autre) quand Gaby doit remplir sa mission tel un agent secret, et colorée et festive quand son père s’emploie à réaliser son souhait le plus farfelu. Comme dans certaines de ses précédentes BO, Laurent Perez del Mar a également composé une chanson mémorable. Dans Un Coup de maître, la chanson finale (All you’ve got interprétée par Laure Zaehringer) nous emportait comme une douce fièvre, harmonieuse et réconfortante. On se souvient aussi de l’exaltante chanson Believe avec Mani Hoffman dans La Brigade de Louis-Julien Petit. On retrouve ici la voix envoûtante et jazzy de Laure Zaehringer mais aussi Jim Bauer pour un titre que vous aurez envie de réécouter et de fredonner en quittant la salle, Fly away.

    Le scénario signé Léa Lando et Nathanael Guedj, rejoints pour l’adaptation et les dialogues par Fadette Drouard (auteure ou co-auteure de nombreux scénarios, notamment celui du brillant, instructif et palpitant -et injustement oublié des derniers César- La Syndicaliste de Jean-Paul Salomé), sur une idée originale de Léa Lando, dose subtilement tendresse, drôlerie, émotion et nostalgie. Et s’adresse aussi bien aux adultes qu’aux enfants. Les premiers auront envie d'empoigner leurs rêves sans perdre de vue l'essentiel. Les seconds seront forcément en empathie avec le petit Gaby. Les clins d’œil à James Bond, Love actually, voire à La bonne année (quand Ahmed Sylla se grime en vieux monsieur intrépide, il m’a rappelé Ventura dans le film de Lelouch) renforcent l’aspect gaiement ludique du scénario.


    Le super pouvoir ici, c’est celui, inestimable, de l’imaginaire qui suspend le vol du temps et du chagrin. Et celui de l’amour. D’un père pour son fils. Entre Tom et son « manager ». Entre Gabriel et sa grand-mère. Entre le couple de colocataires.  Cet amour qui, comme sa musique, inonde le film et « ruisselle ».

    De ces films qui nous donnent envie de savourer chaque seconde de l’existence, de ne pas oublier qu’elle peut être fauchée en plein vol, et de se concentrer sur l’essentiel. Un film empreint de douceur, tendrement drôle, ludique et jubilatoire. Mais aussi dénué de cynisme. D'une salutaire bienveillance. Et tant pis si ce substantif hérisse certains aigris, mais en ces temps troublés, en lesquels la réalité ressemble à un film insensé inventé par un démiurge démoniaque particulièrement retors, l’idée que nous pourrions posséder un livre magique qui exaucerait nos rêves (par exemple de sérénité, de remise en marche logique du monde) représente une respiration réconfortante. Sans aucun doute la comédie familiale de l’été, rythmée (grâce à la musique de Laurent Perez del Mar, au scénario, à l'alchimie entre les comédiens mais aussi grâce au montage signé Stéphan Couturier et Manon Illy), drôle, tendre et émouvante, avec en prime un rap du Président de la République dans un hélicoptère (si, si).

    Le film est dédié à la mère de Léa Lando et à son petit frère, Elie (dont c’est l’histoire et qui apparaît brièvement), récemment décédés, les personnes plus importantes de sa vie pour lesquelles elle a écrit ce film, comme le raconte la réalisatrice. Il ne fait aucun doute qu’ils seraient fiers d'elle et de son film qui est à l'image de ses personnages : plein de charme. Et que le public lui rendra l’amour que ce film charrie.  Une ode aux mensonges affectueux et à la force de l’imaginaire (et donc à la magie du cinéma) qui permettent d’édulcorer les fourberies de la vie quand des gens « disparaissent en claquant des doigts ». Je vous le garantis, petits ou grands enfants, l’émotion vous envahira à la fin.

    Selon Anatole France, « Vivre sans illusions, c’est le secret du bonheur ». Elles me semblent au contraire apporter d'indispensables éclairs de joie et d'évasion. Alors, écoutez Saint-Exupéry…et Léa Lando : « Faites que le rêve dévore votre vie afin que la vie ne dévore pas votre rêve. » Et hâtez-vous de rencontrer ce Super papa à la gaieté contagieuse et de découvrir ce que contient son livre magique, le 7 août au cinéma.

  • Critique de TU NE TUERAS POINT de Leslie Gwinner (sur France 2, le 3 avril, à 21h10)

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    Il y a quelques mois, je vous recommandais la fiction Le prochain voyage, diffusée sur France 2, suivie d'un débat présenté par Julian Bugier destiné à aborder et comprendre les questions cruciales autour de la fin de vie. L’histoire de la rencontre d’une vie qui éclaire « le prochain voyage »,  l'ultime aussi, une plongée dans le néant paradoxalement irradiée de lumière, empreinte de douceur, de notes vibrantes de jazz, de la beauté toujours flamboyante de Line Renaud, un éloge, a priori paradoxal, de la vie, et de la liberté. Le service public jouait pleinement son rôle, la fiction permettant de susciter l’empathie et les questionnements du téléspectateur, de lui laisser une empreinte mémorielle, en fictionnalisant une situation, en donnant corps à un sujet qui peut-être n’était pour lui alors qu’abstrait et lointain.

    Ce sera à nouveau le cas ce 3 avril, à 21h10, le lendemain de la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme avec la diffusion sur France 2 d’une nouvelle « Soirée continue », avec la fiction Tu ne tueras point, réalisée par Leslie Gwinner (avec notamment Samuel Le Bihan, Natacha Régnier, Martine Chevallier, Daniel Benoin, Christophe Kourotchkine, Thomas Cousseau...), également suivie d’un débat présenté par Julian Bugier.

    « Le 2 avril sera en effet la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme. Les troubles du spectre autistique, de la petite enfance à l'âge adulte, touchent ainsi 1 % de la population. De nombreux progrès restent à accomplir pour faire avancer la recherche thérapeutique et adapter la société à la neurodiversité. France Télévisions se mobilise autour de cette Journée mondiale en proposant une programmation spéciale afin de sensibiliser le grand public aux attentes et difficultés quotidiennes des familles qui restent immenses. »

    La fiction débute au tribunal, là où officie, dans une affaire subalterne, celui qui fut un pénaliste de renom, Simon Marchand (Samuel Le Bihan). Et s’il exerce toujours, ce n’est désormais plus en tant que pénaliste. « Ma carrière de pénaliste est derrière moi » martèle-t-il. Tombé amoureux d'une femme accusée de meurtre, une cliente avec laquelle il avait eu une liaison, il s’était laissé trop vite convaincre de son innocence. Cette affaire l’avait conduit à frôler la radiation du barreau et à divorcer. Depuis, il essaie de rebâtir sa vie personnelle et sa vie professionnelle. Jusqu’au jour où la mère (Martine Chevallier) d’Elsa Sainthier (Natacha Régnier) vient le voir en lui demandant de revêtir à nouveau la robe de pénaliste et de défendre sa fille mise en examen pour assassinat, plus exactement pour infanticide, pour avoir « poussé sa fille dans l’eau du fleuve ».  Elle lui explique que sa fille a mis fin aux jours de son enfant « pour abréger ses souffrances ». « La mère monstrueuse qui tue de sang-froid, ce n'est pas ma fille » ajoute-t-elle. Elsa Sainthier a en effet reconnu le crime et dit avoir voulu mettre fin aux immenses et irrémédiables souffrances de son enfant, atteinte de polyhandicap et de troubles autistiques sévères, sans autres perspectives que des structures d’accueil faites pour les troubles psychiques des adultes. Elsa n'attend rien de ce procès, elle ne cherche pas à ce qu’on la comprenne, la plaigne ou l’excuse, ni à ce qu’on la défende : « Cela m'est égal d'être défendue. Il n'y a rien à expliquer. Je peux pas expliquer. » Elle se sent surtout coupable du handicap de sa fille : « On ne soulage pas le handicap, on apprend à vivre avec. À croire que j'y suis pas arrivée. »  Elle n’acceptait plus la place laissée à sa fille dans la société (ou plutôt qu’on ne lui laissait pas). Plutôt que de le décourager, l’attitude d’Elsa déclenche chez Simon l’envie de la défendre, non pour la dédouaner mais pour expliquer, pour comprendre : « Le rôle de la justice, ce n'est pas seulement de condamner ou d'innocenter mais de comprendre, comprendre comment on a pu en arriver là… ». Et pour faire en sorte qu’elle soit condamnée pour meurtre et non pour assassinat. Mais surtout pour qu’un tel drame ne se reproduise plus jamais.

    Entre le début (l’avocat apparaît d’abord de dos, plaidant au tribunal une affaire immobilière) et la fin (il apparaît de face, triomphant), l’histoire d’un homme qui se relève, qui reprend sa place d’avocat pénaliste et de père, qui fait face, à travers les mots, à travers un combat qu’il porte avec une ardente conviction, à travers une plaidoirie magistrale qui, au-delà de sa cliente, vise à  défendre une cause nationale. À une époque où tout est souvent simplifié, comme si les réseaux sociaux avaient imposé à la société entière leur rythme et leur vision souvent dichotomique, intransigeante, univoque, il rappelle la complexité de la nature humaine, et la nécessité de la prendre en compte, qu’ « on ne peut jamais préjuger de nos réactions face à l’adversité » :  « Tu ne peux pas résumer une personne à une seule de ses actions. Cela peut arriver à tout le monde de faire quelque chose de terrible. Quelque chose qui ne ressemble pas à la personne que tu es. »

     La tâche est évidemment ardue pour l’avocat puisque sa cliente incarne le « tabou ultime » : la mère infanticide. Jusqu’où une mère peut-elle accepter de voir son enfant souffrir ? Une « enfant qui a les capacités d’un enfant de 18 mois, et pour toujours  » ? Une enfant qui « souffre et le fait comprendre en se frappant » ? Qui grandit alors qu’aucun lieu ne l’accueille parce que l’institut qui avait fini par l’accepter l’exclut parce qu’elle est devenue trop violente ?

    Plutôt que de plaider l’innocence (de toute façon, la société l’a déjà condamnée, elle-même s’est déjà condamnée à vie), il plaide la dignité de la personne humaine, bafouée : « Et si c'était de vivre en dehors de toute dignité qui était contre-nature. Ce n'est pas le handicap qui empêche la dignité mais plutôt la façon dont il est perçu, ignoré. La mort de Clara doit conduire la société à accepter les gens les plus vulnérables, à cesser de faire comme s'ils n'existaient pas. » « Si Clara n’était pas indigne de vivre, cette vie était indigne d’elle. »

    Face à l’aveuglement de la société, face à la déshumanisation imposée à ceux qu’elle exclut, les mots sont une arme pour alerter sur une thématique rarement abordée, celle de la place du handicap. Une arme redoutable face à l’adversité, face au silence, face à l’injustice. La force des convictions de l’avocat donne un poids considérable à chaque argument. On connaît le sixième commandement : « Tu ne tueras point ». Mais ce n'est pas tuer sa fille qu'a voulu Elsa, c'est qu'elle cesse de vivre dans la souffrance.

    Le scénario et la réalisation s’emparent de ce sujet avec toute la délicatesse qui lui sied.  La réalisatrice, Leslie Gwinner, dont c’est ici le premier film, a auparavant travaillé comme assistante réalisatrice sur des séries telles que Baron noir, Engrenages, Dérapages, avant de passer à la réalisation en 2023. Sa caméra n’est jamais impudique, ou voyeuriste, et la lumière est aussi douce que le sujet est âpre. L’infanticide n’est jamais montré, juste reconstitué, la scène n'en a d'ailleurs que plus de force, de sens et de portée. C’est de l’après dont il est avant tout question ici.

    Le scénario, librement inspiré de faits réels, d’une grande délicatesse, est signé Julien Guérif et Charlotte Pons, sur une idée originale de Samuel Le Bihan, lui-même père d’une enfant autiste (également coproducteur avec Delphine Wautier). On sent à quel point Samuel Le Bihan est imprégné de son sujet, à quel point les mots prononcés par l’avocat qu’il incarne pourraient être les siens, à quel point il les ressent et les vit viscéralement, et quand, lors de sa plaidoirie, il s’effondre pour se relever et dire ensuite « C'est ce à quoi ce procès nous invite, à lire les apparences à la lumière d'une réalité qui n'est pas la nôtre. », c’est nous qu’il interpelle et qu’il invite à voir cette réalité. Il était aussi judicieux de choisir la région lyonnaise et le cinégénique tribunal de Lyon comme cadres de l'intrigue, de portée aussi plus universelle qu'un décor parisien.

     Le scénario a l'intelligence de ne pas rendre la mère sympathique. Il ne s’agit pas de la dédouaner mais d’alerter sur une situation qui dépasse son propre cas comme l’explique très bien Samuel Le Bihan :  « Le film interroge l’accompagnement ou son manque et la terrible solitude des parents. Il ne faut pas chercher à comprendre son geste mais le regarder en face et de se demander ce qu’il dit de notre société, de notre humanité. »  

    Natacha Régnier (décidément trop rare au cinéma ces dernières années) incarne avec gravité et émotion contenue cette femme dans le cyclone de la tragédie, effondrée, broyée, à bout de souffle, qui ne cherche pas à se défendre, cette ingénieure « brillante cheffe d’équipe » qui a tout abandonné pour s’occuper de sa fille parce que ce sont « les mères les responsables », cette femme barricadée dans sa douleur ineffable.

    L’avocate générale (remarquable Raphaëlle Rousseau), citant Racine, va jusqu'à établir un parallèle avec Agrippine et son fils Néron qu’elle manipule : 

    « Et que derrière un voile, invisible et présente,

    J'étais de ce grand corps l'âme toute-puissante. »

    Elle rejette l’argument de la dignité comme enjeu du procès, rappelant que la mère « ne pouvait pas s'arroger le droit de lui donner la mort », que « l'euthanasie est interdite dans ce pays », et que «parmi tous les droits dont disposent les plus faibles figure le droit de vivre.» Mais vivre dans quelles conditions ?

    Si le film ne cherche pas à excuser le geste fatal, en revanche l’émotion (son humanité) affleure quand la mère retourne à son domicile, retrouve les jouets épars, la vie arrêtée en plein vol. Ce qu’elle ne dit pas, la musique l’exprime avec douceur et subtilité, à travers le thème d’une beauté renversante, entêtante et déchirante de Laurent Perez del Mar dont l'émotion va crescendo à l'unisson de celle qui s'empare de la mère. L’amour qu’elle éprouve pour son enfant, la nostalgie, et la douleur intolérable de l’absence, qu’elle tait, transpirent à travers la musique. Comme si Clara était là encore et dictait chacune des notes. Et quand l’avocat conclut sa plaidoirie  par ces mots « Je ne vous demande pas de l'aimer. Oui, elle doit être condamnée mais elle a droit a une chose, c'est à notre compassion. Si ce mot a encore un sens, c'est à vous de lui donner aujourd'hui », la musique ne paraphrase pas mais prend le relais et reflète l'émotion que cet appel à la compassion fait surgir. Comme le disait si justement Franz Liszt, « Les arts sont le plus sûr moyen de se dérober au monde : ils sont aussi le plus sûr moyen de s'unir avec lui.». C’est par ailleurs par quelques notes qui tambourinent mélodieusement sur des plans du tribunal que s'ouvre le film. Comme en un écho plus apaisé, sur le générique final, résonnent les notes d'espoir de la chanson (Tomorrow)  portée par la voix envoûtante de Laure Zaehringer, qui interprétait déjà la chanson de fin du film Un coup de maître de Rémi Bezançon, également écrites et composées par Laurent Perez del Mar.

    Il n’y a pas de gagnants ou de perdants quand un enfant est mort, quand la société a échoué à le protéger et à lui permettre de garder sa dignité, mais s’il n’y a pas de victoire juridique,  il y a une victoire humaine : « J'espère qu'elle fera bouger les lignes sur la prise en charge du handicap et l'écoute des aidants. Le handicap n'appartient pas à la sphère privée, c'est une question d'ordre politique. » L'avocat épelle les acronymes, exemple parmi d'autres, tellement révélateur de « l’enfer administratif » auquel sont confrontées les familles, ce « monde où les parents sont investis, solidaires, engagés à la place d'un État absent, défaillant », « un État condamné 5 fois par le conseil de l'Europe pour discrimination à l'égard des enfants autistes. »

    Cette fiction sensible sur cette tragédie, fait véritablement œuvre de service public, et possède ainsi l’immense vertu d’interroger la place du handicap dans notre société, mais aussi, au-delà de l’autisme, la place accordée aux plus fragiles, à la différence, aux plus vulnérables, mais aussi à ceux qui les entourent. On parle beaucoup des aidants mais ils sont bien souvent démunis et isolés face à des situations indicibles, et devant un État défaillant. Espérons que ce film ouvrira le débat, et la voie à une volonté décuplée des pouvoirs publics, une prise de conscience de l'urgence de la situation, et des solutions rapides et pérennes.

    Dans une société dans laquelle le bonheur semble être l'objectif ultime, il est salutaire de rappeler que ce bonheur, si tant est qu'il existe, ne réside pas forcément dans une réussite éclatante mais résulte pour certains simplement dans une absence de souffrance. « Cachez ces malades que je ne saurais voir. »  Un tel film, jamais impudique, mais d’une force saisissante, grâce à la musique poignante, à une distribution parfaite, l'interprétation convaincue et convaincante de Natacha Régnier et Samuel Le Bihan qui incarnent les deux protagonistes, au pouvoir combatif des mots judicieusement choisis (plus que joués et prononcés avec éloquence : vécus ), est plus persuasif que n’importe quel discours politique pour alerter sur une situation révoltante. Quand, face caméra, l’avocat demande « Que la République se regarde en face, que les gouvernements tiennent leurs promesses ! Le combat est encore long mais j'en serai et j'espère que nous serons nombreux », c’est à chacun de nous qu’il s’adresse. C'est à chacun de nous qu'il revient de clamer : ne cachons plus ces malades et leurs familles dont nous ne saurons plus ignorer la détresse, ne bafouons plus leur dignité.

  • Critique de LA TORTUE ROUGE de MICHAEL DUDOK DE WIT (2016)

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    La Tortue rouge faisait partie de la sélection officielle du 69ème Festival de Cannes, dans la catégorie Un Certain Regard. Ce film a obtenu le Prix Spécial du Jury Un Certain Regard avant de nombreux autres prix et nominations dans le monde, notamment aux César et aux Oscars comme meilleur film d’animation. Michaël Dudok de Wit avait auparavant  déjà remporté l’Oscar du Meilleur court-métrage d’animation pour Père et fille.

    La Tortue rouge a été cosignée par les prestigieux studios d’animation japonaise Ghibli qui collaborent pour la première fois avec un artiste extérieur au studio, a fortiori étranger. Ce film est en effet le premier long-métrage d’animation du Néerlandais Michael Dudok de Wit, grâce à l’intervention d’Isao Takahata, réalisateur notamment des sublimes films d’animation Le Tombeau des lucioles et Le Conte de la princesse Kaguya et cofondateur, avec Hayao Miyazaki, du studio Ghibli, et ici producteur artistique tandis que Pascale Ferran a cosigné le scénario avec le réalisateur. À ce trio, il faut ajouter le compositeur, Laurent Perez del Mar, sans la musique duquel le film ne serait pas complètement le chef-d’œuvre qu’il est devenu.

    Ce conte philosophique et écologique est un éblouissement permanent qui nous attrape dès la première image (comme si nous étions ballottés par la force des éléments avec le naufragé) pour ne plus nous lâcher, jusqu’à ce que la salle se rallume, et que nous réalisions, abasourdis, que ce voyage captivant sur cette île déserte, cet état presque second dans lequel ce film nous a embarqués, n’étaient que virtuels.

    C’est l’histoire d’un naufragé sur une île déserte tropicale peuplée de tortues, de crabes et d’oiseaux. Il tente vainement de s’échapper de ce lieu jusqu’à sa rencontre avec la tortue rouge, qu’il combat d’abord…avant de succomber à son charme. Quand la carapace de l’animal va se craqueler puis se fendre, une autre histoire commence en effet. La tortue se transforme en femme. Une transformation dans laquelle chacun peut projeter sa vision ou ses rêves. Que ce soit un écho à la mythologie et à l’œuvre d’Homère : comme Ulysse, le naufragé est retenu dans une île par une femme. Ou que ce soit une projection de ses désirs. Ou une personnification de la nature pour en signifier la beauté et la fragilité. Le rouge de cet animal majestueux contraste avec le bleu et le gris de la mer et du ciel. Respecté, solitaire, paisible, mystérieux, il est aussi symbole d’un cycle perpétuel, voire d’immortalité. Comme une parabole du cycle de la vie que le film met en scène.

    Le murmure des vagues. Le chuchotement du vent. Le tintement de la pluie. L’homme si petit au milieu de l’immensité. La barque à laquelle il tente de s'accrocher. Le vrombissement de l’orage. Les cris des oiseaux. Les vagues qui se fracassent contre les rochers, puis renaissent. Le bruissement des feuilles. L'armée joyeuse des tortues. Le clapotis de l'eau. La nature resplendit, sauvage, inquiétante, magnifique. Sans oublier la respiration (dissonante ou complémentaire de l’homme) au milieu de cette nature harmonieuse.

    La musique à peine audible d’abord, en gouttes subtiles, comme pour ne pas troubler ce tableau, va peu à peu se faire plus présente. L’émotion du spectateur va aller crescendo à l'unisson, comme une vague qui prendrait de l’ampleur et nous éloignerait peu à peu du rivage de la réalité avant de nous embarquer, loin, dans une bulle poétique et consolatrice. Cela commence quand le naufragé rêve d’un pont imaginaire, la force romanesque des notes de Laurent Perez de Mar nous projette alors dans une autre dimension, déjà. Puis, quand tel un mirage le naufragé voit 4 violonistes sur la plage, qui jouent une pièce de Leoš Janáček : String Quartet No.2 Intimate Letter

    Jamais l’absence de dialogue (à peine entendons-nous quelques cris des trois protagonistes) ne freine notre intérêt ou notre compréhension mais, au contraire, elle rend plus limpide encore ce récit d’une pureté et d’une beauté aussi envoûtantes que la musique qui l’accompagne. Composée en deux mois une fois l’animation terminée et le film monté, elle respecte les silences et les bruits de la nature. La musique et les ambiances de nature se (con)fondent alors avec virtuosité pour créer cette symbiose magique. Jamais redondante, elle apporte un contrepoint romanesque, lyrique, et un supplément d’âme et d’émotion qui culmine lors d’un ballet aquatique ou plus encore lors de la scène du tsunami. À cet instant, la puissance romanesque de la musique hisse et propulse le film, et le spectateur, dans une sorte de vertige hypnotique et sensoriel d’une force émotionnelle exaltante, rarement vue (et ressentie) au cinéma.

    Ce film universel qui raconte les différentes étapes d’une vie, et reflète et suscite tous les sentiments humains, est en effet d’une force foudroyante d’émotions, celle d’une Nature démiurgique, fascinante, grandiose et poétique face à notre vanité et notre petitesse humaines. Une allégorie de la vie d’une puissance émotionnelle saisissante exacerbée par celle de la musique à tel point qu’on en oublierait presque l’absence de dialogues tant elle traduit ou sublime magistralement les émotions, mieux qu’un dialogue ne saurait y parvenir.

    Le graphisme aussi épuré et sobre soit-il est d’une précision redoutable. Les variations de lumières accompagnent judicieusement l’évolution psychologique du personnage. Rien n’est superflu. Chaque image recèle une poésie captivante.

    La tortue rouge est film contemplatif mais aussi un récit initiatique d’une poésie, d’une délicatesse et d’une richesse rares dont on ressort étourdis, avec l’impression d’avoir volé avec les tortues, d’avoir déployé des ailes imaginaires pour nous envoler dans une autre dimension et avec l’envie de réécouter la musique pour refaire le voyage (et y projeter nos propres rêves, notre propre "tortue rouge") et se laisser emporter par elle et les images qu’elle initie, nous invitant dans un ailleurs étourdissant, entre le ciel et la mer, dans un espace indéfini et mirifique. Un ailleurs qui est tout simplement aussi la vie et la nature que ce film sublime et dans lequel il nous donne envie de plonger. Plus qu'un film, une expérience sensorielle unique. Un chef-d’œuvre.

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  • Critique - UN COUP DE MAÎTRE de Rémi Bezançon (au cinéma le 9 août 2023)

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    « Dans un incendie, entre un Rembrandt et un chat, je sauverais le chat. » Dans Un homme et une femme de Claude Lelouch, Jean-Louis (Jean-Louis Trintignant), en citant cette phrase de Giacometti, demande à Anne (Anouk Aimée) si elle « choisirait l’art ou la vie ». Mais peut-être y aurait-il une troisième voie qui consisterait à les entrelacer…

    « L'art n'est pas juste une représentation de la réalité. L'art peut créer sa propre réalité. » Dès les premières secondes d'Un coup de maître, juste avant cette phrase, notre attention est attisée, déjà, par une mystérieuse toile dont on se rapproche et qu'accompagnent les notes cristallines puis ardentes de Laurent Perez del Mar tandis qu’Arthur (Vincent Macaigne), off, prononce ces mots : « Cette pièce est l’œuvre de l’artiste Renzo Nervi. »

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    ©Thomas Nolf

     

    Renzo Nervi (Bouli Lanners) est ainsi un « peintre figuratif radical en pleine crise existentielle » et surtout l’ami de longue date d’Arthur Forestier (Vincent Macaigne), propriétaire d'une galerie d'art passionné qui le représente et avec qui il partage son amour de l'art. Déprimé, ne parvenant plus à peindre, Renzo sombre dans l'ennui le plus total. Il accepte tout de même un assistant (Bastien Ughetto), cédant à l'insistance de celui qui le considère comme une « légende vivante ». De son côté, Arthur s'acharne à reconstruire ce que son ami peintre, aussi dépressif qu'excessif, s'acharne à détruire. Pour sauver Renzo, il va ainsi jusqu'à élaborer un plan audacieux qui finira par les dépasser… Jusqu’où peut-on aller par amitié ?

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    ©Thomas Nolf

    Quatre ans après Le Mystère Henri Pick, qui réunissait Fabrice Luchini et Camille Cottin dans l’adaptation de l'excellent roman éponyme de David Foenkinos, Rémi Bezançon met à nouveau en scène un savoureux duo de comédiens. Après l’hommage au livre et au pouvoir des mots, c’est cette fois l’art pictural qui est à l’honneur. Ce septième long-métrage de Rémi Bezançon est donc à nouveau une adaptation, en l'occurrence d’un film argentin, Mi obra maestra de Gaston Duprat, dont il a cosigné le scénario avec Vanessa Portal, également cosignataire de ses scénarios des films suivants : Le Premier jour du reste de ta vie, Un heureux évènement, Nos futurs, le Mystère Henri Pick mais aussi de Premiers crus de Jérôme Le Maire.

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    C’est en 2005, au Festival du Film de Cabourg dans le cadre duquel il présentait son premier long-métrage, Ma vie en l’air, que j’avais découvert l’univers de Rémi Bezançon, interpellée déjà par son écriture ciselée, un cinéma de la nostalgie et de la mélancolie teintées d’humour, d'un romantisme dénué de mièvrerie.

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    Vint ensuite, en 2008, Le premier jour du reste de ta vie, un beau succès estival qui avait allègrement dépassé le million d’entrées et récolté 9 nominations aux César. « 5 personnages. 5 membres d’une même famille. 5 journées déterminantes. 12 ans. » À nouveau, nous retrouvions ce ton mêlant astucieusement tendre ironie et drame qui s’imposait dès la première scène, la première journée : la mort décidée du chien de 18 ans et le départ de l’aîné, au grand désarroi, plus ou moins avoué, du reste de la famille. Un pan de vie et d’enfance qui se détachait, violemment. Le spectateur se reconnaît forcément à un moment ou à un autre de ce film personnel et universel, dans un instant, un regard, un déchirement, une émotion, des pudeurs, des non-dits, un étrange hasard, la tendresse ou la complicité ou l’incompréhension d’un sentiment filial, la déchirure d’un deuil (d’un être ou de l’enfance), ou encore ces instants d’une beauté redoutable lors desquels bonheur et horreur indicibles semblent se narguer et témoigner de toute l’ironie, parfois d’une cruauté sans bornes, de l’existence. Cinq regards sur le temps qui passe impitoyablement et que chacun tente de retenir. Un film empreint de la nostalgie, douce et amère, délicieuse et douloureuse, de l'enfance, porté par une judicieuse synchronisation entre le fond et la forme et une utilisation tout aussi judicieuse du hors-champ et de l'ellipse. De ces films que l'on revoit avec le même plaisir à chaque diffusion. Ne manquez pas la prochaine...

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    Puis, en 2011, il y eut Un heureux évènement, l'adaptation du roman éponyme d'Éliette Abécassis, publié en 2005.

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    Ensuite, ce fut Zarafa, en 2012, coréalisé avec Jean-Christophe Lie. Ce film d’animation était déjà une histoire d’amitié indéfectible, entre Maki, un enfant de 10 ans, et Zarafa, une girafe orpheline, cadeau du Pacha d’Égypte au Roi de France Charles X. Un périple palpitant, entre récit initiatique et conte, basé sur une réalité historique, avec un scénario là encore particulièrement réussi (de Alexander Abela et Rémi Bezançon) qui évoquait ainsi l'esclavage, la fraternité et la liberté.

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    Nos futurs, le cinquième long-métrage réalisé par Rémi Bezançon, était une tragi-comédie surprenante et double, définition qui peut d’ailleurs s’appliquer à Un coup de maître dont le titre est aussi polysémique que celui du film précité. Nos futurs, c’est l’histoire de « deux amis d’enfance, qui s’étaient perdus de vue depuis le lycée, se retrouvent et partent en quête de leurs souvenirs… ». 

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    L’amitié est donc aussi au centre d'Un coup de maître, celle, inébranlable, pétrie d’admiration que voue Arthur à Renzo, de son côté reconnaissant que son ami lui soit toujours resté fidèle malgré « les ponts d’or que lui offraient les galeries à sa grande époque ». « Même si tout les oppose, l'amour de l'art les réunit » précise le pitch officiel qui pourrait être celui d'une comédie romantique dont le film reprend et détourne d'ailleurs la structure et les codes. L'amitié au cinéma a été sublimée par Claude Sautet. Il y avait Vincent, François, Paul et les autres. Il y a désormais Arthur et Renzo.

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    ©Thomas Nolf

    Qu’avons-nous fait de nos rêves ? De nos espoirs d’adolescence ? De ce sentiment de « no future », que la mort n’arriverait jamais ou n’arriverait qu’aux autres, aux inconnus ? Telles sont les questions auxquelles répondait No future, récit initiatique particulièrement sensible sur l’amitié, les souvenirs, les douleurs insondables, la nostalgie et la nécessité d’y faire face pour affronter le présent et l’avenir. Un coup de maître s’interroge aussi sur les rêves, plutôt sur les concessions à sa liberté qu'accepte ou n'accepte pas un artiste pour accéder à ses rêves, ou à la « réussite » dans sa sphère artistique. Mais c’est d’abord une comédie jubilatoire qui brocarde le monde de l’art et sa marchandisation effrénée : « Le milieu de l'art est une farce. Il est l'illustration de la corruption du monde que nous laissons derrière nous. L'art est désormais un investissement comme un autre. »

    Un coup de maître n’épargne pas non plus la versatilité des flagorneurs qui disparaissent quand le succès se tarit (et qui réapparaissent tout aussi vite en cas de revirement de fortune), laquelle peut tout autant s’appliquer au milieu de la peinture qu'à celui du cinéma. Le snobisme des expressions employées pour qualifier les toiles pourrait aussi venir de certains critiques de films : « Sous la cruauté de cette peinture se dégage une ironie, une certaine commisération, de la mansuétude même. » (Il faut voir le tableau en question pour juger de l’absurdité et donc de l'effet comique de cet avis !). Sans parler de ce critique qui évoque la « matrice mortifère de son existentialisme » à propos de la peinture de Renzo. L’humour noir est aussi omniprésent. Renzo est ainsi hanté par le souvenir de sa femme disparue : « C'est le gros problème de la mort. La mort, il y a quelque chose d'irrémédiable dedans. »

    Labyrinthes. Tel est le nom de l’exposition de Renzo. Un labyrinthe scénaristique, peut-être est-ce ainsi que l’on pourrait qualifier chaque film de Rémi Bezançon. Mais un labyrinthe dont on retrouve toujours la sortie, avec la lueur réconfortante au dénouement. C’était déjà le scénario « labyrinthique » que j’avais tant aimé dans No future : une construction particulièrement astucieuse qui jouait avec le temps, sa perception, telle celle que nous avons de notre propre passé, forcément biaisée en raison du prisme déformant des souvenirs, souvent infidèles. Un habile puzzle qui, une fois reconstitué au dénouement, nous ravageait. Un film qui nous donnait envie de refaire le voyage à l’envers pour le revivre à la lueur de son arrivée et dire à nos amis à quel point nous sommes heureux qu'ils fassent partie de nos futurs.

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    ©Thomas Nolf

    Ce qui échappe à la marchandisation, c’est donc l’amitié, à l’honneur dans Zarafa, No future et Un coup de maître, mais aussi l’émotion que procure une œuvre d’art. C’est d’ailleurs cette émotion qui a fait naître l’amitié entre Arthur et Renzo, le premier étant bouleversé en découvrant pour la première fois une œuvre du second. La valeur de l’art, c’est la valeur du souvenir et non sa valeur marchande, comme celle que Renzo attribue au Portrait de Maude Abrantès de Modigliani, un tableau devant lequel l’ami d’Arthur rêverait de passer ses journées.

    Vincent Macaigne est parfait dans le rôle de l’ami d'une fidélité inaltérable, un peu gauche, mais prêt à tout par amitié. Aussi crédible en galeriste qu'en médecin de nuit dans le film éponyme d'Élie Wajeman dans lequel il est magistral, aussi à l’aise dans le drame que dans la comédie comme dans Chronique d’une liaison passagère, la fable d’une trompeuse légèreté d'Emmanuel Mouret, expression par laquelle on pourrait d'ailleurs également définir Un coup de maître.

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    © Hélène Legrand

    Bouli Lanners, dans le rôle du peintre qui préfère perdre sa vie plutôt que son âme, ou plutôt que de la « vendre au diable », livre une prestation savoureuse de bougon désabusé, entier, déprimé, obstiné, exubérant, et faussement misanthrope, témoignant une nouvelle fois de toute l’étendue de son jeu après son rôle de gendarme tourmenté dans La nuit du 12 de Dominik Moll pour lequel il a reçu le César 2023 du meilleur acteur dans un second rôle.

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    © Zinc. Film

    Les seconds rôles, justement, sont judicieusement distribués : Anaïde Rozam, Aure Atika, Bastien Ughetto. Aure Atika incarne ici Dudu, une galeriste impudente. Elle aussi a toujours autant de présence et de précision dans la comédie que dans le drame (et mériterait davantage de premiers grands rôles, notamment dramatiques). Ainsi, récemment, dans Rose d’Aurélie Saada, elle était très émouvante dans le rôle de ce personnage aveuglé par l’amour qui sombre puis renaît mais aussi dans le film, plus ancien, de Stéphane Brizé, Mademoiselle Chambon, dans lequel elle est d'une sobriété et d'une justesse remarquables.

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    © Hélène Perkins

    On se souvient également de Bastien Ughetto, déjà inénarrable dans un autre film labyrinthique, joyeusement immoral, drôle et cruel, la comédie grinçante de François Ozon, Dans la maison.

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    © Thomas Nolf

    Comme toujours dans le cinéma de Rémi Bezançon, la bande originale est particulièrement marquante. Après Sinclair pour Le premier jour du reste de ta vie, avec une BO aussi parsemée de morceaux de Bowie, The Divine Comedy, Janis Joplin, Lou Reed et évidemment Etienne Daho avec cette magnifique chanson à laquelle le réalisateur a emprunté son titre pour celui de son film, après la musique signée Pierre Adenot pour No future, cette fois il retrouve son compositeur de Zarafa et Le Mystère Henri Pick, Laurent Perez del Mar. La musique se fait la complice du montage ingénieux de Sophie Fourdrinoy et de la somptueuse photographie de Philippe Guilbert (qui a de nombreux longs-métrages à son actif parmi lesquels le bouleversant J'enrage de son absence de Sandrine Bonnaire), lequel a visiblement puisé son inspiration dans l'univers de peintres renommés, de Rembrandt à Monnet en passant par Renoir. Preuve en est l'image ci-dessous...

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    © Thomas Nolf

    La puissance magnétique de la musique de Laurent Perez del Mar accompagne le geste du peintre, et caresse les toiles. Dès le début, ces notes qui ruissellent, rebondissent et tombent comme le feraient des gouttes cristallines sur un miroir, préfigurant les premiers mots en off, nous enjoignent à bien regarder, au-delà. Le mélange astucieux de modernité et de classicisme, avec ces claviers, guitares, et violoncelles, illustre ainsi le caractère de ce film : salutairement inclassable. La musique se fait aussi onirique, fantastique ou même cauchemardesque, sur le sublime poème de Victor Hugo, Le Tombeau de Théophile Gautier. Comme un peintre avec les couleurs sur sa palette, le compositeur entremêle instruments, teintes et sonorités, à la fois bigarrées et logiques.

    Chacune des BO de Laurent Perez del Mar frappe la mémoire, et y laisse une forte empreinte, immortalisant ainsi le souvenir des images qu'elle colore, approfondit ou éclaire. Comme dans La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit, cette musique foudroyante de pureté et d'émotions, en harmonie avec celles que suscite la Nature, démiurgique, fascinante et poétique dont elle exacerbe la magnificence. Comme dans La Brigade de Louis-Julien Petit, avec ces notes venues d’ailleurs qui rappellent les vies exilées et les périples des jeunes migrants. Comme dans Carole Matthieu de Louis-Julien Petit, quand la musique d'une beauté déchirante accompagne cette dernière dans un crescendo bouleversant, telle une armée en marche. Comme dans Les Éblouis de Sarah Suco, quand les envolées des violons, à la fois flamboyantes et délicates, ponctuées des larmes subtiles du piano, reflètent les tourments et les élans de la jeune Camille. Comme dans My son de Christian Carion, avec ces notes lancinantes et obsédantes, obscurément envoûtantes, sur les paysages grandioses et sauvages, à leur image : d'une beauté sombre, étrangement ensorcelante. Comme dans Ténor de Claude Zidi Jr, quand la musique suggère la mélancolie et la nostalgie de la professeure de chant, la fougue aventureuse de la jeunesse, ou quand elle accompagne la lecture de la poignante Lettre de Marie, prenant alors de l’ampleur et de l’amplitude à l’unisson de l’émotion qu'elle transcende. Comme dans Les Invisibles de Louis-Julien Petit, ces visages de femmes maquillées, dont la chanson Move over the light souligne joyeusement l'élan d'espoir et de renaissance. Comme dans Zarafa, quand elle procure un souffle épique aux images...

    Dans Un coup de maître, la musique semble duale, comme ce film avec son début et sa fin en miroir, avec ces notes, récurrentes, entendues dès le générique, dont on a l'impression qu'elles tintinnabulent. Là aussi, grâce à la musique, il y a des plans qui restent en mémoire. Ce rai de lumière qui éblouit sur ce moment de « folie » de Renzo avec ces notes légèrement dissonantes qui rappellent celles du début, ces notes qui carillonnent presque comme un reflet sonore de la lumière éblouissante, qui se font ensuite plus douces et apaisées. Mais aussi ces plans « à la Rembrandt » à la lueur des bougies auxquels la musique procure une aura presque magique. Renzo lui-même se réfère d’ailleurs au peintre néerlandais : « Je suis né en 360 à partir de Rembrandt. Je préfère compter à partir de Rembrandt qui était un vrai génie. »

    À la fin, la musique s’emporte et s’emballe comme des applaudissements victorieux, comme un tourbillon de vie, comme un cœur qui renaît, comme le pouls de la forêt, avec de plus en plus de profondeur aussi, comme si la toile atteignait son paroxysme, sa plénitude. Dévoilant toute sa profondeur, elle emporte alors comme une douce fièvre, harmonieuse, réconfortante, avec ces notes de guitare et cette chanson finale (All you’ve got interprétée par Laure Zaehringer) que l’on emmène avec soi.

    La musique illustre ainsi parfaitement le propos du film. Ce qui compte, comme avec le tableau de Modigliani, comme avec toute œuvre d’art, ce sont les émotions qu'elle convoque. Ce qui importe vraiment dans l’art, même si « le monde de l’art est une farce », ce sont les images et les réminiscences que suscite une œuvre, comme ce Portrait de Maude Abrantes pour Renzo. La musique et les plans du début et de la fin se répondent ainsi brillamment, illustrant cette première phrase « l’art crée sa propre réalité », comme si nous pouvions finalement imaginer tout cela à partir d’un tableau, celui qui apparaît au tout début du film. Ce qui compte, c’est bel et bien de « saisir l'expérience que l'œuvre offre à vos sens » qu’il s’agisse d’une musique, d’un film ou d’un tableau.

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    © Thomas Nolf


    Cette tragi-comédie burlesque et mélancolique, aux dialogues d'une ironie mordante et au scénario labyrinthique et brillant, est donc une invitation à l’imaginaire, à mieux regarder, à privilégier l’émotion qu’offre une œuvre d’art. Comme dans les précédents films de Rémi Bezançon, on retrouve cet enchevêtrement de second degré et de profondeur, de gravité et de légèreté apparente, de comédie et de drame, cette mélancolie teintée d’humour comme une « politesse du désespoir ». On en ressort la tête pleine d'images, de peintures, de poésie, de dialogues savoureux, de musique (bref, d'arts !), et avec l’envie de « bien regarder » car, comme le disait Picasso : « L'art est un mensonge qui nous permet de dévoiler la vérité.» Oui, apprendre à regarder, c’est l’essentiel. » À regarder derrière la toile. Ou derrière les apparences et les êtres de prime abord misanthropes…

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    Une tragi-comédie maligne aussi, qui joue et jongle avec l'art et la réalité, au-delà même du film puisque Anne-Dominique Toussaint et Zinc.* ont présenté une exposition des tableaux du peintre fictif Renzo Nervi réalisés pour le film par Adam Martyniak, Milosz Flis et Anita Werter. Intitulée Labyrinthes (comme celle du peintre fictif Renzo Nervi !), cette exposition a eu lieu dans l’espace de la Galerie Cinéma* : « 18 tableaux réalisés pour le film qui nous emportent dans l’univers coloré et énigmatique d’un artiste controversé (et dans celui du cinéaste). Un faux documentaire sur Renzo Nervi, ainsi que des (vraies) interviews avec le réalisateur et les chefs décorateurs, sont visibles dans la petite salle de projection de la Galerie pendant l’exposition. Une vente aux enchères des tableaux est organisée cet été au profit de l’association Action contre la faim. » Une idée aussi généreuse qu'astucieuse puisque les 20 tableaux spécialement créés pour le film pour donner vie à l'univers du peintre interprété par Bouli Lanners (qui a aussi réalisé un des tableaux vendus) sont ainsi vendus aux enchères au profit d'Action contre la faim, du 17 juillet au 31 août. Vous pouvez ainsi participer à la vente aux enchères caritative, ici, ou visiter la galerie virtuelle des oeuvres, là. Vous pourrez également voir les œuvres à la maison Tajan (37 rue des Mathurins, 75008 - Paris), du 21 au 31 août 2023 de 10h à 18h (fermé les 26 et 27 août. Vous y trouverez notamment le tableau RENZO NERVI (né en 360 après Rembrandt) REGARDEZ. Le prix de départ pour toutes les œuvres est à 100 euros. 

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    Entre l'art et la vie, définitivement, peut-être est-il préférable de ne pas choisir, d'opter pour la mise en abyme et de se fondre dans le décor (comme le fait d'ailleurs le cinéaste lui-même dans le film), parce que, comme l'écrivait Oscar Wilde, « la vie imite l'art, bien plus que l'art n'imite la vie », ce qui n'est surtout pas une raison pour vous dispenser de l'art et d'aller voir ce film à l'image de son duo : réjouissant et (car) inclassable ! Souhaitons à cette ode à l'amitié (et à l'émotion inestimable -au sens propre comme au sens figuré- que procure la peinture, et l'art en général), décalée, burlesque, inventive, tendre, inattendue, incisive, mélancolique, profonde et drôle, le même succès estival qu'au Premier jour du reste de ta vie, sorti il y a 15 ans, également en plein été.

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    © Zinc. Film

    Bonus : Rémi Bezançon a aussi réalisé plusieurs spots pour la sécurité routière, dont ce dernier de 2023, formidable, que je vous recommande vivement.

    Découvrez la bande-annonce du film Un coup de maître, ici.

    *Ce film a été distribué par la jeune maison de distribution, Zinc., tout comme Les Petites victoires de Mélanie Auffret dont je vous avais parlé, ici.

    *Galerie Cinéma | 26, rue Saint-Claude 75003 Paris | contact@galeriecinema.com | +33 (0) 1 45 35 14 04 | du mardi au samedi, 11h - 19h