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  • Critique de 007 SPECTRE de Sam Mendes à voir ce 25.11.2016 sur Canal +

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    Spectre. 24ème James Bond. Le quatrième James Bond incarné par Daniel Craig après « Casino Royale » en 2006, « Quantum of solace » en 2008, « Skyfall » en 2012 en attendant le cinquième puisque Daniel Craig a déjà annoncé avoir signé pour le prochain. A nouveau, pour la deuxième fois après "Skyfall", c'est le réalisateur (notamment) du chef d'œuvre "Les Noces rebelles", Sam Mendes, qui est à la réalisation. Avec un budget estimé à 300 millions de dollars, Spectre est le James Bond le plus cher, ce qui devrait être rapidement rentabilisé au regard de son succès en salles (le meilleur démarrage en France avec ses 900 000 entrées comptabilisées le jour de sa sortie en France) et cela malgré de nombreuses critiques mitigées qui me laissent perplexe au regard de la réussite de ce « Spectre » dont je n’ai réalisé qu’une fois sortie de la salle qu’il durait 2H30 tant le temps a passé vite… Sans doute ces critiques s’expliquent-elles par une exigence de surenchères et rebondissements scénaristiques (que contenait le meilleur scénario de la franchise, « Casino Royale »), une lacune relative pourtant largement compensée par tout ce que contient ce 24ème Bond. Il ne faut pas oublier non plus que les producteurs du film ont été forcés de faire réécrire le script après le piratage de Sony, ce qui a radicalement changé le déroulement de l’intrigue, la transformant en une judicieuse mise en abyme puisque la surveillance mondialisée se trouve au centre de ce Bond palpitant et ombrageux aux ramifications arachnéennes.

    Comme toujours haletant, le pré-générique se déroule en plan-séquence et sur les chapeaux de roue, dans une contrée lointaine, cette fois le Mexique lors de la fête des morts. Bond au bras d’une sublime créature se faufile à toute allure dans les rues grouillantes et animées de Mexico, affublé d’un masque de squelette, environné de simulacres de morts. D’emblée, le ton de ce nouveau Bond est donné. Sombre et sensuel. Sur lequel plane l’ombre de la mort. De spectres menaçants. (pléonasme?)

    A Mexico, Bond tue un célèbre criminel, le mari de Lucia Sciarra (Monica Bellucci) avant d’infiltrer une réunion secrète révélant une redoutable organisation qui répond au doux nom de Spectre pour les intimes (signifiant "Service Pour l'Espionnage, le Contre-espionnage, le Terrorisme, la Rétorsion et l'Extorsion", en VO :"Special Executive for Counter-intelligence, Terrorism, Revenge and Extortion") après avoir été démis de ses fonctions. Pendant ce temps, à Londres, Max Denbigh, le nouveau directeur du Centre pour la Sécurité Nationale, remet en cause les actions de Bond et l’existence même du MI6, dirigé par M (Ralph Fiennes).

    Bond persuade alors Moneypenny (Naomie Harris) et Q (Ben Whishaw) de l’aider secrètement à localiser Madeleine Swann (Léa Seydoux), la fille de son vieil ennemi, Mr White, qui pourrait détenir le moyen de détruire Spectre. Fille de tueur et solitaire, Madeleine comprend Bond mieux que personne… Sa Madeleine (de Proust ?) qui lui rappelle ses propres blessures.

    Depuis qu’il est incarné par Daniel Craig, James Bond est plus tourmenté, plus sombre, plus viril, plus glacial. Paradoxalement, plus humain, aussi. Le personnage a gagné en épaisseur en délaissant les stéréotypes du svelte dandy au sourire ravageur et carnassier aussi collectionneur de gadgets que de James Bond girls. Sixième acteur à incarner le célèbre héros de Ian Flemming, Daniel Craig est aussi à mon avis le meilleur, celui qui a apporté le plus d’épaisseur, de séduction brute, et de complexité au personnage. C’est ici dans cette complexité et non dans un scénario acadabrantesque que réside l’intérêt de ce nouveau James Bond. Un homme seul, un orphelin (doublement puisqu’il a aussi perdu M dans « Skyfall ») hanté par les démons du passé, par les morts et les ennemis qui ont jalonné sa route.

    La mort, la solitude, la noirceur président ainsi à ce nouveau James Bond, plus tourmenté et ombrageux que jamais. Cela n’en est pas moins un flamboyant divertissement. Bond est ici « un cerf volant qui danse dans un ouragan ». L’accent est en effet plus que jamais mis sur sa solitude, soulignée par la réalisation inspirée de Sam Mendes. Bond traversant une place vide et grisâtre. Bond pour la première fois dans son appartement où sur le sol gisent des tableaux qu’il n’a pas pris le temps d’accrocher. Bond au milieu de grandes étendues désertiques. Bond passant sous des arbres décharnés. Bond qui traverse constamment des décors qui font écho à ses démons et sa solitude.

    « Spectre » s’inscrit ainsi dans la continuité de « Skyfall », le retour aux sources qui, pour la première fois, évoquait l’enfance de Bond qui alors n’était plus une sorte de machine de guerre mais qui apparaissait pour la première fois comme un être de chair et de sang, construit par une blessure d’enfance. A nouveau, comme dans "Skyfall", il se retrouve confronté à un homme assoiffé de vengeance incarné par Christoph Waltz, manichéen comme tout méchant de Bond qui se respecte.

    L’élégance de la réalisation, la pénombre et les ombres du passé qui planent constamment (a fortiori celles de M et Vesper) rendent ce « Spectre » particulièrement nostalgique et mélancolique. Dès le prégénérique, nous étions prévenus, « les morts sont vivants ». Cette mélancolie annoncée est corroborée par un générique tentaculaire étourdissant de noirceur et sensualité mêlées avec la voix déchirée et déchirante de Sam Smith qui interprète "Writing's on the Wall". Danse funèbre enivrante qui m’a immédiatement transportée dans l’univers sombrement envoûtant de ce nouveau  Bond.

    Les destinations plus ou moins exotiques qui caractérisent les James Bond n’ont pas été oubliées et nous passons en un rien de temps du Mexique à Londres, de Londres à Rome, de Rome à l’Autriche, de l’Autriche au Maroc…avant de revenir à Londres. La psychologie des personnages féminins n’atteint pas celle de Vesper dans « Casino Royale » mais Bond pour la première fois depuis Vesper se laisse attendrir. L’amour face à un monde qui se meurt. Les scènes avec Léa Seydoux (7ème française à incarner une James Bond girl) n’égalent ainsi pas la joute verbale entre Bond et Vesper dans « Casino Royale » et  leur duel sensuel inoubliable mais apportent une touche d’émotion et de glamour. De même pour la scène d’amour avec Belluci dans la pénombre  délicieusement inquiétante d’un palais romain, baigné d’opéra et de mort.

    Ce Bond est aussi l’histoire d’une confrontation au passé. Le passé de son organisation. Le passé de Bond et ses fantômes qui ressurgissent. Son avenir n'est guère plus réjouissant, annoncé par son nom écrit en lettres rouges sang sur un mur, ajouté à une liste de morts.

    Comme toujours l’interprétation de Daniel Craig mêle élégance et dureté, avec une pointe d'humour, même si la carapace se fissure doucement. Glamour, sombre, spectaculaire, sensuel, nostalgique, mélancolique, dominé par un personnage plus torturé, élégant, ténébreux et donc séduisant que jamais et par la réalisation particulièrement brillante de Sam Mendes, ce James Bond est un divertissement de qualité en plus d’un hommage aux anciens James Bond. Laissez-vous enserrer par cette pieuvre spectrale qui vous embarquera dans un périple sombrement fascinant et divertissant, une grisant tourbillon d'amour et de morts.

  • Critique de SPECTRE de Sam Mendes

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    Spectre. 24ème James Bond. Le quatrième James Bond incarné par Daniel Craig après « Casino Royale » en 2006, « Quantum of solace » en 2008, « Skyfall » en 2012 en attendant le cinquième puisque Daniel Craig a déjà annoncé avoir signé pour le prochain. A nouveau, pour la deuxième fois après "Skyfall", c'est le réalisateur (notamment) du chef d'œuvre "Les Noces rebelles", Sam Mendes, qui est à la réalisation. Avec un budget estimé à 300 millions de dollars, Spectre est le James Bond le plus cher, ce qui devrait être rapidement rentabilisé au regard de son succès en salles (le meilleur démarrage en France avec ses 900 000 entrées comptabilisées le jour de sa sortie en France) et cela malgré de nombreuses critiques mitigées qui me laissent perplexe au regard de la réussite de ce « Spectre » dont je n’ai réalisé qu’une fois sortie de la salle qu’il durait 2H30 tant le temps a passé vite… Sans doute ces critiques s’expliquent-elles par une exigence de surenchères et rebondissements scénaristiques (que contenait le meilleur scénario de la franchise, « Casino Royale »), une lacune relative pourtant largement compensée par tout ce que contient ce 24ème Bond. Il ne faut pas oublier non plus que les producteurs du film ont été forcés de faire réécrire le script après le piratage de Sony, ce qui a radicalement changé le déroulement de l’intrigue, la transformant en une judicieuse mise en abyme puisque la surveillance mondialisée se trouve au centre de ce Bond palpitant et ombrageux aux ramifications arachnéennes.

    Comme toujours haletant, le pré-générique se déroule en plan-séquence et sur les chapeaux de roue, dans une contrée lointaine, cette fois le Mexique lors de la fête des morts. Bond au bras d’une sublime créature se faufile à toute allure dans les rues grouillantes et animées de Mexico, affublé d’un masque de squelette, environné de simulacres de morts. D’emblée, le ton de ce nouveau Bond est donné. Sombre et sensuel. Sur lequel plane l’ombre de la mort. De spectres menaçants. (pléonasme?)

    A Mexico, Bond tue un célèbre criminel, le mari de Lucia Sciarra (Monica Bellucci) avant d’infiltrer une réunion secrète révélant une redoutable organisation qui répond au doux nom de Spectre pour les intimes (signifiant "Service Pour l'Espionnage, le Contre-espionnage, le Terrorisme, la Rétorsion et l'Extorsion", en VO :"Special Executive for Counter-intelligence, Terrorism, Revenge and Extortion") après avoir été démis de ses fonctions. Pendant ce temps, à Londres, Max Denbigh, le nouveau directeur du Centre pour la Sécurité Nationale, remet en cause les actions de Bond et l’existence même du MI6, dirigé par M (Ralph Fiennes).

    Bond persuade alors Moneypenny (Naomie Harris) et Q (Ben Whishaw) de l’aider secrètement à localiser Madeleine Swann (Léa Seydoux), la fille de son vieil ennemi, Mr White, qui pourrait détenir le moyen de détruire Spectre. Fille de tueur et solitaire, Madeleine comprend Bond mieux que personne… Sa Madeleine (de Proust ?) qui lui rappelle ses propres blessures.

    Depuis qu’il est incarné par Daniel Craig, James Bond est plus tourmenté, plus sombre, plus viril, plus glacial. Paradoxalement, plus humain, aussi. Le personnage a gagné en épaisseur en délaissant les stéréotypes du svelte dandy au sourire ravageur et carnassier aussi collectionneur de gadgets que de James Bond girls. Sixième acteur à incarner le célèbre héros de Ian Flemming, Daniel Craig est aussi à mon avis le meilleur, celui qui a apporté le plus d’épaisseur, de séduction brute, et de complexité au personnage. C’est ici dans cette complexité et non dans un scénario acadabrantesque que réside l’intérêt de ce nouveau James Bond. Un homme seul, un orphelin (doublement puisqu’il a aussi perdu M dans « Skyfall ») hanté par les démons du passé, par les morts et les ennemis qui ont jalonné sa route.

    La mort, la solitude, la noirceur président ainsi à ce nouveau James Bond, plus tourmenté et ombrageux que jamais. Cela n’en est pas moins un flamboyant divertissement. Bond est ici « un cerf volant qui danse dans un ouragan ». L’accent est en effet plus que jamais mis sur sa solitude, soulignée par la réalisation inspirée de Sam Mendes. Bond traversant une place vide et grisâtre. Bond pour la première fois dans son appartement où sur le sol gisent des tableaux qu’il n’a pas pris le temps d’accrocher. Bond au milieu de grandes étendues désertiques. Bond passant sous des arbres décharnés. Bond qui traverse constamment des décors qui font écho à ses démons et sa solitude.

    « Spectre » s’inscrit ainsi dans la continuité de « Skyfall », le retour aux sources qui, pour la première fois, évoquait l’enfance de Bond qui alors n’était plus une sorte de machine de guerre mais qui apparaissait pour la première fois comme un être de chair et de sang, construit par une blessure d’enfance. A nouveau, comme dans "Skyfall", il se retrouve confronté à un homme assoiffé de vengeance incarné par Christoph Waltz, manichéen comme tout méchant de Bond qui se respecte.

    L’élégance de la réalisation, la pénombre et les ombres du passé qui planent constamment (a fortiori celles de M et Vesper) rendent ce « Spectre » particulièrement nostalgique et mélancolique. Dès le prégénérique, nous étions prévenus, « les morts sont vivants ». Cette mélancolie annoncée est corroborée par un générique tentaculaire étourdissant de noirceur et sensualité mêlées avec la voix déchirée et déchirante de Sam Smith qui interprète "Writing's on the Wall". Danse funèbre enivrante qui m’a immédiatement transportée dans l’univers sombrement envoûtant de ce nouveau  Bond.

    Les destinations plus ou moins exotiques qui caractérisent les James Bond n’ont pas été oubliées et nous passons en un rien de temps du Mexique à Londres, de Londres à Rome, de Rome à l’Autriche, de l’Autriche au Maroc…avant de revenir à Londres. La psychologie des personnages féminins n’atteint pas celle de Vesper dans « Casino Royale » mais Bond pour la première fois depuis Vesper se laisse attendrir. L’amour face à un monde qui se meurt. Les scènes avec Léa Seydoux (7ème française à incarner une James Bond girl) n’égalent ainsi pas la joute verbale entre Bond et Vesper dans « Casino Royale » et  leur duel sensuel inoubliable mais apportent une touche d’émotion et de glamour. De même pour la scène d’amour avec Belluci dans la pénombre  délicieusement inquiétante d’un palais romain, baigné d’opéra et de mort.

    Ce Bond est aussi l’histoire d’une confrontation au passé. Le passé de son organisation. Le passé de Bond et ses fantômes qui ressurgissent. Son avenir n'est guère plus réjouissant, annoncé par son nom écrit en lettres rouges sang sur un mur, ajouté à une liste de morts.

    Comme toujours l’interprétation de Daniel Craig mêle élégance et dureté, avec une pointe d'humour, même si la carapace se fissure doucement. Glamour, sombre, spectaculaire, sensuel, nostalgique, mélancolique, dominé par un personnage plus torturé, élégant, ténébreux et donc séduisant que jamais et par la réalisation particulièrement brillante de Sam Mendes, ce James Bond est un divertissement de qualité en plus d’un hommage aux anciens James Bond. Laissez-vous enserrer par cette pieuvre spectrale qui vous embarquera dans un périple sombrement fascinant et divertissant, une grisant tourbillon d'amour et de morts.

     A voir aussi en ce moment : « Mia Madre » de Nanni Moretti (l'illusion de légèreté du cinéma pour tenter d'affronter le gouffre étourdissant de la mort et du lendemain) , « L’Hermine » de Christian Vincent et « Le Prophète » de Roger Allers.

  • Critique de SKYFALL de Sam Mendes ce dimanche 8 novembre 2015 sur France 2

    skyfall

    « Skyfall » est le 23ème James Bond, le troisième James Bond incarné par Daniel Craig après « Casino Royale » en 2006 et « Quantum of Solace » en 2008 (et avant "Spectre" qui sortira la semaine prochaine) qui nous a habitués à ce nouveau James Bond plus tourmenté, plus sombre, plus viril, plus glacial, plus humain, s’écartant du personnage du svelte dandy au sourire ravageur et carnassier aussi collectionneur de gadgets que de James Bond girls. Sixième acteur à incarner le célèbre héros de Ian Flemming, Daniel Craig est aussi à mon avis le meilleur (après Pierce Brosnan, Sean Connery, Roger Moore, Timothy Dalton, George Lazenby), en tout cas celui qui a apporté le plus d’épaisseur, de séduction brute, et de complexité au personnage. J’en attendais donc beaucoup de ce troisième Bond avec Daniel Craig, d’autant que c’est pour la première fois Sam Mendes qui se charge de la réalisation, réalisateur notamment du chef d’œuvre (et j’emploie toujours ce terme avec parcimonie) « Les Noces rebelles ».

    Premier plan : la silhouette de Bond apparaît, obscure, dans l’ombre. Tout est dit. Sam Mendes abusera d’ailleurs un peu de cette image.

     Cette fois, tout commence par la mort de Bond (Daniel Craig), tué par Eve (Naomie Harris), un autre agent. Une liste d’agents infiltrés se retrouve entre de mauvaises mains, et ces derniers sont dangereusement exposés. Pour couronner le tout, le MI6 est attaqué et M (Judi Dench) doit faire déménager l’Agence. Son autorité est remise en cause par Mallory (Ralph Fiennes), le nouveau président de l’ISC, le comité chargé du renseignement et de la sécurité. C’est donc une nouvelle fois vers Bond (dont vous vous doutez bien qu’il ne peut mourir, a fortiori au début) que M va se tourner. Ce dernier va devoir agir dans l’ombre pour retrouver et mettre hors d’état de nuire le mystérieux Sylva (Javier Bardem), à l’origine de cette double menace, intérieure et extérieure, dont est victime le MI6…

    Cela commence comme toujours ou presque par une poursuite spectaculaire, époustouflante, haletante et captivante, cette fois à Istanbul, mais qui, pour une fois, au lieu de laisser un Bond triomphant le laisse pour mort, tué par une de ses consoeurs. C’est donc vivant (évidemment, comme « demain ne meurt jamais », Bond non plus) mais affaibli que nous le retrouvons. Il doit même repasser les tests validant ses qualités d’agent auxquels il échoue d’ailleurs. Bond, comme c’était déjà amorcé dans « Casino Royale », et plus que jamais, n’est donc plus le héros invincible et insensible, flegmatique, des premières adaptations néanmoins, s’il meurt ici, c’est pour mieux renaitre.

    L’histoire de ce nouveau Bond est en effet celle d’un retour aux sources puisque, pour la première fois, est évoquée son enfance. Bond n’est donc pas une sorte de machine de guerre mais un être de chair et de sang, construit par une blessure d’enfance. Après un périple qui le mènera d’Istanbul à Shanghai en passant par Londres, c’est donc dans sa terre natale écossaise que nous le retrouverons, dans un paysage abandonné d’une tristesse d’une beauté étrangement envoûtante.

    La sublime photographie est signée Roger Deakins et donne au film cet aspect mélancolique, dans la lande écossaise mais aussi à Shanghai ou Macao avec les reflets des néons et des lumières phosphorescentes ( avec des plans remarquables entre Wong Kar Wai et Hitchcock dans « Fenêtre sur cour ») dans une tour de verre  ou encore dans un temple transformé en casino et somptueusement illuminé.

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    Terminée aussi la guerre froide, Bond s’adapte désormais au monde moderne qui l’entoure et après le Chiffre (Mads Mikkelsen) et le Français Mathieu Amalric, il se retrouve confronté à un hacker redoutablement ironique et sans pitié incarné par un Javier Bardem décoloré car tout James Bond qui se respecte a évidemment son méchant qui n’est néanmoins plus un monstre sanguinaire qui veut dominer le monde interprété par un acteur au physique patibulaire et au jeu grandiloquent mais ici, comme James Bond d’ailleurs dans « Quantum of Solace », un homme assoiffé de vengeance. Cela donnera d’ailleurs lieu à un face à face savoureux…et à une révélation qui le sera tout autant.

    Si les 2H40 passent allègrement, si c’est du divertissement de haute voltige qui ravira autant les inconditionnels de Bond que les amateurs, si Craig demeure le meilleur Bond, ce « Skyfall » souffre néanmoins d’un scénario (John Logan ici à la rescousse du tandem Neal Purvis-Robert Wade ) parfois trop léger. L’intrigue tient en une ligne et est moins sophistiquée que celle de « Quantum of Solace » et surtout de « Casino Royale » et la psychologie des personnages féminins (la française Bérénice Marlohe a néanmoins une belle scène mêlant peur et arrogance) n’atteint pas celle de Vesper dans « Casino Royale ».  D’ailleurs, la vraie dame de cœur, et finalement la vraie James Bond girl est ici M. écartelée entre sa loyauté envers Bond et celle envers sa mission qui prime comme toujours sur tout le reste et la rend souvent intraitable.

    Ce James Bond marque aussi le retour de l’Aston Martin B25 et  le retour de Q (sous les traits du jeune Ben Whishaw).  Plutôt que de recourir à des gadgets sans cesse plus sophistiqués et à une surenchère, s’inspirant de « Dans la mort aux trousses » qui avait renouvelé la course poursuite (auparavant toujours dans des lieux étroits et sombres), c’est dans l’immensité d’un paysage désert, armé d’un seul fusil et de son imagination débordante, que s’achève ce Bond.

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    « Skyfall » est avant tout un hommage à James Bond, celui qui meurt, et même fait table rase du passé, pour mieux renaitre. Ce James Bond austère est porté par la musique ensorcelante d’Adèle (quel générique hypnotique et admirable) mais aussi par une photographie mélancolique, crépusculaire et somptueuse, l’interprétation mêlant élégance et dureté de Daniel Craig, l’humour de retour par petites touches, qui en font un divertissement remarquable malgré  les dialogues parfois assez pauvres ( on se souvient avec regret de la joute verbale entre Bond et Vesper dans « Casino Royale » et de leur duel sensuel) et malgré un scénario perfectible (certaines scènes manquent d’émotion alors qu’elles auraient pu s’y prêter, Mendes se concentrant davantage sur l’action et alors que « Casino royale », décidément le meilleur Bond, alternait intelligemment les scènes d’action pure, de suspense -aussi bien dans les scènes d’action que celles de poker, véritable combat intellectuel-, et de romance).

    Vous l’aurez compris : ce « Skyfall », malgré ces quelques réserves, vaut néanmoins le voyage et sait, comme toujours, nous faire attendre avec plus d’impatience encore le prochain, après ce Bond qui passe de l’ombre à la lumière, tue le mythe pour mieux le faire renaitre.

  • Critique de SKYFALL de Sam Mendes, à voir, ce soir, à 20H40, sur OCS Max

    Cliquez sur l'affiche, ci-dessous, pour lire ma critique du film.

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  • Critique de "Casino Royale" de Martin Campbell avec Daniel Craig, Eva Green, Simon Abkarian ...

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    Hier soir France 2 diffusait « Casino royale » de Martin Campbell. L'ayant déjà vu deux fois,  cette troisième immersion dans l'univers de James Bond pour la première fois incarné par Daniel Craig, n'en a pas été moins palpitante. Et que n'a-t-on pourtant pas entendu lors de ce choix et lorsqu'il a été annoncé qu'il succèderait à Pierce Brosnan, un choix (après plus de 200 comédiens auditionnés !), il est vrai, plutôt osé tant son physique et son jeu contrastent voire tranchent avec ceux de ses prédécesseurs : Pierce Brosnan, Sean Connery, Roger Moore, Timothy Dalton, George Lazenby. Sixième à incarner James Bond depuis 1962, Daniel Craig est le premier à sortir du personnage du svelte dandy au sourire ravageur et carnassier, aussi collectionneur des gadgets dernier cri que des James Bond girls.

    James Bond (Daniel Craig donc) qui vient d'obtenir le double zéro, c'est-à-dire le permis de tuer, doit ici affronter le puissant banquier privé du terrorisme international, surnommé Le Chiffre (Mads Mikkelsen). Pour le ruiner et démanteler son immense réseau criminel, James Bond doit le battre lors d'une partie de poker au Casino Royale.  C'est la très mystérieuse et sublime Vesper (Eva Green), attachée au Trésor britannique qui l'accompagne afin de veiller à ce qu'il prenne soin de l'argent britannique avec lequel il va jouer. Mais rien ne va se passer comme prévu, James Bond va en effet devoir faire face à une situation qui va le rendre inhabituellement vulnérable...

    Ce 21ème James Bond est l'adaptation du premier opus écrit par Ian Fleming en 1953 et son adaptation signe aussi le vrai retour à l'univers de Fleming. Rien à voir donc ici avec la version parodique de 1967 également intitulée « Casino Royale ».

    Dès les premiers plans nous sommes plongés dans un univers brutal, au rythme effréné, aux scènes aussi spectaculaires que trépidantes avec dès le départ une course poursuite avec paroxysme sur grue vertigineuse puis une seconde dans un aéroport. Changement de décor avec l'arrivée au Casino Royale du Montenegro après une jouissive joute verbale entre Bond et Vesper.

    Ce film est une réjouissance et une surprise continuelles d'abord avant tout dues au scénario de Robert Wade et Neal Purvis magistralement réécrit par Paul Haggis (notamment scénariste de « Million Dollar baby » et « Mémoires de nos pères », réalisateur de « Collision » et « Dans la vallée d'Elah ») alternant intelligemment les scènes d'action pure, de suspense (aussi bien dans les scènes d'action que celles de poker, véritable combat intellectuel), de romance mais aussi les décors aussi exotiques les uns que les autres des Bahamas à Venise.

    C'est un Bond, à la fois amoureux et donc vulnérable mais aussi plus violent, viril et glacial, plus sombre et plus musclé qui use de son « permis de tuer ». Daniel Craig lui apporte une dureté, une intensité, une classe inédites et à côté de lui les précédents acteurs l'ayant incarné font bien pâle figure.    Certains seront sans doute décontenancés par ce James Bond qui a perdu certaines caractéristiques qui contribuaient à sa spécificité : il n'utilise (temporairement) plus ou si peu de gadgets, a perdu une partie son flegme et son humour britanniques (même si les dialogues et le détachement dont il sait toujours faire preuve dans les situations les plus dramatiques ou face à M sont particulièrement savoureux), et se rapproche davantage de Jason Bourne que du héros de Ian Fleming dans ses précédentes adaptations même si la situation le fera évoluer vers davantage de raffinement. Il a aussi su s'adapter à l'époque complexe dans laquelle il vit, l'ennemi n'étant plus le bloc soviétique, fin de la guerre froide oblige, mais les financiers du terrorisme international. On assiste ainsi à une véritable surenchère : dans les scènes d'action (leur nombre et leur aspect spectaculaire), dans leur violence (Bond est soumis à la torture), dans le nombre de plans, mais aussi dans le nombre de lieux, James Bond nous embarquant ainsi aux Bahamas, en République Tchèque, à Venise, à Madagascar, en Ouganda, au Montenegro. C'est aussi d'ailleurs pour cela qu'on se rue dans les salles à chaque nouveau volet : pour ce  voyage auquel il nous invite, il nous emmène ailleurs dans tous les sens du terme et de ce point de vue aussi ce James Bond est particulièrement réussi.

    Mais le principal atout qui sans doute ralliera ceux qui juste-là étaient allergiques à son univers, c'est le duo qu'il forme avec Vesper, un duel sensuel qui apporte beaucoup de piquant à l'intrigue, et plus d'humanité au personnage de Bond, aussi brutal soit-il.  Mystérieuse, impertinente, voire arrogante mais aussi vulnérable, Vesper lui ressemble trop pour qu'il lui reste insensible. Certaines scènes rappellent ainsi certains drames romantiques parmi les meilleurs ( la musique rappelle celle d' « Out of Africa » et les dernières scènes à Venise font penser à « Titanic » ) et contrebalancent ainsi cette nouvelle brutalité.  Et cette alliance du romanesque avec l'univers sombre et brutal de ce James Bond  donne un résultat aussi étonnant que détonant, à la fois moderne et complexe à l'image de Bond et Vesper, un film au rythme haletant qui sait aussi prendre le temps des dialogues et de l'émotion.

    Eva Green est aussi pour beaucoup dans cette réussite, incarnant à la perfection et avec beaucoup de classe ce premier amour de Bond à l'esprit vif, à la vulnérabilité touchante et à l'arrogance mystérieuse. Face à eux Le Chiffre incarne « le méchant » qui ne cherche plus à dominer le monde.

    La réalisation de Martin Campbell( qui avait déjà réalisé Golden Eye) est d'une efficacité redoutable et la musique du chanteur américain Chriss Cornell (ancien leader du groupe « Soundgarden ») qui interprète « You know my name », la chanson-phare de Casino Royale achève d'en faire une réussite totale.

    Ajoutez à cela un brillant retournement final, et vous obtiendrez un film sombre, spectaculaire, réjouissant, haletant dont vous avez l'impression que le terme jubilatoire a été inventé pour le qualifier.  2H20 dont je vous garantis que vous ne les verrez pas passer et après lesquelles vous n'aurez qu'une envie : refaire le voyage ou voir la suite des aventures de ce Bond écorché vif, trahi, et avide de vengeance.

    James Bond confirmera ensuite son entrée dans cette nouvelle ère avec  « Quantum of Solace » que je vous recommande également même s'il n'a pas atteint la perfection du genre que représente « Casino Royale ».

    A noter: la présence remarquée et remarquable de Simon Abkarian que vous pouvez actuellement retrouver dans la série "Pigalle la nuit" sur Canal plus.

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  • Mon bilan (anticipé) de l'année cinéma 2008

    ena1.jpg Le directeur de la rédaction de la revue des anciens élèves de l’ENA intitulée « L’ENA hors les murs » m’a fait l’honneur de me confier la passionnante tâche d’effectuer le bilan de l’année cinématographique 2008.

     Ce bilan sera publié dans la revue "l’ENA hors les murs" (parution: le 20 décembre),  je vous en reparlerai.

     La version que je vous livre ci-dessous (condensé et résumé de l’année cinématographique « In the mood for cinema ») est plus exhaustive et diffère légèrement de celle qui sera publiée.

     N’hésitez pas à faire part de vos commentaires et/ou critiques. (Il manque forcément quelques films de cette fin d’année 2008 que je n’ai pas encore vus et j'ai forcément fait quelques impasses ).

     

    Bilan de l’année cinéma 2008

    ena2.jpgEn mai dernier, Sean Penn alors Président du Festival de Cannes déclarait que les cinéastes que son jury primerait devraient « être conscients du monde dans lequel ils vivent ». Des propos qui reflètent la dichotomie de cette année cinématographique entre, d’une part,  une majorité de films particulièrement engagés, à thématiques sociales, politiques, de nombreux documentaires ou fictions documentaires abolissant les frontières entre les genres, et d’autre part, de poignantes histoires simples ou des films plus légers n’ayant d’autre but que de nous évader de la réalité, une dichotomie à l’image des trois films qui ont symbolisé cette année faste pour le cinéma hexagonal.

    Le cinéma : miroir du monde

    je veux voir.jpg
    Waltz with Bashir.jpgCette année, une majorité de films a donc aspiré à disséquer, éclairer ou souligner des périodes de l’Histoire, des situations politiques ou sociales : un miroir du monde dans lequel se reflètent et s’influencent intelligemment sa beauté et sa laideur, sa vérité et sa mythologie, sa réalité et sa fiction, un mélange duquel résulte une impression troublante qui ne nuit le plus souvent pas au propos mais au contraire le renforce, paradoxalement le crédibilise.

    Au premier rang de ces films hybrides se situe le grand oublié du palmarès du Festival de Cannes 2008, Valse avec Bashir d’Ari Folman : un documentaire d’animation d’une effroyable beauté sur la guerre du Liban (plus précisément sur le massacre de Palestiniens par les Phalangistes chrétiens en 1982) qui s’affranchit des règles qui séparent habituellement documentaire et fiction,  qui nous happe par la violence sublime des images, ces couleurs noires et ocre diaboliquement envoûtantes. Cette beauté insupportable  rend visible l’insoutenable et crée une distance salutaire, tout en soulignant l’ironie et l’amnésie (tragiques) et les échos (cyniques) de l’Histoire.

     C’est aussi au Liban, mais aujourd’hui, que nous emmène Khalil Joreige et Johanna Hadjithomas dans Je veux voir qui mêle avec beaucoup d’habileté fiction et documentaire, un film selon les propres termes des réalisateurs « éclairé par la présence improbable et onirique » de Catherine Deneuve qui « veut voir »  les stigmates de la guerre et qui, pour ce faire, part avec l’acteur Rabih Mroué sur les routes du Liban. Cette présence est à la fois un écho à la beauté du Sud et un contraste saisissant avec le spectacle de désolation des paysages en ruine, des vies dévastées : elle y est sublime de dignité et de courage. Le mélange si habile de fiction et documentaire mais aussi de mythologie cinématographique et de mémoire historique en font un film, un témoignage aussi, inclassable, captivant, troublant, jamais didactique dont le dernier plan et le dernier regard sont  sans doute parmi les plus beaux qu’il m’ait été donné de voir au cinéma.

     C’est aussi dans cette lignée que pourrait s’inscrire la lauréat de la palme d’or 2008, Entre les murs du Français Laurent Cantet qui, pourtant, est bel et bien une fiction mais qui donne brillamment l’illusion du documentaire, d’instants pris sur le vif.  Des murs qui renvoient des échos graves et poétiques, drôles et violents, d’une portée universelle, en alliant savamment humour et gravité. Un film « multiple, foisonnant, complexe » selon son réalisateur mais aussi une fenêtre ouverte sur les fracas du monde, l’exclusion culturelle et sociale qui ne stigmatise  ni les élèves ni les professeurs mais filme simplement deux réalités qui s’affrontent verbalement et qui dépassent parfois ceux qui les vivent.

     Pourrait aussi s’inscrire dans cette catégorie hybride : Johnny Mad Dog, le portrait sans concessions d’enfants soldats africains signé Jean-Stéphane Sauvaire ou dans un autre style, le documentaire/road movie truculent et épique d’Antoine de Maximy J’irai dormir à Hollywood qui, par ses rencontres insolites, inquiétantes, instructives touchantes  dresse un portrait des Etats-Unis,  d’un mythe confronté à la réalité et à ses blessures, ses craintes, ses failles.

     la vie moderne.jpgLe documentaire a aussi été à l’honneur cette année avec La vie moderne du maître du genre Raymond Depardon avec ses portraits de paysans saisissants de vérité mais aussi Je m’appelle Sabine le cri d’alarme et d’amour de Sandrine Bonnaire sur l’autisme.

     Parmi les fictions politiques et engagées figure également Hunger de Steve Mc Queen, lauréat de la Caméra d’or du Festival de Cannes 2008 : un  film réaliste et onirique, silencieux et si parlant, violent et idéaliste, sombre, carcéral, d’une radicalité éprouvante sur le « Blanket and No-Wash Protest » des prisonniers politiques de l’IRA dans lequel Mc Queen joue des contrastes avec un talent saisissant comme ces longs plans fixes qui augmentent encore l’impact du surgissement de la violence (et la crainte de ce surgissement) et celui du propos que la  froideur et le réalisme de la réalisation parsemée de moments d’onirisme souligne intelligemment.

     D’autres ont choisi de mettre en scène des personnalités politiques comme Paolo Sorrentino dans Il Divo : portrait d’Andreotti à l’humour noir décapant servi par une réalisation époustouflante et vertigineuse ou comme Oliver Stone dans W : l’improbable président dont la caméra, souvent placée là où ça fait mal,  n’ épargne rien au futur ex –président américain, soulignant souvent son ridicule, le montrant comme un enfant capricieux, plutôt rustre, pas très cultivé mais doté d’une mémoire considérable, un enfant dont la relation à son père  a bouleversé la face du monde, un enfant qui s’intéresse essentiellement au baseball mais qui, à 40 ans, trouve la foi, se convertit, cesse de boire, et se retrouve dans les pas historiques de son père, lequel aurait préféré y voir son frère qui, d’ailleurs, échouera.

    the visitor2.jpg C’est aussi parle biais de la fiction que d’autres thèmes « sociaux » ont été abordés comme la difficile condition des immigrés dans Le Silence de Lorna des frères Dardenne, prix du scénario du Festival de Cannes, douloureuse histoire d’amour entre deux êtres au bord du gouffre dans laquelle ces derniers montrent qu’ils restent les meilleurs cinéastes de l’instant, à la fois de l’intime et de l’universel, de ce basculement de l’existence en une précieuse et douloureuse seconde. Ken Loach, toujours aussi engagé,  dénonce aussi cette réalité sociale contemporaine dans le corrosif et percutant It’s a free world. C’est aussi le thème de The Visitor, grand prix du Festival du Festival du Cinéma Américain de  Deauville, film poignant sur l’amitié entre un professeur d’économie misanthrope et un jeune couple d’immigrés clandestins, un film qui ensorcelle doucement, parle de deuil, de retour à la vie, d’injustice, de tolérance, sans jamais être moralisateur, avec des personnages que nous laissons à leur rage et désespoir, avec regrets, mais que nous embarquons avec nous bien plus loin et bien après le générique de fin avec, en mémoire, le tempo douloureusement répétitif et le son sublimement retentissant du djembé, lors de la dernière scène, terrible et magnifique. Comme la plupart des films de ce 34ème Festival du Cinéma Américain de Deauville (parmi lesquels mon favori American Son de Neil Abramson) ce film reflète un visage sombre de l’Amérique. Inquiète. Vulnérable. Fébrile. Egarée. En recherche de figure paternaliste.

     C’est à une autre réalité politique que s’attaque Matteo Garrone dans Gomorra, fresque brutale et violente : celle de la Camorra Napolitaine.

     C’est par la comédie sociale que Pierre Jolivet, dans La très très grande entreprise a souhaité raconter le combat de citoyens ordinaires contre une entreprise tentaculaire et impersonnelle. Et même les studios Pixar avec le poétique, drôle et émouvant Wall-E s’affranchissent des frontières entre les genres en faisant une film d’animation politique et écologiste.

    parlez.jpg Avec Parlez-moi de la pluie c’est à l’engagement politique, qu’Agnès Jaoui, quant à elle, rend hommage. L’écriture de Bacri et Jaoui n’a pas son pareil pour faire danser l’humanité sous nos yeux et établir la météorologie des âmes en faisant s’enlacer pluie et soleil, force et faiblesse. Un hommage salutaire à l’engagement politique, à l’encontre de la mode poujadiste. Si, comme l’écrivait Kirkegaard cité dans le film, "l’angoisse est le possible de la liberté", la pluie sur les âmes, sans doute est-elle le possible de son soleil, teinté d’une bienheureuse mélancolie à l’image de ce film réconfortant, brillamment écrit et réalisé.

     Même Clint Eastwood, dans  L’Echange, recourt à la fiction pour évoquer  un problème contemporain à travers le combat d’une femme pour retrouver son fils face à l’injustice d’institutions corrompues, un film qui n’échappe malheureusement pas au manichéisme mais d’une beauté formelle renversante.

     miracle à.jpgCette liste ne serait pas complète sans évoquer le lyrique et mystique hommage de Spike Lee aux GI’S afro-américains dans Miracle à Santa  Anna ni sans évoquer le couple sulfureux Osvaldo Valenti et Luisa Ferida dans Une histoire italienne de Marco Tullio Giordana, mêlant l’histoire italienne trouble et troublante de ces deux acteurs  à l’Histoire italienne, surtout celle du fascisme pendant la Seconde Guerre Mondiale. 

    Le cinéma français à l’honneur 

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     Avec Entre les murs et sa palme d’or ( Pialat était le dernier cinéaste français à l’avoir obtenue avec Sous le soleil de Satan en 1987), et  deux autres films radicalement différents de ce dernier, 2008 a donc été l’année du cinéma français. Il est bien entendu impossible de ne pas évoquer l’écrasant et irrationnel  succès de Bienvenue chez les Ch’tis aux box office, plus gros succès du cinéma français de tous les temps avec 20,4 millions de spectateurs, un film qui a séduit le public par ses personnages et son histoire simples, même enfantins, dépourvus de méchanceté et de cynisme qui mettent la solidarité et l’amitié à l’honneur, film fédérateur, rassurant car sans surprises et sans aspérités, donnant au spectateur une image noble de lui-même ; sans doute davantage que par ses qualités scénaristiques et de mise en scène.

    Le mélodramatique  La Môme d’Olivier Dahan a également mis le cinéma français à l’honneur puisque Marion Cotillard, parmi une pluie de récompenses, a reçu le César mais aussi l’Oscar (succédant à Signoret qui l’avait obtenu en 1950 mais étant la première française à l’obtenir dans un film en langue française) : tourbillon vertigineux (admirable plan de la mort de Cerdan) aux images néanmoins hypnotiques, avec une caméra qui emprisonne, dicte l’émotion  et reflète une société impatiente, consumériste qui ne prend plus le temps. D’analyser. De la distance.  De se laisser envoûter par une émotion subreptice et non tapageuse.

     La Môme a donc accru la mode du biopic avec également cette année Sagan de Diane Kurys, un film empreint de liberté, de mélancolie, de cynisme, d’oisiveté, de solitude ravageuse à l’image de la vie tumultueuse et intense de l’écrivain mais aussi de la petite musique, si mélodieuse et mélancolique de ses mots. Il y eut aussi le très appliqué Coluche : l’histoire d’un mec, dépourvu de l’iconoclastie de son inspirateur éponyme mais porté par  un François-Xavier Demaison sidérant dévorant l’écran faisant revivre Coluche avec sa gestuelle et sa démarche si particulières, sa voix inimitable. Enfin avec le diptyque Mesrine de Jean-François Richet (et Sans arme ni haine ni violence de Jean-Paul Rouve)  c’est le symbole d’une époque, la nôtre, où la gloire apparaît comme la qualité ultime. Une époque où les médias sont fascinés par ce qu’ils dénoncent. Une époque où le pouvoir des images  l’emporte sur celui de la raison, ce que nous voyons sur ce que nous savons. L’illustration du besoin vorace et irrationnel du public  de tout savoir, de s’identifier, même à la vanité.

    Secret Défense.jpg Cette année, pour le cinéma français, a aussi été celle d’un cinéma décomplexé, qui n’hésite plus à pénétrer sur les terres d’un cinéma de genre dont les Américains avaient le monopole : que ce soit avec la comédie d’action Cash, avec l’adaptation de la bande dessinée Largo Winch, avec le thriller Pour elle, ou avec Secret défense  qui, grâce à la construction symétrique du scénario (qui met en parallèle le destin d’une jeune femme recrutée par la DGSE et celui d’un jeune homme embrigadé dans un mouvement terroriste, sans que cela soit caricatural ou artificiel), l’admirable travail de documentation et la consultation qui a précédé le tournage, la mise en scène aussi nerveuse qu’efficace, initie en France un film de genre haletant, populaire et exigeant, aux interprètes irréprochables. On observe aussi une multiplication des films utilisant un montage nerveux, une multiplicité de plans et de lieux, très inspirés de la saga des Jason Bourne.

    De poignantes histoires simples

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     Il n’y a sans doute rien de plus compliqué que de raconter une histoire simple, de la transcender par la sensibilité et le talent de son auteur, et cette année le cinéma a foisonné de poignantes histoires simples : Philippe Claudel, tout d’abord, avec Il y a longtemps que je t’aime , peinture bouleversante d’âmes grises et enfermées, a signé un véritable hymne à la vie.

     premier.jpgEnsuite James Gray avec Two lovers :  par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, il dépeint de manière subtile la maladresse touchante et la cruauté cinglante d’un amour vain , un film d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments qui s’emparent des personnages  principaux, évidemment Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, fiévreux, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de l’existence, sa gaucherie adolescente. Un thriller intime qui exalte et respire  la beauté déchirante d’un amour contrarié, qui réinvente la comédie romantique en magnifiant une histoire simple, nous donnant presque à ressentir les battements de cœur tourmentés de ses protagonistes,  un film lumineux et douloureux, intense et inoubliable, profond et mélancolique comme la nouvelle de Dostoïevski dont il s’inspire mais aussi un film sur le poids de la famille, thème fétiche de James Gray que l’on retrouve dans un autre succès de cette année Le premier jour du reste de ta vie de Rémi Bezançon. 5 personnages. 5 membres d’une même famille. 5 journées déterminantes. 12 ans : ce film aurait pu se réduire à ce concept mais, surtout, il exhale l’inestimable parfum de l’enfance et la beauté cruelle de l’existence, fait s’entrelacer ces moments d’une beauté redoutable où bonheur et horreur indicibles semblent se narguer, et témoigne de toute l’ironie parfois d’une cruauté sans bornes de l’existence.

     Le cinéma affectionne d’ailleurs toujours autant les œuvres chorales et la famille comme Desplechin avec sa tragédie légère Un conte de noël ou avec Une histoire de famille, premier film très réussi d’Helen Hunt. Klapisch, un habitué du film choral  y est aussi revenu cette année avec Paris dans lequel il sublime et confronte l’éphémère dans la ville éternelle, un film qui chante, danse et célèbre la ville et la vie qu’elle incarne et contient.

    Avec Deux jours à tuer Jean Becker, lui aussi,  nous fait prendre conscience du poids de chaque seconde par ce film qui nous laisse à bout de souffle tout en nous insufflant un magistral souffle de vie.

     C’est par un conte poétique et désenchanté intitulé  La Frontière de l’aube que Philippe Garrel , injustement hué à Cannes,  nous ensorcelle et par une lenteur qui donne le temps au temps, le temps de s’imprégner de ses personnages,  son romantisme sans concessions, son aspect surréaliste et sa façon de saisir et juxtaposer des instants.  Un film aux frontières de la réalité, de la folie, de la mort, sur la passion dévastatrice, un amour fatal porteur d’une beauté à la fois sombre et lumineuse.

    Les habitués et les surprises du box office

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     Une année cinématographique ne serait pas digne de ce nom sans film de Woody Allen, cette année Vicky Cristina Barcelona : un moment unique et réjouissant, un vaudeville qui ne se contente pas de faire claquer les portes mais qui ouvre sur les âmes toujours tourmentées, du moins alambiquées, de ses protagonistes, un mélange de dérision, de sensualité, de passion, de mélancolie, de gravité, de drôlerie, de cruauté, de romantisme, d’ironie. Un hymne à la beauté et à l’art, réflexion sur l’amoralité amoureuse, les atermoiements du corps et du cœur. Une comédie romantiquement sulfureuse et mélancoliquement légère, alliant avec toute sa virtuosité  ces paradoxes et s’éloignant des clichés ou de la vulgarité qui auraient si faciles pour signer un film  aussi élégant que sensuel. Malgré ses 72 ans, le cinéaste fait preuve d’une acuité, d’une jeunesse, d’une insolence, d’une inventivité toujours étonnantes, remarquables et inégalées.

    quantum of solace.jpg Cette année était aussi celle du très attendu 22ème volet de la saga James Bond, Quantum of Solace transition réussie et nécessaire vers de nouvelles aventures dont une scène réussie sur un air de Tosca mérite à elle seule le détour, même si le scénario n’était pas à la hauteur du magistral Casino Royale,  présentant une véritable surenchère  (nombre de plans, scènes d’action, nombre de lieux) et un James Bond, beaucoup plus sombre et plus violent,  porté par un Daniel Craig néanmoins toujours irréprochable qui a su renouveler le mythe sans l’écorner.

     Un autre héros mythique très attendu était de retour cette année : Indiana Jones avec Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, cette fois-ci en pleine guerre froide  mais ayant conservé son humour sarcastique, ses scènes d’action trépidantes, époustouflantes, tonitruantes, sa désinvolture élégante, même dans les situations les plus dramatiques.

     Christophe Barratier après le triomphe de son premier film Les Choristes était lui aussi très attendu avec son deuxième film Faubourg 36 qui n’a pas remporté le même succès en salles, un  hommage au cinéma d’hier avec un style joliment désuet, musical, mélancolique, sentimental, photogénique et enthousiaste avec une résonance sociale finalement très actuelle.

      Astérix aux Jeux Olympiques avec son budget record de 78 millions n’a pas non plus atteint les sommets du box office attendus malgré un nombre de spectateurs dépassant les 6 millions.

     La comédie musicale Mamma mia !  adapté d’une comédie musicale à succès, film enchanté et enchanteur sur un air joliment suranné et naïf d’Abba, porté par une Meryl Streep époustouflante et à l’enthousiasme communicatif, a en revanche remporté un vif succès en salles.

     Cette année a également réservé son lot habituel de suites de comédies faciles qui n’ont pas connu le même succès que les films initiaux que ce soit Disco (Oteniente avait connu le succès avec Camping), ou Les Randonneurs à St Tropez (qui faisaient suite aux  Randonneurs de Philippe Harrel) .

     Mes amis, mes amours la (trop) gentille adaptation du roman éponyme de Marc Lévy n’a pas plus rencontré le public,  prouvant bien qu’il n’y a pas de recettes tout comme le prouvent les surprises du box office grâce au bouche à oreille comme Séraphine de Martin Provost.

    Les inclassables: des expériences sublimes et éprouvantes

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     Dans cette catégorie, je voulais surtout inclure deux films magistraux : There will be blood de Paul Thomas Anderson  et plus encore Into the wild de Sean Penn qui ont en commun d’être autant des expériences que des œuvres cinématographiques.

     There will be blood traite de la folie fiévreuse de l’or noir : une expérience captivante et éprouvante, étrange, dérangeante, cruelle, fascinante, hypnotique, vertigineuse, dans laquelle la sublime photographie dichotomique  reflète le combat interne de Plainview, grâce aussi à une musique intelligemment discordante où le sublime côtoie le grotesque  à l’image du personnage principal dont la construction scénaristique et visuelle épouse la folie au-delà des frontières du désenchantement. Un face à face de l’homme avec la nature,  une ascension puis descente aux enfers qui rappellent un autre film aussi éprouvant que sublime,  Into the wild de Sean Penn, véritable expérience sensorielle qui transgresse les codes habituels de la narration filmique procurant une sensation de liberté absolue, enivrante, créant une atmosphère sauvage et envoûtante, la photographie d’Eric Gautier révélant la beauté et la somptuosité mélancolique de la nature  comme elle révèle le personnage principal à lui-même confrontant l’intime au grandiose. Un road movie atypique et universel, tragique et lumineux animé d’un souffle lyrique. Un voyage aux confins du monde, de l’être, de nous-mêmes.

     Après le retour du western l’an passé avec le chef d’œuvre L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford, il faut souligner le très  beau western signé Ed Harris, Appaloosa, véritable hommage au genre, ode à l’amitié, drôle et passionnante.

    Des images indélébiles

     

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    LornaB.jpg De cette année resteront aussi des images, d’acteurs remarquables (en plus de tous ceux précités): le regard de Catherine Deneuve (prix spécial du 61ème festival de Cannes avec Clint Eastwood) égaré puis reconnaissant puis passionné puis ouvrant sur un  océan d’histoires et de possibles dans Je veux voir, le talent de Sylvie Testud et de François-Xavier Demaison ou Josh Brolin pour épouser les personnalités qu’ils ont incarnées, le jeu criant de vérité d’Arta Dobroshi dans Le silence de Lorna, Catherine Frot virevoltante, rayonnante et malicieuse dans la comédie policière réjouissante de Pascal Thomas Le crime est notre affaire, Gérard Lanvin, impressionnant de froideur, de maîtrise de détermination, de charisme dans Secret Défense , mais encore  Kristin Scott Thomas dans Il y a longtemps que je t’aime, Albert Dupontel dans Deux jours à tuer, Samuel.L Jackson dans Harcelés, Nathalie Baye en aventurière égocentrique et fantasque à la fragilité qui affleure dans Passe-passe, et puis tous les acteurs de Musée haut, musée bas , la comédie chorale baroque de Jean-Michel Ribes sur la beauté de l’art qui peut joliment ravager, qui ronge et qui porte, qui fait de la rencontre avec l’art un véritable rendez-vous amoureux  qui perturbe, émeut, ébranle les certitudes, renforce, enrichit, nous élève, un film dont on ressort aussi étourdie par tant d’images, de visages désordonnés, ne parvenant pas à en retenir une seule comme ce zapping que Ribes semble vouloir pourtant aussi dénoncer.

     out.jpgResteront de cette année des images infiniment plus tristes avec la disparition de monstres sacrés du cinéma avec tout d’abord deux acteurs (deux légendes du cinéma américain) qui laissent derrière eux des filmographies impressionnantes, Paul Newman et Charlton Heston, et avec deux autres qui n’en ont pas eu le temps malgré leurs talents si prometteurs que ce soit celui de Heath Ledger ou de l’écorché vif et non moins talentueux Guillaume Depardieu. Et puis bien sûr, le maître du cinéma épique,  lyrique aussi doué pour le suspense  (Les 3 jours du Condor) que les fresques romanesques (Out of Africa) ou le western (Jeremiah Johnson) ou la comédie (Tootsie) : l’irremplaçable Sydney Pollack.

     Comme le disait Truffaut : « La vie a beaucoup plus d’imagination que nous ». La preuve en est le film, magnifique et poignant, que pourrait être la vie de celui, si charismatique,  qui incarne désormais l’American dream, de celui (entre autres symboles tellement cinématographiques, d’un indéniable potentiel dramatique ) dont la grand-mère qui l’a élevé expire son dernier souffle (non sans avoir voté !) la veille du jour où son petit-fils en donne un nouveau au monde. Mais c’est là déjà une toute autre Histoire…

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    Pour tous les autres films ou pour lire les critiques détaillées des films précités, je vous invite à consulter la rubrique « Critiques des films à l’affiche en 2008 » (dans le sommaire, dans la colonne de gauche du blog), la liste de mes films incontournables de cette année 2008 (colonne de gauche du blog) et mes deux autres blogs « In the mood for Cannes » et « In the mood for Deauville ».

    fox3.jpg Je dresserai un bilan (encore) plus subjectif de cette année 2008 à la toute fin de l’année. En attendant, vous pourrez prochainement trouver d’autres films de cette année 2008 en avant-première sur ce blog : Australia de Baz Luhrmann, I feel good de Stephen Walker…

    J’en profite pour vous recommander l’instructive interview du directeur de la rédaction de « L’ENA hors les murs » sur « La figure présidentielle dans le cinéma français ».

    Sandra.M

  • « Quantum of Solace » de Marc Forster: la vengeance implacable de 007

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    Après « Casino Royale », un James Bond particulièrement jubilatoire et réussi à tous points de vue (scénario, action, montage, jeu, réalisation…) qui avait fait l’unanimité et qui était aussi le premier dans lequel Daniel Craig interprétait 007 (qui lui aussi avait fait l’unanimité après avoir pourtant suscité une vive polémique lorsqu’on avait annoncé qu’il succéderait à Pierce Brosnan), je me suis donc précipitée dès son premier jour de sortie (inhabituellement un vendredi) voir ce « Quantum of Solace » qui en est en quelque sorte la suite, pour savoir s’il serait à la hauteur du précédent et pour voir comment ce dernier allait assouvir sa soif de comprendre et surtout de vengeance.

    Trahi par Vesper Lynd (Eva Green)  dans « Casino Royale », la jeune femme qui l’aimait qui fut forcée à le trahir, James Bond (Daniel Craig) est en effet décidé à traquer ceux qui ont forcé Vesper à agir ainsi. Bond est alors conduit sur la piste de Dominic Greene (Mathieu Amalric), homme d’affaires impitoyable et pilier d’une mystérieuse organisation nommée « Quantum ». Il croise alors la route de la belle et pugnace Camille (Olga Kurylenko) qui cherche à se venger elle aussi.  Greene veut ainsi prendre le contrôle de l’une des ressources naturelles les plus importantes au monde en utilisant la puissance de l’organisation et en manipulant la CIA et le gouvernement britannique. Afin de déjouer le sinistre plan de Greene,  Bond doit alors absolument garder de l’avance sur la CIA, les terroristes et même M  (Judi Dench qui l’incarne ici pour la sixième fois) qui veut l’empêcher d’assouvir son désir de vengeance.

    Ce 22ème volet de la saga James Bond a suscité une attente à la hauteur de la réussite et de l’engouement pour le précédent volet dont il est la suite, l’intrigue commençant en effet une heure après la fin de « Casino Royale ». Ce volet pourra être compris sans problèmes par ceux qui n’ont pas vu le précédent, il aura néanmoins davantage de sens et de saveur pour les autres.

    Comme ce titre n’aura pas manqué de vous intriguer, précisons d’abord que « Quantum of Solace » vient d’une nouvelle de Ian Fleming et que cela signifie dans le contexte du film qu'une relation ne peut être sauvée que si la confiance est restaurée entre les deux parties, "Quantum" signifiant quantité et "Solace" consolation.  Quantum of Solace fait par ailleurs ici référence à deux éléments : tout d'abord au fait que Bond cherche à se consoler de la  mort de Vesper, et ensuite à Quantum, l'organisation criminelle à laquelle il est confronté et qu'il va devoir combattre.

    Comme toujours avec James Bond, cela commence par des cascades époustouflantes qui font crisper les mains des spectateurs sur leurs fauteuils et qui maintiennent leurs yeux écarquillés rivés à l’écran. C’est en Toscane, à Sienne, que débute ce dernier volet et le montage nerveux, efficace nous captive (capture même) d’emblée. C’est un Bond au cœur brisé qui laisse entrevoir ses fêlures, mais aussi plus violent et glacial qui use et abuse de son « permis de tuer », qui réapparaît auquel Daniel Craig apporte une dureté, une intensité, une classe et à côté duquel les précédents acteurs l’ayant incarné font bien pâle figure.   Malgré sa violence, ses failles qui l’humanisent, son avidité de vengeance  et sa solitude (même la fidèle M doute de lui) suscitent notre empathie de même que le personnage de Camille guidée par une blessure que seule la vengeance semble pouvoir soigner. Leurs désirs de vengeance et leurs deux personnalités blessées se heurtent et se font intelligemment écho.

    Certains seront sans doute décontenancés par ce James Bond qui a perdu certaines caractéristiques qui contribuaient à sa spécificité : il n’utilise (temporairement) plus ou si peu de gadgets, a perdu son flegme et son humour britanniques, et se rapproche davantage de Jason Bourne que du héros de Ian Fleming. Il a aussi su s’adapter à l’époque complexe dans laquelle il vit : le méchant n’est plus un monstre sanguinaire qui veut dominer le monde interprété par un acteur au physique patibulaire et au jeu grandiloquent mais il prend ici les traits du Français Mathieu Amalric dont un simple regard suffit à faire comprendre la détermination haineuse. Il est aussi confronté à de nouveaux ennemis et aux maux de son époque dont l’environnement et les ressources naturelles deviennent un enjeu capital et parfois une trompeuse façade de générosité pour criminels et personnages cupides. James Bond confirme donc son entrée dans une nouvelle ère amorcée par « Casino Royale ».

    On assiste ainsi à une véritable surenchère : dans les scènes d’action (leur nombre et leur aspect spectaculaire), dans le nombre de plans, mais aussi dans le nombre de lieux, James Bond nous embarquant ainsi en Italie, en Autriche, à Haïti, en Bolivie, en Russie et en ville aussi bien qu’en plein désert. C’est aussi d’ailleurs pour cela qu’on se rue dans les salles à chaque nouveau volet : pour ce  voyage auquel il nous invite, il nous emmène ailleurs dans tous les sens du terme et de ce point de vue aussi ce James Bond est particulièrement réussi.

    La BO innove elle aussi puisqu’elle est pour la première fois interprétée par un duo, en l’occurrence formée par Alicia Keys et Jack White (des White Stripes). Marc Forster (« A l’ombre de la haine », « Neverland », « Stay ») qui succède à Martin Campbell est quant à lui un réalisateur efficace et appliqué même si la profusion de plans et d’angles de prise de vue nous égarent parfois.

    Le seul vrai bémol : c’est certainement le scénario (pourtant de nouveau cosigné Paul Haggis notamment réalisateur de « Collision » et scénariste de « Million Dollar Baby » mais aussi coscénariste de « Casino Royale ») plus léger que celui, il est vrai si dense et riche en rebondissements, de « Casino royale » mais il en faudrait plus pour bouder notre plaisir et pour que je ne vous recommande pas ce nouveau volet, transition réussie et nécessaire vers de nouvelles aventures peut-être moins sombres,  dont une scène remarquable sur un air de Tosca mérite, à elle seule, le détour.

    Daniel Craig aurait signé pour 4 James Bond. Vivement les prochains ! En attendant allez voir ce dernier James Bond, vous y trouverez votre quantité de consolation…ou en tout cas de divertissement et d’adrénaline, je vous le garantis.

    Site internet du film : http://www.quantumofsolace-lefilm.fr/

    Sandra.M