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  • Bientôt publiée aux Editions J'ai Lu : lauréate du concours Nouveaux Talents

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    J'ai le grand plaisir de vous annoncer que je fais partie des lauréats du concours d’écriture Nouveaux Talents des Éditions J'ai Lu (avec 9 voix sur 11) avec ma nouvelle Une bouteille à la mer.

    Le concours, proposé à l'occasion des 60 ans des Editions J'ai Lu, consistait à écrire une nouvelle (comédie romantique contemporaine) de 50000 à 70000 signes (espaces non compris) sur le thème "Sur un malentendu". Je gagne ainsi une publication sous forme de recueil de nouvelles collectif au sein de Lj, nouveau label de comédies romantiques de la célèbre maison d'édition.

    Les 11 lauréats du concours d’écriture Nouveaux Talents ont été choisis par un jury de professionnels de l’édition, sous la présidence de Gilles Legardinier.

    J'espère que ce beau coup de projecteur vous donnera aussi envie de découvrir mes livres publiés par Les Éditions du 38, mon recueil de 16 nouvelles Les illusions parallèles et surtout mon roman L'amor dans l'âme.

    Je partagerai bien sûr ici les étapes de cette magnifique aventure à laquelle je suis ravie de participer. À bientôt pour la suite et notamment pour la remise des prix !

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  • Festival Planche(s) Contact 2018 à Deauville : la création photographique à l'honneur

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    En 2011, je découvrais ce qui était alors le nouveau festival deauvillais dédié à la création photographique :  Planche(s) contact.  J'avais été charmée par ce nouvel évènement auquel Deauville servait de magnifique écrin. N'ayant pas eu le plaisir d'y assister de nouveau depuis, un peu plus d'un mois après la fin du 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville (dont vous pouvez lire mon compte rendu détaillé, ici), il était temps de revenir à Deauville pour découvrir la belle évolution de ce festival qui célèbre déjà sa neuvième édition et, par la même occasion, de profiter d'un automne aux accents estivaux sous la belle lumière normande…

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    Ce rendez-vous résonne comme une évidence. Je ne connais pas d’endroits, ou si peu, dont la beauté soit aussi agréablement versatile, dont les couleurs et la luminosité lui procurent une telle hétérogénéité de visages. Deauville possède en effet mille visages. Loin de l’image de 21ème arrondissement de Paris à laquelle on tendrait à la réduire (qu’elle est aussi, certes), ce qui m’y enchante et ensorcelle se situe ailleurs : dans ce sentiment exaltant que procurent sa mélancolie étrangement éclatante et sa nostalgie paradoxalement joyeuse. Mélange finalement harmonieux de discrétion et de tonitruance. Tant de couleurs, de visages, de sentiments que j’éprouve la sensation de la redécouvrir à chaque fois. Le poids si doux et léger de tant de souvenirs engrangés en 26 années de Festival du Cinéma Américain et des années de Festival du Film Asiatique (dont je ne désespère pas qu'il revienne à Deauville…), aussi, sans doute. Je l'apprécie très tôt le matin, mystérieuse, presque déserte, qui émerge peu à peu des brumes et de l’obscurité nocturnes, dans une âpre luminosité qui se fait de plus en plus évidente, incontestable et enfin éblouissante. Ou le soir, quand le soleil décline et la teinte de couleurs rougeoyantes, d’un ciel incendiaire d’une beauté insaisissable et improbable et que je m’y laisse aller à des rêveries et des espoirs insensés. A l’image des êtres les plus intéressants, Deauville ne se découvre pas forcément au premier regard mais se mérite et se dévoile récompensant le promeneur de sa beauté incendiaire et ravageuse aux heures les plus solitaires, avec des couleurs aux frontières de l'abstraction, tantôt oniriques, tantôt presque inquiétantes.

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    Cette beauté mélancolique, quelqu’un qui a tant fait pour la renommée de Deauville (et réciproquement), l’a magnifiquement immortalisée. C’est Claude Lelouch (qui vient d'ailleurs de tourner la suite de Un homme et une femme à Deauville, une suite intitulée Les plus belles années dont je vous parlerai bientôt et qui sortira en 2019), qui, ainsi le 13 septembre 1965, désespéré,  roule alors vers Deauville où il arrive la nuit, épuisé. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture,  elle  marche sur la plage avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera Un homme et une femme, la rencontre de deux solitudes blessées qui prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.

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    Cette beauté protéiforme a inspiré de multiples visions de Deauville, et c’était donc une idée particulièrement judicieuse de les mettre à l’honneur par la création d’un festival de la photographie initié en 2010. Ainsi, des  photographes ont séjourné en résidence à Deauville, des photographes de réputation internationale ou des espoirs sérieux. Ce principe de festival dédié à la création photographique et de ne présenter quasiment que des œuvres originales  a perduré depuis la première édition du festival et en constitue indéniablement l'attrait et la singularité.  Chacun a ainsi posé son regard, tendre, malicieux, acéré, sombre, coloré, mais toujours intéressant, dévoilant un de ces multiples visages de Deauville.

    Comme l'a expliqué Philippe Normand, directeur artistique du festival, invité pour une carte blanche, Vincent Delerm a ainsi "composé en images ses visions et souvenirs de Deauville, une des plages de son enfance.  Il a ainsi investi et transformé la salle des fêtes en exposant ses photographies" et en invitant les photographes Pierre Cattoni (qui s'est intéressé au Deauville hors-saison avec son exposition A volets fermés) et Franck Hédin (qui s'est intéressé aux Elégantes de Deauville, photographies de femmes mûres à Deauville, en noir et blanc, dont il souligne la beauté éclatante de vie) à le rejoindre. Pour l'occasion, la salle  des fêtes a été rebaptisée Deauville est une fête, comme un contrepoint à la célèbre chanson de Delerm, Deauville sans Trintignant. Le chanteur explique avoir décidé d'emporter systématiquement avec lui un Minolta argentique à partir de 2008, "Pour garder la trace. Pour pouvoir mieux raconter après-coup "comment c'était."", "Certainement est-ce la seule chose qui m'intéresse vraiment, que ce soit en écrivant des chansons ou en photographiant : donner à voir, à ressentir la vie." a-t-il également précisé.

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    Sur la plage, vous pourrez profiter de l'exposition rétrospective 2018. Je vous conseille d'y aller à différentes heures de la journée, la belle luminosité changeante de Deauville la parant de couleurs différentes selon l'heure. Cette exposition sur la plage n'existait pas lors de mon précédent passage à Planche(s) contact en 2011 et c'est une formidable idée qui met particulièrement les œuvres (et la plage et ses célèbres planches) en valeur. Cette année, vous pourrez y admirer les photographies carrées de Roger Schall. Ces photos commandées pour le magazine VU nous plongent dans le Deauville des années 1934 à 1950 et, pour reprendre les termes de Philippe Normand "célèbrent, avant et après les premiers congés payés, l'énergie, la joie, l'élégance et la vigueur des corps avides de soleil, de sable et de bains de mer."

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    Dans la salle du Point de Vue, située aux abords des planches, vous pourrez admirer les somptueuses et éblouissantes photographies d'Isabelle Munoz qui, pour ce projet, a lié deux éléments fondateurs de Deauville : la mer et les chevaux.

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    Sur l'esplanade du CID, vous pourrez admirer les photographies de Yusuf Sevinçli qui, lui, réinvente Deauville avec une utlisation singulière de la couleur noire et notamment avec cette photo qui rappelle le célèbre "Cri" de Munsch.

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    A la Chatonnière, à côté de l'Hôtel de ville, ce sont les photographies de Liz Hingley qui sont à l'honneur. Photographe et anthropologue, elle a poussé les portes de deux foyers de Deauville qui se font face : la Crèche municipale et le Foyer pour personnes âgées. Les corps en devenir de la petite enfance face aux corps vieillissants.  Deux générations qui partagent des journées cadencées par les mêmes rendez-vous.

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    Enfin, vous pourrez vous arrêter devant les photos d'Isabelle Chapuis, celles de corps recouverts de sable qui évoquent des sculptures. 

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    13 artistes et autant de visages de  Deauville pour le "In" du festival qui privilégie les résidences de création et les commandes publiques.

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    Planche(s) contact, c'est aussi le off qui accueille chaque année une quinzaine d'expositions  photographiques produites par des photographes vivant une partie de l'année à Deauville, ou par des collectifs et associations de passionnés de photographies. Deauville reste bien sûr la thématique principale. Vous pourrez notamment admirer les photos de Nicolas Katz Essentielles dans l'ombre, Avenue de la République, le photographe rend hommage aux cavalières d'entrainement. De nombreux autres lieux emblématiques de Deauville comme l'office de tourisme accueillent aussi des expositions.

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    Le festival organise également deux concours. Le premier, dans la belle salle du Point de Vue, met à l'honneur cinq jeunes photographes sélectionnés pour le Tremplin Jeunes Talents 2018, des photographes qui ont été accueillis en résidence de création à Deauville (Alexandre Chamelat, Mireïa Ferron, Samuel Lebon, Guillaume Noury  et Hugo Vouhé). A travers leurs photos, ils explorent chacun à leur manière la ville de Deauville qu'ils ont découverte en résidence. Ils la réinventent et l'immortalisent avec leurs regards, tous singuliers. Je vous invite tout particulièrement à découvrir les photographies d'Alexandre Chamelat. Le traitement photographique prend une place particulièrement importante dans son travail. Sublimées par une lumière blanche immaculée, ses photos exaltent une véritable atmosphère. Très cinématographiques et colorées sont les photos de mon autre coup de cœur de ce tremplin Jeunes Talents, Hugo Vouhé. Sur ses photos qui sont de véritables mises en scène et qui nous plongent dans un univers et une histoire planent les ombres de Lynch, Wenders et Demy. La remise des prix du Tremplin Jeunes Talents et le Vernissage itinérant des expositions auront lieu  le samedi 27 octobre au Point de vue à partir de 17H. 

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    L’autre concours, La 25ème heure Longines, organisé autour de ce festival a connu, dès sa première édition, un joli succès, avec désormais environ 200 participants chaque année. Ce concours est ouvert à tous et il se déroule lors du Week-end d'inauguration du Festival Planche(s) Contact. Le principe : rendre réelle la virtuelle 25ème heure, le jour du passage à l’heure d’hiver, donner une heure aux photographes (souvent amateurs, sur simple inscription), de minuit à une heure du matin, pour fournir une photo, une seule, et donner leur vision de cette 25ème heure à Deauville. Bref, suspendre le vol du temps en l’immortalisant. Le sujet est libre. 

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    Le top départ est donné depuis la Villa le Cercle où se retrouvent tous les participants pour confirmer leur inscription (à partir de 22h).  Il est particulièrement amusant de voir des photographes arpenter Deauville à cette heure avancée et de les voir la photographier sous tous les angles, souvent inattendus.  La remise des prix aura lieu à la Villa Le Cercle à midi la dimanche 28 octobre. Je vous encourage vraiment à  participer ce samedi 27 octobre. L'ambiance est créative et conviviale et permet à chacun de poser son regard sur Deauville, et aussi de donner à découvrir la ville différemment...à l'image  de l'ensemble de ce festival que je vous encourage vivement à parcourir.

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    Les expositions sont ouvertes tous les jours du samedi 20 octobre au dimanche 4 novembre. Puis les samedis, dimanches et jours fériés jusqu'au 25 novembre. Horaires : 10H30 -13H et 14H30-19H. 

    Pour en savoir plus : www.indeauville.fr (notamment pour en savoir plus sur les rencontres autour des fonds photographiques, stages photos, focus éducation à l'image, goûters photographiques, lectures de portfolios…).

    En complément : 

    Mon article/poème consacré à un concert de Vincent Delerm à La Cigale en 2006

    Merci à la ville de Deauville pour l'invitation à découvrir ce festival en avant-première et merci à l'hôtel Barrière Le Royal de Deauville pour l'accueil exceptionnel. Retrouvez quelques photos de l'hôtel prises lors de ce dernier séjour ci-dessous et mon précèdent article consacré à l'hôtel Barrière Le Royal de Deauville, là.

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    Et merci au magazine Le 21ème arrondissement de novembre - hiver 2018 pour cet article :

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  • CAPHARNAÜM de Nadine Labaki : Prix de la Citoyenneté du Festival de Cannes 2018

     

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    En mai dernier, en plus du Prix du Jury du Festival de Cannes, Capharnaüm, troisième long métrage de Nadine Labaki, recevait le Prix de la Citoyenneté. Une projection en avant-première du film a eu lieu la semaine dernière au CNC après la remise du prix à Cannes.

     

     Ci-dessus, le discours de Nadine Labaki au CNC la semaine dernière.

    Retrouvez, ci-dessous, après la critique du film, la présentation détaillée de ce Prix de la Citoyenneté avec, notamment, une interview de Line Toubiana, membre cofondatrice du prix avec Françoise Camet, Guy Janvier et Jean-Marc Portolano.

    Créé cette année et attribué par un jury de professionnels (présidé par Abderrahmane Sissako pour l’édition 2018), ce prix sera chaque année décerné à un des films de la compétition officielle du Festival de Cannes.  Le jury du Prix de la Citoyenneté visionne ainsi l’ensemble des films de la compétition officielle avant de choisir celui qui, parmi ceux-ci, se verra décerner cette noble récompense.

     

    Si, comme tous les ans, plusieurs films évoquaient l’âpreté du monde contemporain, le film de Nadine Labaki était sans aucun doute celui qui correspondait le mieux aux valeurs humanistes, laïques et universalistes défendues par ce prix.

    À l'intérieur d'un tribunal, Zain, un garçon de 12 ans, est présenté devant le juge. À la question : «  Pourquoi attaquez-vous vos parents en justice ? », Zain lui répond : « Pour m'avoir donné la vie ! ». Capharnaüm retrace l'incroyable parcours de cet enfant en quête d'identité et qui se rebelle contre la vie qu'on cherche à lui imposer.

    Zain vit ainsi avec ses parents, frères et sœurs dans un appartement insalubre et spartiate qui appartient à un marchand du quartier pour lequel travaillent les enfants pour pouvoir payer le loyer. Ils transforment aussi des médicaments en stupéfiants avant de les revendre quand ils ne sont pas contraints de mendier dans la rue. Dans leur vie ne subsiste ainsi aucune lueur, ni d’enfance, ni de joie, ni d’espoir, comme dans le regard de Zain qui, à lui seul, semble exprimer toute la colère et la détresse de ses frères et sœurs face à ce quotidien misérable. Il ne s’adoucit qu’en présence de sa sœur Sahar dont il comprend rapidement qu’elle va être vendue au boutiquier. Après avoir tenté en vain et avec opiniâtreté  de la sauver de cette terrible destinée, il s’enfuit…

    Dès les premiers plans, le regard buté, boudeur, déterminé, et d’une tristesse insondable du petit Zain accroche notre attention et notre empathie pour ne plus les lâcher jusqu’à la respiration finale. Avant cela, constamment en mouvement, la caméra épouse sa fébrilité, et son énergie portée par sa rage contre les adultes, contre son destin, contre le malheur et la violence qui constamment s’abattent sur lui et qui le contraignent à en devenir un bien avant l’heure.

    Nous suivons Zain dans le chaos poussiéreux, ce dédale tentaculaire qu’est le bidonville de Beyrouth, ce capharnaüm gigantesque et oppressant. Téméraire, il tente de survivre malgré la dureté révoltante de son quotidien. Sur son chemin, il rencontre Cafardman, personnage burlesque, lunaire, drôle et tragique, qui semble là pour nous rappeler  que « l’humour est la politesse du désespoir ».  Ainsi, dans ce capharnaüm, même les héros de l’enfance ont le cafard. Zain dort d’abord dans un parc d’attractions, celui où travaille Cafardman. Plans sublimement tristes de Zain qui erre dans ce lieu censé être de jeu et de joie devenu fantomatique et sinistre, comme un vestige de son enfance à jamais inaccessible et révolue. Il y rencontre une immigrée éthiopienne qui a quitté son travail d’employée de maison après être tombée enceinte. Elle élève seule Yonas, son bébé qu’elle entoure et grise d’amour, qu’elle cache aux autorités de crainte qu’ils ne soient expulsés.  A la tendresse dont elle entoure son bébé, s’opposent l’indifférence glaciale et même la violence et les coups que Zain a subis de la part de ses parents. Quand elle disparait, il s’occupe pourtant du bébé, le nourrit, le trimballe partout avec lui, et déploie une force admirable pour celui-ci. Leur duo improbable est poignant, d’autant plus que le bébé est d’une rare expressivité et que la réalisatrice en fait un personnage à part entière. Malgré tout ce qu’il a affronté et subi, ce petit homme qu’est Zain, malgré ce regard duquel semble avoir disparu toute candeur, conserve en lui une humanité salvatrice qu’il déploie pour s’occuper de Yonas comme un pied-de-nez à ce cercle vicieux de la violence et de l’indifférence et de l’absence de tendresse.

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    Les acteurs sont des non professionnels dont l'existence tragique ressemble à celle des personnages, et l’émotion qui se dégage du film en est décuplée. La réalisatrice s’est ainsi véritablement imprégnée  du réel. Elle  a effectué trois années de recherche et le tournage a duré six mois avec plus de 520 heures de rushes. Au premier rang des acteurs, Zain, qui porte le même prénom que son personnage, et qui se nomme Zain Al Rafeea, un petit Syrien de 14 ans, réfugié au Liban avec sa famille et découvert par une directrice de casting à Beyrouth.  Avec son naturel déconcertant, son énergie phénomènale, sa force, son regard noir et déterminé, il crève littéralement l’écran et nous emporte avec lui dans sa course folle contre le destin et contre cette roue du malheur qui semble tout emporter et broyer sur son passage, a fortiori l’humanité.

    Si dans la première version projetée à Cannes en mai dernier, la musique était parfois trop emphatique, en particulier au dénouement, cette nouvelle version resserrée présentée au CNC est absolument parfaite et quand enfin ce capharnaüm s’apaise, la lueur d’espoir qu’il laisse entrevoir est sidérante d’émotion. Comme une démonstration et une plaidoirie implacables du petit Zain et de tous les enfants qu’il représente. Le regard final face caméra, face au monde, face à nous et le sourire esquissé sont parmi les plus beaux qu’il m’ait été donné de voir au cinéma. Une respiration, enfin, après cette étouffante descente aux Enfers sans répit, malheureusement celle que vivent tant d’enfants comme le petit Zain. Ce n’est pas pour rien que Nadine Labaki joue l’avocate qui défend Zain dans le procès qui l’oppose à ses parents. Rarement l’enfance maltraitée aura connu telle plaidoirie. Ajoutez à cela un souffle romanesque, une réalisation vive et inspirée et vous obtiendrez un film bouleversant d’une rare intensité et d’une force incontestable. Oui, un film humaniste et universel, et citoyen : indéniablement.

    Quelques vidéos du jury du Prix de la Citoyenneté, de ses fondateurs, du Président de l'association Citizen Clap Laurent Cantet, et de Nadine Labaki à Cannes.

    Nadine Labaki à Cannes lors de la remise du Prix de la Citoyenneté

    Discours de Danièle Heymann, membre du jury du Prix de la Citoyenneté, lors de la remise du prix 

    Laurent Cantet à propos du Prix de la Citoyenneté à Cannes

    Abderrahmane Sissako à propos du Prix de la Citoyenneté à Cannes

    Line Toubiana lors de la présentation du film au CNC

     

    A propos du Prix de la Citoyenneté : présentation du prix

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    Line Toubiana (retrouvez son interview en bas de cet article), Françoise Camet, Guy Janvier, Jean-Marc Portolano ont créé en 2017 une association, Clap Citizen Cannes. Ces quatre fondateurs de l'association, tous critiques et cinéphiles passionnés, sont attachés aux valeurs d'humanisme, d'universalisme et de laïcité de la Citoyenneté.   Le président  de l'association est Laurent Cantet (palme d'or 2008 pour  son mémorable Entre les murs).

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    Photo - Copyright Haut et Court

    Cette association a pour but de décerner le prix de la citoyenneté  à un des films de la sélection officielle du Festival du Film International de Cannes dont l'édition 2018 aura lieu du 8 au 19 Mai.

    Le film primé incarnera des valeurs humanistes, laïques et universalistes. Le président du jury de la première édition du prix de la citoyenneté sera le cinéaste Abderrhamane Sissako.

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    Le prix a obtenu le soutien et l’appui logistique de Pierre Lescure et Thierry Frémaux, respectivement Directeur général et Délégué général du Festival de Cannes pour décerner ce "Prix de la Citoyenneté" qui sera remis à un film de la sélection officielle et pour la première fois à l’issue du Festival de  Cannes 2018.

    Encore un prix vous direz-vous certainement. Certes, mais celui-ci me semble tout particulièrement nécessaire "parce que le monde change et parce que notre société est de plus en plus ouverte sur le monde". Il  est ainsi  destiné à accompagner son évolution : "Quel meilleur vecteur que le cinéma et sa puissance créatrice pour évoquer, analyser et réfléchir à l'évolution des réalités humaines, sociales, politiques, territoriales ?" peut-on ainsi lire sur le site officiel du prix.

    Ce Prix s'inscrit dans 2 traditions :

    • Celle de la citoyenneté telle qu’elle a été définie dans la Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen de 1789 
    - Article 11 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi. » 
    • Celle de la résistance à l’oppression
     ...sous toutes ses formes que symbolise si bien Jean Zay, ministre de l’Education nationale et des Beaux-Arts qui a créé le premier Festival de Cannes en 1939, en opposition à la Mostra de Venise soutenue à l'époque par le pouvoir fasciste. 
     
    Cet prix met en avant des valeurs humanistes, des valeurs universalistes et des valeurs laïques. Ce nouveau « Prix »  célèbre ainsi l'engagement d'un film, d'un réalisateur et d'un scénariste en faveur de ces valeurs.   "Le prix de la citoyenneté du Festival International du Film de Cannes doit permettre l'émergence de valeurs humanistes, universelles et laïques, fondatrices d'une communauté de destins". Je vous recommande ainsi les pages passionnantes du site officiel du prix de la citoyenneté qui définissent ces valeurs.
     
    Abderrhamane Sissako  présidera le jury. Le Prix de la citoyenneté pour sa première édition pouvait difficilement trouver meilleur président tant ses films, dont son chef-d'œuvre Timbuktu, défendent ces valeurs.
    A ses côtés :
    -Francescoa Giai Via, critique de cinéma et professionnel de la culture et notamment directeur artistique du festival Annecy cinéma italien.
    -Danièle Heymann, journaliste française et critique de cinéma officiant notamment au Masque et la plume sur France inter. Elle a également été membre du jury du Festival de Cannes 1987.
    -Patrick Bézier, directeur général d'Audiens, groupe de protection sociale des secteurs de la culture, de la communication et des médias.
    -Léa Rinaldi, réalisatrice et productrice indépendante (Alea Films), spécialisée dans le documentaire d'immersion.

    Pour en savoir plus, je vous encourage à découvrir le site internet du prix de la citoyenneté, extrêmement bien conçu sur lequel vous pourrez également participer à un quizz sur la citoyenneté et ainsi tester vos connaissances : https://www.prix-de-la-citoyenneté.fr

    Pour adhérer à l'association (vous recevrez alors une invitation à la remise des prix au salon des Ambassadeurs à Cannes. Une projection privée du film primé sera par ailleurs réalisée à l'automne 2018 à Paris, en compagnie de Laurent Cantet et des membres du jury) : https://www.helloasso.com/associations/clap-citizen-cannes/adhesions/bulletin-adhesion-prix-de-la-citoyennete-festival-de-cannes-2018

     INTERVIEW DE LINE TOUBIANA

    Line Toubiana est cofondatrice du prix de la citoyenneté, elle est également romancière. Je vous recommande ainsi vivement Un lieu à soi, écriture croisée sur deux lieux très différents, Cannes  et Beaumont du Gâtinais, petit village ignoré en campagne française, savoureux jeu d'oppositions et d'échos symboliques. Elle est aussi journaliste : retrouvez ici sa passionnante interview de Gilles Jacob dans son émission Le cinéma parlant pour son excellent Dictionnaire amoureux du Festival de Cannes (dont je vous parle également longuement, ici, LE livre incontournable pour tous ceux que le Festival de Cannes intrigue ou intéresse). 

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    Dictionnaire amoureux du Festival de Cannes de Gilles Jacob - Plon.gif

     

    Bonjour Line Toubiana,

    -Vous êtes cofondatrice de ce nouveau prix, le prix de la citoyenneté, une judicieuse initiative qui permettra de récompenser un film défendant des valeurs citoyennes parmi les films de la compétition officielle du Festival de Cannes. Pouvez-vous nous parler de la genèse de ce prix ?  En quoi, selon vous, un nouveau prix et celui-ci en particulier, était-il nécessaire ?

    L'idée de ce prix est née à la faveur du 70 ème anniversaire du Festival de Cannes qui rappelle la mémoire de Jean Zay, fondateur du Festival de Cannes. Il nous a semblé nécessaire de remettre à l'honneur les valeurs essentielles de la citoyenneté qui étaient siennes : résistance à l’oppression, humanisme, universalisme et laïcité.

    - On imagine aisément que la création d’un tel prix au sein du plus grand festival de cinéma au monde nécessite une importante logistique mais aussi des moyens conséquents. Pourquoi est-ce important d’adhérer à l’association ?

    Nous avons d’abord obtenu l’accord du président Pierre Lescure qui nous a assuré du soutien logistique du Festival. Nous avons de ce fait créé notre association Clap Citizen Cannes et avons demandé à Laurent Cantet (Palme d’or 2008) d’en être le Président. Les trois autres membres fondateurs, Françoise Camet, Guy Janvier, Jean-Marc Portolano  et moi-même sommes fiers de la constitution de notre jury dont le président est Abderrhamane Sissako.

    La mise en œuvre de ce Prix en amont, et sur place à Cannes, exige un investissement important et des partenaires. Si nous avons quelques contributions, celles-ci restent encore très justes. C’est pourquoi le soutien d’adhérents nombreux nous aiderait à réaliser cette manifestation dans de bonnes conditions. Je ne peux qu’encourager l’adhésion qui est en ligne sur notre site. Je tiens à signaler, si besoin est, que nous sommes tous les 4 fondateurs et organisateurs de ce Prix, parfaitement bénévoles.  Le site : https://www.prix-de-la-citoyenneté.fr

    Les adhérents seront invités à la projection du film primé en avant-première lors de la sortie nationale du film, à Paris ou à Cannes, en présence du réalisateur.

    Nous sommes ravis d’avoir également un partenariat au Festival de Cannes avec France média Monde qui va contribuer à donner un rayonnement et une visibilité internationale à notre prix.

    -Vous êtes également auteure (vous avez notamment coécrit Un lieu à soi  - Editions L’Harmattan, déclaration d’amour à Cannes, pleine de sensibilité et de douce mélancolie) mais aussi critique de cinéma. Vous animez ainsi une émission de cinéma. Et vous couvrez le Festival de Cannes depuis de nombreuses années. Depuis quand couvrez-vous ainsi le festival ? Quel regard portez-vous sur celui-ci et sur son évolution ? Si un film projeté dans le cadre du festival depuis sa création devait pour vous symboliser les valeurs que défend le prix de la citoyenneté, quel serait-il ?

    Cela fait effectivement très longtemps que je suis passionnée de cinéma, du Festival de Cannes et de la ville de Cannes. Comme l’indique le titre de mon ouvrage Un lieu à soi je me sens cannoise à part entière, mais aussi citoyenne du monde ! J’ai couvert le festival aussi bien pour la presse écrite que pour la radio et je l’ai vu grandir et évoluer jusqu’à devenir le plus grand évènement artistique mondial. Grâce à Gilles Jacob, ses prédécesseurs et successeurs, le Festival promeut le cinéma international d’auteur, de qualité, de haut niveau artistique. Si je garde bien sûr un regard quelque peu nostalgique sur l’Ancien Palais et le Blue bar, je ne suis pas moins admirative des proportions gigantesques qu’a pris ce festival d’année en année.

     Il est difficile de choisir un film le plus citoyen parmi des centaines, mais je mettrais en avant le cinéma  des frères Dardenne qui est le plus en accord avec les valeurs de ce prix.

    - Si vous aviez eu à remettre le prix de la citoyenneté parmi un film de la compétition officielle du Festival de Cannes  2017, lequel selon vous aurait le mieux incarné les valeurs défendues par le prix ?

    Sans hésiter pour le film The Square de Ruben Ostlund, film dérangeant et provocateur mais qui prône sans concession, avec force et talent, la nécessité de la vraie solidarité et de l’altruisme dans notre société en proie à la violence et à la misère.

    -Que pensez-vous de la sélection officielle 2018, en particulier au regard du prix de la citoyenneté qui sera décerné parmi un de ces films ?

    Il y a beaucoup de cinéastes engagés dans cette sélection très prometteuse des valeurs que défend ce Prix : Asghar Farhadi, Stéphane Brizé, Spike Lee, Kirill Serebrennikov… Mais un film citoyen n’est pas seulement militant. Je pense que le Jury a pour cette première année, la chance d’avoir une matière idéologique et artistique à débattre, de superbe tenue.

    - Vous avez l’honneur d’avoir pour président de l’association Laurent Cantet et pour président du jury de la première édition, Abderrhamane Sissako. Pouvez-vous nous dire en quoi ils incarnent les valeurs défendues par ce prix, les raisons de ces choix et comment ces derniers ont accueilli la création de ce prix ?

    Ces deux grands cinéastes se sont imposés tout naturellement dans le choix des deux présidences. Nous avons eu effectivement le grand honneur qu’ils acceptent tout aussi volontiers d’être les personnalités phares de l’association et du premier Jury du Prix de la citoyenneté.

    Leurs filmographies respectives interrogent le monde sur les questions de liberté, de tolérance, de transmission, de respect de l’homme et de sa dignité.. Aussi bien les films Timbuktu d’Abderrhamane Sissako qu’Entre les murs de Laurent Cantet portent, chacun à sa manière, au plus haut point, les valeurs que défend ce Prix d’une citoyenneté toujours vigilante.

    Pour plus de précision consulter le site du Prix de la Citoyenneté : https://www.prix-de-la-citoyenneté.fr

     

     

     

  • COLD WAR de Pawel Pawlikowski à voir ABSOLUMENT le 24 octobre

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    En attendant de retourner le voir pour vous en parler plus longuement, je ne pouvais pas ne pas évoquer ici d'ores et déjà mon coup de cœur du Festival de Cannes 2018, qui sortira en salles le 24 octobre. Un film  à voir absolument.

    Cold war, c'est l'amour impossible d'un musicien et d'une jeune chanteuse entre la Pologne Stalinienne et le Paris bohème des années 50. La distance que pourraient induire les judicieuses (et nombreuses) ellipses, au contraire, laissent place à l'imaginaire du spectateur (que ça fait du bien parfois de ne pas être infantilisé ! ) et nous font ressentir avec une force accrue et magistrale le vide de l'existence des deux amants lorsqu'ils sont séparés. Les années écoulées importent peu, seuls comptent les instants qu'ils partagent. Le reste n'est que temps vain et perdu (éclipse-s-, du nom du bar parisien où joue le musicien, bel hommage au film éponyme d'Antonioni aussi), et la musique (vibrante, poignante) n'a vraiment de sens qu'en présence de l'autre ou en pensant à l'autre. Le temps passé se comble de cette attente. Entre la Pologne et le Paris jazzy de Saint-Germain-des-Prés, ce sont deux univers qui se confrontent, un mur qui sépare ces deux êtres différents mais que réunit un amour irrépressible et tortueux dès les premières notes voué à un dénouement tragique. Si pour lui la vie est "plus belle de l'autre côté" (citation extraite du film, je ne vous en dis pas plus tant cette phrase y est tragiquement belle), pour elle cette vie les arrache à eux-mêmes. En toile de fond la guerre froide dont la violence insidieuse imprègne tout le film et appose le sceau de la fatalité sur la destinée des deux amoureux. Ajoutez à cela une photographie hypnotique, une dernière phrase à double sens, absolument bouleversante et vous obtiendrez un très grand film romanesque dont la fausse simplicité est avant tout la marque d'un travail d'une perfection admirable. Avec cette histoire inspirée de celle de ses parents Pavel Pawlikowski pourrait prétendre à tous les Prix à commencer par celui de l'interprétation féminine pour Joanna Kulig. Il a finalement reçu le Prix de la mise en scène de ce 71ème Festival de Cannes. Ce film est aussi une réflexion sur le temps qui passe et dévore tout sauf peut-être les sentiments essentiels ou "éternels", thème commun aux films de cette compétition de ce Festival de Cannes 2018.

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  • GALVESTON de Mélanie Laurent en quelques mots et images

    GALVESTON de Mélanie Laurent était projeté en avant-première dans le cadre du 44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville dont vous pouvez retrouver mon compte rendu, ici.

    44ème Festival du Cinéma Américain de Deauville 18

    Synopsis : 1988. Les temps sont durs pour Roy, petit gangster de la Nouvelle-Orléans. La maladie le ronge. Son boss lui tend un guet-apens auquel il échappe de justesse. Une seule issue : la fuite, en compagnie de Rocky, une jeune prostituée. Deux êtres que la vie n’a pas épargné. En cavale vers la ville de Galveston, ils n’ont plus rien à perdre…

    Galveston 2

    Quatre cinéastes français avaient cette année leurs films (américains) projetés à Deauville parmi lesquels la talentueuse Mélanie Laurent. Mélanie Laurent fait partie de ceux que certains aiment détester parce qu’elle a « le malheur » d’être une jeune femme polyvalente, déterminée et talentueuse dans chacun des domaines auxquels elle s’attèle : elle chante, joue, réalise. Une artiste à part entière guidée par le désir de créer. Avec Respire, elle signait un film à la fois intemporel (Mélanie Laurent ne situe d’ailleurs pas vraiment l’intrigue dans une époque précise) et dans l’air du temps (mais qui ne cherche pas à l’être) qui peut-être en aidera certain(e)s à fuir et ne pas se laisser enfermer par ces « ami(e)s » toxiques qui, avancent masqué(e)s, séduisent tout le monde avec une habileté et une ingénuité fourbes, pour mieux exclure la proie choisie, se l’accaparer, puis la détruire. Un film dont la brillante construction met en lumière la noirceur et la détermination destructrices de ces êtres, nous plongeant avec la victime dans cet abyme mental en apparence inextricable. Un film d’une remarquable maîtrise et justesse, au parfum pernicieusement envoûtant, prenant, parfaitement maîtrisé du premier au dernier plan qui est d’une logique aussi violente qu’implacable. Le dénouement apparaît en effet finalement comme la seule respiration et la seule issue possibles. Un film qui m’a laissée à bout de souffle, longtemps après le générique de fin et dont les personnages continuaient à m’accompagner bien après celui-ci. Si je vous parle de Respire aujourd’hui, c’est d’une part pour vous inciter à voir ce film remarquable et d’autre part parce que ce fut avec Galveston comme avec Respire. Les personnages m’ont en effet accompagnée bien après le générique de fin. Mélanie Laurent est une directrice d’acteurs de grand talent. Avec ce premier film américain de sa carrière de réalisatrice, une adaptation du roman de Nick Pizzolatto (créateur de la série True detective), elle tire le meilleur de ses interprètes principaux Elle Fanning et Ben Foster. L’histoire se déroule en 1987, à la Nouvelle-Orléans. Ce film qui sortira le 10 octobre prochain en France, est un thriller sombre et ensorcelant. Les lieux, amoureusement filmés, évoquent la mythologie américaine et constituent un personnage à part entière, notamment cette Nouvelle Orléans écrasée de chaleur. Elle regarde ses personnages, ces deux âmes blessées, avec tant de bienveillance que la fin, aussi d’une effroyable cruauté, n’en est que plus bouleversante.

     

  • Tournage à Deauville du film de Claude Lelouch "Les plus belles années" : épilogue de "Un homme et une femme"

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    Quelle excellente nouvelle ! Claude Lelouch tourne actuellement à Deauville l'épilogue de son chef-d'œuvre "Un homme et une femme" avec Anouk Aimée et Jean-Louis Trintignant. Bien entendu, vous pourrez retrouver ici ma critique avant la sortie du film et ,en attendant, toute l'actualité liée à celui-ci intitulé "Les plus belles années". Le film devrait sortir en Mai 2019 (pour une projection en avant-première à Cannes ?).  C'est aussi pour moi l'occasion de vous parler à nouveau de "Un homme et une femme".

    Je ne sais plus très bien si j'ai vu ce film avant d'aller à Deauville, avant que cette ville soit indissociablement liée à tant d'instants de mon existence, ou bien si je l'ai vu après, après mon premier séjour à Deauville, il y a 26 ans... Toujours est-il qu'il est impossible désormais de dissocier Deauville du film de Claude Lelouch qui a tant fait pour sa réputation, « Un homme et une femme » ayant créé la légende du réalisateur comme celle de la ville de Deauville, et notamment sa réputation de ville romantique à tel point que, pendant le Festival du Cinéma Américain 2006, a été inaugurée une place Claude Lelouch, en sa présence et celle d'Anouk Aimée. J'étais présente ce jour-là et l'émotion et la foule étaient au rendez-vous.

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    Alors sans doute faîtes-vous partie de ceux qui adorent ou détestent Claude Lelouch, ses « instants de vérité », ses hasards et coïncidences. Rares sont ceux qu'il indiffère. Placez son nom dans une conversation et vous verrez. Quelle que soit la catégorie à laquelle vous appartenez, peut-être ce film « d'auteur » vous mettra-t-il d'accord...
    Le 13 septembre 1965, Claude Lelouch est désespéré, son dernier film ayant été un échec. Il prend alors sa voiture, roule jusqu'à épuisement en allant vers Deauville où il s'arrête à 2 heures du matin en dormant dans sa voiture. Réveillé le matin par le soleil, il voit une femme depuis sa voiture, étonné de la voir marcher avec un enfant et un chien. Sa « curiosité est alors plus grande que la tristesse ». Il commence à imaginer ce que peut faire cette femme sur cette plage, avec son enfant, à cette heure matinale. Cela donnera « Un homme et une femme ».


    Synopsis : Anne (Anouk Aimée), scripte, inconsolable depuis la mort de son mari cascadeur Pierre (Pierre Barouh), rencontre à Deauville, en allant chercher sa fille à la pension, un coureur automobile, Jean (Jean-Louis Trintignant), dont la femme s'est suicidée par désespoir. Jean raccompagne Anne à Paris. Tous deux sont endeuillés, et tous deux ont un enfant. C'est l'histoire d'un homme et d'une femme qui s'aiment, se repoussent, se retrouvent et s'aiment encore...


    J'ai vu ce film un grand nombre de fois, tout à l'heure encore et comme à chaque fois, avec le même plaisir, la même émotion, le même sentiment de modernité pour un film qui date de 1966, étonnant pour un cinéaste dont beaucoup de critiques raillent aujourd'hui le classicisme. Cette modernité est bien sûr liée à la méthode Claude Lelouch d'ailleurs en partie la conséquence de contraintes techniques et budgétaires. Ainsi, Lelouch n'ayant pas assez d'argent pour tourner en couleurs tournera les extérieurs en couleurs et les intérieurs en noir et blanc. Le montage et les alternances de noir et blanc et de couleurs jouent alors habilement avec les méandres du temps et de la mémoire émotive, entre le présent et le bonheur passé qui ressurgit sans cesse.


    Je ne sais pas si « le cinéma c'est mieux que la vie » mais en tout cas Claude Lelouch fait partie de ceux dont les films et surtout « Un homme et une femme » nous la font aimer. Rares sont les films qui donnent à ce point la sensation de voir une histoire d'amour naître et vibrer sous nos yeux, d'en ressentir -partager, presque- le moindre battement de cœur ou le moindre frémissement de ses protagonistes, comme si la caméra scrutait les visages et les âmes. Par une main qui frôle une épaule si subtilement filmée. Par le plan d'un regard qui s'évade et s'égare. Par un sourire qui s'esquisse. Par des mots hésitants ou murmurés. Par la musique éternelle de Francis Lai (enregistrée avant le film) qui nous chavire le cœur. Par une photographie aux accents picturaux qui sublime Deauville filmée avec une lumière nimbée de mélancolie, des paysages qui cristallisent les sentiments de Jean-Louis et d'Anne, fragile et paradoxalement impériale, magistralement (dirigée et) interprétée par Anouk Aimée. Rares sont les films qui procurent cette impression de spontanéité, de vérité presque. Les fameux « instants de vérité » de Lelouch.


    Et puis il y a le charme incomparable du couple Anouk Aimée/ Jean-Louis Trintignant, le charme de leurs voix, notamment quand Jean-Louis Trintignant prononce « Montmartre 1540 ». Le charme et la maladresse des premiers instants cruciaux d'une histoire d'amour quand le moindre geste, la moindre parole peuvent tout briser. Et puis ces plans fixes, de Jean-Louis dans sa Ford Mustang (véritable personnage du film), notamment lorsqu'il prépare ce qu'il dira à Anne après qu'il ait reçu son télégramme. Et puis ces plans qui encerclent les visages et en capturent la moindre émotion. Ce plan de cet homme avec son chien qui marche dans la brume et qui fait penser à Giacometti (pour Jean-Louis). Tant d'autres encore...

    Avec « Un homme et une femme » Claude Lelouch a signé une histoire intemporelle, universelle avec un ton très personnel et poétique. La plus simple du monde et la plus difficile à raconter. Celle de la rencontre d'un homme et une femme, de la rencontre de deux solitudes blessées. Il prouve que les plus belles histoires sont les plus simples et que la marque du talent est de les rendre singulières et extraordinaires.


    Alors pour reprendre l'interrogation de Jean-Louis dans le film citant Giacometti « Qu'est-ce que vous choisiriez : l'art ou la vie » Lelouch, n'a certainement pas choisi, ayant réussi a insufflé de l'art dans la vie de ses personnages et de la vie dans son art. Voilà c'est de l'art qui transpire la vie.


    Alors que Claude Lelouch a tourné sans avoir de distributeur, sans même savoir si son film sortirait un jour, il obtint la palme d'or à Cannes en 1966, l'oscar du meilleur film étranger et celui du meilleur scénario et 42 récompenses au total et aujourd'hui encore de nombreux touristes viennent à Deauville grâce à « Un homme et une femme », le film, mais aussi sa musique mondialement célèbre. Vingt ans après, Claude Lelouch tourna une suite « Un homme et une femme 20 ans déjà » réunissant à nouveau les deux protagonistes.

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