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  • Cinéma - César 2023 - Présentation collégiale de la 48ème cérémonie des César

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    Voila une belle initiative qui annonce un louable renouveau des César pour leur édition 2023...

    L’Académie des Arts et Techniques du Cinéma et CANAL+, co-producteur délégué et diffuseur exclusif de la 48e Cérémonie des César, viennent en effet d’annoncer que Leïla Bekhti, Jérôme Commandeur, Jamel Debbouze, Emmanuelle Devos, Léa Drucker, Eye Haïdara, Alex Lutz, Raphaël Personnaz et Ahmed Sylla présenteront la prochaine Cérémonie des César, sous la présidence de Tahar Rahim, le vendredi 24 février prochain en direct de l’Olympia.

    "Une présentation collégiale et joyeuse en soutien à la création cinématographique, une mobilisation collective au service d’une cérémonie renouvelée qui mettra en valeur la diversité et la richesse du cinéma en France. Des artistes, Maîtres et Maîtresses de Cérémonie, qui partageront leur amour du cinéma et célèbreront le temps de ce grand événement, celles et ceux qui l’auront fait briller cette année."

    La Direction Artistique de la Cérémonie sera assurée par le réalisateur Éric Lartigau.

    Le César d'Honneur de la 48ème cérémonie sera remis au cinéaste David Fincher.


    La Cérémonie sera diffusée vendredi 24 février sur CANAL+, en clair, en direct et en exclusivité depuis l’Olympia, et sera également disponible sur myCANAL.

    En attendant l'édition 2023, retrouvez l'article détaillé que j'avais consacré à l'édition 2022 des César, ici.

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  • Critique de CLOSE de Lukas Dhont

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    Close a reçu le Grand Prix ex-aequo du dernier Festival de Cannes. Le film de Lukas Dhont était aussi présenté en avant-première dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2022, dans la section L’heure de la Croisette. Il s’agit là du second long-métrage de Lukas Dhont, après Girl qui fut couronné de nombreux prix dont la Caméra d’or du Festival de Cannes 2018 mais aussi le prix d'interprétation Un Certain Regard pour son jeune interprète, Victor Polster.

    Léo, le blond, (Eden Dambrine) et Rémi, le brun, (Gustav de Waele), 13 ans, sont amis depuis toujours. Jusqu'à ce qu'un événement impensable les sépare. 

    Cela commence par des jeux d’enfants, jouer à être des chevaliers, à être quelqu’un d’autre. De ce duo rempli de charme émane un mélange de fougue et de naïveté. Cette enfance dont ils ont encore les jeux, ils sont sur le point de la quitter. Ce quelqu’un d’autre qu’ils jouent à être, ils le sont un peu aussi, à cet âge où les repères se brouillent, où les sentiments deviennent confus, où la société, les autres, exigent de se/vous ranger dans des cases. Ce n’est pas encore la rentrée des classes. C’est la fin de l’été avec les derniers sursauts de ses couleurs éclatantes, les plus beaux, un peu nostalgiques déjà.

     L’insouciance et la joie de vivre règnent dans la vie des deux jeunes garçons. Une amitié forte, fraternelle, fusionnelle, tendre et apparemment indéfectible, les lie. Leur amitié a pour cadre la campagne belge, les champs de fleurs des parents de Léo, un décor joyeux et coloré à perte de vue dans lequel ils courent à perdre haleine, et deux familles aimantes qui les accueillent comme s’ils étaient frères. Ils dorment l’un chez l’autre, l’un avec l’autre. La nuit, Léo invente des histoires extraordinaires et les raconte à Rémi, blotti contre lui. Léo dessine Rémi aussi. La beauté innocente et flagrante de leur amitié ensoleille tout le début du film.

    Leurs parents s’occupent d’eux et les reçoivent comme s’ils étaient frères.  Et lorsque la maman de Rémi, Sophie, est, couchée dans l’herbe, posée sur le ventre de son fils, Léo contre eux, leur complicité est rayonnante et harmonieuse comme la campagne qui les environne. C’est le règne de la joie et de l’innocence.

    Et puis arrive la rentrée des classes. Avec le regard des autres, inquisiteur, malveillant, insistant, étouffant. Cette cruelle intransigeance adolescente qui ravage les âmes sensibles. Une question « Vous êtes ensemble ? ». Et c’est tout leur univers qui s’écroule. La note dissonante. La fin de l’harmonie. Les regards qui pèsent sur eux mettent Léo mal à l’aise, le poussent à se questionner sur ce qui était naturel auparavant, et à s’éloigner de Rémi. Il commence à se détacher de son ami, à jouer au football avec ses camarades de classe, à s’inscrire dans un club de hockey sur glace, à s’investir ainsi dans des activités qui sont des symboles supposés de virilité. Rémi souffre de cet éloignement. Le cœur est brisé, le sien et celui du spectateur d’assister, impuissant, à sa détresse insondable. Le dialogue a laissé place aux non-dits, à l’agressivité. Jusqu’au point de non-retour.

    Léo comprendra alors trop tard, sera envahi par la culpabilité, devra quitter les derniers habits de l’enfance, et plonger subitement dans l’âge adulte. Le père de Rémi s’effondre à table. Les mères se murent dans la dignité et dans le silence. Sublimes Léa Drucker et Émilie Dequenne, dont le talent éclate encore plus face à la candeur et la vérité du jeu des deux magnifiques acteurs en devenir que sont Eden Dambrine et Gustav de Waele. Deux révélations dont on entendra forcément parler à nouveau tant ils crèvent l’écran…et nos cœurs.

    Avec quelle délicatesse, Lukas Dhont filme (chorégraphie même) l’affection des deux garçons, leur proximité, leur joie, leurs jeux, leurs corps et leurs mouvements, comme une danse joyeuse et échevelée, avec une vitalité truffaldienne !

    Le travail sur la photographie et les couleurs est aussi remarquable, comme dans Girl qui était auréolé de cette douce et délicate lumière. L’équipe technique et artistique du film est ainsi la même que celle de Girl, notamment le directeur de la photographie Frank van den Eeden. Les couleurs changeantes au gré des saisons font écho aux émotions versatiles des deux garçons. Le changement de saison et les nuances de l’automne créent ainsi une rupture avec les teintes solaires de l’été. Une rupture aussi dans l’époque de la vie de Rémi et Léo. Puis, c’est l’hiver. Jusqu’à ce que les couleurs et les fleurs reviennent, et avec elles, un espoir et la vie…

    Le scénario coécrit par Lukas Dhont avec Angelo Tijssens est d’une justesse, d’une subtilité et d’une sensibilité rares, ne tombant jamais dans le pathos, jamais dans l’explication, jamais dans les clichés.  Mais nous serrant le cœur. Il dissèque la violence parfois tueuse du regard des autres, et la douleur ineffable de la perte (d’un être, de l’innocence), et ce poids constant que doit affronter Léo. Selon Sénèque, "Les peines légères s'expriment aisément; les grandes douleurs sont muettes." Celle de la mère de Rémi est tout en retenue. Sage-femme de métier. On imagine la force et la douleur de cette femme exacerbée par la confrontation permanente avec des nouveau-nés.

    Les violons de la BO de Valentin Hadjadj auraient pu être redondants. Il n’en est rien. Ils accompagnent et contrebalancent la retenue des personnages.

    Le titre est aussi parfaitement choisi. Il évoque la proximité amicale mais aussi corporelle des deux amis, mais aussi celle de la caméra qui semble les enlacer et embrasser leurs émotions. Et aussi ensuite les enfermer dans la douleur. Du rejet pour Rémi. Et de la culpabilité pour Léo. Comme cette grille du casque de hockey qui enferme son visage. Il porte un masque au sens propre comme au sens figuré. Comme encore dans cette scène, terrible, lors de laquelle la mère de Léo vient le chercher dans le bus, qui fait écho à cette autre scène tout en tension, de Léo avec la mère de Rémi. Dans les deux cas, les mots sont impossibles à trouver, et tout est dit dans le jeu des acteurs, dans les silences gênés, dans la maladresse des gestes.

    Malgré la tragédie évoquée, le film de Lukas Dhont, d’une maitrise (de jeu, d’écriture, de mise en scène) rare, est empreint de poésie qui ne nuit pas au sentiment de véracité et  de sincérité. Et puis il y a ce regard final qui ne nous lâche pas comme l’émotion poignante, la douce fragilité et la tendresse qui parcourent et illuminent ce film. Un regard final qui résonne comme un écho à un autre visage, disparu, dont le souvenir inonde tout le film de sa grâce innocente.

    Un des grands films de cette année, étourdissant de sensibilité, bouleversant, à voir absolument en salles, dès le 1er novembre 2022.

  • Compte rendu et palmarès des César 2019

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    « Je ne sais pas si j'ai manqué au cinéma français. Mais à moi, le cinéma français a manqué... Follement... Eperdument... Douloureusement... Et votre témoignage, votre amour me font penser que, peut-être, je dis bien ''peut-être'', je ne suis pas encore tout à fait morte... ». Comment oublier cette déclaration bouleversante d’Annie Girardot, lorsqu’elle reçut son César du meilleur second rôle féminin pour Les Misérables de Claude Lelouch, en 1996 ? Combien d’actrices, d’acteurs, de cinéastes à qui, depuis, aussi, le cinéma a dû manquer follement, éperdument, douloureusement ? Sans doute y en avait-il quelques-uns, ignominieusement oubliés et sans doute hypocritement salués ou ignorés par le monde du cinéma, à la mémoire parfois versatile,  parmi ceux que j’ai croisés vendredi dernier, Salle Pleyel (qui, au passage, sied bien mieux à la cérémonie que le Théâtre du Châtelet où elle avait lieu jusqu'en 2016), et qui se dissimulaient derrière le masque du bonheur et de l’insouciance pour cette occasion qui leur donnait l’illusion de pouvoir revenir sur le devant de la scène.  Même si vendredi dernier aucun moment d’émotion n’a égalé celui-ci, la cérémonie n’en a pas non plus été complètement avare.

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    Après le passage sur le tapis rouge et les deux heures habituelles de cocktail qui précèdent la cérémonie (dont je ne saurais mieux vous parler que dans la nouvelle de mon recueil de 16 nouvelles Les illusions parallèles qui s’y déroule), chacun a regagné sa place, le cœur battant avant l’annonce des nominations, certainement davantage encore pour ceux qui espéraient entendre retentir leurs noms au moment de l’annonce des lauréats.

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    Toujours, à cet instant, je me revois dans mon enfance, lorsque je regardais et commentais avec passion la cérémonie dans le salon familial et je repense aux moments d’émotion et de cinéma qu’elle a engendrés lorsque j’étais derrière l’écran ou dans la salle, aux films qui y ont connu un succès éclatant aussi, si nombreux depuis 1976, date de la première édition alors présidée par Jean Gabin qui remit cette année-là le César du meilleur film au Vieux fusil de Robert Enrico. L’année suivante, cette distinction fut remise à Monsieur Klein de Losey, l’occasion pour moi de vous recommander à nouveau ce chef-d’œuvre, plus que jamais nécessaire, a fortiori ces jours-ci (ma critique, ici).

    Parmi les films mémorables qui reçurent un grand nombre de récompenses figurent Le dernier métro (10 César), Cyrano de Bergerac, (10) Tous les matins du monde (7 césar), On connaît la chanson (7 césar), Un Prophète (9 César).

     Cette année, aucun film n’a obtenu autant de récompenses, pas même celui de Jacques Audiard qui n’a pas obtenu autant de récompenses pour ses Frères Sisters qu’il en avait obtenu pour Un Prophète. Il a néanmoins récolté 4 statuettes (pour 9 nominations), autant que Jusqu’à la garde  de Xavier Legrand.

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     Jusqu’à la garde méritait amplement 4 récompenses, un drame social haletant aux accents hitchcockiens dans lequel la violence conjugale est traitée comme un thriller étouffant, un film mis en scène et interprété magistralement, d'où une tension qui vous harponne dès la première seconde et qui va crescendo jusqu’à un dénouement aussi terrifiant que cinématographiquement remarquable.

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    Dans Les frères Sisters, Audiard lui aussi détourne des codes cinématographiques, en l’occurrence ceux du western en ce que son film présente plusieurs degrés de lecture. La violence héritée de leur père que manifestent les deux frères Sisters, c’est aussi celle de cette Amérique héritée des pères fondateurs. Pour trouver de l’or et donc s’enrichir, les compères vont polluer la rivière sans souci des conséquences sur l’environnement et sur leur propre vie. Des drames vont pourtant découler de cet acte métaphorique d’un capitalisme carnassier et impitoyable. Mais "les frères Sisters" est aussi un conte à la fois cruel et doux. Le dénouement est ainsi aussi paisible que le début du film était brutal. Il s’achève sur une note d’espoir. L’espoir d’une Amérique qui ouvre enfin les yeux, se montre apaisée et fraternelle. Si les frères Sisters, ces tueurs à gages sans états d’âme ont changé, qui ne le pourrait pas ? Tout est possible…Ajoutez à cela la photographie sublime de Benoît Debie (récompensée d’un César de même que le son, les décors et la réalisation), la musique d’Alexandre Desplat et vous obtiendrez un western à la fois sombre et flamboyant. Et d’une originalité incontestable. Retrouvez ma critique complète, ici.

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    Le grand bain qui avait obtenu autant de nominations que Jusqu’à la garde (10) est reparti avec une seule récompense, pour Philippe Katerine, meilleur acteur dans un second rôle, aussi décalé sur scène (joyeusement décalé même) que dans le film dans lequel il interprète un grand enfant lunaire, son discours a ainsi donné lieu à un des meilleurs moments de cette cérémonie. Dommage que le film de Gilles Lellouche n’ait pas reçu plus de récompenses, un vrai modèle de feel good movie, du genre à vous donner envie de rire et de pleurer en même temps, de battre la mesure, de danser avec les personnages (judicieuse bande originale indissociable de tout feel good movie), d’empoigner la vie, votre destin et vos rêves. Du genre à vous faire penser qu’on peut affronter des accidents de la vie, accepter d’en être brisé, blessé, de s’en relever sans que ce soit un challenge, ou une obligation, du genre à vous rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour plonger dans le grand bain, pour penser qu’un nouveau départ ensoleillé est toujours possible, quels que soient votre âge, vos rêves déchus et vos blessures. Du genre à vous dire que le pouvoir du cinéma est sacrément magique quand il parvient à cela, que Gilles Lellouche est un cinéaste avec lequel il va falloir compter (dont je suis vraiment curieuse de voir la suite du parcours après cette success-story sur l’écran et dans les salles, méritée). Et puis, rien que pour me donner l’envie de relire ce chef-d’œuvre de Rilke qu’est Lettres à un jeune poète, Le grand bain valait la peine de se déplacer. Alors terminons avec cet extrait que Delphine (Virginie Efira) lit à ses élèves nageurs, et acceptons encore, comme des enfants que nous sommes toujours au fond un peu, d’être tristes et heureux : « Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien. »

    Dommage aussi que la cérémonie qui avait pourtant démarré en fanfare avec un Kad Merad se prenant pour Freddy Mercury se soit rapidement essoufflée avec des « gags » pas toujours très heureux à l’exception de ceux de Jérôme Commandeur qui rendait hommage à Betty Marmont, actrice fictive dont il a dressé le portrait avec une mordante ironie, et de Laurent Lafitte totalement et faussement lifté (à entendre le malaise dans la salle, certains ont bien cru ce lifting réel).

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    Regrettable est aussi cette manière désinvolte de remettre les César techniques, ce qui ne fait pas honneur à ces métiers d’art comme ils le mériteraient. C’est d’ailleurs d’un de ces César (costumes) qu’a dû se contenter l’excellent Mademoiselle de Joncquières, malgré ses 6 nominations (meilleure actrice pour Cécile de France, meilleur acteur pour Edouard Baer, meilleure photographie, meilleure adaptation, meilleurs costumes, meilleur décor). Cette adaptation d'un épisode de Jacques le Fataliste de Diderot (déjà adapté par Bresson avec la complicité de Cocteau sous le titre Les dames du bois de Boulogne) est pourtant savoureuse du premier au dernier plan, et surtout de la première à la dernière phrase. Les dialogues y sont d'une beauté, d'une richesse, d'un lyrisme, d'une ironie et d'une profondeur jubilatoires, d'autant plus que les acteurs jonglent avec les mots et les émotions avec un talent rare, au premier rang desquels Cécile de France qui passe en une fraction de seconde d'une émotion à l'autre. Elle est absolument sidérante de justesse en femme cruelle car et seulement car blessée au cœur. Si, comme moi, vous aimez "Les liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos, vous ne pourrez qu'être transportés par ce film finalement très moderne qui dresse le portrait de 4 femmes dont celle qui donne son nom au titre et qui, d'abord en arrière-plan et effacée, se révèle la plus passionnée et vibrante (sublime et si juste aussi Alice Isaaz). L'absence de nomination du réalisateur est incompréhensible tant sa réalisation est maligne, élégante sans pour autant être académique (tout le contraire) ! Les plans séquences et les judicieuses ellipses (ou quand deux livres symbolisent magnifiquement une scène d'amour), la façon de passer de l'extérieur à l'intérieur, tout est le reflet des âmes sinueuses ou tourmentées. Edouard Baer manie aussi la langue du 18ème avec brio et incarne avec une élégance tout en désinvolture ce libertin qui peu à peu découvre les affres de la passion après les avoir tant singées et s'en être si souvent lassé. Et une mention spéciale à Laure Calamy également remarquable en amie bienveillante. À savourer sans modération !

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    Pas même un César n’a été attribué à La Douleur d'Emmanuel Finkiel malgré ses 8 nominations. Un film âpre et glaçant. Troublant et nécessaire (a fortiori ces jours-ci, là aussi). Et cette fin, poignante, d'une infinie mélancolie, et cette "voix" de Duras, qui vous accompagnent longtemps après. Et puis Mélanie Thierry (nommée comme meilleure actrice), fiévreuse, enfiévrée de douleurs. Une douleur. Des douleurs. Celle des déportés, de familles qui attendent, d'une femme qui attend, celle de l'absence, omniprésente, obsédante, qui tétanise. Une remarquable et singulière adaptation qui brouille nos perceptions comme celles de Marguerite le sont alors, qui joue brillamment avec le son, le flou, les ellipses comme un écho aux pensées douloureuses et désordonnées de Marguerite. Un film intense, délicat qui a une âme, celle de Duras, sublimée par l'interprétation de Mélanie Thierry et par la mise en scène. Benoît Magimel (oublié des nominations) est aussi remarquable dans le rôle de l'inspecteur collabo, d'une obséquiosité inquiétante, fasciné par l'auteure avec laquelle il entre dans un jeu de manipulations trouble.

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    Le César du meilleur film étranger est revenu à la palme d'or du Festival de Cannes 2018,  Une affaire de famille de Koere-Eda.  Entre documentaire et fable, chaque plan filmé comme un tableau, sans esbrouffe, avec humilité, s’intéressant à nouveau plus que jamais à la famille, et traitant de la société japonaise sous un angle inédit (car critique et s’intéressant aux laissés-pour-compte d’un Japon en crise économique), Kore-Eda (qui a déjà en 13 films, tant de chefs-d’œuvre, à son actif), est ici au sommet de son art. Comme le titre semble nous l’indiquer, ce film est la quintessence de son cinéma, clamant dès celui-ci ce thème présent dans chacun de ses longs-métrages : la famille. Et quel film ! Un film d’une sensibilité unique. Des personnages bouleversants. Des blessés de la vie que la fatalité, la pauvreté et l’indifférence vont conduire à la rue et réunir par des liens du cœur, plus forts que ceux du sang. Une peinture pleine d’humanité, de nuance, de poésie, de douceur qui n’édulcore pas pour autant la dureté et l’iniquité de l’existence. Comme un long travelling avant, sa caméra dévoile progressivement le portrait de chacun des membres de cette famille singulière, bancale et attachante pour peu à peu révéler en gros plan leurs âpres secrets et réalités. Kore-Eda, plus que le peintre de la société japonaise est celui des âmes blessées et esseulées, et plus que jamais il fait vibrer nos cœurs par ce film d’une rare délicatesse et bienveillance, avec cette famille de cœur à l’histoire poignante jalonnée de scènes inoubliables et qui nous laissent le cœur en vrac. Du grand art. Le cinéaste japonais était malheureusement absent.

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    Heureusement, il y a eu l’émotion de Karin Viard, César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Les Chatouilles  dans lequel elle interprète la mère cassante et glaçante, sur les épaules de laquelle on imagine aussi peser un lourd passé  qui, même une fois la vérité révélée, au lieu de se révolter contre l’agresseur et d’entourer sa fille d’amour préfèrera lui reprocher, obsédée par ce que « diront les gens », un rôle que l’actrice définit comme celui  « épouvantable de mère si toxique qui condamne sa fille une deuxième fois en ne l'écoutant pas, en ne voulant pas la croire ». André Bescond et Eric Métayer ont également reçu le César de la meilleure adaptation après avoir également reçu le prix d’Ornano-Valenti lors du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville. Les Chatouilles est un film aussi lumineux et solaire que la réalité de l’héroïne est sombre et brutale. La fin est bouleversante parce qu’elle montre que la lumière peut se trouver au bout du tunnel. Si cela a autant bouleversé les festivaliers de Deauville  qui avaient réservé une retentissante standing ovation à l’équipe, c’est sans doute aussi parce que cette possibilité d’une résilience touche les victimes de toutes sortes de blessures intimes et de traumatismes.

    Heureusement, il y a eu aussi Léa Drucker, César de la meilleure actrice pour Jusqu'à la garde, et son beau discours lors duquel elle a notamment rappelé que « La violence commence par les mots et même si tous ces mots utilisés tous les jours, semblent ordinaires, banals, ils sont le début d'une menace ».  Jusqu'à la garde a également été récompensé des César du meilleur scénario original, du meilleur montage et du meilleur film. Dans son discours, Xavier Legrand qui avait déjà réalisé un court-métrage sur ce même sujet, a rappelé une effroyable réalité : « 25 femmes ont été assassinées depuis le début 2019. On est passé à 1 femme tuée sous les coups de son conjoint tous les 2 jours. Il faut penser aux victimes un autre jour que le 25 novembre ».

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    Heureusement, il y a eu les récompenses ( musique, acteur) pour Guy, un inénarrable Guy Jamet beaucoup plus mélancolique et moins léger qu'il n'y paraît, un film qui donne envie de se souvenir des belles choses, et un personnage magistralement inventé et interprété par Alex Lutz.

    Heureusement, il y a eu l’élégance de Kristin Scott Thomas qui présidait la cérémonie cette année.

    Heureusement, il y a eu la classe de Robert Redford recevant un César d’honneur des mains de la présidente de la cérémonie qui fut aussi sa partenaire dans L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux,  montant sur scène au son de l’inoubliable et poignante musique d’Out of Africa signée John Barry et revenant sur des souvenirs de jeunesse en France, quand il n’avait «pas d’argent, que de l’espoir ».

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    Photo de Robert Redford ci-dessus prise lors de la conférence de presse de "All is lost" au Festival de Cannes (un film dont vous pouvez retrouver ma critique, ici).

    Restent inexplicables les absences parmi les nommés de Sauver ou périr, de Gueule d'ange, de Sur le bout des doigts (en particulier pour son jeune interprète prénommé en meilleur espoir) et de Ma mère est folle (pour Fanny Ardant qui est absolument exceptionnelle). Aussi inexplicable me semble l'absence du Poirier sauvage comme meilleur film étranger, même si je me réjouissais par ailleurs des nominations de Capharnaüm, Cold war et  Une affaire de famille.  Sans doute les mystères insondables des « professionnels de la profession » que Godard avait remerciés en recevant son César d’honneur en 1987.

    Comme l’a si bien dit Robert Redford en recevant son César « tout à coup demain devient hier », alors n'oublions pas que le temps, cet insatiable, dévore tout. D'ailleurs, à l’heure à laquelle ont déjà été remis les Oscars et à l’heure à laquelle a déjà été annoncé le nom du Président du jury du Festival de Cannes 2019 (cf mon article suivant), ces informations sont déjà surannées. Alors, pour faire écho aux interrogations de Philippe Katerine lorsqu'il a reçu son prix, je vais m’en aller m’informer de ce que deviennent les personnages une fois les films finis, ou peut-être vais-je aller imaginer leurs vies… non sans vous avoir recommandé une nouvelle fois de découvrir les films évoqués dans cet article (de mon côté, je vais rattraper Shéhérazade qui a reçu les César du meilleur premier film, meilleur espoir masculin et meilleur espoir féminin, un film que j'avais manqué lors de sa sortie) car, quels que soient les défauts de cette cérémonie, si au moins elle peut donner envie aux téléspectateurs  de découvrir des films à côté desquels ils étaient passés, cela justifie déjà amplement son existence.

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    PALMARES :

     

    Meilleure Actrice

    Léa Drucker

     

    Meilleur Acteur

    Alex Lutz

     

    Meilleure Actrice dans un Second Rôle

    Karin Viard

    Les Chatouilles

     

    Meilleur Acteur dans un Second Rôle

    Philippe Katerine

     

    Meilleur Espoir Féminin

    Kenza Fortas

    Shéhérazade

     

    Meilleur Scénario Original

    Xavier Legrand

    Jusqu'à la garde

     

    Meilleure Adaptation

    Andréa Bescond

    Eric Métayer

    Les Chatouilles

     

    Meilleure Musique Originale

    Vincent Blanchard

    Romain Greffe

    Guy

     

    Meilleur Son

    Brigitte Taillandier

    Valérie de Loof

    Cyril Holtz

    Les Frères Sisters

     

    Meilleure Photo

    Benoît Debie

    Les Frères Sisters

     

    Meilleur Montage

    Yorgos Lamprinos

    Jusqu'à la garde

     

    Meilleurs Costumes

    Pierre-Jean Larroque

    Mademoiselle de Joncquières

     

    Meilleurs Décors

    Michel Barthélémy

    Les Frères Sisters

     

    Meilleure Réalisation

    Jacques Audiard

    Les Frères Sisters

     

    Meilleur Film de Court Métrage

    Les Petites mains

    réalisé par Rémi Allier

    produit par Pauline Seigland

     

    Meilleur Film d'Animation

    Vilaine fille (COURT MÉTRAGE)

    réalisé par Ayce Kartal

    produit par Damien Megherbi, Justin Pechberty

    Dilili à Paris (LONG MÉTRAGE)

    réalisé par Michel Ocelot

    produit par Christophe Rossignon, Philip Boëffard

     

    Meilleur Film Documentaire

    Ni Juge, Ni Soumise

    réalisé par Jean Libon, Yves Hinant

    produit par Bertrand Faivre

     

    Meilleur Premier Film

    Shéhérazade

    réalisé par Jean-Bernard Marlin

    produit par Grégoire Debailly

     

    Meilleur Film Étranger

    Une affaire de famille

    réalisé par Hirokazu Kore-eda

    distribution France LE PACTE

     

    Meilleur Film

    Jusqu'à la garde

    produit par Alexandre Gavras

    réalisé par Xavier Legrand

     

    César d'Honneur

    Robert Redford

     

    César du Public

    Les Tuche 3

    produit par Richard Grandpierre

    réalisé par Olivier BAROUX

  • Compte rendu et palmarès des César 2019

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    « Je ne sais pas si j'ai manqué au cinéma français. Mais à moi, le cinéma français a manqué... Follement... Eperdument... Douloureusement... Et votre témoignage, votre amour me font penser que, peut-être, je dis bien ''peut-être'', je ne suis pas encore tout à fait morte... ». Comment oublier cette déclaration bouleversante d’Annie Girardot, lorsqu’elle reçut son César du meilleur second rôle féminin pour Les Misérables de Claude Lelouch, en 1996 ? Combien d’actrices, d’acteurs, de cinéastes à qui, depuis, aussi, le cinéma a dû manquer follement, éperdument, douloureusement ? Sans doute y en avait-il quelques-uns, ignominieusement oubliés et sans doute hypocritement salués ou ignorés par le monde du cinéma, à la mémoire parfois versatile,  parmi ceux que j’ai croisés vendredi dernier, Salle Pleyel (qui, au passage, sied bien mieux à la cérémonie que le Théâtre du Châtelet où elle avait lieu jusqu'en 2016), et qui se dissimulaient derrière le masque du bonheur et de l’insouciance pour cette occasion qui leur donnait l’illusion de pouvoir revenir sur le devant de la scène.  Même si vendredi dernier aucun moment d’émotion n’a égalé celui-ci, la cérémonie n’en a pas non plus été complètement avare.

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    Après le passage sur le tapis rouge et les deux heures habituelles de cocktail qui précèdent la cérémonie (dont je ne saurais mieux vous parler que dans la nouvelle de mon recueil de 16 nouvelles Les illusions parallèles qui s’y déroule), chacun a regagné sa place, le cœur battant avant l’annonce des nominations, certainement davantage encore pour ceux qui espéraient entendre retentir leurs noms au moment de l’annonce des lauréats.

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    Toujours, à cet instant, je me revois dans mon enfance, lorsque je regardais et commentais avec passion la cérémonie dans le salon familial et je repense aux moments d’émotion et de cinéma qu’elle a engendrés lorsque j’étais derrière l’écran ou dans la salle, aux films qui y ont connu un succès éclatant aussi, si nombreux depuis 1976, date de la première édition alors présidée par Jean Gabin qui remit cette année-là le César du meilleur film au Vieux fusil de Robert Enrico. L’année suivante, cette distinction fut remise à Monsieur Klein de Losey, l’occasion pour moi de vous recommander à nouveau ce chef-d’œuvre, plus que jamais nécessaire, a fortiori ces jours-ci (ma critique, ici).

    Parmi les films mémorables qui reçurent un grand nombre de récompenses figurent Le dernier métro (10 César), Cyrano de Bergerac, (10) Tous les matins du monde (7 césar), On connaît la chanson (7 césar), Un Prophète (9 César).

     Cette année, aucun film n’a obtenu autant de récompenses, pas même celui de Jacques Audiard qui n’a pas obtenu autant de récompenses pour ses Frères Sisters qu’il en avait obtenu pour Un Prophète. Il a néanmoins récolté 4 statuettes (pour 9 nominations), autant que Jusqu’à la garde  de Xavier Legrand.

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     Jusqu’à la garde méritait amplement 4 récompenses, un drame social haletant aux accents hitchcockiens dans lequel la violence conjugale est traitée comme un thriller étouffant, un film mis en scène et interprété magistralement, d'où une tension qui vous harponne dès la première seconde et qui va crescendo jusqu’à un dénouement aussi terrifiant que cinématographiquement remarquable.

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    Dans Les frères Sisters, Audiard lui aussi détourne des codes cinématographiques, en l’occurrence ceux du western en ce que son film présente plusieurs degrés de lecture. La violence héritée de leur père que manifestent les deux frères Sisters, c’est aussi celle de cette Amérique héritée des pères fondateurs. Pour trouver de l’or et donc s’enrichir, les compères vont polluer la rivière sans souci des conséquences sur l’environnement et sur leur propre vie. Des drames vont pourtant découler de cet acte métaphorique d’un capitalisme carnassier et impitoyable. Mais "les frères Sisters" est aussi un conte à la fois cruel et doux. Le dénouement est ainsi aussi paisible que le début du film était brutal. Il s’achève sur une note d’espoir. L’espoir d’une Amérique qui ouvre enfin les yeux, se montre apaisée et fraternelle. Si les frères Sisters, ces tueurs à gages sans états d’âme ont changé, qui ne le pourrait pas ? Tout est possible…Ajoutez à cela la photographie sublime de Benoît Debie (récompensée d’un César de même que le son, les décors et la réalisation), la musique d’Alexandre Desplat et vous obtiendrez un western à la fois sombre et flamboyant. Et d’une originalité incontestable. Retrouvez ma critique complète, ici.

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    Le grand bain qui avait obtenu autant de nominations que Jusqu’à la garde (10) est reparti avec une seule récompense, pour Philippe Katerine, meilleur acteur dans un second rôle, aussi décalé sur scène (joyeusement décalé même) que dans le film dans lequel il interprète un grand enfant lunaire, son discours a ainsi donné lieu à un des meilleurs moments de cette cérémonie. Dommage que le film de Gilles Lellouche n’ait pas reçu plus de récompenses, un vrai modèle de feel good movie, du genre à vous donner envie de rire et de pleurer en même temps, de battre la mesure, de danser avec les personnages (judicieuse bande originale indissociable de tout feel good movie), d’empoigner la vie, votre destin et vos rêves. Du genre à vous faire penser qu’on peut affronter des accidents de la vie, accepter d’en être brisé, blessé, de s’en relever sans que ce soit un challenge, ou une obligation, du genre à vous rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour plonger dans le grand bain, pour penser qu’un nouveau départ ensoleillé est toujours possible, quels que soient votre âge, vos rêves déchus et vos blessures. Du genre à vous dire que le pouvoir du cinéma est sacrément magique quand il parvient à cela, que Gilles Lellouche est un cinéaste avec lequel il va falloir compter (dont je suis vraiment curieuse de voir la suite du parcours après cette success-story sur l’écran et dans les salles, méritée). Et puis, rien que pour me donner l’envie de relire ce chef-d’œuvre de Rilke qu’est Lettres à un jeune poète, Le grand bain valait la peine de se déplacer. Alors terminons avec cet extrait que Delphine (Virginie Efira) lit à ses élèves nageurs, et acceptons encore, comme des enfants que nous sommes toujours au fond un peu, d’être tristes et heureux : « Les enfants sont toujours comme l'enfant que vous fûtes : tristes et heureux ; et si vous pensez à votre enfance, vous revivez parmi eux, parmi les enfants secrets. Les grandes personnes ne sont rien, leur dignité ne répond à rien. »

    Dommage aussi que la cérémonie qui avait pourtant démarré en fanfare avec un Kad Merad se prenant pour Freddy Mercury se soit rapidement essoufflée avec des « gags » pas toujours très heureux à l’exception de ceux de Jérôme Commandeur qui rendait hommage à Betty Marmont, actrice fictive dont il a dressé le portrait avec une mordante ironie, et de Laurent Lafitte totalement et faussement lifté (à entendre le malaise dans la salle, certains ont bien cru ce lifting réel).

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    Regrettable est aussi cette manière désinvolte de remettre les César techniques, ce qui ne fait pas honneur à ces métiers d’art comme ils le mériteraient. C’est d’ailleurs d’un de ces César (costumes) qu’a dû se contenter l’excellent Mademoiselle de Joncquières, malgré ses 6 nominations (meilleure actrice pour Cécile de France, meilleur acteur pour Edouard Baer, meilleure photographie, meilleure adaptation, meilleurs costumes, meilleur décor). Cette adaptation d'un épisode de Jacques le Fataliste de Diderot (déjà adapté par Bresson avec la complicité de Cocteau sous le titre Les dames du bois de Boulogne) est pourtant savoureuse du premier au dernier plan, et surtout de la première à la dernière phrase. Les dialogues y sont d'une beauté, d'une richesse, d'un lyrisme, d'une ironie et d'une profondeur jubilatoires, d'autant plus que les acteurs jonglent avec les mots et les émotions avec un talent rare, au premier rang desquels Cécile de France qui passe en une fraction de seconde d'une émotion à l'autre. Elle est absolument sidérante de justesse en femme cruelle car et seulement car blessée au cœur. Si, comme moi, vous aimez "Les liaisons dangereuses" de Choderlos de Laclos, vous ne pourrez qu'être transportés par ce film finalement très moderne qui dresse le portrait de 4 femmes dont celle qui donne son nom au titre et qui, d'abord en arrière-plan et effacée, se révèle la plus passionnée et vibrante (sublime et si juste aussi Alice Isaaz). L'absence de nomination du réalisateur est incompréhensible tant sa réalisation est maligne, élégante sans pour autant être académique (tout le contraire) ! Les plans séquences et les judicieuses ellipses (ou quand deux livres symbolisent magnifiquement une scène d'amour), la façon de passer de l'extérieur à l'intérieur, tout est le reflet des âmes sinueuses ou tourmentées. Edouard Baer manie aussi la langue du 18ème avec brio et incarne avec une élégance tout en désinvolture ce libertin qui peu à peu découvre les affres de la passion après les avoir tant singées et s'en être si souvent lassé. Et une mention spéciale à Laure Calamy également remarquable en amie bienveillante. À savourer sans modération !

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    Pas même un César n’a été attribué à La Douleur d'Emmanuel Finkiel malgré ses 8 nominations. Un film âpre et glaçant. Troublant et nécessaire (a fortiori ces jours-ci, là aussi). Et cette fin, poignante, d'une infinie mélancolie, et cette "voix" de Duras, qui vous accompagnent longtemps après. Et puis Mélanie Thierry (nommée comme meilleure actrice), fiévreuse, enfiévrée de douleurs. Une douleur. Des douleurs. Celle des déportés, de familles qui attendent, d'une femme qui attend, celle de l'absence, omniprésente, obsédante, qui tétanise. Une remarquable et singulière adaptation qui brouille nos perceptions comme celles de Marguerite le sont alors, qui joue brillamment avec le son, le flou, les ellipses comme un écho aux pensées douloureuses et désordonnées de Marguerite. Un film intense, délicat qui a une âme, celle de Duras, sublimée par l'interprétation de Mélanie Thierry et par la mise en scène. Benoît Magimel (oublié des nominations) est aussi remarquable dans le rôle de l'inspecteur collabo, d'une obséquiosité inquiétante, fasciné par l'auteure avec laquelle il entre dans un jeu de manipulations trouble.

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    Le César du meilleur film étranger est revenu à la palme d'or du Festival de Cannes 2018,  Une affaire de famille de Koere-Eda.  Entre documentaire et fable, chaque plan filmé comme un tableau, sans esbrouffe, avec humilité, s’intéressant à nouveau plus que jamais à la famille, et traitant de la société japonaise sous un angle inédit (car critique et s’intéressant aux laissés-pour-compte d’un Japon en crise économique), Kore-Eda (qui a déjà en 13 films, tant de chefs-d’œuvre, à son actif), est ici au sommet de son art. Comme le titre semble nous l’indiquer, ce film est la quintessence de son cinéma, clamant dès celui-ci ce thème présent dans chacun de ses longs-métrages : la famille. Et quel film ! Un film d’une sensibilité unique. Des personnages bouleversants. Des blessés de la vie que la fatalité, la pauvreté et l’indifférence vont conduire à la rue et réunir par des liens du cœur, plus forts que ceux du sang. Une peinture pleine d’humanité, de nuance, de poésie, de douceur qui n’édulcore pas pour autant la dureté et l’iniquité de l’existence. Comme un long travelling avant, sa caméra dévoile progressivement le portrait de chacun des membres de cette famille singulière, bancale et attachante pour peu à peu révéler en gros plan leurs âpres secrets et réalités. Kore-Eda, plus que le peintre de la société japonaise est celui des âmes blessées et esseulées, et plus que jamais il fait vibrer nos cœurs par ce film d’une rare délicatesse et bienveillance, avec cette famille de cœur à l’histoire poignante jalonnée de scènes inoubliables et qui nous laissent le cœur en vrac. Du grand art. Le cinéaste japonais était malheureusement absent.

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    Heureusement, il y a eu l’émotion de Karin Viard, César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Les Chatouilles  dans lequel elle interprète la mère cassante et glaçante, sur les épaules de laquelle on imagine aussi peser un lourd passé  qui, même une fois la vérité révélée, au lieu de se révolter contre l’agresseur et d’entourer sa fille d’amour préfèrera lui reprocher, obsédée par ce que « diront les gens », un rôle que l’actrice définit comme celui  « épouvantable de mère si toxique qui condamne sa fille une deuxième fois en ne l'écoutant pas, en ne voulant pas la croire ». André Bescond et Eric Métayer ont également reçu le César de la meilleure adaptation après avoir également reçu le prix d’Ornano-Valenti lors du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville. Les Chatouilles est un film aussi lumineux et solaire que la réalité de l’héroïne est sombre et brutale. La fin est bouleversante parce qu’elle montre que la lumière peut se trouver au bout du tunnel. Si cela a autant bouleversé les festivaliers de Deauville  qui avaient réservé une retentissante standing ovation à l’équipe, c’est sans doute aussi parce que cette possibilité d’une résilience touche les victimes de toutes sortes de blessures intimes et de traumatismes.

    Heureusement, il y a eu aussi Léa Drucker, César de la meilleure actrice pour Jusqu'à la garde, et son beau discours lors duquel elle a notamment rappelé que « La violence commence par les mots et même si tous ces mots utilisés tous les jours, semblent ordinaires, banals, ils sont le début d'une menace ».  Jusqu'à la garde a également été récompensé des César du meilleur scénario original, du meilleur montage et du meilleur film. Dans son discours, Xavier Legrand qui avait déjà réalisé un court-métrage sur ce même sujet, a rappelé une effroyable réalité : « 25 femmes ont été assassinées depuis le début 2019. On est passé à 1 femme tuée sous les coups de son conjoint tous les 2 jours. Il faut penser aux victimes un autre jour que le 25 novembre ».

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    Heureusement, il y a eu les récompenses ( musique, acteur) pour Guy, un inénarrable Guy Jamet beaucoup plus mélancolique et moins léger qu'il n'y paraît, un film qui donne envie de se souvenir des belles choses, et un personnage magistralement inventé et interprété par Alex Lutz.

    Heureusement, il y a eu l’élégance de Kristin Scott Thomas qui présidait la cérémonie cette année.

    Heureusement, il y a eu la classe de Robert Redford recevant un César d’honneur des mains de la présidente de la cérémonie qui fut aussi sa partenaire dans L’homme qui murmurait à l’oreille des chevaux,  montant sur scène au son de l’inoubliable et poignante musique d’Out of Africa signée John Barry et revenant sur des souvenirs de jeunesse en France, quand il n’avait «pas d’argent, que de l’espoir ».

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    Photo de Robert Redford ci-dessus prise lors de la conférence de presse de "All is lost" au Festival de Cannes (un film dont vous pouvez retrouver ma critique, ici).

    Restent inexplicables les absences parmi les nommés de Sauver ou périr, de Gueule d'ange, de Sur le bout des doigts (en particulier pour son jeune interprète prénommé en meilleur espoir) et de Ma mère est folle (pour Fanny Ardant qui est absolument exceptionnelle). Aussi inexplicable me semble l'absence du Poirier sauvage comme meilleur film étranger, même si je me réjouissais par ailleurs des nominations de Capharnaüm, Cold war et  Une affaire de famille.  Sans doute les mystères insondables des « professionnels de la profession » que Godard avait remerciés en recevant son César d’honneur en 1987.

    Comme l’a si bien dit Robert Redford en recevant son César « tout à coup demain devient hier », alors n'oublions pas que le temps, cet insatiable, dévore tout. D'ailleurs, à l’heure à laquelle ont déjà été remis les Oscars et à l’heure à laquelle a déjà été annoncé le nom du Président du jury du Festival de Cannes 2019 (cf mon article suivant), ces informations sont déjà surannées. Alors, pour faire écho aux interrogations de Philippe Katerine lorsqu'il a reçu son prix, je vais m’en aller m’informer de ce que deviennent les personnages une fois les films finis, ou peut-être vais-je aller imaginer leurs vies… non sans vous avoir recommandé une nouvelle fois de découvrir les films évoqués dans cet article (de mon côté, je vais rattraper Shéhérazade qui a reçu les César du meilleur premier film, meilleur espoir masculin et meilleur espoir féminin, un film que j'avais manqué lors de sa sortie) car, quels que soient les défauts de cette cérémonie, si au moins elle peut donner envie aux téléspectateurs  de découvrir des films à côté desquels ils étaient passés, cela justifie déjà amplement son existence.

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    PALMARES :

     

    Meilleure Actrice

    Léa Drucker

     

    Meilleur Acteur

    Alex Lutz

     

    Meilleure Actrice dans un Second Rôle

    Karin Viard

    Les Chatouilles

     

    Meilleur Acteur dans un Second Rôle

    Philippe Katerine

     

    Meilleur Espoir Féminin

    Kenza Fortas

    Shéhérazade

     

    Meilleur Scénario Original

    Xavier Legrand

    Jusqu'à la garde

     

    Meilleure Adaptation

    Andréa Bescond

    Eric Métayer

    Les Chatouilles

     

    Meilleure Musique Originale

    Vincent Blanchard

    Romain Greffe

    Guy

     

    Meilleur Son

    Brigitte Taillandier

    Valérie de Loof

    Cyril Holtz

    Les Frères Sisters

     

    Meilleure Photo

    Benoît Debie

    Les Frères Sisters

     

    Meilleur Montage

    Yorgos Lamprinos

    Jusqu'à la garde

     

    Meilleurs Costumes

    Pierre-Jean Larroque

    Mademoiselle de Joncquières

     

    Meilleurs Décors

    Michel Barthélémy

    Les Frères Sisters

     

    Meilleure Réalisation

    Jacques Audiard

    Les Frères Sisters

     

    Meilleur Film de Court Métrage

    Les Petites mains

    réalisé par Rémi Allier

    produit par Pauline Seigland

     

    Meilleur Film d'Animation

    Vilaine fille (COURT MÉTRAGE)

    réalisé par Ayce Kartal

    produit par Damien Megherbi, Justin Pechberty

    Dilili à Paris (LONG MÉTRAGE)

    réalisé par Michel Ocelot

    produit par Christophe Rossignon, Philip Boëffard

     

    Meilleur Film Documentaire

    Ni Juge, Ni Soumise

    réalisé par Jean Libon, Yves Hinant

    produit par Bertrand Faivre

     

    Meilleur Premier Film

    Shéhérazade

    réalisé par Jean-Bernard Marlin

    produit par Grégoire Debailly

     

    Meilleur Film Étranger

    Une affaire de famille

    réalisé par Hirokazu Kore-eda

    distribution France LE PACTE

     

    Meilleur Film

    Jusqu'à la garde

    produit par Alexandre Gavras

    réalisé par Xavier Legrand

     

    César d'Honneur

    Robert Redford

     

    César du Public

    Les Tuche 3

    produit par Richard Grandpierre

    réalisé par Olivier BAROUX

  • « Coluche l’histoire d’un mec » d’Antoine de Caunes : parlez-lui de la pluie…

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    Septembre 1980. Dans quelques mois les Français éliront un nouveau Président de la République. Pendant ce temps, Coluche triomphe tous les soirs au Théâtre du Gymnase. "Comique préféré des Français", il est au sommet de sa gloire... Toujours prêt à provoquer un peu plus, il décide, pour rire, poussé par son entourage aussi, de poser sa candidature à la Présidence de la République. Les sondages s'affolent, sa cote monte en flèche jusqu’à atteindre le score incroyable de 16%. Et si finalement un clown se faisait élire Président ? Lui-même commence à y croire...peut-être un peu trop…

    Clamons-le, proclamons-le d’emblée et acclamons-le : François-Xavier Demaison est absolument sidérant. Il dévore l’écran, (ré)incarne Coluche, lui donne une nouvelle dimension, gigantesque, le fait revivre à sa manière, nous fait retrouver sa gestuelle si particulière, sa voix pourtant inimitable, sa démarche si singulière. Il s’est glissé dans le costume Coluche tout en y apportant sa personnalité. La performance (encore que le terme soit mal choisi, car jamais justement contrairement à l’actrice principale d’un biopic, césarisée-oscarisée, jamais on a l’impression d’assister à une performance) est remarquable. Et si le film devait avoir une raison d’exister ce serait celle-là et uniquement celle-là : donner à Demaison un rôle à la (dé)mesure de son talent. Et puis j’aime bien ceux qui, comme Demaison, vont au bout de leurs rêves, s’échappent d’une vie tracée pour prendre des risques et surtout celui, grisant, de vivre de leur passion, quelle que soit l’issue (François-Xavier Demaison a abandonné son métier d’avocat fiscaliste à Manhattan suite au 11 septembre 2001), et surtout pas par souci de plaire ou de reconnaissance mais simplement pour être fidèle à ce qu’ils sont profondément. « Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion ». Oui, résolument.

    Voilà pour l’essentiel. Pour le reste…pour le reste, il me déplait de ne pas aimer un film quand ses créateurs semblent aussi passionnés mais c’est ainsi. Je me suis profondément ennuyée, suis toujours restée à distance et ai eu aussi l’impression qu’Antoine de Caunes restait lui aussi toujours à distance de son sujet, par peur de l’égratigner peut-être, par peur d’écorner l’image qu’il admirait à l’évidence. La caméra à l’épaule ne suffit pas à nous bousculer ni vraiment à refléter l’agitation qui semblait régner autour de Coluche (sa maison était constamment envahie par ses amis motards, journalistes, acteurs…).

     Est-ce parce que je serais imperméable à l’humour de Coluche (mais pas hermétique au personnage qu’Antoine de Caunes rend indéniablement attachant), je n’ai pas ri un seul instant. Même si à l’évidence le but n’était pas d’écrire une comédie mais « l’histoire d’un mec » engagé dans un combat trop grand pour lui qui n’appartenait à d’autre parti qu’à « celui d’en rire » et allait se retrouver dans une histoire sérieuse, qu’il allait d’ailleurs finir par prendre au sérieux, un combat qui allait finalement le dépasser.

    De ce film émane une profonde mélancolie, sans doute celle de l’artiste très entouré face à sa solitude, ses responsabilités, ses doutes, ses contradictions qui passe de l’insouciance à la gravité. Peut-être est-ce d’ailleurs un aspect qu’il aurait été intéressant de creuser, notamment en montrant le rôle vampirique de l’entourage qui reste malheureusement ici une masse grégaire et informe (la plupart des personnages n’ayant pas de noms). Si François-Xavier Demaison dévore l’écran, son personnage dévore aussi malheureusement les autres personnages qui n’ont pas l’espace pour exister.  Antoine de Caunes s’en défend en disant que le personnage central est Coluche et que faire exister chaque personnage aurait été une perte de temps. C’est la première raison pour laquelle j’ai pensé à « Parlez-moi de la pluie »  dans lequel chaque personnage existe réellement même s’il n’apparaît que peu à l’écran sans être tout à fait un film choral. La deuxième raison pour laquelle j’y ai pensé c’est évidemment eu égard à l’image de la politique et du politique qui en ressort, à l’opposé de  l’image véhiculée par Coluche du « un pour tous, tous pourris » comme le disait l’humoriste, une image un peu facile, sans doute dans l’air du temps. Que Coluche ait été victime de pressions et même d’intimidations n’est pas un scoop, il est néanmoins amusant de le voir courtisé par tous les partis et hommes politiques ( de Lalonde à Attali), et même parfois de le voir en rencontrer certains dont les convictions sont opposées aux siennes, de le voir parler de sujets sérieux avec dérision, d’être pris très au sérieux par ses interlocuteurs, de finalement être rattrapé par l’attente et l’espoir qu’il a soulevés, et surtout de voir l’obstacle qu’il constitue alors pour ceux à qui il prend des voix, et l’importance que prend alors ce qui, au départ, était une plaisanterie.

    Peut-être l’aspect impersonnel du film est-il aussi lié au fait qu’il s’agisse à l’origine d’un projet de producteurs (Edouard de Vesinne et Thomas Anargyros), un scénario préalablement commandé au journaliste Diastème qui devait être un biopic du comique et qu’Antoine de Caunes a eu l’intelligence de transformer et concentrer sur cette période intéressante, où « l’histoire de ce mec » rencontre l’Histoire, une Histoire qui ne supporte pas que les comiques s’en mêlent.

    A défaut d’être un grand cinéaste avec un univers propre (mais peut-être cela viendra-t-il) Antoine de Caunes démontre son talent de réalisateur appliqué (notamment dans la reconstitution d’une époque, ici plutôt réussie, bande originale à l’appui, la musique ayant été ici confiée à Ramon Pipin un des musiciens de Coluche), capable de s’adapter à tous les genres (fantastique avec « Les morsures de l’aube », suspense historique avec « Monsieur.N »-le plus réussi et sous-estimé à mon avis-, la comédie avec « Désaccord parfait ») et un bon directeur d’acteurs :  Léa Drucker dans le rôle de Véronique Colucci apparaît peu mais impose sa belle présence, Denis Podalydès et Olivier Gourmet sont toujours aussi justes… et puis François-Xavier Demaison, phénoménal, je ne me lasse pas de le répéter…

    Rappelons que l’équipe du film a probablement eu des sueurs froides, Paul Lederman, l'ancien producteur et imprésario de Coluche ayant engagé une procédure judiciaire à l'encontre de la société Cipango, productrice du film invoquant l'utilisation en sous-titre du film de la formule "l'histoire d'un mec", formule qu'il dit lui appartenir en tant qu'éditeur du sketch Histoire d'un mec sur le pont de l'Alma. L'imprésario a non seulement réclamé que cette mention soit retirée du titre mais aussi que Cipango lui verse la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts pour contrefaçon. C’est Olivier Gourmet qui tient son rôle dans le film mais son nom avait volontairement été remplacé car Paul Lederman n'avait pas donné son accord pour que son patronyme soit utilisé dans le film.


    Le mardi 14 octobre 2008, la veille de la sortie en salles, le Palais de Justice de Paris a débouté Paul Lederman. Tout est bien qui finit bien…

    Sandra.M