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Critique de MA MERE EST FOLLE de Diane Kurys

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Dans le cadre de la cinquième édition du Festival du Cinéma et Musique de Film de La Baule était projeté en avant-première Ma mère est folle, le dernier film de Diane Kurys avec Fanny Ardant et Vianney, dans son premier rôle au cinéma. Un film produit par Alexandre Arcady, écrit par Sacha Sperling et Petrio Caracciolo.

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Fanny Ardant incarne Nina, une mère complètement fantasque. Vianney est Baptiste, un fils un peu trop sage qui vit loin d'elle, à Rotterdam. Fâché depuis longtemps, ce duo insolite se retrouve pour l’aventure de sa vie. Au cours d’un voyage improbable, drôle et émouvant, ils vont rattraper le temps perdu, apprendre à se connaître enfin et s’aimer à nouveau.

Pour moi, Fanny Ardant sera toujours Mathilde, cette « femme d’à côté » dans le film éponyme de Truffaut,  cette étrange étrangère au prénom d’héroïne de Stendhal, à laquelle elle apporte la classe, l’élégance, le mystère, sa voix ensorcelante et inimitable, une Fanny Ardant impétueuse et fragile, incandescente et ardente (en bonus, ci-dessous, ma critique de La femme d’à côté de Truffaut, en espérant convaincre ceux qui ne l’ont pas encore vu de découvrir ce chef-d’œuvre).

Il faudrait au moins autant d’adjectifs (et encore, il en manquerait…) pour qualifier son personnage et son interprétation dans le film de Diane Kurys : époustouflante, fantasque, attendrissante, excentrique, éblouissante, ardente (là aussi), follement séduisante, infiniment libre, à la fois menteuse et si vraie ... Fanny Ardant, dans ce film, est absolument exceptionnelle. Drôle aussi bien sûr, mais elle avait prouvé qu'elle savait l'être, irrésistiblement, dès Vivement dimanche. Elle est ici à l'image de la réalisation et de sa chevelure argentée : lumineuse. Gaiment tonitruante, comme son rire. Une magnifique énigme. Jamais pourtant elle ne donne l’impression de cabotiner et de surjouer. Elle EST son personnage. Elle peut tout se permettre (même aller un peu trop loin) sans jamais perdre l’empathie du spectateur. Fanny Ardant est Nina comme Sylvie Testud était Sagan dans le film de Diane Kurys qui, décidément, sait choisir ses actrices et sublimer leur talent. Dans Sagan, la ressemblance physique, gestuelle de Sylvie Testud et de la romancière est confondante sans qu’un maquillage outrancier ait été nécessaire.  Elle a adopté le phrasé si particulier de Sagan, enfantin puis « onomatopéesque »  son regard tour à tour boudeur, frondeur, évasif, dissimulé, sa mèche de cheveu triturée,  mais aussi sa démarche, apprenant la « langue » de Sagan.

Revenons à Ma mère est folle. Dans son premier rôle, face à Fanny Ardant, Vianney est désarmant de naturel et de sagesse, et son regard plein de douce candeur et de bienveillance sied parfaitement à son rôle (le premier et sans doute loin d'être le dernier !). Ils forment un duo au charme fou et singulier. L'alliance de deux générations. De la folie et de la sagesse.

Les seconds rôles sont aussi judicieusement choisis : Patrick Chesnais en mafieux homosexuel dans sa maison almodovarienne (d'ailleurs cette Nina pourrait être une sublime héroïne d'Almodovar), Arielle Dombasle, la marraine délurée  (l'actrice se parodie avec bonheur), sans oublier le petit Nono, ce petit garçon originaire de l’Europe de l’Est que Nina prend en charge sur un coup de tête et un coup de cœur.

Ne manquez pas ce formidable voyage initiatique, cette comédie tendre, émouvante et caustique, qui vous fera oublier le temps qui passe, qui vous rappellera qu’il n’y a pas d’âge pour être follement joyeux et gaiement déraisonnable, pas d’âge pour se réconcilier avec son passé, pour oser, oser être soi… Et puis ce serait dommage de manquer les premiers pas réussis de Vianney au cinéma et de ne pas rencontrer cette Nina, personnage inoubliable par la grâce de Fanny Ardant, et de ne pas succomber au charme ravageur de ce duo mère/fils fusionnel.

 Diane Kurys signe là un (nouveau) sublime portrait de femme qui n’est pas pour autant un stéréotype (et ça fait du bien !), une femme foudroyante vie et de beauté. Foudroyante de beauté comme une certaine chanson qui s'intitule L'homme et l'âme (qui rend magnifiquement hommage aux victimes des attentats du 13 novembre, avec une pudeur, une sensibilité et une délicatesse infinies) mais il n'y a pas de rapport me direz-vous (si ce n'est que je vous recommande les deux sans réserves) et puis  c'est déjà une autre histoire …

 

Date de sortie en salles de Ma mère est folle : 5 décembre 2018

Critique de "La femme d'à côté" de François Truffaut

Bernard Coudray (Gérard Depardieu) et Mathilde Bauchard (Fanny Ardant) se sont connus et aimés follement, passionnément, douloureusement, et séparés violemment, sept ans plus tôt. L’ironie tragique du destin va les remettre en présence lorsque le mari de Mathilde, Philippe Bauchard (Henri Garcin), qu’elle a récemment épousé, lui fait la surprise d’acheter une maison dans un hameau isolé, non loin de Grenoble, dans la maison voisine de celle qu’occupent Bernard, son épouse Arlette (Michèle Baumgartner), et leur jeune fils. (Une fenêtre sur cour que l’admirateur et grand connaisseur d’Hitchcock qu’était Truffaut n’a d’ailleurs certainement pas choisie innocemment.) Bernard et Mathilde taisent leur passé commun à leurs époux respectifs et vont bientôt renouer avec leur ancienne passion.

A mon sens, personne d’autre que Truffaut n’a su aussi bien transcrire les ravages de la passion, sa cruauté sublime et sa beauté douloureuse, cette « joie » et cette « souffrance » entremêlées. Si : dans un autre domaine, Balzac peut-être, dont Truffaut s’est d’ailleurs inspiré, notamment pour Baisers volés ( Le Lys dans la vallée ) ou  La Peau douce  (Pierre Lachenay y donne ainsi une conférence sur Balzac). L’amour chez Truffaut est en effet presque toujours destructeur et fatal.

La femme d’à côté est cette étrange étrangère au prénom d’héroïne de Stendhal, magnifiquement incarnée par la classe, l’élégance, le mystère, la voix ensorcelante et inimitable de Fanny Ardant, ici impétueuse et fragile, incandescente, ardente Fanny.

Truffaut dira ainsi : « J’ai volontairement gardé les conjoints à l’arrière-plan, choisissant d’avantager un personnage de confidente qui lance l’histoire et lui donne sa conclusion : « Ni avec toi, ni sans toi « . De quoi s’agit-il dans  La Femme d’à côté  ? D’amour et, bien entendu, d’amour contrarié sans quoi il n’y aurait pas d’histoire. L’obstacle, ici, entre les deux amants, ce n’est pas le poids de la société, ce n’est pas la présence d’autrui, ce n’est pas non plus la disparité des deux tempéraments mais bien au contraire leurs ressemblances. Ils sont encore tous deux dans l’exaltation du « tout ou rien » qui les a déjà séparés huit ans plus tôt. Lorsque le hasard du voisinage les remet en présence, dans un premier temps Mathilde se montre raisonnable, tandis que Bernard ne parvient pas à l’être. Puis la situation, comme le cylindre de verre d’un sablier, se renverse et c’est le drame. »

Le rapport entre les deux va en effet se renverser à deux reprises. Bernard va peu à peu se laisser emporter par la passion, à en perdre ses repères sociaux, professionnels et familiaux, à en perdre même la raison, toute notion de convenance sociale alors bien dérisoire. Le tourbillon vertigineux de la passion, leurs caractères exaltés, leurs sentiments dans lesquels amour et haine s’entremêlent, se confondent et s’entrechoquent vont rendre le dénouement fatal inévitable. Chaque geste, chaque regard, chaque parole qu’ils échangent sont ainsi empreints de douceur et de douleur, de joie et de souffrance, de sensualité et de violence.

Truffaut y démontre une nouvelle fois une grande maîtrise scénaristique et de mise en scène. Après Le Dernier Métro, la fresque sur l’Occupation avec ses nombreux personnages, il a choisi ce film plus intimiste au centre duquel se situe un couple, sans pour autant négliger les personnages secondaires, au premier rang desquels Madame Jouve (Véronique Silver), la narratrice, sorte de double de Mathilde, dont le corps comme celui de Mathilde porte les stigmates d’une passion destructrice. Elle donne un ton apparemment neutre au récit, en retrait, narrant comme un fait divers cette histoire qui se déroule dans une ville comme il y en a tant, entre deux personnes aux existences en apparence banales, loin de la grandiloquence d’Adèle.H, mais qui n’ en a alors que plus d’impact, de même que ces plans séquences dans lesquels le tragique se révèle d’autant plus dans leur caractère apparemment anodin et aérien.

A l’image des deux personnages, la sagesse de la mise en scène dissimule la folie fiévreuse de la passion, et ce qui aurait pu être un vaudeville se révèle une chronique sensible d’une passion fatale. D’ailleurs, ici les portes ne claquent pas: elles résonnent dans la nuit comme un appel à l’aide, à l’amour et à la mort.

Deux personnages inoubliables, troublants et attachants, interprétés par deux acteurs magnifiques. Truffaut aurait songé à eux pour incarner cette histoire, en les voyant côte-à-côte lors du dîner après les César lors desquels Le Dernier Métro avait été largement récompensé.

Il fallait un talent démesuré pour raconter avec autant de simplicité cette histoire d’amour fou, de passion dévastatrice, qui nous emporte dans sa fièvre, son vertige étourdissant et bouleversant, comme elle emporte toute notion d’ordre social et la raison de ses protagonistes. Un film qui a la simplicité bouleversante d’une chanson d’amour, de ces chansons qui « plus elles sont bêtes plus, elles disent la vérité ».

Ce film sorti le 30 septembre 1981 est l’avant-dernier de Truffaut, juste avant Vivement Dimanche  dans lequel Fanny Ardant aura également le rôle féminin principal.

Un chef d’œuvre d’un maître du septième art : à voir et à revoir.

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