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  • Bilan de mon année cinématographique et festivalière 2011 et top 11 cinéma 2011

     

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    Chaque année, c’est le même rituel : lorsque s’égrènent ses derniers jours et que la chaleur de Noël nous fait sortir de la torpeur glaçante  de l’hiver, encore enivrée par ce tourbillon d’images, d’émotions, d’illusions (parfois perdues ou seulement égarées), il faut se pencher sur les 12 mois écoulés sans avoir tout à fait le recul nécessaire. Je le fais d’ailleurs avec plaisir, avec déjà un peu de nostalgie aussi, car le rythme trépidant de mes joyeuses (souvent) et invraisemblables (parfois, même) pérégrinations cinématographiques ne me laisse pas toujours le temps de savourer les instants auxquels elles donnent lieu, les rencontres qui les jalonnent, et que je continue à apprécier avec autant d’enthousiasme, et je l’espère, en réussissant à vous les faire partager. Cette année, l’actualité internationale a ressemblé aux plus invraisemblables, et parfois tragiques, des blockbusters. La mienne souvent à un film fantastique, étrange, ludique, incohérent, décevant, surprenant, passionnant, déroutant, inquiétant. Retour sur mon année cinématographique et festivalière avec ses meilleurs moments et les plus belles découvertes cinématographiques de cette année.

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     Cette année 2011 n’a pas été avare de beaux moments, de rencontres, de festivals d’abord avec  à mon programme de l’année écoulée:  le Festival du Film Asiatique de Deauville, le Festival de Cannes, le Festival de Cabourg, le Festival Paris Cinéma, le Festival du Cinéma Américain de Deauville , le Festival des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean de Luz, le Festival Lumière de Lyon, le Festival de la photo de Deauville "Planche(s) contact"  sans oublier les cérémonies comme les César, les prix Lumières et les Etoiles d’or mais aussi de beaux moments cinématographiques avec de réels chocs au premier rang desquels « Melancholia »,   « The Artist », « Black swan » d’ailleurs pour les deux premiers liés à des souvenirs de festivals dont ils sont désormais indissociables. Une année plus que jamais « in the mood for cinema » , en tout cas et au cours de laquelle In the mood for cinema a été plusieurs fois à l’honneur dans les médias (cf rubrique « Dans les médias » de mon nouveau blog: http://inthemoodlemag.com/presse/   ) pas toujours à bon escient d'ailleurs mais cela demeure toujours des expériences instructives.

     

    MON TOP 11 DES FILMS DE L'ANNEE 2011 (dans l'ordre de préfèrence avec les liens vers mes critiques): (N'hésitez pas à laisser votre propre top dans les commentaires)

    1.« Melancholia » de Lars von Trier

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/08/11/critique-de-melancholia-de-lars-von-trier-le-film-du-festiva.html

    2. « The Artist » de Michel Hazanavicius

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/08/28/avant-premiere-critique-de-the-artist-de-michel-hazanavicius.html

    3.« Black Swan » de Daren Aronofsky

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2010/12/12/avant-premiere-critique-de-black-swan-de-darren-aronofsky-av.html

    4.« Midnight in Paris » de Woody Allen

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/05/12/ceremonie-d-ouverture-du-64eme-festival-de-cannes-et-critiqu.html

    5.“La Piel que habito” de Pedro Almodovar

    6.“This must be the place” de Paolo Sorrentino

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/09/22/critique-this-must-be-the-place-de-paolo-sorrentino-avec-sea.html

    7.“True Grit” d’Ethan et Joel Coen

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/03/02/critique-de-true-grit-d-ethan-et-joel-coen-avec-jeff-bridges.html

    8. “Les Marches du pouvoir » de George Clooney

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/10/31/critique-les-marches-du-pouvoir-the-ides-of-march-avec-et-de.html

    9.« Polisse » de Maïwenn

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/07/01/ouverture-du-9eme-festival-paris-cinema-par-charlotte-rampli.html

    10. « La Délicatesse » de David et Stéphane Foenkinos

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/10/28/critique-de-la-delicatesse-de-david-et-stephane-foenkinos-av.html

    11.  « J’aime regarder les filles » de Frédéric Louf

    http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/07/18/critique-de-j-aime-regarder-les-filles-et-interviews-de-fred.html

    RAISONS DU TOP 11 EN DETAILS ET BILAN DE L'ANNEE:

    Dans mon top 11 (oui, oui, 11) que vous retrouverez ci-dessus, je n’ai pas forcément choisi des films parfaits, des films par ailleurs de styles très différents, mais qui ont en commun des scénarii remarquables, une vision de l'existence poétique, parfois littéraire, et une mélancolie et une délicatesse, pour s’inspirer des titres de deux des films de cette liste. Des films avec un brin de folie aussi, mettant souvent en scène la fragilité des artistes et la beauté exaltante de l’art. Mélancolique. Délicat. Littéraire. Poétique. Exaltant. Doucement fou. Voilà une définition du cinéma  qui me plait plutôt et à laquelle répondent la plupart des films de cette liste qui ont aussi des thématiques en commun, pour au moins cinq d’entre eux comme vous le lirez ci-dessous.

    Dans ce top 11 se  côtoient ainsi des premiers "petits" films comme « J’aime regarder les filles » et « La Délicatesse » et des films de réalisateurs confirmés comme « Melancholia », « La Piel que habito », « Midnight in Paris »…

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    J’ai choisi 11 films. Les 11 qui m’ont marquée. Les 11 que je recommanderai. Les 11 que je reverrai avec plaisir. Les 11 qui témoignent d’une vision de l’existence et du regard d’un cinéaste sur l’existence et le cinéma. Les 11 qui m’ont enthousiasmée, parfois même exaltée. Parmi ces films, de nombreux films présentés dans le cadre du dernier Festival Cannes et qui témoignent ainsi d’une édition d’une qualité exceptionnelle. A cette liste, j’aurais pu ajouter « Voyage dans la lune », l’œuvre  de Méliès de 1902 présentée sur une musique de Air, une version restaurée dont Serge Bromberg a été l’artisan. Moment magique concentrant toute la beauté, la richesse, la modernité, la puissance du cinéma qui a ouvert cette édition 2011 du Festival de Cannes, un cinéma que célèbrent plusieurs des films de mon top 2011, notamment et souvent par de subtiles mises en abyme. Finalement peut-être le cinéma n'est-il jamais meilleur que lorsqu'il est intelligemment narcissique, ou plutôt lorsqu'il se souvent que l'art est souvent synonyme de réflexivité.

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    En tête de ce classement, j’ai placé « Melancholia » des Lars von Trier, forcément « Mélancholia », pour moi un vrai choc cinématographique, un film d’une beauté sombre et déroutante, LE chef d'oeuvre de cette année 2011.  Un poème vertigineux, une peinture éblouissante, un opéra tragiquement romantique, bref une œuvre d’art à part entière. Un tableau cruel d’un monde qui se meurt dans lequel rien n’échappe au regard acéré du cinéaste : ni la lâcheté, ni l’amertume, ni la misanthropie, et encore moins la tristesse incurable, la solitude glaçante face à cette « Mélancholia », planète vorace et assassine, comme l’est la mélancolie dévorante de Kirsten Dunst (Justine dans le film). « Melancholia » est un film bienheureusement inclassable, qui mêle les genres habituellement dissociés (anticipation, science-fiction, suspense, métaphysique, film intimiste…et parfois comédie certes cruelle) et les styles. Un film de contrastes et d’oppositions (comme le n°3 de mon classement avec lequel il présente pas mal de points communs). Entre rêve et cauchemar. Blancheur et noirceur. La brune et la blonde. L’union et l’éclatement. La terreur et le soulagement. La proximité (de la planète) et l’éloignement (des êtres). Un film à contre-courant, à la fois pessimiste et éblouissant. L’histoire d’une héroïne  incapable d’être heureuse dans une époque qui galvaude cet état précieux et rare avec cette expression exaspérante « que du bonheur ». Un film dans lequel rien n’est laissé au hasard, dans lequel tout semble concourir vers cette fin…et quelle fin ! Lars von Trier parvient ainsi à instaurer un véritable suspense terriblement effrayant et réjouissant qui s’achève par une scène redoutablement tragique d’une beauté saisissante aussi sombre que poignante et captivante qui, à elle seule, aurait justifié une palme d’or. Une fin sidérante de beauté et de douleur. A couper le souffle. D’ailleurs, je crois être restée de longues minutes sur mon siège dans cette salle du Grand Théâtre Lumière, vertigineuse à l’image de ce dénouement, à la fois incapable et impatiente de transcrire la multitude d’émotions procurées par ce film si intense et sombrement flamboyant. Un très grand film qui bouscule, bouleverse, éblouit, sublimement cauchemaresque et d’une rare finesse psychologique qui, 7  mois après l’avoir vu, me laisse le souvenir lancinant et puissant  d’un film qui mêle savamment les émotions d’un poème cruel et désenchanté, d’un opéra et d’un tableau mélancoliques et crépusculaires.

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    En troisième position, et je passe délibérément du premier au troisième : « Black swan » de Daren Aronofsky qui  présente pas mal de points communs avec le film figurant en première place de mon classement. Ce n’est pas non plus forcément un film d’emblée aimable (ce qui, pour moi, est une grande qualité quand les synopsis des films ressemblent trop souvent à des arguments marketing) : il se confond ainsi avec son sujet, exerçant tout d’abord sur le spectateur un mélange de répulsion et de fascination, entrelaçant le noir et le blanc, la lumière (de la scène ou de la beauté du spectacle, celle du jour étant quasiment absente) et l’obscurité, le vice et l’innocence mais le talent de cinéaste d’Aronofsky et de son interprète principale, sont tels que vous êtes peu à peu happés, le souffle suspendu comme devant un pas de danse époustouflant. « Black swan » à l’image de l’histoire qu’il conte (le verbe conter n’est d’ailleurs pas ici innocent puisqu’il s’agit ici d’un conte, certes funèbre) est un film gigogne, double et même multiple. Jeu de miroirs entre le ballet que le personnage de Vincent Cassel (Thomas) met en scène et le ballet cinématographique d’Aronofsky. Entre le rôle de Nina (Natalie Portman) dans le lac des cygnes et son existence personnelle. Les personnages sont ainsi à la fois doubles et duals : Nina que sa quête de perfection aliène mais aussi sa mère qui la pousse et la jalouse tout à la fois ou encore Thomas pour qui, tel un Machiavel de l’art, la fin justifie les moyens. Aronofsky ne nous « conte » donc pas une seule histoire mais plusieurs histoires dont le but est une quête d’un idéal de beauté et de perfection. La quête de perfection obsessionnelle pour laquelle Nina se donne corps et âme et se consume jusqu’à l’apothéose qui, là encore, se confond avec le film qui s’achève sur un final déchirant de beauté violente et vertigineuse, saisissant d’émotion…dont le vertige rappelle d'ailleurs celui également suscité par le dénouement de « Melancholia ». Par une sorte de mise en abyme, le combat de Nina est aussi celui du cinéaste qui nous embarque dans cette danse obscure et majestueuse, dans son art (cinématographique) qui dévore et illumine (certes de sa noirceur) l’écran comme la danse et son rôle dévorent Nina. L’art, du cinéma ou du ballet, qui nécessite l'un et l'autre des sacrifices. Le fond et la forme s’enlacent alors pour donner cette fin enivrante d’une force poignante à l’image du combat que se livrent la maîtrise et l’abandon, l’innocence et le vice. Quel talent fallait-il pour se montrer à la hauteur de la musique de Tchaïkovski, pour nous faire oublier que nous sommes au cinéma, dans une sorte de confusion fascinante entre les deux spectacles, entre le ballet cinématographique et celui dans lequel joue Nina. Une expérience sensorielle, une danse funèbre et lyrique, un conte obscur redoutablement grisant et fascinant, sensuel et oppressant dont la beauté hypnotique nous fait perdre (à nous aussi) un instant le contact avec la réalité pour atteindre la grâce et le vertige. Plus qu’un film, une expérience à voir et à vivre impérativement (et qui en cela m’a fait penser à un film certes a priori très différent mais similaire dans ses effets : « L’Enfer » d’Henri-Georges Clouzot) et à côté duquel le « Somewhere » de Sofia Coppola qui lui a ravi le lion d’or à Venise apparaît pourtant bien fade et consensuel...

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    En deuxième position « The Artist » de Michel Hazanavicius,…encore un film qui met l’art au centre de son sujet et qui explore la fragilité, la « mélancolie » des êtres, des artistes. Le pari était pourtant loin d’être gagné d’avance. Un film muet (ou quasiment puisqu’il y a quelques bruitages). En noir et blanc. Tourné à Hollywood. En 35 jours. Par un réalisateur qui jusque là avait excellé dans son genre, celui de la brillante reconstitution parodique, mais très éloigné de l’univers dans lequel ce film nous plonge. Il fallait beaucoup d’audace, de détermination, de patience, de passion, de confiance, et un peu de chance sans doute aussi, sans oublier le courage -et l’intuition- d’un producteur (Thomas Langmann) pour arriver à bout d’un tel projet. Le pari était déjà gagné quand le Festival de Cannes l’a sélectionné d’abord hors compétition pour le faire passer ensuite en compétition, là encore fait exceptionnel. Qui aime sincèrement le cinéma ne peut pas ne pas aimer ce film qui y est un hommage permanent et éclatant. Hommage à ceux qui ont jalonné et construit son histoire, d’abord, évidemment. De Murnau à Welles, en passant par Borzage, Hazanavicius cite brillamment ceux qui l’ont ostensiblement inspiré. Hommage au burlesque aussi, avec son mélange de tendresse et de gravité, et évidemment, même s’il s’en défend, à Chaplin qui, lui aussi,  lui surtout, dans « Les feux de la rampe », avait réalisé un hymne à l'art qui porte ou détruit, élève ou ravage, lorsque le public, si versatile, devient amnésique, lorsque le talent se tarit, lorsqu’il faut passer de la lumière éblouissante à l’ombre dévastatrice. Le personnage de Jean Dujardin est aussi un hommage au cinéma d’hier : un mélange de Douglas Fairbanks, Clark Gable, Rudolph Valentino, et du personnage de Charles Foster Kane (magnifiques citations de « Citizen Kane »). Le mot jubilatoire semble avoir été inventé pour ce film, constamment réjouissant, vous faisant passer du rire aux larmes, ou parfois vous faisant rire et pleurer en même temps. Le scénario et la réalisation y sont pour beaucoup mais aussi la photographie (formidable travail du chef opérateur Guillaume Schiffman qui, par des nuances de gris, traduit les états d’âme de Georges Valentin), la musique envoûtante (signée Ludovic Bource, qui porte l’émotion à son paroxysme, avec quelques emprunts assumés là aussi, notamment à Bernard Herrmann) et évidemment les acteurs au premier rang desquels Jean Dujardin qui méritait amplement son prix d’interprétation cannois (même si Sean Penn l’aurait également mérité pour « This must be the place »). Flamboyant puis sombre et poignant, parfois les trois en même temps, il fait passer dans son regard (et par conséquent dans celui du spectateur), une foule d’émotions, de la fierté aux regrets,  de l’orgueil à la tendresse, de la gaieté à la cruelle amertume de la déchéance.  Il faut sans doute beaucoup de sensibilité, de recul, de lucidité et évidemment de travail et de talent pour parvenir à autant de nuances dans un même personnage (sans compter qu’il incarne aussi George Valentin à l’écran, un George Valentin volubile, excessif, démontrant le pathétique et non moins émouvant enthousiasme d’un monde qui se meurt. Je ne prends guère de risques en lui prédisant un Oscar pour son interprétation, et les six récentes nominations aux Golden Globes confirment ce sentiment).  Michel Hazanavicius  évite tous les écueils et signe là un hommage au cinéma, à sa magie étincelante, à son histoire, mais aussi et avant tout aux artistes, à leur orgueil doublé de solitude, parfois destructrice. Des artistes qu’il sublime, mais dont il montre aussi les troublantes fêlures, les poignantes contradictions et la noble fragilité. Ce film est burlesque, inventif, malin, poétique, et touchant. Rarement un film aura aussi bien su concentrer la beauté simple et magique, poignante et foudroyante du cinéma. Oui, foudroyante comme la découverte  de ce plaisir immense et intense que connaissent les amoureux du cinéma lorsqu’ils voient un film pour la première fois, et découvrent son pouvoir d’une magie ineffable, omniprésente ici.

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    Sans doute serez-vous surpris de retrouver dans cette liste le « Minuit à Paris » de Woody Allen, certainement pas son meilleur film mais un film dans lequel il est plus inventif et juvénile que jamais, joue et se joue des fantasmes d’une ville qu’il revendique ici d’idéaliser, ce Paris qui, à l’image du titre du roman d’Hemingway «est une fête », ce Paris où un écrivain ne peut écrire qu’au Café de Flore, ce Paris où passé et présent, rêve et réalité, littérature et peinture vous étourdissent. Une déclaration d’amour à Paris, au pouvoir de l’illusion, de l’imagination,  à la magie de Paris et du cinéma qui permet de croire à tout, même qu’il est possible au passé et au présent de se rencontrer et s’étreindre, le cinéma  évasion salutaire  «  dans une époque bruyante et compliquée ». Un petit joyau d’intelligence au scénario certes moins abouti que dans d’autres films du cinéaste, mais que la vitalité de l’écriture, sa malice et son regard enamouré (sur Paris  avant tout ),  et la beauté des images nous font oublier et pardonner. Woody Allen réenchante Paris, ville Lumière et ville magique où tout est possible surtout donner corps à ses rêves. Un film ludique au charme ensorcelant, d’une nostalgie joyeuse.

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    Très différent…quoique… à nouveau explorant la fragilité des artistes…« This must be the place” de Paolo Sorrentino, un autre de mes coups de coeur cannois figure également en bonne place dans cette liste, l’histoire d’un masque qui tombe, d’un enfant qui grandit, d’un homme qui se relève. D’un artiste enfantin qui devient un homme (et fume sa première cigarette).  Un film inclassable qui mélange habilement les genres, un road movie qui déroute et enchante, ou nous glace par sa lucidité. Un film envoûtant grâce à la musique de David Byrne, la  virtuosité de la mise en scène de Sorrentino et de l’interprétation de Sean Penn qui  nous plongent dans une atmosphère poétique, onirique et fantaisiste qui dissimule un visage grave et lucide. Un bel hommage à « Paris, Texas » de Wim Wenders, et à « Into the wild » de Sean Penn, aussi.  Un personnage et un film qui  vous restent dans la tête comme une petite musique. Celle des Talkings Heads.  « Il faut choisir, dans l'existence, un moment, un seul, où la peur disparaît »  nous dit-on dans le film.  Ce périple en fait partie. Un périple réjouissant et bouleversant, grave et léger, mélancolique et enchanteur, fardé et sincère. Qui donne envie de regarder la vérité derrière le masque. Celle de l’abjection (le bourreau nazi) ou de l’humanité (Cheyenne) qui se mettent à nu (au propre comme au figuré ici). Leur rencontre improbable donne ce grand film construit sur de brillants contrastes.

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    Dans cette liste également un film politique, le régal impitoyable « Les Marches du pouvoir » de George Clooney. Un thriller aussi élégant que le sont en apparence ses protagonistes et qui en révèle d’autant mieux la face obscure grâce à un rythme particulièrement soutenu, un distribution brillamment dirigée, des dialogues vifs, et surtout une mise en scène métaphorique entre ombre et lumière particulièrement symptomatique du véritable enjeu (être, devenir ou rester dans la lumière) et de la part d’ombre qu’elle dissimule (souvent habilement) et implique.

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    Egalement dans ce palmarès, un magnifique hommage au  western avec « True grit » d'Ethan et Joel Coen (reprenant même la musique du chef d’œuvre « La nuit du chasseur » de Charles Laughton) dont il respecte et détourne les codes non sans uns certaine ironie, à ses personnages aux gueules patibulaires mais au cœur d’or, à ses grandes étendues éblouissantes, à ses chevauchées fantastiques dans des plaines majestueuses au soleil levant ou couchant « dans la vallée de l’ombre et de la mort », à la mythologie américaine donc, à ses légendes. Avec « True Grit », les Coen rendent hommage au western en le renouvelant et transformant en  un conte désenchanté aux paysages enchanteurs, une sorte d’Alice au pays des merveilles dans un Ouest Américain aussi hostile que magnifiquement filmée, les mésaventures d’un trio improbable entre courage et désillusions.

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    Et puis, dans cette liste, également des premiers films comme « La Délicatesse » de David et Stéphane Foenkinos et « J’aime regarder les filles » de Frédéric Louf mon coup de cœur du Festival de Cabourg, celui qui évoquait le mieux les tourments de l’âme et du cœur (définition du romantisme, thématique de ce festival), et qui fait preuve  de sensibilité (agréablement) exacerbée.  Frédéric Louf, le réalisateur, aidé par une pléiade de jeunes acteurs remarquables,  arrive en effet à y transcrire la fébrilité et la fougue de la jeunesse, cet âge où tout est possible, à la fois infiniment grave et profondément léger, où tout peut basculer d’un instant à l’autre dans un bonheur ou un malheur pareillement excessifs, où les sentiments peuvent éclore, évoluer ou mourir d’un instant à l’autre, où tout est brûlant et incandescent. De son film et de ses interprètes se dégagent toute la candeur, la fraîcheur mais aussi parfois la violence et l’intransigeance de cet âge décisif. La littérature y cristallise magnifiquement les sentiments  Un film simple, touchant, drôle qui a la grâce des 18 ans de ses personnages, à la fois fragiles et résolus, audacieux, d’une émouvante maladresse, insouciants et tourmentés et qui incarnent à merveille les héros romantiques intemporels. Un film au romantisme assumé, imprégné de littérature, avec un arrière-plan politique, avec un air truffaldien, voilà qui avait tout pour me plaire, sans oublier ce petit plus indicible, le charme peut-être, la sincérité sans doute, et le talent évidemment, ingrédients d’un coup de foudre cinématographique comme celui-ci.

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    « La Délicatesse », dernier coup de cœur en date de cette année 2011, est un film à l’image de son personnage principal : d’apparence simple, discret, grave et triste, il se révèle gai, d’une lucidité joyeuse, tendre, et il vous charme d’une manière totalement inexplicable. Le charme des rencontres impromptues, improbables, inattendues. Les plus belles. Un délicieux film d’une gravité légère à déguster sans modération, l’histoire d’une renaissance lumineuse qui fera du bien tous ceux qui ont été touchés par le deuil, à tous ceux qui ne croient plus à la beauté foudroyante des hasards et coïncidences et des rencontres singulières, qui ne croit plus que le bonheur réside là où on ne l’attend pas. Voilà ce film m’a totalement charmée, aussi rare (et précieux) que la délicatesse qu’il met en scène, avec le même charme progressif et non moins ravageur.

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    Dans cette liste évidemment « La Piel que habito » de Pedro Almodovar, un film troublant, éprouvant et lumineux,  sombre et fascinant, remarquable de maîtrise dans le scénario comme dans la mise en scène qui tisse impitoyablement sa toile arachnéenne pour révéler une vengeance implacable et cruelle, prétexte sublime et terrible à l’évocation des thèmes chers au cinéaste.

    J'aurais aussi pu vous parler de jolies découvertes comme "Poupoupidou" mais il fallait bien que cette liste se limite à un certain nombre.

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    J’ai bien conscience que « La guerre est déclarée », « Intouchables » et « Drive »  figureront sans doute dans tous les classements et que ne pas les citer pourrait laisser penser que je suis passée à côté de trois découvertes essentielles de cette année.

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    Si le premier m’a bouleversée, si j’ai apprécié cet hymne à la vie, au courage, à la fugacité du bonheur, ce film plein de douce fantaisie, avec une inspiration toujours très truffaldienne, et jamais mièvre,  je n’en garde pas une empreinte forte et inaltérable et je persiste à croire que ce bouleversement est lié davantage au sujet qu’au traitement, lui ayant préféré le premier film de Valérie Donzelli « La reine des pommes ».

     Si le second m’a énormément fait rire, certes, cela reste néanmoins pour moi une suite de sketchs, un conte, utilisant à outrance la caricature et les oppositions (le riche avec le pauvre, l’handicapé et le valide, l’homme cultivé et celui qui n’y connaît –vraiment- rien à l’art), et son succès s’explique sans doute davantage par l’espoir qu’il porte dans une période morose que par ses qualités cinématographiques exceptionnelles.

    Le troisième m’a hypnotisée par sa réalisation. J’ai apprécié la mise en scène époustouflante, flamboyante et crépusculaire, qui nous fait ressentir les sensations trépidantes, périlleuses et étourdissantes de ce chauffeur hors pair et  mutique, au sourire retenu, dans une ville de Los Angeles tentaculaire, éblouissante et menaçante, qui nous fait éprouver ses sensations de vitesse et de mélancolie vertigineuses -sombre et belle alliance-, avec dans la première partie des scènes d’une beauté saisissante  sans parler évidemment d’une bo remarquable qui contribue fortement au vertige sensoriel de la première partie. Nicolas Winding Refn a ravi le prix de la mise en scène à Pedro Almodovar à Cannes qui, à mon avis, l’aurait davantage mérité (pour « La Piel que habito »), ne serait-ce que  parce qu’il a brillamment raconté une histoire cruelle, terrible, effroyable où toute la finesse de la mise en scène réside justement dans ce qui n’est pas montré et qui n’en a que plus de force…La violence absurde et les excès du personnage principal  dans « Drive », il est vrai magistralement interprété, (qui promettait là aussi d'être d'une complexité passionnante), sans parler des réactions invraisemblablement velléitaires du personnage féminin, le manichéisme des méchants du film, l’ont emporté ainsi sur une première partie prometteuse comme rarement avec des images et une musique qui, encore maintenant, me restent en tête. Un magnifique clip, à défaut du grand film que la première partie annonçait pourtant. Surtout, un beau gâchis. (Critique complète, ici : http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/09/25/critique-de-drive-de-nicolas-winding-refn-avec-ryan-gosling.html )

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     Encore une fois cette année, la frontière entre le cinéma et la réalité a été très faible, à m’y perdre parfois, à prendre mes rêves pour la réalité, à lui préférer le cinéma souvent. Je garderai sans aucun doute comme souvenirs marquants de cette année cinématographique ma rencontre avec Catherine Deneuve dont je vous ai fait un long récit, ici (http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/03/17/avant-premiere-critique-les-yeux-de-sa-mere-de-thierry-klifa.html ), l’interview de Tahar Rahim et Jean-Jacques Annaud (http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/11/23/critique-or-noir-de-jean-jacques-annaud-et-interview-de-taha.html ) et des moments intenses de festivals comme l’ouverture du Festival de Cannes ou la projection de « Melancholia » ou « The Artist » mais aussi le Festival Lumière de Lyon où j’étais invitée pour débattre d'internet  (http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/10/09/festival-lumiere-de-lyon-2011-la-cinephilie-et-la-passion-a.html  , l’occasion de découvrir un festival formidable qui met vraiment la cinéphilie à l'honneur, ou encore le Festival de Saint-Jean de Luz, les César vécus en direct à nouveau (http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/02/26/palmares-commente-des-cesar-2011-et-compte-rendu-detaille-de.html ) et des airs de musique qui me trottent encore dans la tête comme le "New York" de Jamie Cullum en ouverture du Festival de Cannes.

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    Une partie du jury du 64ème Festival de Cannes, cérémonie d'ouverture du festival

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    Jamie Cullum, ouverture du 64ème Festival de Cannes

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    L'émouvant hommage du 64ème Festival de Cannes à Jean-Paul Belmondo

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    La leçon de cinéma de Francis Ford Coppola au Festival du Cinéma Américain de Deauville

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    Pour l’année à venir, je vous promets de faire mieux, c’est-à-dire initier des projets, des rencontres, des interviews, surtout continuer à me laisser guider par la passion. Vous trouverez aussi sur mes 5 blogs mais essentiellement sur le nouveau davantage de musique, de théâtre, de littérature mais bien évidemment toujours essentiellement du cinéma. Je mettrai plus que jamais l’écriture au centre en essayant de faire de chaque compte-rendu de festival un véritable récit mais aussi en publiant des nouvelles  dans la  rubrique dédiée de mon nouveau blog « In the mood – Le Magazine» ( http://inthemoodlemag.com ) sur lequel et les motivations duquel vous pourrez tout savoir dans sa rubrique "A propos" ( http://inthemoodlemag.com/about/ ) tout en continuant à vous emmener dans les festivals incontournables (Cannes pour la 12ème année consécutive, Paris Cinéma, Deauville et son Festival du Cinéma Américain pour la 19ème année consécutive, son Festival du Film Asiatique, les César pour la 3ème année consécutive) mais aussi tout en en découvrant de nouveaux (Saint-Jean de Luz pour la deuxième année consécutive, peut-être les Arcs où j’étais invitée cette année mais n’ai pas pu me rendre, sans doute le nouveau Paris Film Festival pour lequel il se pourrait que je vous réserve quelques surprises, peut-être Cabourg, Dinard, Lyon et sans aucun doute des festivals qui ne sont pas encore prévus au programme).

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    Côté projections, je vous promets déjà de  vous faire partager de belles découvertes pour l’année à venir comme « Louise Wimmer » de Cyril Mennegun ou « Une bouteille à la mer » de Thierry Binisti, deux films découverts dans le cadre du  Festival de Saint-Jean de Luz et de nombreux films que j’attends avec impatience et dont vous pourrez retrouver ici les critiques en avant-première comme « J.Edgar » de Clint Eastwood. J’espère, cette année 2012, vous surprendre, vous réserver de belles surprises, aller et vous emmener là où on ne m’attend pas, oser davantage, et oser rêver et vous faire partager cela sur mon nouveau site.

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    Vous pourrez aussi me suivre sur My Major Company Books, site sur lequel vous pouvez vous inscrire comme « producteur » et ensuite comme fan de ma page (  http://www.mymajorcompanybooks.com/#!/meziere ) si vous souhaitez soutenir mon projet d'écriture très « cinématographique » que vous pourrez découvrir sur la page en question.

     Je vous souhaite une année 2012 palpitante, riche d’émotions, et …surtout, surtout, de ne jamais cesser de rêver malgré les vicissitudes de l’existence, de ne surtout jamais céder  à la facilité du cynisme, quitte à faire passer cette « délicatesse » pour une naïveté. Quoiqu’il arrive, reste le cinéma. La passion, avant tout. La devise de mon nouveau site. Aussi ingrate soit-elle parfois…mais finalement toujours victorieuse et exaltante…et c’est tout ce qui compte, et me porte.

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     Pour me lire :

    Avant tout, mon nouveau site principal : http://inthemoodlemag.com  au sujet duquel vos avis et suggestions demeurent les bienvenus et qui continuera à s’enrichir prochainement de nouvelles rubriques. Pour en savoir plus sur les objectifs de ce site, rendez-vous dans sa rubrique « A propos » (http://inthemoodlemag.com/about/ ) .

    Et toujours les autres : In the mood for cinema (http://www.inthemoodforcinema.com , pour tout savoir de l’actualité cinématographique ), In the mood for Cannes (http://www.inthemoodforcannes.com , pour tout savoir de l’actualité du Festival de Cannes), In the mood for Deauville (http://www.inthemoodfordeauville.com , pour tout savoir sur Deauville, son Festival du Cinéma Américain et du Film Asiatique) et In the mood for luxe (http://www.inthemoodforluxe.com our tout savoir de l’actualité du luxe, essentiellement dans le domaine touristique et de la mode)

    Mes comptes twitter (le compte principal pour « In the mood – Le Magazine » et « In the mood for cinema », si vous ne devez en suivre qu’un de mes 4 comptes, c’est celui-ci) : http://twitter.com/moodforcinema (@moodforcinema )

    Le compte twitter de « In the mood for Deauville » : http://twitter.com/moodfdeauville (@moodfdeauville )

    Le compte twitter de “In the mood for Cannes” : http://twitter.com/moodforcannes  (@moodforcannes )

    Le compte twitter de “In the mood for luxe” : http://twitter.com/moodforluxe (@moodforluxe)

    Mes pages Facebook :

    La Page Facebook de In the mood for cinema et In the mood le Magazine : http://facebook.com/inthemoodforcinema

    La Page Facebook de In the mood for Cannes: http://Facebook.com/inthemoodforcannes

    La Page Facebook de In the mood for Deauville: http://facebook.com/inthemoodfordeauville

     

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    Photo - Cannes 2011

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    Photo- Deauville octobre 2011

    Lien permanent Imprimer Catégories : BILAN DE L'ANNEE CINEMA 2011 Pin it! 8 commentaires
  • Réélection de Gilles Jacob à la présidence du Festival de Cannes, et de Thierry Frémaux en tant que délégué général

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    Sans surprise, Gilles Jacob a été réélu à la présidence du Festival de Cannes et Thierry Frémaux en tant que délégué général. Une bonne nouvelle néanmoins le premier apportant sa passion pour le cinéma, sa connaissance du festival, et le second son enthousiasme légendaire (que j'ai à nouveau pu constater au Festival Lumière de Lyon dont vous pouvez retrouver mon compte-rendu, ici: http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/10/09/festival-lumiere-de-lyon-2011-la-cinephilie-et-la-passion-a.html  ), son érudition tout en insufflant un peu de nouveauté dans ce festival qui reste le plus grand au monde et celui qui permet la plus belle et grande immersion cinématographique.

    Le Conseil d'Administration et l’Assemblée générale de l'Association française du Festival international du Film (AFFIF) - qui organise chaque année le Festival de Cannes – ont ainsi réélu Gilles Jacob en tant que président du Festival de Cannes, pour un mandat de trois ans à compter d’aujourd’hui, et Thierry Frémaux en tant que délégué général, déjà en charge de la programmation artistique, qui se voit conforté dans ses responsabilités opérationnelles.

    En bonus, retrouvez, ci-dessous, mon article sur le très beau livre de Gilles Jacob "La vie passera comme un rêve", l'autobiographie de Gilles Jacob entre rêve et réalité.

    Pour tout savoir sur cette édition 2012, rendez-vous sur le site officiel du Festival (http://festival-cannes.com ) mais aussi bien entendu ici, sur mon blog consacré au Festival http://www.inthemoodforcannes.com  et sur mon nouveau site http://inthemoodlemag.com sur lequel une large place sera donnée au Festival de Cannes.

    "La vie passera comme un rêve" de Gilles Jacob

    Alors que dans six mois retentira à nouveau l’électrisante musique de Saint-Saens indissociable du festival, la fébrilité qui précède toujours le plus grand festival de cinéma au monde, dès mars, commencera à s’accroître peu à peu, pour ceux qui auront la chance d’y aller en tout cas, encore que… je me souviens, il y a 10 ans déjà, avant d’aller au Festival pour la première fois, et même bien avant, lorsque je suivais cet évènement avec la plus grande attention et avec une curiosité insatiable, de mon canapé alors ou dans les journaux de cinéma que je dévorais déjà, ce festival illuminait les mois de Mai les plus sombres.

      

    « La vie passera comme un rêve ». La phrase du titre de l’ouvrage de Gilles Jacob est aussi celle que pourraient s’approprier tous ceux qui veulent faire de leur passion une profession, une vie même. Faire que la vie passe comme un rêve. Ressemble à du cinéma, que l’un et l’autre se confondent dans un tango passionné. Et passionnant. Que la vie soit un tourbillon étourdissant comme l’est le Festival de Cannes tout comme il peut, parfois, aussi, être effrayant, ravageur, déstabilisant (mais l’étourdissement l’emporte toujours, la preuve : depuis 11 ans, ce rendez-vous cannois est pour moi incontournable).

     

    Même si vous n’êtes pas des habitués de la Croisette, vous connaissez forcément Gilles Jacob, cet homme à la silhouette longiligne, à l’élégance joliment surannée (tout comme l’est son écriture), au sourire imperturbable, au regard rassurant qui accueille les invités du Festival en haut des marches (ou descendant parfois jusqu’au parvis pour les accueillir, ce dont on apprend dans le livre qu’il s’agit là du privilège suprême).

     

    Plutôt que de n’évoquer que ce tourbillon étourdissant,  qui l’est évidemment d’autant plus pour lui qu’il en occupe les plus hautes fonctions depuis plus de trente ans, Gilles Jacob a eu la bonne idée d’y mêler sa propre histoire personnelle et notamment son enfance qu’il a en partie vécue caché dans un séminaire pour échapper aux nazis, après avoir échappé à une arrestation qui aurait probablement été fatale. Sa deuxième bonne idée est la construction de l’ouvrage, d’ailleurs très cinématographique, une (dé)construction judicieuse un peu à la Mankiewicz ou à la Orson Welles, un ouvrage assaisonné d’humour et d’autodérision à la Woody Allen dont Gilles Jacob est un fervent admirateur. La dernière bonne idée est de n’avoir pas céder à cette mode du déballage personnel sans pour autant que ce soit inintéressant ou convenu. Bien au contraire.

     

    Ce livre qui mêle astucieusement les lumières, souvent aveuglantes de la Croisette (mais par lesquelles il ne s’est jamais laissé éblouir sans pour autant en être blasé), et la mélancolie de l’enfance en apprendra beaucoup à ceux qui ne connaissent rien du festival et ravira encore davantage ceux qui le fréquentent.

     

    On imagine qu’il a dû être difficile de choisir entre la multitude de souvenirs qu’il a engrangés toutes ces années., de choisir ce qui devait rester dans l’ombre ou pouvait passer dans la lumière.

     

    Parmi les anecdotes les plus passionnantes :

     La concurrence avec la Quinzaine des Réalisateurs dont on comprend l’origine et la teneur. Son admiration pour les actrices, en particulier Juliette Binoche ; Isabella Rossellini ;  Jeanne Moreau qu’il définit comme sensuelle, intelligente, malicieuse , talentueuse ; Catherine Deneuve dont il rappelle la peur de parler en public (et qui avait eu l’immense modestie aussi de l’évoquer, lors de sa venue à SciencesPo ) mais là aussi l’intelligence et l’élégance ;  Isabelle Huppert qu’il avait choisie comme présidente pour le festival 2009 et dont deux phrases pourraient justifier le choix :« Je n’ai connu aucune actrice au monde ayant obtenu autant de sélections à Cannes » et « elle est à la fois au centre et à la marge. »  Comment Benigni aura le Grand Prix alors que son film ne correspond pas à la définition de ce prix qui est « un film qui manifeste un esprit de recherche et d’originalité. » Les démons attendrissants de Lars Van Triers. Que deux réalisateurs ont refusé la présidence : Carlos Saura et Andrzej Wajda. Son amitié pour Daniel Toscan du Plantier. Les caprices de certains politiques et, plus encore, de leurs entourages. Son émotion lors du cinquantième anniversaire. L’élégance imperturbable de Clint Eastwood, lors d’un tremblement de terre. Le pourquoi du pin’s star d’Alain Delon et son admiration, aussi, pour celui-ci. L’explication des trois récompenses attribuées à « Barton Fink » des frères Coen, l’année où Roman Polanski présidait le jury et les caprices d’enfant gâté de ce dernier. Le cyclone Depardieu, aussi talentueux qu’imprévisible. Les délibérations, les constitutions épiques des jurys. Les revirements de situations. Les tractations palpitantes et invraisemblables pour obtenir un film. Et autant de personnalités qui deviennent ici des personnages dont il dévoile le plus souvent une facette touchante, sans pour autant édulcorer leurs aspects les plus sombres, notamment ceux de Pialat dont il parle à de nombreuses reprises.  Et puis évidemment, le personnage principal : le cinéma qu’il sert si bien et que Cannes honore si bien depuis trente ans.

      

    Comme l’écrit Gilles Jacob : « Cannes n’est pas un paradis pour les âmes sensibles ». On imagine aisément (d’autant plus que je l’ai parfois constaté) la violence que peut parfois représenter une projection cannoise pour une équipe. Cannes ne connaît pas la demi-mesure dans la majesté comme dans la brutalité, dans le rêve comme dans le cauchemar, mais c’est aussi ce qui rend ce festival irrésistible et unique.

     

    C’est le livre savoureux d’un homme passionné (de cinéma, par les cinéastes, par son festival évidemment mais aussi par la vie), enthousiaste et enthousiasmant, qui mêle intelligemment, cinéma et réalité, son histoire et l’Histoire, et évidemment l’Histoire du cinéma, un homme doucement ironique, empathique, au regard sensible et aiguisé, pétri de cette inquiétude bien légitime, qui ne l’a pas quitté depuis la guerre, et qui fait qu’il a peut-être aussi toujours gardé ce regard d’enfant inquiet et curieux. Un homme   qui a l’humilité et l’élégance des grands. L’élégance de ne pas trop en dire. L’élégance de nous faire partager ce rêve. L’élégance de partager sa passion. L’élégance de faire passer les artistes et les films avant tout. L’élégance qui nous fait comprendre pourquoi Cannes est encore et toujours le premier festival de cinéma au monde. L’élégance mais aussi la folie des passionnés car, comme il le dit lui-même : « Il faut être vraiment fou pour continuer à relever ce défi : révéler, surprendre, faire rêver ». Gageons d’ores et déjà que ce Festival 2012 remplira à nouveau ce beau défi. Révéler. Surprendre. Faire rêver.   Un Festival 2012 qui, à n’en pas douter, à nouveau « passera comme un rêve ».

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  • 17ème cérémonie des Prix Lumières (Lumiere Awards): les nominations

     

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    Depuis deux ans, je vous fais suivre les Prix Lumières en direct de la Mairie de Paris ( Mon compte-rendu et mes photos  de la cérémonie des Lumières 2011: http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/01/15/palmares-des-prix-lumieres-2011-polanski-et-beauvois-a-l-hon.html, Mon compte-rendu et mes photos de la cérémonie des Lumières 2010: http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2010/01/16/ceremonie-et-palmares-des-prix-lumieres-2009-a-l-hotel-de-vi.html ), une cérémonie qui ouvre la saison des prix et que j'affectionne tout particulièrement, d'abord parce qu'elle reste conviviale malgré son cadre prestigieux, ensuite parce qu'elle met à l'honneur le cinéma français.  La 17ème cérémonie aura lieu le 13 janvier 2012.

    Organisés par l’Académie des Lumières qui a vu le jour en 1995 à l'initiative de Daniel Toscan du Plantier et du journaliste américain Edward Behr, les Prix Lumières récompensent le cinéma français et francophone.  À l'image des Golden Globe Awards (auxquels un film français,  « The Artist », vient d’ailleurs de récolter 6 nominations ) décernés chaque année par l'Association de la presse étrangère de Hollywood, l'Académie des Lumières veut souligner le grand intérêt que porte au cinéma français la presse internationale.  Les Prix Lumières de la critique internationale sont attribués aux meilleurs films du cinéma français (ou francophone) de l’année précédente  par plus de 200 représentants de la presse internationale en poste à Paris.

    L'an passé "The Ghost Writer" de Roman Polanski et "Des Hommes et des dieux" de Xavier Beauvois avaient eu les honneurs de la cérémonie.

    Je me réjouis des 5 nominations (enfin 6..., cf la dernière nomination) pour "The Artist", après ses 6 nominations aux Golden Globes, pour moi incontestablement le film français de cette année...(retrouvez mon dossier spécial, ici: http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/08/28/avant-premiere-critique-de-the-artist-de-michel-hazanavicius.html   ) . Je vous laisse découvrir les autres nominations qui me semblent reflèter la diversité du cinéma français et cette année riche de succès et découvertes. Y figurent également en bonne place "Le Havre", "Polisse", "L'Exercice de l'Etat", "L'Apollonide" (6 nominations!) et un peu moins "Intouchables" (ce qui n'est pas pour me déplaire...). Souligné en rouge, mon propre vote.

     Vous pourrez retrouver le compte-rendu de cette cérémonie sur inthemoodforcinema.com mais également sur mon nouveau blog http://inthemoodlemag.com .

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    MEILLEUR FILM
    L’Apollonide - Souvenirs de la maison close de Bertrand BONELLO
    The Artist de Michel HAZANAVICIUS
    L’Exercice de l’Etat de Pierre SCHOELLER
    Le Havre de Aki KAURISMAKI
    ... Intouchables de Eric TOLEDANO, Olivier NAKACHE

    MEILLEUR REALISATEUR
    Bertrand BONELLO pour L’Apollonide
    Michel HAZANAVICIUS pour The Artist
    Aki KAURISMAKI pour Le Havre
    MAIWENN pour Polisse
    Pierre SCHOELLER pour L’Exercice de l’Etat

    MEILLEUR SCENARIO
    Bertrand BONELLO pour L’Apollonide
    Robert GUEDIGUIAN, Jean-Louis MILESI pour Les Neiges de Kilimandjaro
    Michel HAZANAVICIUS pour The Artist
    MAIWENN, Emmanuelle BERCOT pour Polisse
    Pierre SCHOELLER pour L’Exercice de l’Etat

    MEILLEURE ACTRICE
    Bérénice BEJO dans The Artist de Michel Hazanavicius
    Catherine DENEUVE, Chiara MASTROIANNI dans Les Bien-Aimés de Christophe Honoré
    Valérie DONZELLI dans La Guerre est déclarée de Valérie Donzelli
    Marina FOIS, Karin VIARD dans Polisse de Maïwenn
    Clotilde HESME dans Angèle et Tony d’Alix Delaporte


    MEILLEUR ACTEUR
    Jean DUJARDIN dans The Artist de Michel Hazanavicius
    Olivier GOURMET dans L’Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller
    Joey STARR dans Polisse de Maïwenn
    Omar SY dans Intouchables d’Eric Toledano, Olivier Nakache
    André WILMS dans Le Havre d’Aki Kaurismäki

    MEILLEUR ESPOIR FEMININ
    Alice BARNOLE dans L’Apollonide de Bertrand Bonello
    Adèle HAENEL dans L’Apollonide de Bertrand Bonello
    Zoé HERAN dans Tomboy de Céline Sciamma
    Céline SALLETTE dans L’Apollonide de Bertrand Bonello
    Anamaria VALTOROMEI dans My Little Princess d’Eva Ionesco

    MEILLEUR ESPOIR MASCULIN
    Grégory GADEBOIS dans Angèle et Tony d’Alix Delaporte
    Guillaume GOUIX dans Jimmy Rivière de Teddy Lussi-Modeste
    Raphaël FERRET dans Présumé coupable de Vincent Garinq
    Denis MENOCHET dans Les Adoptés de Mélanie Laurent
    Mahmoud SHALABY dans Les Hommes libres d’Ismaël Ferroukhi

    MEILLEUR FILM FRANCOPHONE (hors de France)
    Curling de Denis COTE (Canada)
    Et maintenant, on va où de Nadine LABAKI (France, Liban, Italie)
    Incendies de Denis ViLLENEUVE (Canada)
    Le gamin à vélo de Jean-Pierre DARDENNE, Luc DARDENNE (Belgique, France, Italie)
    Les géants de Bouli LANNERS (Belgique, Luxembourg, France)

    Une mention TRES SPECIALE pour l’acteur-chien dans The Artist
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  • César 2012: de nouveaux changements dans le règlement...

    Depuis 3 ans, vous pouvez suivre les César en direct sur ce blog , c’est pourquoi j’ai décidé d’y consacrer ici une rubrique dans laquelle vous pourrez retrouver toutes les informations concernant la cérémonie 2012 (ainsi que sur mon nouveau blog http://inthemoodlemag.com ). Nous venons ainsi d’apprendre que le nombre de nominations passera de 5 à 7 dans 3 catégories: meilleur(e) réalisateur(trice), meilleur acteur, meilleure actrice. Voilà qui promet un beau générique pour la cérémonie au regard de la qualité des films présentés cette année.

    En attendant d’en savoir plus, retrouver mes reportages sur la Cérémonie 2010 et sur la Cérémonie 2011:

    -http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/02/26/palmares-commente-des-cesar-2011-et-compte-rendu-detaille-de.html 

    -http://www.inthemoodforcinema.com/cesar-2010/

    Lien permanent Imprimer Catégories : CESAR 2012 Pin it! 0 commentaire
  • Une nouvelle publiée sur My Major Company Books

    Je vous parlais la semaine dernière de My Major Company Books, site d’édition et de partage de textes sur lequel avait été publiée ma chronique « Qu’est-ce qu’un bon livre? » que vous pouvez retrouver ici: http://inthemoodlemag.com/2011/12/13/ma-chronique-sur-my-major-company-books-quest-ce-quun-bon-livre/.

    Depuis 15 jours, le site a mis en place un Calendrier de l’Avent dont le principe est expliqué ci-dessous (cliquez sur la photo tout en bas de cet article pour lire le règlement).

    Comme ma nouvelle écrite pour l’occasion intitulé « Un cadeau inestimable » a été sélectionnée et publiée par le site aujourd’hui (vous pouvez la retrouver ici: http://www.mymajorcompanybooks.com/#!/news(286/blog_post_id/8162  ), c’est pour moi l’occasion aujourd’hui d’initier cette nouvelle rubrique consacrée à l'écriture sur http://inthemoodlemag.com  dans laquelle vous pourrez lire quelques-unes de mes nouvelles: http://inthemoodlemag.com/category/ecritures/ . J’ai une vraie passion pour ce genre littéraire parfois méconnu ou mésestimé qui se définit en général comme étant un texte court se caractérisant par une chute. En écrire est pour moi une vraie jubilation (ce que je fais depuis un petit moment maintenant avec parfois quelques nouvelles sélectionnés dans des concours), j’ai donc décidé d’en publier de temps à autre sur http://inthemoodlemag.com  en espérant qu’elles vous feront réagir.

    Et si vous voulez soutenir mon projet mis en ligne sur le site My Major Company Books ( et qui me tient particulièrement à coeur) et m’aider à être publiée (un recueil de 13 nouvelles sur le cinéma au sujet duquel vous pourrez en savoir plus, ici:  http://www.mymajorcompanybooks.com/#!/meziere ), inscrivez-vous comme fan sur ma page My Major Company Books en question  et n’hésitez pas à commenter:

    Rendez-vous très prochainement pour une autre nouvelle publiée sur http://inthemoodlemag.com !

    Lien permanent Imprimer Catégories : ACTUALITE D'AUTEURE (2) Pin it! 0 commentaire
  • Critique de « La Délicatesse » de David et Stéphane Foenkinos : LE film de cette fin d'année à ne pas manquer

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    Il y a deux ans, dans le cadre du jury des lectrices de Elle dont je faisais partie, je découvrais « La Délicatesse », le roman de David Foenkinos en lice pour le prix et dont le film éponyme est l’adaptation signée par ce dernier et Stéphane Foenkinos. Je découvrais aussi l’écriture fantaisiste, précise et délicate de David Foenkinos (oui, je l’avoue, il m’a fallu attendre son 8ème roman pour cela) après avoir  remarqué la présence joliment discrète de l’auteur quand d’autres se mettaient en avant avec une ridicule et présomptueuse ostentation, lors d’un débat dans le cadre de feu Forum International Cinéma et Littérature de Monaco. Bien qu’ayant obtenu dix prix littéraires, « La Délicatesse » (à mon grand regret) n’avait pas reçu celui des lectrices de Elle...mais cela ne l’a pas empêché d’en vendre 700000 exemplaires et d’être traduit dans 21 pays...et c’est particulièrement rassurant. Rassurant de voir que pour cela il n’aura fallu ni faire voyager le lecteur dans le temps, ni lui raconter des histoires rocambolesques improbables, ni faire preuve d’un cynisme vengeur et racoleur, ni recourir à un style même pas digne d’un scénario avec deux phrases par page (vous voyez à qui je songe ?).  Un livre dont l'auteur ose l'intituler « La Délicatesse » dans une société (pas seulement littéraire) souvent brutale qui prône et glorifie plutôt le cynisme, cela force déjà le respect. A l’encontre d’une société qui veut qu’une pensée se résume à 140 caractères d’exagération ou de mauvaise foi (ah, twitter, mon amour…), ou qu’une personne soit appréhendée et jugée en quelques secondes, le temps d’un regard scrutateur et sentencieux.

    « C’est l’histoire d’une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise ». Ainsi était résumé ce roman. C’est l’inverse aussi. L’histoire d’un homme qui va être surpris par une femme. Réellement surpris. Et c’est surtout l’histoire de Nathalie (Audrey Tautou), une jeune femme qui a tout pour être heureuse, jeune, belle, insouciante, amoureuse de François (Pio Marmaï) qui avait décidé de la séduire parce qu’elle avait choisi un jus d’abricot, ou à peu près. Ils se marièrent et n’eurent pas le temps d’avoir beaucoup d’enfants car François décède brutalement. Tout pourrait s’arrêter là. D’ailleurs, pour elle le temps s’est arrêté, le jour où la lecture de son livre a été interrompue par la mort de François, mais après le deuil va venir le temps de la renaissance, là où et comme on ne l’attendait pas : un jour, sans raison, un peu perdue dans ses rêveries, elle embrasse un de ses collègues, l’insignifiant Markus (François Damiens)...enfin a priori insignifiant. Va alors naitre l’idée de ce couple improbable…

    Pas facile de transcrire à l’écran ce qui faisait en partie le charme du roman : l’écriture sensible, à la fois pudique et sensuelle, de David Foenkinos, une écriture émaillée d'une réjouissante fantaisie (aphorismes, digressions aussi savoureuses que décalées) qui faisait de ce roman une passionnante histoire autant qu'une aventure ludique pour le lecteur que Foenkinos, avec, décidément, une délicatesse quasiment amoureuse, n'oubliait jamais, ce qui n'est finalement pas si courant...

    « La Délicatesse » est un film à l’image de son personnage principal : d’apparence simple, discret, grave et triste, il se révèle gai, d’une lucidité joyeuse, tendre, et il vous charme d’une manière totalement inexplicable. Le charme des rencontres impromptues, improbables, inattendues. Les plus belles. Et ce n’était pas gagné d’avance. Il faut voir la première apparition de face de Markus, au bout de trente minutes de film (on aperçoit son dos et ses mains lors d’une réunion auparavant mais son visage reste invisible, insignifiant) avec son physique peu évident, son allure débraillée, son assurance hasardeuse. Le jeu du comédien est tel, remarquable François Damiens qui se glisse dans la peau du personnage avec une apparente facilité déconcertante (aidé par la réalisation), que le spectateur finit (presque) par le trouver séduisant, par être charmé à son tour, et en tout cas par comprendre le charme qu’il opère sur Nathalie. Il apparaît comme un personnage aussi lunaire que solaire, grâce à une photographie bienveillante, qui auréole la deuxième partie du film d’une douceur rassurante (très belle photographie de Rémy Chevrin) mais aussi grâce à la douce et énergique bo d’Emilie Simon.

    C’est sans doute cela la délicatesse : une sensation indicible, des petits gestes qui vous vont droit au cœur, une empathie du personnage qui emporte celle du spectateur et qui m’a totalement charmée. Par sa fantaisie (celle du roman qui se retrouve par petites touches). Par son mélange subtil de gravité et légèreté. Par sa manière d’appréhender le deuil et de célébrer le retour à l’espoir, à la vie.

    Dommage peut-être que Markus ne parle pas davantage puisque dans le roman, le charme opérait surtout par la parole. Il n’empêche que ce film est d’une douceur aussi simple que renversante. Audrey Tautou est l’actrice idéale pour incarner Nathalie. A la fois fragile et décidée, entre détermination énergique et une grâce enfantine qui me fait toujours penser à Audrey Hepburn. Une actrice trop rare qui jongle habilement entre le drame et la comédie, à l’image du film qui mêle subtilement les deux genres.

    Un bel hymne à la différence. Un film qui rend hommage aux anonymes, héros du quotidien, ces « émotifs anonymes » (on retrouve d’ailleurs une sensibilité commune avec celle de Jean-Pierre Améris), ces êtres vulnérables qui se découvrent plus qu’ils ne se remarquent mais qui n’en sont que plus intéressants. Avec le même sens de la précision et de l’humour décalé (ah, les joies de la Suède et du 114), avec ces mêmes accents truffaldiens, David et Stéphane Foenkinos réussissent non pas à transposer mais à retranscrire le style enchanteur du roman, son romantisme décalé et dénué de mièvrerie.

    Un délicieux film d’une gravité légère à déguster sans modération, l’histoire d’une renaissance lumineuse qui fera du bien tous ceux qui ont été touchés par le deuil, à tous ceux qui ne croient plus à la beauté foudroyante des hasards et coïncidences et des rencontres singulières, qui ne croit plus que le bonheur réside là où on ne l’attend pas. Voilà ce film m’a totalement charmée, aussi rare (et précieux) que la délicatesse qu’il met en scène, avec le même charme progressif et non moins ravageur. Une des grandes réussites de cette année !

    Retrouvez également cette critique à la une de mon autre blog http://inthemoodlemag.com

    Sortie en salles: le 21 décembre 2011

     
    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2011/2012 Pin it! 0 commentaire
  • Critique de "A l'origine" de Xavier Giannoli, ce soir, à 20H40, sur Ciné + club

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     A l’origine, il y avait un film beaucoup trop long que j’avais vu à Cannes où il figurait en compétition officielle, mais malgré cela très séduisant. Depuis, le film a été amputé de 25 minutes, c’est la raison pour laquelle je souhaitais le revoir, en espérant que ces 25 minutes en moins lui feraient gagner en rythme.

     

    L’histoire est toujours la même que celle du film projeté à Cannes. Celle de Philippe Miller (François Cluzet), un escroc solitaire  qui découvre un chantier d’autoroute abandonné depuis des années, tout cela à cause d’un scarabée ! De l’arrêt des travaux avait découlé une véritable catastrophe  économique pour les habitants de la région. Si pour Philippe il s’agit d’une chance de réaliser une escroquerie aussi improbable qu’inédite en reprenant les travaux, pour les habitants de la région, il est le messie (c’est d’ailleurs ce qui lui dira le maire de la ville à son arrivée), celui qui va leur redonner espoir.  Les choses se compliquent quand Philippe prend conscience de l’importance considérable que prend son escroquerie dans la vie de ces gens surtout que dans le même temps, son passé va le rattraper.

     

    Mettons tout de suite fin au suspense : ce nouveau montage est une incontestable réussite…même si pour cela il a fallu sacrifier certains personnages (et dans le même temps certains comédiens qui ont vu leurs rôles réduits ou supprimés comme l’ex-femme de « Philippe Miller », en réalité son pseudonyme). Ce que le film perd en minutes, le personnage interprété par François Cluzet le gagne en mystère,  en densité, en intérêt, en épaisseur, en charme ; et le film également. Ce montage radicalisé fait revenir à l’essentiel,  à l’être, à ce que l’homme était « à l’origine », à cette vérité humaine que la caméra de Xavier Giannoli, une nouvelle fois, capte avec une grande sensibilité, en filmant au plus près des visages, au plus près de l’émotion, au plus près du malaise. Et même quand il filme ces machines, véritables personnages d’acier, il les fait tourner comme des danseurs dans un ballet, avec une force visuelle saisissante et captivante. Image étrangement terrienne et aérienne, envoûtante. La musique de Cliff Martinez achève de rendre poétique ce qui aurait pu être prosaïque. Une poésie aussi inattendue que la tournure que prend cette histoire pour Philippe Miller qui va finalement vivre les choses plutôt que les prévoir.

     

     A l’origine, il y avait aussi ce besoin de ne pas être seul, et surtout d’être considéré. Philippe devient quelqu’un et dans le regard des autres, il prend toute la mesure de sa soudaine importance. A l’origine il y avait un scarabée. Un homme qui aurait pu aussi être ce scarabée. Là pour détruire puis, par la force des choses et des rencontres, pour aider.

     

    Il faut voir avec quel brio François Cluzet interprète cet être mal à l’aise, introverti, peu bavard, qui peu à peu va gagner en confiance. Le malaise de son imposture le dépasse, et les traits de son visage, ses gestes, tout semble témoigner de son tiraillement intérieur. Et dans cette scène où il se retrouve face au conseil municipal, son malaise est tellement palpable, crédible, que je l’ai ressenti comme si j’étais moi aussi dans cette pièce, prise dans un étau de mensonges. Et puis, il faut voir son visage s’illuminer éclairé par un soleil braqué sur lui comme un projecteur braqué sur celui dont le pouvoir est devenu quasiment démiurgique ; il faut le voir aussi patauger dans la boue en frappant dans ses mains, exalté, le voir tomber, se relever, aller au bout de lui-même pour les autres. Ce mensonge va l’étouffer, puis, le porter, puis l’enchaîner, pourtant il aura conquis un territoire, planté son drapeau.

     

    Face à lui: le maire de la ville interprété avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Devos qui dissimule sa solitude et ses blessures derrière une belle assurance.   Tous deux, comme tous les habitants du village, vont avoir une seconde chance, tout reprendre du départ, de l’origine.

     

    Cette route qui va nulle part va les mener quelque part, à vivre une aventure humaine à se créer une famille (formidable Vincent Rottiers dans le rôle du « fils de substitution »).

     

     C’est aussi une belle métaphore du cinéma et du métier de comédien qui est finalement aussi une imposture, qui fait devenir quelqu’un d ‘autre, fabriquer un chemin, un univers qui ne mène pas forcément quelque part mais reste, là aussi, une belle aventure humaine.

     

    Ce film est avant tout un portrait d’homme touchant, énigmatique et dense qui, porté par un acteur au sommet de son art, nous emporte totalement  dans son aventure aussi improbable soit-elle (et pourtant inspirée d’une histoire vraie s’étant déroulée en 1997 dans la Sarthe), dans ses mensonges, dans ses contradictions, dans sa conquête. 

     

     Et ce nouveau montage a su faire d’un bon film un très beau film qui nous faire revenir à l’essentiel. A l’origine. Nous fait croire à l’impossible. A une seconde chance. Aux routes qui ne mènent nulle part.  A ce que le cinéma lui aussi était à l’origine : un mensonge exaltant qui peut nous faire croire que tout est possible. Même si la réalité, un jour ou l’autre, finira par reprendre ses droits.

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