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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 578

  • "Mon Festival du cinéma" sur France 5

    medium_bloguebis.jpgAprès un article dans Ouest-France il y a quelques jours, et après l'interview pour France Info en direct de Cannes, l'émission "Le journal du blogue" sur France 5 consacrera aujourd'hui un reportage à "Mon Festival du cinéma" et diffusera une interview réalisée au cinéma "le Saint Germain des Prés".

    L'émission passera sur France 5 à 12H25, ce dimanche 21 Mai. Elle est également disponible sur le site internet de l'émission pendant une semaine à compter d'aujourd'hui.

    Vous pouvez également retrouver un article consacré à "Mon Festival du cinéma" sur le site internet de l'émission à ce sujet : voir l'article de France 5 au sujet de mon Festival du cinéma .

    Sandra.M

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  • Cérémonie d'ouverture et premier jour de la compétition cannoise.

    « Ce qu’il faut éviter c’est le syndrome de la cage d’escalier. Dans les réunions de copropriété, certains veulent la repeindre en rouge, d’autres en bleu et finalement on repeint la cage d’escalier en beige, ce qui ne satisfait personne. Moi je ne veux pas qu’on récompense un film, mais celui qui aura les plus belles couleurs » a déclaré le toujours caustique réalisateur Patrice Leconte lors de la conférence de presse du jury dont il est membre.

     Si aux prémisses du festival, malgré les premières rumeurs qui commencent déjà à courir et à enfler, on ignore encore quelles seront les couleurs du choix du jury, en revanche cette première journée du festival aura déjà été intense, colorée, bigarrée. A Cannes, on adore ou on abhorre, tout est blanc ou noir mais rien n’est jamais terne ou en demi-teinte. Tout est toujours amplifié, exagéré, démesuré à l’image du marketing hégémonique qui a accompagné le film d’ouverture : le surmédiatisé Da Vinci Code de Ron Howard.

    A peine arrivée à la gare Cannes, me voilà déjà plongée dans l’ambiance avec les panneaux publicitaires rappelant l’arrivée de l’Eurostar modestement baptisé Da vinci Code puis  je découvre l'immense pyramide ornant  la plage (défigurant serait plus juste, oui Cannes est savamment défigurée pendant le festival) destinée à la soirée ayant coûté la tout aussi modeste somme de 1 millions d’euros . Devant les marches une religieuse prie en signe de protestation. Bienvenue dans l’étrangeté cannoise.

     

    Vient ensuite l’heure de la cérémonie d’ouverture plutôt monotone (on aurait tellement aimé voir surgir Vanessa Paradis et Jeanne Moreau entonnant Le tourbillon de la vie) pour la première fois présentée par un homme devenu selon ses propres termes « maîtresse de cérémonie », en l’occurrence le polyglotte Vincent Cassel. Si le palmarès du festival a souvent eu, à plus forte raison ces dernières années, des résonances politiques, en revanche les cérémonies d’ouverture aux accents politiques sont plus inhabituelles. Alors que ce même jour l’Assemblée Nationale votait le projet de loi Sarkozy sur l’immigration, Vincent Cassel a ainsi fait l’éloge de la France multiculturelle et de ce melting pot filmique qu’elle accueille et célèbre chaque année sur la Croisette. Puis, après la présentation du jury, et un air d’opéra italien, le festival fut déclaré ouvert par Sydney Poitier ovationné par les festivaliers.

    Ensuite, place à l’adaptation du best seller de Dan Brown précédée de la réputation de « comédie malgré elle » lors de la projection presse ayant devancé celle de l’ouverture. Peut-être est-ce la candeur du festivalier débarquant ravi de n’être qu’aux balbutiements de ce festival pourtant bientôt sexagénaire, peut-être ai-je été hypnotisée par cette publicité omniprésente, peut-être finalement ce Da Vinci code se laisse-il regarder, en tout cas il a réussi malgré tout à me tenir éveillée. J’ignore d’ailleurs encore pourquoi et comment. Ce n’est certes pas le jeu, inhabituellement affligeant de Jean Reno. Ce n’est certes pas la réalisation laborieuse de ce film aux allures de série B malgré un budget pharaonique. Ce n’est certes cette chasse au trésor mystique dont la conclusion a provoqué l’hilarité générale. Peut-être est-ce la fascination pour l'étrange Paul Bettani. Peut-être est-ce Audrey Tautou qui y met toute son énergie, finalement la seule à être convaincante et à être apparemment convaincue d’être la descendante de Jésus et Marie-Madeleine, voilà qui devrait ravir notre manifestante silencieuse du bas des marches.  Toujours est-il qu’à défaut d’être tenue haleine j’ai été tenue éveillée donc.

     

     Finalement la véritable quête qui m’a tenue en haleine n’a pas été celle du Graal mais celle des Irlandais du Vent se lève dont les velléités d’indépendance sont réprimées par les redoutables Black-and-Tan, troupes anglaises envoyées par bateaux entiers, premier film de la compétition qui nous rappelle l’engagement du réalisateur de Land and freedom, Ken Loach. Fidèle à son penchant pour les films de société ou politiques, Ken Loach retrace le combat de ces Irlandais oppressés dont certains deviendront eux-mêmes oppresseurs de ceux avec lesquels ils combattaient.  Dans ce film intelligemment âpre deux frères qui se battaient pour la même cause vont en effet pousser jusqu’à l’extrême le patriotisme, la soif de liberté, de victoire aussi, l’orgueil également, finalement. Ils vont symboliser l’absurdité de la guerre, pas seulement celle-là bien évidemment, celle-ci pouvant être tout autre, ces deux frères pouvant être deux nations d'hier ou d'aujourd’hui, d'Irlande ou d'ailleurs. Par sens du devoir et amour de son pays Damien abandonne ainsi sa jeune carrière de médecin et rejoint son frère Teddy dans le dangereux combat pour la liberté. Alors que la détermination des insurgés mène les Britanniques dans l’impasse, les deux parties conviennent d’un traité pour mettre fin aux effusions de sang. Mais cette apparente victoire divise les Irlandais qui luttaient jusque là côte à côte et déclenche une guerre civile : des familles se déchirent et des frères comme Teddy et Damien deviennent ennemis… En défendant leur humanité, leur identité, avec passion, ferveur presque, ces deux frères vont symboliser l’inhumanité que la guerre engendre. Ken Loach ne juge pas, ne prend parti pour aucun des deux camps. Un film profondément sombre, poignant, désespéré, mais aussi un appel à la raison que la guerre ne connaît pas, plus convaincant que n’importe quel discours pacifiste, qui évoque l’absurdité de la guerre en poussant jusqu’à l’extrême la folie qui s'empare de ceux qui la provoquent même initialement remplis de bonnes intentions.  Et c'est là que la démonstration est implacable, la victime pour laquelle le spectateur s'était pris de sympathie devient le bourreau sous nos yeux effarés. Un film dans la lignée des palmes d’or récentes qui mériterait sans nul doute de figurer au palmarès même si les acteurs semblent toujours un peu à distance du drame qui se joue sous nos et leurs yeux et auquel le spectateur lui ne peut être insensible. Peut-être étaient-ce là d’ailleurs les directives du réalisateur pour renforcer cette impression d’inhumanité jusqu’à la déchirante scène finale de celle qui n’a plus que ses yeux pour pleurer, impuissante comme ceux entrainés dans ce tourbillon de folie.

     

     Mais peut-être Wong Kar Wai, premier président chinois du jury cannois, sera-t-il plus sensible au film suivant de la compétition, celui de son compatriote Lou Ye Summer Palace qui nous embarque avec lui, en 1989, dans les tourments de l’Histoire, de la place Tien An Men au mur de Berlin mais aussi dans ceux du cœur de la jeune héroïne auxquels il font écho. D’Histoire et de passion il est donc aussi question. Celle de deux jeunes amoureux qui vivent une relation d’amour haine complexe dans un pays soumis aux troubles et à l’instabilité politique. Leur relation tourne au jeu dangereux alors qu’autour d’eux les autres étudiants commencent à manifester exigeant la liberté et la démocratie. Dommage que la musique omniprésente et que la pluralité de thèmes altèrent les qualités de ce film qui possède pourtant une troublante mélancolie. La fin nous fait ainsi oublier les longueurs certaines (un prégénérique de 20 minutes) portant à son paroxysme ces illusions mortelles qui entraînent les deux amoureux,( très loin moralement et physiquement d'ailleurs) sublimant le film comme elles ont sublimé la vie des protagonistes et nous faisant oublier les maladresses. Une fin qui vous poursuit longtemps et qui devrait plaire aux inconditionnels de Sur la route de Madison bien que ces deux films soient très différents, la relation  amoureuse était aussi suggérée dans l'un qu'elle est montrée dans l'autre! Lou Ye n’a pas non plus hésité à filmer des scènes d’amour de façon crue, du moins est-ce une rareté pour un film chinois, d’ailleurs la version cannoise est différente de celle soumise à la censure du pays. Des scènes qui symbolisent le désir, le désir de liberté surtout, la perte de repères que l’Histoire et la passion intimement liées engendrent. On se souvient alors des premières paroles du film de « l’amour qui surgit comme le vent qui se lève un soir d’été. » Après ses tourments la passion laisse place à une nostalgie poétique et cette fois c’est le spectateur qui succombe…. Hao Lei qui interprète l’héroine Yu Hong n’y est pas étrangère et pourrait prétendre à un prix d’interprétation féminine…

     

    Place enfin à un peu de légèreté, du moins aurait-on pu le croire, avec l’ouverture d’un Certain Regard avec un film au titre en forme de déclaration d’amour Paris je t’aime dont on nous présente ce soir la...81ème version après que le film ait bien failli ne jamais être projeté en raison d'un désaccord au sein de la production. La projection  est précèdée de la présentation de l’équipe du film sur scène en l’occurrence les équipes des 18 films (18 courts métrages se déroulant chacun dans un arrondissement de Paris) donnant lieu à un plateau prestigieux avec notamment Hypolyte Girardot, Gena Rowlands, Ludivine Sagnier, Gus Van Sant, Alexander Payne, Fanny Ardant, Gurinder Chada, Juliette Binoche, Bruno Podalydès…et tant d’autres qui ont rendu la grande scène du théâtre Debussy trop petite pour tous les contenir sans oublier évidemment le maire de Paris, mais également dans la salle un ancien Ministre de la Culture, candidat à la candidature pour la présidentielle dont certains croient qu’il l’est toujours , (confusion qui ne semble pas lui déplaire) et qui s'est d'ailleurs offert aujourd'hui un bain de foule sur la Croisette. Mais revenons à Paris, et nous voilà donc partis pour une promenade romantique dans ses rues somptueuses, dangereuses, amoureuses. Du moins est-ce ce que nous aurions pu croire mais la plupart des réalisateurs ont savamment évité les clichés de carte postale pour nous livrer une ville Lumière parfois sombre, violente, en tout cas vivante, pas si aseptisée, comme les amours dont elle est le cadre. Pas forcément un amour lisse donc  mais un amour aussi tragique, vampirique, satirique, ludique… Paris vit, vibre, bouscule, exalte, provoque l’amour. Au fil des quartiers de Paris l’amour est mimé, malmené, révélé, maternel, perdu... Une œuvre riche et inégale., peut-être un peu tiède au regard d'un thème qui aurait pu permettre aux réalisateurs de se prêter à de nombreuses excentricités poétiques. Quelques films sortent réellement du lot. Indéniablement, à l'applaudimètre le film désopilant des frères Coen avec Steve Buscemi aura recueilli le plus des suffrages des festivaliers, festivaliers qui parfois n’applaudissent pas du tout au dénouement de certains courts comme celui d'Olivier Assayas. Violence cannoise. Abhorrer ou adorer vous disais-je. Pas d’autre alternative. D’autres films étaient pourtant réussis comme celui  d'une belle ironie nostalgique, du tandem Auburtin/ Depardieu avec Gena Rowlands. Remarquable également le film mettant en scène  une actrice et un aveugle dans Faubourg Saint-Denis de Tom Tykwer ou encore l'amour de mimes si poétiques aux accents "Tim Burtoniens", désarmants et désarmés, avec Yolande Moreau…et l’amour pour Paris, le seul dans l’hilarant 14ème arrondissement d’Alexander Payne. Ou encore l’amour selon Oscar Wilde, sur sa tombe au Père Lachaise dans le film de Wes Craven. Dommage que Woody Allen qui avait si bien su filmer Paris dans Tout le monde dit I love you n’ait finalement pas fait partie de l’aventure ! Dommage aussi que les transitions n’aient pas été plus habiles , la fin nous donne une ébauche de ce qu’elles auraient pu être… Peut-être faudra-t-il attendre la 82ème version… Etrange que la ville dans laquelle se déroule le plus grand nombre de tournages n’ait pas été mieux et davantage filmée (dans la plupart des courts métrages Paris est quasiment absente!) surtout dans un film qui se proclame déclaration d'amour dans et à la capitale, comme si les réalisateurs avaient eu peur de s'y hasarder, de s'y confronter, comme si leur amour pour Paris les avait aveuglés, effrayés… Bref, un film qui ne tient pas toujours les promesses de sa déclaration initiale, un peu trop frileux,... mais qui vous permettra de faire une agréable et divertisssante promenade dans ses quartiers incitateurs à la rêverie et aux déclarations enflammées.

     

    A suivre demain, mes critiques des films vus vendredi et samedi : la leçon d’actrice de la mythique Geena Rowlands (photo ci-contre) , Fast food nation, Volver déjà évoqué comme potentielle Palme d'or, Red road et  surtout mon deuxième coup de cœur après le film de Ken Loach dont j'ai hâte de vous parler : Selon Charlie de Nicole Garcia.

     

    Même si mes critiques sont publiées avec un léger décalage, comme prévu tous les films de la sélection officielle seront critiqués sur ce blog et  vous pourrez  bientôt  retrouver de nombreuses anecdotes sur le festival mais aussi des photos inédites!

     

    Aujourd'hui sur France 5, à 12h25 retrouvez mon festival du cinéma. Pour voir l'article de France 5 à ce sujet, cliquez ici.

     

    Sandra.M

     

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  • Patience!

    Suite à quelques difficultés pour accéder à internet, le premier article concernant ce festival va prendre un peu de retard mais revenez très bientôt sur ces pages pour y retrouver, comme prévu, mes commentaires sur le film d'ouverture, le très médiatisé Da Vinci Code, ainsi que sur les deux premiers films de la compétition Le vent se lève de Ken Loach et Summer Palace de Lou Ye, mais aussi sur le film d'ouverture de la section Un Certain Regard Paris, je t'aime...et toutes les rumeurs qui parcourent déjà la Croisette!

    Pour patienter une première photo inédite, celle d'Alain Delon et de la maquette du décor d'Astérix  -dont le tournage commence très bientôt-  présentée par ce dernier (Alain Delon, pas Astérix) sur le plateau du Grand Journal de Canal Plus...

    En m'excusant pour ce léger contre temps. A très bientôt  (au plus tard demain soir) sur "Mon festival du cinéma" pour un compte-rendu digne de ce nom.

    En attendant les miens n'hésitez pas à laisser vos commentaires sur cette première journée festivalière!

    Cinématographiquement vôtre.

    Sandra.M

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  • "Mon festival du cinéma" en direct de Cannes, J-1!

    Alors que la Croisette déroule son tapis rouge et s'enorgueillit déjà depuis plusieurs jours de ses allures de centre du monde (du monde cinématographique, elle le sera en tout cas du 17 au 28 Mai), je vous invite à revenir sur ce blog le 17 Mai, date à partir de laquelle y sera publié un compte-rendu quotidien avec des critiques des films en Sélection Officielle mais aussi des sections parallèles.

    Vous pourrez également me lire notamment sur Idea Entertainment sur lequel vous trouverez de surcroît de nombreux autres regards sur ce festival, mais aussi sur Agoravox ou Pro Festivals.

    Vous pourrez par ailleurs retrouver "Mon festival du cinéma" dans l'émission Le Journal du blogue, sur France 5, le dimanche 21 Mai à 12H30.

    Pour d'autres regards sur ce festival de Cannes,  sa vie diurne...et nocturne, je vous invite également à consulter les liens situés dans la colonne de gauche.

    Pour toutes les informations officielles, je vous renvoie au site officiel du festival de Cannes.

    En attendant retrouvez toute la sélection du festival et mon compte-rendu du festival de Cannes 2005.

    Sandra.M

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  • Derniers échos avant le tumulte cannois

    Voici les dernières informations concernant le festival de Cannes 2006. Pour connaître le reste de la programmation vous pouvez consulter la rubrique "Festival de Cannes 2006 " de ce blog. 

     Composition du Jury Un Certain Regard

     Président : Monte HELLMAN (Réalisateur et Producteur - Etats-Unis)

    Marjane SATRAPI (Auteur / dessinateur - Iran) Laura WINTERS (Journaliste - Etats-Unis) Maurizio CABONA (Journaliste - Italie) Jean-Pierre LAVOIGNAT (Journaliste - France) Lars-Olav BEIER (Journaliste - Allemagne)

    Ce jury devra décerner, lors de la séance de clôture, samedi 27 mai, le Prix Un Certain Regard - Fondation Gan, attribué au meilleur film ainsi que deux autres prix parmi les films de la sélection 2006 du Certain Regard.

     L'année dernière, le prix Un Certain regard a été attribué au film de Cristi Puiu, La Mort de Monsieur Lazarescu.

    Composition du Jury Caméra d'Or

     Présidents : Jean-Pierre et Luc DARDENNE (Réalisateurs - Belgique)

    Jean-Paul SALOME (Réalisateur - France) Luiz Carlos MERTEN (Critique, Brésil) Frédéric MAIRE (Festival de Locarno - Suisse) Jean-Louis VIALARD (Directeur de la photographie AFC - France) Alain RIOU (Critique - France) Natacha LAURENT (Cinémathèque de Toulouse - France) Jean-Pierre NEYRAC (Technicien - France)

    La Caméra d'Or, fondée en 1978 par Gilles Jacob, est attribuée au meilleur premier film présenté en Sélection officielle, à la Semaine de la Critique ou à la Quinzaine des réalisateurs. En 2006, le nombre de premiers films, entre la Sélection officielle et les sections parallèles, se révèle plus important que les années précédentes, témoignant de la forte présence de la jeune création.

    En 2005, la Caméra d'Or a été décernée conjointement à Sulanga Enu Pinisa (La Terre Abandonnée) de Vimukthi Jayasundara (Un Certain Regard) et Me and You and Everyone we Know (Toi, Moi et tous les Autres) de Miranda July (Semaine de la Critique), un film que je vous recommande et dont vous pouvez retrouver la critique dans la rubrique "Festival du film américain de Deauville 2005" de ce blog.

     En Sélection officielle hors compétition, le Festival accueillera une projection spéciale de Clerks 2 de Kevin Smith, le vendredi 26 mai à 0.30 en salle Debussy.

    Sandra.M

     

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  • Le quai des Brumes : la poésie désenchantée de Prévert et Carné

                 Mes analyses de classiques du septième art disponibles en DVD se poursuivent. Après Le jour se lève, le Quai     des  Brumes, un film de 1938 du même Marcel Carné .    Du Quai des Brumes , vous connaissez très certainement la cultissime réplique de Gabin à Morgan "T'as de beaux yeux tu sais" qui immortalisa ce film. Le Quai des Brumes est pourtant beaucoup plus qu'une réplique...   

                    Le Quai des brumes : un cinéma du désenchantement

    Avant même d’en dépeindre l’atmosphère le synopsis du Quai des brumes laisse déjà entrevoir le pessimisme qui émane de ce film et qui suffira à certains pour le qualifier de « film manifeste » du réalisme poétique.

    Le sceau de la fatalité

    Un déserteur de la coloniale Jean (Jean Gabin), arrive au Havre en espérant s’y cacher avant de partir à l’étranger. Dans la baraque du vieux Panama (Edouard Delmont)où il trouve refuge grâce à un clochard, il rencontre le peintre fou Michel Krauss(Robert Le Vigan) et une orpheline : Nelly(Michèle Morgan) .Cette dernière vit chez son tuteur Zabel (Michel Simon), qui tente d’abuser d’elle. Au moment où Jean se croit sauvé, un destin tragique va l’emporter, malgré la passion de Nelly et sa nouvelle envie de vivre.

    Le quai des brumes est une adaptation du roman de Pierre Mac Orlan de 1928 qui se déroule à Montmartre en 1900. Les services de propagande de la UFA jugent le sujet du film décadent et font savoir qu’il n’est pas souhaitable de le tourner. Le film devait en effet être tourné en Allemagne dans le cadre des accords de coproduction franco allemande mais les censeurs d’outre Rhin effarouchés par le pessimisme du sujet refusèrent l’autorisation de tourner à Hambourg les scènes qui dans le roman se déroulaient à Montmartre. La ténacité de Gabin permettra néanmoins au projet d’aboutir et c’est d’ailleurs lui qui imposera le scénariste Prévert et le réalisateur Carné. Gabin avait refusé de jouer dans Jenny et avait été intrigué par Drôle de drame. Rabinovitch, le producteur qui reprend le projet, l’accepte sur le nom de Gabin sans même avoir lu le scénario. Il le lira à la veille du tournage et n’aura de cesse de répéter « c’est sale, c’est sale », n’aimant pas le projet, refusant même que son nom apparaisse au générique et insistant pour qu’il y figure lorsque le film connaîtra un triomphe : un triomphe aussi bien en salle où il sera applaudi à l’issue de sa première projection (fait rarissime)-au cinéma Marivaux le 18 mai 1938-, que chez les professionnels pusqu’il reçut le prix Louis Delluc 1939 et le Lion d’or à Venise. A l’exception de l’Humanité et de l’Action Française le film est également encensé par la presse. Mac Orlan lui-même dira aimer cette « version nettement désespérée ». Le projet parvint donc à se monter sans veto de la commission de censure, si ce n’est le Ministère de la guerre qui exigea tout de même que le mot « déserteur » ne soit jamais prononcé et que le héros plie soigneusement ses effets militaires au lieu de les jeter en vrac, au cours d’une scène où il doit les remettre au tenancier du cabaret. Le producteur essaiera d’obtenir d’autres coupures mais grâce à l’obstination de Carné la seule qu’il parvint à obtenir fut celle d’une scène où l’on devait voir Michel Krauss nu et de dos s’avancer dans la mer. Dans la version définitive, son suicide est seulement évoqué mais pas montré.

    Dès les premiers plans, le décor (finalement celui du Havre) est planté, l’atmosphère est caractérisée. Jean est un personnage taciturne, suivi par un chien abandonné tel un miroir de lui-même. L’inéluctabilité du malheur résulte bien sûr du récit mais avant tout des personnages : un peintre fou, un mauvais garçon jaloux et violent, Lucien(interprété par Pierre Brasseur), un tuteur qui convoite sa pupille, un déserteur . Le destin de chacun semble être tracé dès les premières minutes du film et voué à la tragédie et au drame. Le décor et son charme triste créé par la pluie et la brume et les dialogues de Prévert renforcent cette impression. Les dialogues sont ceux de personnage pessimistes, et même davantage : désenchantés. Ainsi pour le peintre : « Je peins malgré moi les choses cachées derrière les choses. Quand je peins un nageur, je vois un noyé. », « Oh, le monde il est comme il est, plutôt sinistre, plutôt criminel. », « Je verrais un crime dans une rose ». Les personnages ne croient plus en la vie, ni en l’amour : « Qu’est-ce qu’ils ont tous à parler d’amour, est-ce qu’il y a quelqu’un qui m’aime, moi ? » regrette Michel Simon qui se dit « amoureux comme Roméo avec la tête de barbe bleue. » Si la fatalité de la guerre semble planer comme la tragédie au-dessus des têtes des protagonistes, elle se confond avec le regret de 1936 : « C’est beau d’être libre. Oui, c’est beau, l’indépendance, la liberté. » Le cadre de la fête foraine à la fin du film rappelle également l’euphorie de 1936 et exacerbe encore le désenchantement dont elle est alors le cadre. Le thème de la solitude revient également comme un leitmotiv : « C’est difficile de vivre. », « Oui, on est seuls », « On rencontre des gens qu’on ne reverra peut-être pas et qui nous rendent service. » C’est un univers hanté par la mort comme la réalité est hantée par le spectre de la guerre : la mort se présente sous plusieurs formes. C’est d’abord le suicide avec le peintre, le meurtre avec Zabel, et la mort par la fatalité, dont la rencontre avec Nelly n’a fait que repousser l’échéance, celle du déserteur tué par la police. Nelly semble être la seule à matérialiser une forme de rêve, un ailleurs mais ses propos ne sont pas moins pessimistes : « Mais ce n’est pas le fond de la mer. Le fond de la mer, c’est plus loin, plus profond. »Le couple formé par Jean Gabin et Michèle Morgan dans Le quai des brumes est caractéristique du climat de lourde fatalité de l’avant guerre. Les personnages démissionnent tous face au cataclysme qui les menace comme la guerre menace la France et le monde. Ce pessimisme vaudra au Quai des brumes d’être un des premiers films interdits par le gouvernement français au moment de la déclaration de guerre celui-ci le qualifiant de « démoralisateur ». B. Le film emblématique du réalisme poétique Même si chronologiquement Le quai des brumes n’est pas le premier film à pouvoir s’inscrire sous la dénomination de réalisme poétique, même si c’est déjà le troisième film de Marcel Carné il est bien souvent qualifié de « film manifeste » de ce mouvement et même parfois de film créateur de ce mouvement. Il en a peut-être en revanche poussé les caractéristiques à leur paroxysme. Son atmosphère lugubre, bouleversante, mélancolique, ses personnages voués à un destin tragique, les décors embrumés de Trauner, la poésie de Prévert le classent indéniablement dans cette catégorie. Le réalisme poétique également synonyme de classicisme sera donc bien souvent décrié même si certains le défendirent comme le critique Claude Briac qui écrivit qu’il « n’y a pas au monde dix réalisateurs capables de réaliser un tel film. » Marcel Carné lui-même réfutait d’ailleurs cette dénomination de réalisme poétique à laquelle il préférait celle de « fantastique sociale » imaginée par Mac Orlan. Cela n’empêchera pas certains critiques d’encenser le film justement parfois grâce à ses caractéristiques propres à cette dénomination. Ainsi dans L’avant-garde du 28 Mai 1938 on pouvait lire : « en dépit de cette atmosphère de misère morale, physique et physiologique, peut-être même à cause de cette atmosphère, trouble, floue, brumeuse, le Quai des brumes est un chef d’œuvre. » 

     Des personnages victimes de la fatalité et une société qui court à sa perte

    Cette inéluctabilité du malheur s’incarne essentiellement dans un acteur, Jean Gabin, et dans un mouvement cinématographique, le réalisme poétique.

    Jean Gabin ou le mythe du héros tragique contemporain

    Dès la Bandera, l’image de Gabin était marquée du sceau de la fatalité et l’enchaînement inéluctable de ses infortunes procèderait, dans ses films à venir, d’un crime commis par désespoir d’amour : la Belle équipe qui se solde par le meurtre de Charles Vanel, Pépé le Moko dont le héros meurt sur le port d’Alger après avoir voulu rejoindre celle qu’il aimait etc. L’image du garçon malchanceux poursuivi par la fatalité sociale et victime du trop grand prix qu’il accorde à l’amour des femmes, sera celle de Gabin jusqu’au Jour se lève. Tous ses personnages sont voués à la mort comme la France est vouée à la guerre : que ce soit le sableur du Jour se lève, le déserteur du Quai des brumes ou le cheminot fou de La bête humaine ou encore le pittoresque Pépé de Pépé le Moko. C’est néanmoins toujours un personnage doté de moral et s’il tue, il n’est pas pour autant un assassin. C’est bien souvent la folie ou la fatalité qui le poussent au crime. Zola définit ainsi Lantier comme « un homme poussé à des actes où sa volonté n’était pour rien », une définition qui pourrait s’appliquer à chacun des personnages incarnés par Gabin. Dans tous ces films Gabin incarne un séducteur, la plupart du temps malgré lui, qui ne croit plus en rien mais dont l’amour s’empare et que la fatalité pousse à une fin tragique. Tout en continuant à incarner le Front Populaire, Gabin incarne donc ces destins tragiques comme s’il incarnait, au-delà de personnages fictifs, le destin d’un Etat. D’après la définition communément admise le mythe est une croyance, largement représentée dans l’imagination collective, en une fable porteuse de vérité symbolique et répondant aux inspirations souvent inconscientes de ceux qui la partagent .Le mythe transmet, justifie, renforce et codifie les croyances, valeurs et coutumes sociales. Il permet la projection des fantasmes et des problèmes d’une société lorsque celle-ci ne peut les satisfaire ou les résoudre. Elle apporte à l’homme moderne la certitude et la cohésion dont il a besoin , l’aide à se définir et lui fournit des modèles d’authentification .Les films ,comme les autres œuvres humaines , véhiculent des mythes , archétypes ,symboles , et stéréotypes qui expriment la mentalité collective de leur époque… Le mythe de Jean Gabin représente donc une mentalité pessimiste et les films dans lesquels il évolue : l’angoisse collective de la guerre. Au-delà de son immense talent le succès de Gabin s’explique donc aussi par les attentes, les craintes plus ou moins conscientes de la population, qu’il incarne. Les angoisses de ses personnages coïncident avec celles de la population, voyant en Gabin le « héros tragique par excellence du cinéma français d’avant-guerre », un héros dont les craintes résonnent avec une étonnante humanité et vérité dans ce contexte où l’héroïsme sera parfois le fruit des circonstances. Gabin c’est aussi l’incarnation du peuple ouvrier représenté pour la première fois à l’écran st ainsi selon Jean-Michel Frodon « Avec la double mort de Gabin-Lantier(La bête humaine) et de Gabin-François(Le jour se lève), le peuple ouvrier français quitte pour toujours les écrans. Le Gabin d’avant-guerre incarne donc une défaite, celle de l’idéologie et de l’époque du Front Populaire, qui voyait dans la classe ouvrière l’avenir du monde. » Pour d’autres comme Weber, .., ce « mythe emblématique et récurrent de l’ouvrier », « voué à l’échec » et « écrasé par la fatalité » reste l’image que se font les producteurs et les cinéastes de l’époque du prolétariat et qui selon lui représentent un « bel exemple d’idéologie dominante. » 

     Le mythe du réalisme poétique : reflet d’une angoisse collective.

    Le succès du Quai des brumes agit comme un révélateur. Les principaux succès de l’époque sont des comédies, des films d’espionnage ou d’aventures exotiques qui contrastent avec la noirceur absolue du film de Carné comme si les spectateurs se sentaient inconsciemment attirés par ce film comme par un miroir, celui de ses angoisses. Comme l’affirmait Ferro le cinéma « offre un outil d’investigation irremplaçable pour dévoiler le réel et révéler les non dits d’une société (…)de découvrir le latent derrière l ‘apparent, d’atteindre des zones inaccessibles par l’écrit » et de montrer comme l’a écrit Maurice Merleau Ponty la « pensée dans les gestes, la personne dans la conduite, l’âme dans le corps ». Le réel n’est donc pas celui que donne à voir les comédies mais celui qui semble si surréaliste par son pessimisme et qui sera pourtant bientôt la tragique réalité. La France court à sa perte, ne croit plus en son avenir comme Jean dans Le Quai des brumes, le poète Michel Krauss et les autres. Ce qui est encore invisible est pressenti par les réalisateurs. C’est avant tout en cela que le réalisme poétique peut être qualifié de mythe : les préoccupations des spectateurs s’incarnent dans ces films.

    Sandra.M

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  • "Le jour se lève" de Marcel Carné

    Je vous propose aujourd'hui une analyse du" Jour se lève" de Marcel Carné, cinéaste dont certains raillent le classicisme mais qui, avec "Le jour se lève", a pourtant influencé un grand nombre de cinéastes. Dans quelques jours, vous pourrez retrouver sur ce blog une analyse d'un autre film culte de ce cinéaste: "Le Quai des Brumes".
     Le jour se lève : la fin d’une « grande illusion »
    Pour Mitry, le film phare du réalisme poétique n’était pas le Quai des Brumes mais Le jour se lève qui marqua indéniablement les esprits surtout par sa construction singulière qui, a posteriori, en fait une œuvre particulièrement clairvoyante et un constat désespéré sur son époque.
    Le constat désespéré de la fin d’un monde
    A la recherche d’un scénario qui pourrait reformer le trio qu’il formait avec Gabin et Prévert ; Carné est enthousiasmé par un synopsis de Jacques Viot et surtout par le procédé de narration que celui-ci a l’intention d’utiliser et qui comprend trois longs retours en arrière et une structure dramatique respectant la règle des trois unités. Il trouvait en revanche que l’histoire était assez inconsistante. Au final ce sera celle de François (Jean Gabin) assassin de son rival Valentin (Jules Berry), un ignoble dresseur de chiens. François est assiégé dans sa chambre par la police et il revoit en une nuit les circonstances qui l‘ont conduit au crime. François est un ouvrier sableur, enfant de l’Assistance publique qui s’éprend d’abord de Françoise (Jacqueline Laurent), une petite fleuriste, elle aussi de l’Assistance. Il apprend ensuite que Valentin a sans doute été l’amant de Françoise, celui-ci se vantant de l’avoir séduite pour se venger de François. Il rencontre Clara (Arletty), l’ancienne et sulfureuse maîtresse de Valentin dont il tombe également amoureux et que celle-ci préfère à Valentin. François remonte son réveil pour aller travailler. Valentin vient le provoquer chez lui. Le réveil ne sonnera plus l’heure du travail mais l’heure de la mort comme il aurait pu sonner l’heure inéluctable de la guerre. La police fait évacuer la place et lance des bombes lacrymogènes dans l’appartement, mais François s’est déjà tiré une balle dans le cœur. Le film est sorti le 17 juin 1939, c’est-à-dire quelques semaines seulement avant la guerre.
    Le désenchantement du film semblait anticiper sur la déception amère qui submergea la France à la veille du second cataclysme mondial. Comme le destin tragique des personnages scellé par l’armoire mais aussi scellé par le compte à rebours du réveil, le destin tragique de la France semble être scellé. La fin du film en devient donc d’autant plus symbolique : les policiers donnent l’assaut contre François et laissent un espace vide que parcourt un aveugle qui hurle, ne comprenant pas ce qui se passe. L’euphorie du Front Populaire est chassée par la guerre comme les ouvriers par la police, et la succession et le contraste de ces deux évènements diamétralement opposés sont si soudains que le spectateur de l’époque ne comprend pas non plus ce qui se passe. L’innocent est condamné au suicide. Il n’y a plus d’espoir. Il n’y a plus d’avenir. D’ailleurs avant même le générique tout espoir est banni : « Un homme a tué … , enfermé ,assiégé dans une chambre .Il évoque les circonstances ,qui ont fait de lui un meurtrier. » François n’a plus d’espoir. La France n’a plus d’espoir. Le prénom du personnage même semble insister sur la métaphore du désespoir connu alors par l’Etat qui voit la guerre comme un avenir inévitable. Dans cette optique les dialogues prennent alors une étrange résonance. Ainsi lorsqu’un gendarme répond à une voisine inquiète « Mais vous ne courez aucun danger madame » et qu’on lui répond « On dit ça, on dit ça » on songe autant à la situation inquiétante de la France qu’à celle de François. D’autres répliques font ainsi écho à celle-ci : « On dirait que tout le monde est mort », « vous êtes nerveux parce-que vous êtes inquiet et vous êtes inquiet parce-qu’il y a des choses qui vous échappent. » Son destin échappe à François comme le destin de la France lui échappe et il s’évanouit dans un dernier cri de désespoir : « François, mais qu’est-ce qu’il a François, y a plus de François, il est mort François. »Cette menace semble être davantage encore mise en exergue par des répliques qui rappellent les idéaux du Front Populaire si proche et pourtant si lointain comme « Le travail c’est la liberté puis c’est la santé. » ou encore les paroles d’Arletty : « la liberté, c’est pas rien. » Ces idéaux sont encore symbolisés par la solidarité dont les amis de François font preuve à son égard. Cette dichotomie entre une France encore marquée par cette euphorie mais néanmoins consciente du danger qui la menace pourrait se résumer dans cette réplique de Françoise à propos de l’ours en peluche qu’elle compare à François : « vous voyez il est comme vous, il a un œil gai et l’autre qui est un petit peu triste », comme la France partagée entre les réminiscences de la gaieté de 1936 et la tristesse suscitée par le danger imminent.
    Une innovation formelle : une homologie esthétique entre la forme et le fond
    Ainsi, pour Mitry, la raison de la réussite du film n’en tient pas essentiellement à l’histoire, ni à l’interprétation mais à ce que « le scénario , entièrement bâti sur un retour en arrière construit une structure narrative parfaitement adéquate à son contenu .Le flash back n’est plus un flash back plus ou moins judicieusement utilisé pour faire avancer l’histoire mais il devient la figure de style en quoi une homologie esthétique s’instaure entre la forme et le fond , ce à quoi fort peu de films sont parvenus (Citizen Kane de Welles , Vivre de Kurosawa , 8 ½ de Fellini, Providence de Resnais). » Sans sa construction singulière le film aurait peut-être été noyé dans le flot de ceux du réalisme poétique mais sa construction, son scénario original de Jacques Viot, l’adaptation et les dialogues de Prévert, en ont fait pour beaucoup « le chef d’œuvre du réalisme poétique. »C’est donc la première fois en France qu’on construit entièrement une histoire sur le principe du retour en arrière même si le procédé n’était pas entièrement nouveau puisque Renoir l’avait aussi utilisé dans Le crime de Monsieur Lange, le cinéma muet utilisant également quelques incursions dans le passé de ses personnages, il apparaît néanmoins ici comme novateur. Ce procédé a bien sûr été immortalisé par un mythique film américain, en 1941 : Citizen Kane d’Orson Welles. Ce procédé paraissait alors tellement novateur, que le distributeur, craignant une réaction négative du public, par mesure de précaution, avait fait précéder le générique du Jour se lève d’un « carton »destiné à expliquer à un public supposé trop ingénu le fonctionnement du « retour en arrière » même si ce procédé avait déjà été utilisé dans un film américain : The power and the glory écrit par Preston Sturges et réalisé par William K.Howard en 1933. Cette innovation du flash back et de ce film qui se déroule donc en une nuit, du meurtre à l’assaut de la police n’est pas la seule contenue dans Le jour se lève. Il était également audacieux de montrer un ouvrier sur les lieux de son travail, en l’occurrence François dans l’exercice de sa profession de sableur, ce qui était jusqu’alors considéré comme ennuyeux et donc susceptible de lasser le public. Des ouvriers ont donc été mis en scène et ne l’ont été auparavant que dans dans Toni(1934) et La vie est à nous (1936), encore invisible. Il sera ainsi qualifié de « huis clos prolétarien ». Rarement en effet le cadre de vie de la population ouvrière aura été décrite avec autant de précision, le travail de François n’étant pas un simple cadre mais aussi au centre de certains dialogues, celui-ci évoquant : « le chômage...ou bien le boulot. Ah ! J’ai fait des boulots, jamais les mêmes, toujours pareils…La peinture, le pistolet…ou bien le minium…Pas bon non plus le minium…le sable…et la fatigue…la lassitude ». Si les décors paraissent au premier abord réalistes, une observation plus minutieuse permet de constater qu’ils ne sont pas dénués d’expressionnisme à l’exemple de l’immeuble de François démesurément vertical et situé à côté d’un réverbère presque aussi haut que lui. Trauner, le décorateur, avait ainsi insisté pour que le personnage soit isolé, loin et très haut et donc pour que l’immeuble fasse cinq étages et que François soit en haut de celui-ci. Le producteur menace de se suicider quand Carné annonce que cet immeuble fera cinq étages et sera construit aux studios de Joinville mais le réalisateur finira par obtenir gain de cause. Le remake américain de Litvak de 1947 prouve d’ailleurs à quel point fut judicieux. Le protagoniste s’y trouve en effet au deuxième étage, ce qui fait perdre toute sa force à ces scènes. Malgré toutes les précautions du distributeur le film fut jugé déconcertant par le public, pourtant il fut reconnu tout de suite comme un chef-d’oeuvre dont l’envoûtement résulte d’un ensemble : les leitmotiv musicaux de Maurice Jaubert et qui accompagnent les lents fondus enchaînés, la lumière de Curt Courant et le décor de Trauneur alliés aux dialogues de Prévert et au jeu de contrasté de Gabin qui murmure différemment avec Françoise ou Clara et qui crie face au cynisme de Berry. Pour Bazin, ainsi on « y éprouve le sentiment d’un parfait équilibre, d’une forme d’expression idéale : la plénitude d’un art classique » ou encore René Lehmann dans L’intransigeant en 1939 c’est « un film extrêmement attachant et fort, dont on n’aimera peut-être pas la substance mais qu’on ne pourra pas s’empêcher d’admirer. » ou encore dans La Lumière Georges Altman écrivit en 1939 : « mais c’est là une œuvre d’art sans défaillance ni concession ». Le jour se lève étant considéré comme le chef d’œuvre du réalisme poétique, on lui imputera donc les défauts ultérieurement reprochés à ce mouvement, le trouvant trop « fabriqué » ou même que le symbolisme était « de pacotille » et la mise en scène « rudimentaire ». Le réveil qui sonne au dénouement du film pour appeler l’ouvrier mort au travail est peut-être jugé « de pacotille » mais le pessimisme du film et justement ce symbolisme témoignent de l’état d’esprit de l’époque avec une étonnante lucidité. Il est vrai que dans ce film rien ne semble laissé au hasard. Tous les objets ont leur signification et constituent même des personnages du film concourant à cette impression que le dénouement tragique est inéluctable. L’ours en peluche, la broche, les photos, les boyaux de vélo, tout va prendre peu à peu une signification. Ainsi Bazin en a fait une analyse détaillée lui permettant de dresser un véritable portrait anthropomorphique de François et en démontre l’utilisation dramatique et le rôle symbolique en fonction du caractère du personnage de François ,le fait qu’il prenne par exemple bien soin de faire tomber dans le cendrier la cendre de cigarette qui macule le tapis de la chambre : « Tant de propreté et d’ordre un peu maniaque révèle le côté soigneux et un peu vieux garçon d’un personnage et frappe le public comme un trait de moeurs ». L’armoire joue alors un rôle central :« Cette armoire normande que Gabin pousse devant la porte et qui donne lieu à un savoureux dialogue dans la cage d’escalier entre le commissaire et le concierge(…).Ce n’est pas la commode ,la table ou le lit que Gabin pouvait mettre devant la porte .Il fallait que ce fut une lourde armoire normande qu’il pousse comme une énorme dalle sur un tombeau .Les gestes avec lesquels il fait glisser l’armoire , la forme même du meuble font que Gabin ne se barricade pas dans sa chambre :il s’y mure. »
    Sandra.M

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