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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 579

  • Les comédies de la semaine: tout est grave, rien n'est sérieux...

    Evidemment je pourrais vous parler des nombreuses comédies françaises à l’affiche actuellement. Je pourrais vous dire que vous avez l’embarras du choix entre Francis Veber avec La Doublure qui signe là le retour du naïf au grand coeur François Pignon, cette fois incarné par Gad Elmaleh, Albert Dupontel et sa "comédie sociale" Enfermés dehors qui nous narre les tribulations burlesques d’un SDF ayant trouvé un costume de policier et l’utilisant pour imposer sa propre loi déjantée, et Laurent Tuel  avec Jean-Philippe qui nous entraîne dans une autre dimension où Johnny Hallyday serait resté Jean-Philippe Smet, sans compter Cabaret Paradis de Corinne et Gilles Benizio et OSS117,Le Caire nid d'espions de Michel Hazanavicius (je n’ai pas vu les deux derniers films cités).

    Je pourrais encore vous dire que Francis Veber a toujours le don des dialogues incisifs et des bons mots percutants, du rythme haletant même s’il s’essouffle dans la deuxième partie, sa doublure se hasardant sur le terrain glissant de la comédie romantique dans lequel il est moins à l’aise que dans la comédie pure.

     Je pourrais vous dire que si vous aimez Tex Avery, vous serez certainement ravis d’être « enfermés dehors » avec Albert Dupontel dans son univers coloré même s’il imite, emprunte à Jean-Pierre Jeunet un peu, beaucoup, trop,... sans jamais l’égaler dans un film certes fantaisiste dans la forme comme dans le fond dont le rythme déchaîné, voire harassant, en emportera néanmoins certains, en agacera d’autres, tout comme la référence affirmée par son auteur à Chaplin et Keaton, référence pour le moins exagérée. Il ne suffit pas de s’auto-proclamer poétique pour le devenir. Je l’avoue : j’ai ri néanmoins, du moins plus qu’à la projection des  Bronzés, amis pour la vie, ce qui n’est pas un défi insurmontable, je vous l’accorde.

    Alors je pourrais surtout vous dire que malgré la bande annonce maintes fois diffusée, l’idée donc dévoilée, de Jean-Philippe, la nouvelle production de Fidélité n’en demeure pas moins très originale, d’après un scénario écrit par Christophe Turpin, nous offrant un face à face exceptionnel entre un Luchini dont le talent n’est certes plus à prouver mais dont le don pour la comédie est ici éclatant face à un Johnny Hallyday tout en retenue comme dans L’Homme du train, ici il fait de surcroît preuve d’une auto-dérision désarmante . Je pourrais en effet vous dire tout ça et encore que je vous recommanderais sûrement le dernier. Parce qu’il n’imite personne même s’il a un petit air de Being John Malkovich (au risque d'en agacer certains avec cette intouchable réfèrence) davantage que de Podium, même production et malgré un clin d’œil désopilant au film en question. Parce que, aussi, il nous parle des rendez-vous manqués ou décisifs, du destin, parce que le sujet est moins léger qu’il n’en a l’air, en tout cas universel. Je pourrais encore, justement, vous parler des rendez-vous manqués, esquivés ou essentiels.

     

    Oui, je pourrais toujours vous dire tout ça mais, j’ai eu le malheur ( le bonheur plutôt) de revoir César et Rosalie de Claude Sautet et justement je me suis demandée ce qu’aurait été ma vie si je n’avais pas rencontré les films de Claude Sautet, car certains films, certains cinéastes sont comme des rencontres, qui vous portent, vous enrichissent, vous influencent ou vous transforment même parfois. Et là, je n’ai plus eu envie que de vous parler de ce film-là que je revoyais peut-être pour la dixième fois. Peut-être pas celui que je préfère du cinéaste, Un cœur en hiver ayant à jamais décroché ma palme d’or, mais un film qui n’a néanmoins pas pris une ride, et arrive toujours à me dérider justement. Claude Beylie parlait de « drame gai » à propos de César et Rosalie, terme en général adopté pour la Règle du jeu de Renoir, qui lui sied également parfaitement. Derrière l’exubérance et la truculence de César, on ressent en effet la mélancolie sous-jacente. César donc c’est Yves Montand, un ferrailleur qui a réussi, mariée à Rosalie (Romy Schneider) divorcée d’Antoine (Umberto Orsini), et qui aime toujours David (Sami Frey), un dessinateur de bandes dessinées, sans cesser d’aimer César. Ce dernier se fâche puis réfléchit et abandonne Rosalie à David. Des liens de complicité et même d’amitié se tissent entre les deux hommes si bien que Rosalie, qui veut être aimée séparément par l’un et par l’autre, va tenter de s’interposer entre eux, puis va partir... Dans ce film de 1972, qui fut souvent comparé à Jules et Jim de Truffaut, on retrouve ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de café, de groupe et la solitude dans le groupe, la fugacité du bonheur immortalisée, l’implicite dans ce qui n’est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah, ces derniers regards entre les trois personnages principaux! Ah, le regard de David lorsque l’enfant passe des bras de Rosalie à ceux de César, scène triangulaire parfaitement construite!).

     « Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu’ils font (..). Claude Sautet c’est la vitalité. », disait Truffaut. Ainsi, personne mieux que Claude Sautet ne savait  et n’a su dépeindre des personnages attachants, fragiles mais si vivants (à l’exception de Stephan interprété par Daniel Auteuil dans Un cœur en hiver, personnage aux émotions anesthésiées quoique..., critique ici prochainement). Ici au contraire ce n’est pas un cœur en hiver, mais un cœur qui bat la chamade et qui hésite, celui de Rosalie, qui virevolte avec sincérité, et qui emporte le spectateur dans ses battements effrénés. Et effectivement on retrouve cette vitalité, celle de la mise en scène qui épouse le rythme trépidant de César face au taciturne David. César qui pourrait agacer, flambeur, gouailleur, lâche parfois face à la fragilité et la discrétion de l’artiste David. Deux hommes si différents, voire opposés, dans leur caractérisation comme dans leur relation à Rosalie que Sautet dépeint avec tendresse, parfois plutôt une tendre cruauté concernant César. Là se trouve la fantaisie, dans ce personnage interprété magistralement par Yves Montand, ou dans la relation singulière des trois personnages, si moderne. Un film qui n’est pas conventionnel jusque dans sa magnifique fin, ambiguë à souhait. Sans effets spéciaux à la Tex Avery. Simplement par la caractérisation ciselée de personnages avec leurs fêlures et leur déraison si humaines.

    Un film à l’image de son personnage principal qui insuffle ce rythme précis et exalté : truculent et émouvant, mélancolique et joyeux, exubérant et secret. Un film intemporel et libre, qui oscille entre le rire et les larmes, dans lequel tout est grave et rien n’est sérieux (devise crétoise, un peu la mienne aussi). Un film délicieusement amoral que vous devez absolument voir ou revoir…

     

    Sandra.M

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  • Ciné-club de l'Arlequin: "La Strada" de Fellini

    Alors que les multiplexes continuent leur implantation à Paris (un UGC vient ainsi d’ouvrir à la Défense) rares sont encore les cine-clubs qui subsistent. C’est pourtant le cas de Ciné-club de l’Arlequin, en plein cœur de Saint Germain des Prés, animé par Claude-Jean Philippe, le dimanche matin, dans l’enceinte du mythique cinéma de la rue de Rennes. Petit compte-rendu de la projection et du débat de dimanche dernier consacrés à la Strada de Federico Fellini (1954).

     

    Avec Giuletta Masina (Gelsomina), Anthony Quinn (Zampano), Richard Basehart (le fou), Aldo Silvani (Giraffa), Marcella Rovere(la veuve)

    Scénario : F.Fellini-Ennio Flaiano-Tullio Pinelli

    Photo : Otello Martelli

    Décor : Mario Ravasco

     Musique : Nino Rota

    Montage : Leo Cattozzo

     Producteur : Dino De Laurentiis, Carlo Ponti

    Oscar du meilleur film étranger  et Lion d’argent au festival de Venise

     

    I.L’intrigue

     

     Zampano est un colosse qui gagne sa vie en parcourant l’Italie à bord d’un side-car transformé en roulotte, passant de cirques en foires avec un même numéro : une pseudo démonstration de force physique dans laquelle il brise une chaîne. Zampano a besoin d’une assistante, il en achète une : Gelsomina, créature étrange aussi simple que lumineuse. Le couple sillonne ensuite les routes d’Italie. Zampano est brutal, parfois cruel avec Gelsomina. Gelsomina s’enfuit. Zampano la rattrape. Ils rencontrent un autre forain « le Fou », funambule, personnage lunaire et fantasque que Gelsomina admire et écoute attentivement. Le Fou travaille pour le même cirque que Zampano. Il nargue constamment Zampano, raillant le ridicule de son numéro immuable. Zampano se retrouve en prison après avoir tenté d’agresser le Fou qui avait demandé à Gelsomina de l’assister. Pendant que Zampano est en prison le Fou parle à Gelsomina de son existence et lui donne des conseils. Le cirque propose à Gelsomina de l’emmener, loin de l’emprise de Zampano. Gelsomina refuse finalement et attend Zampano à sa sortie de prison. Un jour, sur la route, Zampano et Gelsomina croisent le chemin du Fou. Zampano l’agresse. Il en meurt. Gelsomina est témoin de la scène, sa raison fragile chavire. Zampano l’abandonne sur la route avec sa trompette pour seule compagnie. Des années plus tard, il apprendra par une femme qui l’avait recueillie que Gelsomina était morte peu après. Il va errer sur la plage et pleure. Enfin.

     

    II. Un éloignement en douceur du néoréalisme

     

    Après avoir collaboré à l’hebdomadaire Marc’Aurelio, en y effectuant des travaux rédactionnels et des caricatures, après avoir participé à l’écriture de nombreux scénarios dès 1942, dont de nombreux scénarios du nouveau cinéma italien dont, après guerre, trois films de Roberto Rossellini: Rome ville ouverte, en 1945, Paisa en 1947 et Europe 51 en 1951, Fellini rédige ensuite des scénarios pour Alberto Lattuada avec qui il réalise Les Feux du music-hall en 1951. Puis, il prend déjà quelque peu ses distances avec le néoréalisme en tournant Courrier du cœur en 1952, puis Les Vitelloni en 1953. Contrairement à ce qu’imaginaient les producteurs, Dino de Laurentiis et Carlo Ponti, non seulement La Strada ne fut pas un échec commercial mais en plus le public et la critique à l’unisson firent un triomphe au film. Jusqu’alors le cinéma italien triomphait en effet selon les critères néoréalistes : absence de décor, absence de sophistication formelle, dramaturgie fondée sur une représentation de l’instant, sobriété, approche sociale réaliste. Si certes l’intrigue met en scène des gens simples, cela ne relève nullement du documentaire et ne recherche pas la sobriété mais au contraire une poésie surprenante. La Strada ne s’inscrit néanmoins pas réellement dans une rupture avec le néoréalisme, elle y ajoute plutôt un élément : une touche de poésie très personnelle. Jean de Baroncelli affirmait ainsi que "La Strada est comme une transfiguration du néo-réalisme. Tout y est quotidien, familier, parfaitement plausible. Cette histoire de saltimbanque a l'apparence d'un fait divers, pourtant nous sommes aux confins de l'étrange, sinon du fantastique."

     

     III. Une œuvre singulière, novatrice et poétique

     

     Ce qui frappe d’emblée le spectateur, et ce sur quoi le débat a essentiellement porté, c’est en effet la poésie si singulière qui se dégage du film. Longtemps après la projection le spectateur est encore porté par le sourire mélancolique de Giuletta Masina et par la musique inoubliable de Nino Rota, personnage à part entière du film (le motif musical de Nino Rota emprunte d’ailleurs au premier mouvement de la symphonie Titan de Gustav Mahler). Cette poésie est d’ailleurs présente dans le fond comme dans la forme. Dans le fond, lorsque Gelsomina mime l’arbre, lorsque le cheval travers la rue, lorsqu’elle passe du sourire aux larmes à une vitesse fulgurante, véritable « Charlot féminin ». C’est d’ailleurs à travers son regard naïf que le spectacle fascinant, le film mis en scène par Fellini, se déroule sous nos yeux. Dans la forme aussi, car la caméra elle-même comme le souligne Claude-Jean Philippe a acquis une « virtuosité, une musicalité ». Fellini recrée un monde qui s’apparente presque à une fable, certes parfois cruelle, avec sa morale portée par le Fou, s’adressant à Gelsomina : « Dans l’univers tout sert à quelque chose. Même ce petit caillou ». Claude-Jean Philippe a également insisté sur la « légèreté d’écriture du film ». On ressent également déjà l’admiration de Fellini (une admiration qui portera nombre de ses films suivants) pour le spectacle du plus rudimentaire au plus raffiné. C’est certainement un des films les plus insolites de l’histoire du cinéma, qui exprime un monde baroque et le monde intérieur exubérant de Fellini porté par le clown blanc lunaire interprété par Giuletta Masina, personnage duquel émane une Grâce désenchantée. On retrouve à la fois l’influence du cirque, la passion d’enfance de Fellini, mais aussi l’influence de la bande dessinée qu’il pratiqua au début de sa carrière. La grâce et la légèreté qui en émanent contrastent avec le propos tragique et cette douloureuse histoire d’amour entre celui qui ne « sait pas parler mais aboie » et le visage innocent de la femme-enfant Gelsomina. Face à elle, Zampano incarne « la pesanteur ».

    C’est ainsi avec ce film que Fellini s’est fait connaître en France alors qu’aucun distributeur n’en voulait au début, l’œuvre étant jugée bien trop originale et trop éloignée des conventions dramatiques traditionnelles. C’est pourtant l’originalité indéniable de la Strada qui a en grande partie contribué à son succès.

     

     IV. Des thèmes inspirés du christianisme

     

    Le troisième point sur lequel le débat a mis l’accent c’est l’influence du franciscanisme et du christianisme par lesquels Rossellini et Fellini étaient tous deux imprégnés, Fellini faisant aussi de La Strada un véritable drame métaphysique. Fellini avait en effet découvert la simplicité des moines franciscains sur Paisa, le film de Rossellini. La simplicité de Gelsomina fait ainsi écho à celle des Franciscains. La religion est d’ailleurs omniprésente dans le film. Gelsomina croise ainsi une procession, Zampano et elle seront hébergés dans un couvent etc. Par ailleurs, le Fou énonce tout un discours sur l’utilité des choses, notamment par la parabole du caillou, lorsqu’il laisse entendre à Gelsomina qu’elle est essentielle à la création après lui avoir tenu ce discours terrible sur sa laideur la comparant à une « tête d’artichaut ». Les éléments ont d’ailleurs un rôle essentiel, ne serait-ce que le titre qui lui-même en désigne un. Pour Geneviève Agel (dans Les chemins de Fellini), quatre scènes (la procession, la découverte de l'enfant malade, l'hébergement au couvent et la mort du Fou) sont les quatre jalons qui marquent "la procession spirituelle de la jeune femme". Claude-Jean Philippe a également insisté sur l’opposition entre les Chrétiens et les Marxistes encore très forte à l’époque où le film a été tourné, ces derniers s’en étant d’ailleurs pris avec virulence à La Strada.

     

    La fin magnifique nous interroge lorsque Zampano va errer sur une plage et pleure: est-ce sa conscience morale qui surgit ? Est-il envahi par la douleur du deuil et par la culpabilité ? Ce n’est d’ailleurs peut-être pas un hasard si dans cette dernière scène il regarde le ciel et la voûte céleste comme si quelque chose de sacré s’emparait de lui.

     

    Même si, dans la Strada, Fellini n’a pas encore adopté totalement le style onirique qui sera le sien par la suite, cette rencontre improbable de deux êtres aussi improbables de laquelle émane une poésie sublime laisse au spectateur un souvenir aussi indélébile que la musique de Nino Rota…

     

    Prochaines séances du ciné-club de l'Arlequin:

     Toujours le dimanche matin à 11H. Cinéma l’Arlequin. Rue de Rennes. 6ème arrondissement.

    Dimanche 16 avril 2006 : Fury de Fritz Lang

     Dimanche 23 Avril 2006 : Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock

     

    Sandra.M

     

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  • Prolongations des cours publics d’interprétation de Jean-Laurent Cochet : le rendez-vous incontournable des passionnés...de théâtre

    Je vous avais déjà parlé avec enthousiasme des cours publics d’interprétation de Jean-Laurent Cochet, il y a quelques mois. (Plus plus d'informations concernant le cours, voir mon article précèdent en cliquant ici). Face à l’engouement -à juste titre- suscité par ce cours exceptionnel, celui-ci, qui devait initialement se terminer le 5 décembre, est prolongé (au moins) jusqu’au mois de Mai. J’en ai donc profité pour y retourner, hier soir, presque avec recueillement tant l’atmosphère a quelque chose de sacré, d’une belle gravité.

    Ce cours m’a autant fascinée que le premier auquel j’avais assisté. Jean-Laurent Cochet nous donne l’impression de nous recevoir chez lui, s’inquiète d’une lumière plus tamisée que d’habitude, une lumière qui nous enveloppe et nous emmène ailleurs déjà. Puis, le spectacle commence. Le sien et celui de ses élèves. Le sien par la lecture d’une lettre de Cocteau à Guitry. Puis s’enchaînent des monologues, non Jean-Laurent Cochet n’aime pas le mot "monologues", donc s’enchaînent des scènes qui voient défiler et vivre sous nos yeux et oreilles ébahis les mots sublimes de Molière, Hugo, Racine, La Fontaine, Marivaux. Nous retenons notre souffle avec les élèves. Nous oublions l’absence de décor ou plutôt l'incongruité du décor. Sganarelle, Louis XIII ou Andromaque et le talent de leurs jeunes interprètes prennent vie sous nos yeux. Nous oublions que ce sont des élèves. Nous sommes au théâtre, ici et ailleurs, maintenant et avant. Bel instant intemporel. La salle écoute, le souffle coupé. Entre les scènes de ses élèves, Jean-Laurent Cochet nous parle de passion, il la vit d’ailleurs, il nous la transmet, ou (r)avive celle que nous possédons. Il nous parle aussi de jalousie, de Pierre Brasseur dans Les Enfants du Paradis, de la manière dont il interprète ce sentiment. Majestueusement. Des éditeurs qui ne respectent plus la beauté des textes. D’amour, d’amour du théâtre et pas seulement. De son admiration pour le talent de ses élèves, il est vrai sidérant, surgissant, éclosant. Nous traversons les siècles avec les auteurs, avec ces mots d’un autre temps, si proches de nous soudain, pourtant. Tout cela ponctué de ses mots truculents, de ses observations ironiques à l’égard d’un certain théâtre.

    Je suis ressortie, j'ai émergé plutôt, avec l’impression d’avoir fait un beau voyage initiatique, avec l’envie de revenir, de reprendre des cours de théâtre aussi. Revenir pour oublier le temps qui passe. Pour s’interroger sur le temps qui passe,même, trouver des réponses ou des échos prestigieux à ses questions. Pour vibrer. Deux heures de passionnés passionnantes avec ces mots sublimés, si vivants en tout cas, si actuels. Deux heures magiques. Deux heures qui illustrent la citation d’exergue de ce blog, signée Saint-Augustin « Celui qui se perd dans sa passion et moins perdu que celuib qui perd sa passion ». Se perdre, oui, mais se perdre avec majesté, majestés même. Deux heures qui vous emplissent et vous réjouissent. Deux heures que je vous engage vivement à passer au:

     

    Théâtre de la Pépinière Opéra-7 rue Louis Le Grand 75002 Paris-Métro Opéra- Le lundi de 18H à 20H. Location de 12H à 18H du lundi au samedi au 01 42 61 44 16. Site internet de la Compagnie Cochet.

     

     A chaque cours des citations sont livrées au public. En voici une, de Sacha Guitry, à méditer pour tous les scénaristes et auteurs : « Les deux plus grands auteurs dramatiques du monde, Shakespeare et Molière, ont été comédiens tous les deux. Ce n’est pas une coïncidence, et ce seul fait aiderait à démontrer l’influence considérable de l’acteur dans l’art damatique, car Molière et Shakespeare n’étaient pas des auteurs dramatiques qui jouaient la comédie, c’étaient des comédiens qui ont écrit des chefs-d’œuvre, car l’un et l’autre ont été comédiens avant d’écrire, et cela me paraît d’une importance extrême ».

     A noter : Deux soirées spéciales sont programmées le 24 avril et le 22 mai, dont une grande première avec M.Cochet qui fera travailler des gens du public.

    Sandra.M

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  • Festival de Cannes 2006: premiers échos...

    Comme je vous l’annonçais il y quelques semaines Mon festival du cinéma sera de nouveau au festival de Cannes cette année pour vous en faire un récit aussi exhaustif que possible.

    Pour vous donner une idée de mes tribulations cannoises et retrouver les critiques des films en compétition, vous pouvez relire mon compte-rendu de l’édition 2005 : Compte rendu du festival de Cannes 2005.

     

    Ce que nous pouvons d’ores et déjà vous annoncer avec certitude pour cette édition 2006:

     

     -Le film Paris je t'aime fera l'ouverture de la sélection Un Certain Regard du Festival de Cannes le 18 mai au soir. Produit par Claudie Ossard et Emmanuel Benbihy, Paris je t'aime est une œuvre collective réalisée par une vingtaine de cinéastes internationaux dans autant d'arrondissements de Paris.Synopsis: Un film pour faire le pari(s) de l'amour. Sur vingt arrondissements, l'amour passager, voilé, mimé, vampirisé, malmené ou révélé... Paris réinventé par 20 réalisateurs internationaux : Joel et Ethan Coen (1er arrondissement), Nobuhiro Suwa (2ème arrondissement), Olivier Assayas (3ème arrondissement), Gus Van Sant (4ème arrondissement), Gurinder Chadha (5ème arrondissement), Fred Auburtin et Gérard Depardieu (6ème arrondissement), Sylvain Chomet (7ème arrondissement), Vincenzo Natali (8ème arrondissement), Richard LaGravenese (9ème arrondissement), Tom Tykwer (10ème arrondissement), Raphaël Nadjari (11ème arrondissement), Isabel Coixet (12ème arrondissement), Christopher Doyle (13ème arrondissement), Alexander Payne (14ème arrondissement), Christoffer Boe (15ème arrondissement), Walter Salles (16ème arrondissement), Alfonso Cuaron (17ème arrondissement), Bruno Podalydès (18ème arrondissement), Oliver Schmitz (19ème arrondissement), Wes Craven (20ème arrondissement). Une oeuvre collective autour de l'amour du cinéma.

     

    -Le Da Vinci Code, réalisé par Ron Howard, produit par Brian Grazer et John Calley pour Columbia Pictures et Imagine Entertainment, fera l'ouverture du 59ème Festival de Cannes le mercredi 17 mai 2006. Le film sera présenté Hors Compétition.

     

     

    -Wong Kar Wai sera le président du jury du 59ème Festival de Cannes. Il sera le premier président chinois dans l'histoire du Festival de Cannes. Révélé à Cannes en 1989 avec As Tears Go By, il présente en 1997 Happy Together en sélection officielle, qui sera récompensé par le Prix de la mise en scène. En 2000, In the Mood for Love, sélectionné à Cannes en compétition, est couronné par un succès public et critique mondial. Wong Kar Wai revient en 2004 en sélection officielle avec 2046, qualifié par la critique de « sublime exploration du temps intérieur ».

     

    Marie-Antoinette  de Sofia Coppola sera projeté en compétition officielle, même si la date n’est pas encore connue. Après le sublime Lost in translation, ce film tourné exceptionnellement à Versailles, est très attendu.

     

    - Volver de Pedro Almodovar avec Penelope Cruz et Carmen Maura sera présenté hors compétition officielle et soryira en salles le 17 Mai.

     

    Rumeurs

     

    -Le film de Nicole Garcia, Selon Charlie dans lequel jouent notamment Jean-Pierre Bacri, Benoît Magimel, Vincent Lindon et Benoit Poelvoorde devrait figurer parmi les films en compétition.

     

    - Indigènes, le film de Rachid Bouchareb avec Jamel Debbouze, serait probablement projeté hors compétition.

     

    -Pourraient également être présentés au festival:

    -Shortbus de John Cameron Mitchell

    Le Caïman de Nani Moretti

    -INLAND EMPIRE de David Lynch

    -The Wind that shakes the Barley de Ken Loach

    -Lights in the Dusk d’Aki Kaurismaki

    -Pan’s labyrinth de Guillermo del Toro

    -The Queen de Stepehn Frears

    Babel d’Alejandro Gonzales Inarritu

    -Zidane, un documentaire de 90 minutes dressant le portrait du joueur.

     

    Il est aussi question de Bruno Dumont, Marco Bellochio, Lucas Belvaux…

     

    La liste des films sélectionnés sera annoncée officiellement le 20 Avril.

     

    Pour les éventuelles retardataires, je vous précise également que la date limite des demandes pour les accréditations professionnelles est le 22 Avril…

     

    Sandra.M

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  • « Frankie » de Fabienne Berthaud : le miroir à deux faces

    Frankie a 26 ans. Frankie est mannequin. Son travail exige d’elle qu’elle renvoie une image lisse et parfaite, qu’elle ne laisse entrevoir ni la fragilité ni les fêlures qu’elle dissimule. Oui, Frankie est mannequin, pas un top model qui parcourt le monde mais un mannequin en fin de carrière comme il y en a des milliers d’autres, qui erre d’hôtels médiocres en studios, en bars moroses où, esseulée, elle laisse tomber le masque, et n’en a plus que faire. L’image elle aussi s’est fissurée : plus vraiment belle, plus vraiment jeune selon des critères plus cruels dans son métier qu’ailleurs, où les stigmates du temps, si imperceptibles pourtant, ennemi impitoyable et invincible, sont inexcusables. Seule, surtout. Quand l’image se craquelle, il faut sourire avec plus d’entrain encore, dire bonjour avec plus d’enthousiasme, feindre avec un talent démultiplié. Seulement Frankie n’a plus envie. Elle a perdu l’envie d’avoir envie. L’envie de cacher l’être blessé par un paraître irréprochable. N’être qu’un corps qu’on voit sans le regarder devient insupportable. Frankie (Diane Krüger d’une touchante fragilité) est à fleur de peau, dans cet état où un seul mot prononcé ou oublié, un seul geste déplacé peuvent faire basculer et dériver. Au départ le film est un peu comme cet univers dans lequel elle se perd, celui de faux semblant : superficiel, détaché de nous, lointain comme une image de papier glacé ( l’image du film, très réaliste, est d'ailleurs délibérément ici très éloignée d’une image de papier glacé) puis peu à peu sa solitude, son mal être s’emparent subrepticement de nous grâce à un montage savamment déstructuré et chaotique à l’image de celle dont il reflète l’égarement. Les images de sa décadence se mêlent à celles de son séjour en hôpital psychiatrique. La poésie ne vient pas suffisamment de là où on l’attend. La poésie du désenchantement. Une jolie forme de politesse. Celle d’un ange aux ailes brisées. Elle s’égare, elle vacille comme la caméra de Fabienne Berthaud dont c’est ici le premier long métrage, aux allures de faux documentaire. C’est un film imparfait, mais c’est justement cette imperfection qui le distingue et l’enrichit. Il laisse entrevoir ses fêlures, il se met à nu comme celle qu’il immortalise. Comme si Dorian Gray et son portrait se côtoyaient. Sauf qu’ici ce que dissimule le masque est peut-être finalement plus beau que le masque lui-même ; surtout si un regard bienveillant se pose dessus, comme celui de Tom que je vous laisse découvrir… Finalement dériver permet peut-être de mieux retrouver son chemin ? Il faut parfois avoir le courage de sombrer, de se montrer chancelant pour mieux refaire surface, revenir sans un masque en trompe l’œil, pour que les autres regards n’effleurent pas seulement mais voient réellement. Et savoir ainsi à nouveau admirer le bleu du ciel ou retrouver les ailes d’un ange. Un film cruel et poétique. Mélancolique et drôle. Comme les deux faces d'un même visage. Une fin qui justifie les moyens et qui mérite d’être attentif jusqu’au bout, de ne pas nous aussi céder à la tyrannie du temps, de ne pas nous aussi zapper ce qui n’est pas lisse, immédiat, formaté comme nous y sommes trop souvent habitués et encouragés. La fissure en dit peut-être plus que le masque. Oui, Frankie est mannequin mais elle porte le masque et dissimule les blessures de chacun de nous…

     Sandra.M

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  • "Fauteuils d'orchestre" de Danièle Thompson

    Avec La Bûche, Danièle Thompson et Christopher Thompson , son co-scénariste (également pour Décalage horaire et pour Fauteuils d’orchestre) avaient, selon moi, réussi le film choral parfait dans lequel chaque personnage a un rôle d’égale importance, dans lequel chaque personnage constitue un rouage indispensable de l’intrigue ou plutôt des intrigues, dans lequel chaque personnage et chaque intrigue se suivent avec un intérêt égal, avec un dénouement reliant les fils de ces destins blessés, un brillant divertissement au sens noble du terme. Je m’attendais donc à une impression similaire avec Fauteuils d’orchestre, précédé d’un bouche à oreille favorable.

    Dans ce film, choral également donc, une naïve jeune fille de province, Jessica (Cécile de France) monte à Paris pour travailler au café des Théâtres, situé avenue Montaigne, au carrefour des grands hôtels, du théâtre des Champs-Elysées et d’une vente aux enchères d'oeuvres d'art à l'hôtel des ventes Drouot où se côtoient et se croisent plusieurs destins ayant tous en commun de passer par ce café. Jessica, comme sa grand-mère, son modèle qui travaillait au Ritz, (Suzanne Flon dans son ultime rôle) décide de travailler dans le luxe à défaut de pouvoir y vivre. Parmi ces personnages qu’elle croise : un pianiste reconnu qui ne rêve que d’une vie simple, une concierge de théâtre (Dani) confidente des artistes qui a pour habitude de déambuler en chantant dans les couloirs du théâtre, une actrice populaire (interprétée par Valérie Lemercier) qui rêve de tourner avec un grand réalisateur (joué par Sydney Pollack) qui prépare un film sur Simone de Beauvoir, un collectionneur d’art qui décide de tout vendre, le fils de ce collectionneur… Pris individuellement chacun de ces personnages est intéressant mais ce qui les relie est parfois un peu trop artificiel pour que nous y adhérions réellement. Chaque destin esquisse une histoire, aurait pu constituer un film à lui seul mais à vouloir en faire trop, Danièle Thompson n’en raconte finalement aucune entièrement.

     Restent des portraits attachants, au premier rang desquels celui du personnage interprété Claude Brasseur dont la ressemblance vocale avec Pierre Brasseur est de plus en plus frappante. Malgré ses imperfections et ses invraisemblances (si quelqu’un a une explication au mal de dos de Christopher Thompson, qu’il me fasse signe ?) certaines scènes, d’une émouvante drôlerie parviennent à nous les faire oublier. Fauteuils d’orchestre se regarde comme une suite de saynètes et il faut avouer que celle du pianiste qui déshabille son âme devant son public et pas seulement, de l’actrice prête à tout, surtout au ridicule, pour interpréter Simone de Beauvoir, sont assez jubilatoires.

    Une bonne comédie à la française avec des dialogues bien écrits qui, de notre fauteuil d’orchestre ou de notre poulailler, nous fait oublier le temps qui passe. La peinture d’un microcosme aux résonances plus larges que celles des pas de ses riches autochtones sur l’avenue Montaigne, une comédie dans laquelle affleure une douce mélancolie, juste esquissée malgré les tourments de l’âme (du pianiste) ou du corps (la maladie du personnage interprétés par Claude Brasseur) eux aussi juste esquissés, la réussite de la diffusion en prime time est en tout cas assurée.

    Cécile de France excelle dans ce rôle d’une jolie candeur, au centre de ce spectacle de la vie parisienne et de cette rue qui la symbolise, qu’elle regarde avec fascination et empathie. Dommage que son rôle se limite à celui de spectatrice insouciante, si bien que même ses scénaristes ne semblent pas savoir qui elle est réellement, nous laissant un peu sur notre faim, ceux-ci préférant terminer par une ellipse l’histoire, peu crédible, entre celle-ci et le professeur (atteint de l’énigmatique mal de dos, interprété par Christopher Thompson), se terminant par des dialogues inaudibles qu’il nous revient de deviner, dont nous avons la charge de combler l’absence, pirouette un peu facile et conclusion un peu décevante d’un film rythmé que l’on aurait aimé voir se terminer par une note plus frappante. Dommage qu’ ici l’ellipse appauvrisse alors que dans un film comme dans le sublime Lost in translation  de Sofia Coppola, par exemple, elle enrichissait et sublimait l’histoire. Et la rendait inoubliable…

    Sandra.M

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  • "L'ivresse du pouvoir" de Claude Chabrol: une griserie bien éphémère

    Est-ce la conséquence du financement indispensable des chaînes de télévision, du rôle hégémonique et donc de la sacralisation intéressée de la parole de la télévision dans la production cinématographique française ? Toujours est-il que le cinéma français devient de plus en plus frileux, académique, convenu, uniformisé. Quand on sait que des cinéastes aussi talentueux que Téchiné peinent aujourd’hui à être produits, il y a de quoi être désabusée et/ou révoltée. Que les fictions de TF1 soient toutes construites sur le même modèle pour un public lui aussi être censé toujours construit sur le même modèle et selon les même goûts peut être compréhensible, pas forcément cautionné mais compréhensible, en revanche quand la frilosité se remarque aussi chez des cinéastes auparavant connus pour leur inventivité, leur anticonformisme, leur salutaire ironie, je ne peux m’empêcher d’être déçue. Tel était le cas de Claude Chabrol, cinéaste pourtant parmi les premiers de mon panthéon cinématographique, dont l’air débonnaire avait pour habitude de masquer des films noirs, cyniques, miroirs impitoyables d’une bourgeoisie auscultée avec une froide ironie et une jubilatoire impertinence.

     Avec un thème tel celui choisi dans l’Ivresse du pouvoir, avec pour personnage central Jeanne Charmant Killman (Isabelle Huppert), juge d’instruction chargée de l’affaire de corruption et de détournement de fonds mettant en cause le président d’une grand groupe industriel (François Berléand), je m’attendais donc à une satire sociale et politique jubilatoire, une radiographie ni manichéenne ni poujadiste mais sans concessions du monde politique, de ses malversations, et de ses accointances avec l’univers industriel. Or, si le personnage central est ce juge d’instruction, une femme comme souvent chez Chabrol, interprétée par Isabelle Huppert, également comme souvent chez Chabrol, si cette femme, soudainement devenue « la plus puissante de France » se laisse griser par l’ivresse de son pouvoir, Chabrol, lui en revanche, reste parfaitement maître de son sujet, de ses éventuelles conséquences. Par peur peut-être de quelconques problèmes juridiques ou remontrances, il évoque donc cette affaire en filigrane, à tel point qu’elle en devient totalement incompréhensible et inexistante créant ainsi une distanciation par rapport à son sujet. L’intérêt n’est certes pas là mais comment peut-on suivre ces personnages si leurs motivations, ( certes le pouvoir mais encore faut-il savoir de quel pouvoir exactement il s’agit) n’est pas clairement identifiable par le spectateur. Des personnages apparaissent ainsi puis disparaissent sans crier gare. Berléand (remarquable) en lequel il n’est pas très difficile de reconnaître Loïc Lefloch Prigent disparaît pendant une bonne partie du film pour finalement réapparaître dépressif pour croiser, par un merveilleux hasard, la juge qui l’a fait tomber, elle aussi tombée de son piédestal, dans un couloir d’hôpital.

     Le point de vue est donc celui de la juge alors pourquoi ne pas avoir fait preuve du même courage qu’elle ? Comment croire à ce personnage si son démiurge de réalisateur la dépeint avec frilosité ? A trop vouloir brouiller les pistes le spectateur ne retrouve plus son chemin. Les clins d’œil censés être ironiques deviennent tellement appuyés qu’ils frisent le ridicule : comme cet homme politique avec ce fort accent méditerranéen, aux plaisanteries douteuses engagé dans des affaires tout aussi douteuses avec l’Afrique en lequel on reconnaît aisément un ancien ministre de l’Intérieur, ou bien cet homme politique accompagné de sa maîtresse en lequel on reconnaît un ancien fidèle de François Mitterrand homonyme d’un célèbre écrivain.

    J’ai eu l’impression derrière chaque réplique, chaque personnage caricaturé, de voir l’œil rieur, narquois et satisfait de Chabrol, heureux de sa plaisanterie, comme cette redondance agaçante de sous-entendus et de jeux de mots liés aux prénoms des personnages de Lebeau, à l’avocat Parlebas, à Delombre dont on nous répète plusieurs fois qu’il est « parti au soleil », « à l’ombre »  au cas où nous n’aurions pas saisi la plaisanterie jusqu’au nom de la protagoniste Jeanne Charmant Killman (charmante « tueuse d’hommes » en anglais).

    Reste le personnage de femme plus nuancé interprété par Isabelle Huppert, comme toujours magistralement, qui théâtralise, met en scène (gants rouges etc) son propre rôle de juge dont l’ivresse que ce pouvoir engendre lui fait oublier la réalité jusqu’à ce qu’elle-même retourne dans l’ombre (au propre comme au figuré dans le dernier plan du film, on ne peut nier à Chabrol le don de la métaphore et de la virtuosité stylistique, remarquables) avant que l’ivresse aboutisse à l’accident inéluctable, avant que l’ ivresse suscitée par son pouvoir se confronte à un autre pouvoir, plus puissant encore. Tout pouvoir est relatif et éphémère. Elle se croit invincible, son pouvoir la fragilise.

    Les autres personnages n’existent pas, ils paraissent seulement, paradent même, comme si Chabrol s’était cantonné à l’image formatée et caricaturale que nous donne la télévision, sans jamais aller au-delà. De lui nous attendions davantage que des réunions d’hommes politiques mafieux et satisfaits, échangeant des plaisanteries douteuses en fumant le cigare, accréditant la thèse du « tous pourris » dangereuse et simpliste de la part d’un tel maître du cinéma. De lui nous attendions qu’il décrypte, qu’il aille au-delà du miroir et non qu’il en imite simplement le reflet. Ainsi, Bruel qui a pourtant prouvé ailleurs son talent d’acteur (notamment dans le film de Dominique Cabrera Le lait de la tendresse humaine dans lequel il jouait d’ailleurs déjà avec Maryline Canto qui interprète ici un juge d’instruction), qui interprète un patron jouant un double jeu, surjoue tellement que son personnage perd toute crédibilité, en devient même risible.

    Jusqu’à la fin, j’ai attendu ce fameux rebondissement chabrolien qui nous fait habituellement subitement et judicieusement basculer dans un délicieux Enfer, mais j’ai finalement succombé à un morne et sobre ennui renforcé par une quantité impressionnante d’ellipses non signifiantes. Dommage… Reste le portrait, esquissé mais intéressant de cette femme ivre de pouvoir puis dégrisée. Un peu trop rapidement. Comme le spectateur…

    Sandra.M

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