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cinéma - Page 109

  • Littérature – Critique – LES PAS PERDUS, récit de Gilles Jacob ( parution : le 24 avril 2013, Flammarion )

    Commencer un livre, c’est comme aborder un nouveau rivage, intrigant car inconnu. C’est aussi se lancer dans une exploration à la fois excitante et angoissante, a fortiori quand on apprécie l’auteur dont les précédents romans étaient particulièrement enthousiasmants. Je vous recommande ainsi La vie passera comme un rêve et Le Fantôme du Capitaine, les précédents récits de Gilles Jacob (sur lesquels vous trouverez, à nouveau, quelques lignes ci-dessous) qui, pour ceux qui l’ignoreraient encore, n’est pas seulement le président du Festival de Cannes depuis plus de trente ans mais aussi critique, auteur, réalisateur, photographe…

    Grâce à son autobiographie, La vie passera comme un rêve , nous savions ce que nous devinions : que sa vie était un roman. Ce livre mêle en effet astucieusement les lumières, souvent aveuglantes, de la Croisette (mais par lesquelles il ne s’est jamais laissé éblouir sans pour autant en être blasé), et la mélancolie de son enfance. Il en apprendra beaucoup à ceux qui ne connaissent rien du festival et ravira encore davantage ceux qui le fréquentent. Gilles Jacob n’y évoque pas uniquement ce tourbillon étourdissant, qui pourrait évidemment l’être d’autant plus pour lui qu’il en occupe les plus hautes fonctions depuis plus de trente ans, mais il a également eu la bonne idée d’y mêler sa propre histoire personnelle à l’Histoire et de construire l’ouvrage de manière très cinématographique, une (dé)construction judicieuse un peu à la Mankiewicz ou à la Orson Welles, un ouvrage assaisonné d’humour et d’autodérision à la Woody Allen.

    Quant au Fantôme du Capitaine, il s’agit d’une correspondance imaginaire, une soixantaine de lettres comme autant de nouvelles que j’ai dévorées comme un roman, une évasion pleine de fantaisie dans le cinéma et la cinéphilie, la littérature, l’imaginaire et, en filigrane, une réflexion sur l’art, qui réjouira tous ceux qui aiment passionnément le cinéma et la littérature, et aiment s’y perdre délicieusement, au point, parfois, de les confondre ou même les préférer à la réalité, un livre dans lequel Gilles Jacob, vous fait voyager avec élégance, avec savoureuse et malicieuse (auto)dérision, entre mensonge et vérité, entre imaginaire et réalité aussi qu’il interroge et manipule, et qui exhale un enivrant parfum de vérité, la plus troublante et réjouissante des illusions. Un témoignage d’une tendre lucidité sur la profession, une lucidité jamais hargneuse ou rageuse mais toujours teintée de salutaire dérision, celle d’un « homme de sentiments plus que de ressentiments ». C’est enfin un hommage à l’écriture, au pouvoir salvateur et jouissif des mots qui vous permettent les rêveries les plus audacieuses, les bonheurs les plus indicibles, et un hommage au pouvoir de l’imaginaire, à la fois sublime et redoutable, ce pouvoir qui fait « passer la vie comme un rêve ».

    Avant d’en venir aux Pas perdus, je vous recommande enfin Une journée particulière, le film de Gilles Jacob que certains d’entre vous auront peut-être découvert lors de la mémorable journée anniversaire des 65 ans du Festival de Cannes l’an passé, un documentaire sur l’anniversaire des 60 ans du festival et qui suit les protagonistes de cette journée. Cette journée particulière est celle au cours de laquelle les trente-cinq réalisateurs de Chacun son cinéma ont été suivis dans les différents rites cannois : arrivée, photocall, conférence de presse, montée des marches, répétition de leur parcours sur la croisette, cuisines, feu d’artifice… Nous suivons ainsi ces réalisateurs (venus de 25 pays différents et signant un film de 3 minutes chacun) dans ces rituels futiles et nécessaires, dérisoires et essentiels. La caméra y débusque discrètement les sourires, une mélancolie qui affleure, un instant insolite, mais surtout le plaisir d’être ensemble et la complicité de ces « 35 mousquetaires ». Elle s’attarde sur les regards et les mains, la beauté de « la géographie d’un visage », des visages, ceux des artistes. Un bel écho avec les extraits des films qui eux-mêmes se concentrent surtout sur les visages et les rites cinématographiques comme une mise en abyme de la mise en abyme. A voir pour tous les amoureux du Festival de Cannes !

    Mais revenons à ce nouveau rivage, aux Pas perdus… L’excitation, avant d’aborder ce nouveau rivage, a rapidement pris le pas sur l’angoisse (relative angoisse, tout de même) tant j’ai eu l’impression de me retrouver en terre familière, en parcourant ces pages, de croiser des êtres et des émotions réels ou fictifs bien connus, personnels et universels, et relatés avec tant d’humour et de délicatesse. J’ai parcouru les premières pages des Pas perdus, décidée à le laisser et le reprendre dans la soirée…puis je me suis laissée entraîner, emporter…pour le terminer en oubliant que les minutes s’égrenaient, implacables malgré tout. Auparavant, j’avais regardé la couverture en songeant à ce que pouvaient bien dissimuler ces pages et ce titre. Je ne savais rien de ce nouveau récit. Les Pas perdus. Etait-ce une référence à André Breton? Ou plutôt à tous ces kilomètres de marches et de tapis foulés pendant toutes ces années ? Une réflexion sur tous ceux que, de son œil tendrement malicieux, il a observés (les photographiant souvent, aussi) les gravissant, établissant peut-être une typologie en fonction du caractère de cette ascension souvent doucement périlleuse, en apesanteur, et parfois incertaine, parfois décidée, parfois désinvolte, parfois impériale, parfois arrogante, parfois tremblante… ou même tout cela à la fois. Une référence à la salle des pas-perdus ? Un vestibule qui relierait tous ces univers, tous ces films et toutes ces personnalités si différents qu’il a croisés et qui se croisent et se rejoignent, chaque année, sur ce même célèbre escalier comme une salle des pas-perdus qui nous conduit partout et se rejoint toujours en un même point : l’amour du cinéma ou la curiosité insatiable pour la vie et les autres et donc, forcément, les films, peut-être ?

    Ces pas perdus débutent en réalité par l’évocation de ce doux mal incurable par lequel je crains bien d’être atteinte (mais que je souhaite néanmoins à tous tant il est une délicieuse brûlure) : « le démon de l’écriture » dont il donne une magnifique définition justifiée par ses débuts d’auteur (que je vous laisse découvrir dans le récit) : « Alors, quand un journaliste me demande : « C’est quoi pour vous l’écriture ? », j’évoque sans hésiter la fièvre de mon adolescence. ». »Je me souviens… »: ainsi débute chaque court chapitre, comme un refrain. Cet ouvrage est ainsi avant tout une douce chanson, à la fois mélancolique et joyeuse -surtout joyeuse-, qui me fait penser, au-delà de la référence formelle à Georges Perec, à la fameuse musique des mots de Sagan si singulière, avec cet humour et cette mélancolie qui l’étaient tout autant, et ce regard espiègle et lucide. Et comme une chanson délicieusement entrainante, nous n’avons pas envie de l’interrompre et, même, une fois terminée, nous avons envie de la réécouter ou de l’entendre par bribes, pour le jeu et la musique des mots. Sagan , justement, disait que « La culture c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale ». Gilles Jacob a ainsi l’intelligence de ne pas « étaler » sa culture ou ses rencontres mais de nous faire partager avec bonheur son enthousiasme, ses coups de cœur avec son regard tendrement malicieux.

    Bien sûr, au-delà du bonheur communicatif d’écrire, les pages exhalent et exaltent sa passion du cinéma et des mots. Il jongle avec les mots mais aussi avec les années, les souvenirs, les films, avec une tendre ironie. La mélancolie surgit, comme dans ses autres ouvrages, subrepticement et pudiquement, lorsqu’il évoque ses parents, son frère et quelques autres, célèbres ou inconnus. Il reste avant tout un amoureux : des mots, du cinéma, des actrices, de la vie, de l’amour, de ses parents, de son frère…et ses pages résonnent de cet amour. Se souvenir des belles choses. Le temps d’une anecdote savoureuse en compagnie de Chabrol. D’un hommage à l’intelligence de Sharon Stone. A la réjouissante insolence de Jane Campion. A la pétillante Jane Fonda. Le temps d’un bel hommage à Claude Miller « grand cinéaste de sa génération » dont l’ « art mêle violence et subtilité », par l’évocation de « Dites-lui que je l’aime ». Un hommage à la « folie douce » de Tim Burton. Et à tant d’autres…

    Ce qui marquera certainement ceux qui ne le suivent pas encore sur twitter (« Je me souviens que pour naviguer sans effort dans la blogosphère, j’avais choisi @jajacobbi comme nom de geek ») où, chaque jour ou presque, avec une impressionnante régularité, il délivre de savoureuses et caustiques (mais, là aussi, jamais cruelles) pensées, c’est à quel point il est ancré dans son époque, curieux de celle-ci, ce qui n’étonnera en revanche probablement pas les habitués de Cannes, festival qui, toujours, a su s’adapter à l’époque, débusquer de nouveaux talents, se renouveler. Il cite aussi bien des films (« Camille redouble ») ou des séries récents que des classiques même si cela ne l’empêche pas d’énoncer quelques regrets : « Je me souviens que François Truffaut disait que les cinéastes seraient bientôt jugés par des gens n’ayant pas vu « L’Aurore », de Murnau. Nous y sommes. » Sans même remonter jusqu’à Murnau (je crois même que c’est presque une vision optimiste), il est triste d’observer que le cinéma est parfois jugé par des gens qui pensent qu’il commence en 2000 et ne dépasse pas les frontières des Etats-Unis.

    Mais s’il y a quelques piques sibyllines réjouissantes (jamais gratuites comme au sujet de cette Ministre « responsable mais pas coupable » ), c’est surtout un admirateur, et finalement, il est sans doute la personne avec laquelle il est le moins tendre et le moins indulgent, même si, du haut de ses impériales marches, il a certainement pu observer tant de mesquineries, d’indélicatesses qu’il a l’élégance d’oublier ou de résumer d’un trait d’humour plus ou moins énigmatique. Je me souviens, à mon tour que, dans un autre livre, il disait que « Cannes n’est pas un paradis pour les âmes sensibles. » La sienne a parfois dû être mise à rude épreuve.

    Ces Pas perdus plairont, évidemment, aux amoureux du cinéma (même s’il n’y est pas question que de cinéma mais aussi de peintures, de politiques, de littérature, mais que, d’une certaine manière, ces pas perdus relient tous entre eux et finalement de manière plus ou moins lointaine, au cinéma) mais donnera aussi envie de découvrir certains films, d’en revoir d’autres comme , par exemple, Casablanca dont il parle magnifiquement. « Alors, revoir « Casablanca », c’est fredonner une fois encore la complainte du temps qui passe. » Je dois avouer revoir chaque fois ce film avec le même plaisir, et bien que l’ayant en DVD, ne jamais résister à un passage télévisé : le charme troublant de ce couple de cinéma mythique et le charisme ensorcelant de ceux qui les incarnent, la richesse des personnages secondaires, la cosmopolite Casablanca d’une ensorcelante incandescence, la musique de Max Steiner, la voix de Sam douce et envoûtante chantant le nostalgique « As time goes by », la menace de la guerre lointaine et si présente, la force et la subtilité du scénario, le dilemme moral, la fin sublime, le romantisme désenchanté et l’exaltation nostalgique et mélancolique de la force du souvenir et de l’universalité de l’idéalisme (amoureux, résistant) et du combat pour la liberté qui font de ce film un chef d’œuvre…et un miracle quand on sait à quel point ses conditions de tournage furent désastreuses. La magie du cinéma, tout simplement, comme le dit Lauren Bacall : « On a dit de Casablanca que c’était un film parfait évoquant l’amour, le patriotisme, le mystère et l’idéalisme avec une intégrité et une honnêteté que l’on trouve rarement au cinéma. Je suis d’accord. Des générations se plongeront dans le drame du Rick’s Café Américain. Et au fil du temps, le charme de Casablanca, de Bogey et de Bergman continuera à nous ensorceler. C’est ça, la vraie magie du cinéma ».

    Nous apprenons aussi que sa première critique fut La Règle du jeu, qu’il regrette de n’avoir pas sélectionné Femmes au bord de la crise de nerfs de Pedro Almodovar… Vous saurez aussi l’éminente raison pour laquelle Jack Nicholson a décliné son invitation au jury du Festival de Cannes, ce qu’il pense de Lars von Trier et de son incompréhensible dérapage/provocation, en conférence de presse, à Cannes…

    Et puis, il y a ces aphorismes, ces maximes, ces petites phrases, ces couplets qui se retiennent comme une musique, irrésistible, dont voici quelques exemples parmi 496 « couplets » :

    « Je me souviens d’être allé au cinéma Le Rialto à Nice pendant la guerre et sur le pont du Rialto à Venise après la guerre.»

    « Je me souviens que les gens de droite prononçaient Mit’rand et ceux de gauche Mittérand. »

    « Je me souviens très bien du jour où Armstrong a fait les premiers pas de l’homme sur la Lune, parce que ce jour-là j’ai marché sur les lunettes. »

    Il y a ces transitions (ou absences de transitions), habiles, incongrues, qui sont parfois aussi drôles que les phrases elles-mêmes :

    « Je me souviens de la petite souris du dessinateur Plantu.

    Je me souviens de la souris d’agneau, je me souviens du morceau du boucher. Et aussi de La souris qui rugissait.

    Je me souviens de la Jouvence de l’Abbé Soury. »

    Ou cette autre, parmi tant d’autres, plus malicieuse encore, entre l’évocation des succès de Jérôme et Nicolas Seydoux et M. Verdoux, faussement innocente…

    Ces Pas perdus présentent de nombreux points communs avec ses précédents ouvrages. Il devrait donc ravir, à la fois, ceux qui, comme moi, avaient été enchantés par ces derniers et inciter les autres à les découvrir. On y retrouve ainsi cette autodérision « woodyallenienne » (auquel il semble, en plus de l’humour, désormais emprunter son rythme d’un projet par an, pour notre plus grand plaisir) dont il loue une fois encore les qualités, la « prodigalité créatrice et son humour dévastateur », en effet incontestables et qui ne cessent aussi de m’enchanter, me surprendre, récemment encore avec son To Rome with love . Au passage, je croise les doigts pour que son Blue Jasmine soit en sélection à Cannes. La date de sortie n’a pas encore été annoncée. Peut-être est-ce un bon présage… Comme dans ses précédents ouvrages, il reste toujours discret alors que sa mémoire doit détenir tant d’indiscrétions. Comme dans ses précédents ouvrages, il transmet avec élégance sa passion du cinéma, de l’écriture, de la vie, avec un humour réjouissant teinté de mélancolie pudique et légère. Après en avoir vu tant –de gens, de films, de pas perdus-, de le voir rester aussi curieux, jamais cynique (mal de l’époque qui, aux yeux de certains, tristement, devient une qualité), amusé, amusant, est réellement rafraîchissant quand tant d’autres en ayant vu et vécu bien moins sont déjà las, blasés, condescendants et évidemment : cyniques. Comme dans ses précédents ouvrages également : tendre impertinence et ironie jubilatoire sont au rendez-vous.

    Ces Pas perdus sont un voyage sinueux et mélodieux dans sa mémoire, une vie et des souvenirs composés de rêves, sans doute de cauchemars, qu’il a toujours la délicatesse de dessiner en filigrane. S’il parle de lui, ce n’est jamais par orgueil, mais finalement pour nous parler à nous ou de nous, faisant de ses pas perdus, aussi, les nôtres. Ces Pas perdus se lisent comme s’écouterait une chanson (du passé, et du présent, et même de l’avenir) qui a l’effet d’une madeleine de Proust que l’on fredonne avec une nostalgie joyeuse, ou comme se regarde une suite de courts-métrages ou de nouvelles ( comme un délicieux court texte sur Hopper, notamment, en témoigne). Si vous aimez et voulez croiser le si cinématographique Hopper donc, Truffaut, Sautet, Sagan et Sartre, Casablanca, Monsieur Arnaud, le cinéma, Cannes (les souris ?), Woody Allen, Tom Ripley (ah, Tom Ripley…), La Madone au Chardonneret de Raphaël, Catherine Deneuve, la danse des petits pains dans La Ruée vers l’or, des Présidents de la République, Antoine Doinel et tant d’autres… alors… écoutez cette chanson, elle vous fera irrésistiblement monter le sourire aux lèvres, pas un sourire cynique, non, mais un sourire tendre, joyeux, nostalgique, amusé, empathique.

    As time goes by… La vie passera comme un rêve, surtout si on a l’élégance, comme l’auteur de ces Pas perdus, de plonger dans sa mémoire et de regarder le passé et les autres avec bienveillance, lucidité, tendresse. Le livre, décidément, d’un« gentleman old school » qui reste finalement le « chef de village » d’un « petit port de pêcheurs isolé au sud de la France » (ceux qui ont vu « Une journée particulière » comprendront).

    Ces réjouissants Pas perdus s’achèvent par un hommage à la vie, une douce confusion entre cinéma et réalité, et par « Woody », évidemment par Woody dont le plaisir à mélanger fiction et réalité, l’enthousiasmante et enthousiaste curiosité, l’amour du cinéma et plus encore l’humour, décidément, le rapprochent tant. Leur lecture, elle, s’achève par l’envie de réécouter la chanson de ces Pas perdus et de retourner sur ce doux rivage bercé par le flux et le flot d’une mémoire composée d’oublis judicieux et de souvenirs drôles, élégants, émouvants. Pouvoir, inestimable, de ce doux « démon » de l’écriture que de rendre universelle une mélodie finalement très personnelle et que de rendre harmonieux tous ces souvenirs épars de 7 décennies. Partez vite trouver et entonner ces Pas perdus, savoureux et mélodieux tourbillon de (la) vie, de mots et de cinéma, « en-chanté » et enchanteur !

    Les Pas perdus Date de parution : le 24 Avril 2013 – Flammarion

    Suivez le Festival de Cannes 2013 en direct sur http://inthemoodforfilmfestivals.com, http://inthemoodlemag.com et http://inthemoodforcannes.com . A ne pas manquer également, en ce moment : « Phèdre » à la Comédie Française (retrouvez ma critique, en cliquant ici) et la sortie du DVD du 20ème anniversaire de « La Liste de Schindler », ce 9 avril, un chef d’oeuvre du « président » Spielberg (dont vous pouvez retrouver ma critique, en cliquant ici).

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  • Critique - Théâtre - "Phèdre" à la Comédie Française - Mise en scène de Michael Marmarinos

    Pour illuminer un dimanche pluvieux et maussade, il y a 15 jours, je me suis brusquement décidée à aller voir « Phèdre » à la Comédie Française. Une envie irrépressible et soudaine de me laisser étourdir par des mots et un lieu éblouissants. Chacun ses drogues. Pour moi, ce sont l’écriture, le cinéma, et le théâtre. Evidemment, la pièce était complète mais la Comédie Française propose toujours ce formidable système, le petit bureau : une heure avant chaque représentation de la Salle Richelieu, 65 places sont mises en vente au prix de 5 €, au guichet du « petit bureau », situé rue de Richelieu.

    Même si j’y suis allée de nombreuses fois, je n’y étais pas retournée depuis les travaux qui ont sublimé la salle Richelieu, et aller à la Comédie Française est toujours pour moi une évasion exaltante et spirituelle, et comme pénétrer dans un antre majestueux auréolé de tous ces mots, tous ces textes, tous ces auteurs qui semblent encore voguer dans l’air, dans cette atmosphère particulière à la fois joyeuse et recueillie.

    La dernière pièce à la Comédie Française dont je vous ai parlé ici était « Un chapeau de paille d’Italie », mise en scène signée Giorgio Barberio Corsetti. 2H30 incroyables ( trop courtes !), une satire burlesque et enchantée, extravagante, poétique comme un film de Kaurismäki, délirante, déjantée et musicale comme un film de Kusturica, d’une absurdité irrésistible comme un film de Tati mais une absurdité signifiante comme un livre de Ionesco, et grâce à laquelle j’avais fait un tour de manège étourdissant sans oublier de formidables comédiens dont l’étendue du talent avait été particulièrement mise en exergue par une mise en scène qui transcendait un texte intemporel.

    Comme tout grand texte, et a fortiori avec la pièce de Racine, intemporelle est aussi évidemment « Phèdre », tant de fois jouée, lue, entendue et pourtant…toujours aussi moderne et tragiquement envoûtante.

    Rappel du début de l’histoire pour ceux qui ne la connaîtraient pas. Fille de Minos et de Pasiphaé, Phèdre lutte en vain contre la passion qu’elle éprouve pour Hippolyte, le fils de Thésée dont elle est l’épouse. Épuisée et culpabilisée par ses sentiments qu’elle ne contrôle pas, elle cherche par tous les moyens à l’éloigner d’elle. Ce beau-fils, adulé et rejeté, a l’intention de quitter Trézène pour partir à la recherche de son père disparu, fuyant aussi par là son propre amour pour Aricie, soeur des Pallantides, clan ennemi.

    Jean Racine est au sommet de sa gloire lorsque Phèdre est représentée pour la première fois en 1677 à l’Hôtel de Bourgogne, sous le titre initial d’ « Hippolyte », puis de « Phèdre et Hippolyte ». C’était donc logique et judicieux que de choisir cette même pièce pour la réouverture de la salle Richelieu de la Comédie Française sachant que la Comédie Française a été fondée par lettre de cachet (par Louis XIV le 21 octobre 1680) pour fusionner les deux seules troupes parisiennes de l’époque, la troupe de l’Hôtel Guénégaud et celle de l’Hôtel de Bourgogne.

    Quand vous prenez vos places au petit bureau, vous obtenez une place à visibilité réduite, mais peu m’importait : emportée par la majesté des mots et du lieu, j’étais à la fois terriblement là et ailleurs, fascinée, une nouvelle fois, par l’émotion de ce texte sublimement tragique.

    La mise en scène de Michael Marmarinos est, certes, de prime abord, déconcertante et le décor déconcertant de simplicité composé d’encens, de chaises, d’une table dressée, d’un lit, d’image de Vénus, d’une radio, et puis de l’horizon bleutée du ciel et de la mer sur vidéo (symbole du départ, d’un ailleurs inaccessible, mais aussi d’intemporalité : « La Grèce antique était trop abstraite pour moi. Ce qu’il y a d’antique, c’est l’horizon, la mer et l’île » d’après le metteur en scène ) et puis du véritable héros en tout cas dans cette mise en scène : les mots et leur musicalité fascinante. Ceux qui, justement, nous font sentir terriblement là et terriblement ailleurs. Ceux par qui arrive cette tragédie irréversible et inéluctable. Quant aux costumes, ils évoquent plutôt les années 20/30.

    Ce qui aura sans doute le plus décontenancé les spectateurs, c’est cette radio en permanence allumée (qui vient se mêler à la musique du quatuor ENEA) d’après le metteur en scène là pour « figurer l’écoulement du temps réel », peut-être aussi pour figurer une autre actualité de la Grèce, ou encore mettre l’accent sur l’intemporalité et nous forcer, aussi, à une époque où l’attention est tellement volatile, détournée et sollicitée, à nous appliquer à entendre, écouter et savourer la beauté de ces mots. Pour insister sur cette musicalité, sur le côté de la scène se situe un micro dans lequel déclament les comédiens à certains moments, ce qui nous donne l’impression que les vers de Racine se transforment en air de chanson moderne, n’en devenant que plus réels et bouleversants.

    La tragédie de Racine étant comme beaucoup d’autres nourrie de Grèce antique, un metteur en scène de nationalité grecque comme l’est Michael Marmarinos aurait pu tomber dans des clichés surannés. « On a besoin, dans la tragédie, de réalité, mais pas de réalisme » a-t-il déclaré et, en effet, sa mise en scène nous plonge dans une réalité qui peut être celle de personnages mythiques mais qui peut aussi être une réalité plus proche de nous.

    Et puis il y a les comédiens au premier rang desquels Elsa Lepoivre (Phèdre) et Pierre Niney (Hippolyte). La première en Phèdre est une reine déchirée par la passion et la culpabilité et d’une émotion déchirante parce que jamais dans la grandiloquence. Phèdre est étouffée par ses sentiments, prise dans un étau (de la passion, de la souffrance, de la culpabilité), sans refuge. Impériale Elsa Lepoivre, forte ou exsangue mais bouleversante, terrassée par ses sentiments dont elle est victime.

    Le second en Hippolyte – qui joue le rôle en alternance avec Benjamin Lavernhe – procure au rôle une sidérante élégance, maturité (pour un comédien de 23 ans seulement), une force altière teintée d’une légère vulnérabilité (son amour pour Aricie…). Il jongle avec une indicible habileté avec les alexandrins, sans jamais trébucher, et est un Hippolyte auquel sied parfaitement son jeu et son élégance singuliers et altiers, d’une assurance et d’une force implacables.

    Je vous avais dit à quel point son jeu m’avait impressionnée dans « Un chapeau de paille d’Italie », une performance qui était d’autant plus impressionnante qu’elle semblait être réalisée avec une facilité déconcertante. Il y chantait, dansait, sautait, s’énervait, charmait, s’échappait, revenait, faisait des sauts insensés…le tout avec une ingénuité remarquable. La vivacité et la précision de son jeu, et de ses gestes, renforçaient la modernité et le caractère intemporel de la pièce. Ne serait-ce que pour dire deux fois de manières très différentes et tout aussi irrésistibles, « Le dévouement est la plus belle coiffure d’une femme », réplique déjà drôle en elle-même, il montrait l’étendue de son jeu. Le rôle nécessitait déjà une énergie débordante mais la mise en scène ne lui facilitait vraiment pas la tâche se terminant par des obstacles infranchissables pour le commun des mortels. Il sublimait réellement ce rôle lui apportant modernité, ingénuité et énergie doucement folles. Si vous voulez le voir au cinéma, il est actuellement à l’affiche de « 20 ans d’écart » (LA comédie qui remplit actuellement les salles) et surtout vous pouvez acquérir le DVD des excellents « Comme des frères » ou celui de « J’aime regarder les filles » (dans lequel je l’avais découvert, vous pouvez d’ailleurs retrouver son interview, à ce sujet, ici) , deux films qui lui ont permis d’être nommés deux années de suite comme meilleur espoir aux César (en espérant que la troisième- pour « 20 ans d’écart? » sera la bonne…).

    Comme dans toute pièce de la Comédie Française, chaque comédien apporte néanmoins sa pièce à cet édifice respectant ainsi la devise latine de la Comédie Française « Simul et singulis » (« Ensemble et singuliers »).

    « Le jour n’est pas plus pur que le fond de mon cœur. » Au-delà de cette mise en scène originale, de ces comédiens, la beauté seule de ces monosyllabes (et, bien sûr, de tous les vers de Racine) justifie d’aller voir ce chef d’œuvre intemporel dans cet antre du théâtre porté par cette mise en scène audacieuse, réelle plus que réaliste qui, à la fois, nous ramène à nous-mêmes, et nous emporte. Une mise en scène moderne sans être caricaturale dans l’avant-gardisme, des comédiens bouleversants et un lieu qui exhale et magnifie la beauté poignante des mots elle-même transcendée par cette judicieuse mise en scène. Vous avez jusqu’au 26 juin 2013 pour vivre, à votre tour, ce beau moment…

    Du 2 mars 2013 au 26 juin 2013
    Durée du spectacle : 2h15 sans entracte

    · Cécile Brune: Panope, femme de la suite de Phèdre

    · Éric Génovèse: Théramène, gouverneur d’Hippolyte

    · Clotilde de Bayser: Œnone, nourrice et confidente de Phèdre

    · Elsa Lepoivre: Phèdre, femme de Thésée, fille de Minos et de Pasiphaé

    · Pierre Niney: Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope, reine des Amazones (en alternance)

    · Jennifer Decker: Aricie, princesse du sang royal d’Athènes

    · Samuel Labarthe: Thésée, fils d’Egée, roi d’Athènes

    · Benjamin Lavernhe: Hippolyte, fils de Thésée et d’Antiope, reine des Amazones (en alternance)

    Ismène, confidente d’Aricie: Emilie Prevosteau
    Mise en scène: Michael Marmarinos
    Assistante à la mise en scène: Alexandra Pavlidou
    Collaboratrice artistique et interprète: Myrto Katsiki
    Scénographie: Lili Pézanou
    Costumes: Virginie Merlin
    Lumières: Pascal Noël
    Musique originale et réalisation sonore: Dimitris Kamarotos
    Musique enregistrée: Quatuor ENEA
    Images du spectacle filmées par: Nikos Pastras

     

    Représentations à la Salle Richelieu, matinées à 14h, soirées à 20h30.

    Prix des places de 5 € à 39 €. Renseignements et location : tous les jours de 11h à 18h aux guichets du théâtre et par téléphone au 0825 10 16 80 (0,15 € la minute), sur le site Internet www.comedie-francaise.fr.

     

    Pour le plaisir des mots… :

     

    ACTE I SCÈNE III

    PHÈDRE

    Quel fruit espères-tu de tant de violence ?

    Tu frémiras d’horreur si je romps le silence.

    ……

    PHÈDRE

    Je t’en ai dit assez. Épargne-moi le reste.

    Je meurs pour ne point faire un aveu si funeste

    ……

    PHÈDRE

    Mon mal vient de plus loin. À peine au fils d’Égée

    Sous les lois de l’hymen je m’étais engagée,

    Mon repos, mon bonheur semblait s’être affermi,

    Athènes me montra mon superbe ennemi.

    Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue ;

    Un trouble s’éleva dans mon âme éperdue ;

    Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler ;

    Je sentis tout mon corps et transir et brûler.

    Je reconnus Vénus et ses feux redoutables,

    D’un sang qu’elle poursuit tourments inévitables.

    Par des voeux assidus je crus les détourner :

    Je lui bâtis un temple, et pris soin de l’orner ;

    De victimes moi-même à toute heure entourée,

    Je cherchais dans leurs flancs ma raison égarée,

    D’un incurable amour remèdes impuissants !

    En vain sur les autels ma main brûlait l’encens :

    Quand ma bouche implorait le nom de la Déesse,

    J’adorais Hippolyte ; et le voyant sans cesse,

    Même au pied des autels que je faisais fumer,

    J’offrais tout à ce Dieu que je n’osais nommer.

    Je l’évitais partout. Ô comble de misère !

    Mes yeux le retrouvaient dans les traits de son père.

    Contre moi-même enfin j’osai me révolter :

    J’excitai mon courage à le persécuter.

    Pour bannir l’ennemi dont j’étais idolâtre,

    J’affectai les chagrins d’une injuste marâtre ;

    Je pressai son exil, et mes cris éternels

    L’arrachèrent du sein et des bras paternels.

    Je respirais OEnone, et depuis son absence,

    Mes jours moins agités coulaient dans l’innocence.

    Soumise à mon époux, et cachant mes ennuis,

    De son fatal hymen je cultivais les fruits.

    Vaines précautions ! Cruelle destinée !

    Par mon époux lui-même à Trézène amenée,

    J’ai revu l’ennemi que j’avais éloigné :

    Ma blessure trop vive a aussitôt saigné,

    Ce n’est plus une ardeur dans mes veines cachée :

    C’est Vénus tout entière à sa proie attachée.

    J’ai conçu pour mon crime une juste terreur ;

    J’ai pris la vie en haine, et ma flamme en horreur.

    Je voulais en mourant prendre soin de ma gloire ;

    Et dérober au jour une flamme si noire :

    Je n’ai pu soutenir tes larmes, tes combats ;

    Je t’ai tout avoué ; je ne m’en repens pas,

    Pourvu que de ma mort respectant les approches,

    Tu ne m’affliges plus par d’injustes reproches,

    Et que tes vains secours cessent de rappeler

    Un reste de chaleur tout prêt à s’exhaler.

    Lien permanent Imprimer Catégories : CHRONIQUES THEATRALES Pin it! 5 commentaires
  • Festival International du Film de Boulogne-Billancourt 2013 : le programme complet

    013

    Programme du Festival International du Film de Boulogne-Billancourt 2013

     

    L’an passé, j’avais eu le grand plaisir de faire partie du jury de la deuxième édition du Festival International du Film de Boulogne-Billancourt, aux côtés de Didier Allouch et Thomas Clément. « La Philosophie de ce Festival est de privilégier tout ce qui fait aimer la vie » avait ainsi déclaré Claude Pinoteau, le Président d’honneur de ce festival, dans son édito. L’édition 2012 y était indéniablement parvenue. Il y va des bons festivals comme des beaux voyages : on en revient joyeusement nostalgique et gaiement exténué, la tête pleine de belles rencontres, avec l’irrépressible envie de reprendre un billet immédiatement. Comme pour un voyage, l’atmosphère dépend principalement des organisateurs et des accompagnateurs et dans les deux cas les conditions étaient idéales. Un festival convivial comme ceux qui prennent de l’ampleur n’arrivent parfois pas à le rester. Quand le cynisme est tristement à la mode, c’était une gageure d’organiser un festival qui a pour slogan « le festival qui souffle positif ». Boulogne-Billancourt est la ville idéale pour un festival de cinéma puisque dans ses studios ont été tournés plus de 500 films parmi lesquels des chefs d’œuvre comme « Le dernier métro » de François Truffaut et des films dont vous pouvez d’ailleurs retrouver des critiques ici : « Borsalino » de Jacques Deray, « Ridicule » de Patrice Leconte…ou « César et Rosalie » de Claude Sautet. La boucle est bouclée puisque le cinéma de Claude Sautet avait pour objectif de « faire aimer la vie », à l’image du festival de Boulogne-Billancourt donc.

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    Ci-dessus, le jury blogueurs du Festival du Film de Boulogne-Billancourt 2012: Thomas Clément, Didier Allouch et moi-même.

    A nouveau, le programme du Festival pour cette édition 2013 est particulièrement allèchant et rien d’étonnant à ce que le réalisateur Hugo Gélin ait été choisi comme Président du jury, lui qui a réalisé « Comme des frères », LA comédie tendrement mélancolique de l’année 2013, un de mes grands coups de coeur de 2013 dont vous pouvez retrouver ma critique, en bonus, en bas de cet article. Le jury de cette édition 2013 sera également composé de Mélanie Bernier, David Foenkinos (son très beau film « La Délicatesse » adapté de son roman éponyme par ce dernier et Stéphane Foenkinos sera projeté au festival, vous pouvez également en retrouver la critique en bas de cet article), Camélia Jordana, Baptiste Lecaplain.

    Ce sera ainsi la 3ème édition du Festival International du Film de Boulogne-Billancourt « qui souffle positif » et qui se tiendra du 19 au 22 avril dans les salles du Pathé sur la Grand-Place.

    5 long-métrages de fiction et 5 documentaires figurent en compétition. Pour l’ouverture du Festival sera projeté en avant-première La fleur de l’âge, un film avec Pierre Arditi, Julie Ferrier et Jean-Pierre Marielle. En clôture ce sera Mud – Sur les rives du Mississippi, avec Matthew McConaughey, Reese Witherspoon et Sam Shepard, un film qui figurait en compétition du 65ème Festival de Cannes.

    Le Président d’honneur du festival sera cette année Jean-Jacques Beineix à qui la Ville de Boulogne-Billancourt consacrera une exposition inédite et passionnante « Studio Beineix » inaugurée quelques jours avant.

    Vous pourrez retrouver, ci-dessous, le détail du programme et j’en profite pour vous annoncer que mon roman « Les Orgueilleux » qui se déroule dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville sera publié en Mai prochain, chez Numériklivres.

    Les films en compétition

    Catégorie Longs-métrage

    CHEBA LOUISA

    France – 2013 – 90mn

    Réalisatrice : Françoise Charpiat

    Avec : Isabelle Carré, Rachida Brakni, Steve Tran, Rachid Taha

    À 30 ans, Djemila, juriste célibataire a enfin son propre appartement… à deux pas de chez ses parents. Française d’origine maghrébine, elle fait tout pour gommer ses origines. emma, sa voisine déjantée et auchée, rame pour élever seule ses deux enfants. alors que tout oppose les deux femmes, une amitié profonde va naître grâce à leur amour de la musique.

    En présence de l’équipe du film.

    DER SANDMAN

    Suisse – 2011 – 88mn – VOSTF

    Réalisateur : Peter Luisi

    Avec : Fabian Krüger, Irene Brügger

    Le philatéliste Benno mène une vie ordonnée, il adore Beethoven et les belles femmes. Sa voisine Sandra, qui chante toutes les nuits dans son café au-dessous de l’appartement de Benno, ne ressemble en rien au genre de femme qu’il aime. Il ne peut donc s’empêcher de l’insulter régulièrement. Un jour, Benno découvre du sable dans son lit. Lorsqu’il réalise que c’est lui-même qui perd du sable et que les pertes augmentent de jour en jour, sa vie ordonnée se transforme en un véritable cauchemar. Il perd non seulement son travail, mais il voit le temps littéralement s’écouler hors de lui. Lorsqu’il se rend compte que seule Sandra peut le sauver, débute alors une course désespérée contre la montre…

    MACADAM BABY

    France – 2013 – 97mn

    Réalisateur : Patrick Brossard

    Avec : François Civil, Camille Claris,

    Arthur Jugnot

    Thomas est un écrivain en herbe. Il n’a hélas pas grand-chose à aconter. et c’est dommage car il le raconte vraiment bien. Il a du style. en venant à Paris et en rencontrant Julie, il va découvrir pour la première fois l’amour avec un grand a. Ce qu’il ignore, c’est que Julie est dans les problèmes jusqu’au cou et qu’en voulant l’aider, il va mettre les pieds dans les emmerdes avec un grand …

    En présence de l’équipe du film

    SONG FOR MARION

    UK – 2012 – 93mn

    Réalisateur : Paul Andrew Williams

    Avec : Terence Stamp, Gemma Arterton, Christopher Eccleston et Vanessa Redgrave

    Arthur et Marion, couple de retraités londoniens, sont profondément unis malgré leurs caractères dissemblables

    ; Marion est positive et sociable, arthur est morose et fâché avec la terre entière. aussi ne comprend-il pas l’enthousiasme de sa femme à chanter dans cette chorale férue de reprises pop décalées et menée par la pétillante Élizabeth. Mais peu à peu arthur se laisse toucher par la bonne humeur du groupe et par la gentillesse d’Élizabeth. encouragé par cette dernière, qui a inscrit la chorale à un concours, arthur réalise qu’il n’est jamais trop tard pour changer.

    TOM LE CANCRE

    France – 2011 – 93mn

    Réalisateur : Manuel Pradal

    Avec : Stéphanie Crayencour, Sacha Bourdo, Steve Le Roi, Matys Soboul

    Des enfants de 5 ans s’égarent dans la forêt après que leur maîtresse se soit évanouie en mangeant un fruit sauvage. Ils rencontrent alors un enfant fugueur de 14 ans, Tom le cancre, qui vit dans un chêne centenaire et qui leur propose un marché : il les ramènera à leurs parents quand il leur aura désappris tout ce qu’ils ont appris à l’école. Une classe verte dirigée par un maître cancre ou comment ré-enchanter le monde par la fantaisie et l’impertinence.

    En présence de l’équipe du film.

    Catégorie documentaires

    ARISE

    Australie – 2009 – 85mn – VOSTF

    Réalisatrices : Lori Joyce / Candice Orlando Narratrice : Darryl Hannah

    Arise capture les portraits et les histoires de femmes extraordinaires à travers le monde qui se réunissent pour réparer le mal fait à la Terre. Ce film poétique musical et artistique se déroule dans des paysages d’une incroyable beauté pour tisser une histoire collective et porteuse d’espoir qui nous inspire pour sauver la Terre.

    En présence des deux réalisatrices.

    ASSAM, TERRE DES DIEUX

    France – 2012 – 52mn

    Réalisateur : Patrice Landes

    Niché au milieu de la vallée de Brahmaputra, l’assam est un état d’une grande beauté et d’une grande iversité au nord-est de l’Inde. À travers l’histoire, des peuples de différentes cultures, origines et religions ont émigré dans cette région. Les invasions musulmanes ont apporté l’Islam dans la région. Le Sikhisme s’est développé ici à côté de communautés bouddhistes. avec l’apparition de nouvelles fois et de nouvelles religions, de nombreux temples et monuments ont été construits. aujourd’hui, ils sont les témoins silencieux d’un passé glorieux.

    En présence du réalisateur.

    HE FILM

    France – 2011 – 52mn

    Réalisatrice : Liliane de Kermadec

    Depuis 37 ans, d’abord à pied, ensuite à vélo et à moto, He Fu Quan sillonne les petites routes du Sichuan en apportant partout où il va « la culture et le cinéma », comme il dit. Offerts par le gouvernement chinois, les films sont aujourd’hui envoyés de Pékin par satellite à Chengdu où He Fu Quan, dit « He Film », va les chercher et les emporte sur ses disques durs. arrivé dans un village ou dans une ferme isolée dans la forêt de bambous, il déploie son écran, chacun apporte son tabouret, et, à la nuit ombée, la projection commence. Des paysans, des gens de Pékin et de Chengdu, la Chine de la campagne et de la ville devant l’écran de cinéma.

    En présence de la réalisatrice.

    L’OMBRELLO DI BEATOCELLO

    Suisse – 2011 – 83mn – VOSTF

    Réalisateur : Georges Gachot

    Ces vingt dernières années, le pédiatre suisse Beat Richner a ouvert cinq hôpitaux pour les enfants au Cambodge, structures hypermodernes et entièrement gratuites. Lorsqu’il ne pratique pas, le médecin quête inlassablement des fonds pour faire tourner son entreprise humanitaire. Il devient Beatocello, violoncelliste et apôtre de la générosité.

    En présence du réalisateur.

    TOUCHER LE CIEL

    Canada (Québec) – 2012 – 90mn – VOSTF

    Réalisateur : Adrian Wills

    Toucher le ciel est un film documentaire destiné à tous ceux qui ont un jour rêvé de voyager dans l’espace. Pas à pas, nous suivons le fondateur du Cirque du Soleil, Guy Laliberté, sur la route qui le mènera à la station spatiale internationale, jusqu’à son retour – brutal – sur terre. À travers ses confidences, nous entrons dans la tête de l’apprenti cosmonaute, tantôt serein et confiant, tantôt dépassé par les événements, investi de sa mission poétique. Voilà un artiste lancé dans l’espace, avec ses doutes, ses espoirs, mais aussi son émerveillement absolu. et un poème à livrer.

    En présence du réalisateur.

    Les événements

    Ouverture du festival

    LA FLEUR DE L’ÂGE

    France – 2012 – 83mn

    Réalisateur : Nick Quinn

    Avec : Pierre Arditi, Julie Ferrier,

    Jean-Pierre Marielle

    Gaspard Dassonville a 63 ans. Son style de vie en a la moitié : producteur de télévision réputé, il accumule les compagnes trentenaires et s’obstine à ignorer tout signe de vieillissement. Mais le grand âge lui tombe dessus avec fracas : Gaspard est contraint d’accueillir chez lui son père Hubert, devenu dépendant. Le duo se transforme en trio avec l’arrivée de Zana, aidesoignante aux références douteuses et à l’imagination débridée. Fascinés chacun à sa manière par cette femme peu conventionnelle, père et fils s’affrontent et se découvrent.

    En présence de l’équipe du film.

    Film de clôture

    MUD – SUR LES RIVES DU MISSISSIPPI

    USA – 2012 – 130mn – VOSTF

    Réalisateur : Jeff Nichols

    Avec : Matthew McConaughey, Reese Witherspoon, Sam Shepard

    Ellis et neckbone, 14 ans, découvrent lors de l’une de leurs escapades quotidiennes, un homme réfugié sur une île au milieu du Mississippi. C’est Mud : une dent en moins, un serpent tatoué sur le bras, un flingue et une chemise porte-bonheur. Mud, c’est aussi un homme qui croit en l’amour, une croyanceà laquelle ellis a désespérément besoin de se raccrocher pour tenter d’oublier les tensions entre ses parents.

    Très vite, Mud met les deux adolescents à contribution pour réparer un bateau pour quitter l’île. Difficile cependant pour les garçons de déceler le vrai du faux dans les paroles de Mud. a-t-il vraiment tué un homme, est-il poursuivi par la justice, par des chasseurs de prime ? et qui est donc cette fille mystérieuse qui vient de débarquer dans leur petite ville de l’arkansas ?

    Festival de Cannes 2012 – Sélection officielle compétition.

    Film jeune public

    LES MALHEURS DE SOPHIE

    France – 1981 – 90mn

    à partir de 8 ans

    Adapté du roman Les Malheurs de Sophie, écrit par la Comtesse de Ségur (1858).

    Réalisateur : Jean-Claude Brialy

    Avec : Paprika Bommenel, Frédéric Mestre, Carine Richard, Sandra Gula,

    858. Les aventures de Sophie, une fillette de 6 ans qui vit avec sa mère, Madame de Réan, dans un vaste château. Sophie, curieuse et aventureuse, commet bêtise sur bêtise avec la complicité de son cousin Paul qui lui rend visite pour les vacances. elle a pour amies Camille et Madeleine de Fleurville, des « petites filles modèles » qu’elle peine à imiter, ce qui lui vaut les remontrances de sa mère.

    RED DOG

    Australie – 2011 – 92mn – Comédie

    Version française

    à partir de 8 ans

    Réalisateur : Kriv Stenders

    Avec : Josh Lucas, Rachael Taylor, Noah Taylor, Keisha Castle-Hughes, Luke Ford

    Basé sur une histoire vraie, le film relate le voyage d’un chien roux qui a parcouru des milliers de kilomètres à travers l’australie jusqu’à ce qu’il retrouve son maître!

    Hors compétition

    ALEXANDRE LE BIENHEUREUX

    D’Yves Robert

    LA DÉLICATESSE

    De David et Stéphane Foenkinos

    Le Président d’honneur de l’édition 2013 : Jean-Jacques Beineix

    Les Membres du jury

    Hugo Gélin, président – Mélanie Bernier – David Foenkinos – Camélia Jordana – Baptiste Lecaplain

    Le jury remettra :

    - Le Prix du Meilleur film – Le prix de la Meilleure actrice – Le prix du Meilleur acteur – Les festivaliers voteront pour le Prix du public et le Prix du meilleur documentaire

    Informations http://2013.festival-boulognebillancourt.fr

    Mon compte-rendu du Festival International du Film de Boulogne-Billancourt 2012 : http://inthemoodforfilmfestivals.com/retour-sur-le-festival-international-du-film-de-boulogne-billancourt-2012/

    Informations pratiques

    Billetterie – A partir du 15 avril Au cinéma Pathé Boulogne et à l’Office du tourisme Tarif unique : 3€ – Pass au tarif de 15€ et 10€ au tarif réduit.

    CRITIQUE DE « COMME DES FRERES » D’HUGO GELIN

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    Nombreuses sont les comédies françaises à être sorties depuis le début de l’année (sans doute le reflet d’une frilosité des producteurs se disant qu’en période de crise, le public est friand de ce genre) et rares sont malheureusement celles à se démarquer et surtout à être autre chose qu’une suite de sketchs (certes parfois très drôles), sans véritable scénario ni mise en scène. Je vous parle d’ailleurs rarement de comédies ici mais je tenais à le faire pour celle-ci pour différentes raisons…

    « Comme des frères », c’est l’histoire de trois hommes de trois générations différentes, Boris (François-Xavier Demaison), Elie (Nicolas Duvauchelle) et Maxime (Pierre Niney) qui, a priori, n’ont rien en commun, rien si ce n’est Charlie (Mélanie Thierry), à qui ils étaient tous liés par un sentiment fort et singulier, et qui vient de mourir. Comme elle le leur avait demandé, ils décident de faire ensemble ce dernier voyage qu’elle aurait voulu faire avec eux, direction la Corse et la maison que Charlie aimait tant. 900kms ensemble avec, pour point commun, l’ombre de la lumineuse Charlie, leur chagrin…un voyage après lequel plus rien ne sera tout à fait pareil.

    Dès le début de ce film se dégage un charme inexplicable (pléonasme, non ?) qui vous accroche et attache aux protagonistes pour ne plus vous lâcher… Les frères Dardenne (dans un genre de film certes radicalement différent) répètent souvent que ce sont les personnages qui comptent avant les idées et, si la plupart des comédies se contentent d’une bonne idée et d’un bon pitch, négligeant leurs personnages, ici, dans l’écriture du scénario, Hérvé Mimran ( coauteur/coréalisateur d’une autre comédie très réussie qui d’ailleurs présentait aussi cette qualité: « Tout ce qui brille »), Hugo Gélin et Romain Protat, se sont d’abord attelés à construire des personnages forts et particulièrement attachants : le jeune homme lunaire de 20 ans, le trentenaire scénariste noctambule, et l’homme d’affaires, quadragénaire et seul. Trois personnages qui, tous, dissimulent une blessure.

    Le chagrin et la personne qui les réunissent annihilent la différence d’âge même si elle est prétexte à un gag récurrent (et très drôle) sur les goûts parfois surannés du personnage de François-Xavier Demaison qui apporte toute sa bonhomie mélancolique et attendrissante et la justesse de son jeu à cet homme qui n’arrive pas -plus- à aimer depuis Charlie. L’autre bonne idée est en effet le casting : outre François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle est également parfait, et surtout Pierre Niney ( pensionnaire de la comédie française depuis 2010), découvert au Festival du Film de Cabourg 2011 (où il a cette année reçu le prix de la révélation masculine) dans le très beau premier long-métrage de Frédéric Louf « J’aime regarder les filles » dans lequel il incarnait un personnage d’une maladroite élégance, à la fois léger et grave, immature et obstiné, autodestructeur et volontaire, audacieux et inconscient. Ici il est lunaire, burlesque même, immature (mais finalement pas tant que ça), attachant, et cache lui aussi derrière sa maladresse, une blessure. Pas étonnant que les propositions pleuvent après sa nomination aux César 2012 pour cet acteur par ailleurs humble et sympathique, ce qui ne gâche rien…

    Si je vous parle du film de Frédéric Louf, c’est qu’il présente un autre point commun avec le film d’Hugo Gélin : cette vitalité si chère à Truffaut (« Le cinéma c’est la vitalité » disait-il) qui parcourt tout le film. Une vitalité, un sentiment d’urgence, une conscience du dérisoire de l’existence, de sa beauté mélancolique aussi, et de la tendre ironie qu’inspirent souvent les drames de l’existence, qui changent à jamais le regard sur celle-ci, et que ce film parvient magnifiquement à retranscrire.

    Hugo Gélin ne recourt jamais au pathos, l’écueil dans lequel il aurait été si facile de tomber avec un tel sujet, mais montre au contraire qu’une révoltante et cruelle injustice de l’existence, peut donner une autre saveur à celle-ci , le goût de l’essentiel et qu’elle peut avoir la capacité de (re)créer des liens, ici quasiment fraternels. Plutôt que de nous montrer Charlie malade et agonisante, il nous la montre telle que la voyaient ses trois amis, radieuse, viscéralement vivante et lumineuse, par une série de flashbacks judicieusement amenés qui retracent le lien si particulier que chacun d’entre eux entretenait avec elle mais aussi la manière dont le quatuor devenu trio s’est construit avec, notamment, la très belle scène chaplinesque sur leur première rencontre, intelligemment placée au dénouement.

    Le scénario (qui a le mérité d’être original, de n’être pas l’adaptation d’une BD ou d’un livre, ou la transposition de sketchs d’humoristes désireux de passer derrière et/ou devant la caméra comme c’est très-trop-souvent le cas), sensible, qui nous révèle les liens entre les personnages par petites touches et alterne intelligemment entre rires et larmes, est aussi servi par des dialogues savoureux. Tant pis si certains aspects sont peut-être plus prévisibles comme le prénom donné au bébé de l’un d’entre eux, cela fait aussi partie des codes de ce genre de film.

    De ces trois (quatre)-là, vraiment irrésistibles, émane une belle complicité, une alchimie même, à cause de laquelle ou plutôt grâce à laquelle nous les laissons avec regrets nous frustrant presque de n’en savoir pas plus… Un quatuor qui m’a parfois rappelé celui de « Père et fils » de Michel Boujenah qui mettait ainsi en scène un père et ses trois fils. Le tout est servi par une belle photographie signée Nicolas Massart ( avec des plans que certains cyniques jugeront sans doute clichés, comme ce plan de soleil, reflet d’un nouveau jour et de l’espoir qui se lèvent), un film d’une gravité légère à la fois tendre et drôle, pudique et espiègle: en tout cas, charmant et qui prouve qu’une comédie peut sonner juste et actuelle sans recourir systématiquement au trash ou au cynisme.

    Ajoutez à ce casting impeccable, ce scénario et ces dialogues réjouissants, cette photographie lumineuse, la musique ensorcelante du groupe Revolver (quelle bonne idée d’ailleurs! J’en profite pour vous signaler qu’ils seront à l’Olympia le 25 octobre prochain !) et vous obtiendrez ce road movie attachant et la comédie tendrement mélancolique de l’année qui, comme chez Claude Sautet, célèbre l’amitié, qu’elle soit amoureuse ou plus fraternelle et vous fait furieusement aimer la vie. Alors, n’attendez plus, allez voir sans hésiter Boris, Elie, Maxime et les autres!

    « Comme des frères » vient d’être récompensé aux festivals de cinéma de La Réunion et de Sarlat et Pierre Niney fait partie des révélations pour le César du meilleur espoir masculin 2013.

    CRITIQUE DE « LA DELICATESSE » DE DAVID EET STEPHANE FOENKINOS

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    Il y a deux ans, dans le cadre du jury des lectrices de Elle dont je faisais partie, je découvrais « La Délicatesse », le roman de David Foenkinos en lice pour le prix et dont le film éponyme est l’adaptation signée par ce dernier et Stéphane Foenkinos. Je découvrais aussi l’écriture fantaisiste, précise et délicate de David Foenkinos (oui, je l’avoue, il m’a fallu attendre son 8ème roman pour cela) après avoir remarqué la présence joliment discrète de l’auteur quand d’autres se mettaient en avant avec une ridicule et présomptueuse ostentation, lors d’un débat dans le cadre de feu Forum International Cinéma et Littérature de Monaco. Bien qu’ayant obtenu dix prix littéraires, « La Délicatesse » (à mon grand regret) n’avait pas reçu celui des lectrices de Elle…mais cela ne l’a pas empêché d’en vendre 700000 exemplaires et d’être traduit dans 21 pays…et c’est particulièrement rassurant. Rassurant de voir que pour cela il n’aura fallu ni faire voyager le lecteur dans le temps, ni lui raconter des histoires rocambolesques improbables, ni faire preuve d’un cynisme vengeur et racoleur, ni recourir à un style même pas digne d’un scénario avec deux phrases par page (vous voyez à qui je songe ?). Un livre dont l’auteur ose l’intituler « La Délicatesse » dans une société (pas seulement littéraire) souvent brutale qui prône et glorifie plutôt le cynisme, cela force déjà le respect. A l’encontre d’une société qui veut qu’une pensée se résume à 140 caractères d’exagération ou de mauvaise foi (ah, twitter, mon amour…), ou qu’une personne soit appréhendée et jugée en quelques secondes, le temps d’un regard scrutateur et sentencieux.

    « C’est l’histoire d’une femme qui va être surprise par un homme. Réellement surprise ». Ainsi était résumé ce roman. C’est l’inverse aussi. L’histoire d’un homme qui va être surpris par une femme. Réellement surpris. Et c’est surtout l’histoire de Nathalie (Audrey Tautou), une jeune femme qui a tout pour être heureuse, jeune, belle, insouciante, amoureuse de François (Pio Marmaï) qui avait décidé de la séduire parce qu’elle avait choisi un jus d’abricot, ou à peu près. Ils se marièrent et n’eurent pas le temps d’avoir beaucoup d’enfants car François décède brutalement. Tout pourrait s’arrêter là. D’ailleurs, pour elle le temps s’est arrêté, le jour où la lecture de son livre a été interrompue par la mort de François, mais après le deuil va venir le temps de la renaissance, là où et comme on ne l’attendait pas : un jour, sans raison, un peu perdue dans ses rêveries, elle embrasse un de ses collègues, l’insignifiant Markus (François Damiens)…enfin a priori insignifiant. Va alors naitre l’idée de ce couple improbable…

    Pas facile de transcrire à l’écran ce qui faisait en partie le charme du roman : l’écriture sensible, à la fois pudique et sensuelle, de David Foenkinos, une écriture émaillée d’une réjouissante fantaisie (aphorismes, digressions aussi savoureuses que décalées) qui faisait de ce roman une passionnante histoire autant qu’une aventure ludique pour le lecteur que Foenkinos, avec, décidément, une délicatesse quasiment amoureuse, n’oubliait jamais, ce qui n’est finalement pas si courant…

    « La Délicatesse » est un film à l’image de son personnage principal : d’apparence simple, discret, grave et triste, il se révèle gai, d’une lucidité joyeuse, tendre, et il vous charme d’une manière totalement inexplicable. Le charme des rencontres impromptues, improbables, inattendues. Les plus belles. Et ce n’était pas gagné d’avance. Il faut voir la première apparition de face de Markus, au bout de trente minutes de film (on aperçoit son dos et ses mains lors d’une réunion auparavant mais son visage reste invisible, insignifiant) avec son physique peu évident, son allure débraillée, son assurance hasardeuse. Le jeu du comédien est tel, remarquable François Damiens qui se glisse dans la peau du personnage avec une apparente facilité déconcertante (aidé par la réalisation), que le spectateur finit (presque) par le trouver séduisant, par être charmé à son tour, et en tout cas par comprendre le charme qu’il opère sur Nathalie. Il apparaît comme un personnage aussi lunaire que solaire, grâce à une photographie bienveillante, qui auréole la deuxième partie du film d’une douceur rassurante (très belle photographie de Rémy Chevrin) mais aussi grâce à la douce et énergique bo d’Emilie Simon.

    C’est sans doute cela la délicatesse : une sensation indicible, des petits gestes qui vous vont droit au cœur, une empathie du personnage qui emporte celle du spectateur et qui m’a totalement charmée. Par sa fantaisie (celle du roman qui se retrouve par petites touches). Par son mélange subtil de gravité et légèreté. Par sa manière d’appréhender le deuil et de célébrer le retour à l’espoir, à la vie.

    Dommage peut-être que Markus ne parle pas davantage puisque dans le roman, le charme opérait surtout par la parole. Il n’empêche que ce film est d’une douceur aussi simple que renversante. Audrey Tautou est l’actrice idéale pour incarner Nathalie. A la fois fragile et décidée, entre détermination énergique et une grâce enfantine qui me fait toujours penser à Audrey Hepburn. Une actrice trop rare qui jongle habilement entre le drame et la comédie, à l’image du film qui mêle subtilement les deux genres.

    Un bel hymne à la différence. Un film qui rend hommage aux anonymes, héros du quotidien, ces « émotifs anonymes » (on retrouve d’ailleurs une sensibilité commune avec celle de Jean-Pierre Améris), ces êtres vulnérables qui se découvrent plus qu’ils ne se remarquent mais qui n’en sont que plus intéressants. Avec le même sens de la précision et de l’humour décalé (ah, les joies de la Suède et du 114), avec ces mêmes accents truffaldiens, David et Stéphane Foenkinos réussissent non pas à transposer mais à retranscrire le style enchanteur du roman, son romantisme décalé et dénué de mièvrerie.

    Un délicieux film d’une gravité légère à déguster sans modération, l’histoire d’une renaissance lumineuse qui fera du bien tous ceux qui ont été touchés par le deuil, à tous ceux qui ne croient plus à la beauté foudroyante des hasards et coïncidences et des rencontres singulières, qui ne croit plus que le bonheur réside là où on ne l’attend pas. Voilà ce film m’a totalement charmée, aussi rare (et précieux) que la délicatesse qu’il met en scène, avec le même charme progressif et non moins ravageur.

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  • Critique de "Babel" "Babel" d'Alejandro Gonzales Inarritu (prix de la mise en scène du Festival de Cannes 2006)

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    En attendant le programme du Festival de Cannes 2013 dont je vous rappelle que vous pourrez le suivre en intégralité sur mes sites http://inthemoodforfilmfestivals.com et http://inthemoodforcannes.com je vous propose un petit flash back sur le film de ce dernier qui avait reçu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2006: "Babel", un de mes plus grands chocs cinématographiques cannois et, pour moi, un chef d'oeuvre. Le film sera projeté ce soir à 20H45 sur Ciné+ Emotion. Voici la critique que j'avais alors publiée:

    En plein désert marocain, des enfants jouent avec un fusil que leur père vient d’acheter. Un coup de feu retentit et blesse une touriste américaine dans un bus qui passait sur la route, en contrebas. Les destins de cette femme (Cate Blanchett) et de son mari (Brad Pitt) dont le couple battait de l’aile, les destins des deux enfants responsables du coup de feu, le destin de la nourrice mexicaine des enfants du couple d’Américains, le destin d’une jeune Japonaise, en l’occurrence la fille de l’homme qui a donné le fusil à un Marocain qui l’a revendu au père des deux enfants : ces destins vont tous avoir une influence les uns sur les autres, des destins socialement et géographiquement si éloignés, mais si proches dans l’isolement et dans la douleur.

    Rares sont les films que je retourne voir, mais pour Babel vu au Festival de Cannes 2006 où il a obtenu le prix de la mise en scène et celui du jury œcuménique, c’était une vraie nécessité parce que Babel c’est plus qu’un film : une expérience. Ce film choral qui clôt le triptyque du cinéaste après Amours chiennes et 21 grammes fait partie de ces films après lesquels toute parole devient inutile et impossible, de ces films qui expriment tant dans un silence, dans un geste, qu’aucune parole ne pourrait mieux les résumer. De ces films qui vous hypnotisent et vous réveillent. De ces films qui vous aveuglent et vous éclairent. Donc le même choc, la même claque, le même bouleversement, quelques mois après, l’effervescence, la déraison et les excès cannois en moins. Malgré cela.

    Si la construction n’avait été qu’un vain exercice de style, qu’un prétexte à une démonstration stylistique ostentatoire, l’exercice aurait été alors particulièrement agaçant mais son intérêt provient justement du fait que cette construction ciselée illustre le propos du cinéaste, qu’elle traduit les vies fragmentées, l’incommunicabilité universelle.

    Le montage ne cherche pas à surprendre mais à appuyer le propos, à refléter un monde chaotique, brusque et impatient, des vies désorientées, des destins morcelés. En résulte un film riche, puissant où le spectateur est tenu en haleine du début à la fin, retenant son souffle, un souffle coupé par le basculement probable, soudain, du sublime dans la violence. Du sublime d’une danse à la violence d’un coup de feu. Du sublime d’une main sur une autre, de la blancheur d’un visage à la violence d’une balle perdue et d’une blessure rouge sang. Du sublime du silence et du calme à la violence du basculement dans le bruit, dans la fureur, dans la déraison.

    medium_P80601087315038.jpgUn film qui nous emmène sur trois continents sans jamais que notre attention ne soit relâchée, qui nous confronte à l’égoïsme, à notre égoïsme, qui nous jette notre aveuglement et notre surdité en pleine figure, ces figures et ces visages qu’il scrute et sublime d’ailleurs, qui nous jette notre indolence en pleine figure, aussi. Un instantané troublant et désorientant de notre époque troublée et désorientée. La scène de la discothèque est ainsi une des plus significatives, qui participe de cette expérience. La jeune Japonaise sourde et muette est aveuglée. Elle noie son désarroi dans ces lumières scintillantes, fascinantes et angoissantes. Des lumières aveuglantes: le paradoxe du monde, encore. Lumières qui nous englobent. Soudain aveuglés et sourds au monde qui nous entoure nous aussi.

    Le point de départ du film est donc le retentissement d'un coup de feu au Maroc, coup de feu déclenchant une série d'évènements qui ont des conséquences désastreuses ou salvatrices, selon les protagonistes impliqués. Peu à peu le puzzle se reconstitue brillamment, certaines vies se reconstruisent, d’autres sont détruites à jamais.

    Jamais il n’a été aussi matériellement facile de communiquer. Jamais la communication n’a été aussi compliquée, Jamais nous n’avons reçu autant d’informations et avons si mal su les décrypter. Jamais un film ne l’a aussi bien traduit. Chaque minute du film illustre cette incompréhension, parfois par un simple arrière plan, par une simple image qui se glisse dans une autre, par un regard qui répond à un autre, par une danse qui en rappelle une autre, du Japon au Mexique, l’une éloignant et l’autre rapprochant.

    Virtuosité des raccords aussi : un silence de la Japonaise muette qui répond à un cri de douleur de l’américaine, un ballon de volley qui rappelle une balle de fusil. Un monde qui se fait écho, qui crie, qui vocifère sa peur et sa violence et sa fébrilité, qui appelle à l’aide et qui ne s’entend pas comme la Japonaise n’entend plus, comme nous n’entendons plus à force que notre écoute soit tellement sollicitée, comme nous ne voyons plus à force que tant d’images nous soit transmises, sur un mode analogue, alors qu’elles sont si différentes. Des douleurs, des sons, des solitudes qui se font écho, d’un continent à l’autre, d’une vie à l’autre. Et les cordes de cette guitare qui résonnent comme un cri de douleur et de solitude.

    Véritable film gigogne, Babel nous montre un monde paranoïaque, paradoxalement plus ouvert sur l’extérieur fictivement si accessible et finalement plus égocentrique que jamais, monde paradoxalement mondialisé et individualiste. Le montage traduit magistralement cette angoisse, ces tremblements convulsifs d’un monde qui étouffe et balbutie, qui n’a jamais eu autant de moyens de s’exprimer et pour qui les mots deviennent vains. D’ailleurs chaque histoire s’achève par des gestes, des corps enlacés, touchés, touchés enfin. Touchés comme nous le sommes. Les mots n’ont plus aucun sens, les mots de ces langues différentes. Selon la Bible, Babel fut ainsi une célèbre tour construite par une humanité unie pour atteindre le paradis. Cette entreprise provoqua la colère de Dieu, qui pour les séparer, fit parler à chacun des hommes impliqués une langue différente, mettant ainsi fin au projet et répandant sur la Terre un peuple désorienté et incapable de communiquer.

    medium_P80601161052655.jpgC’est aussi un film de contrastes. Contrastes entre douleur et grâce, ou plutôt la grâce puis si subitement la douleur, puis la grâce à nouveau, parfois. Un coup de feu retentit et tout bascule. Le coup de feu du début ou celui en pleine liesse du mariage. Grâce si éphémère, si fragile, comme celle de l’innocence de ces enfants qu’ils soient japonais, américains, marocains, ou mexicains. Contrastes entre le rouge des vêtements de la femme mexicaine et les couleurs ocres du désert. Contrastes entres les lignes verticales de Tokyo et l’horizontalité du désert. Contrastes entre un jeu d’enfants et ses conséquences dramatiques. Contraste entre le corps dénudé et la ville habillée de lumière. Contraste entre le désert et la ville. Contrastes de la solitude dans le désert et de la foule de Tokyo. Contrastes de la foule et de la solitude dans la foule. Contrastes entre « toutes les télévisions [qui] en parlent » et ces cris qui s’évanouissent dans le désert. Contrastes d’un côté et de l’autre de la frontière. Contrastes d’un monde qui s’ouvre à la communication et se ferme à l’autre. Contrastes d’un monde surinformé mais incompréhensible, contrastes d’un monde qui voit sans regarder, qui interprète sans savoir ou comment, par le prisme du regard d’un monde apeuré, un jeu d’enfants devient l’acte terroriste de fondamentalistes ou comment ils estiment savoir de là-bas ce qu’ils ne comprennent pas ici.

    medium_P80601693016905.jpgMais toutes ces dissociations et ces contrastes ne sont finalement là que pour mieux rapprocher. Contrastes de ces hommes qui parlent des langues différentes mais se comprennent d’un geste, d’une photo échangée (même si un billet méprisant, méprisable les séparera, à nouveau). Contrastes de ces êtres soudainement plongés dans la solitude qui leur permet finalement de se retrouver. Mais surtout, surtout, malgré les langues : la même violence, la même solitude, la même incommunicabilité, la même fébrilité, le même rouge et la même blancheur, la même magnificence et menace de la nuit au-dessus des villes, la même innocence meurtrie, le même sentiment d’oppression dans la foule et dans le désert.

    Loin d’être une démonstration stylistique, malgré sa virtuosité scénaristique et de mise en scène Babel est donc un édifice magistral tout entier au service d’un propos qui parvient à nous transmettre l’émotion que ses personnages réapprennent. Notons que malgré la pluralité de lieux, de langues, d'acteurs (professionnels mais souvent aussi non professionnels), par le talent de son metteur en scène, Babel ne perd jamais sa cohérence qui surgit, flagrante, bouleversante, évidente, au dénouement.

    La mise en scène est volontairement déstructurée pour refléter ce monde qu'il met en scène, un monde qui s'égare, medium_P80601398560603.jpget qui, au moindre geste , à la moindre seconde, au moindre soupçon, peut basculer dans la violence irraisonnée, un monde qui n'a jamais communiqué aussi vite et mal, un monde que l'on prend en pleine face, fascinés et horrifiés à la fois, un monde brillamment ausculté, décrit, par des cris et des silences aussi ; un monde qui nous aveugle, nous assourdit, un monde de différences si semblables, un monde d’après 11 septembre.

    Babel est un film douloureux et clairvoyant, intense, empreint de la fébrilité du monde qu’il parcourt et dépeint de sa lumière blafarde puis rougeoyante puis nocturne. Un film magnifique et éprouvant dont la mise en scène vertigineuse nous emporte dans sa frénésie d’images, de sons, de violences, de jugements hâtifs, et nous laisse avec ses silences, dans le silence d’un monde si bruyant. Le silence après le bruit, malgré le bruit, le silence de l’harmonie retrouvée, l’harmonie éphémère car il suffirait qu’un coup de feu retentisse pour que tout bascule, à nouveau. La beauté et la douleur pareillement indicibles. Babel, tour de beauté et de douleur. Le silence avant les applaudissements, retentissants, mérités. Si le propre de l’Art c’est de refléter son époque et de l’éclairer, aussi sombre soit-elle, alors Babel est un chef d’œuvre. Une expérience dont on ne peut ressortir indemne ! Mais silencieux, forcément.

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  • L'affiche du Festival de Cannes 2013

    Bronx (Paris) – Paul Newman et Joanne Woodward © 1963 by Paramount Pictures Corporation and Llenroc Productions.

    Après, l’an passé, l’affiche avec Marilyn Monroe, les yeux baissés, comme une invitation douce et langoureuse au rêve, soufflant une bougie, affiche à la fois gracieuse et épurée réalisée à partir d’une photo de l’actrice faite par Otto L. Bettmann, ce sont Joanne Woodward et Paul Newman qui sont à l’honneur, sur l’affiche de cette 66ème édition, avec une photo, d'une beauté étourdissante, prise sur le tournage de « A New Kind of Love » de Melville Shavelson, et qui, cette fois nous invitent à un tourbillon de cinéma, à un désir infini de pellicule, le désir infini…comme celui (de cinéma) que suscite Cannes.

    Une affiche qui donne l’illusion du mouvement, de la profondeur, du cinéma donc. Une affiche moderne et intemporelle, d’un noir et blanc joyeusement nostalgique, paradoxale à l’image de tous ces cinémas qui se côtoient à Cannes. Une affiche qui, une fois de plus, nous donne envie de ce tourbillon de (la) vie, d’envies, de cinéma, d’envies de cinéma, un vertig(o)e (presque hitchcockien) troublant et envoûtant qu’est le Festival de Cannes et que sera indubitablement cette 66ème édition que je me réjouis de vous faire vivre prochainement ici.

    Le Festival de Cannes a accueilli le couple mythique en 1958 – année de leur mariage- en sélectionnant en Compétition Les Feux de l’été (The Long Hot Summer) de Martin Ritt, premier film qu’ils tournèrent ensemble.

    La photo de tournage a été isolée puis retravaillée et mise en scène par l’agence Bronx, qui l’a intégrée à un décor cinétique, jouant sur l’impression de mouvement et de profondeur pour renforcer l’effet cinématographique.

    «C’est pour le Festival l’occasion de rendre hommage à la mémoire de Paul Newman, disparu en 2008, et de faire un salut plein d’admiration à Joanne Woodward, sa femme et son interprète d’élection», ont déclaré les organisateurs dans le communiqué de presse. Joanne Woodward pourrait monter les marches le jour de l’ouverture…mais rien n’a été confirmé pour le moment.

    Je vous rappelle que l’ouverture du Festival aura lieu le 15 Mai avec la projection de « Gatsby le magnifique » de baz Luhrmann et que le jury sera présidé par Steven Spielberg et, enfin, que l’Inde sera le pays à l’honneur.

    Suivez le Festival de Cannes 2013 en direct sur mes différents blogs : http://inthemoodforfilmfestivals.com , http://inthemoodlemag.com , http://inthemoodforcannes.com et sur twitter (@moodforcinema , @moodforcannes , @moodforfilmfest ).

    Lien permanent Imprimer Catégories : FESTIVAL DE CANNES 2013 Pin it! 0 commentaire
  • Festival International du Film Policier de Beaune 2013 : programme et jury

    Cliquez sur l'affiche pour découvrir le programme et le jury du festival sur mon site http://inthemoodforfilmfestivals.com :

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  • Critique de "Potiche" de François Ozon, ce soir, à 20H45, sur France 2

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    Il semblerait que François Ozon ait adopté le rythme woodyallenien d’un film par an, signant ainsi avec « Potiche » son douzième long-métrage en douze ans, en passant par des films aussi divers et marquants que « Sitcom », « Swimming pool », « Sous le sable », « Huit femmes »… mais avec toujours la même exigence et toujours un casting de choix (en bas de cet article, en bonus, la critique de son dernier film "Dans la maison").

    Ainsi, dans « Potiche » c’est Catherine Deneuve (que François Ozon retrouve ici 8 ans après « Huit femmes ») qui incarne Suzanne Pujol, épouse soumise de Robert Pujol (Fabrice Luchini) que sa propre fille Joëlle (Judith Godrèche) qualifie avec une cruelle naïveté de «potiche ». Nous sommes en 1977, en province, et Robert Pujol est un patron d’une usine de parapluies irascible et autoritaire aussi bien avec ses ouvriers qu’avec sa femme et ses enfants. A la suite d’une grève et d’une séquestration par ses employés, Robert a un malaise qui l’oblige à faire une cure de repos et s’éloigner de l’usine. Pendant son absence, il faut bien que quelqu’un le remplace. Suzanne est la dernière à laquelle chacun pense pour remplir ce rôle et pourtant elle va s’acquitter de sa tâche avec beaucoup de brio, secondée par sa fille Joëlle et par son fils Laurent (Jérémie Rénier)…

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    Difficile d’imaginer une autre actrice que Catherine Deneuve dans ce rôle (autrefois tenu par une actrice qui ne lui ressemble guère, Jacqueline Maillan, dans la pièce de Barillet et Grédy dont le film est l’adaptation) tant elle y est successivement et parfois en même temps : lumineuse, maligne, snob, touchante, malicieuse, drôle, tendre, naïve, naïvement féroce …et tant ce film semble être une véritable déclaration d’amour à l’actrice. Qu’elle chante « Emmène-moi danser ce soir », qu’elle esquisse quelques pas de danse avec Depardieu ou qu’elle fasse son jogging avec bigoudis, jogging à trois bandes, en parlant aux animaux (et à une nature, prémonitoire, elle aussi moins naïve qu'il n'y paraît) et écrivant des poèmes naïfs ou qu’elle se transforme en leader politique, chacune de ses apparitions (c’est-à-dire une grosse majorité du film) est réellement réjouissante. Depuis que je l’avais vue, ici, lors d’une inoubliable rencontre à sciences-po ou lors de sa leçon de cinéma, tout aussi inoubliable, dans le cadre du Festival de Cannes 2005 (dont vous pouvez retrouver mon récit, ici), j’ai compris aussi à quel point elle était aussi dans la « vraie vie » touchante et humble en plus d’être talentueuse et à quel point sa popularité était méritée. Et puis, je n’oublierai jamais non plus son regard dans la dernière scène de cet autre film, d’une bouleversante intensité à l’image du film en question.

    Ici, lorsqu’elle se retrouve avec Babin-Depardieu, c’est toute la mythologie du cinéma que François Ozon, fervent cinéphile, semble convoquer, six ans après leur dernier film commun « Les temps qui changent » de Téchiné et trente ans après le couple inoubliable qu’ils formèrent dans « Le Dernier métro » de Truffaut. Emane de leur couple improbable (Depardieu interprète un député-maire communiste) une tendre nostalgie qui nous rappelle aussi celui, qui l’était tout autant, de « Drôle d’endroit pour une rencontre » de François Dupeyron. Et les parapluies multicolores ne sont évidemment pas sans nous rappeler ceux de Demy dont l’actrice est indissociable.

    Si le film est empreint d’une douce nostalgie, et ancré dans les années 1970 et une période d’émancipation féminine, Ozon s’amuse et nous amuse avec ses multiples références à l’actualité et les couleurs d’apparence acidulées se révèlent beaucoup plus acides, pour notre plus grand plaisir. D’un Maurice Babin dont l’ inénarrable inspiration capillaire vient de Bernard Thibault, à un Pujol aux citations sarkozystes en passant par une Suzanne qui s’émancipe et prend le pouvoir telle une Ségolène dans l’ombre de son compagnon qui finit par lui prendre la lumière sans oublier les grèves et les séquestrations de chefs d’entreprise, les années 70 ne deviennent qu’un prétexte pour croquer notre époque avec beaucoup d’ironie. Acide aussi parce qu’une fois de plus il n’épargne pas les faux-semblants bourgeois derrière le vaudeville d’apparence innocente.

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    Si Catherine Deneuve EST le film, il ne faudrait pas non plus oublier Fabrice Luchini en patron imbuvable, Judith Godrèche en fille réactionnaire aux allures de Farrah Fawcett, Jérémie Rénier en fils à la sexualité incertaine aux allures de Claude François et Karin Viard irrésistible en secrétaire s’émancipant peu à peu du joug de son patron. Les costumes, sont aussi des acteurs à part entière, et en disent parfois plus longs que des discours et montrent à quel point Ozon ne laisse rien au hasard.

    Un film à la fois drôle et tendre, nostalgique et caustique dont on ressort avec l’envie de chanter, comme Ferrat et Suzanne, « C’est beau la vie »…malgré un scénario parfois irrégulier et quelques ralentissements que nous fait vite oublier cette savoureuse distribution au premier rang de laquelle Catherine Deneuve plus pétillante, séduisante et audacieuse que jamais .

    Critique de "Dans la maison" de François Ozon

    Comme je le fais avec certains de ses ainés (Resnais, Téchiné…) du cinéma français, je m’efforce (très doux effort, d’ailleurs) de ne manquer aucun film de François Ozon, promesse toujours d’une promenade dans les méandres de son imagination fertile servie, toujours aussi, par une réalisation maligne, complice ou traitre, qui nous conduit dans les secrets, souvent enfouis ou inavoués, de l’intérieur…des âmes et/ou des habitations. Et justement, ce nouveau long-métrage librement adapté de la pièce espagnole de Juan Mayorga intitulée « Le Garçon du dernier rang » s’intitule « Dans la maison ».

    Cette maison, c’est celle dans laquelle s’immisce un garçon de 16 ans, Claude (Ernst Umhauer), celle d’un élève de sa classe, Rapha(ël). C’est ce qu’il commence à raconter à son professeur de français, Germain Germain (incarné par Fabrice Luchini) dans une rédaction, un devoir donné par ce dernier demandant à ses élèves (pardon : ses apprenants) de raconter leur week end. Plus doué que les autres dont les rédactions ne sont qu’une suite de banalités désespérantes, l’élève attire son attention par son intelligence malgré (à cause de ?) son mépris de « l’odeur de la femme de la classe moyenne". La rédaction se termine par « A suivre ». Et des suites, il y en aura beaucoup. Reprenant goût à l’enseignement, Germain le professeur aigri, écrivain raté, continue à donner des cours particuliers et à demander des rédactions à son brillant élève qui dénote parmi ses élèves à uniformes (et uniformisés) et qui continue ainsi à lui raconter et/ou inventer les suites de son aventure et de son intrusion dans la maison. Germain va alors devenir le complice, le manipulateur et la victime de cette brillante rédaction/manipulation à suivre encore et toujours…

    « Dans la maison » commence avec Germain, professeur sans histoire(s), dans le hall vide et austère du lycée, à l’image de son existence, un premier plan auquel le dernier très hitchcockien (je ne vous dirai évidemment pas en quoi il consiste), au contraire riche d’histoires, fait brillamment écho. Entre les deux, François Ozon, s’amuse avec les mots, rend hommage à leur prodigieux pouvoir, à leur troublante beauté, nous donne des pistes pour mieux nous en écarter, bref, nous manipule tout comme son élève manipule son professeur par un savant jeu de mise en abyme. Jeu de doubles, de miroirs et de reflets dans la réalisation comme dans les identités : Germain Germain, les deux jumelles (très courte mais irrésistible apparition de Yolande Moreau) et évidemment la plus maligne et féroce d’entre toutes, le spectateur et Germain pareillement manipulés, voyant leur curiosité aiguisée par un autre duo Claude/Ozon.

    Et c’est ce qu’est avant tout ce nouveau film de François Ozon : une brillante leçon de manipulation et (donc) surtout d’écriture et de scénario (de ce point de vue comme le prolongement de « Swimming pool » et, dans une moindre mesure, de « Sous le sable »). Tout comme Germain donne un cours d’écriture à Claude en lui parlant de personnages, d’objectifs et de conflits ou encore de ce en quoi consiste une bonne fin (« Quand le spectateur se dit Je ne m’attendais pas à ça et ça ne pouvait pas finir autrement »), Ozon nous en donne une à nous aussi, en ne suivant justement pas ce schéma habituel, pour mieux nous dérouter, manipuler, et maintenir ainsi constamment le suspense, la surprise, voire l’emprise. Nous sommes sa marionnette consentante, dans la même situation que Germain, avides de connaître ce que cache ce « A suivre », Claude étant d’ailleurs, plus qu’un brillant écrivain, surtout très habile pour encourager la fibre voyeuriste de son lecteur (enfin, de ses lecteurs, puisque Germain lit tous ses textes à son épouse). Ce n’est évidemment pas un hasard si Germain et cette dernière vont au cinéma pour voir « Match point » de Woody Allen, la plus brillante des leçons de scénario et manipulation qui soit (critique en bonus à la fin de cet article, avec celle de « Potiche » également de François Ozon).

    Et puis, surtout, Ozon s’amuse. Avec les mots, faussement dérisoires ou terriblement troublants et périlleux. Avec les noms propres (Germain Germain). Avec les codes de l’art : son absurdité, parfois (scènes irrésistibles dans la galerie de l’épouse de Germain interprétée par Kristin Scott Thomas) et sa beauté, souvent (« L’art nous éveille à la beauté des choses » ). Cela pourrait devenir un thriller mais Ozon se contente d’une inquiétante normalité qui, d’un instant à l’autre, semble pouvoir dériver vers le drame, toujours latent, retenant ainsi constamment notre attention. Riche de ses influences et références : de Pasolini (« Théorème ») à Hitchcock (« Fenêtre sur cour »), ce nouveau film de François Ozon se situe quelque part entre Chabrol et Polanski mais surtout témoigne de son style bien à lui prouvant, si besoin en était, la vitalité du cinéma français qui compte parmi les meilleurs films de cette année ( dans des genres différents : « J’enrage de son absence », « Une bouteille à la mer », « Vous n’avez encore rien vu », « Les Adieux à la reine », « Comme des frères »… ).

    Le jeu trouble des acteurs, les angles changeants de la caméra (souvent trompeurs et doubles, eux aussi) permettent de brouiller les repères et de mêler les genres cinématographiques, les perceptions, la fiction et la réalité, de s’amuser avec ce jeu dangereux et délectable qu’est l’écriture, avec les clichés aussi. Clichés d’une famille qui semble tout droit sortie d’une sitcom avec sa maison à la décoration proprette, le père incarné par un Denis Ménochet moustachu et réjouissant (qui se prénomme Rapha comme le fils, brouillant là aussi d’autres repères) obsédé par la Chine et le basket, le fils totalement insipide, et la mère (Emmanuelle Seigner, parfaite dans ce contre-emploi de femme au foyer) constamment plongée dans ses magazines de décoration, caricatures de la classe moyenne vue par l’esprit arrogant de Claude.

    Puis il y a Luchini, plus juste que jamais, cet amoureux des mots, sublimes et périlleux, auxquels Ozon rend si bien hommage, citant justement les auteurs que l’acteur aime tant : La Fontaine, Flaubert, Céline, ou encore Dostoïevski (à qui Woody Allen faisait d’ailleurs largement référence dans « Match point ») qui transpose « des êtres pathétiques, nuls, en personnages inoubliables ». Je vous reparlerai de Luchini et de l’amour des mots demain avec mon compte-rendu de la Master class de Jean-Laurent Cochet, le maître de l’acteur qui continue d’ailleurs de le citer régulièrement.

    Un film brillant et ludique, un labyrinthe (avec et sans minotaure) joyeusement immoral, drôle et cruel, une comédie grinçante et un jeu délicieusement pervers, qui ne pourra que plaire aux amoureux de la littérature et de l’écriture qui sortiront de la salle heureux de voir que, toujours, le cinéma et l’écriture illuminent (ou, certes, dramatisent) l’existence et, en tout cas, sortent vainqueur, et peut-être sortiront-ils aussi en ressassant cette phrase : « Même pieds nus la pluie n’irait pas danser ». A suivre…