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cinéma - Page 106

  • CRITIQUE - LE CERCLE ROUGE de Jean-Pierre Melville à 20H45 sur France 2

     

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    A l'occasion de sa diffusion ce soir, sur France 2, je vous propose aujourd'hui une critique du film « Le Cercle rouge » de Jean-Pierre Melville re.  Bien plus qu'un film policier, ce film est sans nul doute un de ceux qui ont fait naitre ma passion pour le cinéma...

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    Synopsis : Le commissaire Matteï (André Bourvil) de la brigade criminelle est chargé de convoyer Vogel (Gian Maria Volonte), un détenu. Ce dernier parvient à s'enfuir et demeure introuvable malgré l'importance des moyens déployés. A même moment, à Marseille, Corey (Alain Delon), à la veille de sa libération de prison, reçoit la visite d'un gardien  dans sa cellule venu lui proposer une « affaire ». Alors que Corey gagne Paris, par hasard, Vogel se cache dans le coffre de la voiture. Corey et Vogel montent alors ensemble l'affaire proposée par le gardien : le cambriolage d'une bijouterie place Vendôme. Ils s'adjoignent ensuite les services d'un tireur d'élite : Janson, un ancien policier, rongé par l'alcool.

    Dès la phrase d'exergue, le film est placé sous le sceau de la noirceur et la fatalité : " Çakyamuni le Solitaire, dit Siderta Gautama le Sage, dit le Bouddha, se saisit d'un morceau de craie rouge, traça un cercle et dit : " Quand des hommes, même sils l'ignorent, doivent se retrouver un jour, tout peut arriver à chacun d'entre eux et ils peuvent suivre des chemins divergents, au jour dit, inéluctablement, ils seront réunis dans le cercle rouge (Rama Krishna)".

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    C'est cette fatalité qui fera se rencontrer Corey et Vogel puis Jansen et qui les conduira tous les trois à la mort « réunis dans le cercle rouge ». Ce cercle rouge réunit aussi policier et gangsters, Mattei ressemblant à bien des égards davantage à ces derniers qu'à l'inspecteur général pour qui les hommes sont « tous coupables ». Dès le début, le film joue sur la confusion : le feu rouge grillé par la police, les deux hommes (Vogel et Matteï) qui rentrent en silence dans la cabine de train, habités par la même solitude, et dont on ne découvre que plus tard que l'un est policier et l'autre un prévenu. Il n'y a plus de gangsters et de policiers. Juste des hommes. Coupables. Matteï comme ceux qu'ils traquent sont des hommes seuls. A deux reprises il nous est montré avec ses chats qu'il materne tandis que Jansen a pour seule compagnie «  les habitants du placard », des animaux hostiles que l'alcool lui fait imaginer.

    Tous sont prisonniers. Prisonniers d'une vie de solitude. Prisonniers d'intérieurs qui les étouffent. Jansen qui vit dans un appartement carcéral avec son papier peint rayé et ses valises en guise de placards. Matteï dont l'appartement ne nous est jamais montré avec une ouverture sur l'extérieur. Ou Corey qui, de la prison, passe à son appartement devenu un lieu hostile et étranger. Prisonniers ou gangsters, ils subissent le même enfermement. Ils sont avant tout prisonniers du cercle du destin qui les réunira dans sa logique implacable. Des hommes seuls et uniquement des hommes, les femmes étant celles qui les ont abandonnés et qui ne sont plus que des photos d'une époque révolue (que ce soit Corey qui jette les photos que le greffe lui rend ou Matteï dont on aperçoit les photos de celle dont on imagine qu'elle fut sa femme, chez lui, dans un cadre).

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    Avec une économie de mots (la longue -25 minutes- haletante et impressionnante scène du cambriolage se déroule ainsi sans qu'un mot soit échangé), grâce à une mise en scène brillante, Melville signe un polar d'une noirceur, d'une intensité, d'une sobriété rarement égalées.

     Le casting, impeccable, donne au film une dimension supplémentaire : Delon en gangster désabusé et hiératique (dont c'est le seul film avec Melville dont le titre ne le désigne pas directement, après « Le Samouraï » et avant « Un flic »), Montand en ex-flic rongé par l'alcool, et  Bourvil, mort peu de temps après le tournage, avant la sortie du film (même s'il tourna ensuite « Le mur de l'Atlantique »), est ici bouleversant dans ce contre-emploi, selon moi son meilleur deuxième rôle dramatique avec « Le Miroir à deux faces ».  Ce sont pourtant d'autres acteurs qui étaient initialement prévus : Lino Ventura pour « Le commissaire Matteï », Paul Meurisse pour Jansen et Jean-Paul Belmondo pour Vogel.

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    La critique salua unanimement ce film qui fut aussi le plus grand succès de Melville dont il faut par ailleurs souligner qu'il est l'auteur du scénario original et de cette idée qu'il portait en lui depuis 20 ans, ce qui lui fit dire : « Ce film est de loin le plus difficile de ceux qu' j'ai tournés, parce que j'en ai écrit toutes les péripéties et que je ne me suis pas fait de cadeau en l'écrivant. »

    En tout cas, il nous a fait un cadeau, celui de réunir pour la première et dernières fois de grands acteurs dans un « Cercle rouge » aux accents hawksiens, aussi sombre, fatal qu'inoubliable.

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    En complément - Critiques -
  • Conférence de presse du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013

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    C'est le 19 juillet prochain qu'aura lieu la conférence de presse du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2013.

    Vous pourrez alors retrouver le programme détaillé ici et sur mes sites http://inthemoodforfilmfestivals.com (sur lequel le Festival du Cinéma Américain de Deauville est à l'honneur dès à présent et http://inthemoodfordeauville.com  (entièrement consacré aux festivals de Deauville).

    En attendant, suivez le lien suivant pour retrouver tous mes articles consacrés à ce 39ème Festival du Cinéma Américain de Deauville: http://inthemoodforfilmfestivals.com/category/festival-du-cinema-americain-de-deauville/ .

    Pour vous plonger dans l'ambiance dès à présent, vous pouvez aussi lire mon roman "Les Orgueilleux" qui se déroule dans le cadre du festival, et si vous le lisez cet été, vous pourrez même gagner une liseuse électronique. Toutes les infos, ici: http://inthemoodforfilmfestivals.com/concours-decouvrez-mon-roman-ebook-les-orgueilleux-editeur-numeriklivres-et-gagnez-une-liseuse/

     

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  • Critique de BOXES de Jane Birkin - Festival Paris Cinéma 2013 (20H20, Cinéma Grand Action)

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    Deux films à ne pas manquer aujourd'hui au Festival Paris Cinéma : "Grand Central" de Rebecca Zlotowski dont vous pouvez retrouver ma critique en cliquant ici et "Boxes" de Jane Birkin que j'avais découvert en avant-première lors du Festival de Cannes 2007 dans le cadre duquel ce film avait été projeté. La critique ci-dessous est celle que j'avais alors publiée. Le film de Jane Birkin est projeté, ce soir, à 20H20, au Cinéma Grand Action. Retrouvez également cet article sur mon site http://inthemoodlemag.com.

    Dinard. Octobre 1999. Suite à un concours d'écriture, j’avais la chance d’être sélectionnée pour intégrer le jury de professionnels (ce que je n’étais pas:-), alors simple étudiante en droit, déjà follement passionnée de cinéma) du Festival du Film Britannique de Dinard dont la présidente était Mme Jane Birkin qui (avec quelques autres membres du jury comme Daniel Prévost ou Etienne Daho m'avaient accueillie avec une gentillesse rare alors que j'étais à l'époque si intimidée). J’appréhendais cette rencontre : il est parfois difficile de se confronter à la réalité et de rencontrer ceux qu’on admire. A tort cette fois…parce que la réalité était exactement conforme à l’image, plus belle peut-être. Celle d’une femme bouleversante de gentillesse, de simplicité, d’humanité, de sensibilité, de talent rares, magnifiquement fantasque. Bouleversante et fantasque à l’image de  ces « Boxes ». Octobre 1999, je me souviens d’un soir, dans les brumes oniriques du Festival de Dinard, d’une conversation étrange, de l’évocation passionnée d’un projet, tellement personnelle que je m’en voulais presque d’être là, de ne pas savoir trouver les mots, de ne pas savoir ou oser les dire et les questionner.

     Cannes. Mai 2007. Cette conversation magique et étrange qu’elle a certainement oubliée me revient. « Boxes ». Jane Birkin se bat depuis 10 ans pour que ces boîtes prennent vie, « Boxes » était le projet qu’elle évoquait avec tant de passion, de fougue, d’exaltation mystérieuse et presque mystique ce jour-là.  Cannes, Mai 2007, c’est dans la salle du 60ème  qu’a lieu cet hommage à Jane Birkin avec la projection de « Boxes » en avant-première. Thierry Frémaux remercie Maria de Medeiros (une autre personne bouleversante de gentillesse et de simplicité…et de talent, mais là c’est encore une autre histoire que je vous conterai peut-être un jour), membre du jury, de sa présence puis il annonce l’arrivée de l’équipe du film. Puis, Jane Birkin, fébrile, présente ce projet qui lui tient tant à cœur, qu’elle a eu tant de mal à monter. Dix ans donc, dix longues années… La lumière s’éteint. Je retiens mon souffle. J’espère que la salle du 60ème, toute entière, en fait de même. Voilà « Boxes »…

    « Un bord de mer en Bretagne : Anna (Jane Birkin), cinquante ans, anglaise, emménage dans sa nouvelle maison. Les pièces sont envahies de « boxes », les cartons de déménagement qui renferment mille objets…Mille souvenirs, surtout. Anna a vécu beaucoup de vies et son passé surgit des boîtes. Lorsqu’elle les ouvre apparaissent ceux qui ont compté dans sa vie. Ses parents, mais aussi ses enfants, et leurs pères, les morts et les vivants."

     Jane Birkin ne ressemble à personne. Ce film ne ressemble à aucun autre, même s’il porte des influences bien sûr. On songe à Ruiz ou Bergman. Et quelles références. Générique de fin. Quelques timides applaudissements. Quand la lumière reviendra, aveuglante, dérangeante, je suis certaine que la salle se lèvera, se lèvera pour manifester son enthousiasme débordant pour ce film empreint de la personnalité atypique de sa réalisatrice. La lumière revient. Les applaudissements, reprennent, si timides, trop. Trop pour un projet porté depuis 10 ans. Trop pour un film suintant de la grâce de l’existence. Trop timides pour ce film lumineux et sombre, cru(el) et poétique, grave et drôle, loufoque et réaliste à l’image encore de sa réalisatrice (et de la vie) qui filme les êtres qui ont jalonné son existence avec tendresse, tellement, qui se filme sans concession, sans fards, et qui n’en apparaît que plus impériale.

    Chaque personnage est traité avec autant d’intérêt, que ce soit l’impertinence joyeuse de sa mère (Géraldine Chaplin) ou de son père (Michel Piccoli) ou la dérision, et la gravité parfois, mélancoliques d’une de ses filles (interprétée par Lou Doillon dont on se demande ici pourquoi elle ne tourne pas davantage, aussi chanteuse à la voix envoûtante) et par le personnage d’Annie Girardot dont chaque apparition nous fait retrouver la magnifique comédienne, tragiquement drôle. Après sa magie: le miracle du cinéma.

     L’émotion est d’autant plus grande car, même s’il s’agit d’une fiction, il n’est pas difficile de reconnaître les personnes qui ont partagé la vie de la réalisatrice, Maurice Bénichou filmé avec une infinie tendresse ressemble à s’y méprendre à Serge Gainsbourg.

    Ce film ne se contente pas d’être une galerie de portraits, de fantômes du passé de la vie de cette femme à un tournant de sa vie, il reflète un vrai point de vue sur le monde, un vrai regard de cinéaste, l’acuité d’un regard tendre, ironique, qui évoque avec pudeur des moments ou des sujets impudiques. Un regard qui oriente magnifiquement ses acteurs, tous y paraissant plus que jamais éclatants de talent (à commencer par Jane Birkin-actrice), incarnant des personnages brillamment dessinés, interprétés, tous attachants par leurs fêlures davantage encore que par leurs forces.

     

     Ce film ne nous laisse pas le temps de respirer, il nous étreint, nous enlace, nous saisit avec nos peurs, nos regrets, nos espoirs, nos bonheurs et ne nous lâche plus. Les fantômes du passé ressurgissent dans une cavalcade étourdissante filmée avec brio et inventivité avant de s’éclipser pour laisser place à l’avenir. Un nouvel amour. Même si tout le film est empreint de celui qu’elle porte à tous les personnages qui le traversent, l’occupent et l’habitent d’ailleurs plutôt qu’ils ne le traversent. Passé et présent, morts et vivants,  cruauté et tendresse se croisent habilement grâce à une mise en scène particulièrement inspirée. De ces boxes c’est la vie qui surgit, avec ses souvenirs parfois encombrants.

     

     Cannes 2007, minuit et quelques. Les spectateurs, déjà bruyants, déjà là et ailleurs, quittent la salle du 60ème. L’équipe du film se laisse photographier, agripper, ausculter sans ménagement. Je me contente de regarder, de loin, gênée, gênée  par les flashs des appareils qui crépitent, gênée parce que les spectateurs qui bousculent pour approcher l’équipe sont déjà dans l’instant et dans l’après, loin de ce film qui me porte et m’émeut encore, gênée parce que la magie (ou le miracle, si vous voulez) pour eux, s’est déjà éclipsée, n’a peut-être même jamais été, gênée parce que la vie, la vie à travers le prisme d’un appareil, déformée, peut-être moins réelle alors que celle qui était sur l’écran, reprend déjà et trop vite son cours. Je m’éloigne encore un peu. Du haut de la salle du 6Oème, sur le toit du Riviera, je regarde la Croisette scintiller de mille feux, presque irréelle. Les faisceaux lumineux autour du palais des festivals éclairent les mouettes qui le survolent dans leur ballet magique et surréaliste. Les flashs continuent à crépiter, impitoyables, aveuglants, surtout aveugles, presque indécents. Pour eux, les Boxes sont tellement rangées. Pour moi, elles sont encore tellement présentes. Jane, j’aurais aimé vous dire à quel point votre film m’a émue, mais je vous ai laissée dans ce tourbillon imperturbable et presque impudique  de flashs, et je suis repartie en regardant les mouettes et leur ballet poétique pour rester dans le film, le vôtre et un autre, celui de ce Cannes 2007, une autre irréalité dont je ne voudrais pas m’évader de cette évasion cinématographique. Merci Jane, ce que je n'ai pu ni oser vous dire, l'espace de ces quelques jours où j'ai eu la chance de vous croiser, de débattre cinéma avec vous. Merci.

     

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  • Théâtre - "Une journée ordinaire" avec Anouchka Delon, Alain Delon... :critique et dates de la tournée

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    Pour une meilleure lisibilité de cet article rendez-vous sur un autre de mes sites http://inthemoodlemag.com .

    Alors que la semaine prochaine sortira en salles la version restaurée de "Plein soleil" de René Clément (disponible à partir d'aujourd'hui en DVD/Blu-ray), un de mes films de prédilection que j'ai eu le plaisir de revoir lors de l'exceptionnelle projection cannoise (grand moment d'émotion) puis dans le cadre du Champs-Elysées Film Festival avant que le film soit projeté ce jeudi dans le cadre du Festival Paris Cinéma, c'est aujourd'hui de théâtre dont je vais vous parler.

     

     

    En effet, avec sa fille Anouchka Delon, Alain Delon va reprendre la pièce « Une journée ordinaire » de Éric Assous,  une pièce  qu’ils ont jouée ensemble à Paris en 2011, dans une mise en scène de Jean-Luc Moreau (cette fois ce rôle sera dévolu à Anne Bourgeois). C'est d'ailleurs à cette occasion que je l'avais découverte, lors d'une première mémorable. Je vous l'avais alors vivement recommandée et je réitère bien entendu.

    « J’ai eu envie, c’est bête de le dire, de cette tournée française que je veux vivre avant de mourir. C’est important une tournée en France que je n’ai jamais faite » a déclaré l'acteur. 

     Retrouvez ci-dessous ma critique de la pièce suite à sa première, en 2011, au théâtre des Bouffes Parisiens.

    Retrouvez également, à la fin de la critique, les dates de la tournée qui commencera le 8 octobre 2013. Pour en savoir plus, vous pouvez aussi rejoindre la page Facebook consacrée à l'évènement, ici. La pièce d'Eric Assous sera cette fois mise en scène par Anne Bourgeois, produite par Richard Caillat avec, pour interprètes: Anouchka Delon, Alain Delon, Elisa Servier, Julien Dereims.

    Ce n'est pas un secret pour vous si vous suivez régulièrement ce blog, ce sont pour la plupart des films avec Alain Delon qui sont à l'origine de ma dévorante passion pour le cinéma comme vous le constaterez dans mon dossier consacré à Alain Delon avec les critiques de 9 de ses films et de quelques pièces de théâtre, en cliquant ici.

    Retrouvez enfin mon roman "les Orgueilleux " publié en Mai 2013, ici, à l'origine un de mes scénarii dont le personnage principal m'a été inspiré par Alain Delon en rêvant de le voir un jour incarné par l'acteur. A bon entendeur...

     Une journée ordinaire - Critique de la pièce (suite à la première parisienne en 2011)

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    Photos ci-dessus par Inthemoodforcinema.com

     

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     Ce soir, au théâtre des Bouffes Parisiens (ce n’est pas un hasard, ce théâtre appartenait à Jean-Claude Brialy, grand ami d’Alain Delon) a eu lieu la première de la pièce « Une journée ordinaire ».  Une pièce qui met en scène Alain Delon n’a de toute façon rien d’ordinaire et le titre, déjà, est d’une délicate dérision. Cela n’a rien d’ordinaire parce que Tancrède, Roch Siffredi, Jeff Costello, Corey, Robert Klein, Roger Sartet, Gino…, tout un pan de l’histoire du cinéma accompagne celui qui les a immortalisés. Cela n’a rien d’ordinaire parce qu'Alain Delon est seulement pour la septième fois au théâtre. Cela n’a rien d’ordinaire parce que cette pièce a été écrite par Eric Assous à la demande d'Alain Delon pour sa fille Anouchka.

    Emportée par le doux tourbillon de la vie parisienne, je réalise que la dernière pièce de théâtre à laquelle j’ai assisté c’était aussi une pièce avec Alain Delon, « Love letters » et auparavant « Sur la route de Madison », pourtant les premières années à Paris, j’allais très souvent au théâtre pour voir des pièces classiques, plus avant-gardistes ou populaires, ou les trois. Et pourtant j’ai toujours tant aimé ce frémissement, ce murmure, ce frisson avant le lever de rideau, avant cette rencontre palpitante qui nous plonge à la fois hors de la réalité et pleinement dans l’instant présent qui se joue face à nous. J’ai toujours aimé, aussi, observer le spectacle qui se joue dans la salle, intemporel ballet de la vie parisienne,  réminiscence de mes lectures balzaciennes favorites et qui fait que lors d’une première comme celle-ci se croisent un chanteur aux allures de poète d’un autre temps, un écrivain aux allures de chanteur lui aussi –décidément, le décalage était à la mode- d’un autre temps, un présentateur de jeux télévisés, un mythe du cinéma, une actrice qui aurait aimé l’être, sans doute, ce mythe,  et tant d’autres qui se croisent, s’observent et souvent feignent de s’ignorer ou s’adorer avec la même application. Fascinant ballet dont chacun est à la fois danseur, chorégraphe et spectateur. Mais là n’était pas l’essentiel, juste ce qui permettait de se distraire en l’attendant.

    L’essentiel a eu lieu quand le rideau s’est levé et que j’ai oublié tout le reste, alors insignifiant. Quand le rideau s’est levé sur Anoucka Delon/Julie allongée dans un canapé et Alain Delon/Julien de dos. De dos pour que les premiers regards, sans doute, ne soient pas dirigés vers lui mais vers celle que cette pièce est destinée à mettre en lumière. Ce qui m’a marquée d’abord, c’est la justesse éclatante d’Anouchka Delon (tout comme cela m’avait déjà marquée dans « Le Lion »). Sa voix parfaitement posée. Sa prestance. Son assurance (pas une seule fois elle ne trébuchera). Et puis Alain Delon, dans ce costume trop petit pour lui.

    « Une journée ordinaire », c’est l’histoire d’une fille de vingt ans qui n’ose pas annoncer à son père avec qui elle vit seule qu’elle va le quitter pour vivre avec son amoureux mais "Une journée ordinaire" c’est surtout l’histoire d’un homme qui aime profondément, follement, sa fille, qui s’éclipse pour la laisser vivre sa vie. Un duo, presque un couple comme en témoigne la gémellité de leurs prénoms (qui n’est pas sans rappeler celle de ceux des interprètes).  Un homme fier, nostalgique, mélancolique, d’une malice parfois enfantine, d’une dureté fugace et finalement attendrissante. Un personnage qui se confond avec son interprète. Certains diront qu'Alain Delon devrait plutôt jouer de grands textes d’auteurs classiques mais quand on est soi-même un « personnage shakespearien » pour reprendre les termes de Pascal Jardin, quand on promène avec soi une telle mythologie, nul besoin de jouer Shakespeare pour toucher ou émouvoir.

    Alors bien sûr n’importe quel costume serait trop petit pour Delon qui a eu les plus beaux rôles qu’un acteur puisse désirer (pour ceux qui douteraient –si, il paraît qu’il y en a- de la diversité et de la -dé-mesure de son talent, regardez -notamment- « Monsieur Klein », « Le Professeur », « Le Guépard », « Plein soleil », « Le cercle rouge », « La Piscine« , « Le Samouraï«  et dîtes-moi quel acteur pourrait interpréter avec la même apparente facilité des rôles si différents et si magistraux ) si bien qu’au début de la pièce il m’est apparu presque effacé mais au fur et à mesure que la pièce avançait le costume gagnait en élégance, en taille (au propre comme au figuré) pour finalement nous le laisser voir presque à nu, à vif, pour que la fiction rejoigne le mythe et la réalité.

    Eric Assous (sur une mise en scène de Jean-Luc Moreau)  joue intelligemment du parallèle entre ce personnage dont la fille est « l’ambition », qui porte son « deuil comme une légion d’honneur » et Delon, l’homme qui se définit comme nostalgique, passéiste et dont l’ambition est de faire des Delon une « dynastie d’acteurs ». Je n’ai pu m’empêcher de repenser à cet instant à la fois magique et mélancolique, en mai 2010, au Festival de Cannes, lorsque devant moi Claudia Cardinale et Alain Delon se voyaient sur l’écran dans « Le Guépard », cet écran qui racontait la déliquescence d’un monde et  le renouveau d’un autre tandis qu’eux-mêmes revoyaient une époque révolue sans doute avec douleur et bonheur.  Ce soir le prince de Salina, le « Guépard » c’était Delon et Tancrède c’était Anouchka.

    On rit beaucoup, aussi, du décalage entre cette fille et ce père qui refuse de la voir grandir. De la crainte qu’il inspire. La crainte qu’inspire le personnage du père comme le mythe Alain Delon mais l’un comme l’autre laissent affleurer par instants leurs failles, et même un soupçon d’enfance, dont le surgissement soudain n’en est que plus bouleversant. Cette pièce qui se qualifie de « comédie moderne » vaut pour moi davantage pour les moments d’émotions qui la traversent même si certains qui l’ignorent encore seront sans doute étonnés qu'Alain Delon les fasse rire autant (et la salle riait, beaucoup, moi la première, à tel point qu’il était parfois impossible d’entendre certaines répliques) comme ce fut le cas dans « Les montagnes russes » (une pièce également signée Eric Assous) où il déployait déjà sa force comique. Et puis lui qui aimait tant Gabin célèbre pour ses scènes de colère est aussi tellement impressionnant quand il se met en colère, mais aussi quand sa voix se fait plus posée, fragile. La virtuosité avec laquelle il fait passer le public du rire aux larmes est sidérante, de même que celle avec laquelle il passe de la tristesse à la colère en passant par la dérision.

    Ce que j’ai préféré, ce sont néanmoins ces trop rares instants où Alain Delon s’exprime face à la salle où, en un quart de seconde, il parvient à nous bouleverser, où la solitude de ce père face à nous fait écho à celle de l’acteur. Alain Delon dit que « le comédien joue, l’acteur vit » et c’était aussi sans doute ce qui était si bouleversant, cette impression qu’il donnait la sensation de vivre devant nous. C’était ce qui était beau, troublant et qui suspendait le souffle de la salle. Une salle debout à la fin de cette pièce trop courte qui se confondait étrangement avec la réalité quand Alain Delon, l’acteur, le père enlaçait sa fille et la poussait au devant de la scène pour qu’elle récolte les applaudissements. Amplement mérités.  Quel bonheur pour lui sans doute qui rêvait de jouer avec sa fille de voir son nom sur l’affiche, à côté du sien, tout en haut. Quel bonheur de voir qu’au milieu de la pièce c’était son apparition à elle qui était applaudie. A signaler également la présence d’Elisa Servier (dans le rôle de l’amie de Julien,  juste et émouvante)  et Christophe de Choisy (très drôle en petit ami terrorisé): deux rôles trop courts mais dans lesquels l’un et l’autre excellent.

    Cette fin de journée a été pour moi tout sauf ordinaire. Un beau moment. L’émotion d’un acteur extraordinaire. L’émotion d’une salle debout. L’éclosion d’une actrice.  La complicité d’un père et sa fille. Un troublant écho entre la réalité et la fiction. Entre l’homme et le mythe. Il m’a fallu pas mal de temps après pour retrouver le chemin de la réalité, pour faire retomber  l’émotion de cette dernière « image », poignante.

    C’était la cinquième fois que je voyais Alain Delon au théâtre après « Variations énigmatiques », «  Les Montagnes russes », « Sur la route de Madison », « Love letters » et je n’espère vraiment pas la dernière. En tout cas pas la dernière fois qu’un(e) Delon montait sur scène. La dynastie des acteurs Delon n’est pas prête de s’éteindre. Une nouvelle étoile est née, lors d’une journée faussement ordinaire. Un moment de théâtre mais surtout de vie extraordinaire et à ne pas manquer .

     

    Dates de la tournée "Une journée ordinaire"

    - le 5 octobre 2013 à Chaville (92)

    - du 8 au 10 octobre 2013 à Genève (Suisse)

    - les 11 et 12 octobre 2013 à Morges (Suisse)

    - le 15 octobre 2013 à Saint Germain en Laye (78)

    - le 18 octobre 2013 à Montigny le Bretonneux (78)

    - le 4 novembre 2013 à Saint Amand (59)

    - le 5 novembre 2013 à Issy les Moulineaux (92)

    - le 7 novembre 2013 à Perpignan (66)

    - le 9 novembre 2013 à Carcassonne (11)

    - le 12 novembre 2013 à Puteaux (92)

    - le 13 novembre 2013 à Saint Maur (94)

    - le 14 novembre 2013 à Asnières-sur-Seine (92)

    - le 15 novembre 2013 à Le Chesnay (78)

    - le 16 novembre 2013 à Rueil Malmaison (92)

    - le 19 novembre 2013 à Chateaudun (28)

    - le 21 novembre 2013 à Mérignac (33)

    - le 22 novembre 2013 à Mont de Marsan (40)

    - le 25 novembre 2013 à Neuchâtel (Suisse)

    - le 26 novembre 2013 à La Tour du Trême (Suisse)

    - le 28 novembre 2013 à Strasbourg (67)

    - le 29 novembre 2013 à Troyes (10)

    - le 30 novembre 2013 à Yerres (91)

    - le 5 décembre 2013 à Courbevoie (92)

    - les 10 et 11 décembre 2013 à Caluire (69)

    - le 12 décembre 2013 à Voiron (69)

    - le 13 décembre 2013 à Avignon (84)

    - le 14 décembre 2013 à Sanary (83)

    - le 17 décembre 2013 à Liège (Belgique)

    - le 18 décembre 2013 à Massy (91)

    - le 19 décembre 2013 à Nantes (44)

    - le 20 décembre 2013 à Concarneau (29)

    - le 6 janvier 2014 à Cannes (06)

    - le 7 janvier 2014 à Saint Raphael (83)

    - le 9 janvier 2014 à Aix les Bains (73)

    - le 11 janvier 2014 à La Grande Motte (34)

    - le 18 janvier 2014 à Verneuil sur Seine (78)

    - les 21 et 22 janvier 2014 à Bruxelles (Belgique)

    - le 23 janvier 2014 à Charleroi (Belgique)

    - le 24 janvier 2014 à Roubaix (59)

    - le 26 janvier 2014 à Aix en Provence (13)

    - le 29 janvier 2014 à Marseille (13)

    - le 30 janvier 2014 à Bandol (83)

    - le 31 janvier 2014 à Tarascon (13)

    - le 4 février 2014 à Biarritz

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  • Profitez de la 29ème Fête du cinéma du 30 juin au 3 juillet 2013

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    Comme chaque année, l'été débute avec la fête du cinéma dont ce sera cette année la 29ème édition qui se déroulera du 30 juin au 3 juillet dans toute la France et dans toutes les salles participant à l'opération avec une nouveauté cette année. Ainsi, uuparavant, c'était une place au prix en vigueur dans les salles, puis toutes les séances à 2,50€. Désormais, les salles de cinéma adoptent le principe du tarif unique qui est de 3,50€ pour tous les spectateurs et toutes les séances et cela dès la première séance! Une raison de plus pour ne pas vous en priver! Parmi les films à l'affiche, je vous en recommande tout particulièrement un qui sort le 3 juillet "Le Congrès" d'Ari Folman.

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  • FESTIVAL PARIS CINEMA 2013 - ELLE S'EN VA d'Emmanuelle Bercot, ce dimanche, à 21H, au MK2 Bibliothèque

    Demain soir, à 21H, au MK2 Bibliothèque, dans le cadre du Festival Paris Cinéma 2013, ne manquez pas "Elle s'en va" d'Emmanuelle Bercot, un des grands films de cette année dont vous pouvez retrouver ma critique, ci-dessous.

    Un film avec Catherine Deneuve est en soi déjà toujours une belle promesse, une promesse d’autant plus alléchante quand le film est réalisé par Emmanuelle Bercot dont j’avais découvert le cinéma avec « Clément », présenté à Cannes en 2001, dans le cadre de la Section Un Certain Regard, alors récompensé du Prix de la jeunesse dont je faisais justement partie cette année-là, l’histoire poignante et  délicate (et délicatement traitée) de l’amour d’un adolescent pour une femme d’âge plus mûr (d’ailleurs interprétée avec beaucoup de justesse par Emmanuelle Bercot). Une histoire intense dont chaque plan témoignait, transpirait de la ferveur amoureuse qui unissait les deux protagonistes. Puis, il y a eu « Backstage », et l’excellent scénario de « Polisse » dont elle était coscénariste.

    L’idée du road movie avec Catherine Deneuve m’a tout d’abord fait penser au magistral « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige dans lequel le dernier regard de Catherine Deneuve à la fois décontenancé et ébloui puis passionné, troublé, troublant est un des plus beaux plans qu’il me soit arrivé de voir au cinéma contenant une multitude de possibles et toute la richesse de jeu de l’actrice.  « Elle s’en va » est un road movie centré certes aussi sur Catherine Deneuve mais très différent et né du désir « viscéral » d’Emmanuelle Bercot de la filmer (elle n’est sans doute pas la seule mais nous comprenons rapidement pourquoi l’actrice a accepté ici) comme l’a précisé la réalisatrice avant la projection.

    L’actrice incarne ici Bettie (et non Betty comme celle de Chabrol), restauratrice à Concarneau, veuve (je vous laisse découvrir comment…), vivant avec sa mère (Claude Gensac !) qui la traite encore comme une adolescente. L’amant de Bettie vient de  quitter sa femme… pour une autre qu’elle. Sa mère envahissante, son chagrin d’amour, son restaurant au bord de la faillite vont la faire quitter son restaurant, en plein service du midi, pour aller « faire un tour » en voiture, puis pour acheter des cigarettes. Le tour du pâté de maisons se transforme bientôt en échappée belle. Elle va alors partir sur les routes de France, et rencontrer toute une galerie de personnages dans une France qui pourrait être celle des « sous-préfectures » du « Journal de France » de Depardon. Et surtout, son voyage va la mener sur une voie inattendue…et nous aussi tant ce film est une surprise constante.

    Après un premier plan sur Catherine Deneuve, au bord de la mer, éblouissante dans la lumière du soleil, et dont on se demande si elle va se « jeter à l’eau » (oui, d’ailleurs, d’une certaine manière), se succèdent  des plans montrant des commerces fermées et des rues vides d’une ville de province, un chien à la fenêtre, une poésie décalée du quotidien aux accents de Depardon. Puis Bettie apparaît dans son restaurant. Elle s’affaire, tourbillonne, la caméra ne la lâche pas…comme sa mère, sans cesse après elle. Bettie va ensuite quitter le restaurant pour ne plus y revenir. Sa mère va la lâcher, la caméra aussi, de temps en temps : Emmanuelle Bercot la filme sous tous les angles et dans tous les sens ( sa nuque, sa chevelure lumineuse, même ses pieds, en plongée, en contre-plongée, de dos, de face, et même à l’envers) mais alterne aussi avec des plans plus larges qui la placent dans des situations inattendues dans de « drôle[s] d’endroit[s] pour une rencontre », y compris une aire d’autoroute comme dans le film éponyme.

    Si l’admiration de la réalisatrice pour l’actrice transpire dans chaque plan, en revanche « Elle s’en va » n’est pas un film nostalgique sur le « mythe » Deneuve mais au contraire ancré dans son âge, le présent, sa féminité, la réalité. Emmanuelle Bercot n’a pas signé un hommage empesé mais au contraire un hymne à l’actrice et à la vie. Avec son jogging rouge dans « Potiche », elle avait prouvé (à ceux qui en doutaient encore) qu’elle pouvait tout oser, et surtout jouer avec son image d’icône.  « Elle s’en va » comme aurait pu le faire craindre son titre (le titre anglais est « On my way ») ne signifie ainsi ni une révérence de l’actrice au cinéma (au contraire, ce film montre qu’elle a encore plein de choses à jouer et qu’elle peut encore nous surprendre) ni un film révérencieux, mais au contraire le film d’une femme libre sur une autre femme libre. Porter une perruque improbable, se montrer dure puis attendrissante et s’entendre dire qu’elle a dû être belle quand elle était jeune (dans une scène qui aurait pu être glauque et triste mais que la subtilité de l’écriture et de l’interprétation rendent attendrissante )…mais plus tard qu’elle sera « toujours belle même dans la tombe» : elle semble prendre un malin plaisir à jouer avec son image.

    Elle incarne ici un personnage qui est une fille avant d’être une mère et une grand-mère, et surtout une femme libre, une éternelle amoureuse.  Au cours de son périple, elle va notamment rencontrer un vieil agriculteur (scène absolument irrésistible tout comme sa rencontre d’une nuit -belle découverte que Paul Hamy-). Sa confrontation avec cette galerie de personnages incarnés par des non professionnels pourrait à chaque fois donner lieu à un court-métrage tant ce sont de savoureux moments de cinéma, mais une histoire et un portrait se construisent bel et bien au fil de la route. Le film va ensuite prendre une autre tournure lorsque son petit-fils l’accompagnera dans son périple. En découvrant la vie des autres, et en croyant fuir la sienne, elle va au contraire lui trouver un nouveau chemin, un nouveau sens, la libérer du poids du passé.

    Si le film est essentiellement interprété par des non professionnels (qui apportent là aussi un naturel et un décalage judicieux), nous croisons aussi Mylène Demongeot (trop rare), le peintre  Gérard Garouste et la chanteuse Camille (d’ailleurs l’interprète d’une chanson qui s’intitule « Elle s’en va » mais qui n’est pas présente dans le film) dans le rôle de la fille cyclothymique de Bettie  et enfin  Nemo Schiffman, irréprochable dans le rôle du petit-fils. Ajoutez à cela une remarquable BO et vous obtiendrez un des meilleurs films de l’année 2013.

    Présenté en compétition officielle de la Berlinale 2013 et en compétition du Champs-Elysées Film Festival 20013, « Elle s’en va » a permis à Catherine Deneuve de recevoir le prix coup de cœur du Festival de Cabourg 2013.

    « Elle s’en va » est d’abord un magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout.  C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va »  montre que, à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour.  « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’embrasser la vie. Un bonheur ! Et un bonheur rare. Le film sort en salles le 18 septembre. Ne le manquez pas.

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  • CRITIQUE - UNE BOUTEILLE à LA MER de Thierry Binisti, ce 29/06/2013, à 20H45 sur Canal plus cinéma

    Ce film figurait en tête de mon top 10 l'an passé. Je vous le recommande plus que vivement, ce soir, à 20H45 sur Canal plus Cinéma. Retrouvez ma critique, ci-dessous.

     

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    J’ai découvert ce film lors du  Festival des Jeunes Réalisateurs de Saint-Jean de Luz dans le cadre duquel il était présenté en compétition et où il a d’ailleurs remporté le prix du meilleur film (Chistera d’or). Un vrai coup de cœur. Un coup de foudre, même. Malheureusement, je n’avais pas rédigé de critique à l’époque ou quelques lignes trop brèves. Je n’ai pas la possibilité de le revoir cette semaine mais je vous livrerai une critique plus longue dès que je pourrai retourner le voir. En attendant, ci-dessous, quelques mots qui, je l’espère, vous inciteront à découvrir ce film magnifique et rare.

    Adapté du roman de Valérie Zenatti « Une bouteille à la mer de Gaza », c’est l’histoire de Tal  (Agathe Bonitzer), une jeune Française installée à Jérusalem avec sa famille. A dix-sept ans, elle a l’âge des premières fois : premier amour, première cigarette, premier piercing. Et premier attentat, aussi. Après l’explosion d’un kamikaze dans un café de son quartier, elle écrit une lettre à un Palestinien imaginaire où elle exprime ses interrogations et son refus d’admettre que seule la haine peut régner entre les deux peuples. Elle glisse la lettre dans une bouteille qu’elle confie à son frère pour qu’il la jette à la mer, près de Gaza, où il fait son service militaire.

    « Je m’appelle Tal Lévine, j’ai bientôt 17 ans et j’habite Jérusalem.

    Hier soir, il y a eu un attentat près de chez moi […]

    Toi qui trouveras cette bouteille, réponds-moi.

    Dis-moi où tu l’as trouvée. Qui tu es. Parle-moi de toi. S’il te plaît. »

    Quelques semaines plus tard, Tal reçoit une réponse d’un mystérieux « Gazaman » (Mahmoud Shalaby)… Va alors débuter un échange épistolaire d’abord constitué de doutes, de reproches, d’incompréhension mais qui va finalement les mener sur le chemin d’une liberté et d’une réconciliation apriori impossibles.

    Je vous avais déjà parlé du travail de Thierry Binisti à l’occasion de la diffusion du docu-fiction « Louis XV, le soleil noir » qu’il avait réalisé pour France 2 et par lequel j’avais été très agréablement surprise et charmée : un divertissement pédagogique passionnant, de très grande qualité, aussi bien dans le fond que dans la forme, une immersion dans les allées tumultueuses de Versailles et dans les mystérieux murmures de l'Histoire, dans le bouillonnant siècle des Lumières et dans la personnalité tourmentée de Louis XV. Les similitudes entre ce téléfilm et « Une bouteille à la mer » sont d’ailleurs assez nombreuses, contrairement à ce qu’on pourrait imaginer : Versailles, une prison (certes dorée) pour Louis XV comme peut l’être Gaza pour Naïm, un portrait nuancé de Louis XV comme le sont ceux de Naïm et Tal, une combinaison astucieuse entre fiction et documentaire (  Certaines séquences d’« Une bouteille à la mer » sont ainsi des images d’actualité provenant d’archives diffusées par les médias, comme celles sur la grande manifestation commémorant l’anniversaire de la mort de Yitzhak Rabin filmée sur la place des Rois, au milieu de milliers d’Israéliens manifestant leur désir de paix ) permettant d’explorer le politique et l’intime, l’importance du lieu qui cristallise les tensions et les émotions.

    Tout comme le docu-fiction évoqué ci-dessous, « Une bouteille à la mer » ne laisse pas place à l’approximation. Le sujet est ainsi particulièrement documenté, l’auteure Valérie Zenatti (auteure du roman éponyme et coauteure du scénario) a d’ailleurs passé son adolescence en Israël. Il faut d’ailleurs souligner le formidable travail d’adaptation de ce roman épistolaire, genre particulièrement périlleux à adapter. Valérie Zenatti et Thierry Binisti ont fait de ce qui aurait pu être un inconvénient un atout : ces deux voix qui se répondent, à la fois proches et parfois si lointaines, se font écho, s’entrechoquent, se confrontent et donnent un ton singulier au film, grâce à une écriture belle et précise, et sont ainsi le reflet de ces deux mondes si proches et si lointains qui se parlent, si rarement, sans s’entendre et se comprendre.

    Un autre grand atout du film est que Thierry Binisti ne tombe jamais dans l’angélisme ni la diabolisation de l’un ou l’autre côté du « mur ». Il montre au contraire Palestiniens et Israëliens, par les voix de Tal et Naïm, si différents mais si semblables dans leurs craintes et leurs aspirations, et dans l’absurdité de ce qu’ils vivent. Il nous fait tour à tour épouser le point de vue de l’un puis de l’autre, leurs révoltes, leurs peurs, leurs désirs finalement communs, au-delà de leurs différences, si bien que nous leur donnons tour à tour raison. Leurs conflits intérieurs mais aussi au sein de leurs propres familles sont alors la métaphore des conflits extérieurs qui, paradoxalement, les rapprochent.

    Agathe Bonitzer, grave et candide, épouse parfaitement la belle maturité de son jeune personnage et, face à elle, Mahmoud Shalaby est bouleversant de douceur et de rage mêlées (vous aviez pu le découvrir dans « Les Hommes libres » d'Ismaël Ferroukhi).

     La sensibilité avec laquelle ce sujet justement sensible est évoqué rend probable une histoire a priori impossible entre ces deux êtres que tout sépare, pour qui la vie tient à ça : « avoir envie d’aller ou pas au café d’en bas ». Une violence cruellement quotidienne, ce qui ne les empêche pas d’être épris de vie et de désirs, de rêves et d’aspirations, ce que montre très bien ce film à hauteur d’hommes qui, par la « petite » histoire permet d’appréhender la grande.  La caméra est au plus près des êtres, de leurs émotions, de leur rage, leurs désirs, leurs douleurs, leur éveil (à la politique, à l’amour) et se fait « carcérale » pour suivre Naïm emprisonné dans les 370 km2 de Gaza (pour 1,6 millions d’habitants !).

    Cela commence par le fracas tétanisant d’une bombe et s’achève par une lumière d’espoir bouleversante, un dénouement fiévreux d’une tension palpitante.

     Ce dame cornélien, au sens littéral, concilie l’impossible, la douceur et l’âpreté, la modernité des emails et l’archaïsme romanesque de la bouteille à la mer, le romantisme (ou en tout cas le romanesque) et la politique, la raison et les sentiments. Des « liaisons dangereuses » qui possèdent la beauté tragique du roman éponyme de Laclos, outre le fait d’avoir en commun le style épistolaire.

    C’est un hymne à la paix et à la tolérance mais aussi  au pouvoir et à la magie des mots qui peuvent unir, réunir ceux que tout oppose, si ce n’est leur aspiration à la liberté. Ce sont finalement leurs différences et leur jeunesse qui les réunissent.  C’est d’ailleurs la langue, le Français, qui sert de terrain neutre, de pont entre eux. C’est ainsi au Centre Culturel Français de Gaza que s’évade Naïm et ose croire à la liberté, à un avenir meilleur.

    Ce film réunit tout ce que j’aime dans le cinéma : une histoire d’amour ou en tout cas d’amitié, apriori impossible, un propos engagé, une réalisation maîtrisée, des acteurs époustouflants, un style épistolaire que et qui sublime(nt) les mots. De l’émotion. De l’espoir. Sans mièvrerie, mais avec beaucoup de sensibilité et de pudeur (aucun cliché, aucune volonté de forcer l’émotion, pourtant ravageuse).

    Ce film m’a bouleversée comme je l’ai rarement été ces derniers temps au cinéma. Un film intense d’une douce gravité qui possède et concilie la fraîcheur et l'incandescence de ses jeunes interprètes. Une brillante métaphore d’un conflit a priori insoluble auquel il apporte un vibrant message d’espoir. Un film plus convaincant que n'importe quel discours politique. Deux personnages bouleversants que la réalisation et la direction d’acteurs nous font prendre en empathie ainsi que ceux qui subissent la même situation. Une bouteille à la mer qui nous fait croire à l’impossible. Que des bouteilles à la mer peuvent arriver à destination. Réunir ceux que tout oppose. Et que des milliers de bouteilles, un jour, peut-être, arriveront à faire entendre leurs voix pacifistes et arriveront à briser le fracassant et assourdissant silence après les tonitruantes explosions de terreur et de haine. Un film ensorcelant, poignant comme un poème entremêlant tragédie et espoir, et les réunissant par la beauté lumineuse et clairvoyante des mots. Mon coup de coeur de ce début d'année 2012.

     « Une bouteille à la mer » a également été récompensé dans d’autres festivals que celui de Saint-Jean de Luz et en particulier au Festival du film de La Réunion 2011 où il a reçu le Prix du Public ;le Prix Coup de cœur du Jury Jeune ;le Mascarin de la meilleure interprétation masculine à Mahmoud Shalaby.