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A VOIR A LA TELEVISION : CRITIQUES DE FILMS - Page 14

  • Critique de FELIX ET MEIRA de Maxime Giroux à 20H45 sur Ciné + Club

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    Primé au Festival de Toronto, « Félix et Meira » est le troisième film de Maxime Giroux.

     

    Félix et Meira. Un homme et une femme que tout oppose a priori. A priori seulement. Lui mène une vie désinvolte, sans responsabilité ni attache. Son père est sur le point de mourir. Il ne lui restera bientôt plus qu’à dilapider l’héritage familial. Elle est une jeune femme juive hassidique, mariée et mère d’un enfant, s’ennuyant dans sa communauté. Deux êtres qui n’auraient pas dû se rencontrer… Mais voilà, ils vivent dans le même quartier de Montréal. Félix est malgré tout, malgré sa désinvolture apparente, bouleversé par la mort de son père, un père dont il a toujours cru qu’il ne l’aimait pas, un père qui n’a pas su l’aimer et qu’il n’a pas su aimer. En questionnements sur la mort, et sans doute en quête d’une respiration, le jour du décès de son père, il va aborder cette jeune femme croyante et pratiquante, dont il avait remarqué un dessin dans le café où ils ont leurs habitudes.

     

    Deux solitudes. L’une manquant de liberté. L’autre finalement entravée par une liberté dont il ne sait que faire. L’une que son mari ne reconnaît pas (mais qui, à sa manière, l’aime : très belle scène de confrontation du mari avec Félix). L’autre que son père ne reconnaît plus. L’une suffocant en raison de l’omniprésence de sa famille. L’autre confronté à sa suffocante absence. L’une dont la vie est constituée de contraintes et de rituels. L’autre dont la vie se distingue par l’absence de buts et d’attaches. L’une qui ne possède que sa fille et sa foi, l’autre qui semble n’avoir foi en rien. Deux êtres finalement semblables dans leurs différences qui veulent échapper à leurs réalités, trouver un ailleurs.

     

    Dans les premiers plans, Meira, lors d’un repas de famille d’abord de dos, puis filmée plus frontalement, semble éteinte, étrangère à ce qui l’environne, avoir le regard fuyant. Son mari ne la voit pas ou le regarde avec dureté. Elle se sent piégée. Elle étouffe. Peu à peu elle va se laisser apprivoiser, se laisser attendrir et émouvoir, elle va réapprendre à sourire, à étreindre la vie et sa liberté. Il aura suffi d’un dessin et d’un air de musique (l’art, toujours, cinématographique, musical ou pictural, instrument d’évasion et de liberté) pour qu’elle dévie, un beau jour, du chemin, au propre comme au figuré, puis pour qu’elle revienne pour faire chez Félix ce que son mari ne lui permet pas : écouter de la musique. Ils vont ensuite se retrouver à New York, ville de tous les possibles, de la possibilité d’un avenir. D’une autre vie. Avant que la réalité ne les rattrape.

     

    Tout en douceur et délicatesse, Maxime Giroux confronte deux mondes, construisant son film de manière dichotomique mais sans brutalité. Entre l’intérieur sombre, presque carcéral. Et l’extérieur, lumineux et chaleureux, malgré le froid. Entre le silence et la musique. Entre la noirceur et les couleurs, notamment du dessin. Entre la raison (ce serait trop simple que le mari n’aime pas sa femme et Maxime Giroux évite cet écueil) et la passion.

     

    Ce film au charme discret, à l’image de celui de ses personnages, n’en est que plus envoûtant : Meira interprétée par Hadas Yaron, tout en retenue s’illumine et se révèle peu à peu au contact de ce Félix, impeccable Martin Dubreuil, qui semble transporter sa (fausse) nonchalance comme un bagage trop lourd. Peu à peu l’un comme l’autre vont se libérer. Les gestes, pas de danse et regards esquissés, pour Meira si audacieux, sont filmés pudiquement et n’en sont que plus forts.

     

    La fin, douce amère et polysémique, face caméra et dans une lumière éblouissante,  à défaut de nous donner la certitude que l’amour règnera, nous prouve qu’ils ont trouvé la lumière, la musique et la liberté sans que Meira renie ce qu’elle est. Ce n’est déjà pas si mal… Un beau parcours initiatique, presque un conte (le décor de « carte postale », ce surgissement presque irréel de Félix dans la vie de Meira) porté par deux comédiens qui incarnent avec douceur ces deux personnages qui sont la grande force de ce film d’une simplicité touchante et rare.

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  • Critique de BIRDMAN d'Alejandro González Iñárritu à voir à 21H sur Canal + ce 1er Mars

    Alors que Alejandro González Iñárritu vient d'être couronné aux Oscars pour "The Revenant" (retrouvez ma critique de THE REVENANT en cliquant ici), ce mardi 1er mars 2016, à 21H, Canal plus diffusera son précédent film (première d'une série de diffusions), "Birdman", meilleur film étranger aux César vendredi dernier (retrouvez, en cliquant ici, le récit de ma soirée aux César et mon avis sur le palmarès). Retrouvez ma critique de "Birdman" ci-dessous.

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    Lorsqu'il réalise "Birdman", Alejandro González Iñárritu en est « seulement » à son cinquième long-métrage. C’est difficile à croire tant chacun de ses films a marqué les esprits, par une maîtrise étonnante et un style, dans l’écriture du scénario, la mise en scène et surtout le montage que certains ont jugé excessif mais qui était en tout cas toujours singulier, voire novateur. Après « Amours chiennes », « 21 grammes », « Babel » pour lequel il avait reçu le prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2006 et après « Biutiful » qui avait permis à Javier Bardem de recevoir le prix d’interprétation masculine à Cannes en 2010, avec ce nouveau film, « Birdman », il a de nouveau récolté les récompenses des professionnels puisqu’il était le grand vainqueur de la cérémonie des Oscars 2015 (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario, meilleure photographie).

    « Birdman », c’est l’histoire d’un acteur, Riggan Thomson (Michael Keaton) qui, à l’époque où il incarnait un célèbre super-héros (qui ressemble à s’y méprendre à Batman que Michael Keaton a lui-même incarné avant de lui-même connaître une traversée du désert), était mondialement connu. Mais de cette célébrité il ne reste qu’une affiche bien embarrassante lui rappelant une notoriété qui n’est plus ce qu’elle était ou ce qu’il voudrait qu’elle soit. Il tente aujourd’hui de monter une pièce de théâtre à Broadway dans l’espoir de renouer avec sa gloire perdue. Cette pièce est inspirée d’une nouvelle de Raymond Carver intitulée « What We Talk About When We Talk About Love ». Durant les quelques jours qui précèdent la première, il va devoir tout affronter : sa famille (son ex-femme, sa fille qui sort de cure de désintoxication), son passé, ses rêves et son ego…

    Dès les premières minutes, l’étrangeté savoureuse de ce film qui mêle les genres et ne ressemble à aucun autre saute aux yeux et rassure, aussi (enfin un film qui ose, déroute, se fiche bien de la catégorie de spectateurs auxquels il serait censé devoir s’adresser) : un homme, Riggan, simplement -dé-vêtu, assis, comme suspendu dans les airs. De dos alors qu’il ne rêve à nouveau que d’être sous les feux des projecteurs et au devant de la scène (attention : métaphore). Le spectateur n’est pas au bout de ses surprises, car en plus d’une voix off (sa voix intérieure, celle du personnage qu’il a incarné qui apparaît parfois à ses côtés), le film est tourné et monté de telle sorte que le spectateur a l’impression qu’il ne s’agit que d’un seul plan séquence (à une exception près, au dénouement). De la scène du théâtre à ses couloirs exigus, en passant par les rues grouillantes de New York, la caméra d’une virtuosité époustouflante passe d’un lieu ou d’un personnage à l’autre. A l’image de la vie de l’acteur, les lieux dans lesquels il évolue deviennent un labyrinthe inextricable dans lesquels nous aussi, spectateurs, avons la sensation d’être enfermés.

    Déjà dans « Biutiful », le personnage central était encerclé, enserré même par la caméra d’Iñárritu qui le suivait jusqu’à son dernier souffle. L’unité de temps, l’unité de lieu et d’action renforçaient l’impression de fatalité inéluctable. Dans « Biutiful », la construction était plus linéaire que dans « Babel » mais déjà des incursions oniriques ponctuaient un film par ailleurs extrêmement réaliste comme si le seul espoir possible était dans un ailleurs poétique mais irréel, comme c’est d’une certaine manière également le cas dans « Birdman ».

    Difficile de ne pas être admirative devant autant de maîtrise et d’audace techniques, certes. « Birdman » a été tourné à New York en trente jours et les transitions sont d’une ingéniosité époustouflante. Les dialogues fusent. Edward Norton est irrésistible dans le rôle de l’acteur qui pousse le réalisme aux frontières de la folie et de la violence (et les dépasse même) mais je dois l’avouer, ce qui m’arrive très rarement au cinéma, j’ai trouvé le temps long…

    Au-delà de la prouesse technique, encore une fois admirable, grandiose, jubilatoire, j’ai eu l’impression de voir un énième film dans et sur les coulisses du spectacle et la vie d’artiste (et tant de chefs d’œuvre l’ont précédé : « Eve », «La comtesse aux pieds nus », « Le dernier métro », « Vous n’avez encore rien vu », « The Artist » et tant d’autres) sur le narcissisme, l’égocentrisme, la folie, l’excès ou le manque de confiance (l’un étant souvent le masque de l’autre) des acteurs.

    Le film n’échappe pas aux clichés : la fille toxico qui tombe immédiatement dans les bras de l’acteur (Emma Stone, déjà irrésistible dans « Magic in the moonlight » de Woody Allen, juste dans ce rôle, personnage qui aurait pu être intéressant, dommage que son amourette prometteuse soit survolée comme le sont tous les personnages hors de l’univers de Riggan, ce qui peut certes se justifier par son égocentrisme et le parti pris du film –oui, j’aime bien être ma propre contradictrice-), la journaliste qui fait de la critique faute de faire de l’art et qui met tout la frustration générée par le talent artistique qu’elle n’a pas dans la violence et la virulence de ses articles (force est de constater que ce « cliché » n’en est pas tout à fait un et se révèle souvent vrai) . Et puis surtout, plus encore qu’avec les acteurs, Iñárritu n’est pas tendre et se révèle même cynique avec le spectateur. Ce spectateur à qui il faut toujours plus de réalisme et d’explosions pour s’enthousiasmer, Iñárritu poussant l’ironie à mettre lui-même en scène une explosion. Force est de constater que c’est très drôle, cinglant et efficace. J’avoue cependant, sur une thématique similaire, avoir été beaucoup plus touchée par « Sils maria » d’Assayas, moins clinquant mais plus profond.

    Le thème de l’incommunicabilité qu’Iñárritu avait traité mieux que nul autre dans « Babel » est à nouveau esquissé ici. Riggan Thomson est ravagé en réalisant avoir filmé la naissance de sa fille et avoir oublié de la vivre. Je commence à en être lasse de ces films qui se croient obligés de mettre des réseaux sociaux pour faire dans l’air du temps mais il faut admettre que la critique en est ici plutôt pertinente.

    Le montage a toujours été au centre des films d’Iñárritu et est donc une nouvelle fois le grand intérêt de celui-ci qui est donc un film inégal porté par d’excellents acteurs, des solos de batterie admirables, une photographie inspirée ( signée Emmanuel Lubezki notamment directeur de la photographie de  « Gravity », « Tree of life ») mais qui n’arrive pas à la hauteur du chef d’œuvre clairvoyant qu’était « Babel » qui m’a davantage bousculée, (em)portée.  Une originalité indéniable et fascinante dans le montage qui certes  aurait mérité peut-être plus d’audace encore dans l’écriture.  Je ne peux m’empêcher d’imaginer ce qu’Alain Resnais en aurait fait…

    Voyez « Birdman » qui vaut le déplacement pour sa forme ingénieuse mais surtout revoyez Babel qui est plus qu’un film : une expérience et surtout pas un vain exercice de style, un prétexte à une démonstration stylistique ostentatoire. Dans « Babel », la construction ciselée illustre le propos du cinéaste, traduisant les vies fragmentées, l’incommunicabilité universelle. Le montage ne cherche pas à surprendre mais à appuyer le propos, à refléter un monde chaotique, brusque et impatient, des vies désorientées, des destins morcelés. Jamais il n’a été aussi matériellement facile de communiquer. Jamais la communication n’a été aussi compliquée. Jamais nous n’avons reçu autant d’informations et avons si mal su les décrypter. Jamais un film ne l’a aussi bien traduit. Chaque minute du film illustre cette incompréhension, parfois par un simple arrière plan, par une simple image qui se glisse dans une autre, par un regard qui répond à un autre, par une danse qui en rappelle une autre, du Japon au Mexique, l’une éloignant et l’autre rapprochant. Je me souviens de la virtuosité des raccords aussi : un silence de la Japonaise muette qui répond à un cri de douleur de l’Américaine, un ballon de volley qui rappelle une balle de fusil. Un monde qui se fait écho, qui crie, qui vocifère sa peur et sa violence et sa fébrilité, qui appelle à l’aide et qui ne s’entend pas comme la Japonaise n’entend plus, comme nous n’entendons plus à force que notre écoute soit tellement sollicitée, comme nous ne voyons plus à force que tant d’images nous soient transmises, sur un mode analogue, alors qu’elles sont si différentes. Des douleurs, des sons, des solitudes qui se font écho, d’un continent à l’autre, d’une vie à l’autre. Et les cordes de cette guitare qui résonnent comme un cri de douleur et de solitude (le pendant du solo de batterie dans « Birdman »). Un film magnifique et éprouvant dont la mise en scène vertigineuse nous emporte dans sa frénésie d’images, de sons, de violences, de jugements hâtifs, et nous laisse avec ses silences, dans le silence d’un monde si bruyant.  

    Je sais, cet article devait être consacré à « Birdman », mais plusieurs jours après l’avoir vu, il ne m’en restait que quelques plans, certes vertigineux (au propre comme au figuré, d’ailleurs) alors que de « Babel » il me reste la sensation d’avoir vécu une expérience cinématographique hors du commun grâce à la puissance du montage et du scénario et qui n’est pas que cela mais aussi une subtile et brillante radiographie critique de notre époque fébrile, impatiente et amnésique.

    Cliquez ici pour lire ma critique de "Babel".

    Retrouvez ma critique de THE REVENANT en cliquant ici.

  • Critique de TIMBUKTU d'Abderrahmane Sissako à voir le 23 février 2016 sur Canal plus

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    LE chef d'œuvre de l'année 2015, grand lauréat des César de l'année passée (7 statuettes dont celle du meilleur film), sera le film de ce mois-ci à découvrir à partir du 23 janvier 2016 sur Canal plus.

    C’est dans le cadre du Festival de Cannes 2014 où il figurait en compétition que j’ai découvert « Timbuktu » d’Abderrahmane Sissako, son cinquième long-métrage et le seul long-métrage africain en compétition de cette édition. J’en suis ressortie bouleversée, abasourdie d’éblouissement et d’émotions, persuadée que je venais de voir la palme d’or incontestable de cette 67ème édition tant chaque image, chaque visage y sont d’une beauté inouïe éclairant magnifiquement et brillamment les aspects les plus sombres de l’actualité. Quelle ne fut donc pas ma surprise d’apprendre que le jury de ce 67ème Festival de Cannes présidé par Jane Campion ne lui attribuait pas un seul prix. « Timbuktu » a néanmoins reçu le Prix du jury œcuménique et le Prix François-Chalais. En sélection hors compétition avec « Bamako » en 2006, après avoir présenté « Octobre » en 1993 et « En attendant le bonheur » en 2002, ayant également été membre du jury en 2007, le cinéaste est par ailleurs un habitué de la Croisette.

     Au Mali, non loin de Tombouctou tombée sous le joug des extrémistes religieux, le berger touareg Kidane (Ibrahim Ahmed dit Pino) mène une vie simple et paisible dans les dunes, entouré de sa femme Satima (Toulou Kiki), de sa fille Toya (Layla Walet Mohamed) et de Issan (Mehdi Ah Mohamed), son petit berger âgé de 12 ans. Pendant ce temps, en ville, les habitants subissent, impuissants, le régime de terreur des Djihadistes. Kidane et les siens semblent un temps épargnés par le chaos de Tombouctou jusqu’au jour où Kidane tue accidentellement Amadou, le pêcheur qui s’en est pris à GPS, sa vache préférée. Il va alors subir les lois iniques et aberrantes des occupants.

     « Ce que je veux, c’est témoigner en tant que cinéaste. Je ne peux pas dire que je ne savais pas, et, puisque maintenant je le sais, je dois raconter dans l’espoir qu’aucun enfant ne puisse apprendre plus tard que leurs parents peuvent mourir parce qu’ils s’aiment » a déclaré Abderrahmane Sissako dont l’envie de réaliser ce film a surgi après un fait réel survenu en juillet 2012, dans la petite ville d’Aguelhok au Mali. Un couple d’une trentaine d’années avait alors été placé dans deux trous creusés dans le sol en place publique, puis lapidé. Leur unique « faute » était d’avoir eu des enfants hors mariage. Choqué par la lapidation publique du couple mais aussi par l’absence de médiatisation de ce fait atroce, Abderrahmane Sissako a alors décidé de réaliser « Timbuktu».

     Tout est contenu dans les premiers plans, prémonitoires : la beauté, la liberté, la grâce incarnées par une gazelle qui court poursuivie par des Djihadistes en jeep. « Ne la tuez pas, fatiguez-la ! », crie leur chef. Puis, des œuvres d’art détruites : des masques et statuettes qui servent de cible à des exercices de tir. La violence absurde, ridicule, terrible des fanatiques face à la culture, la poésie et la beauté.

     Avec beaucoup d’intelligence et de pudeur, si rare au cinéma a fortiori quand il s’agit de traiter d’une actualité aussi grave, en refusant le spectaculaire, Sissako montre avec d’autant plus de force et de portée toute l’absurdité de cette violence. Il a aussi l’intelligence d’éviter tout manichéisme, de quérir et montrer la bonté derrière la cruauté comme ce Djihadiste qui danse tandis qu’un homme et une femme sont lapidés à mort. La beauté et la violence de la scène, enlacées, n’en sont alors que plus foudroyantes et convaincantes. Aux pires moments surgissent des éclairs d’humanité comme quand cet autre Djihadiste compatit lorsque Kidane parle de sa fille bientôt orpheline tout en refusant néanmoins que soit traduite sa phrase compatissante. Des contrastes judicieux entre sérénité et brutalité, poésie et violence, le fond et la forme, grâce notamment à une construction savamment orchestrée : soleil irradiant et illuminant une scène tragique, plan mis en parallèle avec le précédent illustrant la drôlerie tragique de l’absurdité fanatique, début et fin se répondant avec une logique et violence implacables. Aucun plan n’est superflu. Chaque plan est sidérant de beauté, de significations et de minutie.

     

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    Il montre des fanatiques parfois courtois, mais surtout hypocrites (par exemple interdisant de fumer et fumant en cachette) et ridicules, parfois enfantins. La musique, les cigarettes, le football sont interdits. Les ordres, cocasses s’ils n’étaient dramatiquement réels, sont scandés par mégaphones. Des tribunaux rendent des sentences absurdes. Les femmes sont mariées de force ou encore obligées de porter des chaussettes et des gants…y compris la marchande de poissons qui résiste avec un courage inouï. L’équipe du film a, elle aussi, fait preuve de courage : le film, qui est sensé se situer à Tombouctou, a ainsi dû être tourné près de la frontière malienne, à l’extrême Est de la Mauritanie, dans un village hautement sécurisé. La folle Zabou est la seule femme à être épargnée. Interprétée par Kettly Noël, danseuse haïtienne installée à Bamako, faisant référence au tremblement de terre survenu le 12 janvier 2010 en Haïti, elle dit ainsi : « Le tremblement de terre, c’est mon corps. Je suis fissurée de partout ». Un autre chaos qui fait écho à celui, tout aussi ravageur, qui règne alors au Mali.

    Chaque plan est un véritable tableau dont la beauté ahurissante et la sérénité apparente exacerbent davantage encore la cruauté de ce qu’il raconte. Que dire de ce plan large vertigineux de beauté et qui nous laisse le temps (d’admirer, d’éprouver, de réfléchir), suite à la mort du pêcheur, un plan digne des plus grands westerns qui nous fait éprouver la somptuosité douloureuse et tragique de l’instant. La beauté et la dignité l’emportent sur l’horreur, constamment. La beauté formelle du film pour raconter l’âpreté du quotidien devient alors un acte de résistance. Ces personnages qui se dressent contre l’horreur comme cette jeune fille flagellée parce qu’elle a chanté et qui se met à chanter tandis qu’elle subit son châtiment est ainsi un exemple de cette résistance, une scène qui a la force poignante de « la Marseillaise » chantée dans « Casablanca».

    Sissako recours parfois aussi au burlesque pour montrer toute l’absurdité du fanatisme comme un écho à cette scène de « La vie est belle » de Benigni quand le petit garçon Giosué lit sur une vitrine « Entrée interdite aux juifs et aux chiens » et que Guido (Benigni) tourne l’inacceptable stupidité en dérision en déclarant qu’il interdirait son magasin « aux araignées et aux wisigoths ». De même, Sissako souligne aussi les contradictions grotesques des fanatiques qui interdisent la musique mais ne savent qu’en faire lorsqu’il s’agit de louanges au Dieu au nom duquel ils prétendent appliquer leur loi qui n’a pourtant rien à voir avec celle de la sagesse de l’imam de Tombouctou, impuissant face à ces horreurs et cette interprétation erronée de sa religion. Quelle intelligence faut-il pour réagir avec autant de sang-froid à une actualité aussi révoltante et brûlante sans tomber dans le mélodrame larmoyant, écueil magnifiquement évité par le cinéaste ?

    Le film est aussi une ode à l’imaginaire, arme et ultime espoir comme ces jeunes qui miment un match de foot sans ballon alors que le football leur est interdit. La musique, splendide, d’Amine Bouhafa ajoute de l’ampleur et de la force à cette scène sublimée par la photographie de Sofiane El Fani (directeur de la photographie de « La vie d’Adèle) qui nimbe le film d’une douceur poétique enivrante. La justesse de l’interprétation (quelle ne fut pas ma surprise d’apprendre que beaucoup des acteurs du film sont non professionnels, parfois choisis à la dernière minute), l’expressivité des visages et la beauté qui émane de l’harmonie de la famille de Kidane renforcent encore la force du film et de ses messages.

     

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    Laissez-vous à votre tour éblouir par la maîtrise époustouflante, par la beauté flamboyante, étourdissante, de Timbuktu, un film (tragiquement plus que jamais d’actualité) empreint d’une poésie et d’une sérénité éblouissantes, de pudeur et de dérision salutaires, signifiantes : un acte de résistance et un magnifique hommage à ceux qui subissent l’horreur en silence. Sissako souligne avec intelligence et retenue la folie du fanatisme et de l’obscurantisme religieux contre lesquels son film est un formidable plaidoyer dénué de manichéisme, parsemé de lueurs d’humanité et finalement d’espoir, la beauté et l’amour sortant victorieux dans ce dernier plan bouleversant, cri de douleur, de liberté et donc d’espoir déchirant à l’image de son autre titre, sublime : « Le chagrin des oiseaux ». Le film de l’année 2015. Bouleversant. Eblouissant. Brillant. Nécessaire.

  • Critique de MONUMENTS MEN de George Clooney à 20H45 sur Ciné + Premier

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     Vous verrez ci-dessous, en plus de ma critique du film, les meilleurs moments de la conférence de presse parisienne de cette joyeuse équipe (tout juste de retour du Festival de Berlin où le film a été projeté en avant-première et ovationné) aussi complice que dissipée, une conférence à laquelle j’ai donc eu le plaisir d’assister et dont le moment d’émotion fut l’intervention d’un vrai « Monument man » survivant que vous verrez dans la vidéo.

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     J’étais particulièrement impatiente de découvrir ces « Monuments men » après le régal impitoyable qu’avait été « Les Marches du pouvoir » (qui se déroule dans les coulisses des Primaires américaines), la dernière réalisation de George Clooney. Un thriller aussi élégant que le sont en apparence ses protagonistes et qui en révèle d’autant mieux la face obscure grâce à un rythme particulièrement soutenu, un distribution brillamment dirigée (avec des seconds rôles excellents comme Philip Seymour Hoffman ou Paul Giamatti), des dialogues vifs, et surtout une mise en scène métaphorique entre ombre et lumière particulièrement symptomatique du véritable enjeu (être, devenir ou rester dans la lumière) et de la part d’ombre qu’elle dissimule (souvent habilement) et implique.

    Avec ce nouveau sujet  et ce casting en or (George Clooney, Matt Damon, Bill Murray, John Goodman, Cate Blanchett, Bob Balaban, Jean Dujardin -dont on se demande jusqu'où sa brillante carrière le mènera encore-…), je pensais être d’emblée conquise par cette nouvelle réalisation de George Clooney.

    « Monuments men » est ainsi inspiré d’un fait historique réel et méconnu de la Seconde Guerre Mondiale. Sept hommes qui ne sont pas des soldats mais des directeurs et des conservateurs de musées, des artistes, des architectes, et des historiens d’art… se jettent au cœur du conflit pour aller sauver des œuvres d’art volées par les nazis et les restituer à leurs propriétaires légitimes. Ces trésors sont cachés en plein territoire ennemi, et leurs chances de réussir sont infimes. Pour tenter d’empêcher la destruction de mille ans d’art et de culture (les nazis voulaient notamment convaincre les Allemands du déclin de l’Art moderne, quand il était pratiqué par des artistes juifs ou communistes, détruisant ainsi ces œuvres pour « purifier » l’Art quand elles ne venaient pas enrichir leurs collections personnelles), ces Monuments Men vont se lancer dans une incroyable course contre la montre, en risquant leur vie pour protéger et défendre les plus précieux trésors artistiques de l’humanité…

    Dans la réalité, ce fut un programme lancé par le département Fine Arts, and Archives section, de la commission chargée de plaider la cause artistique en temps de guerre aux USA. L'équipe des Monuments Men se composait d'une douzaine d'hommes, trop vieux pour avoir été embrigadés par l'armée à l'aube du conflit. Ils sont plasticiens, historiens d'art, conservateurs de musée et sont envoyés en France dans les six semaines qui suivent le débarquement en Normandie. C'est le président Eisenhower qui lance le programme, après que les troupes Alliées aient gratuitement détruit une abbaye ancienne. C'est finalement Roosevelt qui donne son accord à George Stout, futur chef officieux des Monuments Men, pour former son équipe de choc

    Voilà le prometteur pitch officiel. La mise en scène est indéniablement soignée et d’une rare élégance. Là est sans aucun doute une des singularités du cinéaste George Clooney, avec le caractère engagé de ses films. La musique (signée Alexandre Desplat) est poignante et emphatique à souhait, cristallisant la majesté de l'enjeu. L’enjeu, justement, est universel : sauver des œuvres d’art dont la destruction revient à « nier que les Hommes ont existé ». Sans aucun doute, George Clooney, artiste engagé, était réellement porté par son sujet et avait particulièrement à cœur de rendre hommage à ces héros de l’Histoire et de son histoire qui le méritent incontestablement : les Monuments men qui ont pour noble objectif de retrouver les œuvres d’art volées par les Nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale. Parce que tuer les œuvres d’art c’est aussi tuer la mémoire. Notre mémoire.

    Malheureusement, George Clooney, aussi talentueux metteur en scène soit-il semble avoir été paralysé :  par son sujet et l’hommage qu’il souhaitait rendre aux vrais « Monuments men », par les œuvres d’art et leur prestige, par ses influences (les films de son enfance comme « La Grande Evasion » ou « Le Pont de la Rivière Kwaï » ou des cinéastes avec lesquels il a tournés comme Soderbergh -donnant à son film des airs d’ « Ocean »- ou les Coen –pour l’humour décalé aux frontières de l’absurde -) et par son casting. En voulant trop bien faire : satisfaire ses acteurs (tous ses acteurs, en leur donnant à chacun leur moment de gloire et leur numéro) dont la complicité transpire certes, les réalisateurs qui l’ont inspiré et les héros à qui il a voulu rendre hommage, il ne choisit finalement pas avec pour résultat un film hybride qui laisse un goût de regret et d’inachevé. Son film oscille constamment : d’un acteur à l’autre comme s’il voulait que chacun ait une égale partition, et surtout entre la comédie et le drame. En résulte un scénario qui ressemble à une suite de saynètes et qui passe à une autre dès que l’émotion s’apprêtait à éclore.

    C’est d’autant plus dommage que certaines scènes et certains plans nous rappellent qu’il a un vrai sens de la narration et quel cinéaste talentueux il peut être (la mise en scène n’est d’ailleurs jamais en cause, mais uniquement le scénario) notamment lorsque sont retrouvées certaines œuvres comme « La Madone de Bruges » de Michel-Ange ou « L’Autoportrait » de Rembrandt ou les scènes entre Matt Damon et Cate Blanchett. Il aurait d’ailleurs été passionnant de se focaliser sur le personnage interprété par cette dernière, à mon avis le plus intéressant, celui de Claire Simone inspiré de Rose Valland (auteur d’un livre de souvenirs sur le sujet intitulé « Le Front de l’Art") qui travailla au Musée du Jeu de Paume à partir de 1932 et qui participa à l’évacuation des collections publiques parisiennes mises à l’abri sur l’ensemble du territoire.

    Par ailleurs, l’action se déroule après le débarquement du 6 juin 1944 mais deux menaces planent encore : les troupes de libération soviétiques qui saisissaient les œuvres à titre de compensation et certains fonctionnaires nazis qui souhaitaient faire disparaître les œuvres à titre de vengeance. Or, malgré la mort de certains de ces « Monuments men » leur "promenade"  semble souvent tranquille, bucolique et dénuée de tension et de réalisme. Un comble pour un film inspiré de faits réels.

    Malgré tout, malgré cette histoire bancale sans doute en raison de l’énorme enjeu de l’Histoire, cet aspect suranné dans l’écriture, ces  « Monuments men » m’ont inspiré une certaine tendresse. Parce qu’on y sent à quel point son réalisateur avait à cœur de rendre hommage à ces grands hommes mais aussi à ces œuvres d’Art. Ce à quoi il parvient d’ailleurs, comme s’il avait davantage voulu mettre l’accent sur l’Histoire que sur son histoire. Parce que la réalisation et la photographie sont remarquables. Parce que le casting est à leur image : élégant et soigné comme celui des films d’un autre temps. J’ai eu l’impression qu’allaient surgir à tout instant Cary Grant, Clark Gable ou James Stewart. Et parce ce film aura au moins eu le mérite d’immortaliser des héros oubliés, de les célébrer mais aussi de rappeler à quel point l’Art n’est pas un simple ornement mais est une respiration salutaire,  un fondement vital de la société et de l’humanité à tel point que des hommes ont combattu pour lui au péril de leur vie. Et pour ces raisons, cinématographiques mais surtout pédagogiques, ces « Monuments men »méritent que vous alliez à leur rencontre au cinéma le 12 mars…et méritent d’être montrés dans les écoles.

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    En bonus, ci-dessous, ma critique du film « Les Marches du pouvoir » de George Clooney à voir et revoir.

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    « The American » d’Anton Corbijn, le précèdent film avec George Clooney avant "Les Marches du pouvoir" prouvait une nouvelle fois le caractère judicieux de ses choix en tant que comédien et en tant que producteur, ce film allant à l’encontre d’une tendance selon laquelle les films doivent se résumer à des concepts, prouvant qu’un film lent, au style épuré et aux paysages rugueux (ceux des Abruzzes en l’occurrence, d’ailleurs magnifiquement filmés) peut être plus palpitant qu’un film avec une action à la minute.

     Avec « Les Marches du pouvoir », il confirme la clairvoyance de ses choix (film produit par un autre acteur aux choix clairvoyants, Leonardo DiCaprio) avec un film au sujet a priori (et seulement a priori) peu palpitant : la bataille pour les primaires démocrates et, un peu à l’inverse de « The American » qui était un thriller traité comme un film d’auteur intimiste, il nous embarque dans un thriller palpitant avec ce qui aurait pu donner lieu à un film d’auteur lent et rébarbatif. "Les Marches du Pouvoir" est une adaptation de la pièce de théâtre « Farragut North » de Beau Willimon; il a été présenté en compétition officielle de la dernière Mostra de Venise.

    Stephen Meyers (Ryan Gosling) est le jeune, légèrement arrogant, mais déjà très doué et expérimenté conseiller de campagne du gouverneur Morris (George Clooney) candidat aux primaires démocrates pour la présidence américaine. Pour lui, Morris est le meilleur candidat et il s’engage à ses côtés, totalement convaincu de son intégrité et de ses compétences mais peu à peu il va découvrir les compromis qu’impose la quête du pouvoir et perdre quelques illusions en cours de route… Il va découvrir ce qu’il n’aurait jamais dû savoir, commettre l’erreur à ne pas commettre et la campagne va basculer dans un jeu de dupes aussi fascinant que révoltant.

    Le film commence sur le visage de Meyers récitant un discours, du moins le croit-on… La caméra s’éloigne et dévoile une salle vide et que l’homme qui semblait être dans la lumière est en réalité un homme dans et de l’ombre, préparant la salle pour celui qu’il veut mener à la plus grande marche du pouvoir. Ce début fait ironiquement écho au magnifique plan-séquence de la fin où la caméra se rapproche au lieu de s’éloigner (je ne vous en dis pas plus sur cette fin saisissante)…tout un symbole !

    Je ne suis pas à un paradoxe près : alors que je m’insurge constamment contre le poujadiste et simpliste «tous pourris » souvent le credo des films sur la politique, ce film qui dresse un portrait cynique de la politique et de ceux qui briguent les plus hautes marches du pouvoir m’a complètement embarquée… Clooney non plus n’est pas à un paradoxe près puisque lui qui a fermement défendu Obama dans sa campagne présidentielle et dont la sensibilité démocrate n’est pas un mystère a mis en scène un candidat (démocrate) dont l’affiche ressemble à s’y méprendre à celle du candidat Obama lors de son premier mandat. D’ailleurs, ce n’est pas forcément un paradoxe, mais plutôt une manière habile de renforcer son propos.

    A première vue, rien de nouveau : les manigances et les roueries de la presse pour obtenir des informations qui priment sur tout le reste, y compris de fallacieuses amitiés ou loyautés, la proximité intéressée et dangereuse entre le pouvoir politique et cette même presse (tout ce que la très belle affiche résume, avec en plus le double visage du politique), et même les liens inévitables entre désir et pouvoir qui ouvraient récemment un autre film sur la politique, « L’Exercice de l’Etat », dans une scène fantasmagorique mais, malgré cela, George Clooney signe un film remarquable d’intensité, servi par des dialogues précis, vifs et malins et par une mise en scène d’une redoutable élégance, notamment grâce au recours aux ombres et à la lumière pour signifier l’impitoyable ballet qui broie et fait passer de l’un à l’autre mais surtout pour traiter les coulisses obscures du pouvoir comme un thriller et même parfois comme un western (le temps d’un plan magnifique qui annonce le face-à-face dans un bar comme un duel dans un saloon). En fait, « Les marches du pouvoir » porte en lui les prémisses de plusieurs genres de films (thriller, romantique, western) montrant, d’une part, l’habileté de Clooney pour mettre en scène ces différents genres et, d’autre part, les différents tableaux sur lesquels doivent jouer les hommes politiques, entre manipulation, séduction et combat.

    Le temps d’une conversation plongée dans le noir ou d’une conversation devant la bannière étoilée (invisible un temps comme si elle n’était plus l’enjeu véritable mais aussi gigantesque et carnassière), sa mise en scène se fait particulièrement significative. Cette plongée dans les arcanes du pouvoir les décrit comme une tentation perpétuelle de trahir : ses amis politiques mais surtout ses idéaux. L’étau se resserre autour de Stephen comme un piège inextricable et les seuls choix semblent alors être de dévorer ou être dévoré, d’ailleurs peut-être pas tant par soif du pouvoir que par souci de vengeance et par orgueil, amenant ainsi de la nuance dans le cynisme apparent qui consisterait à dépeindre des hommes politiques uniquement guidés par la soif de conquête et de pouvoir. Ryan Gosling est parfait dans ce rôle, finalement pas si éloigné de celui qu’il endosse dans « Drive », incarnant dans les deux cas un homme qui va devoir renier ses idéaux avec brutalité, et qui révèle un visage beaucoup plus sombre que ce qu’il n’y parait. Face à lui, George Clooney en impose avec sa classe inégalée et inégalable qui rend d’autant plus crédible et ambivalent son personnage à la trompeuse apparence, épris de laïcité, de pacifisme et d’écologie... sans doute davantage par opportunisme que par convictions profondes, ses choix privés révélant la démagogie de ses engagements publics.

    Le cinéma américain entre Oliver Stone, Pakula, ou avec des rôles incarnés par Robert Redford comme dans « Votez McKay » de Michael Ritchie (que Redford avait d’ailleurs coproduit) a longtemps considéré et traité la politique comme un sujet à suspense. Tout en s’inscrivant dans la lignée de ces films, Clooney réinvente le genre en écrivant un film aux confluences de différents styles. La politique est décidément à la mode puisque pas moins de trois films français (très différents) sur le sujet étaient sortis l'an passé (« La Conquête », « Pater » et « L’Exercice de l’Etat »). Clooney ne s’intéresse d’ailleurs pas ici uniquement à la politique, le film ne s’intitulant pas « Les marches du pouvoir politique » mais du pouvoir tout court et cette soif d’ascension au mépris de tout pourrait se situer dans d’autres sphères de la société de même que la duplicité de ceux qui cherchent à en gravir les marches, à tout prix, même celui de leurs idéaux.

    Seul regret : que le titre original peut-être pas plus parlant mais plus allégorique n’ait pas été conservé. «The ides of March » correspond ainsi au 15 mars du calendrier romain, une expression popularisée par une des scènes de « Jules César » de William Shakespeare, dans laquelle un oracle prévient le célèbre général de se méfier du 15 mars, date à laquelle il finira par être assassiné.

    Un thriller aussi élégant que le sont en apparence ses protagonistes et qui en révèle d’autant mieux la face obscure grâce à un rythme particulièrement soutenu, un distribution brillamment dirigée (avec des seconds rôles excellents comme Philip Seymour Hoffman ou Paul Giamatti), des dialogues vifs, et surtout une mise en scène métaphorique entre ombre et lumière particulièrement symptomatique du véritable enjeu (être, devenir ou rester dans la lumière) et de la part d’ombre qu’elle dissimule (souvent habilement) et implique. Je vous engage à gravir ces « Marches du pouvoir » quatre-à-quatre. Un régal impitoyable. Vous en ressortirez le souffle coupé !

  • Critique de UN SECRET de Claude Miller à 21H sur D8

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    Un petit garçon malingre, François,  voit indistinctement son image à travers un miroir tacheté de noir. Ce premier plan en dit déjà tellement… Puis, ce petit garçon, à travers son regard d’adulte, (interprété par Mathieu Amalric) nous raconte son histoire et celle de ses parents, Maxime (Patrick Bruel) et Tania (Cécile de France), l’histoire qu’il a apprise de la bouche de Louise (Julie Depardieu), la voisine et amie : l’histoire d’un secret.

    Dans un des plans suivants, le même petit garçon marche à côté de sa mère Tania, Tania dont on ne voit d’abord que le corps sculptural qui contraste tellement avec celui, si frêle, du petit garçon. Un petit garçon qui s’imagine un frère beau et glorieux au point de laisser une assiette à table pour lui, devant le regard terrassé de ses parents comme si le poids du secret, de cet enclos de silence, devenu celui de l’inconscient, avait tellement pesé sur sa famille qu’il avait deviné sans savoir.

    Les images du passé, en couleurs, alternent  judicieusement avec celles du présent, en noir et blanc, (dans le roman, le passé est écrit au présent et inversement) un présent que le passé pourtant si sombre, va venir éclairer en révélant l’existence de ce frère, Simon, à l’époque où Maxime s’appelait encore Grinberg et non Grimbert, ces deux lettres pour lui porteuses de mort, porteuses aussi de son douloureux secret profondément enfoui.

    Revenons à ce premier plan auquel de nombreux autres feront ensuite songer : ces plans de corps sublimes au bord de la piscine, au milieu de couleurs chaudes, d’une gaieté insolente. Le dos nu de Tania lorsque Maxime la voit pour la première fois. Son corps qui, dans une acrobatie parfaite, fend l’air et le bleu du ciel puis de la piscine, lorsqu’elle plonge. Les corps décharnés et sans vie des camps. Les corps, leur force et leur fragilité, symboles de vie et de mort, tout le temps mis en parallèle. Ce corps que Maxime sculpte jour après jour, ce corps qui nie presque son identité juive à une époque où le régime nazi fait l’apologie du corps, à une époque où les images de Jeux Olympiques filmées par Leni Riefenstahl défilent sur les écrans, à une époque où il faut porter une étoile sur le cœur, une étoile que Maxime refuse de porter, parce que, pour lui, montrer son identité juive signifie souffrir, mourir et faire prendre des risques à son enfant. Le corps, encore, de François, cet enfant si chétif que son père regarde avec des éclairs d’amertume, cet enfant qui « lui a échappé », cet enfant qui suscite une douloureuse et cynique réminiscence de son passé. Pourquoi ? C’est ce fameux secret que je ne vous dévoilerai pas ici. Celui de trois amours fous qui font déraisonner, qui s’entrechoquent finalement, qui se croisent et qui bouleversent plusieurs existences. 

     L’ambiguïté du personnage de Maxime parcourt et enrichit tout le film : Maxime qui exhibe son corps, qui nie presque sa judaïté, qui fera dire à son père sur le ton de l’humour, certes, qu’il a un fils antisémite, à qui dans son roman Philippe Grimbert attribue des « ambitions de dandy ». L’ambiguïté est encore accrue quand il tombe amoureux de Tania : une femme blonde aux yeux bleus, sportive comme lui, et ce qui n’arrange rien, sa belle sœur, dont il tombe amoureux, pour couronner le tout, le jour de son mariage. Tania, si différente de sa femme, Hannah (Ludivive Sagnier), la timide, la mère parfaite, plus mère que femme dans le regard de Maxime, dans son regard hypnotisé par Tania, son double, celle qui lui ressemble tellement. Hanah : celle pour qui Maxime  est pourtant tout. Et qui le signifiera tragiquement.

    Avec Un Secret, Claude Miller a fait beaucoup plus que transcrire en images le roman éponyme de Philippe Grimbert, il a écrit et réalisé une adaptation particulièrement sensible et personnelle, d’abord par la manière dont il filme les corps, les mains qui s’accrochent les unes aux autres, les mains qui en disent tant, et puis ces regards lourds de sens, de vie, de désespoir, de passion,  magnifiquement orchestrés par le chef d’orchestre Claude Miller pour nous donner cette mélodie bouleversante du passé. Par la manière dont présent et passé se répondent. Comme ce plan de François qui regarde son père à travers le grillage d’un court de tennis. Un grillage qui rappelle celui, abject, du passé, des camps.

    Passé et présent se répondent  constamment en un vibrant écho. L’entrelacement de temporalités rendait d’ailleurs le roman quasiment inadaptable, selon les propres propos de Philippe Grimbert. Claude Miller y est pourtant admirablement parvenu. Echo entre le passé et le présent donc, Echo c’est aussi le nom du chien dans le roman. Celui dont la mort accidentelle fera ressurgir le passé, cette douleur ineffable intériorisée pendant tant d’années. Maxime s’effondre alors sur la mort de son chien alors qu’il avait surmonté les autres. Il s’effondre, enfin abattu par le silence meurtrier, le poids du secret et de la culpabilité.

    Ce n’est pas « le » secret seulement que raconte ce film mais « un » secret, un secret parmi tant d’autres, parmi tous ceux que cette époque a engendrés.  Des secrets qui s’emboîtent et dont la révélation devient insoluble. Doit-on et peut-on tout dire ?

    La chanson de Charles Trenet, Tout ça c’est pour nous, est d’une douloureuse légèreté.  La musique, l’autre, pourtant sublime, qui était dans la première version que j’ai vue en février ne subsiste que dans la bande annonce : la preuve que Claude Miller a voulu éviter l’outrance mélodramatique. Son film n’en a pas besoin.

    Claude Miller signe en effet un film d’une intensité et d’une densité dramatiques rares, empreint de la passion irrépressible, tragiquement sublime, qui s’empare de Maxime et Tania. Il nous raconte une transgression amoureuse, une passion dévastatrice, une quête d’identité, un tango des corps : un grand film tout simplement où il témoigne de l’acuité de son regard de metteur en scène (il témoigne d’ailleurs aussi dans un autre sens : il témoigne aussi de son passé), de ces films qui vous font frissonner, vous étreignent, vous bouleversent, tout simplement et ne vous bouleversent pas avec des « recettes » mais subrepticement, sincèrement. 

     Claude Miller offre là à Ludivine Sagnier, Julie Depardieu, Patrick Bruel et Cécile de France un de leurs plus beaux rôles. Ces deux derniers ne jouent pas, leur passion dévaste l’écran, l’envahit, en déborde. Une fatale évidence.

    Le psychanalyste Philippe Grimbert a écrit ce livre, en grande partie autobiographique, après la découverte d’un cimetière de chiens dans le jardin de la fille de Pierre Laval. Là, les dates qui pourraient être celles d’enfants morts dans les camps, s’alignent avec obscénité, alors que les enfants morts pendant la guerre n’ont même pas eu de tombes, eux, n’ont pas eu droit à une sépulture et sont partis en fumée. De cette découverte indécente est né ce livre. Ce film et ce livre constituent le tombeau de ces enfants et participent au devoir de mémoire. Parce que l’oubli est une menace constante, parce que l’Histoire se complait trop souvent dans une amnésie périlleuse. Et puis,  pour que le petit garçon, qui a délivré son père de son secret, distingue enfin une image précise dans le miroir… L'image de son passé et de son identité et de son corps retrouvés.

  • Critique de COMME DES FRERES d'Hugo Gélin ce soir à 21H sur D8

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    « Comme des frères », c’est l’histoire de trois hommes de trois générations différentes, Boris (François-Xavier Demaison), Elie (Nicolas Duvauchelle) et Maxime (Pierre Niney) qui, a priori, n’ont rien en commun, rien si ce n’est Charlie (Mélanie Thierry), à qui ils étaient tous liés par un sentiment fort et singulier, et qui vient de mourir. Comme elle le leur avait demandé, ils décident de faire ensemble ce dernier voyage qu’elle aurait voulu faire avec eux, direction la Corse et la maison que Charlie aimait tant. 900kms ensemble avec, pour point commun, l’ombre de la lumineuse Charlie, leur chagrin…un voyage après lequel plus rien ne sera tout à fait pareil.

    Dès le début de ce film se dégage un charme inexplicable (pléonasme, non ?) qui vous accroche et attache aux protagonistes pour ne plus vous lâcher… Les frères Dardenne (dans un genre de film certes radicalement différent) répètent souvent que ce sont les personnages qui comptent avant les idées et, si la plupart des comédies se contentent d’une bonne idée et d’un bon pitch, négligeant leurs personnages, ici, dans l’écriture du scénario, Hérvé Mimran ( coauteur/coréalisateur d’une autre comédie très réussie qui d’ailleurs présentait aussi cette qualité:  « Tout ce qui brille »), Hugo Gélin et Romain Protat, se sont d’abord attelés à construire des personnages forts et particulièrement attachants : le jeune homme lunaire de 20 ans, le trentenaire scénariste noctambule, et l’homme d’affaires, quadragénaire et seul. Trois personnages qui, tous, dissimulent une blessure.

    Le chagrin et la personne qui les réunissent annihilent la différence d’âge même si elle est prétexte à un gag récurrent (et très drôle) sur les goûts parfois surannés du personnage de François-Xavier Demaison qui apporte toute sa bonhomie mélancolique et attendrissante et la justesse de son jeu à cet homme qui n’arrive pas -plus- à aimer depuis Charlie. L’autre bonne idée est en effet le casting : outre François-Xavier Demaison, Nicolas Duvauchelle est également parfait, et surtout Pierre Niney. Ici il est lunaire, burlesque même, immature (mais finalement pas tant que ça), attachant, et cache  lui aussi derrière sa maladresse, une blessure.

    Ce film possède cette vitalité si chère à Truffaut (« Le cinéma c’est la vitalité » disait-il). Une vitalité, un sentiment d’urgence, une conscience du dérisoire de l’existence, de sa beauté mélancolique aussi, et de la tendre ironie qu’inspirent souvent les drames de l’existence, qui changent à jamais le regard sur celle-ci, et que ce film parvient magnifiquement à retranscrire.

    Hugo Gélin ne recourt jamais au pathos, l’écueil dans lequel il aurait été si facile de tomber avec un tel sujet, mais montre au contraire qu’une révoltante et cruelle injustice de l’existence, peut donner une autre saveur à celle-ci , le goût de l’essentiel et qu’elle peut avoir la capacité  de (re)créer des liens, ici quasiment fraternels. Plutôt que de nous montrer Charlie malade et agonisante, il nous la montre telle que la voyaient ses trois amis, radieuse, viscéralement vivante et lumineuse, par une série de flashbacks judicieusement amenés qui retracent le lien si particulier que chacun d’entre eux entretenait avec elle mais aussi la manière dont le quatuor devenu trio s’est construit avec, notamment, la très belle scène chaplinesque sur leur première rencontre, intelligemment placée au dénouement.

    Le scénario (qui a le mérité d’être original, de n’être pas l’adaptation d’une BD ou d’un livre, ou la transposition de sketchs d’humoristes désireux de passer derrière et/ou devant la caméra comme c’est très-trop-souvent le cas), sensible, qui nous révèle les liens entre les personnages par petites touches et alterne intelligemment entre rires et larmes, est aussi servi par des dialogues savoureux. Tant pis si certains aspects sont peut-être plus prévisibles comme le prénom donné au bébé de l’un d’entre eux, cela fait aussi partie des codes de ce genre de film.

    De ces trois (quatre)-là, vraiment irrésistibles, émane une belle complicité, une alchimie même, à cause de laquelle ou plutôt grâce à laquelle nous les laissons avec regrets nous frustrant presque de n’en  savoir pas plus… Un quatuor qui m’a parfois rappelé celui de « Père et fils » de Michel Boujenah qui mettait ainsi en scène un père et ses trois fils. Le tout est servi par une belle photographie signée Nicolas Massart ( avec des plans que certains cyniques jugeront sans doute clichés, comme ce plan de soleil, reflet d’un nouveau jour et de l’espoir qui se lèvent), un film d’une gravité légère à la fois tendre et drôle, pudique et espiègle: en tout cas, charmant et qui prouve qu’une comédie peut sonner juste et actuelle sans recourir systématiquement au trash ou au cynisme.

    Ajoutez à ce casting impeccable, ce scénario et ces dialogues réjouissants, cette photographie lumineuse, la musique ensorcelante du groupe Revolver  et vous obtiendrez ce road movie attachant et la comédie tendrement mélancolique qui, comme chez Claude Sautet, célèbre l’amitié, qu’elle soit amoureuse ou plus fraternelle et vous fait furieusement aimer la vie. Alors, n’attendez plus, allez voir sans hésiter Boris, Elie, Maxime et les autres!

    « Comme des frères » a été récompensé aux festivals de cinéma de La Réunion et de Sarlat et Pierre Niney, pour ce film, a fait partie des révélations pour le César du meilleur espoir masculin 2013.

  • Critique de LA VIE RÊVEE DE WALTER MITTY de Ben Stiller à 20H45 sur Ciné + Club

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    Ben Stiller a au moins le mérite de sembler aimer son sujet, d’avoir une idée originale (…quoique…  "La Vie rêvée de Walter Mitty" est une libre adaptation d'une comédie datant de 1947 intitulée « La Vie secrète de Walter Mitty » et le projet n'est pas son initiative) et d’avoir un minimum soigné la réalisation même si on retrouve ce trait commun à nombre de films aujourd’hui : des quadragénaires qui se conduisent comme des adolescents attardés. C’est ainsi le cas de « Walter Mitty » (Ben Stiller) qui  est « un homme ordinaire (un homme ordinaire se conduirait donc comme un adolescent attardé), enfermé dans son quotidien, qui n’ose s’évader qu’à travers des rêves à la fois drôles et extravagants. Mais confronté à une difficulté dans sa vie professionnelle, Walter doit trouver le courage de passer à l'action dans le monde réel. Il embarque alors dans un périple incroyable, pour vivre une aventure bien plus riche que tout ce qu'il aurait pu imaginer jusqu’ici. Et qui devrait changer sa vie à jamais. »

     Walter a en effet égaré le négatif n°25, celui-là même qui doit faire la couverture de Life et que lui a envoyé un photographe baroudeur pour qui il travaille depuis des années et qu’il admire tout particulièrement (Sean Penn qui prend très bien l’air du baroudeur libre, concerné, aux sourcils froncés, et tellement amoureux de la beauté et la liberté qu’il préfère ne pas les capturer et les garder pour lui seul, en photographe à principes).

    Le pitch était réellement séduisant. Un homme qui, à défaut de vivre ses rêves, s’y évade au point de « déconnecter » de la réalité jusqu’à ce qu’il comprenne que vivre ses rêves « réellement » est encore mieux. Sauf que Walter, notre adolescent attardé est  amoureux de sa collègue qu’il voit tous les jours mais il préfèrerait lui déclarer sa flamme via un site de rencontres sur lequel elle est évidemment inscrite. La collègue (Kristen Wiig, dont le personnage n'est pas du tout développé, servant simplement de faire-valoir) en question semble dès le début s’intéresser à lui. Fin du suspense. On peut imaginer ce qu’un Capra, un Fellini ou Tim Burton auraient fait de ce film, eux qui sav(ai)ent si bien donner une dimension onirique à leurs films mais à force d’osciller entre le rêve et la réalité, Ben Stiller signe un film totalement irréaliste qui ne parvient pas non plus vraiment à faire rêver. Ce sujet avait pourtant tout pour me plaire : un homme qui décide de faire en sorte que les rêves dévorent sa vie afin que sa vie ne dévore pas ses rêves, pour paraphraser Saint-Exupéry.

    Les paysages sont magnifiques et Ben Stiller s’est visiblement fait plaisir  à nous faire voyager et en nous embarquant notamment en Islande  voir le désormais célèbre volcan  Eyjafjallajökull qu'il quitte d'ailleurs brusquement au moment où le film devenait intéressant. (au passage, très belle photographie de Stuart Dryburgh). Malheureusement, un scénario bancal et l’accumulation de sujets font que l’émotion n’a jamais le temps d’affleurer : Walter a perdu son père jeune, il est confronté à la fin de la presse écrite etc. Par ailleurs, pour un film sur les clichés, il est dommage qu’il en comporte tant (ou alors, est-ce un moyen ironique de faire coïncider la forme et le fond) entre la  parodie ridicule du sublime film "L'étrange histoire de Benjamin Button" ou le personnage du supérieur aussi exagérément stupide qu’arrogant.

    "La Vie rêvée de Walter Mitty" a été intégralement tourné en pellicule, la forme rejoignant ainsi le fond (à dessein cette fois) puisque le personnage est développeur sur pellicule pour le magazine Life qui s'apprête à publier son dernier numéro papier pour passer au format numérique sur internet. Finalement, peut-être la seule bonne idée, le film étant davantage un hommage à ces artisans qu’aux doux rêveurs qui ne se reconnaîtront pas forcément dans cette fable vélléitaire dont le dénouement est par ailleurs très très téléphonée.

    Reste que le film est une métaphore du cinéma qui permet de donner vie aux rêves les plus fous, et un hommage à celui-ci qui parfois, quand c'est réussi, vous donne envie d'empoigner la vie et vos rêves pour qu'ils ne fassent qu'un. Walter vous donnera donc peut-être envie de faire de vos rêves une réalité, ce qui n’est déjà pas si mal. Mais pour cela, vous pouvez tout aussi bien relire Saint-Exupéry. Et revoir  (ou relire) "L'étrange histoire de Benjamin Button".