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félix et meira

  • Critique de FELIX ET MEIRA de Maxime Giroux à 20H45 sur Ciné + Club

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    Primé au Festival de Toronto, « Félix et Meira » est le troisième film de Maxime Giroux.

     

    Félix et Meira. Un homme et une femme que tout oppose a priori. A priori seulement. Lui mène une vie désinvolte, sans responsabilité ni attache. Son père est sur le point de mourir. Il ne lui restera bientôt plus qu’à dilapider l’héritage familial. Elle est une jeune femme juive hassidique, mariée et mère d’un enfant, s’ennuyant dans sa communauté. Deux êtres qui n’auraient pas dû se rencontrer… Mais voilà, ils vivent dans le même quartier de Montréal. Félix est malgré tout, malgré sa désinvolture apparente, bouleversé par la mort de son père, un père dont il a toujours cru qu’il ne l’aimait pas, un père qui n’a pas su l’aimer et qu’il n’a pas su aimer. En questionnements sur la mort, et sans doute en quête d’une respiration, le jour du décès de son père, il va aborder cette jeune femme croyante et pratiquante, dont il avait remarqué un dessin dans le café où ils ont leurs habitudes.

     

    Deux solitudes. L’une manquant de liberté. L’autre finalement entravée par une liberté dont il ne sait que faire. L’une que son mari ne reconnaît pas (mais qui, à sa manière, l’aime : très belle scène de confrontation du mari avec Félix). L’autre que son père ne reconnaît plus. L’une suffocant en raison de l’omniprésence de sa famille. L’autre confronté à sa suffocante absence. L’une dont la vie est constituée de contraintes et de rituels. L’autre dont la vie se distingue par l’absence de buts et d’attaches. L’une qui ne possède que sa fille et sa foi, l’autre qui semble n’avoir foi en rien. Deux êtres finalement semblables dans leurs différences qui veulent échapper à leurs réalités, trouver un ailleurs.

     

    Dans les premiers plans, Meira, lors d’un repas de famille d’abord de dos, puis filmée plus frontalement, semble éteinte, étrangère à ce qui l’environne, avoir le regard fuyant. Son mari ne la voit pas ou le regarde avec dureté. Elle se sent piégée. Elle étouffe. Peu à peu elle va se laisser apprivoiser, se laisser attendrir et émouvoir, elle va réapprendre à sourire, à étreindre la vie et sa liberté. Il aura suffi d’un dessin et d’un air de musique (l’art, toujours, cinématographique, musical ou pictural, instrument d’évasion et de liberté) pour qu’elle dévie, un beau jour, du chemin, au propre comme au figuré, puis pour qu’elle revienne pour faire chez Félix ce que son mari ne lui permet pas : écouter de la musique. Ils vont ensuite se retrouver à New York, ville de tous les possibles, de la possibilité d’un avenir. D’une autre vie. Avant que la réalité ne les rattrape.

     

    Tout en douceur et délicatesse, Maxime Giroux confronte deux mondes, construisant son film de manière dichotomique mais sans brutalité. Entre l’intérieur sombre, presque carcéral. Et l’extérieur, lumineux et chaleureux, malgré le froid. Entre le silence et la musique. Entre la noirceur et les couleurs, notamment du dessin. Entre la raison (ce serait trop simple que le mari n’aime pas sa femme et Maxime Giroux évite cet écueil) et la passion.

     

    Ce film au charme discret, à l’image de celui de ses personnages, n’en est que plus envoûtant : Meira interprétée par Hadas Yaron, tout en retenue s’illumine et se révèle peu à peu au contact de ce Félix, impeccable Martin Dubreuil, qui semble transporter sa (fausse) nonchalance comme un bagage trop lourd. Peu à peu l’un comme l’autre vont se libérer. Les gestes, pas de danse et regards esquissés, pour Meira si audacieux, sont filmés pudiquement et n’en sont que plus forts.

     

    La fin, douce amère et polysémique, face caméra et dans une lumière éblouissante,  à défaut de nous donner la certitude que l’amour règnera, nous prouve qu’ils ont trouvé la lumière, la musique et la liberté sans que Meira renie ce qu’elle est. Ce n’est déjà pas si mal… Un beau parcours initiatique, presque un conte (le décor de « carte postale », ce surgissement presque irréel de Félix dans la vie de Meira) porté par deux comédiens qui incarnent avec douceur ces deux personnages qui sont la grande force de ce film d’une simplicité touchante et rare.

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