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  • « Musée haut, musée bas » : comédie chorale baroque de Jean-Michel Ribes

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    Voilà un film qui, au moins, et avant tout, a le mérite (et le défaut) de ne ressembler à aucun autre, et d’être tour à tour percutant, agaçant virevoltant, drôle aussi. Le genre de film prédestiné à être détesté ou adoré et pourtant je ne me place dans aucune des deux catégories, ne parvenant pas à choisir entre le « musée haut » et le « musée bas » sans doute.

    Directeur du théâtre du Rond-point depuis 2001, Jean-Michel Ribes y a  créé, en 2004, la pièce « Musée haut, musée bas » qu’il a transformé en film homonyme sur les conseils de l’ex-agent devenu producteur Dominique Besnehard. Rien de plus périlleux que de transformer une pièce de théâtre en scénario, de risquer de la transformer en théâtre filmé, un reproche que Jean-Michel Ribes semble avoir anticipé en faisant virevolter, tournoyer, avancer, surplomber sa caméra, en multipliant démesurément les plans et les angles de vue à nous en donner le tournis sans que ce soit forcément justifié, le nombre vertigineux de personnages étant déjà suffisamment étourdissant.  Des personnages qui vont des gardiens harassés par la beauté littéralement ravageuse des œuvres auxquelles ils sont confrontés (passage que j’ai trouvé le plus intéressant) à un conservateur terrorisé par l’irruption de la nature dans son musée,  à un Ministre de la Culture imperturbable, des provinciaux passionnés d’Impressionnistes, une femme qui trouve tout merveilleux au désespoir de son mari qui trouve cela déprimant, une snob qui recherche désespérément Kandinsky et tant d’autres encore.

    Il aurait été facile de tomber dans l’écueil du mépris : mépris pour ceux que l’Art indiffère ou mépris pour l’Art qui méprise ceux qui n’en possèdent pas les codes. Or toute l’intelligence de ce film réside dans son titre et son désir de trouver l’équilibre entre le musée haut et le musée bas, entre le sublime et le ridicule, entre le méprisable et l’admirable, ce à quoi Jean-Michel Ribes est (presque) parvenu. Il ne se contente pas de faire une satire du monde de l’Art ou de la démocratisation de la culture, il lui rend aussi hommage (même si pas assez à mon goût.) Tourné au Petit palais, au Louvre, au musée Guimet, aux Beaux-Arts c’est aussi une promenade colorée, fantaisiste, décidément étourdissante, dans les couloirs labyrinthiques de l’Art et une réflexion sur le rapport de chacun à celui-ci.

     Ce film m’a autant charmée qu’exaspérer. Charmée par son audace, son aspect iconoclaste, par ses comédiens (provenant d’ailleurs souvent du théâtre), tous parfaits (et donc forcément bien dirigés) même si criant un peu trop parfois et nous donnant davantage l’impression d’être sur une scène de théâtre que devant une caméra (oui, malgré tout), mais réussissant tous à donner vie et crédibilité et épaisseur à leurs personnages malgré le peu de place qui leur est parfois donné, parfois seulement une réplique. Mention spéciale pour Isabelle Carré, irrésistible en femme incurablement joyeuse, face à son mari Pierre Arditi que cela déprime ; à André Dussolier  parfait en Jack Lang Ministre qui passe de la consternation à l’admiration feinte, qui passe d’une conversation avec le conservateur à une conversation avec un Mickey surréaliste avant de partir épingler une présentatrice ; à  Michel Blanc en gardien au bord de la folie débordé par une nature envahissante ; à Muriel Robin en snob obsédée par Kandinsky ; à Daniel Prévost en quête du parking Rembrandt marié à une allergique à Picasso. D’autres présentent moins d’intérêt comme cette prof qui demande aux élèves d’être calmes et silencieux, ce à quoi ils répondent systématiquement par des hurlements grégaires  (gag un peu trop répétitif et qui tend à montrer les enfants sous forme d’une masse inculte et désintéressée : musée bas sans doute).

     Exaspérée parce qu’à vouloir brosser trop de portraits, ils nous égare parfois :  on zappe d’une idée à l’autre, d’une personne à l’autre, d’une émotion à l’autre, sans rien approfondir, comme devant une télévision  abêtissante qu’il semble pourtant critiquer.  Il ébauche beaucoup de pistes, interroge le rapport de chacun à l’art. Une sorte de réflexion sur l’art donc, de mise en abyme aussi parfois, de critique aussi bien de ceux qui pensent que  l’art qui a du sens est condamné à être populaire et donc méprisable, à  l’art qui le devient simplement parce que nous le décrétons (comme ces performances d’un homme qui tue sa mère ou des visiteurs qui deviennent l’œuvre, ou d’autres qui ne sont pas sans rappeler le travail de certains comme Sophie Calle), une critique de l’art qui devient objet de consommation, aussi . Un film rempli de références qui parfois ressemble à une démonstration d’érudition (ça va d’un urinoir qui fait penser à celui de Duchamp à cette visiteuse-Victoria Abril, comme toujours fantasque et fantastique - qui confond Leveau et un veau à des plans qui singent de célèbres œuvres et nous le –dé-montrent un peu trop) : ce qui est d’ailleurs un atout du film. Un atout parce qu’il nous donne à voir et à être immergés dans un véritable bain de culture qui tend néanmoins à tout mélanger ...comme le fait la télévision aujourd’hui (paradoxe du film qui emprunte à ce qu’il critique). Un défaut parce qu’il tombe alors dans l’écueil que lui-même critique : égarer ceux qui ne possèdent pas les codes.

    L’absence de scénario trouve se justification finale dans une réflexion sur la confrontation entre nature et culture. Avant lui, beaucoup de philosophes comme Hegel se sont penchés sur cette question. Pour Ribes (théorie défendue dans le film par le conservateur interprété par Michel Blanc) et ainsi selon ce dernier, les arbres n’étaient pas beaux avant que Corot ne les ait peints. Ce n’est alors pas l’art qui imite le réel mais le réel qui est sublimé par l’art.  A ce sujet Jean-Michel Ribes tient un  discours relativement simpliste et finalement très politiquement correct à force de vouloir ne pas l’être (musée bas donc), confondant opposition entre nature et culture dans l’art, et  progrès et défense de l’environnement comme si ces deux derniers éléments étaient irrémédiablement incompatibles et tenant des propos comme ceux-ci : . « Moi je vous avoue ne pas trouver tout détestable dans le progrès. Je préfère habiter Venise que dans une yourte en roseaux et c'est vrai que je suis plus sensible au génie de Michel-Ange qu'à celui d'un champ de poireaux. J'aime la nature quand elle imite l'art, j'aime les jardins japonais parce qu'ils sont philosophiques avant d'être naturels. Je respire mieux dans un musée que dans une forêt. Et on semble oublier que beaucoup d'hommes passent leur vie à combattre quotidiennement la nature comme les médecins par exemple, qui luttent chaque jour contre cette chose très naturelle qu'est le cancer."

    J’en suis ressortie étourdie, en ayant l’impression d’avoir fait un tour de manège, agréable et perturbant,  comme si Warhol (l’esthétique du film s’inspire pas mal du pop art) avait rencontré Tati (les couloirs du musée rappellent parfois « Playtime », ou même certains plans s’inspirent de Tati), mais qu’ils ne s’étaient pas forcément bien entendus, comme s’ils n’avaient pas réussi à concilier musée haut et musée bas.

    Un film sans scénario mais pas sans saveur. Burlesque. Absurde. Fantaisiste. Inclassable. De jubilatoires numéros d’acteurs (Jean-Michel Ribes a eu le mérite de donner aussi des rôles à des acteurs de théâtre qui mériteraient de faire davantage de cinéma). De bonnes répliques percutantes. Des idées farfelues parfois savoureuses. Une réflexion intéressante sur l’art. Par moment, j’ai effleuré cette impression qui me (trans)porte tellement dans certains musées et qui fait que je peux aller des dizaines de fois à Orsay, au Louvre ou ailleurs et être toujours aussi transportée, éblouie,  joliment ravagée, par cette beauté qui ronge et qui porte, qui fait de la rencontre avec l’art un véritable rendez-vous amoureux qui perturbe, émeut, ébranle les certitudes, renforce, enrichit, nous élève : peut-être est-ce la raison pour laquelle le musée haut l’a emporté dans mon esprit. Mais là où une visite au musée m’enrichit, j’en suis finalement ressortie un peu vide, étourdie par tant d’images, de visages, d’idées désordonnées ne parvenant pas à retenir un ou une seule comme si le tout était dilué dans l’eau dévastatrice. Oui, c’est bien la nature qui a repris ses droits finalement…

     Sandra.M

  • "Clara Sheller, saison 2" ce soir sur France 2: la critique en avant-première sur "In the mood for cinema"

    sheller.jpgCe soir, à 20H50, France 2 diffusera les deux premiers épisodes de Clara Sheller, la saison 2.

    J'ai eu la chance de voir ces deux épisodes dans les locaux de France 2, en avant-première, il y a quelques semaines.

    Pour lire ma critique des deux premiers épisodes de "Clara Sheller, saison 2" dès maintenant et pour voir la bande annonce, cliquez ici.

    N'hésitez pas à venir donner votre avis sur "In the mood for cinema" suite à la diffusion...

  • « In the mood for cinema » a 4 ans…

    face18.jpgJuste une rapide  note aujourd’hui pour célébrer ces  4 ans de blog sur Haut et Fort. Sur mes 3 blogs ( « In the mood for cinema », « In the mood for Cannes », «  In the mood for Deauville »), en 4 ans:  555 notes (vous pouvez retrouver toutes les archives d’In the mood for cinema en cliquant ici, toutes celles d’Int the mood for Deauville en cliquant ici et celles d’In the mood for Cannes en cliquant ici), 1530 commentaires,  des dizaines de festivals parcourus, des milliers d’heures de films dégustées, et autant de moments insolites,  magiques, en tout cas toujours singuliers.  Autant de moments que j’ai essayé de vous faire partager.

    Vous êtes chaque jour plus nombreux à lire ce blog, presque 10 fois plus depuis 2 mois (vous pensez bien : à quatre ans on commence à gambader !), et désormais un nombre conséquent. Vous êtes donc très peu par rapport au nombre de lecteurs à laisser vos commentaires mais c’est toujours un plaisir et un enrichissement que de pouvoir débattre avec vous donc n’hésitez pas à laisser vos messages.

    face12.jpgL’objectif de ce blog reste le même qu’au début : partager ma passion dévorante pour le cinéma, vous faire partager mes expériences et mes découvertes dans les festivals,  comme au Festival du Cinéma Américain de Deauville que je fréquente depuis 15 ans ou au Festival de Cannes auquel j’assiste depuis ma participation au prix de la jeunesse il y a 8 ans mais aussi aux festivals de Dinard, Cabourg, Paris..., à la seule différence près que c’est désormais le blog qui me permet aussi de vivre ces festivals différemment notamment le Festival de Cannes puisque j’y assisterai comme chaque année l’an prochain mais cette fois invitée comme lauréate du concours de blogs L’Oréal-Cannes du Festival de Cannes 2008, mais je pense aussi à tous ces films que j’ai désormais le plaisir de voir en avant-première, hors festivals. Le blog s'enrichit aussi désormais régulièrement de vidéos, photos et de comptes rendus de conférences de presse.

    J’essaie, depuis quelques temps, de trouver le temps d’écrire chaque jour (vous aurez sans doute remarqué que le rythme s’est intensifié) sans que la qualité en pâtisse, et de ne surtout pas écrire juste parce qu’il le faut mais simplement pour le plaisir de  vous faire partager une émotion, un enthousiasme, et surtout de ne pas céder à la  facilité de la critique amère (ainsi, je ne vous parlerai pas d’un film vu hier parce que ce serait trop simple d’être désagréable), sous prétexte qu’il faut écrire chaque jour, en espérant évidemment  vous donner envie d’aller au cinéma, au théâtre, à un concert, de lire un livre, de voir un téléfilm, ou simplement de vous apporter un autre regard sur ceux-ci mais aussi à  profiter de l’espace de liberté incroyable qu’est ce blog , une autre manière de satisfaire mon insatiable soif d’écriture, et évidemment de cinéma (d’ailleurs que ce soit des avant-premières ou des classiques du septième art que vous pouvez trouver dans la rubrique « Gros plans sur des classiques du septième art »), et plus largement de culture (puisque ce blog traite aussi pas mal de théâtre, et plus ponctuellement de musique, de littérature, de téléfilms).

    Les marches de Cannes vues de l'intérieur du palais.jpgC’est un euphémisme que de dire que ce blog me permet (et de plus en plus) de vivre de beaux moments, de belles rencontres, pas seulement virtuelles, et le plaisir de savoir que ce blog est lu autant par des cinéphiles, de simples amateurs de cinéma, et parfois les professionnels (c’est parfois étrange de se savoir lue par ceux dont on parle, en tout cas merci à ceux qui ont eu la gentillesse de m’écrire directement) et donc qu’il s’adresse à tous est aussi un motif de satisfaction.

    Tant que ce blog restera un plaisir aussi viscéral que d’inventer et écrire des histoires alors je continuerai, deux choses que je pensais au départ incompatibles et que je crois aujourd’hui indissociables et qui me sont en tout cas pareillement indispensables, et qui répondent différemment à cette envie d’écriture et de partager une passion.

    En espérant que vous continuerez à être aussi (et pourquoi pas encore plus) nombreux à me suivre. Par cette note, je voulais vous en remercier, et vous inciter à commenter encore davantage, et pourquoi pas à profiter de cette note pour vous présenter et dire depuis quand vous lisez ce blog.

    A venir ces prochaines semaines  notamment  l’unique projection presse d’"Australia" de Baz Luhrmann, la critique de « Frost/ Nixon » de Ron Howard en avant-première, le récit de la rencontre avec Christophe Honoré, Louis Garrel, Emma de Caunes à Sciences Po… et évidemment toujours , en 2009, le Festival du Film Asiatique de Deauville, le Festival de Cannes, le Festival du Cinéma Américain de Deauville et peut-être des nouveautés comme le Festival du Film Policier de Beaune, pourquoi pas de Marrakech, et je l’espère autant de surprises  que cette année bloguesque 2008 m’en a réservées, sans compter celles que, moi, je vous réserve ! 

    Vos suggestions, vos idées de rubriques (je cherche toujours à enrichir ce blog, pourquoi pas d’interviews écrites envoyées à des professionnels, qu’en pensez-vous ?),  vos commentaires, pourquoi pas vos propositions de collaboration (j’en ai accepté quelques unes, amusantes et enrichissantes, dont je vous reparlerai bientôt mais tant qu’écrire demeure un plaisir et un enrichissement et un plus par rapport à ce blog, je suis partante) demeurent les bienvenus, directement sur  les commentaires de ce blog ou par email à inthemoodforcinema@gmail.com .

    Pour être informés régulièrement, je vous rappelle que vous pouvez vous inscrire à la Newsletter ou au flux rss de ce blog (colonne de gauche, en haut) et également vous inscrire aux groupes Facebook associés à ce blog  (voir dans colonne de droite, en haut) mais aussi à la page blognetwork sur Facebook dédiée à mes trois blogs.

    En attendant, je vous invite à plonger « in the mood for cinema » et à suivre la devise de ce blog empruntée à Saint-Augustin : « Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion ».

    Pour en savoir plus sur ce blog et son auteur, vous pouvez consulter la rubrique « A propos » du blog.

    Cinématographiquement vôtre.

    Sandra.M

  • "Two lovers", "J"irai dormir à Hollywood", "Mesrine: l'ennemi public n°1", "Rock'NRolla" en avant-première sur "In the mood for cinema"

    Mercredi prochain, 19 novembre, sortiront en salles 4 films dont vous pouvez d'ores et déjà trouver les critiques, en avant-première, sur In the mood for cinema. Je vous recommande surtout et vivement "Two lovers" de James Gray et "J'irai dormir à Hollywood" d'Antoine de Maximy. 

    Contrairement à la grande majorité des critiques, j'avais largement préféré "Mesrine : l'ennemi public n°1", la deuxième partie du film de Jean-François Richet à la première partie.

    Pour lire les critiques de ces 4 films, cliquez sur les titres sous les affiches.

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  • Avant-première- « Largo Winch » de Jérôme Salle : film d’aventure à l’Européenne ou les tribulations sans répit de l’héritier iconoclaste

     

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    Philippe Francq, Tomer Sisley, Jérôme Salle, Julien Rappeneau, hier soir. Photo "In the mood for cinema"

    bd.jpgDans le cadre du Club 300 d’Allociné, avait lieu hier soir l’avant-première de l’adaptation cinématographique de Largo Winch réalisée par Jérôme Salle à la suite de laquelle l’équipe du film (le comédien Tomer Sisley, le réalisateur Jérôme Salle, le scénariste Julien Rappeneau,  le dessinateur Philippe Francq, la productrice Nathalie Gastaldo) a  longuement débattu avec le public, une équipe visiblement aussi fébrile que désireuse de défendre ce film avec enthousiasme et passion.  Une adaptation (essentiellement de l’album intitulé « L’Héritier », mais pas seulement) très attendue des aventures du héros de BD inventé par Jean Van Hamme et dessiné par Philippe Francq alors que le tome XVI de la série, « La Voie et la Vertu », tiré à 450000 exemplaires est actuellement en tête des ventes avec près de 40000 albums vendus en librairie, en 4 jours.

    Contestataire, iconoclaste, bagarreur, Largo  Winch (Tomer Sisley) se retrouve, à 26 ans, à la tête d’un empire de dix milliards de dollars. Son père, le milliardaire Nerio Winch (Miki Manojilovic),  fondateur et principal actionnaire du puissant et tentaculaire groupe W (rien à voir avec un personnage puissant et tentaculaire dont Oliver Stone a tiré un film éponyme…quoique…), vient en effet d’être retrouvé noyé. Qui va hériter de cet empire économique ? Officiellement Nerio n'avait pas de famille. Personne ou presque ne connaissait en effet ce fils adopté dans un orphelinat bosniaque. Seul problème, ce jeune héritier vient d'être jeté dans une prison du fin fond de l'Amazonie. Accusé de trafic de drogue, il clame son innocence. Nerio assassiné, Largo emprisonné : et si ces deux affaires faisaient partie d'un seul et même complot visant à prendre le contrôle de l'empire Winch ?

    Le pari n’était pas gagné d’avance, et finalement plutôt audacieux même si une adaptation s’imposait pour ce personnage intrinsèquement cinématographique : un acteur qui ne ressemble physiquement pas du tout au héros de la BD, de surcroît ne figurant pas encore dans la sacro-sainte liste des acteurs bankable (terme que j’abhorre par ailleurs, mais c’est là la dure loi du marché cinématographique) ;  une BD au succès colossal et ses inconditionnels sans doute aussi impatients que potentiellement sévères ; un réalisateur dont c’était seulement  le second long-métrage (le premier étant « Anthony Zimmer » que j’avais par ailleurs beaucoup apprécié pour son influence hitchcockienne, son rythme soutenu et ses rebondissements, et avec lequel la critique n’avait pourtant pas toujours été très tendre)  forcément attendu au tournant.

    Ne faisant pas partie desdits inconditionnels de la BD c’est donc sans a priori que je me suis plongée dans les mésaventures du milliardaire iconoclaste. Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle j’ai d’emblée été embarquée par ce personnage dans le rôle duquel Tomer Sisley marie habilement force et fêlures, une dichotomie que l’on retrouve d’ailleurs dans les décors entre noirceur et lumière : ceux de l’Europe d’une luminosité enchanteresse d’un côté (la Serbie dans le scénario, en réalité la Sicile, la Serbie, Malte…), ceux d’une modernité glaciale de Hong Kong de l’autre (le réalisateur a expliqué avoir choisi de remplacer le New York de la BD par Hong Kong, plus en adéquation avec l’actualité économique, le centre névralgique de l’économie mondiale se trouvant aujourd’hui en Asie).  Les premiers sont associés à l’enfance de Largo Winch, à ses racines, les seconds à l’âge adulte et sa dure réalité, au déracinement. Ce sont aussi ces contradictions qui fondent l’intérêt et la dualité du personnage : entre rébellion et acceptation de l’héritage paternel dont un couteau est d’ailleurs le tranchant symbole.  Une existence commencée comme un conte qui se transforme en thriller. Il aurait d’ailleurs peut-être gagné à être encore plus ambivalent, à sembler davantage tiraillé entre ces désirs et mondes contradictoires.

    Dans son premier film déjà, Jérôme Salle avait fait preuve d’une étonnante maîtrise dans sa mise en scène, probablement  est-ce aussi ce qui a rassuré les financiers quant à sa capacité à diriger un film d’un budget de 24 millions d’euros. Le rythme est indéniablement haletant, le montage nerveux (sans être vertigineux et finalement insipide comme dans certains films américains) est l’atout du film avec ses flashbacks savamment dosés, et le personnage principal et celui qui l’incarne ont un charme et une capacité à susciter l’empathie incontestables.

    Me suis-je ennuyée ? Voilà probablement la principale question à se poser suite à la projection de ce genre de film (même si après tout on pourrait aussi y voir une réflexion sur la mondialisation et les multinationales tentaculaires, qu’il aurait d’ailleurs peut-être été intéressant de creuser davantage, mais je suis bien d’accord : ce serait alors là un tout autre type de film). La réponse est non. Non, je ne me suis pas ennuyée. . La multiplicité des décors et des scènes d’action (brillamment menées par  Tomer Sisley qui a lui-même effectué toutes les cascades, une véritable gageure notamment au regard d’une scène de plongeon que je vous laisse découvrir, réellement impressionnante) ne nous laissent guère de répit, et c’est tant mieux. Tomer Sisley, qui a d’ailleurs déclaré hier soir être passé au one man show, faute de scénarii intéressants, avoir refusé de nombreuses comédies (préférant à l’avenir, au théâtre,  jouer un Shakespeare plutôt que du Boulevard…), a bien fait d’être exigeant et de patienter, ce rôle étant sans nul doute pour lui une carte de visite en or pour la carrière internationale à laquelle il semble aspirer…

    Un film ambitieux au rythme incontestablement soutenu dont le seul vrai défaut est peut-être, au-delà de son identité visuelle peut-être moins forte que dans « Anthony Zimmer » (alors que justement cette adaptation aurait pu davantage s’y prêter), de ne pas suffisamment développer les personnages secondaires et de les cantonner à être des stéréotypes finalement là pour servir le personnage principal, et si nous le suivons avec plaisir, la résolution de l’intrigue n’en devient finalement elle aussi que secondaire, voire anecdotique. Dommage : le personnage de la magnétique Mélanie Thierry et son ambiguïté auraient mérité d’être approfondies, de même que celui de la talentueuse Anne Consigny ou de Gilbert Melki (trop balafré pour être tout à fait malhonnête). Sinon, chaque personnage a évidemment le regard (un peu trop) vague, énigmatique, ombrageux qui sied à ce style de film faisant de chacun un potentiel traitre.

    Un film d’aventure à l’Européenne (terme employé par le réalisateur lui-même qui redoute plus que tout que son film soit qualifié de « James Bond à la française », l’idée ne me serait d’ailleurs pas venue…) qui a la vocation et la capacité à pénétrer le marché international : caractère polyglotte, décors internationaux, montage et rythme frénétiques, et sujet dans l’air du temps –OPA et guerre économique avec le traditionnel Russe mystérieux et trouble-, savant dosage entre action et humour. C’est tout le mal que nous pouvons lui souhaiter. Les Américains auraient déjà proposé la réalisation d’un remake, proposition refusée par la production qui préférerait la réalisation d’un Largo Winch 2 pour lequel toute l’équipe présente hier soir semblait partante, et à laquelle la fin nous prépare d’ailleurs. Une suite que j’irais voir sans aucun doute si elle avait lieu : c’est déjà en soi un signe de réussite.

    Précisons enfin que, contrairement à la rumeur, Philippe Francq et Jean Van Hamme sont pleinement satisfaits de cette adaptation cinématographique, le premier en donnant d’ailleurs pour preuve sa présence hier soir. Il a également précisé que jamais Largo Winch ne donnerait lieu à un dessin animé, l’extrême fidélité au personnage étant pour lui dans ce cadre alors primordiale et difficilement réalisable.

    Liens :

    Site officiel du film

    Blog du film

    Dans l’article ci-dessous, sous celui consacré à « Match point », vous pouvez visionner la bande-annonce du film.

     Sandra.M

    Lien permanent Imprimer Catégories : AVANT-PREMIERES Pin it! 2 commentaires
  • "Match point" de Woody Allen: ce soir, sur France 2, à 20H35

    Je vous parle très souvent de ce film (oui, oui, je le sais) mais il figure en bonne place dans mon top 10 de tous les temps et donc ce n'est certainement pas la dernière fois que je vous en parle. Alors que le prochain film de Woody Allen "Minuit à Paris" fera l'ouverture du prochain Festival de Cannes, il serait dommage de manquer de chef d'oeuvre d'orfèvrerie scénaristique. Retrouvez ma critique ci-dessous. Vous pouvez également retrouver mon dossier consacré à Woody Allen, en cliquant ici. A ne pas manquer donc, demain soir, à 20H35, sur France 2.

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    Un film de Woody Allen comme le sont ceux de la plupart des grands cinéastes est habituellement immédiatement reconnaissable, notamment par le ton, un humour noir corrosif, par la façon dont il (se) met en scène, par la musique jazz, par le lieu (en général New York).

    Cette fois il ne s'agit pas d'un Juif New Yorkais en proie à des questions existentielles mais d'un jeune irlandais d'origine modeste, Chris  Wilton   (Jonathan Rhys-Meyer), qui se fait employer comme professeur de tennis dans un club huppé londonien. C'est là qu'il sympathise avec Tom Hewett (Matthew Goode), jeune homme de la haute société britannique avec qui il partage une passion pour l'opéra. Chris fréquente alors régulièrement les Hewett et fait la connaissance de Chloe (Emily Mortimer), la sœur de Tom, qui tombe immédiatement sous son charme. Alors qu'il s'apprête à l'épouser et donc à gravir l'échelle sociale, il rencontre Nola Rice (Scarlett Johansson), la pulpeuse fiancée de Tom venue tenter sa chance comme comédienne en Angleterre et, comme lui, d'origine modeste. Il éprouve pour elle une attirance immédiate, réciproque. Va alors commencer entre eux une relation torride...

     

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    Je mets au défi quiconque n'ayant pas vu le nom du réalisateur au préalable de deviner qu'il s'agit là d'un film de Woody Allen, si ce n'est qu'il y prouve  son génie, dans la mise en scène, le choix et la direction d'acteurs, dans les dialogues et dans le scénario, « Match point » atteignant d'ailleurs pour moi la perfection scénaristique.

     

    Woody Allen réussit ainsi à nous surprendre, en s'affranchissant des quelques « règles » qui le distinguent habituellement : d'abord en ne se mettant pas en scène, ou en ne mettant pas en scène un acteur mimétique de ses tergiversations existentielles, ensuite en quittant New York qu'il a tant sublimée. Cette fois, il a en effet quitté Manhattan pour Londres, Londres d'une luminosité obscure ou d'une obscurité lumineuse, en tout cas ambiguë,  à l'image du personnage principal, indéfinissable.

    Dès la métaphore initiale, Woody Allen nous prévient (en annonçant le thème de la chance) et nous manipule (pour une raison que je vous laisse découvrir), cette métaphore faisant écho à un rebondissement (dans les deux sens du terme) clé du film. Une métaphore sportive qu'il ne cessera ensuite de filer : Chris et Nola Rice se rencontrent ainsi autour d'une table de ping pong et cette dernière qualifie son jeu de « très agressif »...

    « Match point » contrairement à ce que son synopsis pourrait laisser entendre n'est pas une histoire de passion parmi d'autres (passion dont il filme d'ailleurs et néanmoins brillamment l'irrationalité et  la frénésie suffocante que sa caméra épouse) et encore moins une comédie romantique (rien à voir avec « Tout le monde dit I love you » pour lequel Woody Allen avait également quitté les Etats-Unis) ; ainsi dès le début s'immisce une fausse note presque imperceptible, sous la forme d'une récurrente thématique pécuniaire, symbole du mépris insidieux, souvent inconscient, que la situation sociale inférieure du jeune professeur de tennis suscite chez sa nouvelle famille,  du sentiment d'infériorité que cela suscite chez lui mais aussi de sa rageuse ambition que cela accentue ; fausse note qui va aller crescendo jusqu'à la dissonance paroxystique, dénouement empruntant autant à l'opéra qu'à la tragédie grecque. La musique, notamment de Verdi et de Bizet, exacerbe ainsi encore cette beauté lyrique et tragique.

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    C'est aussi le film des choix cornéliens, d'une balle qui hésite entre deux camps : celui de la passion d'un côté, et de l'amour, voire du devoir, de l'autre croit-on d'abord ; celui de la passion amoureuse d'un côté et d'un autre désir, celui  de réussite sociale, de l'autre (Chris dit vouloir  « apporter sa contribution à la société ») réalise-t-on progressivement. C'est aussi donc le match de la raison et de la certitude sociale contre la déraison et l'incertitude amoureuse.

     A travers le regard de l'étranger à ce monde, Woody Allen dresse le portrait acide de la « bonne » société londonienne avec un cynisme chabrolien auquel il emprunte d'ailleurs une certaine noirceur et une critique de la bourgeoisie digne de  La cérémonie que le dénouement rappelle d'ailleurs.

    Le talent du metteur en scène réside également dans l'identification du spectateur au (anti)héros et à son malaise croissant qui trouve finalement la résolution du choix cornélien inéluctable, aussi odieuse soit-elle. En ne le condamnant pas, en mettant la chance de son côté, la balle dans son camp, c'est finalement notre propre aveuglement ou celui d'une société éblouie par l'arrivisme que Woody Allen stigmatise. Parce-que s'il aime (et d'ailleurs surtout désire) la jeune actrice, Chris aime plus encore l'image de lui-même que lui renvoie son épouse : celle de son ascension.

    Il y a aussi du Renoir dans ce Woody Allen là qui y dissèque les règles d'un jeu social, d'un match fatalement cruel ou même du Balzac car rarement le ballet de la comédie humaine aura été aussi bien orchestré.

     Woody Allen signe un film d'une férocité jubilatoire, un film cynique sur l'ironie du destin, l'implication du hasard et  de la chance. Un thème que l'on pouvait notamment trouver dans « La Fille sur le pont » de Patrice Leconte. Le fossé qui sépare le traitement de ce thème dans les deux films est néanmoins immense : le hiatus est ici celui de la morale puisque dans le film de Leconte cette chance était en quelque sorte juste alors qu'elle est ici amorale, voire immorale, ...pour notre plus grand plaisir. C'est donc l'histoire d'un crime sans châtiment dont le héros, sorte de double de Raskolnikov, est d'ailleurs un lecteur assidu de Dostoïevski (mais aussi d'un livre sur Dostoïevski, raison pour laquelle il épatera son futur beau-père sur le sujet), tout comme Woody Allen à en croire une partie la trame du récit qu'il lui « emprunte ».

    Quel soin du détail pour caractériser ses personnages, aussi bien dans la tenue de Nola Rice la première fois que Chris la voit que dans la manière de Chloé de jeter négligemment un disque que Chris vient de lui offrir, sans même le remercier . Les dialogues sont tantôt le reflet du thème récurrent de la chance, tantôt d'une savoureuse noirceur (« Celui qui a dit je préfère la chance au talent avait un regard pénétrant sur la vie », ou citant Sophocle : « n'être jamais venu au monde est peut-être le plus grand bienfait »...). Il y montre aussi on génie de l'ellipse (en quelques détails il nous montre l'évolution de la situation de Chris...).

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    Cette réussite doit aussi beaucoup au choix des interprètes principaux : Jonathan Rhys-Meyer qui interprète  Chris, par la profondeur et la nuance de son jeu, nous donnant l'impression de jouer un rôle différent avec chacun de ses interlocuteurs et d'être constamment en proie à un conflit intérieur ; Scarlett Johansson d'une sensualité à fleur de peau qui laisse affleurer une certaine fragilité (celle d'une actrice en apparence sûre d'elle mais en proie aux doutes quant à son avenir de comédienne)  pour le rôle de Nola Rice qui devait être pourtant initialement dévolu à Kate Winslet ; Emily Mortimer absolument parfaite en jeune fille de la bourgeoisie londonienne, naïve, désinvolte et snob qui prononce avec la plus grande candeur des répliques inconsciemment cruelles(« je veux mes propres enfants » quand Chris lui parle d'adoption ...). Le couple que forment Chris et Nola s'enrichit ainsi de la fougue, du charme électrique, lascif et sensuel de ses deux interprètes principaux.

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    La réalisation de Woody Allen a ici l'élégance perfide de son personnage principal, et la photographie une blancheur glaciale semble le reflet de son permanent conflit intérieur.

     Le film, d'une noirceur, d'un cynisme, d'une amoralité inhabituels chez le cinéaste, s'achève par une balle de match grandiose au dénouement d'un rebondissement magistral qui par tout autre serait apparu téléphoné mais qui, par le talent de Woody Allen et de son scénario ciselé, apparaît comme une issue d'une implacable et sinistre logique  et qui montre avec quelle habileté le cinéaste a manipulé le spectateur (donc à l'image de Chris qui manipule son entourage, dans une sorte de mise en abyme). Un match palpitant, incontournable, inoubliable.  Un film audacieux, sombre et sensuel qui mêle et transcende les genres et ne dévoile réellement son jeu qu'à la dernière minute, après une intensité et un suspense rares allant crescendo. Le témoignage d'un regard désabusé et d'une grande acuité sur les travers et les blessures de notre époque. Un chef d'œuvre à voir et à revoir !

    « Match point » est le premier film de la trilogie londonienne de Woody Allen avant « Scoop » et « Le rêve de Cassandre ».

  • Avant-première: "Largo Winch" de Jérôme Salle (bande-annonce)

    Dès cet après-midi, retrouvez ma critique de "Largo Winch" de Jérôme Salle et mon compte rendu du débat avec l'équipe du film. En attendant, visionnez la bande annonce ci-dessous.

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    L'équipe de "Largo Winch", photo "In the mood for cinema"
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