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  • Critique de LA CHAMBRE D’À CÔTÉ de Pedro Almodovar (au cinéma le 8 janvier 2025)

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    Ce 17 décembre, à Paris, au Pathé Palace, avait lieu l’avant-première du dernier film de Pedro Almodovar, suivie d’un échange entre le public, ce dernier et les deux actrices principales, Julianne Moore et Tilda Swinton. En vingt-deux films, le cinéaste espagnol n’a cessé de se réinventer tout en nous permettant d’identifier son univers, exubérant et chatoyant, en quelques plans. À 75 ans, Pedro Almodovar demeure un cinéaste toujours aussi inventif, même si le pessimisme envahit de plus en plus son œuvre. Produit par ce dernier via sa société de production, El Deseo, La chambre d’à côté est aussi son premier film en langue anglaise qui a pour cadre les Etats-Unis, un film inspiré du roman Quel est donc ton tourment ? de Sigrid Nunez (2020). Ce long-métrage fut présenté en compétition à la 81ème Mostra de Venise.

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    Ingrid (Julianne Moore) est une écrivaine et amie de longue date, de Martha (Tilda Swinton), reporter de guerre pour le New York Times. C’est lors d’une séance de dédicaces à l’occasion de laquelle elle évoque sa hantise de la mort qu’une connaissance commune apprend à Ingrid la maladie de son amie Martha, atteinte d’un cancer. Ingrid et Martha ont débuté leur carrière au sein du même magazine. Lorsqu’Ingrid devient romancière à succès et Martha reporter de guerre, leurs chemins se séparent…

    Ce soir du 17 décembre, en allant au Pathé Palace où se déroulait l'avant-première de La chambre d'à côté, j'ai repensé à Étreintes brisées, un film de Pedro Almodovar que j'avais eu la chance de voir au Festival de Cannes en 2009, dans le cadre duquel ce film figurait en compétition, pas le film le plus connu de Pedro Almodovar mais un long-métrage non moins sublime, et certainement une des projections cannoises qui m'avait le plus marquée. Un film à la narration à la fois complexe et limpide, à l'image de son titre : romantique et cruel, d'une poésie langoureuse, d'une beauté mélancolique et fragile. Un film qui possède la beauté, fatale et languissante, d’un amour brisé en plein vol. Un film qui a la gravité sensuelle de la voix de Jeanne Moreau, la beauté incandescente d’une étreinte éternelle comme dans Voyage en Italie de Rossellini, la tristesse lancinante de Romy Schneider auxquels il se réfère. Un film empreint de dualité sur l’amour fou par un (et pour les) amoureux fous du cinéma. Le cinéma qui survit à la mort, à l’aveuglement, qui magnifie l’existence et la mort, le cinéma qui reconstitue les étreintes brisées, le cinéma paré de toutes les vertus. Même celle de l’immortalité.

    Pourquoi ces digressions ? Parce que j'ignorais ce dont parlait le film que je suis allée voir, j'ignorais sur quelle destinée ouvrait la porte rouge de cette magnifique affiche, ce que signifiait ce rouge incandescent. Mais sans doute m'étais-je imaginée que si la danse était macabre elle serait colorée. Que même la mort flamboierait. C'était oublier qu’après Étreintes brisées il y avait déjà eu Douleur et gloire, en 2019. Peut-être que si j'avais connu le sujet que j'évite habituellement pour des raisons personnelles (le cancer, la fin de vie), je n'y serais pas allée. Et j'aurais eu tort. Cela aurait été oublier la folie rassurante, le talent incontestable et l'humanité communicative d'Almodovar plus que jamais à l'œuvre ici pour livrer cela : un poème à la fois funèbre et coloré, rassurant et puissant, aussi visuellement éclatant que pessimiste (Almodovar évoque lui-même ainsi son film : « l'histoire d'une femme qui va mourir dans un monde qui va mourir »), aussi doux que son sujet est âpre. Mais aussi une ode à l'amitié, à l'art, a nature, la liberté. Un film à la fois bouleversant et apaisant.

    Bien qu’athée, Pedro Almodovar considère ici que la mort n’est pas une fin absolue. Parce qu’aucune autre amie ne veut l’aider, Martha va demander à Ingrid l’impensable : l’accompagner dans sa décision de choisir le moment où elle mourra, dans une maison à la lisière de la forêt aux allures de limbes, et d’être avec elle, dans la chambre d’à côté.

    Trois ans après La voix humaine, et son autre court-métrage Strange way of life, Pedro Almodovar retrouve ainsi Tilda Swinton dont la précision du jeu procure à ses longs monologues une force particulièrement convaincante exacerbée par les contrechamps sur le visage d’Ingrid/Julianne Moore qui l’écoute. Elle remonte le fil de sa vie, de sa relation à sa fille dont elle se sent si éloignée et différente qu'elle a l’impression qu’elle n’est pas la sienne, à son histoire avec le père de sa fille (quel conteur qu’Almodovar qui, en quelques plans, narre une histoire dans l’histoire, là aussi tragique et émouvante) aux rencontres qui ont jalonné son parcours de reporter.

    Dans un pays où le suicide assisté n’est pas autorisé, ce que demande Martha à Ingrid est un acte illégal, qui exige une preuve d’amitié inouïe. Malgré sa peur maladive de la mort, Ingrid va pourtant s’y plier, devenant presque le pantin de Martha et de son jeu funèbre, démiurge de la fin de sa propre existence et de sa mort. Tilda Swinton est époustouflante, instillant beaucoup de complexité dans ce personnage au regard tant tendre tantôt dominateur, contraignant son amie à attendre sa mort, le moment qu’elle choisira, spectatrice comme ces personnages du tableau  People in the Sun d’Edward Hopper (qu’elles admirent dans la « dernière demeure » de Martha), aveuglés par le soleil, en attente. Ce sont la nature et l’art qui relient ici Martha aux dernières lueurs de vie dont la beauté fulgurante éclate plus que jamais au seuil de sa mort.

    Tilda Swinton, lors de la rencontre après le film, a évoqué l’idée de la « mort avec dignité », et d’un film qui n’est au fond pas « à propos de la mort mais de diriger sa vie jusqu'à la fin », soulignant que Martha prend en mains non pas sa mort mais sa vie jusqu'au bout en choisissant « comment cette mort va être traversée».  « Elle demande simplement que son amie ne détourne pas le regard ».

    La distribution est aussi parfaite dans les seconds rôles : John Turturro dans le rôle de l’amant qui a partagé la vie des deux femmes, obsédé par une autre mort, celle de la planète. Et Alessandro Nivola dans le rôle d’un policier pugnace, conservateur et hargneux.

    La musique d’Alberto Iglesias accompagne elle aussi avec douceur ce cheminement vers la mort (grâce au piano, aux violons et à la harpe), comme une valse qui enlace les deux femmes et accompagne aussi Martha vers le trépas, avec parfois des notes dissonantes instillant du mystère aux frontières du thriller. La scène de la « première mort » de Martha est littéralement hitchcockienne et la musique comme le savant cadrage et le jeu habité de Julianne Moore contribuent fortement à créer cette atmosphère inquiétante.

    Lors du débat après le film, Pedro Almodovar a évoqué la manière dont il travaille avec le compositeur Alberto Iglesias qui « me propose quatre ou cinq thèmes musicaux parce que nous avons parlé du ton du film. Le compositeur comprend ce que j'attends. Parfois, je rejette les cinq premiers thèmes mais il a une grande capacité d'adaptation et pas d'ego et si je rejette son thème, il compose différemment. » Il a également évoqué sa manière particulière de réaliser le montage, pendant le tournage. Il a également précisé que l’idée d’euthanasie n’avait pas été évoquée avec ses actrices lors du tournage, ajoutant que « à mes yeux, je pense que les êtres humains ont le droit d'être maîtres de leur vie et doivent aussi être maîtres de leur mort lorsque la vie ne leur réserve plus que douleur. »

    Malgré la rudesse du sujet, le film n’est jamais lugubre. « C’est un film qui parle de la mort que je voulais austère mais il m'est impossible de renoncer à ma palette de couleurs » a précisé le cinéaste lors de la rencontre après le film. Ainsi, alors qu’elle a décidé de sa mort prochaine, Martha semble plus lumineuse, apaisée par la force inébranlable de son douloureux choix. Le directeur de la photographie, Edu Grau, a réalisé un travail magnifique avec un choix parcimonieux et judicieux de couleurs pour souligner les jeux de miroirs, de dualités et ressemblances entre les deux amies. Martha est associée à la couleur verte (quand la maladie la ronge) puis jaune (quand elle a repris le pouvoir sur sa vie). Les transats qui joueront un rôle central et qui sont côte à côté, comme les deux femmes dans ces maisons, sont vert pour celui de Martha, et rouge pour celui d’Ingrid. Le rouge, c’est aussi la couleur de la porte de Martha dont la fermeture est censée signifier qu’elle a franchi le seuil de la mort. La photographie nimbe la lumière de teintes translucides qui semblent venir de l’au-delà.

    La fin du film, reprend le monologue final du dernier film de John Huston, Gens de Dublin (1987), inspiré de la nouvelle The Dead, extraite du recueil Les Gens de Dublin, de James Joyce : « La neige tombe. Elle s’étend sur tout l’univers. Elle tombe, feutrée. Sur tous les vivants. Et les morts. » Ces mots nous accompagnent après le générique comme une mélopée à la fois sombre et réconfortante. Sur la terrasse, deux femmes se tiennent par la main. Tel un linceul, les flocons de neige les recouvrent, comme ils recouvrent «les morts et les vivants ». Mort et renaissance valsent alors ensemble.

    Le jury de la Mostra de Venise présidé par Isabelle Huppert a décerné son Lion d’or à ce film magnifique : « Je crois que dire adieu à ce monde proprement et dignement est un droit fondamental de tout être humain » a déclaré le cinéaste en recevant son prix. Ce long-métrage s’éloigne de ses films transgressifs, flamboyants, mélodramatiques, et exubérants (dans lesquels la mort étant cependant souvent présente) pour livrer un film poignant à la beauté funèbre. Un tableau vert, rouge et jaune d’une force poétique renversante sublimé par deux actrices magistrales. Un plaidoyer convaincant pour la liberté de choisir : la liberté de choisir la route qu'emprunte notre vie, jusqu'aux derniers instants, et donc la mort.

    La fin du film reconstitue les « étreintes brisées ». Ne vous disais-je pas à propos du film éponyme que le cinéma, paré de toutes les vertus, même celle de l’immortalité, survit à la mort, reconstitue les étreintes brisées ? C’est ce qui vous attend dans cette Chambre d’à côté dont je vous recommande de pousser la porte rouge pour affronter la mort et célébrer la vie.

  • Festival Paris Cinéma- Avant-première : critique de « Amore » (Io sono l’amore) de Luca Guadagnino avec Tilda Swinton, Marisa Berenson…

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    amore1.jpgAu programme de ma journée d’hier, en plus de la passionnante master class de Jane Fonda, deux avant-premières : « Amore » de Luca Guadagnino et « Les Amours imaginaires » de Xavier Dolan (dont je vous parlerai ultérieurement mais que je vous recommande d’ores et déjà). Pour la première avant-première publique du festival, les organisateurs nous avaient réservé une belle surprise avec ce film italien qui débute dans la demeure des Recchi, grande famille industrielle lombarde, à l’heure d’un tournant pour la famille puisque le fondateur de l’entreprise lègue l’affaire familiale à son fils Tancredi et à l’un de ses petits fils, Edouardo. Emma (Tilda Swinton), l’épouse de Tancredi, qui l’a épousé des années auparavant pour échapper à sa vie en Russie, rencontre Antonio, un cuisinier, ami de son fils par lequel elle va être immédiatement attirée…

    Dès les premiers plans : la ville de Milan alors inhabituellement grisâtre et enneigée, ce repas aux rituels et au rythme d’un autre temps, les plans silencieux et les couloirs interminables qui évoquent la monotonie suffocante de l’existence d’Emma…, Luca Guadagnino nous plonge dans une atmosphère d’une intemporelle étrangeté. Elégante, digne, laissant à peine affleurer sa  mélancolie, Emma semble être à la fois présente et absente, un peu différente (malgré son souci apparent des conventions sociales). Sa rencontre avec Edouardo, et d’abord avec sa cuisine filmée avec sensualité qu’elle déguste avec gourmandise, va progressivement la transformer. Une passion irrépressible va s’emparer d’elle : pour cette cuisine qui réveille ses sens et pour Antonio, le jeune cuisinier.

    « Amore » est un film foisonnant : de références, de sensations, d’intentions, de styles. Brillantes références puisque « Amore » cite ostensiblement  «Le  Guépard » de Visconti que ce soit par le nom d’un des personnages « Tancredi » qui rappelle Tancrède (le personnage d’Alain Delon dans « Le Guépard ») , la famille Recchi rappelant celle des Salina, mais aussi par l’opportunisme et la fin d’une époque que symbolise Tancredi qui vend son entreprise pour cause de globalisation à des Indiens pour qui « Le capitalisme c’est la démocratie » tout comme le Prince de Salina laissait la place à Tancrède et à une nouvelle ère dans « Le Guépard ». A ce capitalisme cynique et glacial s’oppose la cuisine généreuse et colorée par laquelle Emma est tellement séduite.

     Puis de Visconti nous passons à Hitchcock. Le film glisse progressivement vers un autre genre. La musique de John Adams se fait plus présente, la  réalisation plus nerveuse. Emma arbore un chignon rappelant celui de Kim Novak dans « Vertigo » auquel une scène fait explicitement référence. La neige laisse place à un éblouissant soleil. Emma est transfigurée, libérée, moins lisse mais enfin libre comme sa fille qui comme elle échappera aux archaïques principes familiaux et sera transformée par l’amour.

    Malgré ses maladresses (métaphore florale un peu trop surlignée à laquelle Jean Renoir –comme bien d’autres- avait déjà pensé dans « Une Partie de campagne »), ce film m’a littéralement happée dans son univers successivement étouffant puis lumineux, elliptique et énigmatique et même onirique. Il est porté par Tilda Swinton, qui interprète avec retenue et classe ce personnage mystérieux que la passion va faire revivre, renaitre, retrouver ses racines, sa personnalité enfouies et par la richesse de son personnage qui va se libérer peu à peu de toutes contraintes : vestimentaires, physiques, familiales, sociales.

    De chronique sociale, le film se transforme en thriller dont on sait le drame imminent mais qui ne nous surprend pas moins. Les dix dernières minutes sont réellement sublimes et d’une intensité inouïe. Riches de symboles (comme cette chaussure que Tancrèdi remet à Emma, la renvoyant à cette contrainte sociale, alors que Edouardo lui avait enlevé avec sensualité l’y faisant échapper),  de douleurs sourdes (d’Emma mais aussi du troisième enfant de la famille, que la caméra comme le reste de la famille tient à l’écart), de révoltes contenues que la musique (qui rappelle alors celle d’Hermann dans les films d’Hitchcock), les mouvements de caméra saccadés, les visages tendus portent à leur paroxysme, nous faisant retenir notre souffle.

    La caméra d’abord volontairement distante puis sensible puis sensuelle de Guadagnino épouse les atermoiements du cœur d’Emma et crée intelligemment une empathie du spectateur pour cette dernière. Un film de sensations (visuelles, sonores -que ce soit dans l’utilisation judicieuse de la musique ou des silences-, et presque gustatives) visuellement magnifique, envoûtant, sensible, sensuel, onirique,  prenant, l’œuvre d’un cinéphile et d’un cinéaste qui nous enserre dans son univers avec une rare maestria. A voir absolument.

    Sortie nationale : 22/09/2010

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : FESTIVAL PARIS CINEMA 2010 Pin it! 3 commentaires
  • "L'étrange histoire de Benjamin Button" de David Fincher

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    L’existence de Benjamin Button (Brad Pitt) débute à la Nouvelle Orléans à l’âge auquel elle s’achève pour certains : à 80 ans. Il nait avec le corps d’un vieillard rabougri et il rajeunit progressivement sans que rien ne puisse arrêter l’impitoyable course du temps. Sa mère meurt en lui donnant la vie. Son père (Jason Flemyng), effrayé par cet être étrange, le dépose sur les marches d’une maison de retraite (ce n’est évidemment pas anodin) où il sera recueilli par la charmante Queenie (Taraji P.Henson), il grandira au contact des autres pensionnaires.

     

     Son histoire est lue dans une chambre d’hôpital par une fille (Julia Ormond) à sa mère Daisy (Cate Blanchett), une vieille dame à l’agonie qui possède le journal intime de Benjamin. Cette vieille dame est la femme dont Benjamin est tombé amoureux dès qu’il l’a vue, alors qu’elle n’était qu’une petite fille, la petite fille d’une des pensionnaires de la maison de retraite.

     

    Tandis qu’à l’extérieur de l’hôpital l’ouragan Katrina gronde, la lecture déroule le cours de cette étrange vie à rebours, de 1918 à nos jours…

     

    Adaptée d’une nouvelle de Scott Fitzgerald écrite en 1922, « L’étrange histoire de Benjamin Button »  (elle-même inspirée d’une pensée de Mark Twain : «  La vie serait bien plus heureuse si nous naissions à 80 ans et nous approchions graduellement de nos 18 ans ») est avant tout une idée prodigieuse, une métaphore magistrale sur la course-évidemment perdue d'avance- contre le temps, contre la mort, une brillante allégorie sur l’effroyable écoulement de temps. En cela, la très alléchante bande-annonce est à la fois fidèle et trompeuse. Fidèle en ce qu’elle reflète le sujet du film. Trompeuse en ce qu’elle n’en reflète que partiellement l’atmosphère, violemment mélancolique.

     

    Plus que quiconque, Benjamin se sait condamné par l’inéluctable compte à rebours mais aussi condamné à profiter intensément de chaque instant. Son existence est jalonnée de rencontres insolites, touchantes, marquantes (parmi lesquelles celle avec le troublant personnage  incarné par la talentueuse Tilda Swinton) inéluctablement tragiques car prisonnières de l’emprise du temps.

     

    Le film aurait pu être outrancièrement mélodramatique mais l’écueil est brillamment évité : toutes les morts surviennent hors-champ. Benjamin grandit et rajeunit pourtant entouré par la mort comme si un autre cyclone balayait son entourage. David Fincher n’a pas réalisé de ces films caricaturalement hollywoodiens qui usent et abusent du gros plan suréclairé et de la musique à outrance.  Le film est essentiellement en clair-obscur, la musique, judicieuse, d’Alexandre Desplat souligne sans surligner et laisse le plus souvent place au tic-tac récurrent, obsédant, omniprésent, terrifiant de l’horloge, symbole de ce temps que rien ne peut arrêter, même une horloge qui fonctionne à rebours, métaphore qui résonne d’autant plus dans une industrie hollywoodienne où rien ne semble arrêter la course effrénée et souvent ridicule au jeunisme.

     

    Malgré son sujet qui relève du conte (finalement plus philosophique que fantastique) costumes, décors, époques savamment reconstituées, tout concourt au réalisme (option finalement aussi courageuse que judicieuse), de même que les réactions ou plutôt la relative absence de réactions à la particularité de Benjamin contre laquelle personne, pas même lui-même, ne cherche à lutter. En cela, c’est un hymne à la différence, de surcroît parce que Queenie qui l’adopte, est une jeune femme noire qui adopte donc un enfant blanc né dans des circonstances très étranges, à une époque où le racisme régnait.

     

    « L’étrange histoire de Benjamin Button » est aussi et avant tout une magnifique histoire d’amour entre Benjamin et Daisy, une histoire qui défie les apparences, la raison, le temps et même la mort. L’histoire de deux destins qui se croisent, que les fils, tortueux, impitoyables et sublimes, du destin finissent toujours pas réunir, malgré le fracas du temps, de leurs temps, s’écoulant irrémédiablement dans deux directions opposées.

     

    C’est encore une formidable prouesse technique (qui a nécessité 150 millions de dollars et 150 jours de tournage) qui l’est d’autant plus qu’elle n’est jamais là pour épater mais pour servir admirablement l’histoire. Ainsi, il fut un temps question de Robert Redford pour incarner Benjamin Button vieux. C’est finalement Brad Pitt qui interprète Benjamin Button tout au long de sa vie. L’impact dramatique et visuel à le voir ainsi rajeunir sublimement jusqu’à incarner la jeunesse dans toute sa ténébreuse splendeur, puis dramatiquement à redevenir un enfant ayant tout oublié, n’en est que plus fort. Sa nomination aux Oscars en tant que meilleur acteur est amplement méritée (le film est nommé 13 fois) et doit davantage à sa performance d’acteur qu’au maquillage, prouvant après « Babel » et « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » (cliquez sur le lien ci-contre pour voir ma vidéo de la conférence de presse au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2007 ainsi que la présentation du film) la très vaste palette de son jeu mais aussi l’intelligence de ses choix d’acteur. Face à lui Cate Blanchett incarne parfaitement cette femme finalement presque plus irréelle que lui, qui irradie, danse avec la vie, la dévore et la savoure.

     

    Certes, le film comporte quelques longueurs (L’épisode de la guerre était-il vraiment nécessaire ?) sans pour autant être jamais ennuyeux, tout concourant à servir son thème principal et à rappeler le temps qui s’écoule tragiquement. Le temps de la séance (2H44) épouse ainsi judicieusement le thème du film incitant à ne pas vouloir aller à tout prix contre le temps et à apprendre à l’apprivoiser, à laisser le temps au temps, profiter de chaque rencontre et chaque instant sans pour autant vouloir tout obtenir, réussir, immédiatement.

     

     Ce film est comme ces personnes (et comme son personnage principal) qui ne vous sont pas immédiatement sympathiques parce qu’elles ne cherchent pas à plaire à tout prix et par tous les moyens mais qui, quand vous les découvrez, progressivement et vraiment, vous procurent  une impression, émotion même, qui n’en sont que plus profondes et intenses. Le charme est alors plus durable que celui, volatile, d’une beauté éphémère et incandescente.

     

    « L’étrange histoire de Benjamin Button », malgré la singularité de son protagoniste, est un film à portée universelle sur la perte d’être chers,  la cruelle et inexorable fuite du temps, l’amour inconditionnel et intemporel.

     

     Au-delà de sa mélancolie, c’est aussi un magnifique hymne à la vie, dont chaque plan (une danse dans la nuit, un lever de soleil, une bouchée ou une gorgée dont ils se délectent…) chaque réplique incitent à « savourer » chaque instant, à croire en l’avenir, malgré tout, parce qu’ « on ne peut jamais savoir ce que l’avenir nous réserve ».

     

    Ce n’est peut-être pas le chef d’œuvre auquel je m’attendais, mais à l’image de l’existence il n’a peut-être que plus de mérite et ne  recèle que plus de beauté à sortir des sentiers battus et à charmer plus insidieusement, en cela c’est un beau et grand film qui porte et/ou hante bien après l’ouragan. Un film mélancolique , et  donc, malgré tout sombre, tendre aussi, un hymne à la vie dont on ne ressort en tout cas pas indemne tant il bouscule en soi (en moi en tout cas) tout ce qui constitue l’essence même de l’existence, de son sens et de son temps, inéluctablement destructeur et fatal.

     

     

    Sandra.M

  • Programme et jury du 59ème Festival de Berlin (Berlinale 2009)

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    berlinale23.jpgLa 59ème Berlinale aura lieu du 5 au 15 février prochain.  Le jury (dont vous pouvez retrouver la composition complète dans cette note) sera présidé par Tilda Swinton.

     -Y sont notamment attendus : les prochains films de Stephen Frears, Bertrand Tavernier, François Ozon,  Costa-Gavras, Rachid Bouchareb,  Julie Delpy. ..

     -Un seul film français figure au programme de la compétition officielle : « Ricky » de François Ozon.

     -Bertrand Tavernier  sera également présent lui aussi  mais avec un film américain tourné en Louisiane avec Tommy Lee Jones, un film intitulé « Dans la brume électrique.

     - Y sera également projeté « Eden à l'Ouest » de Costa-Gavras (que vous pouvez retrouver dans ma vidéo du Salon du cinéma 2009) qui fera la clôture.

     - Rachid Bouchareb présentera « London River », un film sur les attentats qui frappèrent la capitale britannique en 2005.

     Egalement au programme :

     -« L'Enquête - The International » (qui fera l’ouverture, un film réalisé par l’Allemand Tom Tykwer et interprété par Clive Owen et Naomi Watts) , « Chéri » ( l’adaptation d'un roman de Colette par Stephen Frears, avec Michelle Pfeiffer), «  The Dust of Time » de Théo Angelopoulos( avec Irène Jacob et Michel Piccoli), « Tatarak » d’Andrzej Wajda , « Mei Lanfang » de Chen Kaige

     - Sur les 18 films de la compétition 17 sont donc connus, le dernier le sera très prochainement.

    berlin4.jpg -Au programme des séances spéciales : Claude Chabrol, Paul Schrader , Manoel de Oliveira.

     -Au programme des sélections parallèles : la nouvelle réalisation de Julie Delpy « La Comtesse », Catherine Breillat pour une adaptation du conte de Barbe Bleue, Philippe Lioret pour « Welcome » avec Vincent Lindon , « La Journée de la jupe » avec Isabelle Adjani dont c’est le grand retour

     -Enfin un Ours d'or d'honneur sera remis au compositeur Maurice Jarre.

     LE JURY DE LA BERLINALE 2009

    Tilda Swinton Président du Jury

    Gaston Kaboré Membre du Jury

    Wayne Wang Membre du Jury

    Isabel Coixet Membre du Jury

    Henning Mankell Membre du Jury

    Christoph Schlingensief Membre du Jury

    Alice Waters Membre du Jury

    LE PROGRAMME DE LA BERLINALE 2009 

    Ours d'Or d'honneur

    Maurice Jarre  

    Sélection

    Sélection officielle - Compétition

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    Alle anderen (Maren Ade)

    Chéri (Stephen Frears)

    Dans la brume électrique (Bertrand Tavernier)

    Darbareye Elly (Asghar Farhadi)

    Gigante (Adrian Biniez)

    Happy Tears (Mitchell Lichtenstein)

    Katalin Varga (Peter Strickland)

    La Teta asustada (Claudia Llosa)

    Little soldat (Annette K. Olesen)

    London River (Rachid Bouchareb)

    Mammoth (Lukas Moodysson)

    Mei Lanfang (Chen Kaige)

    Rage (Sally Potter)

    Ricky (François Ozon)

    Sturm (Hans-Christian Schmid)

    Tatarak (Andrzej Wajda)

    The Messenger (Oren Moverman)

    Film d'ouverture

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    L'Enquête - The International (Tom Tykwer)

    Sélection officielle - Hors-compétition

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    La Panthère Rose 2 (Harald Zwart)

    Le Liseur (Stephen Daldry)

    Notorious B.I.G. (George Tillman Jr.)

    The Dust of Time (Théo Angelopoulos)

    The Private Lives of Pippa Lee (Rebecca Miller)

    Film de clôture

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    Eden à l'Ouest (Costa-Gavras)

    Berlinale Special

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    Adam resurrected (Paul Schrader)

    Bellamy (Claude Chabrol)

    Singularidades De Uma Rapariga Loira (Manoel de Oliveira)  

    Cliquez ici pour accéder au site officiel de la Berlinale