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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises de "Tournée" de Mathieu Amalric, prix de la mise en scène du Festival de Cannes 2010. Si vous voulez voir le film en avant-première, il sera projeté ce soir à l'UGC Ciné-cité Les Halles, en présence de l'équipe du film. Je vous le recommande.
Alors que le 16 juin sortira sur les écrans, « L'Illusionniste » réalisé par Sylvain Chomet à partir d'un scénario inédit de Jacques Tati, revenons sur l'un de ses chefs d'œuvre d'une étonnante modernité et clairvoyance : « Playtime ».
« Playtime », tourné entre 1964 et 1967 et sorti en 1967, est organisé en six séquences qui nous emmènent successivement à Orly, dans un dédale de bureaux, au salon des arts ménagers, dans des appartements ultramodernes, au royal garden et dans un manège urbain. Ces scènes sont reliées entre elles grâce à l'utilisation de deux personnages qui se croiseront au cours du récit : Barbara, une jeune touriste américaine en visite à Paris et M. Hulot (Jacques Tati), qui a un rendez-vous avec un personnage important.
Si le film a été un retentissant échec à sa sortie et un véritable gouffre financier pour Tati (il dut hypothéquer sa propre maison ainsi que les droits des « Vacances de Monsieur Hulot » et de « Mon oncle » ), il est aujourd'hui considéré comme un chef d'œuvre de l'histoire du cinéma qui a par ailleurs influencé de nombreux cinéastes : : de Truffaut (qui lui rend hommage dans « Domicile conjugal » reprenant le gag du fauteuil de « PlayTime ») à Lynch ou Kaurismaki. Prévu pour 2,5 millions de francs, le budget de Playtime est ainsi passé de 6 millions en 1964 à plus de 15 millions en 1967. Pour l'occasion Tati avait fait reconstituer une ville moderne entière « Tativille ».
Peut-être comme moi la première fois où je l'ai vu serez-vous déconcertés par le refus de la narration classique, par cette sollicitation permanente de l'ouïe et surtout du regard, par cette responsabilisation du spectateur mais le monde de Tati mérite un deuxième voyage, une deuxième chance et surtout un deuxième regard.
« PlayTime » qui est pourtant sorti en 1967, il y a donc plus de 40 ans, pourrait ainsi avoir été réalisé aujourd'hui tant il reflète notre époque contemporaine : une époque avide de transparence, d'exhibition (« nous appartenons à une génération qui éprouve le besoin de se mettre en vitrine » disait-il déjà) et souvent aveugle à ce qui l'entoure. Une époque tonitruante et sourde. Une époque utra « communicationnel » et parfois tellement égocentrique voire égoïste. Une époque ouverte et cloisonnée. Une époque où les technologies compliquent parfois les rapports humains alors qu'elles devraient les faciliter. Une époque d'une modernité aliénante (de l'uniformisation de l'architecture au rôle de la télévision en passant par l'influence de la société de consommation), déshumanisante et parfois inhumaine. C'est tout ce que Tati savait déjà si bien tourner en dérision et envelopper dans un vaste manège parfois (contrairement à ce qu'on pourrait croire) plus désenchanté qu'enchanté, en tout cas enchanteur. Le premier plan sur l'immeuble gigantesque, en contre-plongée est ainsi le reflet, à la fois inquiétant et fascinant, de ce que représente la modernité pour Tati.
Quelle clairvoyance, quand il y a plus de 40 ans, Tati nous montre une société aseptisée, uniformisée, qui perd son identité et sa convivialité mais qui perd aussi la notion d'intimité (même si ici la transparence est un leurre, au propre comme au figuré), des vies standardisées, une société monochrome, un monde moderne qui aliène dans lequel « la vedette est avant tout le décor ». Les corps et décors sont alors pareillement soumis à la standardisation et à la répétition. « Playtime » a ainsi été tourné en 70mm pour montrer la démesure de l'architecture par rapport à l'homme.
Quel cinéaste arrive aujourd'hui à construire des plans (souvent des plans séquence et des plans d'ensemble) d'une telle richesse, d'une telle densité, d'une telle polysémie avec un tel travail sur le son, les couleurs, l'organisation en apparence désorganisée de l'espace, créant un univers tellement singulier à la fois absurde et clairvoyant, tendre et mélancolique ?
PlayTime est un bijou burlesque, héritier de Keaton mais aussi de Chaplin avec ses objets métonymiques (canne, chapeau), d'une beauté inégalée et qui nous embarque dans son univers aussi gris que fantaisiste, aussi absurde que réaliste : Tati met ainsi en lumière les paradoxes de notre société par un cinéma lui-même en apparence paradoxal, mais savamment orchestré.
Ah, la séquence du Royal Garden! Quelle lucidité. Quelle drôlerie ! Quel discernement ! Quelle folie savante et poétique ! Quel sens du détail ! 45 minutes d'une inventivité et d'une intelligence jubilatoires et incomparables ! Et quelle confiance accordée au spectateur qu'on cherche si souvent aujourd'hui à infantiliser et quelle confiance accordée à son regard qu'on cherche si souvent à dicter... Un tourbillon spectaculaire, une récréation savoureuse dont le spectateur fait partie intégrante.
Tati se fait chorégraphe et maître de ballet de son univers labyrinthique si particulier et fascinant, tout en folie, déplacement et transparence, avec ses mouvements qui épousent d'abord les lignes architecturales puis qui prennent leur liberté, leur envol et deviennent plus audacieux comme une invitation à ne pas se laisser emprisonner par les lignes du décor et donc à se désaliéner de la modernité dans laquelle Paris n'est plus qu'un reflet inaccessible et nostalgique. L'artiste prend alors le pas sur les lignes rectilignes et glaciales de l'architecture. Tati s'inspire lui-même de plusieurs peintres : Mondrian, Klee, Bruegel...Il tente alors de décloisonner et perturber l'espace.
Au milieu de cette modernité intrigante, inquiétante, faîte de tant d'incongruités, le spectateur est en permanence sollicité, surtout responsabilisé. Tati nous déconcerte et nous ensorcelle, nous interpelle et nous responsabilise, donc, et nous invite à voir la poésie, certes parfois désespérée, qui se cache derrière (et parfois émane de) l'absurdité de la société et de l'existence modernes. Une invitation à un ballet de la modernité, lucide et ludique, d'une drôlerie burlesque et caustique, auquel vous pourrez assister au ciné club des Cinoches dimanche 13 juin à 21H.
Le film a été restauré en 2002 pour plus de 800000 euros...
BANDE ANNONCE DE PLAYTIME DE TATI
FILMOGRAPHIE DE JACQUES TATI
Né Jacques Tatischeff, le 9 octobre 1908 à Le Pecq (Yvelines ) et décédé le 5 novembre 1982 à Paris d’une embolie pulmonaire. Il a obtenu l’Oscar du meilleur film étranger pour « Mon Oncle » en 1959 et un César pour l’ensemble de son œuvre en 1977.
En tant qu’acteur :
Parade (1974), de Jacques Tati
Trafic (1971), de Jacques Tati
Playtime (1967), de Jacques Tati
Mon oncle (1958), de Jacques Tati
Les Vacances de M. Hulot (1953), de Jacques Tati
Jour de fête (1949), de Jacques Tati
Le Diable au corps (1947), de Claude Autant-Lara
L'Ecole des facteurs (1947), de Jacques Tati
Sylvie et le Fantôme (1945), de Claude Autant-Lara
et désormais @moodfdeauville pour http://www.inthemoodfordeauville.com pour que vous puissiez être informés au fur et à mesure de toutes les informations concernant le 36ème Festival du Cinéma Américain de Deauville que vous pourrez bien entendu suivre comme chaque année en direct sur ce blog (malgré la tentation vénitienne, et sauf changement de dernière minute). Nous savons pour l'instant seulement que le festival aura lieu du 3 au 12 et que le jury sera présidé par la comédienne Emmanuelle Béart.
Je reprends aujourd'hui une rubrique un peu laissée de côté, celle consacrée à la découverte des courts-métrages avec aujourd'hui un court un peu particulier puisqu'il s'agit d'un court sur les dangers de l'alcool au volant. Il est dur et radical, insoutenable à l'image de son titre et de la réalité. C'est aussi un sujet qui me tient particulièrement à coeur (au point que j'ai moi aussi écrit un scénario de court sur ce sujet), c'est pourquoi j'ai décidé de le diffuser malgré sa dureté . Pour la première fois, la sécurité routière ose le film réaliste, uniquement disponible sur le web .
ATTENTION: certaines images peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes ainsi que des personnes non averties.
"Gainsbourg (vie héroïque)" est disponible en dvd et Blu-ray depuis le 1er juin, je vous le recommande tout particulièrement... en espérant que la critique ci-dessous vous convaincra de faire l'acquisition de ce film qui a le mérite de la singularité...
Encore un biopic !, m'étais-je exclamée en apprenant qu'un film sur Gainsbourg était en préparation après avoir déjà dû subir ceux sur Piaf,Chanel,Sagan,ou d'autres comme celui surColuchedans lequel Antoine de Caunes tentait de contourner le genre avec plus ou moins d'habileté en se concentrant sur une période particulière de l'existence de ce dernier (celle de sa campagne présidentielle). Le fait que ce genre ait été particulièrement en vogue ces dernières années reflète sans doute la frilosité ou l'opportunisme de certains producteurs qui, en produisant des films retraçant les existences de personnalités appréciées du public, s'assurent d'emblée un nombre d'entrées conséquent. Après l'excellent « This is it », on se demande d'ailleurs quel sera le premier à initier un biopic surMickael Jackson...
Avec Gainsbourg, idole et référence de plusieurs générations mais aussi proche d'un certain nombre de personnalités encore vivantes, le sujet était a priori aussi opportuniste que délicat. Joann Sfar a donc eu l'excellente idée (apparemment suggérée parJane Birkinpour bien signifier que les dialogues et situations ne sont pas authentiques) de donner à son film l'appellation de « conte », désamorçant d'avance toutes les polémiques et s'autorisant ainsi une composition libre. Une liberté dont était épris celui dont il retrace une partie du parcours artistique et des amours souvent célèbres et tumultueuses. Ou quand le sujet et la forme se confondent subtilement. D'où l'idée aussi judicieuse de cette « gueule » qui accompagne Gainsbourg, un Gainsbarre omniprésent, son double maléfique, sa face obscure, son Mister Hyde.
Tout commence dans le Paris occupé des années 1940 où Serge Gainsbourg s'appelle encore Lucien Ginsburg, fils d'immigrants russes juifs forcé de porter l'étoile jaune ...
Difficile d'expliquer pourquoi ce film au scénario pourtant imparfait m'a autant touchée et embarquée, séduite comme tant l'ont été par un Gainsbourg à l'apparence pourtant si fragile. Sans doute cette fameuse magie du cinéma. Certainement aussi l'interprétation incroyable d'Eric Elmosnino qui ne singe pas Gainsbourg mais s'approprie magistralement sa personnalité, sa gestuelle, son mélange d'audace et de fragilité touchantes. Certainement cette photographie d'une beauté redoutable. Ces scènes qui exhalent le charme provocateur de Gainsbourg. L'éclat troublant et sensuel du couple qu'il forme avec Brigitte Bardot (Laetitia Casta qui, pour ceux qui en doutaient encore, montre à quel point elle est une actrice extraordinaire empruntant même les intonations si particulières de Bardot ) ou avec Jane Birkin (Lucy Gordon, lumineuse qui chante « Le Canari est sur le balcon », chanson tristement prémonitoire -l'actrice s'est récemment suicidée- ). Sans doute encore la force intemporelle de chansons qui ont accompagné des périodes de mon existence comme pour tant d'autres, et la force émotionnelle des réminiscences qu'elles suscitent...
Un film en apparence désordonné et confus comme émergeant des volutes de fumée et des vapeurs d'alcool indissociables de Gainsbourg. Joann Sfar brûle ainsi les étapes de son film comme Gainsbourg le faisait avec sa vie, ce qui aurait pu apparaître comme une faille scénaristique devient alors une trouvaille. Les scènes phares de son existence amoureuse et artistique deviennent alors autant de tableaux de l'existence de celui qui était d'abord destiné à la peinture. Les décors, de l'appartement de Dali à celui de la rue de Verneuil, sont poétiquement retranscrits, entre la réalité et le conte. « Ce ne sont pas les vérités de Gainsbourg qui m'intéressent mais ses mensonges » précise Joann Sfar. Tant mieux parce que les mensonges en disent finalement certainement davantage sur la vérité de son être.
Sans tomber dans la psychologie de comptoir, par touches subtiles, Sfar illustre comment ses blessures d'enfant portant l'étoile jaune intériorisées expliquent sa recherche perpétuelle de reconnaissance d'un pays qui l'a parfois mal compris et quand même adopté, qu'il provoquait finalement par amour (notamment avec sa fameuse Marseillaise). Comment Gainsbourg est toujours resté ce Lucien Ginsburg, éternel enfant rebelle.
Le risque était aussi de faire chanter les comédiens avec leurs propres voix, une réussite et puis évidemment il y a la musique et les textes de Gainsbourg, génie intemporel, poète provocateur d'une sombre élégance. Paris audacieux et gagnés pour ce premier film prometteur.
Un de mesgrands coups de cœur de cette année. Si comme moi vous aimiez Gainsbourg l'insoumis, ses textes et ses musiques, vous retrouverez avec plaisir son univers musical, et dans le cas contraire nul doute que ce conte vous emportera dans la magie poétique et captivante de cette vie héroïque.
Après un petit ralentissement sur inthemoodforcinema.com, l'actualité va être de retour cette semaine mais d'abord, petit rappel des films actuellement à l'affiche à ne pas manquer. (Cliquez sur les titres des films cités pour accéder à mes critiques)
1. Je commence par "Copie conforme" d'Abbas Kiarostami pour lequel Juliette Binoche a reçu le prix d'interprétation féminine à Cannes, un prix amplement mérité pour ce premier film du cinéaste iranien tourné en Europe.
Comme cette année, je serai à Paris une partie de l'été, en tout cas jusqu'à la fin du Festival Paris Cinéma dont j'aurai le plaisir de faire partie du jury blogueurs avec 6 autres blogueurs, je vous informerai régulièrement de ce que vous pouvez faire à Paris ici et/ou sur In the mood for luxe .
M'intéressant à la fois à la littérature, à la politique et à Saint-Germain-des-Prés je ne pouvais pas ne pas vous parler de l'événement "Un livre un café" à l'occasion duquel le Boulevard Saint-Germain reçoit des auteurs politiques sur le thème "Biographies et Mémoires, ce que les Politiques nous racontent."
Quartier littéraire par excellence, Saint-Germain-des-Prés accueille ainsi pour la cinquième année consécutive l'opération "Un livre - un café "initiée et organisée par la mairie du 6ème arrondissement depuis 2006. 10 auteurs politiques dédicaceront leurs ouvrages dans les célèbres cafés du boulevard. Cette manifestation littéraire est soutenue par un comité de parrainage composé de : Pierre Arditi, Régine Desforges, Jean-François Derec, Gonzague Saint-Bris, Adrien Goetz, René Guitton, et avec le maire du 6ème JEan-Pierre Lecoq et l'adjoint ç la Culture Olivier Passelecq.
L"inauguration aura lieu à 16H place Saint-Germain-des-Prés et les rencontres de 16H30 à 18H30.
Liste des auteurs présents et des lieux où ils seront:
1. François D'Aubert (ndlr: ancien maire de Laval) pour "Colbert, la vertu usurpée" aux Editions Perrin
Le Relais Odéon- 132 Boulevard Saint-Germain
2. Roger Chinaud pour "De Giscard à Sarkozy, dans les coulisses de la Vème", aux éditions de l'Archipel
Le Relais Odéon- 132 Boulevard Saint-Germain
3.Jacques Chirac pour "Mémoires. Chaque pas doit être un but" aux éditions Nil
La Rhumerie - 166 Boulevard Saint-Germain
4. Christine Clerc pour "Un si déchirant amour. De Gaulle et Malraux, aux éditions Nil
Le Café de Flor- 172 Boulevard Saint-Germain
5. François Hollande pour "Droit d'inventaires" aux Editions du Seuil
Le Mabillon- 164 Boulevard Saint-Germain
6.Emmanuel Pierrat pour "Maître de soi", aux éditions Fayard
Le Québec- 45 rue Bonaparte
7. Lionel Jospin pour "Lionel raconte Jospin" aux éditions du Seuil
La Brasserie Lipp- 151 Boulevard Saint-Germain
8. Raphaëlle Bacqué pour "L'enfer de Matignon", aux éditions Albin Michel
Le Bonaparte- 42 rue Bonaparte
9. Jean Lassalle pour "La parole donnée" aux Editions Le Cherche-Midi
Le Café Les Editeurs - 4 Carrefour de l'Odéon
10. Hubert Védrine pour "Le temps des Chimères (200"-2009)", aux éditions Fayard
Le Café des Deux Magots- 6 place SAint-Germain-des-Prés