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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Un sixième blog, est-ce bien raisonnable, me direz-vous ? Je vais reprendre la citation de Saint-Augustin qui était en exergue de mes premiers blogs : « Celui qui se perd dans sa passion perd moins que celui qui perd sa passion » .
Cela fait désormais 9 ans que je me perds délicieusement dans ma passion pour le cinéma (elle, beaucoup plus ancienne) sur internet et que j’ai commencé à bloguer à cause des grâce aux festivals de cinéma.
Le premier de mes blogs ( In the mood for cinema qui s’intitulait d’ailleurs au début « Mon Festival du Cinéma ») a été initié il y a 9 ans, suite à mes nombreuses pérégrinations festivalières depuis 1994 (d’abord le Festival du Cinéma Américain de Deauville , mais aussi le Festival de Cannes auquel j’assiste depuis ma participation au prix de la jeunesse il y a 12 ans etc) et suite à mes 14 sélections en tant que jurée dans des festivals de cinéma, 10 fois suite à des concours d’écriture – critiques, nouvelles, lettres etc- ( Festival du Film de Paris 1998 -jury jeunes-, Festival du Film Britannique de Dinard 1999 -jury de professionnels-, Festival du Cinéma Américain Deauville 2000- jury de cinéphiles-, Festival du Film Asiatique de Deauville 2005 -jury de cinéphiles-, Festival du Film Policier de Cognac 2002 -jury de cinéphiles », Festival du Film Romantique de Cabourg 2002 -jury des courts-métrages, Festival Paris Cinéma 2010 -jury de blogueurs-, Festival du Film Asiatique de Deauville 2012 -jury de la critique internationale-, Festival International du Film de Boulogne-Billancourt 2012…), des expériences palpitantes, parfois même irréelles, que j’avais envie de partager ainsi que les pépites ou curiosités cinématographiques que j’y découvrais.
Je crois pouvoir m’enorgueillir d’avoir été la première « blogueuse » accréditée presse dans les festivals de cinéma, et notamment à Cannes, il y a quelques années. J’avais envie de consacrer un blog entier à cette passion déjà très ancienne, en plus de mes blogs « ponctuels » consacrés aux festivals de Deauville et de Cannes, de partager ma passion et mes connaissances des festivals de cinéma sur une plateforme qui y serait entièrement consacrée.
Vous retrouverez sur ce nouveau blog bien entendu mes articles en amont et en direct de festivals, les classiques comme Deauville ou Cannes et d’autres où je retourne plus épisodiquement comme Dinard, Saint-Jean de Luz, Cabourg et évidemment aussi de nouveaux festivals que je souhaite découvrir et vous faire découvrir.
Vous pouvez d’ores et déjà retrouver sur inthemoodforfilmfestivals.com de nombreuses informations sur les festivals, des archives avec des bilans de festivals (pas tous, malheureusement le blog n’existait pas lors de mes premiers festivals).
L’actualité à venir c’est bien entendu le Festival du Cinéma Américain de Deauville auquel je reste fidèle depuis mon coup de foudre pour ce festival, et en même temps pour les festivals, il y a tant d’années déjà un festival où j’ai vécu tant de mésaventures, un festival pour lequel je vous ferai prochainement gagner des pass ici comme chaque année.
Bien sûr, mes autres blogs continueront à être autant alimentés et je reste l’unique rédactrice des 6 blogs, et j’y tiens.
Ce sera aussi pour moi un autre moyen de vous faire partager l’actualité de mon recueil de nouvelles sélectionné et ouvert à l’édition participative (alors n’hésitez pas à contribuer et/ou partager), un recueil dont les 13 nouvelles se déroulent dans…des festivals de cinéma (3 à Deauville, 4 à Cannes, d’autres à Monaco, Cabourg, Dinard, Annonay, aux César…), des fictions inspirées par mes nombreuses observations dans les festivals de cinéma qu’il n’était pas possible de partager sur un blog. « Ombres parallèles » ce sont : 13 nouvelles romantiques et cruelles dans les coulisses du 7ème art. 13 histoires d’amour qui sont autant de déclarations d’amour au cinéma. 13 histoires de passions cinématographiques et amoureuses. Je vous en dis plus, ici : http://inthemoodforfilmfestivals.com/en-savoir-sur-le-recueil-de-nouvelles-sur-les-festivals/ . Un projet que vous pouvez également suivre sur twitter (@parallelshadows – http://twitter.com/parallelshadows ) et sur Facebook (http://facebook.com/ombresparalleles ).
J’essaierai de vous livrer des informations inédites sur les festivals de cinéma. Je ne prétends pas à l’exhaustivité. Comme les autres, ce blog sera guidé avant tout par la passion (du cinéma, des festivals, de l’écriture) et par la curiosité.
Vos conseils, vos remarques, vos commentaires sont les bienvenus.
Vous pourrez également en savoir plus sur mon parcours dans les rubriques « Dans les médias » et « En savoir + » du blog en question.
Je vous signale enfin que ce nouveau blog possède son compte twitter dédié @moodforfilmfest (http://twitter.com/moodforfilmfest ) même si @moodforcinema reste le compte principal.
Avant de vous dévoiler en fin de semaine un nouveau blog sur lequel le Festival du Cinéma Américain de Deauville 2012 sera à la une, je poursuis ici mes annonces sur l'édition 2012 avec le nom du président du jury Révélation Cartier du Festival qui sera cette année un fidèle du festival (membre du jury du prix littéraire), l'écrivain cinéaste journaliste publicitaire (dans ce désordre) Frédéric Beigbeder, et accessoirement présentateur du Cercle, émission à laquelle j'avais eu le plaisir de participer en tant que chroniqueuse d'un jour.
C'est l'actrice/réalisatrice Sandrine Bonnaire qui présidera le jury de ce 38ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, une judicieuse idée, celle-ci étant par ailleurs en pleine actualité avec la sortie prochaine de "J'enrage de son absence", mon énorme coup de coeur du Festival de Cannes 2012 (le film était en sélection à la Semaine de la Critique). Je vous propose donc de retrouver mon article à ce sujet ci-dessous.
Critique de « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire (Semaine de la Critique 2012)
Les jours et les nuits, les projections et les soirées, les moments irréels et irréels se succèdent et se confondent dans une sorte de brouillard éblouissant et le temps me manque pour vous raconter ces journées bien et très agréablement remplies mais, comme chaque année, vous pourrez bien entendu retrouver mon compte-rendu très détaillé après le festival. En attendant, je vais vous parler (trop) brièvement d’un des trois films à m’avoir particulièrement marquée ces derniers jours, avec « A perdre la raison » de Joachim Lafosse, « Trois mondes » de Catherine Corsini » : « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire. Dans les trois cas, des personnages enfermés dans leurs drames et leurs solitudes. Dans les trois cas, des films d’une extrême sensibilité, poignante dans les films de Joachim Lafosse et Sandrine Bonnaire.
Sandrine Bonnaire nous avait déjà bouleversés avec son documentaire consacré à sa sœur autiste « Elle s’appelait Sabine » (alors présenté à la Quinzaine des Réalisateurs), un documentaire ni larmoyant ni complaisant, deux écueils dans lesquels il aurait été si facile de tomber. Véritable plaidoyer pour la mise en place de structures d’accueil pour les handicapés, hommage à ceux qui les encadrent, c’est aussi une véritable déclaration d’amour de Sandrine Bonnaire à sa sœur, un cri du cœur déchirant pour celle que 5 années d’hôpital psychiatrique ont changé à jamais mais qui joue un prélude de Bach avec la même facilité sidérante que des années auparavant. Elle parvient à nouveau, magistralement, à nous bouleverser avec son premier long-métrage, inspiré d’une histoire vraie.
Ce film nous raconte l'histoire d'un couple, Jacques (William Hurt) et Mado (Alexandra Lamy), dont le fils est décédé accidentellement il y a une dizaine d’années. Lorsqu'ils se retrouvent, le père devient obsédé par le petit garçon de 7 ans qu'elle a eu d'une autre union. Entre cet homme et ce petit garçon, un lien fort et inquiétant se crée dans le secret d’une cave.
Sandrine Bonnaire pour son premier film, dès la première seconde, fait preuve d’une maitrise étonnante, d’une manière de nous « impliquer » dans son drame, avec intensité et empathie. La tension est croissante. Le regard à la fois doux et perdu, un peu fou mais surtout fou d’amour et de la rage de l’absence de William Hurt auquel sa caméra s’accroche souvent, y est pour beaucoup. Sa prestation est une des plus magistrales qu’il m’ait été donné de voir. Son personnage un des plus bouleversants de tendresse, de détresse, d’humanité, aux portes de la folie. Il va peu à peu s’enterrer, se recroqueviller au propre comme au figuré, pour aller au bout de cette détresse. Jamais Sandrine Bonnaire ne tombe dans le pathos, toujours à hauteur de ses personnages, de leur cauchemar dans lequel elle nous enferme peu à peu, créant une tension croissante, bientôt suffocante. Elle ne juge jamais ses personnages mais les comprend, les suit pas à pas dans cette descente aux enfers. Deux appréhensions du deuil. L’un tait et l’autre fait exploser sa douleur, descend jusqu’au plus profond de celle-ci. Deux personnages abîmés par les terribles vicissitudes de l’existence et d’autant plus humains et touchants.
Sandrine Bonnaire, si elle a certainement appris beaucoup avec tous les grands cinéastes avec lesquels elle a tournés (le prénom de Mado fait ainsi songer à Claude Sautet, d’ailleurs ce mélange des genres peut aussi faire penser à « Quelques jours avec moi » de ce même cinéaste dans lequel Sandrine Bonnaire était d’ailleurs magistral), elle impose, dès son premier film, un style bien à elle, et surtout un regard et un univers propres aux grands cinéastes. En plus d’être une grande comédienne, Sandrine Bonnaire s’affirme ici comme une grande cinéaste en devenir. Elle filme la violence de la couleur avec une rage à la fois douce et âpre, sans jamais lâcher ses personnages tout comme cette douleur absolue ne les lâche jamais. Paradoxalement, un film qui fera du bien à tous ceux qui ont connu ou connaissent la douleur ineffable, étouffante et destructrice du deuil.
Avec ce film dramatique, absolument bouleversant, entre drame familial et thriller, Sandrine Bonnaire met des images sur l’indicible douleur et donne à William Hurt et Alexandra Lamy leurs meilleurs rôles (un premier rôle et une nouvelle fois un beau personnage de mère qui montre une nouvelle fois toute l’étendue de l’immense talent de cette dernière) et signe une première fiction palpitante, poignante, d’une maîtrise étonnante qui vous fera chavirer d’émotion pour ces beaux personnages enragés de douleur.
Un petit ralentissement sur ce blog, simplement parce qu'un nouveau blog "in the mood" va prochainement voir le jour... mais celui-ci continuera à exister et reprendra prochainement son rythme normal.
Je vous parlerai ici bientôt de "A perdre la raison", découvert à Cannes, revu à Paris Cinéma, mais aussi de "Ombline", également très belle avant-première de Paris Cinéma.
Le Grand Prix Cinéma des Lectrices de ELLE est un prix décerné par des lectrices passionnées de cinéma. Sept films dont la sortie en salles est prévue entre le 24 octobre et le 26 décembre 2012 sont sélectionnés pour ce prix. Les jurées sont réparties entre Paris, Lyon et Lille le week end des 14, 15 et 16 septembre 2012. Je vous en reparlerai le moment venu.
Parmi ses nombreuses avant-premières le Festival Paris Cinéma 2012 vous propose plusieurs films sélectionnés au dernier Festival de Cannes et non des moindres: « Amour » de Michael Haneke, la palme d’or 2012 et « J’enrage de son absence », la bouleversante première fiction de Sandrine Bonnaire sélectionnée à la Semaine de la Critique, deux films pour lesquels je vous avais fait partager mes coups de coeur lors du dernier Festival de Cannes. Le premier sera projeté ce soir au MK2 Bibliothèque, à 21H , et le second à , au même endroit., à 19H Retrouvez également mes critiques du solaire et mélancolique « L’été de Giacomo » et de « Renoir » , tous deux projetés dans le cadre de Paris Cinéma.
Critique de « Amour » de Michael Haneke (article publié dans le cadre du Festival de Cannes 2012)-
J’ai choisi aujourd’hui de vous parler de mes deux coups de cœur d’hier, « Amour » de Michael Haneke et « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire, non dénués de points communs, bien que le premier soit en compétition officielle, le second projeté dans le cadre de la Semaine de la Critique bien qu’ils soient très différents dans la forme, c’est d’abord parce que leurs titres pourraient être interchangeables et ensuite parce que j’ai été submergée par l’émotion par ces deux films. Enfin, l’un et l’autre parlent d’amour inconditionnel et de la violence de l’absence, du départ, du silence. L’amour qui était également au centre de « De rouille et d’os », mon premier coup de cœur de cette édition 2012 dont je vous ai parlé le premier jour du festival, mais aussi de « In another country » de Hong Sangsoo, conte léger et délicieusement mélancolique à l’humour fantaisiste, décalé et irrésistible (des applaudissements ont même ponctué la projection officielle) avec une Isabelle Huppert radieuse dont je vous reparlerai ultérieurement (un film qui mériterait un prix du scénario).
Mais revenons à « Amour », film au titre à la fois sobre, sibyllin et prometteur, dans lequel Isabelle Huppert est également présente et, comme toujours, quelle présence. Elle y interprète la fille de Georges et d’Anne, deux octogénaires, des gens cultivés, professeurs de musique à la retraite. Leur fille, également musicienne, vit à l’étranger avec sa famille. Un jour, Anne est victime d’une petite attaque cérébrale. Lorsqu’elle sort de l’hôpital et revient chez elle, elle est paralysée d’un côté. L’amour qui unit ce vieux couple va être mis à rude épreuve.
Dès le début, la gravité, l’austérité, le dénouement inéluctable s’imposent. La caméra explore les pièces d’un appartement pour arriver dans une chambre où une femme âgée git, paisible, morte. Puis, flashback, le couple rentre d’un concert de musique classique dont on ne voit d’ailleurs que les spectateurs comme un miroir de ce que nous allons être pendant tout ce film, les spectateurs de l’envers du décor, de ce que la société préfère habituellement cacher, dissimuler. Lorsqu’ils rentrent, ils constatent que leur porte a été vraisemblablement forcée. Les prémisses d’une tragédie, d’un huis-clos dramatique. Un étranger s’est immiscé dans leur doux quotidien. La mort qui va peu à peu tisser sa toile.
La tendresse de leurs gestes, la manière dont ils s’excusent constamment, se considèrent, se regardent, semblent se découvrir encore, ne s’être pas tout raconté, avoir encore des secrets et plus que jamais des égards l’un pour l’autre, tout dit un amour qui n’a pas pris une ride mais qui s’est renforcé face aux épreuves de la vie. Notre souffle est suspendu, notre attention est captée, capturée, par ces gestes a priori anodins qui témoignent de leur amour indéfectible et magnifique. Leurs visages rayonnent, nous font oublier le poids des ans. Cela pourrait être le couple d’ « Un homme et une femme », 46 ans plus tard (Emmanuelle Riva s’appelle d’ailleurs Anne comme Anouk Aimée dans le film de Claude Lelouch). Bien entendu, le cinéma d’Haneke, si épuré, est très différent de celui de Lelouch, si lyrique, mais ces détails qui disent tant et auxquels notre souffle est suspendu les rapprochent ici (au risque d’en heurter certains). L’opposé du couple du « Chat » de Granier-Deferre.
Jusqu’où peut-on aller par amour ? L’amour, le vrai, ne consiste-t-il pas à tout accepter, même la déchéance, à aider l’être aimé jusqu’au dernier souffle ? Le sujet était ô combien périlleux. Si Haneke ne nous épargne rien de ces moments terribles comme lorsque cette femme belle et fière se transforme peu à peu en enfant sans défense, il place sa caméra toujours avec pudeur.
Nous ne quitterons alors plus cet appartement pour un face à face douloureux, cette lente marche vers la déchéance puis la mort. Seules quelques visites comme celles de leur fille, d’un ancien élève, de voisins qui les aident, ou d’infirmières viennent ponctuer ces terribles instants, témoignant à chaque fois de maladresses, voire de cruauté involontaires. La scène de l’infirmière qui, avec une voix mielleuse, s’adresse à Anne comme à une enfant, la forçant avec une douce et d’autant plus terrible condescendance à se regarder dans le miroir est redoutablement juste et absolument terrible.
Que dire de Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva qui seraient à la hauteur de leurs bouleversantes prestations ? Le premier, qu’il raconte une anecdote sur son enfance, ou s’occupe d’Anne dans ses derniers instants avec une tendresse infinie (comment ne pas être bouleversé quand il lui raconte une histoire, lui caressant doucement la main, pour faire taire sa douleur, qu’elle hurle), est constamment juste, là, par un jeu d’une douce intensité. Ses gestes, sa voix, son regard, tout traduit et trahit son émotion mais aussi la digne beauté de son personnage qu’il dit être son dernier, ce qui rend ce rôle encore plus troublant et tragique. Quant à Emmanuelle Riva, elle fait passer dans son regard l’indicible de la douleur, de la détresse, après avoir fait passer la fierté et la force de cette femme debout, cette âme forte qui se transforme peu à peu en un corps inerte, pétri de douleurs.
Un film tragique, bouleversant, universel qui nous ravage, un film lucide, d’une justesse et d’une simplicité remarquables, tout en retenue. «Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments» dit Jean-Louis Trintignant en racontant une anecdote à son épouse. C’est aussi ce qu’il nous reste de ce film, l’essentiel, l’Amour avec un grand a, pas le vain, le futile, l’éphémère mais l’absolu, l’infini.
Trois ans après sa palme d’or pour « Le ruban blanc », Michael Haneke sera à nouveau et sans aucun doute au palmarès pour ce film éprouvant et sublime, d’une beauté tragique et ravageuse que vous hante et vous habite longtemps après la projection, après ce dernier plan d’une femme seule dans un appartement douloureusement vide. Un film d’Amour absolu, ultime. Et puis il y a la musique de Schubert, cet Impromptu que j’ai si souvent écouté et que je n’entendrai sans doute plus jamais de la même manière. Je crois qu’il me faudra un peu de temps encore pour appréhender pleinement ce film. Les mots me manquent encore. J’y reviendrai.
« Amour » sortira en salles le 24 octobre 2012.
Critique de « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire (critique et article publiés pendant le Festival de Cannes 2012)
Les jours et les nuits, les projections et les soirées, les moments irréels et irréels se succèdent et se confondent dans une sorte de brouillard éblouissant et le temps me manque pour vous raconter ces journées bien et très agréablement remplies mais, comme chaque année, vous pourrez bien entendu retrouver mon compte-rendu très détaillé après le festival. En attendant, je vais vous parler (trop) brièvement d’un des trois films à m’avoir particulièrement marquée ces derniers jours, avec « A perdre la raison » de Joachim Lafosse, « Trois mondes » de Catherine Corsini » : « J’enrage de son absence » de Sandrine Bonnaire. Dans les trois cas, des personnages enfermés dans leurs drames et leurs solitudes. Dans les trois cas, des films d’une extrême sensibilité, poignante dans les films de Joachim Lafosse et Sandrine Bonnaire.
Sandrine Bonnaire nous avait déjà bouleversés avec son documentaire consacré à sa sœur autiste « Elle s’appelait Sabine » (alors présenté à la Quinzaine des Réalisateurs), un documentaire ni larmoyant ni complaisant, deux écueils dans lesquels il aurait été si facile de tomber. Véritable plaidoyer pour la mise en place de structures d’accueil pour les handicapés, hommage à ceux qui les encadrent, c’est aussi une véritable déclaration d’amour de Sandrine Bonnaire à sa sœur, un cri du cœur déchirant pour celle que 5 années d’hôpital psychiatrique ont changé à jamais mais qui joue un prélude de Bach avec la même facilité sidérante que des années auparavant. Elle parvient à nouveau, magistralement, à nous bouleverser avec son premier long-métrage, inspiré d’une histoire vraie.
Ce film nous raconte l’histoire d’un couple, Jacques (William Hurt) et Mado (Alexandra Lamy), dont le fils est décédé accidentellement il y a une dizaine d’années. Lorsqu’ils se retrouvent, le père devient obsédé par le petit garçon de 7 ans qu’elle a eu d’une autre union. Entre cet homme et ce petit garçon, un lien fort et inquiétant se crée dans le secret d’une cave.
Sandrine Bonnaire pour son premier film, dès la première seconde, fait preuve d’une maitrise étonnante, d’une manière de nous « impliquer » dans son drame, avec intensité et empathie. La tension est croissante. Le regard à la fois doux et perdu, un peu fou mais surtout fou d’amour et de la rage de l’absence de William Hurt auquel sa caméra s’accroche souvent, y est pour beaucoup. Sa prestation est une des plus magistrales qu’il m’ait été donné de voir. Son personnage un des plus bouleversants de tendresse, de détresse, d’humanité, aux portes de la folie. Il va peu à peu s’enterrer, se recroqueviller au propre comme au figuré, pour aller au bout de cette détresse. Jamais Sandrine Bonnaire ne tombe dans le pathos, toujours à hauteur de ses personnages, de leur cauchemar dans lequel elle nous enferme peu à peu, créant une tension croissante, bientôt suffocante. Elle ne juge jamais ses personnages mais les comprend, les suit pas à pas dans cette descente aux enfers. Deux appréhensions du deuil. L’un tait et l’autre fait exploser sa douleur, descend jusqu’au plus profond de celle-ci. Deux personnages abîmés par les terribles vicissitudes de l’existence et d’autant plus humains et touchants.
Sandrine Bonnaire, si elle a certainement appris beaucoup avec tous les grands cinéastes avec lesquels elle a tournés (le prénom de Mado fait ainsi songer à Claude Sautet, d’ailleurs ce mélange des genres peut aussi faire penser à « Quelques jours avec moi » de ce même cinéaste dans lequel Sandrine Bonnaire était d’ailleurs magistral), elle impose, dès son premier film, un style bien à elle, et surtout un regard et un univers propres aux grands cinéastes. En plus d’être une grande comédienne, Sandrine Bonnaire s’affirme ici comme une grande cinéaste en devenir. Elle filme la violence de la couleur avec une rage à la fois douce et âpre, sans jamais lâcher ses personnages tout comme cette douleur absolue ne les lâche jamais. Paradoxalement, un film qui fera du bien à tous ceux qui ont connu ou connaissent la douleur ineffable, étouffante et destructrice du deuil.
Avec ce film dramatique, absolument bouleversant, entre drame familial et thriller, Sandrine Bonnaire met des images sur l’indicible douleur et donne à William Hurt et Alexandra Lamy leurs meilleurs rôles (un premier rôle et une nouvelle fois un beau personnage de mère qui montre une nouvelle fois toute l’étendue de l’immense talent de cette dernière) et signe une première fiction palpitante, poignante, d’une maîtrise étonnante qui vous fera chavirer d’émotion pour ces beaux personnages enragés de douleur.
Après « Renoir » de Gilles Bourdos hier, je vous présente aujourd’hui un autre film projeté en avant-première dans le cadre de ce Festival Paris Cinéma 2012 qui lui aussi vous emmènera dans son jardin d’Eden : « L’été de Giacomo » d’Alessandro Comodin, un film atypique entre documentaire et fiction qui a notamment reçu le Léopard d’or au Festival de Locarno 2011, le Grand Prix au Festival de Belfort 2011 et qui sort en salles aujourd’hui. Si vous n’êtes amateurs que de grosses productions aux scénarii prévisibles avec une action à la minute, passez votre chemin. Si, en revanche, vous avez envie d’une promenade enchantée qui laisse le temps aux émotions de s’installer, alors passez ce bref (1H18) été avec Giacomo.
Dans ce premier long-métrage, Alessandro Comodin (qui avait déjà eu un court-métrage présenté à la Quinzaine des Réalisateurs en 2009), a décidé de suivre le petit frère sourd de son meilleur ami, Giacomo Zulian, et une amie d'enfance de celui-ci, Stefania Comodin avec en tête de faire « une déclinaison contemporaine des Métamorphoses d’Ovide. »
C'est l'été dans la campagne du nord de l'Italie. Giacomo est un adolescent sourd. Il part au fleuve avec Stefania, sa meilleure amie. En s'éloignant des sentiers battus, ils se perdent et arrivent dans un endroit paradisiaque où ils se retrouvent seuls et libres. Ils ont 16 et 18 ans, leurs sens s'éveillent.
Ce film hybride est à l’image de la nature que les deux personnages explorent : d’abord récalcitrante, sauvage, elle se laisse peu à peu apprivoiser pour totalement vous charmer, vous emmener ailleurs, dans une sorte de bulle irréelle, hors du monde (trois personnages seulement et même dans la très belle scène de la fête foraine, Stefania et Giacomo semblent seuls au monde) tout en vous ramenant à votre réalité et à vos propres émotions.
Ce film possède ce qu’aucun scénario ne pourra jamais ou que rarement prévoir : la grâce, la magie de l’éclat de la jeunesse, son mélange de violence et de candeur, la spontanéité de l’instant, la beauté de l’enfance qui s’acharne à ne pas s’évanouir. C’est une respiration salutaire radieuse, à la fois contemporaine, intemporelle, mythologique, qui part du documentaire pour en faire une fiction d’une édifiante justesse.
Ce film minimaliste, épurée (pure même) recèle une fraicheur, une innocence, un éclat, rares, et la caméra d’Allessandro Comodin a su capter cette émotion, précieuse, lorsque l’enfance est derrière soi et la vie devant soi, que le bonheur de cet âge se mêle à la crainte de sa disparition et à celle du plongeon dans l’avenir incertain. Il a su capter aussi ces moments a priori anodins qui a posteriori se révèlent avoir été de grands bonheurs. Le montage est par ailleurs particulièrement astucieux avec en prime un travail remarquable sur le son (batterie, paroles et sons de Giacomo assourdissants, feux d’artifice) et un choix judicieux de musiques.
Un film universel, solaire et languissant, troublant de réalisme, l’histoire d’une métamorphose qui résonne en nous comme le souvenir, lumineux et mélancolique, heureux et nostalgique, de la fin de quelque chose (l’enfance) et le début d’une autre (l’entrée dans l’âge adulte) porté par trois jeunes non comédiens attachants et le regard bienveillant et aiguisé du réalisateur ; et qui, l’air de rien, nous bouleverse comme une douce et âpre réminiscence des derniers feux de l’enfance, d’un éphémère été et des premiers émois. Une vraie pépite qui mérite d’être découverte. En salles aujourd'hui.
Ce soir, à 22H40, France 2 rediffusera le documentaire-fiction « Louis XV le soleil noir » déjà diffusé en décembre 2009. Malgré mes réticences envers ce genre hybride et la crainte d'une vulgarisation trop simpliste de l'Histoire, rapidement mes réticences ont volé en éclats tant j'ai été, dès les premières minutes, agréablement stupéfaite par la qualité de ce que je regardais. Je dois l'avouer : je m'attendais à des images ternes, un jeu approximatif, une Histoire anecdotique et simplifiée. Quelle ne fut donc pas ma surprise devant ces costumes et des décors (le tournage a eu lieu à Versailles) somptueux, cette photographie d'une beauté crépusculaire, et la qualité des textes et de l'aspect historique !
Pris entre le Roi soleil (Louis XIV) et le roi conduit à l'échafaud (Louis XVI), Louis XV reste ainsi pour le public un roi sans visage et sans destin, sans légendes et sans images. Une éclipse troublante alors que Louis XV -sa personne, sa trajectoire, son époque- offre une matière d'une richesse dramaturgique égale à sa complexité. En effet, c'est au cours des cinquante années de règle de Louis XV (1724-1774) que se développèrent des idées et des modes de vie nouveaux qui ont déterminé notre Histoire...
Louis XV est en effet à l'image de cette éclipse totale de 1724 à laquelle il assista : un roi éclipsé par son prédécesseur, le roi soleil dont personne n'ignorait le rayonnement auquel s'oppose donc ce titre de « soleil noir ». Louis XV, roi méconnu, souvent réduit à une caricature de roi léger et frivole, et à qui aucun film n'avait encore été consacré ! Il apparaît ici dans toute sa complexité, profond, mélancolique, taciturne, avec certes un goût prononcé pour le libertinage.
La combinaison astucieuse entre fiction et documentaire permet d'explorer la politique et l'intime, la vie quotidienne et les faits historiques mais aussi d'humaniser le roi (et même de le rendre presque contemporain et attachant, tout en restant fidèle à l'Histoire) passionné de science, orphelin, solitaire, incapable de s'attacher, un personnage complexe loin de l'image du roi frivole à laquelle on voulait le réduire.
Ce documentaire-fiction a Versailles pour seul cadre et au lieu de le restreindre et de restreindre l'horizon, cette unité de lieu cristallise et symbolise au contraire les contradictions de la société et le bouillonnement artistique et intellectuel de l'époque, un bouillonnement auquel, au début de son règne, le roi fut sensible, il termina pourtant son règne dans la déchéance et la haine.
Le portrait nuancé de Louis XV nous permet aussi de mieux appréhender ce siècle des philosophes, des arts et des sciences, du goût et de la liberté, les débats d'idées de d'Alembert et Diderot mais aussi la colère sourde du peuple, quinze ans avant la révolution ; les fondements de la modernité et les éléments qui vont conduire à la fin de la monarchie.
Et puis il y a Versailles, tantôt gris ou éblouissant, prison dorée ou astre étincelant, Versailles et sa magnificence, filmé la plupart du temps en contre-plongée pour signifier le poids écrasant qu'il représentait pour le roi.
Dans le rôle de Louis XV, Stanley Weber (fils d'un certain Jacques) est absolument incroyable. Même lorsqu'il joue Louis XV à la fin de sa vie il nous fait oublier, par la densité de son jeu, son jeune âge, incarnant le roi avec un mélange de puissance et de fragilité, à la fois majestueux et mélancolique, avec un jeu d'une justesse et d'une intensité rares. Il faudrait aussi évoquer toute la distribution grâce à la justesse du jeu de laquelle on a vraiment l'impression de déambuler dans les couloirs de Versailles, tant leur jeu nous donne à croire qu'ils appartiennent réellement au siècle des Lumières. Il m'a même semblé reconnaître deux élèves du cours Cochet prouvant une nouvelle fois à quel point c'est un vivier de grands comédiens.
Après « Apocalypse », France Télévisions nous propose une nouvelle fois un divertissement pédagogique passionnant de très grande qualité, aussi bien dans le fond que dans la forme. Je vous recommande cette immersion dans les allées tumultueuses de Versailles et dans les mystérieux murmures de l'Histoire, dans le bouillonnant siècle des Lumières et dans la personnalité tourmentée de Louis XV, sans aucune réserve. Jeudi 25 décembre, à 20H35, sur France 2.