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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE EN 2008 - Page 8

  • « Un Barrage contre le Pacifique » de Rithy Panh

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    Indochine, 1931. Dans le Golfe du Siam, au bord de l’Océan Pacifique, une mère (jamais nommée car vivant par, pour, à travers ses enfants, incarnée par Isabelle Huppert) survit tant bien que mal avec ses deux enfants, Joseph (20 ans) –Gaspard Ulliel- et Suzanne (16 ans)-Astrid Bergès-Frisbey-, qu’elle voit grandir et dont elle sait le départ inéluctable. Abusée par l’administration coloniale, elle a investi toutes ses économies dans une terre régulièrement inondée, donc incultivable. Se battant contre les bureaucrates corrompus qui l’ont escroquée, et qui menacent à présent de l’expulser, elle met toute son énergie dans un projet fou : construire un barrage contre la mer avec l’aide des paysans du village.  Alors que la mère est ruinée et obsédée par son entreprise arrive le mystérieux M.Jo (Randal Douc), fils d’un riche homme d’affaires chinois qui s’éprend de Suzanne. La famille va tenter d’en tirer profit.

    Difficile d’adapter au cinéma Marguerite Duras (« Un barrage contre le Pacifique » est son premier roman paru au printemps 1950, adapté de son enfance coloniale, tout comme « L’Amant ») quand on sait qu’elle était tellement mécontente de l’adaptation de « L’amant » par Jean-Jacques Annaud dont, malade, elle n’a pu suivre la fin de l’élaboration du scénario qu’en guise de revanche elle en a sorti sa propre version scénaristique. « Un barrage contre le Pacifique » est certainement très différent d’un film réalisé par Marguerite Duras, éloigné de son style expérimental  notamment basé sur le décalage entre l’image et le son comme elle les affectionnait, comme ce qu’elle mit en œuvre dans ses propres films. Aurait-elle renié cette adaptation-ci ? Pas sûr…

    Difficile aussi en raison de son style littéraire difficilement adaptable même si « Un barrage contre le Pacifique » est certainement le plus classique de ses romans (d’ailleurs déjà adapté au cinéma, en 1958, par René Clément, sous le titre « Barrage contre le Pacifique ») , ce qui explique aussi le classicisme que certains ont reproché au film de Rithy Panh, un film dans lequel, pourtant, le délitement du temps, le refus de tout spectaculaire et de toute dramatisation auxquels le sujet se prêtait si bien ne sont d’ailleurs pas si académiques. Un cinéaste qui laisse le temps au temps, laisse aussi le soin au spectateur de remplir les ellipses et les non dits : voilà qui est plutôt destiné à me plaire et je trouve que beaucoup de critiques ont été bien injustes.

    La lenteur, ce refus de la grandiloquence et donc la forme reflètent judicieusement la fin des illusions de la mère qui expire finalement tout au long du film. Ce qu’on lui a reproché aussi, sans doutes, c’est de filmer avec distance et donc sans passions des sentiments passionnels et extrêmes (l’amour, la passion, le désir, l’injustice, la mort, le mensonge, la violence…), mais c’est là justement, dans ce décalage, que réside tout l’intérêt du film et l’univers que lui a apporté Rithy Panh.

     Filmé tout en douceur malgré la violence des sentiments, en lenteur, en simplicité malgré l’ambiguïté des personnages,  le film de Rithy Panh nous imprègne progressivement, sans fracas mais peut-être avec d’autant plus de force comme cette révolte contre le colonialisme qui s’empare progressivement de la mère.

    Et puis il y a les paysages, la nature récalcitrante et sauvage que Rithy Panh n’enjolive pas mais filme dans sa beauté brute et d'autant plus fascinante.

    Isabelle Huppert incarne merveilleusement cette femme aride comme la terre qu’elle tente vainement d’exploiter, provocatrice et indomptable, qui aime un peu trop son fils, qui rudoie un peu trop sa fille avec lesquels elle entretient des rapports plus qu’ambigus à l’image de ceux de Suzanne avec le troublant et ambivalent M.Jo, ce qui donne à l’ensemble une opacité salutaire dans un cinéma qui veut de plus en plus aller à l’essentiel (et d’ailleurs l’oubliant et le niant ainsi).  Un film à la fois simple et hermétique comme un livre de Duras.

    Gaspard Ulliel et Astrid Berges-Frisbey, quant à eux, manient savamment force et douceur, innocence et sensualité et sont aussi pour beaucoup dans la réussite de ce film que, vous l’aurez compris, In the mood for cinema vous recommande.

     « Un Barrage contre le Pacifique » a été présenté au Festival de Rome 2008.

  • Demain, ne manquez pas: "I feel good" de Stephen Walker, mon dernier coup de coeur cinématographique de l'année 2008

    i feel good.jpgJe vous en parlais en avant-première la semaine dernière: "I feel good" de Stephen Walker est mon dernier coup de coeur de cette année cinématographique. Il sort en salles demain. Je vous le recommande vivement!

    Cliquez ici pour lire ma critique d" I feel good" de Stephen Walker

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  • "Australia" de Baz Luhrmann en avant-première et Hugh Jackman présentateur des Oscars 2009

    fox3.jpgAlors que nous venons d'apprendre que Hugh Jackman présentera la cérémonie des Oscars 2009 qui aura lieu le 22 février prochain et dont je vous reparlerai bien entendu, je vous rappelle que depuis plusieurs semaines déjà vous pouvez retrouver sur "In the mood for cinema", la critique en avant-première d' "Australia" de Baz Luhrmann, le conte de noël de cette fin d'année qui sortira en salles ce 24 décembre et dans lequel Nicole Kidman et Hugh Jackman interprètent les rôles principaux.

    Cliquez ici pour accéder à ma critique en avant-première intitulée "Australia de Baz Luhrmann: un conte de noël"

    Pour cause de vacances, "In the mood for cinema" fonctionnera au ralenti jusqu'à début janvier (malheureusement, à mon grand désarroi, là où je me trouve actuellement ne passent ni le film d'Agnès Varda, "Les plages d'Agnès", ni celui de Karin Albou, "Le chant des mariées",  dont je vous recommande néanmoins le très réussi premier film intitulé "La petite Jérusalem").

  • Largo Winch" de Jérôme Salle, sortie en salles mercredi prochain: critique en avant-première

    largo2.jpgLe 16 novembre dernier, vous pouviez lire sur ce blog la critique en avant-première de "Largo Winch" de Jérôme Salle.

     Ce film vous est recommandé par "In the mood for cinema", il sort en salles ce mercredi 17 décembre.

    Cliquez ici pour lire mon article "Largo Winch de Jérôme Salle: film d'aventure à l'Européenne ou les tribulations sans répit de l'héritier inconoclaste".

    Cliquez ici pour voir la bande annonce de "Largo Winch".

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  • Avant-première- « I feel good » de Stephen Walker: mon coup de cœur de cette fin d’année!

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    « I feel good » est un documentaire dans lequel son réalisateur, Stephen Walker, suit le quotidien de Young@Heart, une chorale unique au monde dont la moyenne d’âge de ses chanteurs, résidents d’une petite ville du Massachussetts, Northampton,  est de 80 ans (de 75 à 93 ans !). N’imaginez surtout pas une bande de grabataires plaintifs ânonnant des airs mièvres et surannés lénifiants (je ne citerai pas de noms mais ça vous rappellera probablement quelque chose ou quelques un(e)s). Non, les membres de cette chorale qui porte bien son nom ne chantent que des tubes punk, soul et hard rock, le tout avec une joie et un entrain communicatifs, sous la direction d’un jeune quinquagénaire, Bob Cilman, créateur, manager et chef d’orchestre exigeant de la troupe.

    Le film débute par  des plans d’une foule en délire dans une salle de concert pleine à craquer, puis revient sur les semaines de répétition qui ont précédé ce spectacle.

    Je vous mets au défi de rester insensibles et statiques devant ce documentaire, vrai coup de cœur de cette fin d’année cinématographique. Il a même réussi à dérider la salle de  projection presse : c’est dire…  Ce film est un véritable concentré d’émotions, de vie et de musique. Rien de graveleux ou d’impudique: Stephen Walker a la délicatesse d’écarter sa caméra là où d’autres auraient fait des gros plans racoleurs en ajoutant une musique sirupeuse et mélodramatique. Non : l’émotion ne vient pas de là. Elle vient des personnalités sur lesquelles Stephen Walker s’attarde, des personnalités dont, derrière les rides, les appareils respiratoires, les démarches hésitantes, les voix parfois tremblantes et autres cœurs balbutiants, on perçoit avant tout la joie de vivre transcendée, exaltée, ou simplement suscitée par la musique et des personnes dont, paradoxalement, la première « qualité » n’est pas d’être âgées mais d’être éprises de vie et d’une passion, pour le chant et la musique.

    Stephen Walker s’immisce donc dans la vie de la chorale et peu à peu cerne les personnalités touchantes de ses interprètes : la séductrice Eileen et ses 93 printemps, le persévérant Stan, l’infatigable Steven, la truculente Dora, le touchant Bob, Joe et sa joie de vivre communicative. Les chansons prennent une nouvelle résonance (comme « Nothing compares to you » à un moment crucial), parfois dramatique ou drôle, voire irrésistible.

    Le montage, habile et toujours pudique, entremêle subtilement entretiens avec les membres de la chorale, trajets épiques en voiture, images de leur clips, répétitions et spectacles nous faisant cerner leurs existences, leurs espoirs et désespoirs, et dressant un portrait entraînant mais aussi sans concessions de ces septuagénaires, plus souvent d’ailleurs octogénaires ou nonagénaires, un portrait qui est une véritable cure de jouvence. Il faut les voir reprendre « I feel good » de James Brown avec un enthousiasme et une chorégraphie qui n’ont rien de ridicules mais aussi  « Fix you » de Coldplay, « Should I stay or Should I go » des Clash, un “Yes we can can” -d’actualité!- de Lee Dorsey et cette version -incroyable et qui emporte l’adhésion générale- de "Schizophrenia" de Sonic Youth.

    Au-delà de cette bande originale irrésistible, ce film a un écho universel et poignant dont témoigne cette séquence dans une prison où la chorale suscite l’enthousiasme de ces gros bras aux physiques parfois patibulaires dont certains semblent sur le point de verser une larme et qui terminent par une standing ovation unanime.

    En chacun de ces chanteurs : ce sont en effet nos grands-parents que nous voyons mais aussi un miroir de nous-mêmes, parfois dur dans ce qu’il évoque d’inexorable mais l’espoir et la musique reprennent toujours le dessus, malgré tout, même la mort qui rôde et les rattrape parfois. Un miroir qui en 1H48 nous parle de l’essentiel, de vie et de (et en) chanson qui défient la mort et nous va droit au cœur.

    Un film plein d’espoir, un hymne à la vie mais surtout à la passion, celle qui permet de surmonter les difficultés, la douleur, l’âge, de se surpasser, de narguer la mort même parfois.  Un film drôle et bouleversant qui tord le cou aux préjugés et aux lieux communs sur l’âge. Ce qui aurait pu être pathétique se révèle magique. En 1H48 ce film m’a autant bouleversée qu’il m’a fait rire, et taper des pieds. J’en suis ressortie le sourire aux lèvres et la larme à l’œil,  l’envie de chanter, de danser, de croquer la vie à pleines dents, de la regarder en face aussi, avec ses failles et ses difficultés,  de vivre pleinement ses passions, plus fortes que tout et qui rendent aussi plus fort que tout...et l’envie d’acheter une place pour leur prochaine tournée ! Un film dont on ressort en chantant et pensant « I feel good ».

    Un remake serait en préparation, la société de production Working Title voudrait en faire une fiction. C’est dommage : ce qui constitue la richesse de ce film et qui suscite une telle émotion c’est justement tout ce qui n’est pas prévisible, ce qu’une fiction ne pourra pas retranscrire. Ce film a d’ailleurs reçu de très nombreux prix et notamment le prix du jury et le prix du public au dernier Festival Paris Cinéma. Stephen Walker a réalisé 23 films pour la BBC et Channel 4 mais « I feel good » est son premier film pour le cinéma… et certainement pas le dernier, je l’espère en tout cas !

    Sortie en salles: le 24 décembre

    Durée du film: 1H48

    Site internet du film : http://www.ifeelgood-lefilm.com

    Sandra.M

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  • Bande annonce et critique en avant-première de "Secret Défense" de Philippe Haïm (sortie en salles: mercredi prochain)

    Secret Défense.jpg"Secret défense" de Philippe Haïm sortira en salles mercredi prochain, 10 décembre. Je vous en parlais et vous le recommandais dès le 25 octobre.

    Cliquez ici pour lire ma critique de "Secret défense" de Philippe Haïm: un film de genre haletant, populaire et exigeant.

    En bonus, vous trouverez ci-dessous la bande annonce du film et en suivant le lien ci-dessus, vous pourrez également voir un extrait.

  • « Pour elle » de Fred Cavayé : pour lui…

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    Je vous en parlais à l’occasion de mon bilan de l’année cinéma 2008 : cette année a aussi été celle de l’émergence d’un cinéma français décomplexé qui s’est aventuré sur les terres considérées, à tort, comme celles, conquises et inaccessibles, des Américains. Avant « Largo Winch » de Jérôme Salle (Sortie en salles : le 17 décembre) et « Secret Défense » de Philippe Haïm (sortie en salles : le 10 décembre), cette semaine, c’est d’abord « Pour elle » de Fred Cavayé qui s’est inscrit dans cette dynamique.

    Lisa (Diane Krüger) et Julien (Vincent Lindon) forment un couple heureux et amoureux, avec leur fils Oscar. Un matin, brusquement, leur vie bascule dans l’absurdité et l’horreur lorsque la police débarque chez eux pour arrêter Lisa, accusée de meurtre puis condamnée à vingt ans de prison. Julien, professeur et fils mal aimé de son état, va alors être prêt à tout pour  la faire évader.

     Jusqu’où iriez-vous par amour ? Jusqu’où sera-t-il prêt à aller pour elle ? Loin. Très loin. Au-delà des frontières. De la raison. De la légalité. Du Bien et du Mal. Plutôt que de s’appesantir sur leur vie d’avant, Frec Cavayé (d’après une idée originale du scénariste Guillaume Lemans) choisit de nous montrer deux scènes assez courtes qui suffisent pour camper un couple amoureux comme au premier jour et une Lisa, lumineuse, deux scènes qui suffisent à expliquer le tourbillon infernal dans lequel va ensuite tomber Julien.

    Si on se demande un temps pourquoi Julien ne met pas toute cette énergie à essayer de trouver la véritable coupable (Lisa serait emprisonnée à tort) plutôt qu’à la faire évader, la force du montage et la force de l’interprétation parviennent à nous le faire oublier. Voir Lisa enfermée, se laissée dépérir, s’assombrir est pour Julien insupportable. Sa rage, son sentiment d’injustice et surtout son amour pour Lisa vont transformer le tranquille professeur en criminel, vont conduire à le faire basculer dans un univers a priori très éloigné du sien, dans une violence incontrôlable.

     La caméra au plus près des visages, nous enferme avec Julien dans sa folie (on ne voit d’ailleurs presque rien de sa vie étrangère à son plan d’évasion, il n’est montré qu’une seule fois dans sa salle de classe, cette –ir-réalité n’existe plus pour lui) ou avec Lisa dans sa prison, nous faisant occulter les invraisemblances du scénario et des moyens pour nous concentrer sur la force et la vraisemblance des motivations. Et pour que nous y croyions il fallait un acteur de la dimension de Vincent Lindon.  Vincent Lindon et qui d’autre ? Je ne vois pas. Je ne vois pas tellement le mélange de force et de fragilité, de détermination et de folie qu’il dégage pour ce rôle, qui occupe, consume, magnétise l’écran et notre attention, tellement le personnage qu’il incarne, à qui il donne corps (sa démarche, son dos parfois voûté ou au contraire droit menaçant, ses regards évasifs ou fous mais suffisamment nuancés dans l’un et l’autre cas ) et vie semblent ne pouvoir appartenir à aucun autre. Je ne vois pas qui d’autre aurait pu rendre crédible ce personnage et continuer à nous le rendre sympathique, du moins excusable, malgré tout.

    L’intrigue va à l’essentiel : la détermination furieuse, parfois aveugle, de Julien (à l’image de la surdité de la justice vis-à-vis de Lisa). Le scénario est épuré comme les murs d’une prison. Ce qui ne veut pas dire que le style est dénué d’émotion. Au contraire. Il la suscite sans la forcer. En nous montrant cet homme seul, fragilisé, aux forces décuplées. En nous montrant cet homme lui aussi dans une prison, celle de la caméra, celle de sa folie amoureuse (pléonasme ou antithèse : à vous de voir), celle de son incommunicabilité de sa douleur (avec son père, Olivier Perrier, parfait dans la retenue et la froideur). La relation paternelle est aussi au centre de l’histoire. Ce sont aussi deux pères qui vont très loin par amour. A leur manière.

    La musique, irréprochable ( de Klaus Badelt, qui a notamment travaillé avec Terrence Malick et Micheal Mann) ajoute ce qu’il faut quand il faut pour accroître la tension, déjà palpable.

    Au final, un thriller sentimental que la force de l’interprétation, magistrale, de son acteur principal (« Pour elle » vaut donc le déplacement, ne serait-ce que pour lui à qui le film doit de captiver, capturer notre attention et empathie), la vigueur, le rythme et l’intelligence du montage rendent haletant, nous faisant oublier les invraisemblances du scénario, croire et excuser toutes les folies auxquelles son amour (le, les) conduit.  Un premier long particulièrement prometteur…

     Sandra.M