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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
En raison de problèmes pour me connecter à internet, il vous faudra patienter quelque peu pour lire mes impressions de ce festival 2007... Je vous recommande d'ores et déjà le dernier film de Ken Loach: "it's a free world" ainsi que "Once" de John Carney, le radical "Far north" de Asif Kapadia (mes deux films de prédilection de cette compétition 2007) et "Brick Lane" de Sarah Gavron qui devraient figurer au palmarès. Retrouvez mon compte-rendu exhaustif dès demain soir! En m'excusant pour ce contre-temps...
Un petit garçon malingre, François, voit indistinctement son image à travers un miroir tacheté de noir. Ce premier plan en dit déjà tellement… Puis, ce petit garçon, à travers son regard d’adulte, (interprété par Mathieu Amalric) nous raconte
son histoire et celle de ses parents, Maxime (Patrick Bruel) et Tania (Cécile de France), l’histoire qu’il a apprise de la bouche de Louise (Julie Depardieu), la voisine et amie : l’histoire d’un secret.
Dans un des plans suivants, le même petit garçon marche à côté de sa mère Tania, Tania dont on ne voit d’abord que le corps sculptural qui contraste tellement avec celui, si frêle, du petit garçon. Un petit garçon qui s’imagine un frère beau et glorieux au point de laisser une assiette à table pour lui, devant le regard terrassé de ses parents comme si le poids du secret, de cet enclos de silence, devenu celui de l’inconscient, avait tellement pesé sur sa famille qu’il avait deviné sans savoir.
Les images du passé, en couleurs, alternent judicieusement avec celles du présent, en noir et blanc, (dans le roman le passé est écrit au présent et inversement) un présent que le passé pourtant si sombre, va venir éclairer en révélant l’existence de ce frère, Simon, à l’époque où Maxime s’appelait encore Grinberg et non Grimbert, ces deux lettres pour lui porteuses de mort, porteuses aussi de son douloureux secret profondément enfoui.
Revenons à ce premier plan auquel de nombreux autres feront ensuite songer : ces plans de corps sublimes au bord de la piscine, au milieu de couleurs chaudes, d’une gaieté insolente. Le dos nu de Tania lorsque Maxime la voit pour la première fois. Son corps qui, dans une acrobatie parfaite, fend l’air et le bleu du ciel puis de la piscine, lorsqu’elle plonge. Les corps décharnés et sans vie des camps. Les corps, leur force et leur fragilité, symboles de vie et de mort, tout le temps mis en parallèle. Ce corps que Maxime sculpte jour après jour, ce corps qui nie presque son identité juive à une époque où le régime nazi fait l’apologie du corps, à une époque où les images de Jeux Olympiques filmées par Leni Riefenstahl défilent sur les écrans, à une époque où il faut porter une étoile sur le cœur, une étoile que Maxime refuse de porter, parce que, pour lui, montrer son identité juive signifie souffrir, mourir et faire prendre des risques à son enfant. Le corps, encore, de François, cet enfant si chétif que son père regarde avec des éclairs d’amertume, cet enfant qui « lui a échappé », cet enfant qui suscite une douloureuse et cynique réminiscence de son passé. Pourquoi ? C’est ce fameux secret que je ne vous dévoilerai pas ici. Celui de trois amours fous qui font déraisonner, qui s’entrechoquent finalement, qui se croisent et qui bouleversent plusieurs existences.
L’ambiguïté du personnage de Maxime parcourt et enrichit tout le film : Maxime qui exhibe son corps, qui nie presque sa judaïté, qui fera dire à son père sur le ton de l’humour, certes, qu’il a un fils antisémite, à qui dans son roman Philippe Grimbert attribue des « ambitions de dandy ». L’ambiguïté est encore accrue quand il tombe amoureux de Tania : une femme blonde aux yeux bleus, sportive comme lui, et ce qui n’arrange rien, sa belle sœur, dont il tombe amoureux, pour couronner le tout, le jour de son mariage. Tania, si différente de sa femme, Hannah (Ludivive Sagnier), la timide, la mère parfaite, plus mère que femme dans le regard de Maxime, dans son regard hypnotisé par Tania, son double, celle qui lui ressemble tellement. Hanah : celle pour qui Maxime est pourtant tout. Et qui le signifiera tragiquement.
Avec Un Secret, Claude Miller a fait beaucoup plus que transcrire en images le roman éponyme de Philippe Grimbert, il a écrit et réalisé une adaptation particulièrement sensible et personnelle, d’abord par la manière dont il filme les corps, les mains qui s’accrochent les unes aux autres, les mains qui en disent tant, et puis ces regards lourds de sens, de vie, de désespoir, de passion, magnifiquement orchestrés par le chef d’orchestre Claude Miller pour nous donner cette mélodie bouleversante du passé. Par la manière dont présent et passé se répondent. Comme ce plan de François qui regarde son père à travers le grillage d’un court de tennis. Un grillage qui rappelle celui, abject, du passé, des camps.
Passé et présent se répondent constamment en un vibrant écho. L’entrelacement de temporalités rendait d’ailleurs le roman quasiment inadaptable, selon les propres propos de Philippe Grimbert. Claude Miller y est pourtant admirablement parvenu. Echo entre le passé et le présent donc, Echo c’est aussi le nom du chien dans le roman. Celui dont la mort accidentelle fera ressurgir le passé, cette douleur ineffable intériorisée pendant tant d’années. Maxime s’effondre alors sur la mort de son chien alors qu’il avait surmonté les autres. Il s’effondre, enfin abattu par le silence meurtrier, le poids du secret et de la culpabilité.
Ce n’est pas « le » secret seulement que raconte ce film mais « un » secret, un secret parmi tant d’autres, parmi tous ceux que cette époque a engendrés. Des secrets qui s’emboîtent et dont la révélation devient insoluble. Doit-on et peut-on tout dire ?
La chanson de Charles Trenet, Tout ça c’est pour nous, est d’une douloureuse légèreté. La musique, l’autre, pourtant sublime, qui était dans la première version que j’ai vue en février ne subsiste que dans la bande annonce : la preuve que Claude Miller a voulu éviter l’outrance mélodramatique. Son film n’en a pas besoin.
Claude Miller signe en effet un film d’une intensité et d’une densité dramatiques rares, empreint de la passion irrépressible, tragiquement sublime, qui s’empare de Maxime et Tania. Il nous raconte une transgression amoureuse, une passion dévastatrice, une quête d’identité, un tango des corps : un grand film tout simplement où il témoigne de l’acuité de son regard de metteur en scène (il témoigne d’ailleurs aussi dans un autre sens : il témoigne aussi de son passé), de ces films qui vous font frissonner, vous étreignent, vous bouleversent, tout simplement et ne vous bouleversent pas avec des « recettes » mais subrepticement, sincèrement.
Claude Miller offre là à Ludivine Sagnier, Julie Depardieu, Patrick Bruel et Cécile de France un de leurs plus beaux rôles. Ces deux derniers ne jouent pas, leur passion dévaste l’écran, l’envahit, en déborde. Une fatale évidence.
Le psychanalyste Philippe Grimbert a écrit ce livre, en grande partie autobiographique, après la découverte d’un cimetière de chiens dans le jardin de la fille de Pierre Laval. Là, les dates qui pourraient être celles d’enfants morts dans les camps, s’alignent avec obscénité, alors que les enfants morts pendant la guerre n’ont même pas eu de tombe, eux, n’ont pas eu droit à une sépulture et sont partis en fumée. De cette découverte indécente est né ce livre. Ce film et ce livre constituent le tombeau de ces enfants et participent au devoir de mémoire. Parce que l’oubli est une menace constante, parce que l’Histoire se complait trop souvent dans une amnésie périlleuse. Et puis, pour que le petit garçon, qui a délivré son père de son secret, distingue enfin une image précise dans le miroir… L'image de son passé et de son identité et de son corps retrouvés.
Le Festival du Film Britannique de Dinard débute demain J’y serai pour la neuvième année consécutive. Vous pourrez lire mes reportages en direct à partir de demain donc (si possible, sinon vous pourrez évidemment lire un compte-rendu exhaustif à mon retour). Je vous ai déjà dévoilé la programmation dans mes précédents articles. (cliquez ici pour y accéder)
Voici quelques conseils pratiques si vous désirez venir au festival:
- Les accréditations (professionnelles) et les pass (vendus au public à Dinard début juin) ne sont plus délivrés mais vous pouvez en revanche acheter des tickets à la séance pour 5 euros, dans les salles où les films sont projetés. Il vous faudra néanmoins arriver assez à l’avance aux projections. (Renseignements: cliquez ici)
- Pour le logement, vous trouverez tous les renseignements nécessaires (ici) : comptez plutôt sur la chance et un désistement car tous les hôtels de Dinard sont complets.
Le Festival du Film Britannique de Dinard ne ressemble à aucun autre festival : surtout pas à Cannes, ni même à Deauville. La convivialité et la cinéphilie y priment avant tout. Je vous le recommande.
-Pour tout savoir pour venir au festival: cliquez ici.
-Pour accéder à la grille de programmation, cliquez ici.
Vous pourrez lire ma critique ici dans la soirée. J’ai eu la chance de voir ce film en projection test en début d’année. Je me revois encore ressortir de la salle, ébranlée, bouleversée aussi, comme ayant reçu un vrai coup de poing cinématographique, historique, émotionnel aussi, peut-être davantage, il est vrai. Je retourne donc le voir cet après-midi pour vous en écrire une critique et vous parler du livre de Philippe Grimbert qui l’a inspiré aussi, une critique je l’espère plus cinématographique qu’émotionnelle : je ne promets rien. En tout cas, d’ores et déjà, je vous recommande ce film : à voir absolument !
Le rattrapage de la semaine : La face cachée de Bernard Campan
A priori le style, intimiste, sied mal à un ancien Inconnu. Mais après tout le cinéma est là pour bousculer les préjugés. Se souvenir de Se souvenir des belles choses : Bernard Campan y campait déjà un personnage à des années lumière de ceux qu’il a interprétés avec les Inconnus, avec beaucoup de justesse.
Après des années de vie commune, Isa et François ne se voient plus, ne se voient plus réellement. Emmuré dans ses questionnements et sa douleur existentielle, François ayant l'impression de voir sa vie se dérouler hors de lui ne voit plus ceux d'Isa, qu’elle aussi est en quête de sa réalité. C’est une quête et une enquête aussi : « La face cachée » est un thriller de l’intime, énigmatique, qui nous fait avancer par touches impressionnistes. Le film est divisé en 4 week end : les personnages ne sont pas socialement situés. Derrière la banalité des situations : l’universalité des fêlures. La forme est en harmonie avec le fond : de nombreux plans séquences, parfois pesants, à dessein, comme le long tunnel dans lequel sont les personnages, comme le long et inexorable tunnel de l’existence qui les étouffe, comme lorsqu’ils avancent dans cette forêt à la fois majestueuse et oppressante, comme la forêt de questions trop grandes pour eux, qui les dépassent. La face cachée, c’est cette part inconnue de l’autre, cette part insondable, cette part recouverte par la forêt. Karin Viard interprète avec beaucoup de nuance cette femme qui surjoue sa gaieté et sa légèreté, son bonheur d’être pour masquer le poids de son existence, sa douleur muette à laquelle François est sourd, lui dont la douleur est si bavarde. Le plan de la fin, de Karin Viard, cachée derrière Campan, dans l’ombre, puis se retrouvant face à lui, dans sa vraie lumière, enfin, pourrait résumer tout le film. La face cachée c’est ce masque que nous portons tous à un moment ou à un autre. C’est la part d’ombre d’un masque parfois lumineux. La face cachée c’est aussi la posture de l’adulte qui est resté un enfant, qui a toujours ses douleurs d’enfance, là, avec lui, tapies dans l’ombre. C’est la réalité qu’on ne veut pas voir en face (alors que son meilleur ami interprété par Anglade est lui, en plein dans la réalité, dans le concret de son mariage, François s'enfonce dans ses questionnements abstraits). La face cachée est elliptique comme l’existence qu’il ne parvient pas à saisir. La face cachée, c’est ce qu’on aimerait fuir mais le canoe kayak continuera à avancer, (ceux qui ont vu le film comprendront) quoiqu’il arrive. La face cachée ce sont aussi des moments de grâce insaisissables parce qu’on est déjà ailleurs ou dans l’après. Même la fugue de Bach qui rythme judicieusement n’aidera pas à cette fuite-là. La face cachée est un film empreint de la maladresse touchante de l’adolescence : sans compromis, parfois agaçant ou parfois naïf avec ses métaphores aériennes, maritimes ou ferroviaires redondantes sur l’existence mais tellement à fleur de peau qu’il nous touche et nous renvoie forcément à nos propres masques et questionnements. Un film grave, voire austère, dont on ressort en se disant que l’essentiel est là : se souvenir des belles choses, oui, mais surtout les saisir dans l’instant présent. Un film d’auteur : il fallait déjà oser. On attend la suite avec impatience…
Seul Aurélien Wiik qui y était d’ailleurs remarquable reste dans la distribution. Il est rejoint par Sara Forestier dont ce sera le premier rôle au théâtre et par Stanislas Merhar, la musique est composée par Christophe.
L’info festivals de la semaine
Marie-José Nat sera la présidente du Festival du Film Britannique de Dinard 2007.
Jocelyn Quivrin viendra compléter le jury
¨Programme complet du Festival du Film Britannique de Dinard 2007:
Compétition BRICK LANE de Sarah Gavron
Compétition FAR NORTH de Asif Kapadia
Compétition HALLAM FOE de David Mackenzie
Compétition JANE de Julian Jarrold
Compétition ONCE de John Carney
Compétition THE MIDNIGHT DRIVES de Mark Jenkin
Avant- Première AND WHEN DID YOU LAST SEE YOUR FATHER de Anand Tucker
Avant- Première ATONEMENT de Joe Wright
Avant- Première BUILD A SHIP, SAIL TO SADNESS de Laurin Federlein
Avant- Première GARAGE de Lenny Abrahamson
Avant- Première HOW ABOUT YOU de Anthony Byrne
Avant- Première I AM BOB de Donald Rice (court métrage)
Avant- Première I REALLY HATE MY JOB de Oliver Parker
Avant- Première IT'S A FREE WORLD… de Ken Loach
Avant- Première KINGS de Tom Collins
Avant- Première L'HEURE ZERO de Pascal Thomas
Avant- Première MON MEILLEUR ENNEMI de Kevin Macdonald
Avant- Première MRS RATCLIFFE'S REVOLUTION de Billie Eltringham
Avant- Première NEVER APOLOGIZE de Mike Kaplan
Avant- Première RUBY BLUE de Jan Dunn
Avant- Première THE ENGLISHMAN de Ian Sellar
Avant- Première THE MARK OF CAIN de Marc Munden
Avant- Première THIS IS ENGLAND de Shane Meadows
Avant- Première WAZ de Tom Shankland
Hommage A ROOM FOR ROMEO BRASS de Shane Meadows
Hommage DEAD MAN'S SHOES de Shane Meadows
Hommage ONCE UPON A TIME IN THE MIDLANDS de Shane Meadows
Hommage TWENTY FOUR SEVEN de Shane Meadows
Rétrospective Foot CARTON ROUGE de Barry Skolnick
Rétrospective Foot THE GAME OF THEIR LIVES de Daniel Gordon
Rétrospective Foot JIMMY GRIMBLE de John Hay
Rétrospective Foot THE VAN de Stephen Frears
Regards Croisés NAISSANCE DES PIEUVRES de Céline Sciamma
Femis vs NFTS CARCASSE de I. El Mouala El Iraki
Femis vs NFTS FBIZoo de Y. Angely/J. Vray
Femis vs NFTS SAUF LE SILENCE de Léa Fehrer
Femis vs NFTS THE END FOR BEGINNERS de David Lalé
Femis vs NFTS FOR THE LOVE OF GOD de Joe Tucker
Femis vs NFTS FRIENDS FOREVER de Marçal Forès
Sélection courts métrages Kodak BROKEN de Vicki Psarias
Sélection courts métrages Kodak ELA de Silvana Aguirre Zegarra
Sélection courts métrages Kodak EVOL de Chris Vincze
Sélection courts métrages Kodak EX MEMORIA de Josh Appignanesi
Sélection courts métrages Kodak NEUTRAL CORNER de Emily Greenwood
Sélection courts métrages Kodak OUT OF MILK de Nicola Morris
Sélection courts métrages Kodak VAGABOND SHOES de Jackie Oudney
Sélection courts métrages G. Higgins ATTACK de Timothy Smith
Sélection courts métrages G. Higgins BADGERED de Sharon Colman
Sélection courts métrages G. Higgins DADDY'S LITTLE HELPER de D. Wilson
Sélection courts métrages G. Higgins DOG FLAP de Jack Herbert
Sélection courts métrages G. Higgins DREAMS AND DESIRES de Joanna Quinn
Sélection courts métrages G. Higgins GOODBYE TO THE NORMALS de JF Smith
Sélection courts métrages G. Higgins THE HANDYMAN de Simon Rumley
Sélection courts métrages G. Higgins PHOBIAS de Bert & Bertie
Pour en savoir plus sur le Festival du Film Britannique de Dinard :
Les frères Affleck lors de l'avant-première de "Gone baby gone" au Festival du Cinéma Américain de Deauville 2007. Photo: Sandra.M
« Gone baby gone », le premier film de Ben Affleck en tant que réalisateur dont je vous ai parlé lors de son avant-première deauvillaise ( cliquez ici pour lire l’article concernant l'avant-première deauvillaise du film) ne sortira pas en Grande-Bretagne en raison des similitudes avec l’affaire Maddie McCann (la petite fille du film, enlevée, s'appelle ...Madeleine)alors que le film a été écrit avant les faits.
L’info bloguesque de la semaine :
De nouvelles vidéos ont été mises en ligne cette semaine sur mon blog « In the mood for Deauville » (http://inthemoodfordeauville.hautetfort.com ) consacré au 33ème Festival du Cinéma Américain de Deauville.
Le film de la semaine du 26 septembre recommandé par « In the mood for cinema » :
« 7H58 ce samedi-là » (Before the devil knows you’re dead) de Sidney Lumet. (Avec Philip Seymour Hoffman, Ethan Hawke, Marisa Tomei, Albert Finney… Durée : 1H55)
7H58 ce samedi-là a été projeté en avant-première, hors compétition au 33ème Festival du Cinéma Américain de Deauville, à l’occasion de l’hommage que le festival a rendu à Sidney Lumet. Olivier Marchal a d'abord rendu hommage à Sidney Lumet particulièrement ému de récompenser celui qui a suscité sa vocation de policier et de cinéaste, de même que celle du maire de Deauville (vocation non pas de policier ou de cinéaste, hein, mais d'homme d'Etat).
Il y a des jours comme ça où, en une fraction de seconde, tout peut basculer dans la tragédie, comme à 7H58 ce samedi-là, dans la vie des Hanson. Ce samedi matin-là, tout semble pourtant normal dans la banlieue de New York où ils vivent (le père passe un test de conduite, sa femme ouvre la bijouterie familiale) si ce n’est que leur fils aîné, Andy, s’inquiète pour son contrôle fiscal du lundi suivant et si ce n’est que Hank, le cadet, est enfermé dans des problèmes d’argent apparemment inextricables. Et après 7H58, quand les deux frères ont la judicieuse idée de braquer la bijouterie de leurs parents, plus rien ne sera jamais pareil.
Ce film est à l’image du personnage d’Andy : d’abord profondément antipathique, nous prenons peu à peu fait et cause pour lui. Il est aussi à l’image des vies des deux frères par qui le drame arrive : des vies fragmentées, désorientées. Voilà d’ailleurs les deux qualités du film : sa structure narrative brillante (ou sa démonstration stylistique appuyée, c’est selon) et la force de ses personnages. En résulte une véritable leçon de cinéma...
Ce film vous prend à la gorge au fur et à mesure que l’étau se resserre autour des deux frères, il vous captive, vous capture même, et vous enserre dans son cycle infernal: impossible de s’échapper, nous sommes pourtant aussi libres de sortir de la salle que les deux frères l’étaient face à leur destin, avant 7H58 donc. Au lieu d’adopter une construction linéaire, Sidney Lumet met en scène une pluralité de points de vue, un montage habilement déstructuré et une succession de flash-backs qui accentuent la tension dramatique, et le sentiment d’urgence et de drame insoluble. La caméra de Sidney Lumet va ainsi ausculter les causes (finalement plus profondes et surtout beaucoup moins matérielles qu’il n’y parait de prime abord) et les conséquences du drame, va nous plonger dans les âmes et vies sombres des protagonistes, va nous conduire à voir en un homme cupide et impitoyable un ancien enfant blessé. Par une habile construction scénaristique, notre antipathie initiale pour le personnage de Andy évolue peu à peu, la « réalité » apparaît moins manichéenne : Hank ( Ethan Hawk, méconnaissable) apparait de moins en moins victime (du destin ?) au fur et à mesure que son frère Andy (Philip Seymour Hoffman, bluffant, à nouveau)l’est de plus en plus à nos yeux devenus plus indulgents à son égard. Un film qui a la couleur d’une blessure à vif, celle de la trahison et celle de l’enfance, les plus douloureuses et profondes, et le rythme d’une course contre la mort, contre le diable. Le titre anglais « Before the devil knows you’re dead » est tiré du proverbe irlandais : « May you be in heaven half an hour before the devil knows you’re dead » qui signifie « Puisses-tu atteindre le paradis une demi-heure avant que le diable n’apprenne ta mort ». Une course que nous savons perdue d’avance, non moins prenante. Entre thriller et tragédie familiale, après le très moyen « Jugez-moi coupable » Sidney Lumet, malgré ses 84 ans, d’après le premier scénario de Kelly Masterson, signe un thriller dramatique qui prouve la jeunesse et la vitalité de son regard. Nommé 4 fois à l’Oscar du meilleur réalisateur pour Douze hommes en colère, Un Après-midi de chien, Network main basse sur la télévision et Verdict, il ne serait pas étonnant qu’il figure de nouveau parmi les nominés avec ce film particulièrement maîtrisé.
Sidney Lumet lors de l'hommage du Festival du Cinéma Américain de Deauville-Photo: Sandra.M
L'émotion d'Olivier Marchal qui a rendu hommage à Sidney Lumet
Tous les dimanches à 11H, le Cinéma l’Arlequin (76 rue de Rennes-75006 Paris) propose une séance de ciné-club présentée depuis…1991 par Claude-Jean Philippe qui anime également les débats après la projection. Saint-Germain des-Prés reste l’antre des cinémas d’art et essai parisiens au premier rang desquels l’Arlequin. Des séances que je vous recommande…
Prochaines projections : Avant-première de « Retour en Normandie » de Nicolas Philibert le 30 septembre, « La déesse » de Satyajit Ray le dimanche 7 octobre, « La fièvre dans le sang » de Elia Kazan le dimanche 14 octobre et « Le plein de super » de Alain Cavalier le 21 octobre.
Ce matin le film projeté était : « Quand la ville dort » (The Asphalt jungle) de John Huston
Film de 1950- Durée : 1H52
D’après le roman de William R.Bennett
Avec Sterling Hayden (Dix), Louis Calhern ( Emmerich), Jean Hagen (Doll) ; James Whitmore(Gus), Sam Jaffe (Riedenschneider), Mark Laurence (Cobby), Marilyn Monroe (Angela)
Un malfaiteur distingué évadé de prison, Doc Riedenschneider, prépare un nouveau cambriolage dans une bijouterie dont le butin s’élèverait à un demi-million de dollars. Il réunit la somme nécessaire à l'opération puis une équipe (Louis ; briseur de coffres, le chauffeur-barman bossu Gus, le taciturne Dix Handley comme homme de main, et Emmerich le financier avocat de bonne société marié à une femme maladive et amoureux de l’insouciante Angela) .
Dès les premiers plans, John Huston instaure une atmosphère obscure et nocturne: des rues désertes et oppressantes, marquées par le temps, sombres, menaçantes, des immeubles délabrés, comme un écho aux physiques accidentés de ceux qui y déambulent et s’y égarent. Une jungle fatale. La jungle de la ville, quand la ville, l’autre, dort. La fatalité du film noir.
Huston comme souvent est fasciné par le milieu des gangsters et notamment par les romans de Bennett et la précision de sa peinture de l’humanité, par la présence des personnages qu’il décrit. Il dépeint en effet des personnages dont le destin tragique est inscrit, inéluctable, victimes de leurs passions et leurs obsessions qui les condamnent. Huston s’intéresse avant tout aux fêlures des personnages qui les conduiront à leurs pertes, qui les rendent si humains et induisent l’identification du spectateur. Chaque esquisse est brillante, un simple geste ou une simple parole suffisent souvent à définir un personnage, à déceler leur part d’humanité et de fragilité ordinaires : le bookmaker que l’argent fait transpirer, le barman bossu et accessoirement chauffeur lors du cambriolage défenseur ds chats, le spécialiste des coffres qui évoque la fièvre de ses enfants comme un honnête père de famille tout en volant des bijoux. Ces gestes sont aussi emblématiques de ce qui conduira chacun à sa perte. Dans une scène célèbre Riedenschneider sera ainsi victime de son amour des femmes : hypnotisé par la danse lascive d’une jeune femme, il ne verra pas les policiers qui le guettent. La scène n’est pas dénuée d’ironie. L’ironie du désespoir ou plutôt ici, des désespérés. Le personnage de Dix interprété par Sterling Hayden est à la fois violent, orgueilleux, solitaire mais aussi touchant et son allure à la fois dégingandée et brutale campe magnifiquement ce personnage ambivalent et emblématique du film noir, condamné à mourir. Qu’elles soient prêtes à mourir par amour (Doll) ou à aimer aussi vite qu’à dénoncer par opportunisme (formidable personnage d’Angela, apparition lumineuse de Marilyn Monroe, innocemment cynique), les femmes, quant à elles, sont ici moins aveugles et victimes qu’il n’y paraît, même si elles ne sont qu’un rouage dans la machine infernale de la fatalité.
Si le film, un polar noir et dense, sorte de radiographie implacable de l’échec , est avant tout un classique du septième art pour la richesse de ses personnages, la précision de leurs motivations, la mise en scène et le décor étouffant qui semble encercler les personnages comme leur destin fatal les asphyxie, sont aussi remarquables, et le son des sirènes qui s’apparentent à des « cris d’âmes en enfer » renforcent cette impression de tragédie inéluctable et suffocante. Pour que surgisse la lumière, il faudra attendre l’ultime seconde, la seule scène à se dérouler de jour et hors de la ville, au milieu de chevaux aussi carnassiers que libres… Ultime seconde hors de la jungle. Ultime et fatale seconde : tel est le destin des protagonistes d’un film noir dont « Quand la ville dort » est un modèle du genre à ne pas manquer et que copièrent ou dont s’inspirèrent ensuite de nombreux cinéastes.
-Filmographie de John Huston en tant que réalisateur :
Aujourd’hui, j’inaugure une nouvelle rubrique intitulée « in the mood for news ». Chaque mardi, je vous présenterai ainsi mon journal cinématographique avec l’actualité cinématographique de la semaine, le film de la semaine à venir recommandé par "In the mood for cinema" et l’actualité festivalière. Je vous invite aussi à réagir à cette actualité dans les commentaires.
Le film de la semaine recommandé par « In the mood for cinema » :
« Le mariage de Tuya » de Wang Quan’an présenté en ouverture du Festival du Film Asiatique de Deauville 2007 (Cliquez ici pour lire ma critique ) et surtout Ours d’or de la 57ème Berlinale.
-Autre(s) film (s) sortant cette semaine vu (s) par « In the mood for cinema » :
-Death at a funeral (Joyeuses funérailles) de Frank Oz avec Matthew Macfadyen, Rupert Graves, Keely Hawes, Jane Asher, Daisy Donovan, Alan Tudyk, Kris Marshall, Peter Dinklage, Ewan Bremmer, Andy Nyman, Peter Egan, Peter Vaughan
Pitch: Les membres d'une famille anglaise désunie se retrouvent lors de la veillée funèbre du patriarche qui vient de mourir. Lorsqu'un inconnu arrive sur les lieux et menace de faire une révélation sur la vie intime du décédé, les deux fils vont vraiment tout faire pour cacher ce secret dérangeant aux invités.
Présenté en avant-première au 33ème Festival du Cinéma Américain de Deauville où il a suscité l'hilarité générale (précisons qu'il y avait peu de comédies au programme pour justifier ce peu d'exigence du public deauvillais). L'oxymore du titre annonçait un film réjouissant, antipolitiquement correct, impression réhaussée par le savoureux générique (c'est en général mauvais quand on est réduit à évoquer seulement un générique de film:-)). Il l'est la moitié du film : jusque-là, le ton est corrosif et les personnages savamment déjantés. Malheureusement ces joyeuses funérailles s'essoufflent progressivement pour finalement s'éteindre dans la deuxième partie, et tombent dans la vulgarité facile et les gags archi prévisibles. Un film qui ne tient pas les promesses de son titre impertinent et de son début, et donc... allez voir "Le mariage de Tuya"!
-L’info Oscars de la semaine :
« Persépolis », le film d’animation de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, prix du jury du Festival de Cannes 2007, a été retenu par le CNC pour représenter la France aux Oscars. C’est le 22 janvier que l’Académie des Oscars dévoilera les nominations dont les 5 films qui concourront pour l’Oscar du meilleur film étranger. « Persépolis » succédera-t-il à « Indochine » dernier film français à avoir obtenu l’Oscar du meilleur film étranger, en 1993 ? A suivre…
-L’info box office de la semaine :
En 5 jours, le jubilatoire « La vengeance dans la peau » de Paul Greengrass dont la projection deauvillaise avait été ponctuée d’applaudissements effrénés, le troisième volet des mésaventures de Jason Bourne a totalisé 480 471 entrées sur 509 salles en 5 jours.
-L’info festivalière de la semaine
Le Festival du Film Britannique de Dinard dévoile aussi peu à peu son programme et son jury.
Le jury sera présidé par Josiane Balasko et composé (pour l’instant) de : Cécile Cassel, Sylvie Testud, Laurent Gerra, Linh Dan Pham, Claire Nebou, Robin Renucci, Imelda Staunton, Michael Grigsby… Un(e) juré( e) sélectionné ( e) par la rédaction Ouest-France de Saint-Malo (comme je le fus en 1999) sur lettre de motivation viendra compléter le jury.
Programme provisoire du Festival du Film Britannique (en cliquant sur le nom du film vous accéderez aux fiches du site internet officiel du Festival du Film Britannique de Dinard )
Films en compétition
Jane(Becoming Jane) deJulian Jarrold Avec Anne Hathaway, James McAvoy, Julie Walters, James Cromwell, Maggie Smith
Ayant appris que la Comédie Française ne se visitait malheureusement que sur rendez-vous préalable pour les journées du patrimoine (vous savez ces journées où Paris se transforme en vaste parc d'attraction, où vous passez d'une salle des pas perdus à une autre, à ne plus compter les vôtres d'ailleurs) , c’est donc vers un autre théâtre, celui de la République, l’Elysée, que je me suis dirigée. Si vous êtes courageux (comptez environ 4 à 5 heures d’attente, et après 14H n’espérez plus pouvoir entrer) ou invité vous traverserez le vestibule d’honneur (photo ci-contre) dans lequel se trouve une sculpture d’Arman nommée Hommage à la Révolution Française constituée de deux cents drapeaux de marbre blanc après avoir traversé la cour d’honneur par laquelle entrent tous les visiteurs. Vous traverserez ensuite le salon des tapisseries (orné des tapisseries relatant l’histoire de Scipion) puis vous accéderez au premier étage par l’escalier des aides de camp. Puis vous passerez par le salon vert qui accueillit le Conseil des Ministres sous la présidence de De Gaulle. Vous passerez ensuite par le salon doré, c’est-à-dire le bureau présidentiel. Vous traverserez ensuite deux antichambres avant de redescendre au rez-de-chaussée du Palais. Dans la seconde figurent les portraits des présidents de la Vème République aujourd’hui décédés. Puis, vous emprunterez l’escalier d’honneur que Murat fit construire en 1806 lorsqu’il prit possession des lieux. Vous passerez ensuite par le salon Cléopâtre, ancien cabinet de toilette de la Marquise de Pompadour qui servit également de bureau à Napoléon Bonaparte, puis par le salon des portraits dans lequel Napoléon 3 fit placer 8 portraits de chefs d’Etat qui étaient ses contemporains. Vous passerez ensuite par le bureau privé de l’actuel président de la République puis par le Salon Pompadour (où ont lieu des audiences d’invités et parfois des dîners) puis par le Salon des Ambassadeurs où il est d’usage que soient reçues les lettres de créance remises par les diplomates étrangers au chef de l’Etat. Puis le salon des Aides de camp actuellement utilisé pour les déjeuners ou dîners officiels. Puis, vous passerez par le salon Murat qui accueille depuis la Présidence de Georges Pompidou le Conseil des Ministres qui s’y tient tous les mercredis matins. Vous passerez enfin par le salon Napoléon 3 puis par la salle des fêtes dont le décor fastueux sert à la plupart des cérémonies officielles, avant de ressortir par le jardin…
Salon doré-Bureau présidentiel
Salle des fêtes de l'Elysée
Si vous n’avez pas de sésame ou la patience d’attendre 5 heures, voici quelques autres idées de visites conseillées par "In the mood for cinema" :
-le Palais Royal (Ministère de la Culture et de la Communication, Conseil Constitutionnel, Conseil d’Etat) : 3 rue de Valois- 1er arrondissement- 9H30-18H
Les jardins du Palais Royal vus du Conseil Constitutionnel
-Maison de Victor Hugo-Hôtel de Rohan Guéménée-6 place des Vosges-4ème arrondissement-10H18H
-Institut de France-23 quai de Conti-6ème arrondissement- 10H18H
La coupole de l'Académie Française
-Hôtel de Matignon, 57 rue de Varenne-7ème arrondissement- 10H-17H30
-Palais de l’Elysée-dimanche-9H18H- 55 rue du Faubourg Saint-Honoré-8ème arrondissement
-SACD-1-11bis rue Ballu-9ème arrondissement- 10H-18H
-Cinémathèque Française : costumes mythiques, décors, objets cultes ou premiers films en couleur sont présentés au public au travers d’ateliers, de projections, et de l’exposition « Passion Cinéma » 51 rue de Bercy-12ème arrondissement de Paris- expo passion cinéma, dimanche 10H-20H
-Assemblée Nationale-Palais Bourbon et hôtel de Lassay: 33 quai d'Orsay-7ème arrondissement-9H30-18H
Le perchoir du Président de l'Assemblée Nationale
L'Assemblée Nationale et l'hôtel de Lassay
Intérieur de l'Assemblée Nationale-Citation de Jean Tardieu
Le buste de Jean Jaurès dans la salle des 4 colonnes
-Maison de Balzac : 47 rue Raynouard-16ème arrondissement-10H-18H
-Quai d'Orsay-Ministère des Affaires étrangères
Ci-dessus, le Ministère des Affaires Etrangères vu des jardins