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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
Annette Bening est à Deauville pour l'hommage que lui rendra le festival ce soir et pour deux films dont le premier, en compétition, "Mother and child" de Rodrigo Garcia était projeté hier. Je vous ferai un nouveau bilan de la compétition demain et à cette occasion, je vous parlerai bien sûr de ce film mais en attendant je vous laisse découvrir les vidéos de l'arrivée d'Annette Bening au CID et de sa conférence de presse.
Même à Deauville, je ne peux pas ne pas vous recommander "Des hommes et des dieux" de Xavier Beauvois, le film de la semaine à ne manquer sous aucun prétexte.
Je vous parlais hier des thématiques communes aux quatre premiers films en compétition de cette édition 2010 du Festival de Deauville (cliquez ici pour lire l’article) avec notamment pour thèmes récurrents une Amérique, terre hostile, et des orphelins (enfants ou adolescents) en manque de (re)père ou de mère. Des thèmes sans doute révélateurs d’un pays en quête de modèles et de repères et finalement pas si éloignés de ceux des deux films en compétition du jour qui ont tous deux traits à la guerre en Irak. Deux variations très différentes sur le même thème. Deux façons (en apparence) presque opposées d’aborder le sujet, sujet désormais inévitable du festival, après l’excellent « American son » de Neil Abramson en 2008 et « The messenger » d’Oren Moverman, grand prix du Festival de Deauville 2010.
Alors qu’il y a quelques jours seulement (le 19 août) les troupes américaines ont quitté l’Irak, le conflit est certainement loin d’être terminé pour ceux qui l’ont vécu. Ainsi en est-il de James (Ryan O’Nan) dans « The dry land », premier film de Ryan Piers Williams. Ce jeune soldat américain rentre d’Irak dans sa petite ville du Texas. A son retour toute sa famille l’accueille et notamment sa femme Sarah (America Ferrara –« Ugly Betty »…), sa mère mais aussi son meilleur ami. Rongé par la douleur morale, une violence inextinguible et incontrôlable et par l’oubli de ce qui s’est passé là-bas, il décide de reprendre contact avec un compagnon d’armes pour reconstituer ce douloureux passé.
Le réalisateur, Ryan Piers Williams, n’a pas cherché à révolutionner le cinéma et le revendique. Non, son but est de témoigner, et d’adresser un message d’espoir à tous ces soldats ravagés qui reviennent d’Irak détruits, incompris, hantés par leurs souvenirs. Il n’a pas souhaité faire un film politique mais traité un sujet à auteur d’homme, incarner ces soldats, leur donner un visage, les sortir de leur solitude et leur désarroi. Si l’intrigue est très prévisible, elle n’en résonne pas moins avec justesse (et pour cause Ryan Piers Williams a travaillé sept ans dessus et a rencontré de nombreux soldats et leurs familles). Savoir, comme il l’a expliqué en conférence de presse, que « plus de soldats sont morts suicidés à leur retour aux Etats-Unis que morts au combat en Irak » suffit à justifier l’existence de ce film qui, à défaut d’être original, apporte un nouvel éclairage, qui a le mérite d’être documenté, sur un conflit qui n’a pas fini de faire des ravages. Je vous laisse entendre les explications du réalisateur et de l’actrice principale également coproductrice, sur la genèse du projet (article suivant).
A priori pas grand-chose à voir avec le film de Rodrigo Cortes, « Buried » dans lequel un Américain est pris en otage et enfermé dans un cercueil, en Irak. Muni d’un téléphone portable, il a 90 minutes pour trouver la rançon qui lui réclame ses ravisseurs irakiens. Un homme. Un cercueil. Une lampe. Un téléphone. Peu de possibilités.
Deux partis pris puisque l’un est aussi crédible (the dry land) que l’autre ne l’est pas (Comment parvient-il à respirer ? Comment son téléphone capte-t-il ? Pourquoi n’essaie-t-il pas réellement de s’échapper ?). L’un relève d’un minutieux travail de documentation, l’autre est aux frontières du thriller (comme quelque chose me paraissait sonner faux dès le départ, j’ai cru que c’était délibéré, que le but était d’instiller le doute dans l’esprit du spectateur quant à l’identité des preneurs d’otage, et que nous découvririons qu’il s’agissait d’une manipulation ou d’un coup monté de ses collègues ou autres mais la seule manipulation est celle ici d’une Administration américaine velléitaire quand il s’agit de venir en aide à ses concitoyens, l’idée n’en est d’ailleurs pas moins intéressante), voire du fantastique sans jamais quitter ces quatre planches en bois, ni voir d’autre visage que celui de Paul.
L’idée est sans aucun doute originale et novatrice et c’est avant tout par la force du jeu de Ryan Reynolds (qui incarne l’Américain l’otage Paul Conroy) que notre attention reste soutenue du début à la fin car le dispositif n’est pas toujours convaincant, ainsi ces artificiels plans en plongée, sans doute pour montrer son impuissance qui nous font sortir du sentiment de claustrophobie qui ne cesse de croître pourtant pour Paul. La bande son et les rebondissements sont pourtant là et judicieusement utilisés pour susciter et raviver constamment le sentiment de suffocation, de claustrophobie, d’impuissance. Davantage que la manière ( contestable) c’est l’idée qui m’a séduite, celle de montrer l’inertie de l’Administration Américaine qui, au propre comme au figuré, enterre vivants (« buried » signifie enterré) ces Américains partis pour la défendre ou travailler pour leur pays.
Si « the dry land » n’est pas politique et ne souhaite pas l’être, « Buried » l’est donc malignement. Les 94 minutes (soit 4 de plus que celles imparties à Paul pour trouver la rançon) s’écoulent sans que nous les voyions passer, entre tension et humour acerbe sur l’abstraction et la cruauté de l’Administration ( celle avec un petit a et celle avec un A majuscule d’ailleurs). Le pari est donc partiellement réussi même s’il est dommage que Rodrigo Cortes ait recouru à des ficelles -in-dignes de blockbusters (par exemple la scène du testament ou de la mère atteinte d’Alzheimer) et n’ait pas cherché à cultiver sa différence jusqu’au bout nous laissant le goût amer d’un sujet fort et d’un procédé original qui ne tiennent pas forcément toutes leurs promesses, en revanche c’est sans doute la manière la plus habile de nous inscrire dans l’intimité de ce drame et d’en désigner les responsables.
Malgré leurs différences, dans les deux cas à nouveau une terre hostile (d’ailleurs désignée dans l’un des titres) des êtres qui suffoquent, enterrés vivants, qui crient leur désespoir, rongés par l’incompréhension et en quête d’écoute et d’espoir.
Ces deux films ont été présentés à Sundance . « Buried » sort en salles en France le 3 novembre 2010
France 2 consacrera une soirée à Romy Schneider, le mardi 7 septembre à partir de 20h35 .
En première partie de soirée sera diffusé un numéro inédit de "Un jour, un destin" présenté par Laurent Delahousse et à 22h25, France 2 rediffusera "La piscine" de Jacques Deray, un film que je vous recommande à nouveau et dont vous pourrez lire ma critique ci-dessous.
CRITIQUE DE LA PISCINE DE JACQUES DERAY
Ce film date de 1968, c’est déjà tout un programme. Il réunit Maurice Ronet, Alain Delon, Romy Schneider, Jane Birkin dans un huis-clos sensuel et palpitant, ce quatuor est déjà une belle promesse.
Marianne (Romy Schneider) et Jean-Paul (Alain Delon) passent en effet des vacances en amoureux dans la magnifique villa qui leur a été prêtée sur les hauteurs de Saint-Tropez. L’harmonie est rompue lorsqu’arrive Harry (Maurice Ronet), ami de Jean-Paul et de Marianne chez lequel ils se sont d’ailleurs rencontrés, cette dernière entretenant le trouble sur la nature de ses relations passées avec Harry. Il arrive accompagné de sa fille de 18 ans, la gracile et nonchalante Pénélope (Jane Birkin).
« La piscine » fait partie de ces films que l’on peut revoir un nombre incalculable de fois (du moins que je peux revoir un nombre incalculable de fois) avec le même plaisir pour de nombreuses raisons mais surtout pour son caractère intelligemment elliptique et son exceptionnelle distribution et direction d’acteurs.
Dès les premières secondes la sensualité trouble et la beauté magnétique qui émane du couple formé par Romy Schneider et Alain Delon, la langueur que chaque plan exhale plonge le spectateur dans une atmosphère particulière, captivante. La tension monte avec l’arrivée d’Harry et de sa fille, menaces insidieuses dans le ciel imperturbablement bleu de Saint-Tropez. Le malaise est palpable entre Jean-Paul et Harry qui rabaisse sans cesse le premier, par une parole cinglante ou un geste méprisant, s’impose comme si tout et tout le monde lui appartenait, comme si rien ni personne ne lui résistait.
Pour tromper le langoureux ennui de l’été, un jeu périlleusement jubilatoire de désirs et de jalousies va alors commencer, entretenu par chacun des personnages, au péril du fragile équilibre de cet été en apparence si parfait et de leur propre fragile équilibre, surtout celui de Jean-Paul, interprété par Alain Delon qui, comme rarement, incarne un personnage vulnérable à la sensualité non moins troublante. L’ambiguïté est distillée par touches subtiles : un regard fuyant ou trop insistant, une posture enjôleuse, une main effleurée, une allusion assassine. Tout semble pouvoir basculer dans le drame d’un instant à l’autre. La menace plane. L’atmosphère devient de plus en plus suffocante.
Dès le début tout tourne autour de la piscine : cette eau bleutée trompeusement limpide et cristalline autour de laquelle ils s’effleurent, se défient, s’ignorent, s’esquivent, se séduisent autour de laquelle la caméra virevolte, enserre, comme une menace constante, inéluctable, attirante et périlleuse comme les relations qui unissent ces 4 personnages. Harry alimente constamment la jalousie et la susceptibilité de Jean-Paul par son arrogance, par des allusions à sa relation passée avec Marianne que cette dernière a pourtant toujours niée devant Jean-Paul. Penelope va alors devenir l’instrument innocent de ce désir vengeur et ambigu puisqu’on ne sait jamais vraiment si Jean-Paul la désire réellement, s’il désire atteindre Harry par son biais, s’il désire attiser la jalousie de Marianne, probablement un peu tout à la fois, et probablement aussi se raccrochent-ils l’un à l’autre, victimes de l’arrogance, la misanthropie masquée et de la désinvolture de Harry. C’est d’ailleurs là que réside tout l’intérêt du film : tout insinuer et ne jamais rien proclamer, démontrer. Un dialogue en apparence anodin autour de la cuisine asiatique et de la cuisson du riz alors que Jean-Paul et Penelope reviennent d’un bain nocturne ne laissant guère planer de doutes sur la nature de ce bain, Penelope (dé)vêtue de la veste de Jean-Paul dans laquelle elle l’admirait de dos, enlacer Marianne, quelques jours auparavant, est particulièrement symptomatique de cet aspect du film, cette façon d’insinuer, cette sensualité trouble et troublante, ce jeu qui les dépasse. Cette scène entremêle savoureusement désirs et haines latents. Les regards de chacun : respectivement frondeurs, évasifs, provocants, dignes, déroutés… font que l’attention du spectateur est suspendue à chaque geste, chaque ton, chaque froncement de sourcil, accroissant l’impression de malaise et de fatalité inévitable.
Aucun des 4 personnages n’est délaissé, la richesse de leurs psychologies, de la direction d’acteurs font que chacune de leurs notes est indispensable à la partition. La musique discrète et subtile de Michel Legrand renforce encore cette atmosphère trouble. Chacun des 4 acteurs est parfait dans son rôle : Delon dans celui de l’amoureux jaloux, fragile, hanté par de vieux démons, d’une sensualité à fleur de peau, mal dans sa peau même, Romy Schneider dans celui de la femme sublime séductrice dévouée, forte, provocante et maternelle, Jane Birkin dont c’est le premier film français dans celui de la fausse ingénue et Maurice Ronet dans celui de l’ « ami » séduisant et détestable, transpirant de suffisance et d’arrogance…et la piscine, incandescente à souhait, véritable « acteur ». Je ne vous en dirai pas plus pour ne pas lever le voile sur les mystères qui entourent ce film et son dénouement.
Deray retrouvera ensuite Delon à 8 reprises notamment dans « Borsalino », « Flic story », « Trois hommes à abattre »… mais « La piscine » reste un film à part dans la carrière du réalisateur qui mettra en scène surtout un cinéma de genre.
Neuf ans après « Plein soleil » de René Clément (que je vous recommande également), la piscine réunit donc de nouveau Ronet et Delon, les similitudes entres les personnages de ces deux films sont d’ailleurs nombreuses et le duel fonctionne de nouveau à merveille.
Un chef d’œuvre dont le « Swimming pool » de François Ozon apparaît comme une copie détournée, certes réussie mais moins que l’original. En lisant récemment « UV » de Serge Joncour je me dis que cette piscine-là n’a pas fini d’inspirer écrivains, scénaristes et réalisateurs mais qu’aucune encore n’a réussi à susciter la même incandescence trouble.
Un film sensuel porté par des acteurs magistraux, aussi fascinants que cette eau bleutée fatale, un film qui se termine par une des plus belles preuves d’amour que le cinéma ait inventé. A voir et à revoir. Plongez dans les eaux troubles de cette « piscine » sans attendre une seconde !
La section la plus intéressante de ce Festival de Deauville est décidément celle de la compétition des films indépendants, initiée en 1995, même si les avant-premières et les hommages ont longtemps eu le devant de l’affiche. Si cette année, le tapis rouge deauvillais est déserté par les stars du cinéma américain alors que tant l’ont pourtant foulé et les hôtels par les festivaliers (il suffit pour s’en apercevoir de se rendre dans les salons des deux plus grands hôtels deauvillais inhabituellement désertés a fortiori depuis aujourd’hui,) Deauville reste un vrai plaisir pour les cinéphiles avides de découvertes de curiosités et/ou pépites cinématographiques et le charme de Deauville (même sans Trintignant, n’en déplaise à Vincent Delerm) reste intact et pour moi toujours aussi prégnant. Si je ne peux m’empêcher d’avoir un pincement au cœur en pensant à ce que ce fut ce festival, je n’en reste pas moins enthousiaste notamment grâce à la compétition qui, comme chaque année, et en quatre films sur les douze que compte cette compétition 2010 a encore réussi à me surprendre.
Il est ainsi toujours frappant de constater les points communs entre les films sélectionnés (eux-mêmes probablement le reflet de ceux reçus par les sélectionneurs), souvent l’adolescence. A cela rien d’étonnant puisque les cinéastes en compétition sont souvent très jeunes, mettant ainsi en scène de jeunes héros (d’ailleurs plus souvent antihéros) à fleur de peau. En quatre films se dégage ainsi une tendance puisque les quatre films de cette compétition déjà projetés nous parlent d’orphelins, dans un sens plus ou moins large, et d’enfants ou d’adolescents en quête de repères, égarés, traumatisés par une absence, liés à un parent (ou plusieurs) par un amour aussi inconditionnel que maladroit. Sont-ce encore là les stigmates de l’Amérique de l’ère Bush, en quête d’une autre « paternité »? Sans doute est-ce extrapoler (d’autant qu’un des films se déroule au Mexique, néanmoins produit par Malkovich , sa production américaine expliquant sa sélection à Deauville) mais toujours est-il que les Etats-Unis qui nous sont ici montrés y apparaissent comme une terre hostile, incapable de protéger ses enfants, si éloignée de l’American dream. Effet de la crise aussi sans doute où les enfants sont confrontés aux problèmes des adultes et obligés d’apprendre très tôt un rôle qui n’est normalement pas le leur.
Je vais commencer par le dernier projeté, « Abel », le premier film en tant que réalisateur de l’acteur Diego Luna. Abel est ainsi un enfant de 9 ans qui ne parle plus depuis que son père a quitté la maison. Un jour il retrouve la parole et se prend pour son père. Tout le monde se plie à ses volontés et joue le jeu jusqu’au jour où le père d’Abel réapparait. (Vous trouverez ci-dessous une vidéo de la conférence de presse dans laquelle Diego Luna explique la genèse du film). « Abel » a été présenté hors compétition dans le cadre du dernier Festival de Cannes. Filmé la plupart du temps à hauteur d’Abel, le regard, frondeur, déterminé, si touchant du petit garçon, nous saisit dès le début pour ne plus nous quitter et pour, finalement, arracher au nôtre quelques larmes. Avec beaucoup de pudeur et de drôlerie, parfois pour désamorcer des scènes qui auraient pu se révéler glauques, Diego Luna nous embarque dans son histoire qu’il filme et conte avec beaucoup de tendresse, nous surprend avec ce qu’on attend. Tendresse pour ce petit garçon, un peu celui qu’il a été comme il l’a expliqué en conférence de presse, mais aussi d’une certaine manière pour cette mère, aimante et courageuse, à laquelle son film rend hommage (Diego Luna a perdu sa mère dans sa petite enfance) à travers le personnage de la mère d’Abel. Pour son premier film, Diego Luna a réussi sans doute ce qu’il y a de plus compliqué : donner l’apparence de la simplicité à une histoire qui est loin de l’être et susciter l’émotion, sans jamais la forcer, par le ton du film, burlesque et poignant, par la puissance du sujet et de son (réellement extraordinaire) jeune acteur principal dont, en conférence de presse, Diego Luna a ainsi souligné à quel point (presque effrayant) il avait un comportement adulte, voire paternaliste, à l’image du personnage qu’il a incarné.
Dans « Two gates of sleep » d’Alistair Banks Griffin (sosie officieux de Johnny Depp), la figure absente n’est plus celle du père mais de la mère, la mère de deux frères, qui, suite à sa mort imminente à laquelle ils s’étaient préparés vont entreprendre un voyage difficile avec son cercueil, pour l’enterrer et ainsi honorer sa dernière volonté. Déjà sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs, « Two gates of sleep » a décontenancé plus d’un festivalier. Plus d’un a ainsi quitté la salle au bout de quelques minutes de projection. C’est d’ailleurs dommage de ne pas accepter de se laisser surprendre, de ne pas tenter de voir où va nous conduire un univers qui a le mérite au moins d’être intrigant. Contemplatif, épuré, abrupte, le film d’Alistair Banks Griffin ne répond certes pas à un schéma narratif classique et nous emmène hors des sentiers battus au propre comme au figuré, même si les influences (revendiquées) foisonnent, de Gus Van Sant à Bresson en passant par Tarkovsky ou Ozu. Sa caméra caresse la nature à la fois rugueuse et consolatrice, silencieuse et vibrante (à noter : une judicieuse utilisation de la bande son dans ce film presque muet). Variation et méditation sur la mort, « Two gates of sleep » nous met face à nos propres questionnements sans apporter réellement de réponses. Une expérience déroutante, mystique, intrigante, singulière et universelle qui nous fait suivre, malgré son étrangeté rêche, le voyage de ces deux frères qui n’obéissent qu’à une loi : celle de la nature. Un discours simpliste mais aussi un voyage à la fois beau et éprouvant qui pourra ennuyer ou fasciner mais qui a peu de chances de vous laisser indifférents.
Dans « Winter’s bone » de Debra Granik (dont c’est le deuxième film après « Down to the bone »), c’est à nouveau la figure paternelle qui est absente. Ainsi, Ree Dolly, 17 ans, vit seule dans la forêt des plateaux de l’Orzak avec son frère et sa sœur. Lorsque son père sort de prison et disparait sans laisser de traces, elle n’a d’autre choix que de se lancer à sa recherche sous peine de perdre la maison familiale qu’il a utilisée comme caution. Ree va se heurter au silence des populations du Missouri. Là encore, c’est une absence et une région hostile qui nous sont décrites…quoique hostile soit un euphémisme étant donné le caractère totalement irrécupérable de la famille en question dans laquelle la haine domine et dans laquelle la violence semble être le seul moyen d’expression, et de pallier au manque de communication des populations revêches de cette région. La jeune actrice Jennifer Lawrence , par sa présence à l’écran (un peu trop téméraire pour que ce soit crédible d’ailleurs, même si l’environnement dans lequel elle a baigné dans son enfance peut expliquer sa maturité ), sauve ce film qui n’échappe pas aux clichés et à ses personnages sommairement caractérisés… Il est aussi frappant de constater que là aussi c’est une enfant qui endosse un rôle d’adulte. Sans doute le jury de Sundance (qui lui a attribué le grand prix) a-t-il été séduit par ce qui relève presque de l’étude sociologique et par la jeune actrice.
Enfin dans le dernier des quatre films en compétition déjà projetés, « Welcome to the Riley’s », deuxième film de Jake Scott (fils de Ridley), ce dernier nous parle d’une orpheline, Mallory, stripteaseuse dans un club de la Nouvelle-Orléans, où Doug Riley est en déplacement professionnel. Doug a perdu sa fille unique huit ans auparavant et il va se prendre d’affection pour cette adolescente qui pourrait être sa fille… Première surprise : Kristen Stewart qui incarne la stripteaseuse est étonnamment crédible, en jeune fille insolente (très relativement certes) et fragile. Là encore rien de révolutionnaire mais la transgression provient peut-être finalement de la bonté, rare, du personnage principal (formidable James Gandolfini dans le rôle de Doug), de son empathie, sa sincérité, ses failles. De ce film, de cette histoire de retour à la vie et à l'espoir, qui n’a donc certainement pas la prétention de révolutionner le cinéma se dégage une grâce, un charme, une émotion (là aussi) tout en finesse grâce à des personnages attachants, une réalisation intelligemment sobre.
Je vous ferai un nouveau « bilan » de la compétition dans deux jours et nous verrons si les points communs demeurent les mêmes. En tout cas, si les sujets sont étonnamment proches, les styles des cinéastes sélectionnés sont en revanche très différents et témoignent déjà une nouvelle fois de la diversité, l’inventivité et la richesse du cinéma indépendant américain.