Palmarès des César 2008 :l’hommage à la diversité culturelle
Après un hommage à Michel Serrault (avec un extrait de « Garde à vue » de Claude Miller), à Jean-Claude Brialy (avec un extrait du film  « Les Innocents » de Téchiné), à Jean-Pierre Cassel (avec un extrait des « Jeux de l’amour » de Philippe de Broca), Jean Rochefort, président de cette édition 2008 esquissait quelques pas de danse suivis de son inimitable rire tonitruant, non sans évoquer, au passage, pudiquement et sans les nommer, les trois monstres sacrés précités disparus au cours de l’année passée, mais aussi Ingrid Betancourt, donnant le ton de cette cérémonie, à la fois légère et sérieuse, décalée et élégante, saupoudrée de l’humour caustique  et savoureux d’Antoine de Caunes, de sa dérision et de son auto-dérision ainsi que de celles du président de cérémonie,  qui n’ont malheureusement pas toujours réussi à dérider l’assistance.
Cette 33ème cérémonie a été une belle démonstration de la diversité générationnelle mais surtout culturelle française 
sur laquelle Jeanne Moreau a d’ailleurs insisté (remettant  ainsi comme un flambeau le César d’honneur  que son partenaire du « Temps qui reste » de François Ozon, Melvil Poupaud, lui a remis, à Céline Sciamma, réalisatrice de « Naissance des pieuvres » lui donnant pour mission de le transmettre l’année suivante à un autre réalisateur d’un premier film), récompensant ainsi autant le cinéma plutôt dit d’auteur  avec « La graine et le mulet » d’Abdellatif Kechiche qui a reçu 4 César dits majeurs-un film dont je vous ai longuement parlé, ici - et un cinéma plus "populaire" et académique avec « La Môme » d’Olivier Dahan (qui a reçu 5 César dont surtout des César dits techniques –meilleur son, meilleur costume, meilleur décor, meilleure photo- et, sans surprise, le César d’interprétation féminine pour Marion Cotillard).
En recevant son César d’honneur des mains de Fanny Ardant, et après l’avoir remerciée avec son enthousiasme et son exubérance habituels, Roberto Benigni rappelait que les Français ont inventé le cinéma, la « parole lumineuse », et rappelait notre devoir de « faire le plus grand cinéma du monde ». Il a dédié son César à Bergman et Antonioni disparus cette année et a réclamé une minute de silence en leur honneur, le silence réclamé par le bavard Roberto Benigni étant d’autant plus précieux…
Jeanne Moreau a donc souligné la nécessité de la diversité culturelle et son amour du cinéma, « doux et amer, à l’image de la vie », et qui « nous entraîne bien loin de nous », elle a aussi insisté sur la baisse des subventions aux festivals, des aides aux salles de cinéma, et sur leur nécessité.
L’éclectisme étant un des maîtres mots de cette cérémonie, c’est Michel Houellebecq qui, après quelques propos difficilement audibles et acerbes sur les adaptations de ses propres romans, a remis le César de la meilleure adaptation à « Persépolis ».
L’émotion en retenue et élégance, comme à la cérémonie de clôture du Festival de Cannes 2007, est venue d’Alain Delon, et de son hommage à Romy Schneider, comme à Cannes, aussi, Alain Delon qui a également remis le César d’interprétation féminine à Marion Cotillard saluant son talent tout en lui disant malicieusement « s’y connaître en actrices ».
C’est donc de nouveau Abdellatif Kechiche qui a reçu le César du meilleur film et du meilleur réalisateur et du meilleur scénario original pour « La graine et le mulet », des César qu’il avait déjà obtenus pour « L’esquive » en 2005. Hafsia Herzi a également obtenu le très mérité César du meilleur espoir féminin pour le même film (un César que Sara Forestier avait également obtenu pour « L’Esquive »). Abdellatif Kechiche a souligné le « sentiment de légitimité » que lui procuraient ces César, pour « un cinéma qui se risque à sa propre liberté ». Il a également remercié Claude Berri (tradition des César…), producteur de « La graine et le mulet » selon qui aucun metteur en scène n’a égalé Abdellatif Kechiche depuis Pialat.
Je regrette que le sublime film de Claude Miller « Un secret » n’ait obtenu qu’un seul César, celui du meilleur second rôle féminin pour Julie Depardieu, laquelle avait déjà été récompensée du César du meilleur espoir et du meilleur second rôle en 2004.
Sans surprise, Mathieu Amalric a reçu le César d’interprétation masculine face à des acteurs de nombreuses fois nommés et toujours repartis bredouille : Vincent Lindon, Jean-Pierre Marielle notamment. « Le scaphandre et le papillon » de Julian Schnabel a également été récompensé du César du meilleur montage.

Le remarquable documentaire de Barbet Schroeder dont je vous avais longuement parlé lors du dernier Festival de Cannes où il était présenté dans la section «Un Certain Regard, « L’avocat de la terreur » a été récompensé du César du meilleur documentaire. Barbet Schroeder a remercié celui qui l’appelle son « cher ennemi », Me Jacques Vergès « acteur et victime » de son film.
Dans un français impeccable, Florian Henckel Von Donnersmarck a remercié l’Académie pour son César du meilleur film étranger pour « La vie des autres » évoquant ses références françaises : Truffaut, Balzac, Racine, Molière, évoquant aussi son acteur principal « Ulrich Mühe » décédé depuis, affirmant que les bonnes critiques françaises l’ont apaisé.
Le César du meilleur acteur dans un second rôle a été attribué à Sami Bouajila pour son rôle dans « Les Témoins » de Téchiné, Sami Bouajila déjà récompensé du prix d’interprétation à Cannes pour son rôle dans « Indigènes » de Rachid Bouchareb.
C’est Laurent Stocker qui a obtenu le César du meilleur espoir masculin pour son rôle dans « Ensemble c’est tout » (…de Claude Berri) face aux prometteurs Nicolas Cazalé, Grégoire Leprince-Ringuet, Johan Libéreau et Jocelyn Quivrin.
Le César du meilleur premier film est revenu  à un film d’animation « Persépolis » et enfin celui  de la meilleure 
musique aux « Chansons d’amour », seul César obtenu par le film de Christophe Honoré.
Demain aura lieu la cérémonie des Oscars où le cinéma français pourrait bien de nouveau être à l’honneur non seulement avec les nominations de « La Môme » mais aussi celle du « Mozart des pickpockets» de Philippe Pollet-Villard, César du meilleur court-métrage également nommé aux Oscars. A suivre…
Récapitulatif :
Meilleur film : « La graine et le mulet » d’Abdellatif Kechiche
Meilleur réalisateur : Abdellatif Kechiche
Meilleure actrice : Marion Cotillard pour « La Môme »
Meilleur acteur :Mathieu Amalric pour « Le scaphandre et le papillon »
Meilleur second rôle féminin : « Julie Depardieu » pour « Un secret »
Meilleure musique : « Les chansons d’amour »
Meilleur photo : « La Môme »
Meilleur son : « La Môme »
Meilleurs costumes : « La Môme »
Meilleur décor : « La Môme »
Meilleur premier film : « Persépolis » de Vincent Paronnaud et Marjane Satrapi
Meilleure adaptation : « Persépolis »
Meilleur film étranger : « La vie des autres » de Florian Henckel von Donnersmarck
Meilleur documentaire : « L’avocat de la terreur » de Barbet Schroeder
Meilleur montage : « Le scaphandre et le papillon »
Meilleur second rôle masculin : Sami Bouajila (« Les Témoins »)
Meilleur espoir masculin : Laurent Stocker pour « Ensemble c’est tout »
Meilleur scénario original : « La graine et le mulet » d’Abdellatif Kechiche
Meilleur court-métrage : Le Mozart des pickpockets » de Philippe Pollet Villard
César d’honneur : Jeanne Moreau et Roberto Benigni
César d’honneur posthume : Romy Schneider
Sandra.M

Les César dévoileront leur palmarès ce soir, à 21H, en clair, sur Canal plus, lors d’une cérémonie présidée par Jean Rochefort, présentée par Antoine de Caunes.





La semaine dernière, à la SACD, avait également lieu une rencontre sur l’adaptation 
cinématographique. ( 4 conférences annuelles destinées aux auteurs sont organisées par le CNC et la SACD, la salle est très petite, il est donc recommandé de s’inscrire très tôt ; la prochaine rencontre aura pour thème « Quels tremplins pour la télévision pour les auteurs débutants », le 1er Avril, à 14H, au CNC). Lors de cette conférence Claude Miller et Philippe Grimbert ont évoqué leurs visions respectives de l’adaptation, Philippe Grimbert a souligné à quel point Claude Miller a « bien trahi » son œuvre pour l’adaptation d’





Venant d’obtenir la confirmation de mon accréditation du Festival de Cannes 2008, je vous annonce d’ores et déjà que vous pourrez lire mon compte-rendu en direct du Festival dès l’ouverture sur mon autre blog « In the mood for Cannes » (
Patrice Chéreau présidera le jury du Festival du Film Asiatique de Deauville 2008 et Jan kounen présidera le jury Action Asia. Le Festival  aura lieu du 12 au 16 Mars 2008. Pour en savoir plus sur ce festival, rendez-vous sur mon blog consacré aux festivals de Deauville "In the mood for Deauville" (







Il y a des films comme ça, rares, qui vous cueillent, vous embarquent, vous emprisonnent délicieusement dans leurs univers, douloureux et, puis, lumineux, dès la première seconde, pour ne plus vous lâcher.  C’est le cas d’ « Il y a longtemps que je t’aime », premier film en tant que réalisateur de l’auteur des « Ames grises » (Prix Renaudot 2003 adapté par Yves Angelo) et du « Rapport de Brodeck » qui a également signé le scénario.  La bienveillance de son regard sur ces âmes grises, blessées, insondables, parcourt tout le film. Tous ces personnages, libres en apparence, sont enfermés à leur manière : le grand-père muet à la suite de son accident cérébral est muré dans son silence, la mère de Juliette et Léa est enfermée dans son oubli après l’avoir été dans son aveuglement, le capitaine est enfermé dans sa solitude, Michel –Laurent Grévil- (un professeur qui enseigne dans la même faculté que Léa et qui va s’éprendre de Juliette) est enfermé dans ses livres, Léa est enfermée dans ce passé qu’on lui a volé, et Juliette est encore enfermée dans cette prison à laquelle on ne cesse de l’associer et la réduire. La caméra ne s’évade que très rarement des visages pour mieux les enfermer, les scruter, les sculpter aussi, les disséquer dans leurs frémissements, leurs fléchissements, leurs fragilités : leur humanité surtout. La ville de Nancy où a été tourné le film est quasiment invisible. Nous sommes enfermés. Enfermés pour voir. Pour distinguer les nuances, dans les visages et les regards. Comme cette jeune fille que Michel vient sans cesse voir au musée, enfermée dans son cadre, et qui ressemble à un amour déçu et dont il se venge ainsi parce qu’elle ne peut pas s’échapper. Nous ne pouvons nous enfuir guidés et hypnotisés par le regard captivant, empli de douleur et de détermination, de Juliette. Nous n’en avons pas envie.
Kristin Scott Thomas trouve là un personnage magnifique à la (dé)mesure de son talent, au prénom d'héroïne romantique qu'elle est ici finalement, aimant inconiditionnellement, violemment. A côté d’elle le jeu d’Elsa Zylberstein nous paraît manquer de nuances mais après tout la violence de la situation (le passé qui ressurgit brusquement) justifie celle de ses réactions.  Au contact l’une de l’autre elles vont reconstituer le fil de l’histoire, elles vont renaître, revivre, et illuminer la toile.


