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gilles jacob - Page 2

  • Edito "In the mood for Cannes" n°1: ce que le Festival de Cannes représente pour moi

    affichecannes2009.jpgDernier article avant d'arriver sur la Croisette sur le chemin de laquelle je serai quand cette note sera mise en ligne!

     

    Le prochain article sera publié en direct de Cannes, ce soir...

     

    A la demande d'Allociné (pour son site "Off Cannes" dont je vous communiquerai le lien cette semaine), un article medley "in the mood for Cannes" sur ce que représente le Festival de Cannes pour moi, un article à la suite duquel vous aussi pouvez (dans les commentaires) bien entendu écrire ce que le Festival de Cannes représente pour vous.

     

    Ce que le Festival de Cannes représente pour moi (notamment...):

     

    Avant d’en fouler les célébrissimes marches, pour la première fois, il y a neuf ans déjà (j’avais alors été sélectionnée pour le prix de la jeunesse du Ministère de la Jeunesse et des Sports, avec 39 autres jeunes cinéphiles qui, eux, en revanche, n’étaient pas des marches, ce qui, vu leur nombre, aurait procuré une allure hitchcockienne à cette aventure), Cannes représentait pour moi une mythologie inaccessible,  l’image d’Epinal d’un festival idéalisé à travers le petit écran qui me renvoyait le cliché insaisissable et majestueux d’un cénacle impénétrable (aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours regardé les cérémonies d’ouverture et de clôture, et  l’annonce de la sélection cannoise, avec un vif intérêt), idéalisé comme un diamant pur et étincelant (j’ignorais alors que le diamant, en plus de briller, fasciner, peut dangereusement éblouir et surtout couper, blesser).  Cannes représentait alors pour moi cet endroit mythique où le cinéma est omniprésent, omniscient, omnipotent même. La fête du cinéma. De tous les cinémas. Des cinémas du monde entier. Le miroir grossissant et informant du monde, déroutant parfois aussi. Le reflet de ses colères, de ses blessures, de sa poésie. C’était Cannes qui brandit le poing comme Pialat. Cannes qui embrasse, complimente et encense comme Benigni. Qui émeut aussi, violemment même parfois. Cannes, tourbillon de la vie, envoûtant comme la voix de Jeanne Moreau. Tourbillon de cinéma aussi, évidemment. Cannes et ses rituels, sublimes et parfois ridicules, futiles et nécessaires, dérisoires et essentiels.

     Et désormais ? Désormais, Cannes, c’est pour moi cette bulle d’irréalité où les émotions, les frustrations, les joies réelles et cinématographiques, si disproportionnées, procurent un sentiment d’éternité fugace et déroutant. Désormais, Cannes, c’est aussi une Croisette insolemment insomniaque où se frôle, se heurte une faune inénarrable et volubile, une foule bigarrée aux déambulations unanimes. Cannes, c’est ce va-et-vient incessant de festivaliers  exaltés, harassés, excessifs, cyniques, désinvoltes, las, aveugles et sourds à tout ce qui se déroule hors les murs de la Croisette.

    Cannes, cet animal sauvage palmé, mystérieux et indomptable, qui en a perdu certains et tant à force de les éblouir, les fasciner, les aliéner. Jeu dangereux avec lequel, là plus qu’ailleurs, les personnalités peuvent prendre des reflets changeants, finalement éclairants, révélant le portrait de Dorian Gray en chacun.

     Ne vous méprenez pas: malgré la noirceur, ou plutôt la lucidité du tableau, j’y vais avec un enthousiasme inégalé, une curiosité inextinguible pour le cinéma et la vie qui s’y entremêlent, s’y défient et entrechoquent, étrangement et parfois même sublimement, l’espace d’un inestimable instant,  lequel instant sublime, à lui seul, éclipse alors le souvenir amer de la foire aux vanités que Cannes est aussi. C’est en effet parfois le culte du dérisoire qui y devient essentiel mais qui, à y regarder de plus près, le révèle aussi, si bien ou si mal, cet essentiel.

      Et puis évidemment on aurait presque tendance à l’oublier: il y a aussi le cinéma presque dissimulé derrière tous ceux qui font le leur, le cinéma si multiple, si surprenant, si audacieux, si magique encore et plus que jamais, à Cannes, plus qu’ailleurs. D’ailleurs, à Cannes, tout est plus qu’ailleurs. Les émotions. Le soleil. Les solitudes qui se grisent et s’égarent et se noient dans la multitude. Les soirées sans fin, sans faim à force d’être enchaînées pour certains. La foule si pressée et atypique du festival qui, mieux que nulle autre, sait être passionnément exaltée et aussi impitoyable avec la même incoercible exaltation.

    Cannes, c’est aussi cet endroit où on ne cesse d’être surpris, de s'acharner à ne pas le paraître,  même si d'autres sont vraiment blasés, tristement: valse troublante des apparences que Cannes exhale et exhibe, adore et abhorre. Cannes décidément si versatile et éclectique. A Cannes, nous sommes tous des enfants gâtés, capricieux qui oublions le lendemain, qui oublions que tout doit finir un jour, que la vie ne peut être une fête et un spectacle et une histoire et une nuit sans fin.

    Cannes passionnément : tour à tour haïssable et adorable donc. Effrayante et fascinante. Là où la réalité titube, où la vie virevolte. Cannes hiérarchique et arrogante où, soudain, subrepticement, magnifiquement, surgissent des instants de grâce. Cannes et ses applaudissements effrénés, ses réactions exacerbées, ses émotions démultipliées, ses regards parfois blasés, harassés,  rassasiés. Rassasiés de feindre d’être blasés. Rassasiés d’images. Rassasiés d’hypocrisie, là où, aussi, pour paraphraser Molière, elle est « un vice à la mode » et, là où aussi, elle « passe pour vertu ». Ou, comme le mien, captivé et curieux, le plus souvent.

     Cannes et sa frénésie : de fêtes, de bruit, de rumeurs, de scandales, de cinéma, surtout, malgré tout. Cannes effervescente qui s’enivre de murmures, qui se grise de lumières éphémères, qui s’en étourdit oubliant presque celles du Septième Art. Cannes magique, insaisissable. Cannes versatile. Cannes excessive. Cannes qui ne connaît pas la demi-mesure dans la majesté comme dans la brutalité, dans le rêve comme dans le cauchemar, mais c’est aussi ce qui rend ce festival irrésistible et unique.

     

    Cannes prompt à magnifier ou détruire. A déifier ou piétiner. Cannes où des rêves achoppent, où des illusions se brisent, où des projets s’esquissent, où des carrières s’envolent, où des films vous éblouissent, où des regards étincellent, où des cinéastes émergent, se révèlent au monde, nous révèlent un monde. Le leur. Le nôtre. Cannes et sa palme. D’or et de bruit et de lumières. Tonitruante, retentissante, scintillante. Cannes aux intentions pacifistes, aux débats presque belliqueux. Cannes paradoxale.  Multiple et unique. Lumineuse et violente. Inimitable.

    Cannes, aussi, surtout, le plus grand festival de cinéma au monde que j’aime passionnément, où j’ai tant de souvenirs inénarrables et inoubliables :  j’y ai ainsi découvert  des cinéastes comme Alexandre Sokourov, Nuri Bilge Ceylan, Park Chan-wook, Paolo Sorrentino, James Gray, Fatih Akin et tant d’autres ; j’y ai vécu des instants de cinéma uniques comme les projections d’ « Elephant » de Gus Van Sant, de « L’enfant » des frères Dardenne, du « Pianiste » de Roman Polanski, d’ « Entre les murs » de Laurent Cantet, dans le vertigineux Grand Théâtre Lumière ; j’y ai assisté à la si émouvante cérémonie des 60 ans du festival ; j’y ai assisté aux passionnantes leçons de cinéma de Catherine Deneuve, de Martin Scorsese et de Quentin Tarantino ; j’y ai revu le burlesque et irrésistible «  Mécano de la Général » de Buster Keaton ; j’y ai découvert des films saisissants comme « Je veux voir » de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige ; j’y ai croisé Pedro Almodovar et ses actrices auréolées d’un prix d’interprétation lors d’un moment improbable et magique ; j’y ai vécu de formidables frissons cinéphiliques. De bonheur. D’effroi. D’émotion. De tension.

     Cannes où,  pour paraphraser Gilles Jacob dans son autobiographie, cette année plus que jamais la « vie passera comme un rêve », Cannes qui, pourtant, n’est « pas un paradis pour les âmes sensibles » : Cannes qui marie si bien les paradoxes. Cannes dont j’attends avec une impatience fébrile et grandissante cette 62ème édition avec sa myriade inégalée ( ?) de grands réalisateurs : Almodovar, Resnais, Haneke, To, Campion, Lee, Audiard, Loach et tant d’autres, mais aussi tous ceux, inconnus et non moins talentueux peut-être, que ce festival me fera découvrir!

    Alors… quand  retentira la musique de Saint-Saëns, indissociable de ce festival, réminiscence de tant de souvenirs, ceux de mon enfance à travers l’écran et ceux de mon irréelle réalité, je sais déjà qu’une irrépressible émotion s’emparera de moi, je sais que Cannes m’emportera dans son tourbillon éblouissant et terrifiant, je sais, surtout, après tout, que le cinéma, toujours, finira pas triompher.

    Sandra.M

    Lien permanent Imprimer Catégories : FESTIVAL DE CANNES 2009 Pin it! 2 commentaires
  • « La vie passera comme un rêve » : autobiographie de Gilles Jacob, entre rêve et réalité

    citizen Cannes.jpgAlors que dans 15 jours aura débuté le 62ème Festival de Cannes et retentira à nouveau l’électrisante musique de Saint-Saens indissociable du festival, la fébrilité qui précède toujours le plus grand festival de cinéma au monde s’accroît peu à peu, pour ceux qui auront la chance d’y aller en tout cas, encore que… je me souviens, il y a 10 ans déjà, avant d’aller au Festival pour la première fois, et même bien avant, lorsque je suivais cet évènement avec la plus grande attention et avec une curiosité insatiable, de mon canapé alors ou dans les journaux de cinéma que je dévorais déjà, ce festival illuminait les mois de Mai les plus sombres.

     

    Cette fébrilité est pour moi à son comble cette année d’une part parce que le programme de cette 62ème édition est particulièrement réjouissant avec un nombre record de grands cinéastes (de grands auteurs dirait, à juste titre, Gilles Jacob), d’autre part parce que, pour de nombreuses raisons sur lesquelles je reviendrai ultérieurement, cette édition s’annonce pour moi particulièrement riche et palpitante.

     

    « La vie passera comme un rêve ». La phrase du titre de l’ouvrage de Gilles Jacob est aussi celle que pourraient s’approprier tous ceux qui veulent faire de leur passion une profession, une vie même. Faire que la vie passe comme un rêve. Ressemble à du cinéma, que l’un et l’autre se confondent dans un tango passionné. Et passionnant. Que la vie soit un tourbillon étourdissant comme l’est le Festival de Cannes tout comme il peut, parfois, aussi, être effrayant, ravageur, déstabilisant (mais l’étourdissement l’emporte toujours, la preuve : depuis 9 ans, ce rendez-vous cannois est pour moi incontournable).

     

    Même si vous n’êtes pas des habitués de la Croisette, vous connaissez forcément Gilles Jacob, cet homme à la silhouette longiligne, à l’élégance joliment surannée (tout comme l’est son écriture), au sourire imperturbable, au regard rassurant qui accueille les invités du Festival en haut des marches (ou descendant parfois jusqu’au parvis pour les accueillir, ce dont on apprend dans le livre qu’il s’agit là du privilège suprême).

     

    Plutôt que de n’évoquer que ce tourbillon étourdissant,  qui l’est évidemment d’autant plus pour lui qu’il en occupe les plus hautes fonctions depuis plus de trente ans, Gilles Jacob a eu la bonne idée d’y mêler sa propre histoire personnelle et notamment son enfance qu’il a en partie vécue caché dans un séminaire pour échapper aux nazis, après avoir échappé à une arrestation qui aurait probablement été fatale. Sa deuxième bonne idée est la construction de l’ouvrage, d’ailleurs très cinématographique, une (dé)construction judicieuse un peu à la Mankiewicz ou à la Orson Welles, un ouvrage assaisonné d’humour et d’autodérision à la Woody Allen dont Gilles Jacob est un fervent admirateur. La dernière bonne idée est de n’avoir pas céder à cette mode du déballage personnel sans pour autant que ce soit inintéressant ou convenu. Bien au contraire.

     

    Ce livre qui mêle astucieusement les lumières, souvent aveuglantes de la Croisette (mais par lesquelles il ne s’est jamais laissé éblouir sans pour autant en être blasé), et la mélancolie de l’enfance en apprendra beaucoup à ceux qui ne connaissent rien du festival et ravira encore davantage ceux qui le fréquentent.

     

    On imagine qu’il a dû être difficile de choisir entre la multitude de souvenirs qu’il a engrangés toutes ces années., de choisir ce qui devait rester dans l’ombre ou pouvait passer dans la lumière.

     

    Parmi les anecdotes les plus passionnantes :

     La concurrence avec la Quinzaine des Réalisateurs dont on comprend l’origine et la teneur. Son admiration pour les actrices, en particulier Juliette Binoche ; Isabella Rossellini ;  Jeanne Moreau qu’il définit comme sensuelle, intelligente, malicieuse , talentueuse ; Catherine Deneuve dont il rappelle la peur de parler en public (et qui avait eu l’immense modestie aussi de l’évoquer, lors de sa venue à SciencesPo ) mais là aussi l’intelligence et l’élégance ;  Isabelle Huppert qu’il a choisie comme présidente pour ce festival 2009 et dont deux phrases pourraient justifier le choix :« Je n’ai connu aucune actrice au monde ayant obtenu autant de sélections à Cannes » et « elle est à la fois au centre et à la marge. »  Comment Benigni aura le Grand Prix alors que son film ne correspond pas à la définition de ce prix qui est « un film qui manifeste un esprit de recherche et d’originalité. » Les démons attendrissants de Lars Van Triers. Que deux réalisateurs ont refusé la présidence : Carlos Saura et Andrzej Wajda. Son amitié pour Daniel Toscan du Plantier. Les caprices de certains politiques et, plus encore, de leurs entourages. Son émotion lors du cinquantième anniversaire. L’élégance imperturbable de Clint Eastwood, lors d’un tremblement de terre. Le pourquoi du pin’s star d’Alain Delon et son admiration, aussi, pour celui-ci. L’explication des trois récompenses attribuées à « Barton Fink » des frères Coen, l’année où Roman Polanski présidait le jury et les caprices d’enfant gâté de ce dernier. Le cyclone Depardieu, aussi talentueux qu’imprévisible. Les délibérations, les constitutions épiques des jurys. Les revirements de situations. Les tractations palpitantes et invraisemblables pour obtenir un film. Et autant de personnalités qui deviennent ici des personnages dont il dévoile le plus souvent une facette touchante, sans pour autant édulcorer leurs aspects les plus sombres, notamment ceux de Pialat dont il parle à de nombreuses reprises.  Et puis évidemment, le personnage principal : le cinéma qu’il sert si bien et que Cannes honore si bien depuis trente ans.

      

    Comme l’écrit Gilles Jacob : « Cannes n’est pas un paradis pour les âmes sensibles ». On imagine aisément (d’autant plus que je l’ai parfois constaté) la violence que peut parfois représenter une projection cannoise pour une équipe. Cannes ne connaît pas la demi-mesure dans la majesté comme dans la brutalité, dans le rêve comme dans le cauchemar, mais c’est aussi ce qui rend ce festival irrésistible et unique.

     

    C’est le livre savoureux d’un homme passionné (de cinéma, par les cinéastes, par son festival évidemment mais aussi par la vie), enthousiaste et enthousiasmant, qui mêle intelligemment, cinéma et réalité, son histoire et l’Histoire, et évidemment l’Histoire du cinéma, un homme doucement ironique, empathique, au regard sensible et aiguisé, pétri de cette inquiétude bien légitime, qui ne l’a pas quitté depuis la guerre, et qui fait qu’il a peut-être aussi toujours gardé ce regard d’enfant inquiet et curieux. Un homme   qui a l’humilité et l’élégance des grands. L’élégance de ne pas trop en dire. L’élégance de nous faire partager ce rêve. L’élégance de partager sa passion. L’élégance de faire passer les artistes et les films avant tout. L’élégance qui nous fait comprendre pourquoi Cannes est encore et toujours le premier festival de cinéma au monde. L’élégance mais aussi la folie des passionnés car, comme il le dit lui-même : « Il faut être vraiment fou pour continuer à relever ce défi : révéler, surprendre, faire rêver ». Gageons d’ores et déjà que ce Festival 2009 remplira à nouveau ce beau défi. Révéler. Surprendre. Faire rêver.   Un Festival 2009 qui, à n’en pas douter, à nouveau « passera comme un rêve ».

     

    Si je ne devais garder qu’un souvenir de Cannes, ce serait bien difficile, tant j’en ai déjà, même « seulement » après 8 éditions, mais ce serait peut-être la  mémorable soirée des 60 ans- voir mon article, mes photos et vidéos de cette soirée en cliquant ici- (dont il est dommage que Gilles Jacob n’ait pas parlé, peut-être dans un tome 2 ?), et un souvenir de Gilles Jacob, ce serait son hommage mémorable, ému et émouvant à Catherine Deneuve (voir mon récit ici) qu’il évoque d’ailleurs dans le livre.

     

     Rendez-vous sur  "In the mood for Cannes"  et sur « In the mood for cinema », du 13 au 25 mai, de l’ouverture à la clôture, des salles de projection aux soirées cannoises, pour en avoir le récit de ce 62ème Festival de Cannes.

     

    Sandra.M

  • Discours de Gilles Jacob lors de la remise de la palme d'honneur à Clint Eastwood

    Pour patienter, en attendant ma critique de "Gran Torino" (très très bientôt ), le dernier film de et avec Clint Eastwood que je n'ai pas encore eu le temps de voir, voici le discours de Gilles Jacob en l'honneur de Clint Eastwood lors de la remise d'une palme  d'honneur à ce dernier, le 25 février 2009.

    Pour moi, en tout cas, son meilleur film, son chef d'oeuvre incontesté est pour le moment celui-là.

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    Photo ci-dessus prise par "In the mood for cinema" lors de l'hommage à Manuel de Oliveira, Festival de Cannes 2008

    DISCOURS DE GILLES JACOB LORS DE LA REMISE DE LA PALME D'HONNEUR A CLINT EASTWOOD, CE 25 FEVRIER 2009

    "Mon cher Clint, laissez-moi commencer par une petite devinette. Quelle est à votre avis la plus grande frustration qu’un président de festival puisse éprouver ? Vous ne voyez pas ? C’est pourtant bien simple : il n’a jamais son mot à dire lorsqu’arrive le moment crucial du festival, je veux parler bien sûr de l’attribution des prix. C’est la raison de notre réunion d’aujourd’hui, entre vieux amis. Ne le prenez pas mal : je suis né 15 jours après vous !
    Mais j’en viens au fait. Nous avons décidé de nous accorder, à titre exceptionnel, un privilège qui d’ordinaire nous échappe, à Thierry comme à moi. Il y a bien eu un précédent, la Palme des Palmes décernée à Bergman : aujourd’hui, c’est vous que nous souhaitons honorer, au nom du Festival de Cannes.
    En cela, le Festival ne commet pas un acte révolutionnaire mais accompagne plutôt, par ce geste hautement symbolique, la faveur que le public et la critique internationale unanime vous ont déjà accordée d’enthousiasme. D’ailleurs, il serait impossible de désigner l’une plutôt que l’autre de vos œuvres comme digne de la récompense suprême. Comment choisir entre BIRD, MYSTIC RIVER, MILLION DOLLAR BABY, votre diptyque japonais, ou encore GRAN TORINO, acclamé aujourd’hui comme le film « où Clint Eastwood rassemble toute sa pensée sur son cinéma, sa carrière et son pays ».
    C’est donc le bon moment pour dédier la Palme à Clint Eastwood, auteur de tous ces chefs d’œuvre. Et tant pis pour votre modestie légendaire… J’ai parlé de votre immense talent. Il faut savoir qu’il y a deux Clint Eastwood, tous deux se confondant sous les traits de l’American lonesome hero qui fait tant battre les cœurs de notre Vieux monde. Il y a celui, fameux pour son charisme, son caractère et sa faculté de défourailler son 38 Magnum plus vite que la foudre, je veux parler de l’Inspecteur Harry et autres caractères très populaires, que vous assassinez une bonne fois pour toutes dans GRAN TORINO. Ils vous ont pourtant permis de conquérir votre indépendance et une certaine renommée. Et ils ont permis à l’autre Clint, plus confidentiel celui-là, en tout cas à ses débuts, de réaliser des films personnels, qui ont surpris ceux qui ne vous connaissaient pas par leur charme, leur originalité, leur petite musique de nuit, mon cher Mozart – eh oui, il n’y a pas que le jazz dans la vie - et leur lyrisme bien tempéré. Dans ces deux courants de votre travail, la Brute et le Troublant, chacun ici reconnaîtra sans peine le main stream américain et l’European touch. Je vous laisse deviner lequel des deux je préfère. Mais le réconfortant de la chose est que le public s’est peu à peu intéressé, autant sinon plus, à vos films « about people » qu’à vos films d’action. Car, tel est l’art de votre mise en scène, vous filmez les scènes de tendresse comme des thrillers, et les thrillers comme…des thrillers ! L’itinéraire de MILLION DOLLAR BABY pour lequel j’ai le plus d’affection est à cet égard très convainquant : qui eut dit que ce film nocturne, d’une tristesse infinie, toucherait à ce point le cœur de tous les publics et deviendrait de la sorte un classique ?
    De même pour vos autres chefs d’œuvre. Comme pour les grands metteurs en scène de tous les pays, Bresson, Ford, Ozu, Satyajit Ray, Rossellini, vous avez très vite compris que la simplicité, la caméra à hauteur d’homme, l’exacte durée d’un plan, la nature de l’objectif, la coupe au montage, la situation des plages musicales, étaient affaire de choix. Dans chaque domaine, il n’y en a qu’un seul – et pas un autre. C’est ainsi qu’on s’installe tout doucement dans l’Histoire du cinéma.
    Il peut se faire enfin qu’on soit un grand artiste, mais un égoïste forcené. Ca arrive ! Ce n’est pas votre cas. Quand Pierre Rissient, votre « porte-drapeau » depuis la nuit des temps, s’est retrouvé hospitalisé, atteint d’un mal inconnu au Cedar Sinaï Hospital, il s’est réveillé, vaguement conscient, et en ouvrant les yeux, Clint Eastwood était à son chevet. Depuis combien de temps, on ne sait pas, mais vous aviez tout arrangé pour les soins, pour l’intendance, pour tout, et cet étranger s’est miraculeusement retrouvé nimbé d’une aura de popularité de nature à impressionner l’infirmière la plus rébarbative. Pourquoi j’ai cité en passant cette anecdote inconnue ? C’est que ces qualités humaines, si rares de nos jours, ne sont pas pour rien dans l’honneur que nous vous faisons aujourd’hui. Faisant mentir Scott Fitzgerald que vous citez en exergue de BIRD : « Il n’y a pas de deuxième chance pour un héros américain », je vais maintenant, mon cher Clint, vous remettre la Palme d’or en témoignage de notre admiration et d’une longue connivence d’un quart de siècle. "

  • In the mood for news 7: l'actualité de la semaine du 31 octobre

    L’actualité bloguesque de la semaine :  In the mood for cinema a 3 ans !

    239 notes. 814 commentaires. Désormais, entre 100 et 200 visites quotidiennes en période normale, jusqu’à 500 visites quotidiennes en période festivalière. A quelques jours près, il y a 3 ans, j’écrivais la première note sur « In the mood for cinema ». Au-delà de ces quelques chiffres, c’est avant tout, toujours et plus que jamais, un immense plaisir de partager cette passion et encore plus de savoir que j’ai réussi vous convaincre parfois d’aller voir certains films pour lesquels j’ai eu un coup de cœur. 3 ans d’écriture, de tribulations cinématographiques (enfin 14 ans de tribulations festivalières mais 3 ans que je les relate sur ce blog), de moments parfois insolites ou surréalistes, parfois vécus grâce à ce blog.  Je reçois aussi de plus en de plus de communiqués, de sollicitations diverses pour participer à des blogs collaboratifs,  même si je ne réponds pas toujours positivement (désolée…), je réponds, et c’est toujours plaisant (parfois surprenant) d’être ainsi sollicitée. Tous ces commentaires en live lors du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville m’ont beaucoup touchée, beaucoup de belles rencontres esquissées, je regrette juste parfois de n’avoir pas eu le temps de discuter davantage avec chacun, mais j’ai en tout cas alors réalisé à quel point c’était tout sauf virtuel, et ces statistiques ont pris des visages de passionnés du septième art. Vos commentaires sur le blog, plus timides,  demeurent les bienvenus. Je suis plus motivée que jamais à poursuivre ce blog, à garder ce ton qui est le mien en écrivant pas forcément tous les jours mais au gré de mes coups de foudre cinématographiques. Alors surtout j’espère encore continuer à vous inciter à plonger in the mood for cinema. Par ailleurs, mes deux autres blogs « In the mood for Deauville » (http://inthemoodfordeauville.hautetfort.com ) et « In the mood for Cannes » (http://inthemoodforcannes.hautetfort.com ) reprendront pour le Festival du Film Asiatique de Deauville d’Avril 2008 pour le premier, et évidemment pour le 61ème Festival de Cannes pour le second.

                           L’actualité théâtrale de la semaine : master class Jean-Laurent Cochet

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    En 3 ans de blog justement, je vous en ai déjà parlé un nombre conséquent de fois (voir mes précédents articles à ce sujet, pour en savoir plus, ici), oui, je l’avoue, je suis accro aux master-class de Jean-Laurent Cochet. Comme d’ailleurs  les 400 personnes suspendues à ses lèvres, hier soir. Je me souviens des premières master class, il y a deux ans, des rangs plus clairsemés. Les master class font désormais salle comble. Le spectacle est à chaque fois unique, différent puisque le cours est partiellement improvisé mais l’atmosphère ouatée du théâtre de la Pépinière Opéra est toujours la promesse de deux heures  (cela devait normalement durer 1H40… cela a duré 2H15) hors du temps, dans l’âme du théâtre, à voir valser les mots, tanguer parfois. Rien ne semble pouvoir arriver, tout peut arriver. C’est la magie du théâtre, des mots guidés par le chef d’orchestre  Jean-Laurent Cochet toujours aussi passionnément épris de son art, impertinent, maniant l’humour acerbe avec dextérité, cruel parfois, il n’est pas politiquement correct et ça fait beaucoup de bien : hier soir, pêle-mêle, le Conservatoire, le Cours Florent, la Comédie Française, Charles Berling et son interprétation « désastreuse » de Guitry à la Cinémathèque en ont pris pour leur grade. Et puis les mots de La Fontaine, Molière, Hugo, Musset : des textes rendus si intemporels et contemporains par la grâce des élèves-interprètes que Jean-Laurent Cochet sait si bien souligner tout comme leurs défauts perfectibles. On tremble pour eux, on voyage avec eux dans les siècles et les histoires tragiques. Nous sommes là et ailleurs. Hypnotisés. Transportés par le théâtre, par la voix enthousiaste de Jean-Laurent Cochet, par la magie du théâtre qui n’a jamais aussi bien pris tout son sens. Et immanquablement à chaque fois on en ressort avec l’envie de lire, de dévorer du théâtre et peut-être, aussi, de brûler les planches.  Les prochaines master class parisiennes auront lieu les 12 novembre, 26 novembre et 10 décembre, toujours au théâtre de la Pépinière Opéra. Il est plus que recommandé de réserver. Renseignements : http://www.jeanlaurentcochet.com . « Une pièce de théâtre c’est quelqu’un. C’est une voix qui parle, c’est un esprit qui éclaire, c’est une conscience qui avertit » écrivit Victor Hugo. Ces master class donnent vie à cette voix, cet esprit, cette conscience qui nous accompagnent longtemps après et nous donnent l’envie irrépressible de revenir. Il n’est donc pas impossible que je vous en parle bientôt à nouveau.:-)

                                                                  Les films à l’affiche cette semaine.

                                                     Le film recommandé par "In the mood for cinema" cette semaine

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    D’abord, celui que je vous recommande cette semaine : « Chacun son cinéma », le film des 60 ans du Festival de Cannes. Un film conçu et produit par Gilles Jacob et réalisé Theo Angelopoulos, Olivier Assayas, Bille August, Jane Campion, Youssef Chahine, Chen Kaige, Michael Cimino, Ethan & Joel Coen, David Cronenberg, Jean-Pierre & Luc Dardenne, Manoel de Oliveira, Raymond Depardon, Atom Egoyan, Amos Gitai, Hou Hsiao-Hsien, Alejandro González Iñárritu, Aki Kaurismäki, Abbas Kiarostami, Takeshi Kitano, Andrei Konchalovsky, Claude Lelouch, Ken Loach, David Lynch, Nanni Moretti, Roman Polanski, Raúl Ruiz, Walter Salles, Elia Suleiman, Tsai Ming-Liang, Gus Van Sant, Lars Von Trier, Wim Wenders, Wong Kar Wai, Zhang Yimou.

    Ces 34 cinéastes issus de 25 pays différents constituent un générique hors du commun,  et c’est surtout avant tout un générique hors du commun, un événement en soi. A travers le même lieu (tous les cinéastes avaient les mêmes contraintes : le même budget,  3 minutes, et la salle de cinéma au sens large pour cadre), c’est avant tout un instantané de notre société qui puise beaucoup dans le cinéma d’hier (et de la Nouvelle Vague à laquelle il est très souvent fait référence), une société aveuglée dans les deux sens du terme (vous comprendrez en voyant les films…), pessimiste, cloisonnée et solitaire, assez égocentrique. C’est inégal mais avant tout instructif. Sur une époque. Sur une vision du cinéma. Sur l’univers de cinéastes, parfois immédiatement reconnaissables …ou non.  C’est à la fois une leçon de cinéma et de vie. C’est parfois drôle, par moment poétique, parfois décevant, c’est un voyage à travers un même lieu qui en a suscité tant. Et puis au-delà de ça, c’est pour moi un de mes plus grands souvenirs d’un festival de cinéma. Cette soirée des 60 ans restera à jamais gravée dans ma mémoire de festivalière. Si vous voulez lire mon récit intégral de cette soirée,  c’est ici :

                              http://inthemoodforcannes.hautetfort.com/soiree_des_60_ans_du_festival/  ,

    vous y trouverez également mes photos et vidéos de cette montée des marches exceptionnelle et de ce moment unique. Vous en trouverez deux exemples ci-dessous.

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    Montée des marches de Sharon Stone, soirée des 60 ans du Festival de Cannes 2007. Copyright photo: Sandra.M
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    Montée des marches des frères Dardenne, soirée des 60 ans du Festival de Cannes. Copyright photo: Sandra.M

                                                                 Les autres films à l’affiche

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    Demain sort également « La forêt de Mogari » de Naomi Kawase qui a reçu le grand prix au dernier Festival de Cannes (voir ici :  http://inthemoodforcannes.hautetfort.com/palmares/  ), un film très contemplatif, un peu trop, tellement qu’il nous égare un peu dans la forêt en cours de route malgré les qualités indéniables de mise en scène de la réalisatrice, des qualités qui légitiment et expliquent le choix du jury, ce prix étant souvent destiné à des films aux choix de mise en scène radicaux.

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    Demain, vous pourrez également voir le décalé « L’heure zéro » de Pascal Thomas présenté en clôture du dernier Festival du Film Britannique de Dinard. Voilà ce que je vous en disais alors :

    Et puis le film de clôture, parce qu’il le faut bien, toujours, un jour ou l’autre : une adaptation d’Agatha Christie, « L’heure zéro » signée Pascal Thomas qui ne nous évade pas tout à fait de la réalité puisque ce film se déroule à Dinard dans une vieille demeure, la Pointe aux Mouettes, un Dinard menaçant (pas suffisamment) et intemporel où se retrouve toute la famille Neuville, dans une atmosphère électrique, avec à la clef une mort inéluctable puisqu’on est chez Agatha Christie, et le meurtrier le plus improbable, puisqu’on est chez Agatha Christie. Avec ce film Pascal Thomas s’amuse : avec les temporalités et les époques dont il brouille astucieusement les repères. Avec le ton du film, celui de la farce qui sied finalement à une adaptation d’Agathie Christie, qui, de Miss Marple à Hercule Poirot, affectionne le second degré, l’autodérision, le décalage.  Laura Smet en épouse déjantée, Melvil Poupaud en mari écartelé entre deux femmes aussi étranges l'une que l'autre, Alessandra Martines en gouvernante, et Danielle Darrieux en vieille dame indigne sont assez réjouissants, suffisamment pour se laisser prendre au jeu de ce qu’il ne faut pas prendre pour davantage que ce qu'il aspire visiblement à être : une farce ludique, prétexte à des numéros d’acteurs, où le second degré prime sur la résolution du crime.

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    Enfin, demain sort « Le rêve de Cassandre », le dernier film (et peut-être pas ultime…) de la trilogie londonienne de Woody Allen. Je n’ai pas vu ce film (mais je vous en reparle très bientôt),  en attendant, je vous renvoie vers mes critiques élogieuses de "Scoop" et "Match point". Celle de ce « Rêve de Cassandre » le sera-t-elle autant ? A suivre…

                                                      L’appel à candidatures de la semaine

    Vous êtes étudiant (e) en cinéma d’une école ou université parisienne ? Vous voulez faire partie d’un jury ? Alors cette annonce est pour vous:

     Pour sa 13ème édition, du 28 novembre au 4 décembre 2007, Les Rencontres internationales de cinéma à Paris du Forum des images ouvrent leurs portes à 7 étudiants en cinéma et audiovisuel venant des universités et écoles de Paris et d’Ile de France.
    Ces jeunes constitueront le jury du Prix Nouveaux Regards qui récompensera le film de leur choix dans la sélection internationale des Rencontres : 12 longs-métrages de fiction et de documentaires à voir en 6 jours au cinéma Reflet Médicis, qui accueille cette année le festival dans le cadre de la programmation hors les murs du Forum des images. Un véritable marathon de visionnage attend les 7 étudiants !Le Prix Nouveaux Regards sera remis par les étudiants au réalisateur lauréat lors de la cérémonie de clôture, le 4 décembre 2007. Ce prix, sponsorisé par Titra Films, est doté d’un à-valoir de 2 500 € sur des travaux de sous-titrage.
    Une personnalité du cinéma présidera le jury et accompagnera les étudiants lors de la délibération du prix et dans leur analyse critique des films visionnés. Pendant 6 jours, les étudiants bénéficieront d’une accréditation leur donnant accès à toutes les manifestations du festival : projections, ateliers professionnels, débats, avant-premières… Pour être candidat au Prix Nouveaux Regards 2007, remplissez la fiche de participation ci-jointe et renvoyez-la accompagnée d'une critique de film récente avant le 4 novembre par e-mail à l’attention de :  Isabelle Lefrançois, coordinatrice du Prix Nouveaux Regards. L’équipe des Rencontres internationales de cinéma à Paris sélectionnera les 7 étudiants en fonction de leur profil, de leur critique et après un rapide entretien.
    Pour recevoir le questionnaire et en savoir plus contactez  Isabelle Lefrançois : isabelle.lefrancois@forumdesimages.fr

    Je vous laisse plonger in the mood for cinema en attendant d’autres actualités cinématographiques.

    Sandra.M