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Cinéma - Page 278

  • "The Fountain", l'ensorcelant film de Darren Aronofsky

    Cette semaine, je vous conseille un film projeté en avant-première lors du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville ainsi commenté dans mon compte-rendu dudit festival:

    medium_afc11_2_bis.jpgAux antipodes de ce film : The Fountain de Darren Aronofsky qui nous emmène dans la quête éternelle d’un homme pour sauver la femme qu’il aime, au 16ème, 21ème et 26ème siècle. The Fountain est de ces films qui vous agacent ou vous ensorcellent. Qui ne vous laissent pas indifférent. Et c’est déjà énorme. Peut-être d’ailleurs, si je n’avais vu tous ces films en compétition dramatiquement semblables et dramatiquement là, aurais-je fait partie de la première catégorie, agacée par cet imbroglio scénaristique.  Oui mais voilà dix jours de films glauques sont passés par là et je me suis laissée envoûter, j'étais ensorcelée, hypnotisée par ce film fascinant au sens premier du terme d’une mélancolie sombre et lumineuse. The Fountain vous hypnotise littéralement et vous embarque dans sa folie, son utopie, sa beauté formelle indicible, sa quête vaine et d’autant plus magistrale , celle de la fontaine de jouvence, de la vie et surtout de l’amour éternels. On le regarde comme on admirerait un tableau somptueux, onirique et cauchemardesque à la fois, jusqu’à épuisement, jusqu’à satiété, avec l’envie de se fondre dans son univers, d’en percer le mystère, les yeux écarquillés, accrochée à son fauteuil, en espérant que le voyage et l’immersion dureront encore et encore, que l’amour absolu de Tommy et Izzi nous entraînera dans son tourbillon fantastique. Si le spectateur oublie le temps qui passe, Tommy aussi et à vouloir trouver sans cesse un moyen d’être avec sa femme pour l’éternité il passe à côté du présent et du temps qu’il pourrait véritablement passer à côté d’elle.  C’est aussi peut-être une belle métaphore de la création : à courir après l’immortalité, l’artiste en oublie le présent. A refuser d’accepter la mort, il en oublie la vie. Une fresque intemporelle et utopique à regarder sans modération. Pour s’y fondre dans un délicieux et tortueux oubli.

    Sandra.M

  • "Hors de prix" de Pierre Salvadori: une comédie 4 étoiles

    medium_hors.JPGAprès vous, le précèdent film de Pierre Salvadori avait un petit  air de famille avec les films de Claude Sautet. Avec Hors de prix, c’est du côté de la comédie américaine des années 40 et 50 et du cinéma de Ernst Lubitsch et de Billy Wilder que lorgne cette fois le réalisateur.

    Jean (Gad Elmaleh) est un serveur timide dans un grand hôtel. C’est là qu’Irène (Audrey Tautou) le rencontre et le prend pour un milliardaire. Irène a en effet un goût très prononcé pour les milliardaires, souvent grabataires, surtout pour leurs portefeuilles. Mais rien ne va se passer tout à fait comme prévu : Jean va tomber amoureux d’Irène et le serveur timide va être prêt à tout pour séduire la jeune intrigante, même imiter son mode de vie…

    Ce qui marque d’abord, dès les premiers plans, c’est l’attention avec laquelle Salvadori filme les objets, les lieux, les visages, qu’ils soient ridés, jeunes, lisses, refaits, pathétiques, ou même sinistres… Alors qu’en général dans les comédies la réalisation passe au second plan après le scénario, elle est ici un véritable outil au service de l’histoire. Cette réalisation soignée parfois judicieusement elliptique, recourant intelligemment au hors-champ, jouant sur le comique visuel, de répétition, de situation,  met aussi en valeur les comédiens, vraiment épatants, magistralement dirigés, passant d’un sentiment à l’autre à une vitesse déconcertante. Enfin, Audrey Tautou, ici flamboyante, sort des rôles de jeunes filles maussades et introverties, souvent pâles copies d’Amélie Poulain, pour jouer la femme fatale et apparemment futile. Elle a l’espièglerie et la grâce d’Audrey Hepburn, et la gouaille d’Arletty. Quant à Gad Elmaleh il fait de ce Jean un François Pignon encore plus et mieux François Pignon que celui qu’il jouait dans La Doublure de Veber. L’amour lui donne des ailes, de l’audace surtout, de l’inconscience aussi, un charme irrésistible enfin. Pour elle, l’argent est une fin, l’amour est un moyen. Pour lui, l’amour est une fin, l’argent est un moyen. Dans ce jeu de la séduction, les rôles vont néanmoins basculer. Gad Elmaleh prouve une nouvelle fois l’étendue de son talent (et son goût ancien pour le mime), avec ce personnage burlesque aux airs busterkeatoniens de clown , à la fois triste et drôle,  attendrissant en tout cas, contenant dans son regard une poésie mélancolique et une naïveté sidérante.

    De l’hôtel du Palais à Biarritz à l’hôtel de Paris à Monaco, en passant par Cannes et Saint-Tropez, on se grise avec eux de luxe, de ces bons mots délicieusement cyniques, et de ces instants qui scintillent destinés à faire oublier. Eux leur solitude et le masque de bonheur que leur procurent leurs existences futiles. Nous, le froid et le temps qui passe. Salvadori brosse en effet le portrait acide de personnages cruels, cupides, seuls surtout, et finalement touchants qui croient pouvoir tout acheter même ce qui est hors de prix, même ce avec quoi repartiront Jean et Irène, sans un sou, mais plus riches que jamais .

    C’est étincelant, joyeusement amoral,  cyniquement émouvant, légèrement grave. C’est pétillant comme les bulles de champagne dont ils s’enivrent, et nous avec eux. Après Chabat et Gainsbourg dans Prête-moi ta main, Carré et Garcia dans 4 étoiles, Zem et France dans Mauvaise foi (toujours à l’affiche, une comédie douce amère que je vous recommande vivement), un nouveau duo au départ improbable qui relève finalement  de l’évidence par l’imagination des cinéastes, et qui prouve la bonne santé de la comédie romantique française, et même de son existence au même titre que la comédie britannique ou américaine.

    Sandra.M
  • Claude Lelouch invité des rencontres débats de la Sorbonne le 19 décembre

    Comme l'an passé, le Master 2 professionnel cinéma, en scénario, réalisation, production de l'Université de Paris 1 Panthéon Sorbonne (fraîchement baptisé Master Ciné-création) organise des rencontres débats intitulées "caméras subjectives", préparées et présentées par les étudiants. Même si je manque forcément d'objectivité, ayant fait partie de sa tumultueuse et non moins enrichissante première promotion l'an passé, je peux néanmoins vous affirmer que ces rencontres sont toujours passionnantes et singulières à l'image des questions posées, souvent différentes de celles posées par les Médias. Elles sont de surcroît ouvertes au public qui peut également poser des questions.

     Mardi 19 décembre, à 19 heures, comme souvent, sera reçu un invité de marque en la personne de M. Claude Lelouch (au sujet duquel vous pouvez retrouver de nombreux articles sur ce blog, notamment dans le compte-rendu du dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville).

    Le thème de ces rencontres (l'an passé celui des films à petit budget ) est cette année celui de la direction d'acteurs. Je vous encourage donc vivement à y aller. N'hésitez pas à faire part de votre opinion sur ce blog ensuite.

    medium_lelou.JPG

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : IN THE MOOD FOR NEWS (actualité cinématographique) Pin it! 5 commentaires
  • Drôle de drame de Marcel Carné, une "bizarrerie" incomprise: d'un drôle de drame à une drôle de guerre

    • Lors de sa sortie en 1937,  Drôle de drame  est un échec, le public étant désorienté par son ton acéré et par son medium_drole2.2.JPGsynopsis rocambolesque que la précision de son écriture rend néanmoins parfaitement compréhensible.
    •  L’intrigue se déroule ainsi à Londres en 1900. Elle met en scène le professeur de botanique Molyneux (Michel Simon) qui écrit en cachette des romans policiers sous le pseudonyme de  Félix Chapel. Son cousin Soper, évêque de Bedford (interprété par Louis Jouvet) qui a lancé une véritable croisade contre ces livres « impies » s’invite à dîner chez Molyneux ignorant qu’il s’agit aussi de Felix Chapel.  La cuisinière ayant déserté le domicile, les Molyneux préfèrent eux aussi quitter le domicile en le laissant seul plutôt que d’avouer que c’est Mme Margaret Molyneux(Françoise Rosay) qui a fait la cuisine. Persuadé que Molyneux a tué sa femme, l’évêque alerte alors la police. Déguisé en Chapel, arborant une fausse barbe Molyneux est contraint de revenir sur les lieux « du crime » pour effectuer un reportage, lieux alors occupés par la presse et encerclés par une foule furibonde. Pendant ce temps William Kramps (Jean Louis Barrault) l’assassin de boucher décide de tuer Chapel et tombe amoureux de Mme Molyneux tout en sympathisant avec Mr Molyneux...ignorant qu’il s’agit aussi de Chapel. Tout dégénère dans la folie  générale et dans la loufoquerie. Le boucher avoue finalement le meurtre qu’il n’a pas commis et Molyneux est contraint d’être Chapel à vie, sacrifiant ainsi sa véritable identité et assumant jusqu’à la fin de ses jours sa fonction d’escroc littéraire. 
    • Carné et Prévert qui désiraient à nouveau collaborer ensemble avaient d’abord songé à s’inspirer d’un fait divers sur un bagne d’enfants de Belle-île-en mer. La censure s’y opposa et le producteur prévu, le commandant d’aviation Coriglion Molinier, ami d’André Malraux, leur propose alors deux sujets dont il avait acquis les droits  dont le roman de J. Storer-Clouston  The lunatic at large or his first offence  paru en France sous le titre de  La mémorable et tragique aventure de Mr Irwyn Molyneux.  Carné, Prévert et l’équipe technique s’étaient tant amusés à réaliser le film qu’ils étaient persuadés qu’il en irait de même pour le spectateur. Ce film qui se voulait avant tout ludique ne séduisit pourtant pas du tout le public qui le jugea aussi « bizarre, bizarre » que la réplique qui l’a immortalisé.  Le film a même été accueilli par des sifflets et un véritable chahut et au Colisée où il passait en exclusivité il fut accueilli par des « Idiot », « On se fout de nous » particulièrement encourageants…  En province il fut même présenté  avec le slogan « le film le plus idiot de l’année. »   Le public  d’Outre-Manche sera beaucoup plus sensible au film présenté au nom de « Bizarre…bizarre ! » Son caractère théâtral lui fut également reproché  faisant dire à certains que le véritable « réalisateur » n’était pas Carné mais son scénariste Jacques Prévert , Carné n’ayant alors fait, selon ses détracteurs,  que transcrire le texte en film. Certaines critiques furent alors aussi acerbes que les propos du film : « Marcel Carné a essayé, c’est visible, de transposer dans le style français cette loufoquerie arbitraire et clownesque, qui nous ravit tant dans les films américains. Il n’est parvenu qu’à une sorte de violent vaudeville théâtral, au dessin caricaturalement stylisé(…) »  (Les Beaux Arts du 29.10.1937)[1]ou encore dans  Candide , du 28 octobre 1937 Jean Fayard écrivit : « tout cela est trop compliqué, trop verbeux, trop appuyé, trop voulu » même si d’autres reconnaissaient déjà  qu’il n’y avait « pas une faute à relever dans cette comédie échevelée. »[2] 
    • Ce qui déconcerte peut-être davantage encore le public ce sont probablement les personnages, aucun n’étant véritablement innocent à commencer par les traditionnels amoureux des films de Prévert ici inspirateurs des romans infâmes de Chapel et qui reçoivent « la première pierre de celui qui n’a jamais pêché », probablement le seul personnage véritablement innocent du film. Le balayeur n’est pas plus innocent (« C’est justement les affaires des autres qui m’intéressent ») que le gardien de prison qui n’hésite pas, moyennant finance, à fermer les yeux sur le baiser échangé par les amoureux à travers les grilles de la cellule. Les personnages sont même parfois d’un véritable cynisme comme ce curieux noceur interprété par Marcel Duhamel qui prend le deuil des morts qu’il ne connaît pas afin de se sentir « moins seul dans la vie. » 
    • medium_drole.JPGDrôle de drame  est en effet une véritable critique sociale où le paraître prime sur l’être et engendre cette folie et ce quiproquo généralisé entre petits mimosas carnivores et évêque gastronome. Personne n’échappe à la critique ou à l’ironie cinglante : pas plus la bourgeoisie et ses mensonges sociaux qui préfère passer pour criminelle plutôt que pour « des imbéciles » en manquant aux usages. Ce sont aussi les délires d’une vieille tante qui n’a jamais pu supporter sa famille, l’exagération de la presse à sensation, les délires moralisateurs d’un homme d’Eglise finalement ridiculisé d’un kilt et même accusé du meurtre qu’il avait dénoncé, l’incompétence de la police qui se laisse entraîner dans cette histoire rocambolesque sans vraiment se poser de questions etc.
    •  Le peuple n’a d’ailleurs probablement pas apprécié l’image que le film lui renvoyait. Il est en effet dépeint  comme versatile. Ainsi, après avoir réclamé la tête de Molyneux puis celle de sa femme et celle de l’évêque, il exige finalement celle de William Kramps. La bourgeoisie n’a pas plus apprécié cet humour ravageur qui souligne  son souci des convenances. Cette critique passe également par des dialogues avec des expressions du langage courant qui prennent ici un tout autre sens comme l’inspecteur qui dit à Molyneux déguisé en Chapel et revenant sur les lieux du crime : « Considérez-vous ici comme chez vous. » Ces dialogues furent aussi jugés trop travaillés : « Là où il y a contrepoison il y a poison »  ou encore le célèbre « mimétisme du mimosa » de Michel Simon. On y retrouve pourtant les décors de Trauner, les images de Schufftan qui avaient contribué au succès des films du réalisme poétique.
    • Il semble donc qu’on ne puisse pas rire de tout en 1937, que par un drôle de drame on ne puisse faire oublier qu’une drôle de guerre se profile. Le film connaîtra néanmoins un véritable triomphe lors de sa reprise nationale en 1952, peut-être le public avait-il alors davantage le goût de rire de tout...
    • Sandra.M

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  • Suspendre le vol du temps avec "Le prestige" de Christopher Nolan ou "Perhaps love" de Peter Chan Ho-sun

    medium_prestige.jpgDepuis qu’il avait été primé pour Following lors du 10ème Festival du Film Britannique de Dinard 1999 dont j’avais eu la chance de faire partie du jury cette même année, je suis avec beaucoup d’intérêt la carrière de Christopher Nolan qui, ensuite, avec Memento avait confirmé sa singularité et son indéniable talent. J’attendais donc avec beaucoup d’impatience cette adaptation du roman de Christopher Priest, aux sujet et casting alléchants.

     L’intrigue se déroule à Londres, au début du siècle dernier. Un magicien, Robert Angier (Hug Jackman), meurt lors de son tour emblématique qui électrise les foules « le nouveau transporteur ». Son rival, Alfred Borden (Christian Bale), est accusé et emprisonné.  Robert Angier et Alfred Borden sont deux magiciens qui s’opposent d’abord amicalement puis avec une haine et un orgueil vengeurs lorsque Borden aura, par ambition pour son art, provoqué accidentellement la mort de l’épouse d’Angier. L’envie de surpasser l’autre et de provoquer sa ruine va alors devenir obsessionnelle et l’assistante d’Angier, Olivia, (Scarlette Johansson) qui sera ensuite celle de Borden va être l’instrument de la passion dévorante des deux hommes pour leur art …

    Le prestige c’est le dernier acte d’un tour de magie. Le premier acte, la promesse présente au public une situation banale. Le deuxième c’est le revirement, l’extraordinaire. Enfin c’est le prestige, le dernier acte, le plus fascinant.  Le film est lui-même construit à l’image de ces trois actes, étant tout entier une formidable métaphore d’un tour de magie d’abord, de la magie du cinéma ensuite. Le spectateur se trouve alors dans la même situation que le spectateur des spectacles d’Angier et Borden : intrigué puis admiratif puis fasciné.

    « Vous n’avez pas envie de comprendre, vous avez envie d’être dupé ». Cette voix off pourrait s’appliquer aussi bien au cinéma qu’au spectacle auquel assistent les spectateurs des tours de magie d’Angier et Borden. Le spectateur a tous les indices sous les yeux et ne voit que ce qu’il a envie de voir, pourtant la clef, il l’a, dès le premier plan du film, celui de ces multiples chapeaux amoncelés, et dans de nombreux plans suivants. Mais il préfère se laisser embarquer, oublier que le temps passe, oublier qu’il y a une clef au mystère, oublier que c’est du cinéma, oublier la réalité, tout simplement.

     Un prestigieux divertissement que l’on regarde comme un tour de passe-passe avec des yeux d’enfants écarquillés. Un prestigieux divertissement et pas seulement : on se demande aussi jusqu’où, jusqu’à quels sacrifices on peut aller par amour pour son art, quel qu’il soit, presque jusqu’au déni de soi-même en l’occurrence.  C’est ce qui, aussi, de prime abord différencie les deux magiciens : l’un est prêt à tous les sacrifices. L’autre, non. Mais jusqu’à quel point le désir de vengeance mais surtout la passion pour leur art, leur obsession de vaincre l’autre, l’orgueil vont-ils les pousser à enfreindre les règles qu’ils s’étaient fixés? Jusqu’au point de non retour, peut-être, quoique rien n’y est jamais certain ou univoque…

    Ce Prestige est un film en trompe l’œil, une véritable symphonie visuelle à laquelle Londres sert de cadre dans une atmosphère obscure et envoûtante. A vous de voir si vous ne voulez rien voir… A vous de choisir si vous préférez être dupés ou comprendre, si vous préférez le prestige ou la vérité, si vous préférez le cinéma ou la réalité, le fantastique ou la science.

    En tout cas, un film ensorcelant et captivant qui joue avec notre regard et notre attention notamment par des flash-backs qu’affectionne d’ailleurs Christopher Nolan, une brillante métaphore et démonstration de la magie…du cinéma que je vous recommande vivement.

     En Février sortira The Illusionist d’Edward Norton présenté au dernier Festival du Cinéma Américain de Deauville. On y retrouve cette même atmosphère sombre. Des deux, je vous recommande  néanmoins le premier, le second vaut le déplacement uniquement pour la formidable performance d’Edward Norton.

    A noter : David Bowie interprète Tesla, qui a véritablement existé et découvert le champ magnétique rotatif.

    medium_perhaps_love.JPG Puisqu’il est question de divertissement, j’en profite pour vous recommander un film présenté en avant-première au dernier Festival du Film Asiatique de Deauville qui avait recueilli le lotus d’or…des applaudissements ! C’est une comédie musicale du Hongkongais Peter Chan Ho-sun intitulée Perhaps love qui entraîne le spectateur dans un univers chatoyant, enchanté et enchanteur.

    Pékin, il y a longtemps…Lin Jiang Dong souhaite faire carrière dans le cinéma quand il tombe amoureux de la jolie Sun Na, danseuse dans un bar. Elle aussi espère un jour briller à l’écran… 

     

    Avec cette comédie musicale romantique et virevoltante, au rythme soutenu, Peter Ho-Sun Chan a su nous éblouir sans nous aveugler ou nous tromper, ayant construit un véritable scénario dont la fin peut rappeler celle du sublime Casablanca de Michael Curtiz dont les amateurs ne pourront qu’être charmés par ce Perhaps love mais aussi les amoureux du septième art puisque Perhaps love est aussi une mise en abyme lyrique au rythme époustouflant.

    Sandra.M
  • Les "Coeurs" en hiver d'Alain Resnais

     medium_coeurs.4.JPGLe film choral est à la mode. Alain Resnais, cinéaste emblématique de la modernité, ne suit pas les modes mais les initie, encore. Malgré le temps, sa modernité n’a pas pris une ride et de ce point de vue du haut de ses 83 ans, mais surtout du haut de ses innombrables chefs d’œuvre (Hiroshima, mon amour,  L’année dernière à Marienbad, Nuit et brouillard, On connaît la chanson, Smoking, no smoking, Je t’aime, je t’aime et tant d’autres), il reste le plus jeune des cinéastes. Coeurs est l'adaptation de Private fears in public places, une pièce de théâtre de l'auteur anglais Alain Ayckbourn dont Alain Resnais avait déjà adapté en 1993 une autre de ses oeuvres, pour en faire Smoking, No smoking. Ce film, choral donc, croise les destins de six « cœurs en hiver » dans le quartier de la Grande Bibliothèque, quartier froid, moderne et impersonnel, sous la neige du début à la fin du film. La neige, glaciale, évidemment. La neige qui incite à se presser, à ne pas voir, à ne pas se rencontrer, à fuir l’extérieur. C’est donc à l’intérieur qu’il faut chercher la chaleur. Normalement. A l’intérieur qu’on devrait se croiser donc. Alors, oui, on se croise mais on ne se rencontre pas vraiment. C’est probablement d’On connaît la chanson que se rapproche le plus ce film, en particulier pour la solitude des personnages. Le dénouement est pourtant radicalement différent et avec les années qui séparent ces deux films la légèreté s’est un peu évaporée. Ainsi, dans On connaît la chanson les personnages chantent. Là, ils déchantent plutôt. Ils sont en quête surtout. En quête de désirs. De désir de vivre, surtout, aussi. Même dans un même lieu, même ensemble, ils sont constamment séparés : par un rideau de perle, par la neige, par une séparation au plafond, par une cloison en verre, par des couleurs contrastées, par des cœurs qui ne se comprennent plus et ne battent plus à l’unisson. Non, ces cœurs-là ne bondissent plus. Ils y aspirent pourtant. Le coeur se serre plus qu’il ne bondit. A cause des amours évanouis. Des parents disparus. Du temps passé. Ils sont enfermés dans leur nostalgie, leurs regrets même si la fantaisie et la poésie affleurent constamment sans jamais exploser vraiment.  La fantaisie est finalement recouverte par la neige, par l’apparence de l’innocence. L’apparence seulement. Chaque personnage est auréolé de mystère. Resnais a compris qu’on peut dire beaucoup plus dans les silences, dans l’implicite, dans l’étrange que dans un excès de paroles, l’explicite, le didactique. Que la normalité n’est qu’un masque et un vain mot. Comme toujours chez Resnais les dialogues sont très et agréablement écrits. La mise en scène est particulièrement soignée : transitions magnifiquement réussies, contrastes sublimes et saisissants des couleurs chaudes et froides, jeu sur les apparences (encore elles). Rien d’étonnant à ce qu’il ait obtenu le Lion d’Argent du meilleur réalisateur  à Venise.  De la mélancolie, Alain Resnais est passé à la tristesse. De l’amour il est passé à la tendresse. Celle d’un frère et d’une sœur qui, à la fin, se retrouvent, seuls, enlacés. Sur l’écran de télévision qu’ils regardent, s’inscrit alors le mot fin. Espérons qu’elle ne préfigure pas la croyance du réalisateur en celle du cinéma, peut-être sa disparition sur le petit écran du moins. Peut-être la fin des illusions du cinéaste. En suivant les cœurs de ces personnages désenchantés, Alain Resnais signe là un film particulièrement pessimiste, nostalgique, cruel parfois aussi. On en ressort tristes, nous aussi, tristes qu’il n’ait plus le cœur léger. Un film qui mérite néanmoins d’être vu. Pour ses acteurs magistraux et magistralement dirigés. Pour la voix vociférante de Claure Rich. Pour le vibrant monologue de Pierre Arditi. Pour le regard d’enfant pris en faute de Dussolier. Pour la grâce désenchantée d’Isabelle Carré. Pour la fantaisie sous-jacente de Sabine Azéma. Pour l’égarement de Lambert Wilson. Pour la voix chantante de Laura Morante soudainement aussi monotone que les appartements qu’elle visite. Pour et à cause de cette tristesse qui vous envahit insidieusement et ne vous quitte plus. Pour son esthétisme si singulier, si remarquablement soigné. Pour la sublime photographie d’Eric Gautier. Pour sa modernité, oui, encore et toujours.  Parce que c’est une pierre de plus au magistral édifice qu’est l’œuvre d’Alain Resnais.

    Sandra.M                                                                         

     

    Lien permanent Imprimer Catégories : CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE(2004 à 2007) Pin it! 8 commentaires
  • Babel, le chef d'oeuvre d'Alejandro Gonzalez Inarritu

    medium_18680421.jpgAvant-première à L’UGC Odéon

    En plein désert marocain, des enfants jouent avec un fusil que leur père vient d’acheter. Un coup de feu retentit et blesse une touriste américaine dans un bus qui passait sur la route, en contrebas. Les destins de cette femme (Cate Blanchett) et de son mari (Brad Pitt) dont le couple battait de l’aile, les destins des deux enfants responsables du coup de feu, le destin de la nourrice mexicaine des enfants du couple d’Américains, le destin d’une jeune Japonaise, en l’occurrence la fille de l’homme qui a donné le fusil à un Marocain qui l’a revendu au père des deux enfants : ces destins vont tous avoir une influence les uns sur les autres, des destins socialement et géographiquement si éloignés, mais si proches dans l’isolement et dans la douleur.

    Rares sont les films que je retourne voir, mais pour Babel vu au dernier festival de Cannes où il a obtenu le prix de la mise en scène et celui du jury œcuménique, c’était une vraie nécessité parce que Babel c’est plus qu’un film : une expérience.  Ce film choral qui clôt le triptyque du cinéaste après Amours chiennes et 21 grammes fait partie de ces films après lesquels toute parole devient inutile et impossible, de ces films qui expriment tant dans un silence, dans un geste, qu’aucune parole ne pourrait mieux les résumer. De ces films qui vous hypnotisent et vous réveillent. De ces films qui vous aveuglent et vous éclairent. Donc le même choc, la même claque, le même bouleversement, quelques mois après, l’effervescence, la déraison et les excès cannois en moins. Malgré cela.

    Si la construction n’avait été qu’un vain exercice de style, qu’un prétexte à une démonstration stylistique ostentatoire, l’exercice  aurait été alors particulièrement agaçant mais son intérêt provient justement du fait que cette construction ciselée illustre le propos du cinéaste, qu’elle traduit les vies fragmentées, l’incommunicabilité universelle.

    Le montage alterné ne cherche pas à surprendre mais à appuyer le propos, à refléter un monde chaotique, brusque et impatient, des vies désorientées, des destins morcelés. En résulte un film riche, puissant où le spectateur est tenu en haleine du début à la fin, retenant son souffle, un souffle coupé par le basculement probable, soudain, du sublime dans la violence. Du sublime d’une danse à la violence d’un coup de feu. Du sublime d’une main sur une autre, de la blancheur d’un visage à la violence d’une balle perdue et d’une blessure rouge sang. Du sublime  du silence et du calme à la violence du basculement dans le bruit, dans la fureur, dans la déraison.

    medium_P80601087315038.jpgUn film qui nous emmène sur trois continents sans jamais que notre attention ne soit relâchée, qui nous confronte à l’égoïsme, à notre égoïsme, qui nous jette notre aveuglement et notre surdité en pleine figure, ces figures et ces visages qu’il scrute et sublime d’ailleurs, qui nous jette notre indolence en pleine figure, aussi. Un instantané troublant et désorientant de notre époque troublée et désorientée.  La scène de la discothèque est ainsi une des plus significatives, qui participe de cette expérience. La jeuneJaponaise sourde et muette est aveuglée. Elle noie son désarroi dans ces lumières scintillantes, fascinantes et angoissantes.  Des lumières aveuglantes: le paradoxe du monde, encore. Lumières qui nous englobent. Soudain aveuglés et sourds au monde qui nous entoure nous aussi.

    Le point de départ du film est donc le retentissement d'un coup de feu au Maroc, coup de feu déclenchant une série d'évènements, qui ont des conséquences désastreuses ou salvatrices, selon les protagonistes impliqués. Peu à peu le puzzle se reconstitue brillamment, certaines vies se reconstruisent, d’autres sont détruites à jamais. Jamais il n’a été aussi matériellement facile de communiquer. Jamais la communication n’a été aussi compliquée, Jamais nous n’avons reçu autant d’informations et avons si mal su les décrypter. Jamais un film ne l’a aussi bien traduit. Chaque minute du film illustre cette incompréhension, parfois par un simple arrière plan, par une simple image qui se glisse dans une autre, par un regard qui répond à un autre, par une danse qui en rappelle une autre, du Japon au Mexique, l’une éloignant et l’autre rapprochant.

    Virtuosité des raccords aussi : un silence de la Japonaise muette qui répond à un cri de douleur de l’américaine, un ballon de volley qui rappelle une balle de fusil. Un monde qui se fait écho, qui crie, qui vocifère sa peur et sa violence et sa fébrilité, qui appelle à l’aide et qui ne s’entend pas comme la Japonaise n’entend plus, comme nous n’entendons plus à force que notre écoute soit tellement sollicitée, comme nous ne voyons plus à force que tant d’images nous soit transmises, sur un mode analogue, alors qu’elles sont si différentes. Des douleurs, des sons, des solitudes qui se font écho, d’un continent à l’autre, d’une vie à l’autre. Et les cordes de cette guitare qui résonnent comme un cri de douleur et de solitude. 

     Véritable film gigogne, Babel nous montre un monde paranoïaque,  paradoxalement plus ouvert sur l’extérieur fictivement si accessible et finalement plus égocentrique que jamais,  monde paradoxalement mondialisé et individualiste. Le montage traduit magistralement cette angoisse, ces tremblements convulsifs d’un monde qui étouffe et balbutie, qui n’a jamais eu autant de moyens de s’exprimer et pour qui les mots deviennent vains. D’ailleurs chaque histoire s’achève par des gestes, des corps enlacés, touchés, touchés enfin. Touchés comme nous le sommes. Les mots n’ont plus aucun sens, les mots de ces langues différentes. Selon la Bible, Babel fut  ainsi une célèbre tour construite par une humanité unie pour atteindre le paradis. Cette entreprise provoqua la colère de Dieu, qui pour les séparer, fit parler à chacun des hommes impliqués une langue différente, mettant ainsi fin au projet et répandant sur la Terre un peuple désorienté et incapable de communiquer.

    medium_P80601161052655.jpgC’est aussi un film de contrastes. Contrastes entre douleur et grâce, ou plutôt la grâce puis si subitement la douleur, puis la grâce à nouveau, parfois. Un coup de feu retentit et tout bascule. Le coup de feu du début ou celui en pleine liesse du mariage.  Grâce si éphémère, si fragile, comme celle de l’innocence de ces enfants qu’ils soient japonais, américains, marocains, ou mexicains. Contrastes entre le rouge des vêtements de la femme mexicaine et les couleurs ocres du désert. Contrastes entres les lignes verticales de Tokyo et l’horizontalité du désert. Contrastes entre un jeu d’enfants et ses conséquences dramatiques. Contraste entre le corps dénudé et la ville habillée de lumière. Contraste entre le désert et la ville.   Contrastes de la solitude dans le désert et de la foule de Tokyo. Contrastes de la foule et de la solitude dans la foule. Contrastes entre « toutes les télévisions [qui] en parlent » et ces cris qui s’évanouissent dans le désert.  Contrastes d’un côté et de l’autre de la frontière.  Contrastes d’un monde qui s’ouvre à la communication et se ferme à l’autre. Contrastes d’un monde surinformé mais incompréhensible, contrastes d’un monde qui voit sans regarder, qui interprète sans savoir ou comment, par le prisme du regard d’un monde apeuré, un jeu d’enfants devient l’acte terroriste de fondamentalistes ou comment ils estiment savoir de là-bas ce qu’ils ne comprennent pas ici.

    medium_P80601693016905.jpgMais toutes ces  dissociations et ces contrastes ne sont finalement là que pour mieux rapprocher.   Contrastes de ces hommes qui parlent des langues différentes mais se comprennent d’un geste, d’une photo échangée (même si un billet méprisant, méprisable les séparera, à nouveau). Contrastes de ces êtres soudainement plongés dans la solitude qui leur permet finalement de se retrouver. Mais surtout, surtout, malgré les langues : la même violence, la même solitude, la même incommunicabilité, la même fébrilité, le même rouge et la même blancheur, la même magnificence et menace de la nuit au-dessus des villes, la même innocence meurtrie, le même sentiment d’oppression dans la foule et dans le désert. 

     Loin d’être une démonstration stylistique, malgré sa virtuosité scénaristique et de mise en scène Babel est donc un édifice magistral tout entier au service d’un propos qui parvient à nous transmettre l’émotion que ses personnages réapprennent.  Notons que malgré la pluralité de lieux, de langues, d'acteurs (professionnels mais souvent aussi non professionnels), par le talent de son metteur en scène, Babel ne perd jamais sa cohérence qui surgit, flagrante, bouleversante, évidente, au dénouement.

    La mise en scène est volontairement déstructurée pour refléter ce monde qu'il met en scène, un monde qui s'égare, medium_P80601398560603.jpget qui, au moindre geste , à la moindre seconde, au moindre soupçon, peut basculer dans la violence irraisonnée, un monde qui n'a jamais communiqué aussi vite et mal, un monde que l'on prend en pleine face, fascinés et horrifiés à la fois, un monde brillamment ausculté, décrit,  par des cris et des silences aussi ; un monde qui nous aveugle, nous assourdit, un monde de différences si semblables, un monde d’après 11 septembre. 

     Babel est un film douloureux et clairvoyant, intense, empreint de la fébrilité du monde qu’il parcourt et dépeint de sa lumière blafarde puis rougeoyante puis nocturne. Un film magnifique et éprouvant dont la mise en scène vertigineuse nous emporte dans sa frénésie d’images, de sons, de violences, de jugements hâtifs, et nous laisse avec ses silences, dans le silence d’un monde si bruyant. Le silence après le bruit, malgré le bruit, le silence de l’harmonie retrouvée, l’harmonie éphémère car il suffirait qu’un coup de feu retentisse pour que tout bascule, à nouveau. La beauté et la douleur pareillement indicibles. Babel, tour de beauté et de douleur. Le silence avant les applaudissements, retentissants, mérités. Si le propre de l’Art c’est de refléter son époque et de l’éclairer, aussi sombre soit-elle, alors Babel est un chef d’œuvre. Une expérience dont on ne peut ressortir indemne ! Mais silencieux, forcément.

    Sortie en salles: le 15 novembre 2006

    Cet article a été repris sur Agoravox et sur Yahoo Actualités.

    Sandra.M