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  • Festival de Cannes 2020

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    Ce jour qui aurait dû être celui de l'ouverture de sa 73ème édition, je vous raconte ce que représente pour moi le Festival de Cannes... :

    « Je ne me souviens plus du film, mais je me souviens des sentiments » déclare le personnage incarné par Jean-Louis Trintignant en racontant une anecdote à son épouse dans le film de Michael Haneke, Amour (palme d’or du Festival de Cannes 2012). Parce que dans mon "film de Cannes" il y aurait trop de souvenirs, de films magistraux ou de rencontres marquantes ou de moments inoubliables, inénarrables parfois, à citer ou raconter, j’ai plutôt choisi de vous parler des sentiments que m'inspire Cannes et dont je me souviens…

    Ce soir, L'Aquarium du Carnaval des animaux de Saint-Saëns ne résonnera pas sur la Croisette. Réminiscence émouvante de tant de souvenirs, depuis mon premier Festival de Cannes il y a 20 ans (grâce à l'écriture déjà, alors étudiante en sciences politiques grâce à un concours du Ministère de la jeunesse et des sports, j'avais remporté une semaine au festival avec le sentiment un peu coupable de faire l'école buissonnière mais surtout exaltant de faire un pas de plus vers cette passion pour le cinéma qui m'animait depuis l'enfance), sans imaginer alors que 18 autres lui succéderaient. Ce soir, je ne déambulerai pas dans ce labyrinthe délicieusement inextricable dont les frontières sont délimitées par les confins d’une ville appelée Cannes qui, pendant douze jours, devient le centre du monde. Ou du moins nous en donne la troublante illusion. Parce que là bat le cœur exalté et insatiable du cinéma soudain omniprésent, omniscient, omnipotent même. Jours et nuits, réalité et fiction s’y imbriquent et confondent. A voyager immobiles dans les cinématographies du monde entier, à regarder la réalité du monde, poétique parfois, âpre souvent, confortablement installés à l’abri de ses tumultes. Miroir grossissant et informant du monde. Un monde dont ce festival met en lumière les ombres et les blessures alors que, n’étant pas à un paradoxe près, il nous en tient tellement éloignés. Avec cette Croisette insolemment insomniaque où se frôle une faune excentrique et volubile. Là se réunissent des curiosités inextinguibles pour le cinéma et la vie qui s’y entremêlent, s’y défient et entrechoquent. Tourbillon de cinéma avec ses rituels, dérisoires et soudain essentiels. 

    A Cannes, nous sommes tous des enfants gâtés et capricieux qui oublions le lendemain, qui oublions que tout doit finir un jour, que la vie ne peut être une fête et un spectacle et une histoire et une nuit sans fin. Cannes et sa frénésie : de fêtes, de bruit, de rumeurs, de scandales, et de cinéma heureusement. Cannes effervescente qui s’enivre de murmures, qui se grise de lumières fugaces.  Cannes où des rêves achoppent, où des projets s’esquissent, où des carrières s’envolent, se brisent aussi parfois, où des films vous éblouissent, où des regards étincellent, où des cinéastes émergent, se révèlent au monde, nous révèlent un monde. Le leur. Le nôtre. Cannes et sa palme. D’or et de bruit et de lumières. Tonitruante, retentissante, scintillante. Cannes aux intentions pacifistes, aux débats presque belliqueux. Cannes paradoxale.  Multiple et unique. Lumineuse et violente. J’y ai découvert des films inoubliables, j'y ai assisté à des master classes passionnantes et j’y ai vécu des moments uniques, insolites et irréels et improbables aussi, parfois plus encore que ceux auxquels je venais d’assister sur les écrans. J’y ai ressenti de formidables frissons cinéphiliques. De bonheur. D’effroi. De tension. Cannes, étourdissant manège pour cinéphiles. Même si je connais les pièges et revers de ce théâtre des vanités, cette comédie humaine fascinante et terrifiante (un peu, parfois, aussi), la versatilité des personnalités et avis pour un sursaut d'orgueil. Même si je sais que tant d’illusions s’y fracassent, que Cannes peut encenser, broyer, magnifier, dévaster et en a perdu certains à force de les éblouir, les fasciner, les aliéner.

     

    Ainsi, j’aime :

     

    Entendre le petit cliquetis lorsque les contrôleurs scannent les badges à l'entrée de la salle Debussy ou du Grand Théâtre Lumière comme un passeport pour le paradis, celui des cinéphiles. Me laisser envoûter par le lever du soleil en allant à la première projection du matin sur une Croisette alors étrangement déserte et sereine et avoir l’impression que l'avenir m’appartient, soudain sans un nuage pour l'assombrir. Oublier que ce tourbillon enivrant de cinéma ne durera pas toujours, que les nuages reviennent forcément un jour ou l'autre, et que des illusions s’y perdent, aussi. Avoir le cœur qui bat la chamade en entrant dans le Grand Théâtre Lumière, comme la première fois où je découvrais cet antre du cinéma. Ce moment palpitant lorsque la salle est plongée dans le noir et avant que ne s’allume l’écran lorsque le souffle de la salle est suspendu à ces premières images qui nous happeront dans un nouvel univers, un nouveau monde, une nouvelle aventure. Ce moment à la fin du film où, aussi, la salle retient son souffle, avant de se taire, glaciale, ou d'applaudir, éperdue de reconnaissance. Rarement dans la demi-mesure. Lorsque les applaudissements semblent ne devoir jamais arrêter leur course folle et s'élancent en une vague de gratitude. Cette bulle d'irréalité où les émotions, les joies réelles et cinématographiques, si disproportionnées, procurent un sentiment d'éternité éphémère. Parler cinéma à toute heure du jour et de la nuit. Redécouvrir des classiques du cinéma à Cannes classics, ceux par lesquels j'ai commencé à l'aimer et se dire que la boucle est bouclée et que tout recommence, toujours. Découvrir des pépites du septième art et en être exaltée. Être heurtée, brusquée par un film et en être exaltée, aussi, malgré tout. Gravir les marches les plus célèbres du monde au son de la musique sous un soleil éblouissant et, l'espace d'un instant, être envahie par l'irréalité étincelante que procure ce moment qui suspend le vol du temps et la conscience et la terreur de la fin, de toute fin. Sortir d'une projection tardive, un peu étourdie, éblouie, et de retour sur la Croisette, être portée par la force ravageuse d’un film, avec l’impression d’être dans son prolongement ou dans le plan-séquence d’un long-métrage inédit de Fellini où se côtoieraient les êtres les plus élégants et les dégaines les plus improbables. Retrouver celles et ceux que je ne croise qu'une fois par an là-bas et avoir l'impression de les avoir quittés la veille. Et ainsi avoir le sentiment que Cannes abolit toutes les frontières, même celles du temps. Cette impression que tout y est possible, que cela ne s’arrêtera jamais. Être fascinée devant un film (hongrois en l’occurrence) et l’instant d’après, sur le toit du palais des festivals, regarder le soleil décliner, face à une vue à couper le souffle, tout en écoutant religieusement Michel Legrand réinterpréter magistralement avec une générosité et une énergie admirables la musique des Parapluies de Cherbourg sur différents tempos, nous procurant la sensation de nous envoler et de voltiger comme dans ledit film, mais aussi que rien n'est impossible, a fortiori si on le rêve ardemment. Et puis tant de mises en abyme. Comme celle d'assister à un chef-d’œuvre, 46 ans après sa palme d'or, accessoirement mon film préféré, assise derrière ses protagonistes et de les voir signifier ainsi la déliquescence du monde que le film reflète, sublimes encore, terrassés par l'émotion de se revoir éclatants  de jeunesse et de vitalité, bouleversants. Ces deux souvenirs parmi une multitude d'autres car ils illustrent cette mise en abyme. À Cannes, la frontière entre l'écran et la réalité est si ténue qu'ils semblent même parfois s'entrelacer comme dans La rose pourpre du Caire.

     

    J’aime moins :

     

     Quand Cannes devient théâtre des vanités. Là tout est démultiplié. Les émotions. Les solitudes qui se grisent et s’égarent et se noient dans la multitude. Les soirées sans fin, sans faim à force d’être enchaînées pour certains. La foule pressée et ha-ra-ssée du festival qui, mieux que nulle autre, sait être passionnément exaltée et aussi impitoyable avec la même incoercible exaltation. Cette valse troublante des apparences que Cannes exhale et exhibe, adore et abhorre. Cannes décidément si versatile...Les parures d’orgueil que revêtissent ceux qui s’y donnent ainsi l'illusion d’exister.  Ceux qui s’émeuvent et s’offusquent des drames mis en lumière sur l’écran mais qui sont totalement insensibles à ceux qui se produisent au même moment, dans l’ombre, au-delà des frontières du labyrinthe. La volatilité de l’attention, aux autres et à l'instant, là où pourtant on célèbre « un certain regard ». Les semblants d’amitiés piétinées sans vergogne pour grimper dans l’échelle de la vanité. Les personnalités qui se révèlent, tristement parfois, dans ce théâtre des apparences car là plus qu’ailleurs, les personnalités peuvent prendre des reflets changeants, finalement éclairants, révélant le portrait de Dorian Gray en chacun.  L’exacerbation par la hiérarchie festivalière des rancœurs de ceux qui sont "en bas" et la vanité de ceux qui sont en "haut" de cette hiérarchie et qui croient y déceler là un signe de leur supériorité, et qui oublient que, au bout de dix jours, l’égalité et la réalité reprendront leurs droits. Les Georges Duroy, Rastignac, Lucien de Rubempré de ce siècle qui s’y croisent, s’y défient, s’y méprisent.

     

    Ces contrastes et paradoxes, excès et contradictions, me font parfois hésiter à revenir mais la passion du cinéma l'emporte toujours. Parce que chaque année, lorsqu'arrive le dernier jour de cet enivrant oubli de l'ailleurs et du lendemain qui nous laisse grisés et légèrement désenchantés, le sentiment persistant est celui que laisse un grand film, un magma d’émotions et de réflexions. Alors, il faut souvent un peu de recul pour les appréhender, pour découvrir quelles images auront résisté à l’écoulement du temps, aux caprices de la mémoire, à ce flux et flot d’informations ininterrompues. Ce dernier jour, j’ai toujours un peu l'impression que le festival vient de commencer et de l'avoir traversé comme un rêve éveillé, même émaillé de quelques visions cauchemardesques mais surtout de souvenirs qui soudain semblent irréels. Alors, brusquement je réalise que le tour de manège est terminé et j'aimerais remonter le temps pour revenir au premier jour quand les films que j'y ai découverts n'étaient encore que des mystères, comme autant de cadeaux à déballer.

     

    Et puis de tout cela, même si le festival n’aura pas lieu cette année, reste l’essentiel : des amitiés précieuses.  Et l’amour, fou, du cinéma. Le Festival de Cannes n’aura en effet pas lieu cette année (des films se verront simplement attribuer le "label Cannes"). Mais d’autres « petits » festivals (qui présentent l’avantage de n’être pas aussi des théâtres des vanités et qui mettent en lumière des films qui le méritent tout autant que ceux présentés à Cannes) devraient pouvoir se dérouler (je leur souhaite et le souhaite pour le cinéma) alors…quand le temps sera venu et si vous en avez la possibilité, profitez-en pour partir à leur découverte parce que ces derniers et les films qui y seront projetés et ceux qui ont travaillé à leur élaboration en auront plus que jamais besoin alors que le Festival de Cannes est un navire insubmersible qui, forcément, se remettra à flots. En attendant, et plus que jamais : vive le cinéma !

    Pour retrouver l'ensemble de mes articles sur le Festival de Cannes, rendez-vous sur http://inthemoodforcannes.com.

     

  • Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz 2020 : l'affiche

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    "L'espoir est une mémoire qui désire" écrivait Balzac. C’est cet avenir empli d’espoir nourri de la mémoire de toutes les pépites sur lesquelles le Festival International du Film de Saint-Jean-de-Luz et son directeur artistique Patrick Fabre ont braqué un projecteur (A peine j’ouvre les yeux, Jusqu’à la garde, Les Invisibles, J’enrage de son absence, Olli Maki, Le Géant égoïste, Une bouteille à la mer, Compte tes blessures, Respire…parmi tant d'autres) que cette affiche du Festival International de Saint-Jean-de-Luz met doublement à l’honneur.

    Irradiée de lumière, en mouvement et tournée vers l’avenir, elle est à l'image du cinéma que célèbre ce festival car demain à nouveau et plus que jamais nous embrasserons cette vie que le cinéma exhale et exalte.

    Cette affiche ensoleillée réalisée par Manuel Moutier met aussi en lumière Rod Paradot, l’inoubliable Malony de La tête haute d’Emmannuelle Bercot. Il y incarne avec une maturité étonnante cet adolescent insolent et bravache qui n’est au fond encore que l’enfant qui pleure des premières minutes du film. Un film là aussi riche de croyances en l’avenir qui raconte que chacun peut empoigner son destin quand une main se tend. Un film qui s'achève en ouvrant sur un nouveau départ. Un espoir, donc. (en bonus, ci-dessous, ma critique complète du film)


    Un festival ressemble à un film : un concentré d’émotions exacerbées, de rencontres parfois insolites, sur les écrans et en dehors, un début, une fin, des rebondissements, et une concentration spatio-temporelle. Si ce festival était un film, ce serait le mélange détonant entre le cinéma de Sautet et celui de Fellini : une célébration amicale du cinéma dans une atmosphère joyeusement surréaliste, dans le décor de cinéma de Saint-Jean-de-Luz, entre océan parfois tumultueux et montagne stoïque, à quelques pas de l’Espagne, si bien que vous entendez plus souvent la langue de Cervantès que celle de Molière, si bien que vous avez l’impression que, là-bas, dans ce doux ailleurs, l’actualité marque une pause même si les films l’éclairent souvent judicieusement. Ce serait un road movie, fenêtre ouverte sur des mondes. Ce serait un film utopique où tout le monde est bienveillant, là pour l’amour du cinéma, un cinéma ouvert sur l’extérieur et sur  les autres.

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     Selon Saint-Exupéry "Aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction" : ainsi, avec tous ces regards avides tournés vers un même écran, le cinéma serait-il le paroxysme amoureux ? Ne nous fait-il pas régulièrement chavirer d’émotion(s) ? Ne nous rend-il pas souvent plus clairvoyants ? Plus intensément vivants même parfois ? Comme Amélie Poulain, n’avez-vous jamais éprouvé la tentation de vous retourner pour regarder cette salle envoûtée? (Moi, si). Je l’aime un peu, beaucoup, passionnément ce cinéma. Mais que serait-il ce palpitant voyage immobile, ce jubilatoire rendez-vous avec des destins capturés ou sublimés, sans cet antre familier évocateur et projecteur de mystères qui en exalte et exacerbe la puissance évocatrice ? Des rêves bridés. Une fenêtre sur le monde seulement entrebâillée. Une étreinte avec l'imaginaire bâclée.

    Incomparable est la fébrilité impatiente d'une salle qui retient son souffle quand le générique s'élance ou à la fin juste avant qu'un film ne balbutie ses derniers secrets. Et ce bruissement quand une salle entière vacille de la même émotion ! Et cet étourdissement quand on ressort de la salle, ignorant la foule et la réalité et le présent et le lendemain et même que tout cela n'est "que" du cinéma, transportés ailleurs, loin, avec l'envie parfois même de "chanter sous la pluie" et de croire en tous ces (im)possibles auxquels il donne vie et invite et incite ! Sans salle de cinéma, lanterne décidément magique qui suspend le vol de notre temps insatiablement impatient, le 7ème art, comme le personnage de Gabin dans "Le jour se lève", a "un œil gai et un œil triste". Et moi aussi j'ai l'impression de ne voir qu'à demie émotion ou indistinctement ces images qui méritent d'étinceler. En attendant de retrouver les salles obscures, braquons la lumière sur les festivals de cinéma particulièrement ébranlés aussi en ce moment et qui en décuplent les émotions, et en révèlent les talents. Indispensables, espérons qu'ils ne seront pas les oubliés des mesures prises aujourd'hui pour soutenir le monde de la culture.

    Le Cinéma Le Sélect dans le cadre duquel se déroule le festival vient d’ailleurs de recevoir le prix mérité de 2ème meilleur cinéma de France. Bravo au passage à l'équipe de passionnés du Sélect.  Petit aparté pour vous dire que vous pouvez aussi le retrouver dans mon recueil de nouvelles Les illusions parallèles (une des nouvelles se déroule intégralement dans le cadre du festival...et un des personnages est ouvreuse au Sélect).


    La 7ème édition du festival aura lieu du 5 au 11 octobre 2020. Alors, "la tête haute", croyons en de heureux hasards (et des lendemains meilleurs où, à nouveau, nous irons tous au cinéma et en festivals, indispensables pour mettre en lumière le 7ème art et a fortiori les films plus fragiles mais non moins éblouissants, à l'image de cette radieuse affiche) car pour terminer comme j'ai commencé, par une citation de Balzac : "Le hasard est le plus grand romancier du monde." Non ?

     

    Critique La tête haute d'Emmanuelle Bercot (écrite suite à la projection du film en ouverture du 68ème Festival de Cannes)

    La tête haute, Emmanuelle Bercot, cinéma, film,

    "La tête haute" était le film d'ouverture du 68ème Festival de Cannes.Le temps de débarrasser la scène du Grand Théâtre Lumière des apparats de l’ouverture de ce 68ème Festival de Cannes, et nous voilà plongés dans un tout autre univers : le bureau d’une juge pour enfants (Catherine Deneuve), à Dunkerque. La tension est palpable. Le ton monte. Les éclats de voix fusent. Une femme hurle et pleure. Nous ne voyons pas les visages. Seulement celui d’un enfant, Malony, perdu au milieu de ce vacarme qui assiste, silencieux, à cette scène terrible et déroutante dont la caméra frénétique accompagne l’urgence, la violence, les heurts. Un bébé crie dans les bras de sa mère qui finalement conclut à propos de Malony qu’il est « un boulet pour tout le monde ». Et elle s’en va, laissant là : un sac avec les affaires de l’enfant, et l’enfant, toujours silencieux sur la joue duquel coule une larme, suscitant les nôtres déjà, par la force de la mise en scène et l’énergie de cette première scène, implacable. Dix ans plus tard, nous retrouvons les mêmes protagonistes dans le même bureau …

    Ce film est réalisé par Emmanuelle Bercot dont j’avais découvert le cinéma et l’univers si fort et singulier avec « Clément », présenté à Cannes en 2001, dans le cadre de la Section Un Certain Regard, alors récompensé du Prix de la jeunesse dont je faisais justement partie cette année-là. Depuis, je suis ses films avec une grande attention jusqu’à « Elle s’en va », en 2013, un très grand film, un road movie centré sur Catherine Deneuve, « né du désir viscéral de la filmer ». Avant d’en revenir à « La tête haute », je ne peux pas ne pas vous parler à nouveau de ce magnifique portrait de femme sublimant l’actrice qui l’incarne en la montrant paradoxalement plus naturelle que jamais, sans artifices, énergique et lumineuse, terriblement vivante surtout. C’est aussi une bouffée d’air frais et d’optimisme qui montre que soixante ans ou plus peut être l’âge de tous les possibles, celui d’un nouveau départ. En plus d’être tendre (parfois caustique mais jamais cynique ou cruel grâce à la subtilité de l’écriture d’Emmanuelle Bercot et le jeu nuancé de Catherine Deneuve), drôle et émouvant, « Elle s’en va » montre que, à tout âge, tout peut se (re)construire, y compris une famille et un nouvel amour. « Elle s’en va » est de ces films dont vous ressortez émus et le sourire aux lèvres avec l’envie d’étreindre le présent. ( Retrouvez ma critique complète de ELLE S'EN VA en cliquant ici.)

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    Et contre toute attente, c’est aussi l’effet produit par « La tête haute » où il est aussi question de départ, de nouveau départ, de nouvelle chance. Avec beaucoup de subtilité, plutôt que d’imprégner visuellement le film de noirceur, Emmanuelle Bercot a choisi la luminosité, parfois le lyrisme même, apportant ainsi du romanesque à cette histoire par ailleurs particulièrement documentée, tout comme elle l’avait fait pour « Polisse » de Maïwenn dont elle avait coécrit le scénario. Le film est riche de ce travail en amont et d’une excellente idée, celle d' avoir toujours filmé les personnages dans un cadre judiciaire : le bureau de la juge, des centres divers… comme si toute leur vie était suspendue à ces instants.

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    Le grand atout du film : son énergie et celle de ses personnages attachants interprétés par des acteurs judicieusement choisis. Le jeune Rod Paradot d’abord, l’inconnu du casting qui ne le restera certainement pas longtemps et qui a charmé l’assistance lors de la conférence de presse cannoise du film, avec son sens indéniable de la répartie (« la tête haute mais la tête froide »…), tête baissée, recroquevillé, tout de colère rentrée parfois hurlée, dont la présence dévore littéralement l’écran et qui incarne avec une maturité étonnante cet adolescent insolent et bravache qui n’est au fond encore que l’enfant qui pleure des premières minutes du film. Catherine Deneuve, ensuite, une nouvelle fois parfaite dans ce rôle de juge qui marie et manie autorité et empathie. L’éducateur qui se reconnaît dans le parcours de ce jeune délinquant qui réveille ses propres failles incarné par Benoît Magimel d’une justesse sidérante. La mère (Sara Forestier) qui est finalement l’enfant irresponsable du film, d’ailleurs filmée comme telle, en position fœtale, dans une très belle scène où les rôles s’inversent. 

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    Ajoutez à cela des idées brillantes et des moments qui vous cueillent quand vous vous y attendez le moins : une main tendue, un « je t’aime »furtif et poignant, une fenêtre qui soudain s’est ouverte sur « Le Monde » (littéralement, si vous regardez bien…) comme ce film s’ouvre sur un espoir.

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    Après « Clément », « Backstage », «  Elle s’en va », Emmanuelle Bercot confirme qu’elle est une grande scénariste et réalisatrice (et actrice comme l'a prouvé son prix d'interprétation cannois) avec qui le cinéma va devoir compter, avec ce film énergique et poignant, bouillonnant de vie, qui nous laisse avec un salutaire espoir, celui que chacun peut empoigner son destin quand une main se tend et qui rend un bel hommage à ceux qui se dévouent pour que les enfants blessés et défavorisés par la vie puissent grandir la tête haute. Un film qui « ouvre » sur un nouveau monde, un nouveau départ et une bouffée d’optimisme. Et ça fait du bien. Une très belle idée que d’avoir placé ce film à cette place de choix d'ouverture du 68ème Festival de Cannes et de lui donner cette visibilité.

    Conférence de presse

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    Ci-dessous, quelques citations de la conférence de presse du film à laquelle j’ai assisté à Cannes. Une passionnante conférence au cours de laquelle il a été question de nombreux sujets, empreinte à la fois d’humour et de gravité, puisqu’a aussi été établi un lien entre le choix de ce film pour l’ouverture et les récents événements en France auxquels le film fait d’ailleurs, d’une certaine manière, écho. Vous pouvez revoir la conférence sur le site officiel du Festival de Cannes. Dommage que Catherine Deneuve (étincelante) ait eu à se justifier (très bien d’ailleurs, avec humour et intelligence) de propos tenus dans la presse, extraits de leur contexte et qui donnent lieu à une polémique qui n’a pas de raison d’être.

    « Je tenais à ce que tout soit absolument juste » -Emmanuelle Bercot (à propos de tout ce qui se passe dans le cadre judiciaire où elle a fait plusieurs stages avec ce souci de vraisemblance et même de véracité). « Les personnages existaient avant les stages puis ont été nourris par la part documentaire ».

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    « La justice des mineurs est un honneur de la France » – Emmanuelle Bercot

    « Si c’est méchant, j’espère que c’est drôle ». – Catherine Deneuve à propos d’une question d’une journaliste au sujet de la caricature de Charloe Hebdo (très cruelle) à son sujet et qu’elle n’avait pas encore vue.

    « C’était très important pour moi que ce film ait son socle dans le Nord. » Emmanuelle Bercot

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    « Ouvrir le festival avec ce film est aussi une réponse à ce début d’année difficile qu’a connu la France. » Catherine Deneuve

    « En France, les femmes cinéastes ont largement la place de s’exprimer et énormément de femmes émergent. » E.Bercot

    « Moi c’est le scénario qui m’a beaucoup plu et tous les personnages. C’est un scénario qui m’a plu tout de suite. » Catherine Deneuve

    « Pour être star, il faut du glamour et du secret, ne pas tout montrer de sa vie privée. » – Catherine Deneuve

    « Il y a une matière documentaire très forte dans l’écriture, en revanche je ne voulais pas un style documentaire dans l’image. » Bercot

    Sara Forestier : « A la lecture du scénario, j’ai pleuré. Le film m’a piqué le coeur. »

    « C’est totalement inespéré que ce film soit à une telle place, c’est un grand honneur. » Emmanuelle Bercot

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  • Festival Quartier du Livre 2020 : mes recommandations de livres et d'adaptations

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    Le Festival Quartier du Livre m'a fait l'honneur de me demander mes conseils de lecture...et de films adaptés de livres. Sur la page Facebook du festival (liens ci-dessous),  vous  trouverez  ainsi des conseils de lecture d'écrivains, de libraires et des coups de projecteurs sur des éditeurs.

    Un festival auquel j'ai donc ainsi le plaisir de participer virtuellement puisqu'il ne pourra avoir lieu comme prévu cette année en Mai. Son thème devait être cette année "La terre est une personne" (il sera repris l'an prochain).

    Pour ceux qui ne connaissent pas ce festival, sachez qu'il se déroule dans le quartier mythique de la littérature, celui de la Sorbonne, du Panthéon et du Quartier Latin.

    Pendant une semaine, le livre prend ainsi ses quartiers dans le 5ème arrondissement avec 250 manifestations littéraires (débats, signatures, performances artistiques).

    A retrouver sur la page Facebook du festival : https://www.facebook.com/quartierdulivre/,

    Lien permanent Imprimer Catégories : ACTUALITE D'AUTEURE Pin it! 0 commentaire
  • The Film Society : une plateforme de recommandations de films pour cinéphiles à découvrir !

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    Voilà une nouvelle plateforme que je viens de découvrir (le confinement permet de voyager immobile et de découvrir ainsi des territoires cinéphiliques encore inexplorés !) et que je souhaitais vous faire découvrir à votre tour tant elle me semble être une mine d’or pour les amoureux du cinéma qu’ils soient de simples amateurs ou des cinéphiles. Je l’ai découverte car elle est partenaire du Champs-Elysées Film Festival dont cette édition 2020 ne pourra bien évidemment pas avoir lieu dans les conditions habituelles mais qui aura lieu en ligne. Ce festival qui, selon sa Présidente et fondatrice Sophie Dulac, a « pour ambition de présenter la jeune création du cinéma indépendant français et américain » vous propose ainsi cette année (du 9 au 16 juin) ses compétitions de courts et de longs métrages en ligne. Elles seront soumises aux votes du public et du jury. Vous pouvez ainsi retrouver de nombreux articles sur ce festival sur mes blogs, un festival auquel j’ai assisté dès sa première édition et à de nombreuses reprises et dont j’ai même fait partie d’un jury. Retrouvez, ici, mon compte rendu de l’édition 2013.

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    A l’image de ce festival, ce site a en effet pour objectif louable et ambitieux de « faire découvrir ou redécouvrir des pépites du paysage cinématographique » en rassemblant une communauté composée d'amateurs et de cinéphiles avertis. « Chacun peut contribuer, à sa manière, à l'ouverture des horizons » : tel est ainsi le credo du site. 

    Ce site m’est d’autant plus destiné qu’il est non seulement orienté clairement vers le cinéma indépendant, d'auteur, international et de patrimoine mais qu’il met aussi en valeur les festivals de cinéma, à l’exemple du Champs-Elysées Film Festival précédemment évoqué mais pas seulement.

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    Ce site se distingue vraiment d’autres modèles du genre pour les raisons évoquées ci-dessus mais ses atouts singuliers sont multiples. Ainsi, il vous propose des cours passionnants, par exemple le 2 juin une conférence sur « Edward aux mains d’argent » de Tim Burton. Il met aussi en exergue chaque jour un film, aujourd’hui un film du patrimoine, « Jour de fête » de Jacques Tati. Au programme également en ce moment : un cycle sur le cinéma japonais ou encore sur le cinéma français.

    Vous pourrez naviguer aisément sur le site et vous laisser ainsi inspirer par sa communauté ou par les propositions à la une du site ou choisir parmi les catégories de films suivantes : les plus populaires, recommandés par vos amis, les plus récents, à l’affiche.

    Le site vous propose aussi des articles passionnants et de remarquables master classes en ligne (véritable plus-value du site, attention, vous risquez de vite devenir accros !) comme celles de Jean-Pierre Jeunet, Philippe Lioret, Sylvie Pialat, Emmanuelle Devos, Arnaud Desplechin, Gaspard Ulliel et beaucoup d’autres. De quoi enrichir votre cinéphilie, aiguiser votre curiosité et vous embarquer vous aussi pour des territoires inconnus.

    Vous l’aurez compris, je vous recommande donc de le découvrir : cliquez sur le lien suivant pour Voir le site The Film Society

    En attendant, je m’en vais revoir « Le silence de la mer » de Jean-Pierre Melville…

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