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journalisme

  • Cinéma, blog et journalisme … : match point ?

    Les marches de Cannes vues de l'intérieur du palais.jpgPuisque ce sont les vacances, et que malheureusement là où je me trouve actuellement ne passent toujours ni le film d’Agnès Varda, ni celui de Karin Albou (dont je vous recommande, oui, à nouveau, le premier film : le magnifique « La petite Jérusalem » ) que j’enrage de ne pas voir, rien de mieux que des polémiques bloguesques futiles mais néanmoins révélatrices d’un état d’ (de mauvais ?) esprit entre blogueurs et journalistes (dissociation d’ailleurs déjà obsolète puisque certains cumulent les deux fonctions).

    La première polémique est née d’un article du magazine Elle établissant un classement des « meilleurs blogs féminins » (catégorie déjà réductrice en soi) , d’une part parce que cet  article se basait sur le classement Wikio (qui ne prend pas en compte la qualité des blogs mais essentiellement leur référencement), d’autre part, parce que cet article prenait en compte des catégories un peu archaïques qui ne concernaient ni la culture, ni la politique, ni l’environnement, ni les technologies etc comme si ces catégories étaient bannies de la blogosphère dite féminine. Comme je connais essentiellement la blogosphère cinématographique, j’aurais aimé découvrir des blogs politiques ou culturels à cette occasion, des blogs qui n’aspireraient pas seulement à créer du buzz et qui ne soient pas truffés de fautes d’orthographe. J’en connais au moins un que je lis  régulièrement : Acquatofana, mais je ne doute pas qu’il en existe d’autres… N’hésitez pas à me les faire connaître dans les commentaires.

    Mais c’est surtout de la deuxième polémique que je voulais vous parler et en profiter pour vous rappeler les objectifs de ce blog et vous parler de quelques blogs cinématographiques que j’apprécie. Depuis quelques jours, fleurissent en effet les articles et les reportages sur l’importance que prend aujourd’hui internet dans le marketing des sociétés de distribution et dans le rôle qu’y jouent les blogueurs, il est vrai actuellement très sollicités, je suis la première à le constater et évidemment à m’en réjouir.

    Cela a commencé par un reportage sur Canal plus dans « L’ Hebdo cinéma » que je regarde d’ailleurs chaque semaine et vous recommande, ( j’en apprécie tout particulièrement les séquences « surprises » où il est demandé aux acteurs de donner envie d’aller voir leurs films en quelques secondes, ce qui se révèle malheureusement assez souvent catastrophique, d’ailleurs messieurs les producteurs d’émissions télévisées ne pourriez-vous pas plus souvent inviter les  réalisateurs et/ou producteurs sans doute plus aptes à défendre le projet qu’ils ont bien souvent initié, et éviter de tous tomber dans la peoplisation à outrance ? C’est là, certes, un autre débat.)  Ce reportage concernait les budgets désormais pharaoniques consacrés par les sociétés de distribution à internet (désormais création d’un site internet pour chaque film) et les projections organisées pour les blogueurs, notamment celle de Largo Winch.

    Puis un article du JDD, la même semaine posait la question « Des blogueurs récupérés par des distributeurs de films ? », en insinuant fortement la réponse. (Il est d’ailleurs significatif de constater que le lien fourni vers mon blog était celui de mon ancien blog caduque depuis plusieurs années, -mais c’est bien connu, hein, les journalistes vérifient toujours leurs informations, aussi futiles soient-elles, contrairement aux blogueurs évidemment - et de constater que les propos du blogueur interviewé ont été simplifiés, -il s’en explique sur son blog-).

     Et enfin, Laurent Delmas sur son blog reprenait ainsi cet article du JDD, avec une certaine véhémence envers les blogueurs cinéma qu’il ne connaît visiblement pas (enfin « connaissait pas » car je pense qu’au regard du nombre de réactions reçues, il est désormais incollable sur le sujet) . Voici une partie de ses propos dont je vous laisse apprécier la mesure (vous pouvez en lire l’intégralité sur son blog) : «  Ce que je redoute dans tout ça ? Le triomphe posthume et visionnaire de François Truffaut quand il disait : « Un jour des critiques de cinéma n’auront pas vu « L’Aurore » de Murnau ». Pour m’être promené sur ces blogs, je peux affirmer que ce jour est arrivé. » J’ai répondu sur son blog, et un peu plus longuement par email. Il ne s’agit pas de stigmatiser le journaliste en question que je lis par ailleurs avec intérêt (sur son…blog !)et dont les propos spontanés constituaient surtout  une réaction à l’article du JDD  (il expérimentait ainsi lui-même les dérives possibles du blog liées à l’immédiateté de son écriture, des dérives qui ont l’avantage de pouvoir être rapidement corrigées et de permettre aux lecteurs de réagir),  mais simplement de profiter de ses propos pour lancer ce sujet et effectuer quelques précisions.

     Je ne peux en effet pas nier qu’il existe des blogs qui se revendiquent de cinéma et dont les auteurs n’ont pas vu « L’Aurore » de Murnau et ne le connaissent même peut-être pas (ce serait en effet stupide de tomber dans l’excès inverse et de dire que tous les blogueurs cinéma sont des cinéphiles avertis), mais je crois qu’en matière journalistique comme en matière bloguesque, toute généralisation est périlleuse et par ailleurs injuste. Tout comme il existe des journalistes peu scrupuleux qui d’ailleurs n’ont peut-être pas tous vu « L’Aurore », (qui quittent les projections avant la fin ou arrivent après le début, qui s’endorment pendant les projections, ou qui se contentent de lire les dossiers de presse et ne vérifient pas leurs informations) il existe des journalistes consciencieux, passionnés et passionnants, voire exaltés (et j’ai eu l’occasion de rencontrer ces deux catégories lors de mes pérégrinations festivalières), il existe aussi des  blogueurs  de deux catégories, ceux qui se contentent de compiler les bandes annonces et les « j’aime, j’aime pas » et ceux qui réalisent des critiques de fond tous en soignant d’ailleurs la forme…et qui connaissent leurs classiques.

    Je ne vois pas non plus pourquoi un blogueur, certes moins  aguerri (mais aussi par conséquent probablement moins blasé), serait plus corruptible. La connivence n’est pas l’apanage des blogueurs. Et au risque de faire grincer certaines dents, de même que certains blogueurs seraient influençables, certains journalistes ménagent certains distributeurs, réalisateurs, producteurs ou acteurs de crainte de ne plus pouvoir les interviewer ensuite, et de même que les blogueurs sont invités à diverses événements festifs organisés par les distributeurs, les journalistes le sont aussi.

     Le blog présente aussi cet avantage (et cet inconvénient ?) de permettre d’écrire chaque jour, et donc de provoquer des articles sans doute d’intérêt et d’importance inégaux mais combien de journalistes écrivent un article par jour, et combien écrivent toujours des articles passionnants et incontournables ?

     Le blog, par ailleurs, est un formidable espace de liberté qui ne nous soumet à aucune ligne directrice d’aucune rédaction, si ce n’est celle que nous nous imposons.

     Quant à la publicité, sur quel journal n’y en-t-il pas ? Je n’ai pour l’instant écrit qu’un seul article sponsorisé, parce que le sujet avait un lien direct avec ce blog et que je trouvais le principe (un jeu proposé par Canal Satellite qui consistait à inventer des bandes annonces) en accord avec le thème et le ton de mon blog. Pour le reste il s’agit de bandes annonces de films proposées par la régie publicitaire Blog bang  (en bas, colonne à droite du blog) destinées surtout à rendre ce blog plus attractif et « coloré » et non à me rapporter (une somme infime pour le moment).

     Quant aux cadeaux que peuvent recevoir les blogueurs, ils ne diffèrent en rien de ceux reçus par les journalistes qui ne sont donc pas plus exemplaires sur ce point.

    Par ailleurs, être invitée par un distributeur ne m’empêche en rien de donner mon opinion mais je ne vais pas non plus « dégommer » systématiquement un film sous prétexte que j’ai été invitée. Je préfère la critique argumentée et je connais trop la difficulté et l’investissement personnel que représente un film pour écrire une critique ironique et assassine (et croyez-moi, il n’y a rien de plus facile que la démesure dans ce sens) pour le simple (dé)plaisir d’exercer une plume vengeresse.

    Je voulais donc en profiter pour vous faire découvrir quelques blogs dont, à une exception,  je connais les auteurs et dont je n’ai en tout cas aucun doute sur le fait qu’ils ont tous vu « l’Aurore » de Murnau. Pour la plupart, je les ai connus « en vrai » souvent dans le cadre de festivals, avant de les découvrir "virtuellement" à travers leurs blogs :

     -Boulevard du cinéma : l’auteur du blog écrit aussi pour Cinéalliance. Des critiques toujours très bien écrites, argumentées et pertinentes. Accessoirement un ancien membre du jury de cinéphiles du Festival du Film Asiatique de Deauville. Vous trouverez aussi des comptes rendus du Festival du Cinéma Américain de Deauville et du Festival de Cannes.

     Sur la route du cinéma : un blog que je lis chaque jour. Elle sait partager son enthousiasme, souvent débordant, que ce soit pour des films ou des acteurs. Des critiques toujours touchantes quand elle a aimé un film, souvent irrésistibles quand elle n’a pas aimé. Des jeux cinématographiques auxquels on devient vite accro. Une ancienne membre du jury du Festival International du Premier Film d’Annonay et du Festival du Film Romantique de Cabourg. 

     Voisin blogueur : L'auteur du blog travaille pour Radio Campus. Encore un cinéphile, amateur éclairé du cinéma d’auteur. A assisté et commenté les derniers festivals de Cannes et Deauville.

    Cinémaniac : Là encore une vraie passionnée capable d’aller voir tous les films d’un festival de cinéma japonais ou de voir trois dvd par jour. Egalement des comptes rendus du Festival de Cannes, du Festival du Film Asiatique et du Festival du Cinéma Américain de Deauville.

     Rob Gordon a toujours raison : Des critiques souvent acerbes, mais jamais gratuites, avec lesquelles je  ne suis pas toujours d’accord mais je n’en apprécie pas moins ce blog bien écrit, et très fourni.

    Les nouveaux cinéphiles : le blog d’une jeune journaliste, passionnée de cinéma, une véritable mine d’informations concernant l’actualité cinématographique.

    Filmgeek : Son auteur travaillant dans un cinéma, il est donc bien placé pour nous tenir informés de l’actualité cinématographique, avec régularité et passion.

     La Plume et l’image :  « Relais poétique et littéraire » comme le définit son auteur, d’ailleurs également auteur, notamment de poèmes. Vous y trouverez aussi bien des articles concernant les films à l’affiche que des articles concernant les classiques du cinéma, toujours très documentés. Egalement des comptes rendus des festivals de Deauville.

    Cinégotier : Le blog d’un auteur, scénariste, metteur en scène, biographe, critique de cinéma. Là aussi de longues et passionnantes critiques, aussi bien de classiques que de films à l’affiche. Un blog encore trop méconnu.

    Lire régulièrement ces blogs ne m’empêche d’ailleurs pas de lire régulièrement Positif, Les Cahiers du cinéma, Ciné Live, Première ou Studio…, et je déplore toujours l’absence d’une véritable émission de cinéma sur le service public (ce qui explique d’ailleurs aussi probablement l’intérêt croissant du public et des distributeurs pour les blogs cinéma). A quand une émission de cinéma… avec des blogueurs ? (Je pressens que certains ne vont guère apprécier cette suggestion…).

     J’en profite aussi pour vous rappeler l’objectif de ce blog, même si je l’ai déjà fait à plusieurs reprises, notamment ici et là : il est d’abord né en 2004 de mon désir de partager mes pérégrinations festivalières commencées il y a 15 ans, mes découvertes de pépites cinématographiques parfois méconnues, de raconter, je l’espère avec recul, cet univers que je connais plus que bien qu’est celui des festivals de cinéma, pour avoir fait partie de nombreux jurys notamment. Avant tout je voulais partager une passion (pour le cinéma mais aussi l'écriture, ce blog étant indissociable du plaisir de jongler avec les mots), un enthousiasme, un coup de cœur, plus rarement un coup de griffe( et il ne s’agit là aucunement d’allégeance aux distributeurs mais simplement du parti pris de départ de ce blog) comme pour « Mesrine » (et cela contrairement à la presque unanimité de la presse, et bien que j’avais alors été très cordialement invitée ). Je précise aussi que je ne vais évidemment pas voir que les films auxquels je suis invitée mais que, au contraire, j’adore débusquer des raretés et étrangetés cinématographiques. Ce blog comprend aussi de nombreuses critiques de classiques du cinéma et parfois de pièces de théâtre ou de concerts, voire de romans, d’ailleurs la plupart du temps liées au cinéma. L’an passé, j’ai créé deux autres blogs plus ponctuels « In the mood for Cannes » (http://inthemoodforcannes.hautetfort.com ) et « In the mood for Deauville » http://inthemoodfordeauville.hautetfort.com ), le premier a été primé au Festival de Cannes . Enfin, je suis ravie d’être suivie par 200 à 500 lecteurs par jour.

    Je crois qu’internet est en train de révolutionner la manière de s’informer ( avec pour exemple la fusion imminente des magazines  Ciné Live et Studio), et comme tout ce qui est nouveau, ce moyen de communication et d'information suscite la méfiance, pourtant, loin de nuire à la critique journalistique, je crois que cela peut au contraire l’enrichir, la conduire à évoluer et se remettre en question, et puis n'en doutons pas:  le lecteur , de blogs comme de presse, est suffisamment intelligent pour faire la part des choses.  

    Alors certes tout comme n’importe qui peut aujourd’hui s’improviser réalisateur (et non cinéaste !), n’importe qui peut s’improviser blogueur et même critique (sans pour autant se prétendre journaliste, je ne me prétends ainsi pas journaliste mais en revanche j’ai la présomption de penser que je sais et peux défendre un point de vue et avoir un regard aiguisé après 15 ans de pérégrinations festivalières et quelques études et mémoires dans ce domaine.) Tout comme la simplification des moyens de filmage n’a pas fait mourir le cinéma, le blog ne  fera pas mourir la critique. Je peux comprendre néanmoins que cela suscite quelques inquiétudes, et quelques généralisations maladroites.

    Disons donc que la balle de match reste miraculeusement sur le filet et que l’équilibre parfait et impossible a été trouvé (oui, je suis une pacifiste) même si je crois plutôt que le "match" ne fait que débuter.

    En guise de conclusion, je reprendrai la citation d’exergue de ce blog qui en définit parfaitement l’objectif : « Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion ». Plongeons « in the mood for cinema »  avec passion et déraison! Le reste est superflu…

     Sandra.M