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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 8

  • 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville - Compétition officielle - Critique de DADDIO de Christy Hall

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    Deuxième film en compétition de ce vendredi 13 septembre, Daddio (dont le titre éclaire les ombres du personnage féminin) est aussi le premier film en tant que réalisatrice de la Christy Hall.

    L’action débute à l’aéroport JFK de New York où, un soir débarque une jeune femme (Dakota Johnson). Elle monte à l’arrière d’un taxi. Tandis que le chauffeur (Sean Penn) démarre sa voiture en direction de Manhattan, ces deux êtres que rien ne destinait à se rencontrer entament une conversation des plus inattendues…

    Daddio devait à l’origine être une pièce de théâtre. La réalisatrice n’a finalement conservé que l’unité de lieu, le taxi, pour écrire un film. Alors que défile New York de l’autre côté de la vitre, c’est aussi les vies des deux protagonistes qui défilent dans l’habitacle, à travers leurs récits. Dans ce lieu intimiste et clos, les âmes se mettent rapidement à nu. Entre l’aéroport JFK et le quartier de Hell’s Kitchen où se rend la jeune femme, c’est la vie du chauffeur et celle de la passagère qui se dévoilent.

    Quand elle arrive dans le taxi, elle se remaquille, enlève son foulard. On ne voit d’abord par le chauffeur. Elle semble stressée, se ronge les ongles. Une musique énigmatique l’accompagne, presque inquiétante. Puis, enfin, elle regarde vers le chauffeur, ses mains qui tapotent le volant. Il parle enfin pour lui dire qu’elle est sa dernière course de la nuit.

    La conversation devient rapidement très personnelle. Les questions du chauffeur se font bientôt intrusive, ses propos graveleux parfois. La passagère ne s’en offusque pas et, au contraire, se confie. La musique instaure une étrangeté, un doute sur les intentions du chauffeur surtout que la passagère raconte que sa demi-sœur la ligotait pour voir si aurait été capable de s’échapper si elle avait été ligotée.

    Mais peu à peu l’un et l’autre se révèlent moins futiles que ce qu’ils auraient pu sembler être. Leurs solitudes se font écho. Et une main tendue et un prénom échangé au dénouement font surgir l’émotion jusque-là contenue.

    Le caractère palpitant de ce voyage doit beaucoup aux performances intenses de Dakota Johnson et Sean Penn mais aussi à l’inventivité de la réalisation qui, malgré l’unité de lieu, place toujours sa caméra de manière judicieuse, pour signifier ou exacerber un rapprochement, un éloignement, un mensonge, une vérité, une émotion. Le taxi se transforme en divan de psychologue pour l’un comme pour l’autre. La complicité émerge pendant ce moment hors du temps mais aussi les fêlures de l'un et de l'autre

    Un huis-clos passionnant, porté ses deux acteurs, magistraux, par la musique tantôt inquiétante, tantôt rassurante de Dickon Hinchliffe, par la réalisation inspirée, et par la photographie crépusculaire du directeur de la photographie Phedon Papamichael.

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  • Première - Festival du Cinéma Américain de Deauville 2024 - Critique de ANORA de Sean Baker

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    Après la remise du prix du Nouvel Hollywood à Mikey Madison fut projeté le dernier film de Sean Baker, palme d'or du Festival de Cannes 2024 : Anora.

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    Décidément, les films de la compétition du Festival de Cannes 2024 cassait les codes. Après le délicieusement hybride Emilia Perez, c’est à une nouvelle lecture du conte de Cendrillon que nous invitait Sean Baker avec Anora, lequel avait déjà réalisé sa relecture du conte de Perrault avec Tangerine en 2015 (prix du jury du Festival du Cinéma Américain de Deauville cette année-là).

    Anora (Mikey Madison) est une jeune strip-teaseuse de Brooklyn qui se transforme en Cendrillon des temps modernes lorsqu’elle rencontre le fils d’un oligarque russe. Sans réfléchir, elle épouse avec enthousiasme son prince charmant ; mais lorsque la nouvelle parvient en Russie, le conte de fées est vite menacé : les parents du jeune homme partent pour New York avec la ferme intention de faire annuler le mariage... et le « prince charmant » s’avère aussi riche que lâche. Anora se retrouve alors prise dans une course folle…

    Le cinéaste américain a fait le choix de tourner son film en 35 mm avec des optiques anamorphiques, afin de se rapprocher de l’esthétique du cinéma des années 70. Avec son chef opérateur Drew Daniels ils ont aussi privilégié la caméra à l’épaule, ce qui contribue à l’atmosphère frénétique, à la vivacité, au sentiment d’urgence constant mais aussi au réalisme.

    Drôle, féroce, déjanté, Anora est sans cesse surprenant jusqu’au dénouement, une véritable rupture de ton totalement inattendue, qui nous bouleverse littéralement et qui pourrait bien valoir la récompense suprême à ce film aussi inclassable que celui de Jacques Audiard, autre sérieux prétendant à la palme d’or.

    C’est une Amérique désabusée que portraiture ici Sean Baker, entre comédie, road movie et thriller. Un film empreint de la fougue de la jeunesse de son héroïne qui croit au conte de fées et à la comédie romantiques avec les codes desquelles Sean Baker jongle malicieusement en nous embarquant sur des voies inattendues, confrontant la couardise des hommes au courage de sa jeune protagoniste, loin des clichés.

    Mikey Madison crève littéralement l’écran du début à la fin. Il est impossible d’imaginer une autre actrice pour incarner Anora à laquelle elle apporte toute sa puissance tragi-comique.

    Avec ce conte de fées réécrit qui est aussi son huitième film, Sean Baker lorgne du côté des frères  Coen et a surtout réalisé un film aussi imprévisible que jubilatoire, burlesque, rythmé, déjanté. A l’image de son héroïne, il ose constamment pour notre plus grand plaisir.  Un conte à la fois cruel et mélancolique, débridé et poignant quand il se pose enfin…et nous cueille totalement après cette course effrénée, trépidante et passionnante.

  • 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville - Critique de TWO LOVERS de James Gray

    Ce jeudi 12 septembre, à 10H30, au Morny, ne manquez pas le chef-d'œuvre de James Gray, Two lovers, projeté dans le cadre de l'hommage au cinéaste.

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    Direction New York, ville fétiche du cinéma de James Gray, où, après avoir tenté de se suicider, Léonard (Joaquin Phoenix) hésite entre suivre son destin en épousant Sandra (Vinessa Shaw), la femme que ses parents choisissent pour lui, ou se rebeller et écouter ses sentiments pour sa nouvelle voisine, Michelle (Gwyneth Paltrow), belle, fragile et inconstante, dont il est tombé éperdument amoureux, pour laquelle il éprouve instantanément un amour dévastateur et irrépressible.

    Pour conter cette histoire d'amour, James Gray a de nouveau opté pour une atmosphère de film noir, genre auquel il s’était jusqu’alors cantonné avec ses trois (remarquables) films précédents : Little Odessa, The Yards, La nuit nous appartient. La tension est palpable, constamment, comme dans un polar, ici liée au désir qui s’empare du personnage principal, malade d’amour, magistralement interprété par Joaquin Phoenix avec son regard mélancolique, enfiévré de passion, ses gestes maladroits, son corps même qui semble crouler sous le poids de son existence, sa gaucherie adolescente. Dès le début, le film est placé sous le sceau du drame. Leonard se jette d’un pont puis rentre chez lui. Chez lui : en réalité, chez ses parents, chez lesquels il vit toujours, pour lesquels il travaille aussi (dans la blanchisserie de son père).

    C’est à travers le regard du personnage attachant et vulnérable de Leonard Kraditor (il ne quitte jamais l’écran) que nous suivons l’histoire. Celle d’un homme, atteint d'un trouble bipolaire qui, après une traumatisante déception sentimentale, revient vivre dans sa famille et fait la rencontre de deux femmes. Entre ces deux femmes, le cœur de Leonard balance. Entre l’équilibre et le déséquilibre. Entre celle qui veut prendre soin de lui et celle qui a besoin qu'on prenne soin d'elle. Entre le choix du père et son propre choix. Le dilemme et la figure paternelle : deux thèmes omniprésents dans le cinéma de James Gray.

    Leonard éprouve ainsi un amour obsessionnel, irrationnel, passionnel pour Michelle. Et une inclinaison plus tranquille pour Sandra. Two lovers ausculte la complexité du sentiment amoureux, la difficulté d’aimer et de l’être en retour, mais il ausculte aussi les fragilités de trois êtres qui s’accrochent les uns aux autres, comme des enfants égarés dans un monde d’adultes qui n’acceptent pas les écorchés vifs. Michelle et Leonard ont, parfois, « l’impression d’être morts », de vivre sans se sentir exister. Le toit sur lequel ils se retrouvent est une sorte d’ailleurs poétique, où ils échouent, se retrouvent, se noient, s’accrochent l’un à l’autre comme deux naufragés pris en pleine tempête. Une des forces de Two lovers  provient avant tout de la caractérisation des personnages, de leurs contradictions, de leurs faiblesses, de leur ambivalence.

    Cinq ans plus tard, dans The Immigrant, Joaquin Phoenix, incarnera à nouveau un personnage complexe et mystérieux qui prendra toute son ampleur au dénouement et montrera aussi à quel point le cinéma de James Gray derrière un apparent manichéisme est particulièrement nuancé et subtil.

    Par des gestes, des regards, des paroles esquissés ou éludés, James Gray dépeint de manière subtile la maladresse touchante d’un amour vain mais surtout la cruauté cinglante de l’amour sans retour qui emprisonne (plan de Michelle derrière des barreaux de son appartement, les appartements de Leonard et Michelle donnant sur la même cour rappelant ainsi Fenêtre sur cour d’Hitchcock de même que la blondeur toute hitchcockienne de Michelle), et qui exalte et détruit. Sandra dont le film préféré est La mélodie du bonheur représente en revanche la stabilité.

    Tout comme dans La Nuit nous appartient qui en apparence opposait les bons et les méchants, l’ordre et le désordre, la loi et l’illégalité, et semblait au départ très manichéen, dans lequel le personnage principal était écartelé,  allait évoluer,  passer de l’ombre à la lumière, ou plutôt d’un univers obscur où régnait la lumière à un univers normalement plus lumineux dominé par des couleurs sombres, ici aussi Leonard est confronté à un choix cornélien, ballotté entre le désir et la raison. Mais cette fois, ce n’est pas entre le bien et le mal mais entre deux femmes, entre la loi du cœur et la loi de la famille qu’il doit choisir.

    James Gray a opté pour une réalisation élégamment discrète et maîtrisée, au plus près des visages, et un scénario pudique magnifié par la photographie crépusculaire de Joaquin Baca-Asay qui procurent, des accents lyriques à cette histoire qui aurait pu être banale, mais dont il met ainsi en valeur les personnages d’une complexité, d’une richesse et d’une humanité poignantes.  James Gray n’a pas non plus délaissé son sujet fétiche, à savoir la famille qui symbolise la force et la fragilité de chacun des personnages : Leonard cherche à s’émanciper, Michelle est victime de la folie de son père…

     Un film d’une tendre cruauté et d’une amère beauté. Un thriller intime d’une vertigineuse sensibilité à l’image des sentiments, enivrants, qui s’emparent des personnages principaux, et de l’émotion qui s’empare du spectateur. Ajoutez à cela la bo entre jazz et opéra ( même influence du jazz et même extrait de l’opéra de Donizetti, L’elisir d’amoreUna furtiva lagrima que dans  le chef d’œuvre de Woody Allen, Match point, dans lequel on trouve la même élégance dans la mise en scène et la même dualité entre la femme brune et la femme blonde sans oublier également la référence commune à Dostoïevski, Crime et châtiment dans le film de Woody Allen, Les Nuits blanches ici) et vous obtiendrez un film dans lequel James Gray parvient à faire d’une histoire a priori simple un très grand film, à fleur de peau, d’une mélancolie, d’une poésie et d’une beauté déchirantes.

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  • Festival du Cinéma Américain de Deauville 2024 -Critique de LA PLUS PRÉCIEUSE DES MARCHANDISES de Michel Hazanavicius ( L'Heure de la Croisette)

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    Le film de Michel Hazanavicius, La Plus Précieuse Des Marchandises figurait parmi les films en compétition au Festival de Cannes 2024. Il fut aussi présenté en avant-première dans le cadre de ce 50èmme Festival du Cinéma Américain de Deauville (dans le cadre de L'Heure de la Croisette), et au Festival du Cinéma et Musique de La Baule 2024. Il fit également l’ouverture du Festival International du Film d’Annecy. À Cannes, il a remporté le prix du Cinéma positif, un prix qui récompensait ainsi son « engagement et son message sur des thématiques fortes, pleines d’espoir et d’humanité », permettant « au monde de réfléchir à un monde meilleur ».

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    L’an passé, avec son chef-d’œuvre La Zone d’intérêt, également présenté en compétition à Cannes mais aussi en avant-première dans le cadre du Festival du Cinéma Américain de Deauville 2023, Jonathan Glazer prouvait d’une nouvelle manière, singulière, puissante, audacieuse et digne, qu’il est possible d’évoquer l’horreur sans la représenter frontalement, par des plans fixes, en nous en montrant le contrechamp, reflet terrifiant de la banalité du mal, non moins insoutenable, dont il signait ainsi une démonstration implacable, réunissant dans chaque plan deux mondes qui coexistent, l'un étant une insulte permanente à l’autre.

    Avant lui, bien d’autres cinéastes avaient évoqué la Shoah : Claude Lanzmann (dont le documentaire, Shoah, reste l’incontournable témoignage sur le sujet, avec également le court-métrage d’Alain Resnais, Nuit et brouillard) qui écrivit ainsi : « L’Holocauste est d’abord unique en ceci qu’il édifie autour de lui, en un cercle de flammes, la limite à ne pas franchir parce qu’un certain absolu de l’horreur est intransmissible : prétendre pourtant le faire, c’est se rendre coupable de la transgression la plus grave. »

    Autre approche que celle de La Liste de Schindler de Spielberg ( qui va à l'encontre même de la vision de Lanzmann) dont le scénario sans concessions au pathos de Steven Zaillian, la photographie entre expressionnisme et néoréalisme de Janusz Kaminski (splendides plans de Schindler partiellement dans la pénombre qui reflètent les paradoxes du personnage), l’interprétation de Liam Neeson, passionnant personnage, paradoxal, ambigu et humain à souhait, et face à lui, la folie de celui de Ralph Fiennes, la virtuosité et la précision de la mise en scène (qui ne cherche néanmoins jamais à éblouir mais dont la sobriété et la simplicité suffisent à retranscrire l’horrible réalité), la musique poignante de John Williams par laquelle il est absolument impossible de ne pas être ravagé d'émotions à chaque écoute (musique solennelle et austère qui sied au sujet avec ce violon qui larmoie, voix de ceux à qui on l’a ôtée, par le talent du violoniste israélien Itzhak Perlman, qui devient alors, aussi, le messager de l’espoir), et le message d’espérance malgré toute l’horreur en font un film bouleversant et magistral. Et cette petite fille en rouge que nous n'oublierons jamais, perdue, tentant d’échapper au massacre (vainement) et qui fait prendre conscience à Schindler de l’individualité de ces Juifs qui n’étaient alors pour lui qu’une main d’œuvre bon marché.

    En 2015, avec Le Fils de Saul, László Nemes nous immergeait dans le quotidien d'un membre des Sonderkommandos, en octobre 1944, à Auschwitz-Birkenau.

    Avec le plus controversé La vie est belle, Benigni avait lui opté pour le conte philosophique, la fable pour démontrer toute la tragique et monstrueuse absurdité à travers les yeux de l’enfance, de l’innocence, ceux de Giosué. Benigni ne cède pour autant à aucune facilité, son scénario et ses dialogues sont ciselés pour que chaque scène « comique » soit le masque et le révélateur de la tragédie qui se « joue ». Bien entendu, Benigni ne rit pas, et à aucun moment, de la Shoah mais utilise le rire, la seule arme qui lui reste, pour relater l’incroyable et terrible réalité et rendre l’inacceptable acceptable aux yeux de son enfant. Benigni cite ainsi Primo Levi dans Si c’est un homme qui décrit l’appel du matin dans le camp. « Tous les détenus sont nus, immobiles, et Levi regarde autour de lui en se disant : «  Et si ce n’était qu’une blague, tout ça ne peut pas être vrai… ». C’est la question que se sont posés tous les survivants : comment cela a-t-il pu arriver ? ». Tout cela est tellement inconcevable, irréel, que la seule solution est de recourir à un rire libérateur qui en souligne l'absurdité. Le seul moyen de rester fidèle à la réalité, de toute façon intraduisible dans toute son indicible horreur, était donc, pour Benigni, de la styliser et non de recourir au réalisme. Quand il rentre au baraquement, épuisé, après une journée de travail, il dit à Giosué que c’était « à mourir de rire ». Giosué répète les horreurs qu’il entend à son père comme « ils vont faire de nous des boutons et du savon », des horreurs que seul un enfant pourrait croire mais qui ne peuvent que rendre un adulte incrédule devant tant d’imagination dans la barbarie (« Boutons, savons : tu gobes n’importe quoi ») et n’y trouver pour seule explication que la folie (« Ils sont fous »). Benigni recourt à plusieurs reprises intelligemment à l’ellipse comme lors du dénouement avec ce tir de mitraillette hors champ, brusque, violent, où la mort terrible d’un homme se résume à une besogne effectuée à la va-vite. Les paroles suivantes le « C’était vrai alors » lorsque Giosué voit apparaître le char résonne alors comme une ironie tragique. Et saisissante.

    C’est aussi le genre du conte qu’a choisi Michel Hazanavicius, pour son premier film d’animation, qui évoque également cette période de l’Histoire, une adaptation du livre La Plus Précieuse Des Marchandises de Jean-Claude Grumberg. Le producteur Patrick Sobelman lui avait ainsi proposé d’adapter le roman avant même sa publication.

     Le réalisateur a ainsi dessiné lui-même les images, particulièrement marquantes (chacune pourrait être un tableau tant les dessins sont magnifiques), il dit ainsi s’être nourri du travail de l’illustrateur Henri Rivière, l’une des figures majeures du japonisme en France. En résulte en effet un dessin particulièrement poétique, aux allures de gravures ou d’estampes.

    Ainsi est résumé ce conte :  Il était une fois, dans un grand bois, un pauvre bûcheron (voix de Grégory Gadebois) et une pauvre bûcheronne (voix de Dominique Blanc). Le froid, la faim, la misère, et partout autour d´eux la guerre, leur rendaient la vie bien difficile. Un jour, pauvre bûcheronne recueille un bébé. Un bébé jeté d’un des nombreux trains qui traversent sans cesse leur bois. Protégée quoi qu’il en coûte, ce bébé, cette petite marchandise va bouleverser la vie de cette femme, de son mari, et de tous ceux qui vont croiser son destin, jusqu’à l’homme qui l’a jeté du train.

     Avant même l’horreur que le film raconte, ce qui marque d’abord, ce sont les voix, celle si singulière et veloutée de Jean-Louis Trintignant d’abord (ce fut la dernière apparition vocale de l’acteur décédé en juin 2022) qui résonne comme une douce mélopée murmurée à nos oreilles pour nous conter cette histoire dont il est le narrateur. Dans le rôle du « pauvre bûcheron », Grégory Gadebois, une fois de plus, est d’une justesse de ton remarquable, si bien que même longtemps après la projection son « Même les sans cœurs ont un cœur » (ainsi appellent-ils d’abord les Juifs, les « sans cœurs » avant de tomber fou d’amour pour ce bébé et de réaliser la folie et la bêtise de ce qu’il pensait jusqu’alors et avant d’en devenir le plus fervent défenseur, au péril de sa vie) résonne là aussi encore comme une litanie envoûtante et bouleversante.

    Le but était ainsi que le film soit familial et n’effraie pas les enfants. Les images des camps sont donc inanimées, accompagnées de neige et de fumée, elles n’en sont pas moins parlantes, et malgré l’image figée elles s’insinuent en nous comme un cri d’effroi. Le but du réalisateur n’était néanmoins pas de se focaliser sur la mort et la guerre mais de rendre hommage aux Justes, de réaliser un film sur la vie, de montrer que la lumière pouvait vaincre l’obscurité. Un message qu’il fait plus que jamais du bien d’entendre.

     Le film est accompagné par les notes d’Alexandre Desplat qui alternent entre deux atmosphères du conte : funèbre et féérique (tout comme dans le dessin et l’histoire, la lumière perce ainsi l’obscurité). S’y ajoutent deux chansons : La Berceuse (Schlof Zhe, Bidele), chant traditionnel yiddish, et Chiribim Chiribom, air traditionnel, interprétées par The Barry Sisters.

    Michel Hazanavicius signe ainsi une histoire d’une grande humanité, universelle, réalisée avec délicatesse, pudeur et élégance sans pour autant masquer les horreurs de la Shoah. Les dessins d’une grande qualité, les sublimes voix qui narrent et jouent l’histoire, la richesse du texte, la musique qui l’accompagne en font un film absolument captivant, d’une grande douceur malgré l’âpreté du sujet et de certaines scènes. Un conte qui raconte une réalité historique. Une ode au courage, elle-même audacieuse. On n’en attendait pas moins de la part de celui qui avait osé réaliser des OSS désopilants, mais aussi The Artist, un film muet (ou quasiment puisqu’il y a quelques bruitages), en noir et blanc tourné à Hollywood, un film qui concentre magistralement la beauté simple et magique, poignante et foudroyante, du cinéma, comme la découverte de ce plaisir immense et intense que connaissent les amoureux du cinéma lorsqu’ils voient un film pour la première fois, et découvrent son pouvoir d’une magie ineffable. Chacun de ses films prouve l’immense étendue du talent de Michel Hazanavicius qui excelle et nous conquiert avec chaque genre cinématographique, aussi différents soient-ils avec, toujours, pour point commun, l’audace.

    Des années après Benigni, Hazanavicius a osé à son tour réaliser un conte sur la Shoah, qui est avant tout une ode à la vie, un magnifique hommage aux Justes, sobre et poignant, qui use intelligemment du hors champ pour nous raconter le meilleur et le pire des hommes, la générosité, le courage et la bonté sans limites (représentées aussi par cette Gueule cassée de la première guerre mondiale incarnée par la voix de Denis Podalydès)  et la haine, la bêtise et la cruauté sans bornes, et qui nous laisse après la projection, bouleversés, avec, en tête, les voix de Grégory Gadebois et Jean-Louis Trintignant, mais aussi cette lumière victorieuse, le courage des Justes auquel ce film rend magnifiquement hommage et cette phrase, à l’image du film, d’une force poignante et d’une beauté renversante  :  « Voilà la seule chose qui mérite d’exister : l’amour. Le reste est silence ».

  • 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville - Critique de MY WEEK WITH MARILYN de Simon Curtis

    Dans le cadre de l'hommage à Michelle Williams, ce mercredi 11 septembre, à 9H, au Casino, ne manquez pas ce film dans lequel elle crève littéralement l'écran.

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    Personne encore n’avait eu l'audace ou l'inconscience de s’attaquer au mythe ultime du cinéma dont le prénom seul suffit à l’identifier, Marilyn, alors que, pourtant les biopics fleurissent ces dernières années et même ces dernières semaines ( après « Cloclo » récemment encore). Le seul qui m’ait vraiment enthousiasmée pour l’instant est le « Gainsbourg vie héroïque » de Joann Sfar qui n’est pas une simple transcription sur l’écran de l’existence du chanteur mais une audacieuse et poétique entreprise artistique (voir ma critique ici). Employer le terme de biopic pour « My week with Marilyn » est d’ailleurs inexact puisqu’il s’agit d’une manière plus ou moins habile de le contourner en ne racontant qu’une semaine de la vie de cette dernière.

    Cette semaine se déroule au début de l’été 1956 lorsque Marilyn Monroe (Michelle Williams) se rend en Angleterre pour la première fois pour tourner « Le Prince et la danseuse », réalisé par Sir Laurence Olivier (Kenneth Branagh) qui en interprétait aussi le rôle principal, ou la rencontre de deux légendes, l’une du théâtre, l’autre du cinéma qui ne rêvaient finalement d’être que ce que l’autre était (une actrice reconnue pour son talent pour Marilyn, une star pour Sir Laurence Olivier). Marilyn vient de se marier avec le dramaturge Arthur Miller (Dougray Scott). Ce même été, le jeune Colin Clark (Eddie Redmayne), âgé de 23 ans, ne rêve que de découvrir les coulisses d’un tournage de cinéma. Il parvient ainsi à se faire employer comme assistant sur le plateau.  

    « My week with Marilyn » est adapté de deux livres de Colin Clark « The  Prince, the Showgirl and Me » et d’un livre éponyme.

    Quel plus beau et à la fois plus impossible personnage de cinéma que Marilyn qui était elle-même, déjà, un personnage dans la vie puisqu’elle interprétait constamment un rôle, se mettant en scène, maquillant son vrai visage (dans tous les sens du terme) ? Le film commence et s’achève sur une image de Marilyn sur l’écran…et ne s’en détachera d’ailleurs guère. Si c’est bien à celle qui se dissimulait derrière ce masque que le film s’attache, il ne parvient pourtant jamais à s’éloigner des clichés se contentant au contraire de les aligner (dans les deux sens du terme, des clichés sur sa personnalité à ceux, visuels, qui l'ont immortalisée).

    Velléitaire et déterminée, forte et si fragile, éblouissante et égarée, entourée et si seule, tellement observée et incomprise, orgueilleuse et doutant d’elle-même, enfantine et incarnation suprême de la féminité, manipulatrice et manipulée : Marilyn réunit tous les (fascinants) paradoxes des artistes et les porte à leur paroxysme. De bien belles images dont le film ne parvient jamais à s’éloigner expliquant seulement son besoin d’amour immodéré, sa fragilité et ses failles, sommairement,  par le manque de  sa mère.

    Une vraie fiction sur une artiste « quelconque » aurait été à mon sens beaucoup plus intéressante que ce biopic qui tente, maladroitement, de contourner les règles du genre. Il est vrai que Mankiewicz avec « La Comtesse aux pieds nus » et « Eve » (dans lequel jouait d’ailleurs  une certaine Marilyn) avait déjà tout et magnifiquement dit.

    Forcément ici tout souffre de la comparaison. Comparaison avec ces films dans lesquels Marilyn irradiait. Comparaison avec son inimitable phrasé et démarche que, malgré son talent et ses efforts, Michelle Williams n’atteindra jamais oscillant entre un mimétisme parfois réussi (lorsqu’elle danse), et parfois frôlant le grotesque (lorsqu’elle minaude).

    Si la mise en scène très classique (voix off de rigueur…) relève du téléfilm (Simon Curtis, le réalisateur, vient d’ailleurs de la télévision), la bande originale (Johnny Ace, Nat King Cole, Dean Martin et la composition d’Alexandre Desplat), la touchante naïveté du personnage de Colin (belle découverte que Eddie Redmayne) totalement ébloui et sincèrement touché par la fragilité de Norma Jean et soucieux de la protéger, et la présence toujours charismatique de Judi Dench sauvent le film (contrairement à la terrible erreur de casting de Julia Ormond en Vivien Leigh).

    Le seul intérêt de ce film s’inscrivant dans la mouvance actuelle d’un cinéma nostalgique et du biopic (et qui ne prend guère de risques en s’assurant l’intérêt du public acquis à la cause du personnage)  est finalement de nous donner envie de revoir les films avec Marilyn, et notamment “Le Prince et la Danseuse” dont les scènes de tournage sont recréées ici (avec la présence étouffante de Paula Strasberg).

    Un jeu de mise en abyme et de mimétisme décevant qui ne fait que renforcer le mystère fascinant des artistes dont Marilyn incarnait si bien les troublants paradoxes et  que le film de Michel Hazanavicius décrit magnifiquement en mettant en scène la solitude et l’orgueil dévorants des artistes dans "The Artist". Revoyez plutôt « The Artist » ou « La Comtesse aux pieds nus ».

     

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  • Première -Festival du Cinéma Américain de Deauville 2024 - Critique de ALL WE IMAGINE AS LIGHT de Payal Kapadia (L'heure de la Croisette)

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    All we imagine as light est le premier long-métrage de fiction de Payal Kapadia, qui avait auparavant réalisé plusieurs courts-métrages et un long-métrage documentaire, Toute une nuit sans savoir, qui fut présenté à la Quinzaine des Cinéastes en 2021 et qui remporta l’Œil d’Or du meilleur documentaire. Avec ce long-métrage, elle permettait le retour du cinéma indien en compétition à Cannes après… 30 ans d’absence !

    Ce film était ce soir présenté en Première à Deauville, dans le cadre de l'Heure de la Croisette.

    Sans nouvelles de son mari depuis des années, Prabha, infirmière à Mumbai, s'interdit toute vie sentimentale. De son côté, Anu, sa jeune colocataire, fréquente en cachette un jeune homme qu’elle n’a pas le droit d’aimer. Lors d'un séjour dans un village côtier, ces deux femmes empêchées dans leurs désirs entrevoient enfin la promesse d'une liberté nouvelle.

    Le film a été en grande partie réalisé à Mumbaï, dans les quartiers de Lower Parel et Dadard (le quartier d’origine de la cinéaste). La deuxième partie du film qui se déroule en bord de mer a été tournée dans un village du littoral de Ratnagiri. Aux journées incessamment pluvieuses qui nimbent la ville d’une aura sombre constellée de lumière(s) s’opposent alors la nature verdoyante, et un paysage illuminé de soleil.

    Il y a quelque chose qui relève d’un poème dans ce film, ou d’un tableau, ou d’une musique, un peu tout cela, en tout cas, une œuvre d’art sensorielle, grave et légère, délicate et sensuelle qui vous envoûte, vous charme subrepticement pour totalement vous bouleverser au dénouement.

    La manière dont la cinéaste filme la ville, ses ombres et ses lumières, avec langueur et sensualité, fait penser à Wong Kar-Wai tandis que la deuxième partie, évanescente, m’a fait songer au cinéma de Apichatpong Weerasethakul.

     Discrètement : c’est ainsi que la réalisatrice instille son féminisme, comme elle nous ensorcelle. Le premier long métrage de fiction de  Payal Kabadia a marqué le palmarès de ce 77ème Festival de Cannes en recevant le Grand Prix, comme il imprègne ma mémoire. Trois magnifiques portraits de femmes mais aussi le portrait sensible de la société indienne.  Un film poétique et plein de grâce, moderne et langoureux dont le réalisme laisse peu à peu place à un chant onirique. Captivant.

  • 50ème Festival du Cinéma Américain de Deauville - critique de INCEPTION de Christopher Nolan

    Comme je vous le disais dans mon article présentant le programme de cette 50ème édition, les organisateurs ont eu la bonne idée de programmer 50 chefs-d'œuvre du cinéma américain parmi lesquels Inception de Christopher Nolan à (re)découvrir ce 10 septembre à 15h au Morny.

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    Leonardo DiCaprio y incarne Dom Cobb un voleur expérimenté et talentueux d’un genre très particulier. Il est ainsi le meilleur dans l’art périlleux de l’extraction de rêves. Ses talents sont sollicités pour de l’espionnage industriel. Traqué dans le monde entier pour un crime qu’il n’a pas commis, il ne peut plus retourner dans son pays d’origine ni revoir ses enfants. La seule issue pour lui qui lui permettrait de retrouver sa vie d’avant : c’est d’accomplir l’impossible, l’inception, pour le compte d’un riche homme d’affaires Saito (Ken Watanabe). Cette fois il ne s’agira plus de subtiliser un rêve mais d’implanter une idée dans l’esprit de l’héritier d’une multinationale, Fischer (Cillian Murphy) pour qu’il renverse l’empire édifié par son père. Pour cela, tel Jim Phelps, il va constituer une équipe notamment composée de l’architecte des rêves, la jeune étudiante Ariadne (Ellen Page), d’Arthur (Joseph Gordon-Lewitt), Eames (Tom Hardy), Yusef (Dileep Rao). L’opération se révèle d’autant plus délicate que Cobb est hanté par le souvenir de sa femme, la troublante Mal (Marion Cotillard)…

     

     Subtiliser et manipuler les rêves. Implanter une idée. Quelle belle promesse d’un voyage unique pour le spectateur. Quel synopsis  d’une inventivité et d’une audace rarement égalées dans un cinéma de plus en plus frileux. Promesse plus que tenue : ces voleurs de rêves dès le premier plan subtilisent notre attention pour ne plus la lâcher jusqu’au dernier. Christopher Nolan porte le cinéma à son plus haut niveau en construisant un concept et un univers improbables à partir de rien et en nous y faisant totalement adhérer. Un blockbuster avec toute la richesse, la complexité et la confiance dans le spectateur, généralement davantage (et à tort) attribuées au film d’auteur.

     

     Par un astucieux effet de mise en abyme, Christopher Nolan se fait l’architecte de notre rêve comme l’équipe de Cobb le fait pour Fischer. Cobb est le réalisateur de cette mission impossible, l’inception. Il est hanté par son passé comme un cinéaste parsème son film de souvenirs plus ou moins conscients. Je ne vous dirai pas si Cobb réussit sa mission mais celle de Nolan est en tout cas plus que réussie. N’est-ce pas là la plus belle mission du cinéma que de nous faire partager un rêve ? Le spectateur est en totale symbiose avec ce que vivent les personnages jusqu’à cette impression de chute qui les réveille des rêves qu’ils construisent et qu’il nous arrive à nous aussi (à moi en tout cas) d’avoir au réveil. Christopher Nolan nous plonge ainsi dans les méandres fascinants du subconscient mais aussi dans ceux de la réalisation cinématographique dont ils sont la métaphore.  

     A la manière des films d’espionnage dont il dit s’être inspiré, Christopher Nolan nous immerge dès le début en pleine action comme ces rêves dont vous ne vous souvenez plus du début et qui commencent sur une plage, comme ici, ou ailleurs.  Il nous embarque alors aux quatre coins du monde, plus exactement dans six pays sur quatre continents différents (Tokyo, Los Angeles, Londres, Tanger, Paris, Calgary sont ainsi les différents lieux de tournage) pour un voyage sans cesse surprenant.

     Plutôt que de bâtir un univers science-fictionnel qui nous aurait été totalement étranger le cinéaste a préféré donner réalité et réalisme à l’insaisissable, aux rêves, pour que nous nous immergions plus facilement dans son univers et pour que  celui-ci nous paraisse familier et pour que l’idée de ces différents niveaux de rêves, si abstraite et complexe a priori, soit simple et limpide à l’écran. Quelle gageure que de parvenir à cela. Un puzzle dont le spectateur est aussi l’artisan et dont Aria(d)ne détient le fameux fil. La mémoire, la distorsion du temps, l’illusion autant de thèmes que Christopher Nolan avait déjà abordés dans ses précédents films et dont il décèle ici le meilleur.

     Au-delà de l’immense talent de metteur en scène et de scénariste de Christopher Nolan l’interprétation est aussi remarquable, en particulier celle de Leonardo DiCaprio qui confirme être le meilleur acteur de sa génération et qui, après Shutter Island (avec lequel ce film présente d’ailleurs de nombreux points communs, ce qui est un compliment puisque « Shutter Island » était pour moi jusqu’à présent le meilleur film de l’année ), montre encore un nouveau visage et un jeu toujours aussi captivant, intense, entremêlant subtilement une foule d’émotions, parfois dans une même scène. Impossible aussi de ne pas évoquer la musique de Hans Zimmer qui dans le dernier plan fait surgir une irrépressible émotion avec une force rare qui m’a réellement faîte chavirer.

     Un film inclassable qui ne mêle pas seulement les dimensions mais aussi les genres : film d’amour avec sa femme fatale et ses sentiments éternels et obsédants, thriller, film d’action (bien sûr de spectaculaires explosions mais aussi des prouesses architecturales que je vous laisse découvrir), film de science-fiction, voyage cathartique. Un film gigogne d’une rare ingéniosité, sinueux et étourdissant. Un dédale de rêves : sans doute est-ce la plus belle définition du cinéma auquel il rend hommage et dont il est le miroir.

     Plus qu’un film, une expérience vertigineuse, dont le dernier plan, même après une seconde projection, m’a laissée en apesanteur, comme grisée par un tour de manège délicieusement enivrant. A l’image des idées toujours fixées sur le subconscient un film qui vous laisse une empreinte inaltérable. Un film qui se vit plus qu’il ne se raconte, qui nous plonge en plein rêve.

     La quintessence du cinéma : un rêve partagé qui distord le temps, défie la mort. Enfin il nous rappelle ce que nous ne devrions pas oublier ou craindre : ne jamais avoir peur de rêver trop grand.

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