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Par Sandra Mézière. Le 7ème art raconté avec passion depuis 2003. 4000 articles. Festivals de cinéma en direct : Deauville, La Baule, Cannes, Dinard...Critiques de films : avant-premières, à l'affiche, classiques. Actualité de romancière. Podcast.
J'ai eu le plaisir de pouvoir regarder en avant-première le (télé)film qui sera diffusé ce soir, à 20H40, sur Arte, intitulé "Le piège afghan" et réalisé par Miguel Courtois.
A travers le parcours de Nadia (Marie-Josée Croze), médecin militaire en Afghanistan, ce téléfilm parvient à raconter et expliciter avec beaucoup de clarté et pédagogie, et autant d'objectivité que possible, une situation particulièrement complexe, celle d'un conflit que nous regardons fréquemment à travers les images des journaux télévisés mais qui demeure finalement pour nous très lointain et obscur.
En épousant le point de vue de cette femme, le téléfilm nous permet de comprendre la réalité du terrain, le rôle de l'armée (là pour combattre mais aussi pour aider un pays à se reconstruire) parfois envisagée comme un occupant et tous les facteurs qui entrent en jeu: le rôle de la drogue omniprésente, la corruption, la situation des femmes... Un vrai défi que de montrer tout cela tout en racontant une histoire avec un vrai regard cinématographique en 91 minutes.
Si l'objectif politique du conflit était au départ de lutter contre le terrorisme international, pour beaucoup d'Afghans qui ne sont pas Talibans, comme certains chefs pachtounes, c'est aussi une question de fierté, ce qu'illustre très bien le personnage de Hassan incarné par David Kammenos dont la noble beauté crève l'écran.
La condition des femmes est au centre de l'Histoire et le premier et le dernier plan se font ainsi intelligemment et magnifiquement écho, le film s'achevant (et je ne "dévoile" pas l'intrigue en écrivant cela) sur une femme révélée et "dévoilée", une lueur d'espoir, un horizon moins obscurci.
Un téléfilm pédagogique passionnant, avec des personnages attachants reliés par des liens aussi implicites que forts. Un montage aussi délicat que nerveux (pour les scènes de guerre). Une belle leçon d'Histoire avec un vrai regard de cinéaste. A ne surtout pas manquer!
Synopsis:
Médecin dans une base militaire française en Afghanistan, Nadia (Marie-Josée Croze), la trentaine, travaille pour la coalition qui réunit les grandes puissances occidentales. Envoyée en mission dans un village occupant une position stratégique, son convoi tombe dans une embuscade. Nadia et un soldat d'origine tadjik sont capturés par un groupe de talibans dirigé par Abdullah, un Pakistanais. Alors que le soldat est égorgé, Nadia est miraculeusement relâchée grâce à l'intervention d'un chef pachtoun, Hassan Walli (David Kammenos), qu'elle a connu dix ans plus tôt à Paris. Utilisant ce lien d'amitié, le colonel Leroy, de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), demande alors à la jeune femme de se rapprocher d'Hassan, perçu comme un modéré hostile à Al-Qaida...
Depuis huit ans, l’écriture de mes différents blogs est guidée par le désir (inaltéré et même croissant) de raconter mes pérégrinations festivalières, de partager mes coups de cœur cinématographiques mais surtout de transmettre ma passion viscérale pour le cinéma…mais il m’aura aussi permis d’écouter et rencontrer des artistes aussi talentueux que passionnés (et humbles, j’ai remarqué d’ailleurs que cela coïncide souvent avec le vrai talent et la passion sincère).
Cette « interview » de Jean-Jacques Annaud et Tahar Rahim restera parmi les beaux moments que m’aura permis de vivre ce blog et qui auront renforcé ma conviction que le cinéma, quand il est fait avec ardeur, est le plus beau métier du monde et permet de conserver un regard juvénile et curieux sur l'existence. Interview entre guillemets parce que ce qui devait être une table ronde de 30 minutes (nous étions 5 blogueurs*, vous reconnaîtrez aisément ma voix, la seule féminine de l’assistance) s’est transformé en une passionnante leçon de cinéma d’une heure si bien que j’oubliais parfois un peu que nous étions aussi d’une certaine manière « acteurs » de la rencontre et que, tellement attentive, j'en oubliais de tenir correctement la caméra (avec une pratique involontaire du hors-champ de laquelle vous pourrez toujours induire une interprétation hautement philosophique).
Il y a encore tant d’autres questions que j’aurais aimé poser…notamment à Tahar Rahim sur « Les hommes libres » que j’avais beaucoup aimé (voir ma critique, ici: http://www.inthemoodforcinema.com/archive/2011/09/27/critique-les-hommes-libres-d-ismael-ferroukhi-avec-tahar-rah.html ), sur ses projets dont le prochain film de Cyril Mennegun, réalisateur d’un très beau, sensible, âpre premier long intitulé « Louise Wimmer » et qui avait déjà réalisé un documentaire sur Tahar Rahim « Tahar l’étudiant » ( Cyril Mennegun avait révélé au Festival de Saint Jean de Luz que Tahar Rahim serait l’acteur principal de son prochain film). Cela m’a aussi donné envie de voir le dernier film de Lou Ye que j’avais inexplicablement manqué lors de sa sortie. J’aurais aussi aimé leur dire à quel point j’admirais leur travail mais des compliments peuvent toujours aisément passer pour de la flagornerie dans ces circonstances et auraient sans doute mis leur auteure encore plus mal à l’aise que les destinataires. Et enfin cela m’a donné envie de persister dans ma passion aussi sinueux soit le chemin qui mène à la réalisation de mes projets.
La rencontre s’est déroulée dans les locaux labyrinthiques et chaleureux de Warner, sans rapport donc avec les press junkets habituels anonymes, aseptisés et expéditifs. Il y a évidemment été question d’ « Or noir » (en salles aujourd’hui et que je vous recommande, voir ma critique ci-dessous) mais aussi de révolution tunisienne, de Claude Chabrol, de Sean Connery, de dromadaires, de Kurosawa, de Moussinac… et de passion(s) cinématographiques(s) avant tout. Je vous laisse découvrir cet instructif échange, la passion exaltée de Jean-Jacques Annaud, la réserve rare et d’autant plus louable de Tahar Rahim (dont le talent mais aussi l’humilité font honneur à ses deux César, rappelons qu’il était le premier acteur à obtenir le César du meilleur espoir et du meilleur acteur la même année, en 2010, pour « Un Prophète » de Jacques Audiard) et ses propos non moins pertinents.
Avec ce treizième film (un nombre moins élevé que pour nombre de ses confrères mais qui démontre aussi son souci de la documentation, du perfectionnisme, et l'ampleur de ses projets), Jean-Jacques Annaud nous embarque à nouveau dans des contrées lointaines pour lesquelles il témoigne, comme à chaque fois, d’une fascination contagieuse pour le spectateur, alternant scènes grandioses et intimes comme il l’avait si bien réussi déjà dans « Sept ans au Tibet » et « Stalingrad ».
Dans les années 30, le pétrole s’immisce dans la vie des peuples arabes. Symbole de richesse mais aussi d’une altérité dangereuse, celle d’un progrès qui n’en est pas forcément un pour tout le monde. Après avoir triomphé du Prince Amar (Mark Strong), pour conclure une trêve, le Prince Nessib (Antonio Banderas) prend en otage ses deux fils pour les élever. Des années plus tard, un Américain découvre du pétrole dans une zone située entre les deux royaumes, une zone censée rester neutre et qui, justement, était la cause initiale de leurs conflits. Le Prince Nessib veut l’exploiter pour s’enrichir tandis que le Prince Amar y est totalement hostile. Pour être certain que son fils « adoptif » Auda (Tahar Rahim) lui restera loyal, Nessib lui donne sa fille en mariage. Il en tombe amoureux. Auda rend visite au Prince Amar, son « vrai » père, pour le raisonner. Il va alors se retrouver confronter à des choix cornéliens et va devoir endosser un rôle auquel lui, l’intellectuel porteur d’un message de paix, n’était apparemment pas destiné…
Jean-Jacques Annaud et ses scénaristes (Menno Meyjes et Alain Godard) ont eu la judicieuse idée de ne pas conserver le titre du roman dont ils se sont inspirés : « La soif noire » de Hans Ruesch. Or noir. L’oxymore du titre reflète ainsi parfaitement ce entre quoi est écartelé Auda, au cœur de plusieurs dilemmes. Entre deux pères. Entre le progrès et le conservatisme. Entre deux interprétations du Coran. Entre la paix et la guerre. Entre les valeurs morales et la corruption. Cela reflète aussi évidemment ce qui est à l’origine du conflit : le pétrole.
Jean-Jacques Annaud a choisi l’angle de la fable, ce qui réduit d’emblée à néant les arguments de ceux qui trouvent le film suranné ou académique. Ce parti pris permet de renouer avec ces grandes fresques cinématographiques, trop rares, qui s’assument pleinement et embarquent le spectateur loin pour ne pas moins et parfois mieux évoquer des problèmes contemporains : la place des femmes, ici dans l’ombre, les interprétations du Coran, la cupidité, le combat pour le progrès (qui fait ainsi écho à la vraie Histoire qui se déroulait pendant le tournage dont une partie a eu lieu en Tunisie au moment du printemps arabe). Les violons emphatiques et mélodiques de James Horner exacerbent le caractère épique du film. Le regard de Jean-Jacques Annaud est celui d’un homme fasciné par ces terres au centre des convoitises, un regard clairvoyant et jamais condescendant.
Jean-Jacques Annaud et Tahar Rahim étaient faits pour se rencontrer. Les personnages écrits et mis en scène par le premier ont en commun d’être en périodes de transition et de s’accomplir bien souvent dans le combat. Ceux interprétés par le second s’élèvent et se révèlent dans l’adversité. Tahar Rahim confirme, une fois de plus, en incarnant Auda, cet amoureux des livres devenu lui aussi une forme de Prophète (mais très différent de celui du film éponyme qui l’a fait connaître) héros et héraut, à quel point il s’investit dans chacun de ses rôles (au point même ici de s’être réellement blessé et que sa blessure qui le faisait boiter ait été intégrée à la fin du scénario), à quel point il sait faire évoluer ses personnages d’ailleurs très différents les uns des autres mais ayant en commun d’être au départ effacés pour se révéler héros ou antihéros : d’invisible, courbé, velléitaire, Auda révèle ainsi sa hauteur, son pouvoir de décision, sa majesté mais aussi toutes la force des contradictions qu’il incarne. Lui venu en intellectuel pacifiste sera un redoutable combattant et s’y révèlera. Mark Strong est également remarquable en roi attaché à ses valeurs qui incarne les traditions d’un monde en péril. Seul bémol : le « surjeu » d’Antonio Banderas mais vous comprendrez en écoutant l’interview que la responsabilité en incombe plus à l’acteur qu’à la direction d’acteurs.
Mais le vrai héros du film, et il suffit de voir l’affiche pour s’en convaincre, c’est ce désert qu’Annaud aime éperdument, que sa caméra caresse et affronte pour nous le montrer dans toute sa flamboyance et sa cruelle beauté, avec toute son humilité devant cette nature majestueuse, royale, indomptable. Jean-Jacques Annaud s’est ainsi beaucoup inspiré de textes et tableaux d’Orient et on retrouve en effet un vrai souci du détail et de la véracité, de même que dans les différentes interprétations du Coran pour lesquelles ses scénaristes et lui-même se sont beaucoup documentés.
Enfin, il a eu le mérite, en tournant au Qatar et en Tunisie, de ne recourir que très exceptionnellement aux effets spéciaux donnant à l’art de filmer et mettre en scène toutes ses lettres de noblesse. Les scènes de combats sont ainsi impressionnantes en particulier celles entre les chars et les dromadaires, par ailleurs tout un symbole, celui de deux mondes qui s’opposent, se rencontrent et se confrontent. Celui qui s’enlise n’est d’ailleurs pas forcément celui auquel on aurait songé de prime abord. Très beau plan également de cette tâche noire qui noircit le désert, et s’étend comme une tâche de sang vorace. Toujours par souci de perfectionnisme, Jean-Jacques Annaud a également la particularité de réenregistrer tous les sons ainsi que toutes les voix du film sans exception, après le tournage.
Jean-Jacques Annaud signe donc là une fable initiatique flamboyante avec des péripéties haletantes dignes d’une tragédie grecque, un conte qui permet une métaphore d’autant plus maligne des heurts de notre époque, un conte intemporel et très actuel au souffle épique incontestable, aux paysages d’une beauté vertigineuse dans la lignée des films de David Lean (d’ailleurs pas seulement « Lawrence d’Arabie » même si le contexte y fait songer, évidemment). Le retour à un cinéma romanesque, flamboyant où tout est plus grand que la vie sans pour autant en être totalement déconnecté mais qui en est au contraire le miroir réfléchissant (dans les deux sens du terme). Un film emp(h)athique qui rend hommage à ces terres lointaines et plus largement au cinéma qu’il montre à l’image du désert : une redoutable splendeur à côté de laquelle le spectateur se sent dérisoire mais tellement vivant.
Je continue à vous tenir informés de l’actualité des César en vous rappelant de ne pas oublier que début décembre vous pourrez voir les courts-métrages présélectionnés pour le César du meilleur court, au cinéma Le Balzac, à Paris.
32 comédiennes et comédiens ont été proposés par le Comité Révélations de l’Académie des César, à l’issue de sa délibération du 21 novembre 2011. Ces comédiens et comédiennes sont proposés aux 4199 membres de l’Académie afin de faciliter leur vote pour les César 2012 du Meilleur Espoir Féminin et Masculin. Cette liste leur est proposée à titre indicatif afin de faciliter leur vote, sans avoir aucun caractère d’obligation.
Je découvre avec plaisir que Pierre Niney figure dans la liste (mais le contraire aurait été vraiment injuste). Vous pouvez retrouver mon interview de ce dernier au sujet de « J’aime regarder les filles » pour lequel il est nommé (espérons que ce sera l'occasion pour certains de découvrir le film) dans lequel il incarnait le rôle principal. Vous avez également pu le voir récemment dans « Les neiges du Kilimandjaro » (un film dont je vous parlerai ces jours prochains) dans lequel il a un rôle aussi court que remarquable. Astrid Bergès-Frisbey était également exceptionnelle dans "La fille du puisatier" et je me réjouis également de la nomination d'Agathe Bonitzer, un film primé au Festival des jeunes réalisateurs de Saint Jean de Luz dans le cadre duquel je l'avais découvert, un film pour lequel j'avais eu un vrai coup de coeur. Je vous laisse découvrir le reste de la liste ci-dessous qui compte d'autre jeunes comédiens talentueux comme Marie Denarnaud, Guillaume Gouix ou Clotilde Hesme.
Les Révélations 2012
Présélection pour le César du meilleur espoir féminin 2012
Naidra AYADI dans Polisse
Anne AZOULAY dans Léa
Alice BARNOLE dans L’Apollonide, souvenirs de la maison close
Astrid BERGÈS-FRISBEY dans La fille du puisatier
Agathe BONITZER dans Une bouteille à la mer
Lola CRÉTON dans Un amour de jeunesse
Marie DENARNAUD dans Les adoptés
Amandine DEWASMES dans Toutes nos envies
Golshifteh FARAHANI dans Si tu meurs, je te tue
Adèle HAENEL dans L’Apollonide, souvenirs de la maison close
Clotilde HESME dans Angèle et Tony
Joséphine JAPY dans Le moine
Céline SALLETTE dans L’Apollonide, souvenirs de la maison close
Christa THÉRET dans La brindille
Alison WHEELER dans Mon père est femme de ménage
Iliana ZABETH dans L’Apollonide, souvenirs de la maison close
Présélection pour le César du meilleur espoir masculin 2012
C'est dans le cadre du Forum International Cinéma et Littérature de Monaco, où j'avais eu la chance d'être invitée en 2009 que j'avais découvert le troisième long-métrage de Zabou Breitman (« Se souvenir des belles choses » et « L’homme de sa vie » étaient les deux premiers) . « Je l’aimais » était ainsi projeté en avant-première, lors de la clôture, et en présence de l’équipe du film. Daniel Auteuil fut primé lors de ce festival (voir photos et vidéos ci-dessus). Lors du débat précédant le film, il avait suscité quelques rires gênés dans la salle en soulignant qu'il était plus facile d'adapter un livre moyen qu’un bon livre. J’avoue que, moi aussi, j’avais trouvé que le livre éponyme d’Anna Gavalda correspondait davantage au premier adjectif qu’au second, et qu’il me semblait un peu inconsistant pour qu’en soit réalisée une adaptation cinématographique (Ce film m’a néanmoins donné envie de le relire, peut-être le percevrai-je alors différemment). C’était oublier que les histoires a priori les plus simples contribuent souvent aux meilleurs films, et laissent aux réalisateurs le loisir d’imposer leurs univers. Et un univers (et une sensibilité, rare) Zabou Breitman en possède indéniablement. En témoigne ce film qu’elle a adapté du roman d’Anna Gavalda, avec la scénariste Agnès de Sacy…
Synopsis : En une nuit, dans un chalet, Pierre (Daniel Auteuil) va partager avec sa belle-fille Chloé (Florence Loiret-Caille, que vous avez pu voir dans l’excellent film « J’attends quelqu’un » de Jérôme Bonnell) , ce grand secret qui le hante depuis vingt ans, celui qui le mit face à lui-même, à ses contradictions et à ses choix, à son rôle d’homme et à ses manques. Le secret de cet amour pour Mathilde (Marie-Josée Croze) pour laquelle il n’a pas tout abandonné, choisissant une route plus sûre et plus connue. En une nuit nous saurons la vie d’un homme qui n’osa pas…
L’histoire pourrait tenir en une ligne : un homme qui, en voyage d’affaires à Hong Kong, tombe amoureux d’une femme qui devient sa maîtresse et, malgré tout l’amour qu’il porte à cette dernière, reste avec sa femme. Mais c’est là ce qui fait la force de cette adaptation : ni une ligne, ni plusieurs ne peuvent résumer tout ce que Zabou Breitman parvient à faire passer dans un plan, à tout ce que Daniel Auteuil et Marie-Josée Croze parviennent à faire passer dans un geste, un regard, procurant un caractère universel et intemporel à leur histoire, et aux choix auxquels ils sont confrontés.
Plutôt que d’employer des envolées lyriques, des mouvements de caméra grandiloquents ou fantaisistes, Zabou Breitman a choisi la simplicité dans sa réalisation, laquelle convient à ces personnages, finalement prisonniers des conventions, malgré cette parenthèse enchantée. Le choix de la narration, la structure en flash-back, et même ce chalet isolé où ce secret est révélé, reflètent judicieusement le caractère secret de leur liaison. Sa caméra est toujours au plus près des regards, souvent troublés, vacillant parfois comme eux, au plus près des battements de cœur, à l’écoute du moindre frémissement, nous faisant trembler à l’unisson. Grâce à de subtiles transitions parfois saupoudrées de cette fantaisie poétique qui la caractérise aussi, Zabou passe du passé au présent, accentuant notre curiosité et la résonance entre les deux histoires.
On dit qu’il existe deux sortes de films : ceux qui vous racontent une histoire, ceux qui vous présentent des personnages. Et ici c’est dans le personnage de Daniel Auteuil, mais aussi dans celui de Marie-Josée Croze que ce film trouve toute sa force et sa singularité. Malgré tous les rôles marquants qu’il a incarnés, au bout de quelques minutes, nous oublions Daniel Auteuil pour ne plus voir que Pierre, cet homme, comme tant d’autres, qui survit plus qu’il ne vit, dévoué à son travail, cet homme, comme tant d’autres, dont la femme vit avec lui plus par habitude et par confort que par amour, un amour dont on se demande s’il a un jour existé : les scènes avec son épouse Suzanne (excellente Christiane Millet) sont d’ailleurs particulièrement réussies, révélant toute l’horreur et la médiocrité de l’habitude. Cet homme qui apparaît froid, conventionnel, enfermé dans ses conventions sociales même, dont le récit de cette passion fugace éclaire la personnalité, révèle progressivement son humanité. Cet homme qui devient vivant, beau, intéressant, sans être spirituel (ne sachant guère lui dire autre chose que « tu es belle »), dans le regard de Mathilde et dans celui que lui porte la caméra de Zabou Breitman, toujours subtilement placée, à la juste distance : comme dans cette scène où ils se retrouvent, pour la première fois, dans un bar d’hôtel, scène où passent toutes les émotions (le malaise, le bonheur, le trouble) d’un amour naissant sous nos yeux. Une scène magique et magistrale. Par la seule force de l’interprétation, l’éloquence des silences. Et de la réalisation qui les met sur un pied d’égalité, pareillement emportés, et nous place comme les témoins involontaires de leur rencontre, nous donnant l’impression d’être nous aussi dans ce bar, n’osant bouger et respirer de peur de briser cet instant fragile et envoûtant.
Ce rôle d’un homme « lost in translation » (et qui n’est d’ailleurs pas, aussi, sans rappeler le film éponyme de Sofia Coppola) est à mi-chemin entre celui qu’il interprétait dans les deux films de Claude Sautet : « Quelques jours avec moi » et « Un cœur en hiver », dont les deux titres pourraient d’ailleurs également s’appliquer au film de Zabou Breitman dont la sensibilité n’est pas totalement étrangère à celle de Claude Sautet.
Quant à Marie-Josée Croze, elle illumine le film de sa rayonnante présence, incarnant magnifiquement ce personnage insaisissable et indépendant, cet amour éphémère et fantasmé qui s’écroule lorsqu’il est rattrapé par la réalité.
Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve ? Fuir son simulacre de peur que la vie ne se sauve ? Fuir une réalité médiocre et confortable pour un rêve éveillé et incertain ? A-t-on le droit de se tromper ? Ne vaut-il mieux pas faire un choix, même mauvais, plutôt que d’éluder le choix ? Le renoncement, le sacrifice sont-ils des actes de courage ou de lâcheté ? Autant de questions que chacun peut se poser…et qui résonnent bien après le générique de fin.
Un film empreint de nostalgie qui se termine sur une note d’espoir. Un film lumineux et mélancolique qui nous est narré comme un conte, moderne et intemporel. Un film qui a la force brûlante, douloureusement belle, des souvenirs inaltérables. Un film qui nous plonge dans le souvenir, amer et poignant, des belles choses.
« Je l’aimais » a reçu le prix 2009 de la Fondation Diane et Lucien Barrière. A Monaco, son producteur, Fabio Conversi (prix du meilleur producteur d’adaptations littéraires au cinéma) et son acteur principal, Daniel Auteuil ( prix du meilleur acteur d’adaptations littéraires au cinéma) ont également été récompensés.
Ne manquez pas ce film malheureusement décrié lors de sa sortie, e soir, à 20H45, sur France 2.
Il est rare que je vous présente ici des bandes-annonces mais... je ne résiste pas à celle-ci qui vous rappellera sans doute des souvenirs puisqu'il s'agit de celle d'un film qui a battu tous les records en 1998.
Un film romantique et mélodramatique qui s'assume pleinement doublé d'un grand spectacle. La quintessence du genre. En attendant ma critique prochaine et de le (rerere)voir en salles à l'occasion de sa ressortie en 3D, le 4 Avril 2012 (rerere)découvrez la bande-annonce.
« Un baiser s’il vous plait » du même Emmanuel Mouret m’avait particulièrement enthousiasmée de par son ton théâtralisé, ludique et burlesque qui nous donnait envie de saisir chaque seconde et désirer la vie. « L’art d’aimer » était un titre aussi alléchant et intrigant que celui précédemment cité, évidemment en référence à l’œuvre d’Ovide avec lequel il a en commun une certaine ironie et des digressions (apparentes).
« Au moment où l’on devient amoureux, à cet instant précis, il se produit en nous une musique particulière. Elle est pour chacun différente et peut survenir à des moments inattendus… » Tel est le pitch officiel qui, à l’image du titre, nous trompe un peu sur ce à quoi nous assistons, ce qui n’enlève rien aux qualités du film. D’art d’aimer ou de sublimer l’amour, il n’est pas vraiment question mais plutôt de l’art de désirer dans lequel la morale est bien souvent un obstacle et qui se résume finalement davantage à l’art d’esquiver qu’à celui d’aimer
A la lecture du titre, j’avais imaginé que le film serait une illustration de la célèbre phrase de La Rochefoucauld : « Il y a des gens qui n'auraient jamais été amoureux, s'ils n'avaient jamais entendu parler de l'amour » mais Mouret nous fait suivre plusieurs saynètes mettant en scène les tergiversations de ses personnages sur leur désir et non sur leur manière de sublimer l’amour. Ainsi, une femme mûre mariée qui ne peut s’empêcher de regarder et désirer tous les hommes. Une autre amoureuse de son compagnon mais qui désire son collègue de travail. Un compositeur en quête de musique de l’amour (à mon sens la plus intéressante mais qui ne sera pas vraiment traitée, ce qui nous prive en plus de Stanislas Merhar, déjà trop rare). Une femme en couple désirée par un de ses amis qui va suggérer à une amie célibataire de prendre sa place. Volontairement Emmanuel Mouret a réduit ses histoires à l’essentiel, les comparant d’ailleurs lui-même à des nouvelles sauf que toute nouvelle se caractérise par une chute, ce qui n’est pas forcément le cas ici pour toutes les histoires à l’exception notamment de la plus ludique qui clôture le film.
Malgré cela, on retrouve ce mélange d’inspirations : Truffaut, Rohmer et Allen (lorgnant plus vers les deux derniers cette fois et notamment des dialogues et même une manière de parler qui m’ont beaucoup rappelé le célèbre cinéaste américain) mais aussi cette légèreté mélancolique, cette gravité légère et fantaisiste. Emmanuel Mouret possède incontestablement un ton bien à lui qui peut agacer autant que charmer, frôlant parfois la caricature d’un cinéma d’auteur français. Je fais partie des charmés davantage que des agacés. Les différentes saynètes sont séparées par des intertitres ( et se recoupent parfois) qui illustrent ce ton décalé : « Il n’y a pas d’amour sans musique », « Il ne faut pas refuser ce que l’on nous offre », « Le désir est inconstant », « Sans danger, le plaisir est moins vif »…
Ce film est à l’image de ses personnages : séduisant. Car c’est là indéniablement l’autre atout du film, son casting impeccable. Chacun interprète sa variation sur l’art de désirer, et non d’aimer donc, avec beaucoup de justesse: Stanislas Merhar, François Cluzet, Gaspard Ulliel, Pascale Arbillot, Julie Depardieu, Judith Godrèche sans oublier la belle et grave voix off de Philippe Torreton.
Une fantaisie ludique d’une ironie savoureuse qui laisse parfois affleurer une douce gravité qui a autant de charme maladroit que ses personnages mais qui, malgré le sentiment d’inachevé qu’elle nous laisse, témoigne d’une liberté de ton de plus en plus rare, salutaire et rafraîchissante, et réellement réjouissante dans son dernier quart d’heure.
C’est en effet Mélanie Laurent qui a fait l’ouverture du festival avec « Les Adoptés », également en compétition, qui a reçu le prix du jury et le prix du public, 10 ans après avoir été elle-même membre du jury du festival.
"Les Adoptés", c'est l’histoire d’une famille de femmes unies par un bel et fragile équilibre qui se rompra quand l’une d’entre elles tombera amoureuse. Elles n’auront pas le temps de le reconstruire, un drame frappant l’une d’elles qui se retrouve dans le coma.
Il faudra alors vivre avec l’absence et le manque, s’adopter (il s’agit bien évidemment ici d’une adoption symbolique), tisser des liens nouveaux, un nouvel équilibre peut-être encore plus fort car soudé par le drame…
Mélanie Laurent a "le malheur" d’être polyvalente : elle chante (avec talent), joue, réalise, et a même présenté la cérémonie d’ouverture du Festival de Cannes, ce qui est forcément mal vu dans un pays où on souhaite mettre dans des cases y compris les personnes joliment inclassables mais ce qui montre surtout qu’elle est une artiste à part entière, guidée par le désir de créer (elle avait d'ailleurs même été sélectionnée à Cannes avec son court-métrage "De moins en moins"). Je suis d'ailleurs assez consternée par les commentaires de ceux qui n'ont pas vu le film, ne daigneront pas aller le voir mais qui sont déjà persuadés qu'il est mauvais (il faudra d'ailleurs qu'ils m'en expliquent la raison: le film d'un réalisateur inconnu provenant d'une contrée éloignée et méconnue bénéficie forcément de plus d'indulgence que celui d'une actrice connue censée visiblement n'être là que grâce à son nom mais pourquoi ne pourrait-on pas lui laisser le bénéfice du doute, au moins?), confirmant ainsi la justesse de sa récente mise en cause de la critique (comme si critiquer négativement et avec cynisme était synonyme d'esprit critique). Critiquer sera de toutes façons toujours plus facile et vain que créer...
Elle dit que ce sont avant tout les idées de mise en scène qui l’ont conduite à réaliser ce film, et c’est ce qui en fait la grande qualité et la faiblesse. La réalisation est sensible, inspirée, et témoigne d’un vrai regard de cinéaste, très influencée par le cinéma indépendant américain. Elle revendique par ailleurs trois références: la comédie dramatique "Garden State" de Zach Braff, "Punch-drunk love" de Paul Thomas Anderson et "Morse" de Tomas Alfredson.
Elle fait alterner humour et larmes avec sensibilité, et sa réalisation est lumineuse, portée par des comédiens de talent malheureusement encore peu connus (Marie Denarnaud et Denis Ménochet) à tel point que Mélanie Laurent qui ne souhaitait pas jouer au préalable à dû s’y résoudre pour que le film puisse être monté, une réalisation lumineuse qui vient contrebalancer la dureté du sujet, le tout porté par la douceur des Nocturnes de Chopin.
Un film lumineux et tendre sur un sujet grave, qui n’échappe pas à quelques longueurs mais en tout cas très prometteur pour la suite. Peut-être le fait que le sujet ne soit pas personnel (mais c'était là une volonté de sa part que de traiter d'un sujet qui ne soit pas personnel) explique-t-il que ce petit plus qui rende un film marquant et poignant lui fasse défaut.
Mélanie Laurent a également eu la bonne idée de tourner à Lyon sans que le lieu soit pour autant clairement identifiable, sa caméra étant principalement centrée sur ses acteurs principaux, leurs émotions. « On fait des films pour soi avec des équipes, avec des acteurs mais aussi pour le public. Et pour moi donc c’est le plus beau des prix » a-t-elle déclaré en recevant son prix du public. Un conte solaire, d'une gravité joliment et lumineusement mélancolique, que je vous recommande.
Retrouvez ci-dessous mes vidéos prises au Festival de Saint Jean de Luz, lors de la présentation du film par Mélanie Laurent et lors de la remise des prix et en bonus, le clip de sa chanson "En t'attendant" qui me trotte dans la tête depuis un moment.