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IN THE MOOD FOR CINEMA - Page 306

  • Critique – « Parlez-moi de vous » de Pierre Pinaud avec Karin Viard, Nicolas Duvauchelle, Nadia Barentin…

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    Ce début d’année 2012 est particulièrement riche en premiers films de qualité. Après Cyril Mennegun avec « Louise Wimmer », c’est au tour de Pierre Pinaud de sortir un premier long-métrage remarqué, « Parlez-moi de vous ».

    Karin Viard y interprète Mélina, 40 ans, la voix « la plus célèbre de France » dont, paradoxalement, personne ne connaît le visage. Animatrice à la radio, la nuit, à l’antenne, elle résout les problèmes affectifs et sexuels des auditeurs avec impertinence, humour et sans tabou. Dans la vie, elle évite tout contact et vit seule dans un appartement des quartiers chics, triste et aseptisé. Partie à la recherche de sa mère qu’elle n’a jamais connue, elle découvre que celle-ci vit au sein de sa famille, en banlieue. Elle décide de s'approcher d'elle, incognito....

    Les meilleures comédies sont souvent celles qui ne le sont pas totalement et qui, à l’image de la « Délicatesse » de David et Stéphane Foenkinos sortie à la fin de l’année passée, ou même des références du genre comme les meilleurs Capra, ont un fond dramatique. D’ailleurs, il serait ici plus juste de définir ce film comme dramatique (de par son sujet) mais dédramatisé par des scènes burlesques surtout en raison du caractère savoureusement décalé du personnage de Karin Viard…absolument extraordinaire dans ce film, comme elle l’était déjà récemment dans « Polisse », même si ces deux rôles sont très différents.

    C’est en effet un film de contrastes et de contradictions mais le jeu subtil de Karin Viard permet d’éviter l’écueil de la dichotomie ou même du manichéisme. Contraste et contradiction entre cette femme parlant d’amour et incapable d’aimer. Dont tout le monde connaît la voix mais ignore le visage. A la fois si proche et lointaine. Si chaleureuse à l’antenne et froide dans l’existence. A la parole si libérée mais tellement enfermée dans ses conventions (dans sa peur, surtout, de l’autre, de l’intrusion) et son image. Qui demande aux autres de parler d’eux mais ne parle jamais d’elle. Contraste entre son appartement grisâtre et aseptisé et l’environnement coloré et remuant de sa mère. Le jeu de Karin Viard permet en effet d’éviter la caricature à laquelle ces contrastes et contradictions auraient pu la conduire. Elle rend attendrissante la rigidité de son personnage par sa fragilité masquée, son besoin de se protéger. Derrière ce masque, dans sa sphère privée, elle redevient l’enfant qu’elle n’a pas eu vraiment la possibilité d’être  en s’enfermant dans le placard pour ne pas être vue, redoutant d’être abandonnée. Son look très hitchcockien avec son chignon à la Vertigo renforce l’étrangeté de son personnage, à la fois mélancolique, rigide, décalé, burlesque, sans que jamais cela soit ridicule.

    L’autre bonne idée, outre ce choix de Karin Viard, c’est l’espace de liberté qui est laissé au spectateur. Dans un cinéma trop souvent  formaté dans lequel on dicte presque au spectateur ce qu’il doit ressentir, un film comme celui-ci qui laisse place à son imaginaire et à l’implicite est une vraie respiration.

    Le couple improbable que le personnage de Karin Viard forme ou pourrait former avec Nicolas Duvauchelle (qu’elle retrouve après « Polisse ») fait parfois dévier le film vers la comédie romantique, tout en lui faisant conserver son aspect délicieusement hybride. Ce dernier incarne là aussi  un personnage attachant et à la double « identité », maçon et photographe qui dévoile l’intimité des êtres à travers leurs portraits, tout comme Mélina le fait à travers leurs témoignages. « Parlez-moi de vous » est donc un drame avec de très belles scènes de comédies comme la scène du restaurant qui témoigne de la solitude de ces deux derniers mais aussi de ce qui pourrait les rassembler.

    Nadia Barentin qui incarne la mère, malheureusement décédée depuis le tournage, est réellement parfaite dans le rôle de cette femme qui a tiré un trait sur son passé, à la fois revêche et tendre, mais surtout inapte à aimer vraiment.

    Une belle écriture mise en avant par une réalisation intelligente et un regard sur les personnages jamais condescendants mais plein d’empathie font de ce film une des belles promesses de ce début d’année donnant à Karin Viard un de ses plus beaux rôles montrant l’étendue ahurissante de son talent et de son pouvoir comique. A l’image de ce personnage, ce film se dévoile (et nous charme) progressivement plus qu’il ne se découvre d’emblée. Et il en va des films comme des êtres, ce sont toujours les plus intéressants et  attachants, et ceux que l’on quitte avec regrets.  Un film à voir et un réalisateur à suivre.

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  • Trophée César & Techniques 2012 décerné à la société MIKROS

    Je continue à vous informer de l'actualité des César 2012 qui, comme certains l'ignorent peut-être, ne se réduisent pas à la cérémonie, certes plus médiatisée qui, cette année, aura lieu le 24 février. Les César sont en effet avant tout là pour mettre en avant les artistes et techniciens du 7ème art (je vous recommande d'ailleurs de faire un tour sur le nouveau site de l'Académie, plus moderne, clair et interactif et sur lequel il est très agréable de naviguer: http://www.academie-cinema.org/ ). Le Président de la cérémonie sera cette année Guillaume Canet. Les nominations seront annoncées le 27 janvier.

    Le Trophée César & Techniques 2012 a ainsi été décerné à la société MIKROS IMAGE. Gilles Gaillard, Directeur Général, a reçu le Trophée des mains d’Alain Terzian, Président de l’Académie des Arts et Techniques du Cinéma, et en présence de Thierry de Segonzac, Président de la FICAM, de Patrick Bézier, Directeur Général d’Audiens, et d’Eric Garandeau, Président du CNC. Gilles Gaillard a exprimé au nom de l’ensemble de l’équipe de MIKROS IMAGE toute leur satisfaction à recevoir ce prix, décerné à l’issue du vote effectué par tous les techniciens et techniciennes éligibles à l’un des 5 César Techniques. « Ce Trophée est très important pour Mikros, c’est un travail collectif, on est 180 personnes à y travailler, tous des passionnés de cinéma et d’image. Une récompense des pairs en plus, c’est la plus jolie des récompenses », a dit Gilles Gaillard. Le Trophée a été remis ce Lundi 9 Janvier à l’occasion de la soirée César & Techniques organisée par l’Académie, à laquelle étaient invités l’ensemble des 838 personnes éligibles aux cinq César Techniques 2012, qui seront décernés le 24 Février prochain. Cette cinquième soirée César & Techniques a été dédiée par Alain Terzian à l’ensemble des salariés du groupe LTC.

     

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  • Découvrez la bande-annonce des Oscars 2012 en attendant la cérémonie, le 26 février

    En attendant de connaître les films et artistes en lice pour les Oscars 2012 (le 24 janvier), retrouvez, ci-dessous, la bande-annonce pour la 84ème cérémonie qui aura lieu le 26 février. La compétition promet d'être passionnante. Leonardo DiCaprio avec son rôle de "J.Edgar" obtiendra-t-il enfin l'Oscar du meilleur acteur qui aurait déjà dû lui être dévolu pour "Les Noces rebelles" et "Shutter island"? "The Artist" y aura-t-il le succès annoncé (et mérité)? )Les spectateurs lui réserveraient même des standing ovations dans les salles américaines.) Jean Dujardin, exceptionnel dans ce film, ravira-t-il l'Oscar à Leonardo DiCaprio? A suivre!

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  • Retransmission de la Master Class de Steven Spielberg à la Cinémathèque Française, le 9 janvier

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    Si vous êtes passionné((e) de cinéma, il est peu probable que vous soyez passé(e) à côté de l’information…mais au cas où…sachez que Steven Spielberg  est à Paris pour l'avant-première de son film "Cheval de guerre" (War horse), qui sera en salles le 22 février mais surtout sachez que,  à cette occasion, La Cinémathèque française organise une master class avec le réalisateur, animée par Serge Toubiana, le lundi 9 janvier 2012.  Pas de panique si vous n’avez pas pu acheter votre place car cette master class sera retransmise en direct et en exclusivité à partir de 18H45, pour une durée d'une heure environ sur le site de la Cinémathèque en partenariat avec Arte tv, et également ci-dessus. Cette projection et cette master class introduisent une rétrospective à La Cinémathèque française qui rend hommage à Steven Spielberg.

    Liens: Site de la Cinémathèque Française

    Dossier Spielberg sur le site de la Cinémathèque avec les horaires de la rétrospective

     Bande-annonce de "Cheval de guerre":

    Synopsis: CHEVAL DE GUERRE, le nouveau film événement des studios DreamWorks Pictures réalisé par Steven Spielberg, est une aventure à grand spectacle, une formidable odyssée où se mêlent loyauté, espoir et ténacité. L’histoire nous entraîne de la magnifique campagne anglaise aux contrées d’une Europe alors plongée en pleine Première Guerre mondiale.CHEVAL DE GUERRE débute sur l’amitié exceptionnelle qui unit un jeune homme, Albert, au cheval qu’il a dressé et entraîné, Joey. Lorsqu’ils sont séparés, l’histoire suit l’extraordinaire périple du cheval, en plein conflit. Cet animal hors du commun va changer la vie de tous ceux dont il croisera la route – soldats de la cavalerie britannique, combattants allemands, et même un fermier français et sa petite-fille, jusqu’au point culminant de l’intrigue qui se déroule dans les terres désolées…À travers l’épopée de ce cheval, c’est aussi la Première Guerre mondiale que l’on découvre, une fresque épique de douleur et de bonheur, d’amitié passionnée et de péripéties à haut risque.

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  • Critique et concours- Gagnez 5 places pour «El Gusto » de Safinez Bousbia

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    En 2008, mon coup de cœur cinématographique de fin d’année s’appelait « I feel good »,  un documentaire dans lequel son réalisateur Stephen Walker suivait le quotidien de Young@Heart, une chorale unique au monde dont la moyenne d’âge de ses chanteurs, résidents d’une petite ville du Massachussetts, Northampton,  est de 80 ans (de 75 à 93 ans !), rien à voir avec une bande de grabataires plaintifs ânonnant des airs mièvres et surannés lénifiants comme on pourrait l’imaginer, les membres de cette chorale qui porte bien son nom ne chantent que des tubes punk, soul et hard rock, le tout avec une joie et un entrain communicatifs, sous la direction d’un jeune quinquagénaire.  Un film plein d’espoir, un hymne à la vie mais surtout à la passion, celle qui permet de surmonter les difficultés, la douleur, l’âge, de se surpasser, de narguer la mort même parfois. Evidemment ce film était très différent de par son cadre et le parcours de ses protagonistes d’El Gusto, néanmoins on y retrouve l’espoir et la passion portées par la musique à laquelle ce film est aussi un hymne...mais pas seulement…

    Synopsis officiel : La bonne humeur - el gusto - caractérise la musique populaire inventée au milieu des années 1920 au cœur de la Casbah d'Alger par le grand musicien de l'époque, El Anka. Elle rythme l'enfance de ses jeunes élèves du Conservatoire, arabes ou juifs. L'amitié et leur amour commun pour cette musique qui "fait oublier la misère, la faim, la soif" les rassemblent pendant des années au sein du même orchestre jusqu'à la guerre et ses bouleversements.
    El Gusto, Buena Vista Social Club algérien, raconte avec émotion et... bonne humeur comment la musique a réuni ceux que l'Histoire a séparés il y a 50 ans.

    Né au milieu des années 1920, le chaâbi est un genre musical issu de multiples influences ( berbères, andalouses et également de chants religieux) dont l’inventeur s’appelle Cheikh El Anka.

     C'est en 2003, à l’occasion d’un voyage de fin d'études en Algérie, que la réalisatrice et productrice Safinez Bousbia, a  découvert par hasard le monde des maîtres de la musique chaâbi. Touchée par leurs destins, elle éprouve alors le besoin de partager sa découverte, et change radicalement de vie en réalisant ce film et en partant à la recherche de ces musiciens qui ne se sont pas vus depuis 50 ans.  Elle mettra deux ans à les retrouver et réunir. Elle nous fait ainsi voyager entre Paris, Marseille et Alger pour partir à la rencontre de ces hommes marqués par la vie mais habités par leur passion et les réminiscences d’un délicieux soupçon d’enfance que celle-ci procure.

    Sa caméra semble virevolter entre les ruelles éblouissantes de la Casbah d’Alger, décor fascinant et principale source d’inspiration de cette musique qui en loue la beauté. Mais à travers l’histoire de cette musique, c’est l’Histoire complexe et contrariée de l’Algérie mais aussi les rapports entre l’Algérie et la France qui sont dépeints. Un des musiciens raconte ainsi comment, parce qu’ils étaient respectés en tant qu’artistes, (« la guitare c’était notre passeport ») ils passaient des lettres, des messages et même des armes pour le FLN. Et puis il y a la douleur du départ « la valise ou le cercueil » pour ceux qui seront ensuite appelés les Pieds noirs.

    Le film est porté par la beauté envoûtante, à la fois chaleureuse et nostalgique, de la musique chaâbi (qui d’ailleurs m’a rappelée cette musique que j’aime passionnément qui présente aussi ces caractéristiques même si son histoire et ses sonorités sont différentes) ces « chants lancinants », ce « virus ou poison bénéfique de la musique » qui « fait oublier la misère, la faim, la soif », un musique riche de ses influences et des différences de ceux qui la célèbrent. Le film est aussi porté par l’émotion procurée par l’histoire de ces hommes (et la manière dont ils relatent ici leur histoire) dont le destin et la passion ont été entravés par l’Histoire…faisant de leurs histoires singulières un sujet universel et presque un conte puisque, aujourd’hui, ils se produisent dans les plus grandes salles de la planète.

    Reste un sentiment d’inachevé de ne pas en savoir davantage sur l’histoire des ces hommes simplement esquissée (chacun d’entre eux semble avoir tant à dire…) mais aussi sur ce qu’ils ont pu se dire après tant d’années de séparation, réunis par leur passion commune… mais après tout c’est cette passion commune qui est le centre de ce documentaire et elle est ici magnifiquement honorée et, à n’en pas douter, comme moi, après la projection, vous n’aurez qu’une envie, les découvrir en concert et vous laisser porter par la mélancolie chaleureuse de cette musique ensorcelante qui vous donne l’impression de voir et ressentir la beauté enivrante d’Alger.

    Ce film sortira en salles le 11 janvier. Vous pourrez également assister aux concerts de « El Gusto » au Grand Rex, 9 et 10 janvier . Toutes les informations sur le film sur sa page Facebook : https://www.facebook.com/ElGusto.LeFilm  et son compte twitter : https://twitter.com/#!/El_Gusto_LeFilm .

    CONCOURS : Pour faire partie des 5 gagnants, soyez parmi les 5 premiers à me donner le nom du musicien qui a inventé cette musique. Envoyez vos réponses à inthemoodforcinema@gmail.com en n’oubliant pas de joindre vos coordonnées et avec pour titre de votre email  « Concours El Gusto ».

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  • Avant-première - Critique de « J.Edgar » de Clint Eastwood avec Leonardo DiCaprio, Naomi Watts, Judi Dench, Armie Hammer…

     

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    Clint Eastwood fait partie de ces réalisateurs dont j’essaie de ne manquer aucun film (il faut dire que, depuis 2005, il est particulièrement prolifique), en particulier depuis « Sur la route de Madison »,  sans aucun doute un des plus beaux films d’amour de l’histoire du cinéma (auquel je suis beaucoup plus sensible qu’à « Million dollar baby », trop larmoyant à mon goût). En 2010, avec « Au-delà » il avait déçu beaucoup de spectateurs (une déception que je ne partageais pas) alors que, pourtant,  ce film était aussi, à l’image de « Sur la route de Madison », un hymne à ces instants fugaces et intenses qui modifient le cours du destin, mais aussi le message d’un homme hanté par la mort comme en témoignait aussi déjà « Gran Torino ».

     «Au-delà » n’est certes certainement pas le film trépidant que certains attendaient mais au contraire un film à hauteur d’hommes qui tisse peu à peu sa toile d’émotions en même temps que les destins de ses personnages et qui laisse une trace d’autant plus profonde et aboutit à un final d’autant plus bouleversant que le cheminement pour l’atteindre a été subtil et délicat et que tout le justifiait. Une réflexion sur la mort mais surtout un hymne à la vie (au-delà de la douleur, au-delà de la perte), à l’espoir retrouvé (qui n’est pas dans l’au-delà mais dans le dépassement de son appréhension et donc bel et bien là), à la beauté troublante et surprenante du destin.

    D’une certaine manière, dans « J.Edgar », Clint Eastwood réunit les thématiques des trois films évoqués ci-dessus : Gran Torino (la hantise de la mort et de la trace laissée après celle-ci), «  Sur la route de Madison » (une histoire d’amour condamnée à l’ombre) et « Au-delà » (les rouages du destin).

    « J.Edgar » (Leonardo DiCaprio), c’est Hoover, cet homme complexe qui fut directeur du FBI de 1924 à sa mort, en 1972, soit pendant 48 ans. 48 années pendant lesquelles il a vu se succéder pas moins de 8 présidents. L’action du film débute ainsi dans les années 70. Pour préserver son héritage. Hoover dicte alors ses mémoires et se replonge dans ses souvenirs qui le ramènent en 1919. Il n’avait alors que 20 ans, était déjà ambitieux, orgueilleux et autoritaire et on ne le nommait pas encore J.Edgar.

    Dès les premiers plans, trois éléments qui ne se démentiront pas tout au long du film, sautent aux yeux du spectateur (aux miens, du moins) : la beauté sombre de la photographie de Tom Stern (fidèle chef opérateur de Clint Eastwood), l’art avec lequel Clint Eastwood s’empare du scénario de Dustin Lance Black pour entremêler passer et présent, et pour nous raconter brillamment une histoire et enfin le jeu stupéfiant et remarquable de Leonardo Di Caprio qui, bien au-delà du maquillage, devient Hoover. Au moins trois éléments qui font de ce film un bonheur cinématographique…même s’il n’est pas exempt de défauts comme certaines longueurs ou certaines scènes trop appuyées et mélodramatiques.

    Derrière ce que certains nommeront peut-être classicisme,  Clint Eastwood démontre une nouvelle fois son habileté à tisser la toile du récit pour dresser le portrait complexe d’un homme dont la vie était basée sur le secret (ceux qu’il dissimulait et ceux des autres qu’il utilisait notamment ceux qu’il détenait sur les hommes du pouvoir qu’il manipulait  sans scrupules, ce qui explique ici sa longévité à la tête du FBI) qui aspirait à être dans la lumière mais dont l’existence était une zone d’ombre, deux contrastes que la photographie de Tom Stern reflète magnifiquement. En un plan de Hoover sur son balcon, regardant les cortèges d’investiture de Roosevelt puis de Nixon, à plusieurs années de distance, il  nous montre un homme dans l’ombre qui semble n’aspirer qu’au feu des projecteurs mais qui, aussi, de son piédestal, semble néanmoins être le démiurge de la scène qui se déroule en contrebas. Tout un symbole. Celui de ses contradictions.

    Si les agents du FBI aimaient se présenter comme les « gentils », la personnalité de Hoover était beaucoup plus complexe que l’image qu’il souhaitait donner de l’organisation qu’il dirigeait et de lui-même : avide de notoriété, recherchant l’admiration et l’amour de sa mère, dissimulant son homosexualité, manipulant les politiques. Pour lui « l’information, c’est le pouvoir ».

    Cette personnalité complexe (et ce qui conduisit Hoover à devenir J.Edgar) nous est expliquée à travers ses relations avec trois personnes : sa mère, Annie Hoover ( Judi Dench) qui lui voyait un destin et voulait qu’il compense les échecs de son père et dont il recherchera toujours l’admiration, sa secrétaire Helen Gandy (Naomi Watts) qui lui restera toujours fidèle depuis ses débuts et même après sa mort, et son directeur adjoint Clyde Tolson (Armie Hammer) avec qui il entretint vraisemblablement une liaison.

    Si l’histoire de Hoover nous permet de traverser l’Histoire  des Etats-Unis, la seconde est bien en arrière-plan et c’est bien à la première que s’attache Eastwood, de son rôle dans l’instigation des méthodes modernes d’expertises médico-légales mais aussi à ses tentatives (vaines) pour faire tomber Martin Lurther King, son combat obstiné et même obsessionnel contre le communisme et évidemment la création du FBI et l’enlèvement du fils de Lindbergh, deux évènements qui témoignent de l’ambition de Hoover et de ses méthodes parfois contestables pour la satisfaire.

    Le film de Clint Eastwood épouse finalement les contradictions de son personnage principal, sa complexité, et a l’intelligence de ne pas faire de Hoover un héros, prétexte à un film à la gloire des Etats-Unis mais au contraire un personnage qui en symbolise l’ombre et la lumière et surtout ce désir d’être dans la lumière (manipulation des médias mais aussi propagande avec des albums de bd consacrés au FBI et des vignettes ornant les paquets de corn-flakes) comme le revers de la médaille d’un American dream dont l’image se voudrait lisse et irréprochable.

    La réussite du film doit évidemment beaucoup à celui qui incarne Hoover et qui tourne pour la première fois pour Eastwood : Di Caprio dont le maquillage n’est pour rien dans l’étonnante nouvelle métamorphose qui le fait devenir Hoover, avec sa complexité, son autorité, son orgueil, ses doutes qui passent dans son regard l’espace d’un instant, lorsque ses mots trahissent subitement son trouble et le font alors redevenir l’enfant en quête de l’amour de sa mère qu’il n’a finalement jamais cessé d’être derrière ce masque d’intransigeance et d’orgueil (très belle scène avec Noami Watts dans la bibliothèque du Congrès ou dans la suite avec Clyde, scènes au cours desquelles il passe d’une expression ou une émotion à une autre, avec une rapidité fascinante). Une nouvelle composition magistrale. Déjà dans « Shutter island », il était  habité par son rôle qui, en un regard, nous plongeait dans un abîme où alternaient et se mêlaient même parfois, angoisse, doutes, suspicion, folie, désarroi (interprétation tellement différente de celle des "Noces rebelles" mais tout aussi magistrale qui témoigne de la diversité de son jeu). Il n’avait pourtant obtenu l’Oscar du meilleur acteur pour aucun de ces deux films, il ne l’a d’ailleurs jamais obtenu. Est-ce possible que celui qui est sans doute le plus grand acteur actuel passe une nouvelle fois à côté ? J’avoue que mon cœur balance sachant que Jean Dujardin sera sans doute nommé face à lui pour « The Artist ». Vous pourrez aussi le retrouver bientôt dans une nouvelle adaptation du chef d’œuvre de Fitzgerald « Gatsby le magnifique » même si je vous recommande surtout la version de Jack Clayton.

    En nous racontant avec une maîtrise incontestable des codes du récit l’histoire d’un homme soucieux du secret, de la trace qu’il laissera, de sa et ses mémoire(s) (et de sa subjectivité), de ses zones d’ombre, Clint Eastwood, par-delà la personnalité complexe et passionnante de Hoover traite d’un sujet particulièrement personnel (un homme qui se penche sur son passé, pétri de contradictions entre le culte du secret et l’envie d’être dans la lumière ) et universel et actuel (la manipulation des médias, le désir avide de notoriété). La marque d’un grand cinéaste. Et enfin, il permet à celui qui est le meilleur acteur actuel d’explorer une nouvelle facette de son immense talent et de trouver là un nouveau rôle, complexe et passionnant, à sa démesure et qui le mènera peut-être, enfin, à l’Oscar tant mérité.

    Retrouvez également cet article sur mon blog "In the mood - Le Magazine": http://inthemoodlemag.com/2012/01/06/cinema-critique-de-j-edgar-de-clint-eastwood/

    Sortie en salles : le 11 janvier

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  • Coup de projecteur sur Touscoprod: interview exclusive de "Melvil Poupaud" pour "Laurence Anyways" de Xavier Dolan

     

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    J'inaugure aujourd'hui une  nouvelle rubrique qui consistera à vous présenter des sites internet liés au cinéma (mais pas forcément) que j'apprécie. Je commence avec touscoprod.com  un site créé en janvier 2009, alors premier site participatif dédié au cinéma et à l'audiovisuel et qui permet aux internautes de: choisir les films de demain, participer à leurs financements et recevoir des contreparties inédites mais aussi découvrir gratuitement des films en VOD grâce à leur soutien aux projets, d'ailleurs toujours des projets de qualité, dont certains ont connu les honneurs des plus grands festivals de cinéma, avec même une sélection cannoise.

    Je vous en ai d'ailleurs déjà parlé puisque, à l'occasion du Festival de Cannes 2010, touscoprod m'avait donné l'opportunité d'interviewer le passionné et passionnant Bernard Blancan (dont le premier film en tant que réalisateur sort d'ailleurs bientôt, je vous en reparlerai) et de parler de la mémorable projection du "Guépard"à Cannes.

    Le site a récemment été modifié, et est ainsi plus simple, plus moderne et encore plus interactif. Je vous engage vraiment à le découvrir: http://www.touscoprod.com .

    Plus de 15000 membres dont ainsi déjà souscrit plus de 650000 euros sur 35 films! Nouveauté du site: les internautes peuvent également soumettre leurs propres projets. L'initiative est sérieuse contrairement à certaines autres similaires et il se pourrait que je me laisse aussi tenter...

    Parmi ces projets ouverts à la production, "Laurence Anyways" de Xavier Dolan (http://www.touscoprod.com/project/produce?id=116 ) dans lequel Melvil Poupaud interprète le rôle principal. Je vous propose son interview exclusive ci-dessous.

    Pitch: En 1989, Laurence Alia célèbre son 30e anniversaire au restaurant en compagnie de Fred, sa petite copine. Quand il lui révèle son projet le plus secret, le plus brûlant, celui de devenir une femme, leur univers bascule.

    Et pour le plaisir, une vidéo d'un autre projet touscoprod qui vaut le coup d'oeil, le projet "Pauvre Richard", comédie de Malik Chibane qui a donné lieu à une entrevue avec Jacky Berroyer (making of).

    En bonus, ma critique du précèdent film de Xavier Dolan " Les Amours imaginaires"  qui, je l'espère, vous donnera envie de découvrir  (et peut-être de coproduire) "Laurence Anyways", un projet qui s'annonce tout aussi prometteur.

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    Critique "Les Amours imaginaires" : une grisante fantasmagorie

    Francis (Xavier Dolan) et Marie (Monia Chokri) sont tous deux amis et épris du même jeune homme rencontré lors d’une soirée, Nicolas (Niels Schneider), et tous les deux bien déterminés à le conquérir, analysant, interprétant, scrutant obsessionnellement le moindre geste ou comportement de leur (obscur) objet du désir.

    Dès les premiers plans se dégage de ce film un charme irrésistible et surtout un ton, un style qui font souffler un vent d’air frais et revigorant sur le cinéma actuel.  Xavier Dolan est un vrai cinéphile et son film regorge de références cinématographiques   (entre les ralentis langoureux et poétiques à la Wong Kar Waï, les couleurs chatoyantes et la fantaisie jubilatoire à la Almodovar,  les plans de dos à la Gus Van Sant, les références à la Nouvelle Vague, au « Mépris » de Godard, un trio à la « Jules et Jim » de Truffaut ou encore des confessions face caméra qui rappellent Woody Allen) mais aussi picturales (Boticelli, Michel Ange) ou littéraire (Musset…).

    Que de brillantes références me direz-vous.  Tout cela aurait pu donner un film présomptueux mais Xavier Dolan, d’une part, a su assimiler toutes ces références pour créer son propre univers et d’autre part, y apporter une légèreté masquant savamment la mélancolie sous-jacente (que ne faut-il pas avoir souffert en amour pour faire preuve d’une telle maturité et clairvoyance  à seulement 21 ans!), que ce soit par les dialogues, légèrement précieux, souvent hilarants, toujours caustiques ou le jeu des comédiens (à commencer par lui-même mais surtout celui de Monia Chokri absolument irrésistible).

    La caméra de Xavier Dolan est au plus près des visages, ignorant le plus souvent le cadre spatial à l’image de cet amour obsédant qui rend Marie et Francis aveugles au monde qui les entoure. La mise en scène non seulement épouse le propos du film mais devient un élément scénaristique : puisque Marie et Francis se « font des films » (l’un se prenant pour James Dean, l’autre pour Audrey Hepburn), et sont enivrés par leur fantasmagorie amoureuse, par ce destructeur et grisant vertige de l’idéalisation amoureuse, le film en devient lui-même un  vertige fantasmatique. Cette soirée aux images syncopées rappelle ce vertige à la fois grisant et déstabilisant, ce manège qui rend si floue la frontière entre enchantement et désenchantement, rêve et illusion. Marie et Francis sont amoureux d’une chimère, d’une image,  d’un idéal, d’une illusion, de l’amour même qui prend ici les traits d’un bellâtre ambigu aux allures de Dieu Grec. L’histoire de notre trio est entrecoupée de « témoignages » face caméra de style documentaire de victimes d’illusions amoureuses, là aussi irrésistibles.

    Xavier Dolan a aussi en commun avec quelques uns des plus brillants réalisateurs auxquels il se réfère une bande originale particulièrement soignée, à l’image du film, mêlant modernité, et titres plus anciens, et musique classique : de Dalida qui reprend « Bang Bang » à Indochine jusqu’à « The Knife », « Fever Ray », « Vive la fête » en passant par Bach qui rappelle mélodieusement la douleur de ces irrépressibles et irrationnels élans amoureux, de ces amours qui rongent et enragent.

    Xavier Dolan est un véritable chef d’orchestre qui mêle les couleurs, les références les arts, un prodige du cinéma (à la fois monteur, scénariste, producteur, acteur, s’occupant aussi des costumes) faisant à la fois preuve de l’inventivité et de l’audace de sa jeunesse mais aussi d’une étonnante maturité. Déclaration d’amour au cinéma, déclaration de désespoir d’un amoureux désillusionné sous des allures de fable burlesque et hilarante, « Les amours imaginaires » est un film mélancoliquement caustique.

    Xavier Dolan signe là une fantasmagorie pop, poétique sur la cristallisation amoureuse, sur ces illusions exaltantes et destructrices, sublimes et pathétiques un film enivrant et entêtant comme un amour imaginaire… sans les effets secondaires. A prescrire donc et à très haute dose !

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