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télévision - Page 2

  • Critique de LA SIRENE DU MISSISSIPI de François Truffaut (à voir ce soir à 20H55 sur Arte)

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    Après mes critiques de Baisers volés  (1969) et La Femme d’à côté  (1981),  je poursuis le cycle consacré à François Truffaut en remontant un peu dans le temps, avec La Sirène du Mississipi (diffusé à 20H55, sur Arte), un film sorti en 1969. Dédié à Jean Renoir, adapté, scénarisé et dialogué par Truffaut d’après un roman de William Irish intitulé  Waltz into Darkness  (pour acquérir les droits François Truffaut dut emprunter à Jeanne Moreau, Claude Lelouch et Claude Berri), c’est davantage vers le cinéma d’Alfred Hitchcock, que lorgne pourtant ce film-ci, lequel Hitchcock s’était d’ailleurs lui-même inspiré d’une nouvelle de William Irish pour Fenêtre sur cour. Truffaut avait lui-même aussi déjà adapté William Irish pour La mariée était en noir, en 1968.

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    Synopsis : Louis Mahé (Jean-Paul Belmondo) est fabriquant de cigarettes à La Réunion. Il doit épouser Julie Roussel qu’il a rencontrée par petite annonce et dont il doit faire la connaissance le jour du mariage. Lorsqu’elle débarque à La Réunion, d’une beauté aussi froide que ravageuse, elle ressemble peu à la photo qu’il possédait d’elle. Elle lui affirme ainsi lui avoir envoyé un faux portrait, par méfiance. Peu de temps après le mariage, l’énigmatique Julie s’enfuit avec la fortune de Louis. Louis engage alors le solitaire et pointilleux détective Comolli (Michel Bouquet) pour la rechercher, et il rentre en France. Après une cure de sommeil à Nice, il retrouve Julie qui se nomme en réalité Marion (Catherine Deneuve) par hasard, elle travaille désormais comme hôtesse dans une discothèque. Il est déterminé à la tuer mais elle l’apitoie en évoquant son enfance malheureuse et ses sentiments pour lui qui l’aime d’ailleurs toujours… Commence alors une vie clandestine pour ce singulier couple.

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    Ce film connut un échec à sa sortie. Truffaut l'expliqua ainsi  : « Il est aisé d’imaginer ce qui a choqué le monde occidental. La Sirène du Mississipi montre un homme faible (en dépit de son allure), envoûté par une femme forte (en dépit de ses apparences) ». Voir ainsi Belmondo ravagé par la passion qui lui sacrifie tout explique pour Truffaut l’échec du film. C’est vrai que ce film peut dérouter après  Baisers volés, quintessence du style Nouvelle Vague. Son romantisme échevelé, sombre, voire désespéré (même si Doinel était déjà un personnage romantique) mais aussi son mélange des genres (comédie, drame, film d’aventures, film noir, policier) ont également pu dérouter ceux qui voyaient avant tout en Truffaut un des éminents représentants de la Nouvelle Vague.

    Comme chacun des films de Truffaut La Sirène du Mississipi n’en révèle pas moins une maîtrise impressionnante de la réalisation et du sens de la narration, des scènes et des dialogues marquants, des références (cinématographiques mais aussi littéraires) intelligemment distillées et le touchant témoignage d’un triple amour fou : de Louis pour Marion, de Truffaut pour Catherine Deneuve, de Truffaut pour le cinéma d’Hitchcock.

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    Truffaut traite ainsi de nouveau d’un de ses thèmes de prédilections : l’amour fou, dévastateur, destructeur. Malgré la trahison de la femme qu’il aime, Louis tue pour elle et la suit au péril de sa propre existence… Après les premières scènes, véritable ode à l’île de La Réunion qui nous laisse penser que Truffaut va signer là son premier film d’aventures, exotique, le film se recentre sur leur couple, la troublante et trouble Marion, et l’amour aveugle qu’elle inspire à Louis. Truffaut traitera ce thème de manière plus tragique, plus subtile, plus précise encore dans L’Histoire d’Adèle.H, dans La Peau douce (réalisé avant La Sirène du Mississipi) notamment ou, comme nous l’avons vu, dans La Femme d’à côté , où, là aussi, Bernard (Gérard Depardieu) emporté par la passion perd ses repères sociaux, professionnels, aime à en perdre la raison avec un mélange détonant de douceur et de douleur, de sensualité et de violence, de joie et de souffrance dont La sirène du Mississipi porte déjà les prémisses.

    Bien qu’imprégné du style inimitable de Truffaut, ce film est donc aussi une déclaration d’amour au cinéma d’Hitchcock, leurs entretiens restant le livre de référence sur le cinéma hitchcockien (si vous ne l’avez pas encore, je vous le conseille vivement, il se lit et relit indéfiniment, et c’est sans doute une des meilleures leçons de cinéma qui soit). Les Oiseaux , Pas de printemps pour Marnie, Sueurs froides, Psychose, autant de films du maître du suspense auxquels se réfère La Sirène du Mississipi. Et puis évidemment le personnage même de Marion interprétée par Catherine Deneuve, femme fatale ambivalente, d’une beauté troublante et mystérieuse, d’une blondeur et d’une froideur implacables, tantôt cruelle, tantôt fragile, emprunte beaucoup aux héroïnes hitchcockiennes, à la fois à Tippie Hedren dans Pas de printemps pour Marnie ou à Kim Novak dans Sueurs froides  notamment pour la double identité du personnage dont les deux prénoms (Marion et Julie) commencent d’ailleurs comme ceux de Kim Novak dans le film d’Hitchcock- Madeleine et Judy-.

    A Deneuve, qui vient d'accepter le film, Truffaut écrivit : « Avec La Sirène, je compte bien montrer un nouveau tandem prestigieux et fort : Jean-Paul, aussi vivant et fragile qu'un héros stendhalien, et vous, la sirène blonde dont le chant aurait inspiré Giraudoux. » Et il est vrai qu’émane de ce couple, une beauté ambivalente et tragique, un charme tantôt léger tantôt empreint de gravité. On retrouve Catherine Deneuve et Jean-Paul Belmondo dans des contre-emplois dans lesquels ils ne sont pas moins remarquables. Elle en femme fatale, vénale, manipulatrice, sirène envoûtante mais néanmoins touchante dont on ne sait jamais vraiment si elle aime ou agit par intérêt. Lui en homme réservé, follement amoureux, prêt à tout par amour, même à tuer.

    A l’image de l’Antiquaire qui avait prévenu Raphaël de Valentin dans  La Peau de chagrin à laquelle Truffaut se réfère d’ailleurs, Louis tombant par hasard sur le roman en question dans une cabane où ils se réfugient ( faisant donc de nouveau référence à Balzac après cette scène mémorable se référant au  Lys dans la vallée dans Baisers volés ), et alors que la fortune se réduit comme une peau de chagrin, Marion aurait pu dire à Louis : « Si tu me possèdes, tu possèderas tout, mais ta vie m'appartiendra ».

    Enfin ce film est une déclaration d’amour de Louis à Marion mais aussi et surtout, à travers eux, de Truffaut à Catherine Deneuve comme dans cette scène au coin du feu où Louis décrit son visage comme un paysage, où l’acteur semble alors être le porte-parole du cinéaste. Le personnage insaisissable, mystérieux de Catherine Deneuve contribue largement à l’intérêt du film, si bien qu’on imagine difficilement quelqu’un d’autre interprétant son rôle.

    Comme souvent, Truffaut manie l’ellipse avec brio, joue de nouveau avec les temporalités pour imposer un rythme soutenu. Il cultive de nouveau le hasard comme dans Baisers volés, film dans lequel il était le principal allié de Doinel, pour accélérer l’intrigue.

    Alors, même si ce film n’est pas cité comme l’un des meilleurs de Truffaut, il n’en demeure pas moins fiévreux, rythmé, marqué par cette passion, joliment douloureuse, qui fait l’éloge des grands silences et que symbolise si bien le magnifique couple incarné par Deneuve et Belmondo. Avec La Sirène du Mississipi qui passe brillamment de la légèreté au drame et qui dissèque cet amour qui fait mal, à la fois joie et souffrance, Truffaut signe le film d’un cinéaste et d’un cinéphile comme le fit par exemple également Pedro Almodovar avec Les Etreintes brisées.

    La Sirène du Mississipi s’achève par un plan dans la neige immaculée qui laisse ce couple troublant partir vers son destin, un nouveau départ, et nous avec le souvenir ému de cet amour fou que Truffaut, mieux que nul autre cinéaste, a su retranscrire à l'écran.

    Dix ans plus tard, Catherine Deneuve interprétera de nouveau une Marion dans un film de Truffaut, Le dernier métro, et sera de nouveau la destinataire d’ une des plus célèbres et des plus belles répliques de Truffaut, et du cinéma, que Belmondo lui adresse déjà dans La Sirène du Mississipi :

    « - Quand je te regarde, c'est une souffrance.

    - Pourtant hier, tu disais que c'était une joie.

    - C'est une joie et une souffrance.''

    Sans doute une des meilleures définitions de l’amour, en tout cas de l’amour dans le cinéma de Truffaut… que nous continuerons à analyser prochainement avec « L’Histoire d’Adèle.H ». En attendant je vous laisse méditer sur cette citation et sur le chant ensorcelant et parfois déroutant de cette insaisissable « Sirène du Mississipi ».

    En bonus: mon article sur l'hommage du Festival de Cannes 2011 à Jean-Paul Belmondo

  • Ma critique de MAL DE PIERRES de Nicole Garcia sur Canalplus.fr

    Comme chaque mois, une de mes critiques est à l'honneur sur le site officiel de Canal +, ce mois-ci "Mal de pierres" de Nicole Garcia dont la première diffusion aura lieu le 17 octobre. Cliquez ici ou sur l'image ci-dessous pour accéder à ma critique sur Canalplus.fr.

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  • Ma critique de JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan à l'honneur sur Canalplus.fr

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    Chaque mois, je vous recommande un film diffusé sur Canal plus dont ma critique est mise à l'honneur sur Canalplus.fr. Ce mois-ci, je n'ai su choisir entre mes deux coups de cœur de 2016, "Frantz" de François Ozon et "Juste la fin de monde" de Xavier Dolan. Après "Frantz"( dont vous pouvez retrouver ma critique, ici), c'est donc ma critique du film de Xavier Dolan qui est à l'honneur. Vous pourrez (re)voir le film à la fin du mois sur Canal plus. Cliquez ici ou sur l'image ci-dessous pour lire ma critique.

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  • Critique de INTERSTELLAR de Christopher Nolan à 20H55 sur France 2

    En 1999, un certain Christopher Nolan avait remporté le Hitchcock d’argent du Festival du Film Britannique de Dinard. Cette même année, j’avais eu le plaisir de faire partie du jury qui lui avait décerné ce prix. Nous avions alors été subjugués par l’indéniable originalité de son premier film « Following ». Depuis, Christopher Nolan a enchaîné les succès : « Memento », « Insomnia », « Batman begins », « Le Prestige», « The Dark Knight ». La singularité remarquable de son univers lui avait ensuite permis de réunir et convaincre un casting d’exception comme celui d’ «Inception » avant de réaliser « The Dark night rises » et enfin « Interstellar ».

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    Dans « Inception », il s’agissait de subtiliser et manipuler les rêves. D’implanter une idée. Une belle promesse d’un voyage unique pour le spectateur. Un synopsis  d’une inventivité et d’une audace rarement égalées dans un cinéma de plus en plus frileux. Un blockbuster possédant toute la richesse, la complexité et la confiance dans le spectateur, généralement davantage (et à tort) attribuées au film d’auteur. La mémoire, la distorsion du temps, l’illusion : autant de thèmes que Christopher Nolan avait déjà abordés dans ses précédents films et dont il extrayait et recyclait ici le meilleur. Film inclassable qui ne mêlait pas seulement les dimensions mais aussi les genres. Plus qu’un film, une expérience vertigineuse, dont le dernier plan, même après une seconde projection, m’avait laissée en apesanteur, comme grisée par un tour de manège délicieusement enivrant. A l’image des idées toujours fixées sur le subconscient, un film qui vous laisse une empreinte inaltérable. Un film qui se vit plus qu’il ne se raconte, qui nous plonge en plein rêve. La quintessence du cinéma : un rêve partagé qui distord le temps, défie la mort et qui nous rappelle ce que nous ne devrions pas oublier ou craindre : ne jamais avoir peur de rêver trop grand. Je pourrais écrire ce même paragraphe concernant les immenses qualités d’ « Inception » au sujet d’ « Interstellar », sans en changer un mot. Preuve que le cinéma de Christopher Nolan possède son univers et une continuité, une logique et une constance dans l’excellence, la marque des grands cinéastes.

    Christopher Nolan aime en effet jouer avec les codes narratifs, cinématographiques, éclater la narration, bousculer nos repères spatio-temporels. Nous bousculer. Et bousculée, remuée, bouleversée, je l’ai été pendant ce film, à son dénouement, et après. Comme rarement il m’est arrivé de l’être au cinéma.

    Dans un monde futur qui ressemble au nôtre, mais où la sécheresse, les tempêtes, une poussière suffocante, la famine menacent, l’époque n’est plus aux conquérants et aux explorateurs et aux rêves mais aux agriculteurs et à la nécessité de s’alimenter et survivre. En cachette, la NASA continue pourtant ses travaux et ses recherches. L’horloge tourne. Il faut sauver l’humanité du désastre et de la fin annoncés. Une faille récemment découverte dans l’espace-temps permettrait de repousser les limites humaines et de partir à la conquête des distances astronomiques dans un voyage interstellaire. Jamais l’humanité n’aura connu une telle urgence et un tel défi : dépasser les limites de notre galaxie pour trouver une autre planète sur laquelle vivre. Les explorateurs, ce sont Joseph Cooper (Matthew McConaughey) et Amelia Brand (Anne Hathaway), fille du professeur Brand (Michael Caine), un astrophysicien à l’origine de ces recherches et de cette mission. Joseph Cooper, quant à lui, est un ancien pilote qui a trouvé sa reconversion forcée dans la culture de maïs. Un phénomène paranormal le conduit jusqu’à ce centre ultrasecret de la NASA. Comme il est un éminent pilote et même le plus doué, cette mission lui est alors destinée. Joseph Cooper est le père de deux enfants, Tom et Murphy (incarnée à l’âge adulte par Jessica Chastain), nommée comme la loi éponyme non pas « parce que ça porte malheur mais parce que ce qui peut arriver va arriver ». Elle ne pardonne pas à son père ce départ, qu’elle assimile à un abandon, un départ sans certitude de réussite et de retour. Rester avec ses enfants ou les abandonner pour tenter de leur assurer un avenir possible, ainsi qu’au reste de l’humanité : tel est l’impossible dilemme auquel s’était retrouvé confronté Joseph, d’autant plus cruel que la distorsion du temps et la relativité peut leur faire perdre 7 ans en une heure lorsqu’ils se retrouvent au contact de la gravité d’une certaine planète…

    Loin d’être folle utopie, le scénario d’ « Interstellar » s’inspire principalement des travaux du physicien théoricien Kip Thorne, réputé pour ses apports cruciaux à la physique, l’astrophysique et surtout au domaine de la gravitation. Il est connu pour avoir exploré la théorie de la relativité générale d’Einstein. D’après ses recherches, il serait possible de voyager dans le temps, grâce aux fameux trous de vers.  Il a également participé à l’écriture du scénario. Jonathan Nolan, co-auteur du scénario avec son frère, a aussi beaucoup lu les travaux de Carl Sagan, scientifique et astronome américain.

    Initialement développé par Spielberg, « Interstellar » n’a finalement pas été réalisé par le cinéaste pour des raisons d’emploi du temps. Christopher Nolan devait alors seulement en écrire le scénario avec son frère Jonathan Nolan. Spielberg proposa alors à Christopher Nolan de le reprendre à son compte et de le réaliser. Si on y retrouve des thèmes chers à Spielberg, le film semblait néanmoins être fait pour Christopher Nolan, tant il recèle et sublime ses thèmes de prédilection.  Ce projet presque aussi fou que celui qu’il relate a été entouré du plus grand secret. Je n’en savais rien avant d’entrer dans la salle et le voyage en fut d’autant plus époustouflant.

    Comme « Inception », « Interstellar » est inclassable. Il réunit le western et la science-fiction. Le film d’auteur et le blockbuster. L’intime et le grandiose. Il fait se rencontrer Ford et Kubrick et, s’il peut faire penser à « Gravity » par le voyage auquel il nous convie, oubliez tout de suite la comparaison, « Interstellar », au contraire de celui-ci,  est dépourvu du symbolisme simpliste et surligné dont « Gravity » souffrait. Dès les premiers plans, ces différents genres et dimensions sont entremêlés : le récit d’une vieille femme, le cauchemar d’un pilote, et un fantôme qui rend visite à une petite fille qui en fait part à son père, incrédule. Toutes les clés du passionnant puzzle sont contenues dans ces premières minutes mais le voyage qui nous amène à cette conclusion est tellement étourdissant, éblouissant, suffocant aussi parfois pour nous éblouir davantage encore ensuite, que vous auriez tort de vous en priver.

    Certes, le montage (notamment une scène en montage alterné) met avec un peu de lourdeur des événements en parallèle, mais le résultat est tellement redoutable et efficace en termes d’émotion et de force narrative qu’il serait difficile de lui reprocher. Tout juste peut-on regretter que le film ne soit pas finalement plus long pour prolonger encore le voyage et laisser un peu plus de place à certains personnages et intrigues secondaires.

    Il en fallait tout de même de l’audace, de la détermination, du talent pour rendre les trous de ver et la singularité gravitationnelle et cette fable métaphysique ainsi exaltants, pour que nous nous égarions dans ce labyrinthe avec autant de jubilation. Comme si le temps avait perdu pour moi aussi toute logique et s’était distendu, les 2H49 que durent le film m’ont semblé une heure et, pourtant, j’ai éprouvé la sensation d’un lointain voyage, à la fois éprouvant et sublime. Avec les protagonistes, le spectateur est immergé dans cette course contre le temps, contre la mort, et confronté aux questionnements et dilemmes des protagonistes. Le réalisateur prend d’ailleurs le temps, notamment d’une exposition qui ancre dans le réel les personnages et qui donne plus de force encore au voyage interstellaire.

    Nolan est aussi doué pour les scènes grandioses que les scènes intimistes, les alternant savamment pour que jamais la tension et notre attention ne se relâchent. Cette scène, intime, où Cooper reçoit un message de sa fille ou celle, grandiose, où la capsule tente, dans une périlleuse acrobatie de rejoindre la navette, sont tout aussi bouleversantes. Dans cette scène, où la capsule virevolte à une vitesse grisante, effrayante et vertigineuse, j’ai littéralement eu la sensation de danser, voler avec eux aux confins de la galaxie, le souffle coupé. La musique, elle aussi enivrante, de Hans Zimmer achève de faire de cette scène un moment d’anthologie…comme le film en compte d’ailleurs plusieurs, Hans Zimmer dont c’est ici la cinquième collaboration avec Christopher Nolan et dont la partition contribue au caractère exceptionnel du film. Le son joue d’ailleurs un rôle crucial et Nolan en fait une utilisation particulièrement  brillante et astucieuse : du silence qui, soudain, nous happe dans son gouffre à la fois lénifiant et effrayant, aux cris des oiseaux et au bruit de la pluie qui viennent le briser, en passant par ce poème réitéré, d’une mélancolie et d’une beauté ravageuses, sur les images de l’espace.

    Malgré son caractère science-fictionnel, le film est particulièrement réaliste, grâce au décor, à la photographie, à cette tension constante évoquée précédemment, mais aussi à ce choix de la pellicule (que Christopher Nolan est l’un des derniers à défendre face au numérique, à Hollywood, comme le rappelle le passionnant documentaire « Side by side » dont je vous parlais dans mon compte rendu du dernier Festival Lumière de Lyon) et  à la préférence du réel face à l’infographie, notamment pour les deux robots, prénommés Case et Tars qui ont été véritablement construits pour le film.

    Au-delà de l’aventure exceptionnelle à laquelle il nous convie, au-delà du voyage initiatique et interstellaire, au-delà du message humaniste et écologique, (oui, ce film est tout cela et bien plus encore), « Interstellar » est aussi une célébration de l’amour et en particulier de l’amour filial qui « transcende la dimension temporelle et spatiale » (message que certains trouveront sans doute mièvre mais qui contribue à la force et à l’émotion qui culmine à la fin du film), sur l’instinct de survie, le temps, la mémoire et la nature, bien si précieux. « Interstellar » fait partie de ces films, exceptionnels, SENSATIONnels (au propre comme au figuré),  qui plus que des films, sont des instants, des expériences à voir et revoir, vivre et revivre, qui s’intègrent à votre vie. J’en suis ressortie épuisée, mélancolique, ravagée, éblouie et souriante comme après un voyage lointain, magnifique et éreintant, en me disant que, au-delà de la mort, de l’espace et du temps, un père récemment disparu et si cher à sa fille auteur de ces lignes, continuait à l’accompagner, par-delà le néant. Merci au cinéma et à ce film de m’avoir fait croire, l’espace d’un inestimable instant, à l’impossible et de m’avoir ainsi embarquée pour ce voyage inoubliable aux confins de la galaxie, de la mort et de l’imaginaire…

  • Critique de CLOCLO de Florent-Emilio Siri à 21H sur TF1

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    Le biopic (film autobiographique qui, par définition, retrace l’existence de personnalités ayant existé) est devenu un genre à la mode sans doute parce que particulièrement en accord avec notre époque dans laquelle règne la quête de notoriété, laquelle apparaît, tristement, comme la réussite ultime. Aussi parce qu’il s’agit le plus souvent de destins tragiques qui permettent au spectateur de se rassurer, de mêler à l’envie et l’admiration, une sorte de pitié consolante, et de se rassurer sur la vanité universelle de l’existence, y compris pour ses idoles. Enfin parce qu’il ne faut pas nier qu’il s’agit, aussi, d’un genre très commercial puisque cela garantit déjà un nombre minimum de spectateurs, ceux qui appréciaient la personnalité disparue, a fortiori quand il s’agit de Claude François autour duquel a été développé pendant son existence, et après sa mort, un commerce basé sur sa personne et son nom (qu’il a d’ailleurs initié). La question était donc de savoir s’il s’agissait d’un projet opportuniste et commercial ou d’un un film avec un vrai regard, un univers, et de vrais partis pris artistiques. Après « La Môme », « Sagan », « J.Edgar », « La dame de fer » , « My week with Marilyn » et tant d'autres biopics, c’est donc au tour de Claude François de voir son destin passionnant et tragique devenir un film (avant, à n'en pas douter, Mickael Jackson, avec un succès planétaire garanti). Ali. Ray. Marie-Antoinette. Cloclo. Autant de prénoms comme titres de films qui suffisent à résumer la notoriété de ceux qu’ils désignent et leur potentiel empathique et commercial.

    « Cloclo » retrace donc le destin tragique de Claude François, icône de la chanson française décédée à l’âge de 39 ans qui, plus de trente ans après sa disparition, continue de fasciner (et faire vendre).

    Tout commence (et tout s’explique) par son enfance et son adolescence en Egypte auprès d’une mère aimante et d’un père irascible et exigeant  dont le travail consiste à contrôler le trafic de la Compagnie du Canal de Suez et qui en, en  1956, lors de la nationalisation du canal de Suez, doit rentrer en France avec sa famille, une humiliation dont il ne se remettra jamais. Une fois la famille, alors désargentée, arrivée en France, Claude fait ensuite ses débuts de musicien au Sporting club de Monaco, ce que désapprouve son père qui souhaite le voir devenir comptable, refusant  alors de lui parler et, jusque sur son lit de mort, il s’y obstinera. Un artiste se construit sur des failles et c’est par celle-ci, ce silence et cette incompréhension douloureux, que ce biopic explique en grande partie la complexité, l’insatisfaction permanente, le perfectionnisme de Claude François mais aussi sa rage de réussir.

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    Décédé en 1978, Claude François pourrait vivre en 2012 tant il semble être le parfait symbole et produit de notre époque : avide de notoriété, cultivant son image à outrance, commercialisant cette image aussi avec un sens aiguisé du marketing. C’est aussi mon premier reproche : donner l’illusion que sa réussite est apparue en un claquement de doigts comme on nous donne trop souvent aujourd’hui l’illusion que talent et notoriété sont des synonymes. Or, la réussite de Claude François était le fruit d’une obstination acharnée mais aussi d’un travail redoutable. Malgré ses 2H28, le film comprend ainsi de nombreuses ellipses, ellipses pas toujours judicieuses, comme celles précédant son premier passage à l’Olympia qui paraît presque miraculeux.

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    A l’image de celui de son existence et de ses chansons, le rythme du film est trépidant et même vertigineux, pour nous en mettre plein la vue comme Claude François le faisait avec ses costumes et ses mises en scène : judicieux parallèle entre le fond et la forme. La mise en scène nous emporte ainsi dans son rythme effréné, comme ces chansons sur lesquelles nous avons tous dansé un jour ou l’autre, avec quelques scènes virtuoses comme celle de l’Albert Hall ou le plan séquence magistral et poignant où Claude François écoute l’interprétation de « My way » par Sinatra (adaptation de son "Comme d'habitude") et imagine la fierté de son père s’il l’avait entendue, mêlant ainsi habilement le sentiment de solitude et de gloire, de réussite et d’échec, de lumière et d’ombre, douloureuses contradictions qui constituent cet artiste, finalement tout artiste. Ses chansons illustrent ainsi constamment son existence que semble si bien résumer l’une d’elles « le mal aimé ». C’est ce qu’a si bien illustré Michel Hazanavicius dans « The Artist », finalement le biopic de tout artiste en qui se mêlent et se confrontent orgueil et solitude, gloire et tragédie.

    Si le film n’omet pas de montrer les défauts de l’artiste, son côté autoritaire, maniaque, maladivement jaloux, ou même la mise en scène de son existence, que ce soit d’un malaise à Marseille à la dissimulation de l’existence de son second fils, le personnage, avec ses failles auxquelles chacun peut s’identifier, reste finalement sympathique ou en tout cas ne cesse jamais d’emporter l’ empathie du spectateur (la mienne, en tout cas). Dommage peut-être qu’à force de ne pas vouloir écorner l’image (ses défauts ne le rendent finalement à aucun moment vraiment antipathique, car constamment contrebalancés par ses failles sur lesquelles on revient constamment, parfois d’ailleurs un peu trop, y compris à la fin du film), le scénario ne s’éloigne jamais de la réalité contrairement à Joann Sfar qui avait eu l'excellente idée de donner à son film « Gainsbourg, vie héroïque », l'appellation de «conte », désamorçant d'avance toutes les polémiques et s'autorisant ainsi une composition libre. Une liberté dont était épris celui dont il retraçait une partie du parcours artistique et des amours souvent célèbres et tumultueux, un film en apparence désordonné et confus comme émergeant des volutes de fumée et des vapeurs d'alcool indissociables de Gainsbourg. Joann Sfar a ainsi brûlé les étapes de son film comme Gainsbourg le faisait avec sa vie, ce qui aurait pu apparaître comme une faille scénaristique devenait alors une trouvaille.

    C’est un peu ce qui fait défaut à ce «Cloclo » très maîtrisé mais à qui il manque ce supplément d’audace, de finesse peut-être aussi parfois. Là encore, nous pouvons néanmoins y voir un parallèle entre la forme et le fond qui se rejoignent, Florent-Emilio Siri ayant réalisé un film « à l’Américaine » comme l’étaient les spectacles de l’artiste, filmé  comme un combat ou un film d'action.

    Quant à Jérémie Rénier, il a eu l’intelligence d’incarner Claude François, dans toute son énergie et sa complexité, sans tomber dans un mimétisme grossier. Son rôle poignant et inoubliable dans « L’Enfant » des Dardenne nous avait déjà prouvé à quel point il était un acteur rare.

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    Plus que ce qu’il dit de Claude François et nous apprend sur l'artiste, ce « Cloclo » est intéressant pour  ce qu’il dit de notre époque éprise d’images, de notoriété, de vitesse grisante et qui, sans doute, se reconnaîtra dans le destin de ce « mal-aimé » finalement très moderne. Un succès assuré d’autant que la fin nous laisse sur l’image bouleversante de cette fin tragique et avec, en tête, ces musiques qui n’ont pas fini de nous accompagner. Un succès dont je ne peux m’empêcher de me réjouir malgré les réserves émises plus haut, malgré l’idée que cela prolonge ce marketing que l’acteur avait initié (et que d’autres continuent d’exploiter), ne serait-ce que parce que ce film sera encensé par ces détenteurs du politiquement correct qui, sans aucun doute,  auraient piétiné de leur condescendance et mépris Claude François et sa popularité s’il avait vécu aujourd’hui. Et puis, comme un clin d’œil ironique du destin, ce film lui fera peut-être connaître un succès Outre-Atlantique alors qu’il est décédé au paroxysme de sa gloire alors qu’il s’apprêtait à partir faire carrière aux Etats-Unis...et à revenir en Egypte, là où tout avait commencé, là où réside les racines de sa personnalité comme le film le souligne et surligne. Eternelle renaissance. L’artiste est mort. Vive l’artiste. ( A voir également dans la série des biopics l'excellent film Dalida de Lisa Azuelos)

  • Critique de MATCH POINT de Woody Allen à voir ce soir à 20H55 sur OCS Max

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    Un film de Woody Allen comme le sont ceux de la plupart des grands cinéastes est habituellement immédiatement reconnaissable, notamment par le ton, un humour noir corrosif, par la façon dont il (se) met en scène, par la musique jazz, par le lieu (en général New York).

    Cette fois il ne s'agit pas d'un Juif New Yorkais en proie à des questions existentielles mais d'un jeune irlandais d'origine modeste, Chris Wilton (Jonathan Rhys-Meyer), qui se fait employer comme professeur de tennis dans un club huppé londonien. C'est là qu'il sympathise avec Tom Hewett (Matthew Goode), jeune homme de la haute société britannique avec qui il partage une passion pour l'opéra. Chris fréquente alors régulièrement les Hewett et fait la connaissance de Chloe (Emily Mortimer), la sœur de Tom, qui tombe immédiatement sous son charme. Alors qu'il s'apprête à l'épouser et donc à gravir l'échelle sociale, il rencontre Nola Rice (Scarlett Johansson), la pulpeuse fiancée de Tom venue tenter sa chance comme comédienne en Angleterre et, comme lui, d'origine modeste. Il éprouve pour elle une attirance immédiate, réciproque. Va alors commencer entre eux une relation torride...

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    Je mets au défi quiconque n'ayant pas vu le nom du réalisateur au préalable de deviner qu'il s'agit là d'un film de Woody Allen, si ce n'est qu'il y prouve son génie, dans la mise en scène, le choix et la direction d'acteurs, dans les dialogues et dans le scénario, « Match point » atteignant d'ailleurs pour moi la perfection scénaristique.

    Woody Allen réussit ainsi à nous surprendre, en s'affranchissant des quelques « règles » qui le distinguent habituellement : d'abord en ne se mettant pas en scène, ou en ne mettant pas en scène un acteur mimétique de ses tergiversations existentielles, ensuite en quittant New York qu'il a tant sublimée. Cette fois, il a en effet quitté Manhattan pour Londres, Londres d'une luminosité obscure ou d'une obscurité lumineuse, en tout cas ambiguë, à l'image du personnage principal, indéfinissable.

    Dès la métaphore initiale, Woody Allen nous prévient (en annonçant le thème de la chance) et nous manipule (pour une raison que je vous laisse découvrir), cette métaphore faisant écho à un rebondissement (dans les deux sens du terme) clé du film. Une métaphore sportive qu'il ne cessera ensuite de filer : Chris et Nola Rice se rencontrent ainsi autour d'une table de ping pong et cette dernière qualifie son jeu de « très agressif »...

    « Match point » contrairement à ce que son synopsis pourrait laisser entendre n'est pas une histoire de passion parmi d'autres (passion dont il filme d'ailleurs et néanmoins brillamment l'irrationalité et la frénésie suffocante que sa caméra épouse) et encore moins une comédie romantique (rien à voir avec « Tout le monde dit I love you » pour lequel Woody Allen avait également quitté les Etats-Unis) ; ainsi dès le début s'immisce une fausse note presque imperceptible, sous la forme d'une récurrente thématique pécuniaire, symbole du mépris insidieux, souvent inconscient, que la situation sociale inférieure du jeune professeur de tennis suscite chez sa nouvelle famille, du sentiment d'infériorité que cela suscite chez lui mais aussi de sa rageuse ambition que cela accentue ; fausse note qui va aller crescendo jusqu'à la dissonance paroxystique, dénouement empruntant autant à l'opéra qu'à la tragédie grecque. La musique, notamment de Verdi et de Bizet, exacerbe ainsi encore cette beauté lyrique et tragique.

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    C'est aussi le film des choix cornéliens, d'une balle qui hésite entre deux camps : celui de la passion d'un côté, et de l'amour, voire du devoir, de l'autre croit-on d'abord ; celui de la passion amoureuse d'un côté et d'un autre désir, celui de réussite sociale, de l'autre (Chris dit vouloir « apporter sa contribution à la société ») réalise-t-on progressivement. C'est aussi donc le match de la raison et de la certitude sociale contre la déraison et l'incertitude amoureuse.

    A travers le regard de l'étranger à ce monde, Woody Allen dresse le portrait acide de la « bonne » société londonienne avec un cynisme chabrolien auquel il emprunte d'ailleurs une certaine noirceur et une critique de la bourgeoisie digne de La cérémonie que le dénouement rappelle d'ailleurs.

    Le talent du metteur en scène réside également dans l'identification du spectateur au (anti)héros et à son malaise croissant qui trouve finalement la résolution du choix cornélien inéluctable, aussi odieuse soit-elle. En ne le condamnant pas, en mettant la chance de son côté, la balle dans son camp, c'est finalement notre propre aveuglement ou celui d'une société éblouie par l'arrivisme que Woody Allen stigmatise. Parce-que s'il aime (et d'ailleurs surtout désire) la jeune actrice, Chris aime plus encore l'image de lui-même que lui renvoie son épouse : celle de son ascension.

    Il y a aussi du Renoir dans ce Woody Allen là qui y dissèque les règles d'un jeu social, d'un match fatalement cruel ou même du Balzac car rarement le ballet de la comédie humaine aura été aussi bien orchestré.

    Woody Allen signe un film d'une férocité jubilatoire, un film cynique sur l'ironie du destin, l'implication du hasard et de la chance. Un thème que l'on pouvait notamment trouver dans « La Fille sur le pont » de Patrice Leconte. Le fossé qui sépare le traitement de ce thème dans les deux films est néanmoins immense : le hiatus est ici celui de la morale puisque dans le film de Leconte cette chance était en quelque sorte juste alors qu'elle est ici amorale, voire immorale, ...pour notre plus grand plaisir. C'est donc l'histoire d'un crime sans châtiment dont le héros, sorte de double de Raskolnikov, est d'ailleurs un lecteur assidu de Dostoïevski (mais aussi d'un livre sur Dostoïevski, raison pour laquelle il épatera son futur beau-père sur le sujet), tout comme Woody Allen à en croire une partie la trame du récit qu'il lui « emprunte ».

    Quel soin du détail pour caractériser ses personnages, aussi bien dans la tenue de Nola Rice la première fois que Chris la voit que dans la manière de Chloé de jeter négligemment un disque que Chris vient de lui offrir, sans même le remercier . Les dialogues sont tantôt le reflet du thème récurrent de la chance, tantôt d'une savoureuse noirceur (« Celui qui a dit je préfère la chance au talent avait un regard pénétrant sur la vie », ou citant Sophocle : « n'être jamais venu au monde est peut-être le plus grand bienfait »...). Il y montre aussi on génie de l'ellipse (en quelques détails il nous montre l'évolution de la situation de Chris...).

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    Cette réussite doit aussi beaucoup au choix des interprètes principaux : Jonathan Rhys-Meyer qui interprète Chris, par la profondeur et la nuance de son jeu, nous donnant l'impression de jouer un rôle différent avec chacun de ses interlocuteurs et d'être constamment en proie à un conflit intérieur ; Scarlett Johansson d'une sensualité à fleur de peau qui laisse affleurer une certaine fragilité (celle d'une actrice en apparence sûre d'elle mais en proie aux doutes quant à son avenir de comédienne) pour le rôle de Nola Rice qui devait être pourtant initialement dévolu à Kate Winslet ; Emily Mortimer absolument parfaite en jeune fille de la bourgeoisie londonienne, naïve, désinvolte et snob qui prononce avec la plus grande candeur des répliques inconsciemment cruelles(« je veux mes propres enfants » quand Chris lui parle d'adoption ...). Le couple que forment Chris et Nola s'enrichit ainsi de la fougue, du charme électrique, lascif et sensuel de ses deux interprètes principaux.

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    La réalisation de Woody Allen a ici l'élégance perfide de son personnage principal, et la photographie une blancheur glaciale semble le reflet de son permanent conflit intérieur.

    Le film, d'une noirceur, d'un cynisme, d'une amoralité inhabituels chez le cinéaste, s'achève par une balle de match grandiose au dénouement d'un rebondissement magistral qui par tout autre serait apparu téléphoné mais qui, par le talent de Woody Allen et de son scénario ciselé, apparaît comme une issue d'une implacable et sinistre logique et qui montre avec quelle habileté le cinéaste a manipulé le spectateur (donc à l'image de Chris qui manipule son entourage, dans une sorte de mise en abyme). Un match palpitant, incontournable, inoubliable. Un film audacieux, sombre et sensuel qui mêle et transcende les genres et ne dévoile réellement son jeu qu'à la dernière minute, après une intensité et un suspense rares allant crescendo. Le témoignage d'un regard désabusé et d'une grande acuité sur les travers et les blessures de notre époque. Un chef d'œuvre à voir et à revoir !

    « Match point » est le premier film de la trilogie londonienne de Woody Allen avant « Scoop » et « Le rêve de Cassandre ».

  • Cinéma - Télévision - "Dans les forêts de Sibérie" de Safy Nebbou à 21h sur Canal +

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