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Cinéma - Page 265

  • "Passe passe" de Tonie Marshall

    818997253.jpgAlors que le Festival de Cannes choisissait habituellement des icônes cinématographiques féminines glamour internationalement renommées comme maîtresses de cérémonies de l’ouverture et de la clôture, le Festival et Canal plus ont cette année eu la judicieuse idée de choisir Edouard Baer comme maître de cérémonie, déjà habitué des présentations dans des atmosphères plutôt fraîches avec les César. Il succède ainsi à Diane Krüger et aura donc la lourde tâche d’affronter le public majoritairement blasé et de réchauffer l’atmosphère glaciale du Grand Théâtre Lumière du palais des festivals avec son humour savoureusement décalé, parfois noir, dont nous espérons qu’il ne se départira pas pour l’occasion. Après Vincent Cassel en 2006, ce sera seulement le deuxième homme à présenter ces cérémonies.

    Cela tombe bien non seulement parce qu’Edouard Baer devrait savoir dérider cet exigeant public mais aussi parce qu’il est actuellement à l’affiche de deux films : « J’ai toujours rêvé d’être un gangster » de Samuel Benchetrit et « Passe-passe » de Tonie Marshall. Je n’ai pour le moment vu que le second dans lequel le duo qu’il forme avec Nathalie Baye constitue le principal intérêt du film.

     Edouard Baer y incarne ainsi Darry Marzouki, prestidigitateur au chômage qui a volé la BMW de son colérique beau-frère (Joeystarr) sur un coup de tête. Avant qu’il n’ait eu le temps de faire part de son  (dés)accord, Irène Montier-Duval (Nathalie Baye) monte dans sa voiture et lui propose de le payer pour qu’il l’aide à fuir à Genève. Elle a en effet servi d’intermédiaire dans une vente d’armes entre un Ministre français (Guy Marchand) et la Corée et est convoquée par la justice. Darry accepte finalement, en échange Irène devra payer l’institution  dans laquelle sa mère  Madeleine, atteinte de la maladie d’Alzheimer (Bulle Ogier, rôle qu’elle interprétait déjà dans « Faut que ça danse » de Noémie Lvovsky), a été placée. Pour refuser son offre, Darry a d’abord prétexté être un militant alter-mondialiste se rendant à Locarno pour un sommet. Ils vont passer 3 jours ensemble poursuivis par les Coréens, la DST, le Ministre et le beau-frère!

    Dommage ! Voilà ce qu’on se dit en sortant de ce tour de passe-passe de 1H33. Dommage parce que Nathalie Baye y est exceptionnelle, y démontre encore une nouvelle facette de son talent que Tonie Marshall nous avait déjà permis d’entrevoir dans « Vénus Beauté » et que Noémie Lovsky avait également mise en valeur dans « Les sentiments », capable de jouer avant autant de naturel désarmant les femmes fantaisistes, la mère de Di Caprio dans un film de Spielberg (« Arrête-moi si tu peux ») ou les femmes flics rongés par l’alcool et l’âpreté de l’existence (« Le petit lieutenant » de Xavier Beauvois). Elle interprète ici une femme sûre d’elle, enquiquineuse exemplaire, qui se mêle de tout, surtout de ce qui ne la regarde pas, une aventurière égocentrique et fantasque, dont la fragilité qui affleure, à peine, la rend finalement sympathique. Elle a la désinvolture, le charme, la loufoquerie de ceux qui peuvent dire les pires atrocités et paraître encore plus aimables, malgré tout.

    299809311.jpgIl est aussi introverti, dépressif, indécis qu’elle est extravertie, fantaisiste et péremptoire. Il se fiche autant de son apparence qu’elle y accorde une importance capitale. Il se fait passer pour un militant alter-mondialiste, elle est libérale. Deux être très différents donc mais finalement semblables parce que décalés, joueurs, dotés d’une grâce juvénile, égarés dans l’existence, en décalage dans un monde qui voudrait ranger dans des cases trop étroites pour eux. Ils forment un duo au charme fantaisiste et la dérision d’Irène est communicative. Les bases de la comédie romantique avec ses deux protagonistes atypiques, différents l’un de l’autre mais faits l’un pour l’autre étaient pourtant là. Pourquoi dommage alors ?

    Dommage parce que le scénario abracadabrantesque ET inexistant n’est pas à la hauteur de ces deux personnages et de ces deux acteurs à l’énergie débordante. Les  ventes d’arme, le scandale politique, le syndrome Gilles de la Tourette (ah oui, dans l’institution dans laquelle sa mère est logée Darry tombe amoureux d’une jeune malade jouée  par Mélanie Bernier atteinte de ce syndrome…), Alzheimer, Christine Deviers-Joncour, et même Darry Cohl c’est  beaucoup pour un seul film ! Surtout quand celui-ci se veut plutôt léger. Les deux personnages principaux étaient suffisamment intéressants pour que ne leur soient pas ajoutés tous ces artifices « dans l’air du temps ». Le film brasse par ailleurs trop de genres : road movie, comédie romantique, film politique, chronique sur les maladies mentales (le film commence d’ailleurs de manière grave avec le placement de la mère de Darry en institution).

    Dommage encore que le film ressemble autant à un film publicitaire (la clé USB, le sac et les vêtements de marque Hermès allègrement citée, la BMW…) à l’exemple des comédies romantiques américaines truffées de noms de marques. Dommage parce que les répliques cinglantes de la décalée, voire déjantée, Irène constituaient un bon début.  Un film qui brasse trop de thèmes pour finalement nous désintéresser de l’intrigue politique, on ne croit ainsi jamais vraiment au danger aléatoire ni aux personnages secondaires, et Irène ne semble guère y croire non plus.

     On se demande pourquoi Tonie Marshall a proposé ce rôle de beau-frère violent à Joeystarr qui relève du clin d’œil et qui aurait certainement été plus intéressant dans un contre-emploi que dans la caricature (même réussie) de lui-même. Malgré le talent de leurs interprètes, les rôles de Maurice Bénichou et de Guy Marchand, un peu trop nonchalant  et dégingandé pour un Ministre, manquent de crédibilité et de conviction.

    Dommage encore parce que Tonie Marshall aime ses acteurs et nous le fait sentir malgré tout. Edouard Baer montre lui aussi une nouvelle facette de son talent avec une mélancolie attendrissante qui lui sied parfaitement.

    A voir seulement pour le numéro, non pas de passe-passe (avec un dénouement totalement anecdotique, alambiqué, improbable) mais d’acteurs, de Nathalie Baye et Edouard Baer, qui vaut le détour et  parce qu’un air de Sinatra, forcément nostalgique et envoûtant, est toujours une bonne raison de se déplacer …

    Sandra.M

  • In the mood for Cannes 2008: l'affiche du festival ...

    104832473.jpgEnigmatique. Obscure. Sensuelle. Noire. Platine. Rouge. Intrigante. Inquiétante. Cinéphile. Narcissique.  Réflexive. Hollywoodienne. Polysémique. Telle est l'affiche du Festival de Cannes 2008 signée Pierre Collier et inspirée d'une photo de David Lynch. Cette affiche est destinée à donner le ton de ce 61ème Festival, Pierre Collier ayant conçu tout un ensemble graphique autour de celle-ci créant pour les festivaliers un environnement esthétique autour et dans le Palais.

    "Pierre Collier est né en 1959. Originaire du Nord de la France, formé aux écoles d'Arts Graphiques et de Beaux Arts de Roubaix et Lille, il rejoint Paris et l'univers de la publicité au début des années 80. Il réalise en 1986 sa première affiche de cinéma pour le film de Claire Devers Noir et blanc.
    Depuis, Pierre Collier a conçu et réalisé près de 500 affiches pour le cinéma d'auteur 1217734002.jpginternational, parmi lesquelles : Mystery Train de Jim Jarmusch, La Belle Noiseuse de Jacques Rivette, Raining Stones de Ken Loach, L'Anguille de Shoei Imamura, La Vie Rêvée des anges de Erick Zonca, Yiyi de Edward Yang, Le Fils de Luc et Jean-Pierre Dardenne, Bowling for Columbine de Michael Moore, Le Vent se lève de Ken Loach, Persepolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud. "

    Si vous voulez tout savoir sur ce 61ème Festival de Cannes, je vous rappelle que j'ai créé un blog exclusivement consacré à ce festival avec de nombreuses informations pratiques, les premières rumeurs et certitudes concernant la programmation du Festival 2008, le compte-rendu de l'édition 2007 avec des critiques de films, des photos et vidéos ...

     Comme l'an passé, pendant tout le Festival vous pourrez donc lire mes comptes rendus quotidiens en direct de Cannes.

     Pour cela je vous invite donc à vous rendre sur "In the mood for Cannes" : http://inthemoodforcannes.hautetfort.com pour vivre le Festival de Cannes 2008 comme si vous y étiez et plongez "in the mood for Cannes"!

    Dès le 23 Avril, vous pourrez y retrouver l'intégralité de la programmation. Je vous rappelle ce que nous savons déjà :

    -Quentin Tarantino fera une leçon de cinéma et succédera ainsi à Martin Scorsese

    - Indiana Jones 4 de Steven Spielberg fera probablement l'ouverture

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    Edouard Baer présentera la cérémonie d'ouverture et de clôture

    - What just happened? de Barry Levinson avec Robert De Niro sera le film de clôture

    Cannes classics rendra hommage à Mai 68 en projetant les films qui auraient dû l'être cette année-là...

    Pour la suite, rendez-vous sur In the mood for Cannes!

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  • Avant-première: "Le Grand alibi" de Pascal Bonitzer au cinéma Le Balzac

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    Cinéma Le Balzac, hier. Un film projeté dans le cinéma qui porte le nom de celui qui est pour moi (et pour beaucoup d’autres) le plus talentueux -en plus d’être prolifique- des auteurs, de surcroît ce cinéma-là (un des plus actifs cinémas art et essai de Paris qui organise de nombreux ciné-concerts, rencontres, débats, rétrospectives etc, voir ici) est déjà en soi une aventure prometteuse, de surcroît quand ce film reprend le titre d’un film du maître du suspense. Telle aurait donc dû être le cas du « Grand alibi », dernier film de Pascal Bonitzer projeté hier en avant-première au cinéma Le Balzac à l’occasion des 100 ans de musiques de films organisés par la SACEM. Mais voilà : les promesses, toutes cinématographiques qu’elles soient, ne sont pas toujours tenues…L’aventure était d’autant plus prometteuse que la bande-annonce était alléchante et laissait deviner (ou croire à ) un film plutôt jubilatoire mené par un casting réjouissant (Pierre Arditi, Miou Miou, Mathieu Demy, Anne Consigny, Lambert Wilson, Valeria Bruni-Tedeschi, Catherina Murino…). « Le Grand alibi » est par ailleurs une adaptation d’un roman d’Agatha Christie de 1946  intitulé « Le Vallon » - titre original :« The Hollow »-, ce qui est en général annonciateur de suspense et de répliques mordantes, ironiques pour ne pas dire savoureusement cyniques.  

    Pierre Collier (Lambert Wilson), psychanalyste de son état meurt assassiné dans la maison du sénateur Henri Pages (Pierre Arditi) au cours d'un week-end réunissant toute la famille. Sa femme, Claire (Anne Consigny),  arrêtée un revolver à la main, à côté de la victime, est la première à être soupçonnée ayant de surcroît des raisons de se venger de son mari volage, amant d’Esther (Valeria Bruni-Tedeschi), ancien amant de Léa (Catherine Murino), son amour de jeunesse, invité surprise du week end flanqué de son homme à vraiment tout faire Michel incarné par Dany Brillant . L’arme que tenait Claire au moment de son arrestation n’est pourtant pas l’arme du crime. Un deuxième meurtre va survenir. Chaque invité devient alors un coupable potentiel. Le lieutenant Grange (Maurice Bénichou) est chargé de résoudre l’enquête.

    Tous les ingrédients d’une bonne recette scénaristique sont là et pourtant…et pourtant ce qui aurait dû être une exquise dégustation devient une marmite presque dépourvue de saveurs à vouloir en mélanger trop. Etonnant de la part de celui qui est un scénariste émérite notamment de Téchiné (« Le lieu du crime », « Les Innocents ») et de Rivette (« Va savoir » …) notamment et qui a fait ses armes aux Cahiers du cinéma où le classicisme, qui domine dans ce film aussi peu novateur dans le fond que la forme, était et est banni et d’autant plus qu’il s’agit ici d’un film de commande et que Bonitzer aurait pu se réapproprier la liberté dont il était dépourvu dans le choix du sujet, dans son traitement.  Il est vrai que Pascal Bonitzer est un jeune réalisateur puisque son premier film en tant que réalisateur « Encore » date de 1996, il a également réalisé le corrosif « Rien sur Robert » ou plus récemment « Petites coupures » et  « Je pense à vous ».

    Il a ainsi d’abord choisi de franciser et d’actualiser Agatha Christie comme la plupart de ses prédécesseurs qui l'ont adaptée (ses héritiers ayant autorisé depuis quelques années seulement à ce que les adaptations se déroulent à une époque différente de celle à laquelle se situent les romans et nouvelles de cette dernière). L’intrigue adaptée temporellement et géographiquement se déroule donc en France, de nos jours. Histoire d’amour et criminelle, farce et thriller, comédie et drame, réflexion sur la mémoire et la passion dévastatrice : ce film oscille constamment entre plusieurs styles et thèmes pour malheureusement n’en choisir aucun et finalement noyer le spectateur, ne l’intéresser ni aux unes ni aux autres. Seul le personnage de Lambert Wilson pourtant seulement présent dans la première partie du film existe vraiment et semble avoir intéressé les scénaristes (Pascal Bonitzer a écrit avec Jérôme Beaujour), les autres sont condamnés à de la figuration en raison des contours imprécis de leurs personnages (parfois d’ailleurs sans aucun intérêt ou aucune incidence sur l’intrigue)  malgré tout le talent et toute la bonne volonté de leurs interprètes. Tout le monde n’est pas François Ozon qui a su si bien servir chacune de ses 8 comédiennes et personnages et mêler les genres avec virtuosité. Les liens entre les membres de la famille sont ici plus flous et imprécis que réellement énigmatiques et au lieu de nous intriguer cela nous détache de l’histoire de même que le morcellement de l’image,  la structure scénaristique éclatée et l’éclatement  des personnages dans le cadre (résultant de la volonté du réalisateur de créer un puzzle ludique, à l'image de l'affiche), ainsi que le renoncement au huis-clos, habituel dans les adaptations d’Agatha Christie, créant ainsi une distance, nous évadant du cadre et de l’intrigue. Pierre Collier, la victime du premier meurtre interprété par Lambert Wilson, travaille par ailleurs sur la mémoire, s’allongeant  d’ailleurs sur son propre divan et faisant des lapsus révélateurs, thème qu’il aurait peut-être été intéressant d’approfondir.

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    Arsène Lupin? Zorro? Peur sur la ville? Non: Le Grand alibi !

    Cela avait pourtant bien commencé : une fausse insouciance et nonchalance. Un ton décalé, de la dérision faussement dérisoire. Une grande demeure bourgeoise isolée où foisonnent les armes à feu. Des invités déjantés. Une tension latente. Quelques plans et répliques qui nous mettent l’eau à la bouche. Des coups de feu qui font sursauter, des plans furtifs d’ustensiles tranchants, la mort qui rode évoquée en riant, jaune. Un personnage aussi séduisant qu’antipathique. Une femme fatale. Des personnages à fleur de peau.  Ou cyniques. Ou désinvoltes. Un savant mélange normalement détonant. Tous les personnages sont pourtant ici ou outrancièrement mélodramatiques ou totalement anecdotiques ou juste destinés à faire (sou)rire, sans réelle implication sur l’intrigue, alors qu’habituellement dans Agatha Christie, le caractère ludique veut que chacun soit un coupable potentiel avec un mobile et que le rôle comique soit dévolu à Hercule Poirot que Bonitzer a ici supprimé et remplacé par l’inspecteur interprété par le pourtant truculent Maurice Bénichou.

     Bonitzer semble  avoir eu peur d’oser : d’oser traiter la passion dévastatrice, d’oser assumer complètement le côté farce, second degré, granguignolesque. Et ce qui aurait dû être amer ou acide se révèle malheureusement finalement fade.

    Malgré tout,  ce « Grand alibi » se suit sans ennui, d’abord parce qu’il crée une attente qui malheureusement subsistera jusqu’à la fin, nous laissant sur notre faim, ensuite grâce au duo comique et presque burlesque Miou-Miou/Arditi  qui donne lieu aux répliques les plus cinglantes et réjouissantes du film.

    1160695121.jpg Si vous deviez voir une seule adaptation d’Agatha Christie je vous conseillerais néanmoins plutôt soit « Le crime de 1475355635.jpgl’Orient Express » de Sidney Lumet, soit les adaptations de Pascal Thomas : « Mon petit doigt m’a dit » ou « L’heure zéro » sorti l’an passé qui avait carrément osé la farce, une farce ludique dans laquelle chaque personnage existait, où le second degré était pleinement assumé primant sur la résolution du crime et impliquant finalement davantage le spectateur. Ou alors, même s’il ne s’agit pas d’une adaptation d’Agatha Christie, allez regarder le film d’Hitchcock dont  Pascal Bonitzer s’est emparé du titre « Le Grand Alibi ». Même si ce n'est pas son meilleur un moyen film d'Hitchcock est toujours meilleur que n'importe quel film moyen d'un autre cinéaste.

    Vous ne pourrez plus me dire que vous  manquez  d’alibi pour ne pas aller voir ce film ou si tel encore le cas je pourrais peut-être vous donner le nom du meurtrier qui est… Ne vous avais-je pas dit que ce film traitait aussi d’amnésie soudain (heureusement ?) contagieuse ?:-)

    Vous pourrez également trouver un article sur cette avant-première sur  « Cinémaniac ».

    Sortie en salles : le 30 Avril

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    Lambert Wilson, Mathieu Demy, Anne Consigny...autour du réalisateur Pascal Bonitzer
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  • Avant-première: "Jeux de dupes" de et avec George Clooney

     1116104551.jpgJ’ai pour principe de n’évoquer sur ce blog que les films qui m’ont enthousiasmée : sans l’invitation de Blog bang et de la Paramount à aller voir ce film hier, dans la salle de velours rouge ouatée aux vertus  lénifiantes (à moins que pour une salle de cinéma être lénifiante ne soit plutôt un vice, non ?) de la Paramount (malgré l’atmosphère glaciale eu égard aux rangs plus que clairsemés), j’ignore donc si j’aurais évoqué celui-ci, probablement pas (avouez que j’ai l’art du compliment :-)).  Rassurez-vous cette petite incartade ne signifie pas que  mes principes et ma sincérité volent en éclats: à vous de juger.

    Pourtant signé George Clooney dont les deux premiers films en tant que réalisateur furent salués par la critique, et interprété notamment par George Clooney dont le dernier film en tant qu’interprète (« Michael Clayton » de Tony Gilroy) lui a valu une nomination comme meilleur acteur aux derniers Oscars, ce film avait a priori tout pour plaire.  A priori seulement.

    L’intrigue se déroule dans le milieu du football professionnel (non, non, ne partez pas déjà…). En 1925, ce n’est encore qu’un sport aux règles aléatoires destiné à un public rural et clairsemé (là aussi…) dont les matchs se terminent le plus souvent en bagarres généralisées. C’est d’autant plus rageant pour le sémillant Dodge Connolly (George Clooney), capitaine des « Bulldogs » qu’à la même époque le football universitaire est particulièrement populaire et remplit les stades, notamment grâce à l’étudiant Carter Rutherford (John Krasinski) surnommé « Carter le Bolide » dont la réputation résulte autant de ses exploits sportifs que de ses exploits militaires, étant devenu une légende en  disant avoir capturé seul des dizaines de soldats allemands pendant la Grande Guerre. Les Bulldogs devant abandonner leur carrière faute de sponsors,  Dodge décide de partir pour Chicago pour persuader Carter de quitter la fac, pour reconstituer les « Bulldogs » et pour se faire un nom. Au même moment, la journaliste du Tribune, Lexie Littleton (Renée Zellweger) est envoyée à Chicago pour  « creuser la tombe » de Carter en prouvant que ses héroïques exploits militaires ne sont qu’inventions, et en devenant ainsi par la même occasion, grâce à ce "scoop", rédactrice en chef adjointe. Evidemment, Carter va s’éprendre de cette dernière tandis que Connelly est loin d’être insensible aux charmes de la journaliste.

    Voilà: les bases du triangle amoureux sont plantées. Tout était normalement là pour créer des quiproquos, des situations saugrenues, rocambolesques, hilarantes, à un rythme d’enfer. Même si le principe de la comédie romantique veut que les deux héros (ou anti) finissent dans les bras l’un de l’autre, il exige aussi qu’on fasse semblant de laisser planer un doute, qu’ils franchissent des obstacles, rencontrent des éléments perturbateurs, ce qui n’est pas le cas ici, le spectateur se retrouvant alors complètement « hors jeu ».

    N’en tenons pas rigueur à George Clooney ( il n’est pas l’auteur du scénario) mais les promesses ne sont pas vraiment tenues.  Singeant ses rôles dans les films des frères Coen (notamment « Intolérable cruauté », et « O’Brother »), notamment pour l’aspect délibérément excessif et burlesque de son interprétation, il déploie certes une énergie remarquable. Il faut pourtant chercher l’intérêt (oui, il y en a quand même un, voire plusieurs) ailleurs, notamment dans la reconstitution de la fin des années 20, dans une atmosphère charmante, à la fois intemporelle et ancrée dans son époque.

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    Après les années 70 (« Confessions d’un homme dangereux », film de 2002) et les années 50 (« Good night,  and good luck », film de 2005) George Clooney a de nouveau mis sa réalisation, habile et appliquée, au service de d’une époque et sa reconstitution : d’abord par le ton burlesque du film, par ses grimaces « keatoniennes » qui ne sont pas sans rappeler celles des films des années 20, par une imprégnation du cinéma américain des années 40 et 50 , en s’inspirant avec plus ou moins de maladresses notamment de Capra et Hawks, avec sa femme fatale à la chevelure platine vêtue de rouge au ton sarcastique et aux manières frondeuses, par des décors, des costumes et une photographie inspirés du Hollywood de la "grande époque" entre couleurs ocres et flamboyantes qui auréolent le film d’un charme délicieusement suranné, et puis le jazz qui contribue à donner du rythme au pied des spectateurs, à défaut d’en donner vraiment au film.

    Pour le reste, « Jeux de dupes » a probablement été victime de ses ambitions. Les « jeux de dupes » s’appliquent ainsi à 3 niveaux différents : l’intrigue amoureuse (Lexie dupe Carter), la guerre (Carter dupe tout le monde sauf Lexie), le football (Dodge, en s’inspirant de l’histoire de Carter à la guerre change les règles du jeu et dupe ses adversaires de football). Le film prend aussi trois directions différentes : l’histoire d’amour traitée avec le ton qui sied à ce genre de film (la légèreté mais à tel point que le spectateur s’en détache totalement),  la professionnalisation du football et l’ennui qui en découle pour les spectateurs (des matchs, du film ?), la volonté des américains de se créer des mythes et des héros quoiqu’il en coûte à la vérité. Si c’est dans ce dernier élément qu’on peut retrouver le goût de George Clooney pour le cinéma engagé, ou du moins politique, il ne fait malheureusement qu’effleurer le sujet (Carter n’est pas Jesse James, cela en rassurera peut-être finalement certains). En filigrane, c’est donc la fin d’une époque (celle d’un football non professionnel) dans laquelle se profile aussi la crise de 1929 et la fin de l’insouciance.

    1859022734.JPGQuand un film est réalisé avec autant d’application, de bonne volonté, nous replongeant avec une délectation certaine dans les années 20 par une atmosphère joyeusement désuète,  on s’en voudrait presque de ne pas avoir aimé. A voir donc uniquement pour son atmosphère au charme suranné et pour l’énergie communicative, verbale et gestuelle,  de ses interprètes (George Clooney et Renée Zellweger surtout, le personnage de Carter était un peu trop fade, absent et lisse à côté d’eux-et d'ailleurs significativement absent de l'affiche-, particulièrement charismatiques). Cette comédie romantique, malheureusement pas vraiment ludique contrairement à ce que le titre aurait pu laisser espérer, et qui oscille perpétuellement entre les deux, la comédie et le film romantique, sans vraiment atteindre ni l’un ni l’autre, vous laissera malheureusement un goût d’inachevé, le sentiment d’avoir été (joliment et élégamment) dupés.

    Sortie en salles, en France : le 23 Avril 2008

    Sandra.M

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  • In the mood for news 26: actualité cinématographique de la semaine du 9 Avril 2008

    Les films de la semaine du 9 Avril à l’affiche

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    « Sexy Dance 2 »de Jon Chu, avec Briana Evigan, Robert Hoffman et Telisha Shaw

    -Genre : Comédie Dramatique, Musique - Dure : 1H42 mn

    Pitch : Andie est une fille d’origine modeste, une rebelle qui s’efforce de trouver sa place au sein de la très respectable Maryland School of the Arts, sans renier pour autant ses racines et son vieux rêve : intégrer la troupe underground 410 qui rassemble les meilleurs danseurs de rue de Baltimore.  Chase est l’étudiant le plus brillant de la MSA - une star en devenir qui aspire à rompre avec les traditions et contraintes de la danse classique.

    «  Maxi Papa”   d'Andy Fickman avec Dwayne Johnson, Roselyn Sanchez, Kyra Sedgwick

    -Genre : Comédie, Jeunesse - Durée : 1H50 mn

    Pitch : Joe Kingman, robuste quarterback, star de l'équipe de Boston, est bien décidé à remporter le championnat. Véritable "célibattant",Kingman vit le rêve ultime : il est riche, célèbre et de toutes les fêtes. Mais son rêve s'écroule soudain quand il découvre qu'il a une fille de 8 ans. Alors qu'il vit le moment le plus important de sa carrière, il lui faut concilier ses cocktails VIP, ses entraînements et ses rendez-vous amoureux avec les cours de danse classique, les contes de fées et les poupées de sa fille.

    «  L'île De Nim »  de Jennifer Flackett et Mark Levin avec Gerard Butler, Jodie Foster et Abigail Breslin

    Pitch : Nim (Abigail Breslin) est une petite fille de 8 ans vivant avec son père (Gerard Butler) sur une île sauvage. Entre ses amis imaginaires (en particulier Alex Rover, un héros de romans d'aventure) et ses animaux de compagnie (un lion de mer, un pélican et un iguane) elle ne s'ennuie pas une seconde.

    «  Les Randonneurs à Saint Tropez »  de Philippe Harel avec Benoit Poelvoorde, Karin Viard, Géraldine Pailhas-(France)

    -Genre : Comédie - Durée : 1H45 mn

    Pitch : Nous avons quitté Cora, Nadine, Mathieu et son frère Louis, ceux que nous appelons dorénavant « Les randonneurs », il y a dix ans en Corse. Aujourd’hui, ils ont la quarantaine.  Ils sont toujours très liés et ont décidé de repartir une nouvelle fois en vacances ensemble, juste tous les quatre, comme avant. La randonnée, il faut bien l’avouer, ça n’était pas vraiment leur truc.

    « Mongol » de Sergei Bodrov, avec Tadanobu Asano

    Durée : 2H04 mn

    Pitch : Genghis Khan est entré dans l’Histoire comme le plus redoutable des maîtres de guerre et le plus puissant que la terre ait jamais portés. Son nom est synonyme de conquêtes sanglantes, de pouvoir absolu, mais bien peu connaissent l’histoire de l’homme qui se cache derrière la légende...  A l’âge de neuf ans, celui qui n’est alors connu que sous le nom de Témoudjin fait un voyage avec son père, un chef de clan, pendant lequel il rencontre Borte, une jeune fille malicieuse qu’il choisit comme fiancée.

     "Young Yakuza" ,  documentaire de Jean-pierre Limosin - (France)

    -Genre : Documentaire - Durée : 1H39 mn

    Pitch :Véritable plongée dans l'univers de la mafia japonaise, Young Yakuza est le récit initiatique d'une rencontre, celle d'un jeune homme désœuvré et d'un parrain, lui-même en pleine crise identitaire. Placé par sa mère en apprentissage au sein d'un clan mafieux, Naoki va découvrir le quotidien des Yakuzas pendant une année entière. Ensuite, il lui appartiendra de choisir : rester ou quitter ce monde qui s'accroche à son passé...

    « Désengagement » (Ad Vitam) de Amos Gitaï avec Juliette Binoche et Jeanne Moreau.

    Genre : Drame - Durée : 1H55 mn

    Pitch : Avignon, été 2005. Ana retrouve Uli, son demi-frère israélien, à l’occasion de la mort de leur père.

    Elle décide de retourner en Israël à la recherche de sa fille qu’elle a abandonnée à la naissance, 20 ans plus tôt. A leur arrivée, Ana et Uli sont pris dans la tourmente du retrait des colons de Gaza.

    "Les Seigneurs De La Mer", documentaire de Rob Stewart

    -Genre : Documentaire - Duree : 1H30 mn

    Pitch : Depuis l'enfance, Rob Stewart se passionne pour les requins. Il est devenu biologiste et photographe sous-marin afin de pouvoir nager avec eux, décrypter leurs mystères et déconstruire le mythe du requin mangeur d'hommes. Des dernières réserves du Costa-Rica jusqu'aux Îles Galapagos en passant par le Guatemala, Rob Stewart et l'équipage de l'activiste des mers Paul Watson, tentent de mettre en échec les braconniers à la solde de mafias asiatiques soutenues par des gouvernements corrompus. Il y va de l'équilibre écologique de la planète... A la fois document militant et acte d'amour, entre scènes violentes et images d'une grande beauté, Les Seigneurs De La Mer plaide pour l'urgente sauvegarde des requins.

    « Pénélope »  de Mark Palansky avec Christina Ricci et Reese Witherspoon

    - (Etats-Unis)-Genre : Fantastique, Drame - Durée : 1H43 mn

    Pitch : Une sorcière a jeté un sort sur la première fille qui nait dans la famille Wilhern : Pénélope. Pour y échapper, elle devra épouser un garçon issu de la noblesse. Pénélope est une romantique. Elle décide de fuir loin de sa famille et d’affronter le monde. Elle découvrira que le mauvais sort, il faut l’ignorer et s’accepter telle qu’elle est.

     

    « Lady Jane » de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-pierre Darroussin, Gérard Meylan, Frédérique Bonnal, Jacques Boudet, Yann Tregouët

    -(France)-Genre : Policier - Durée : 1H42 mn

    Pitch : À l’époque où les Rolling Stones chantaient « Lady Jane », Muriel, François et René, amis d’enfance, nés dans les ruelles populaires de Marseille distribuaient des fourrures volées à toutes les ouvrières de leur quartier. Ils cessèrent leurs cambriolages après avoir tué un bijoutier dans un parking et, pour se faire oublier, ne se virent plus jusqu’au jour où le fils de Muriel est enlevé… La bande se reforme alors pour réunir l’argent de la rançon.

    «  Petites Révélations »  de Marie Vermillard

    -(France)-Genre : Court-métrage, Drame - Durée : 55 mn

    Pitch : Les gens se croisent, se regardent, se parlent, s’écoutent. 19 moments de trouble intime qui transforment le quotidien en « Petites révélations »... Ce court-métrage est composé comme un recueil de nouvelles. Il s’agit d’une série de séquences mettant en scène des personnages et des situations différents qui ont comme point commun de décrire le moment apparemment anodin d’un instant révélateur qui est soudain mis en avant.

     « The Eye »  de Xavier Palud et David Moreau, avec Jessica Alba, Alessandro Nivola, Parker Posey

    - (Etats-Unis)-Genre : Horreur - Durée : 1H37 mn

    Pitch :Célèbre violoniste, Sydney Wells est belle, intelligente, très indépendante... et aveugle, depuis ce tragique accident qui lui a coûté la vue quand elle était enfant.  Sydney vient de subir une double transplantation de la cornée. Après vingt ans dans le noir, elle pourra bientôt enfin revoir. Le Dr Paul Faulkner est chargé de l’aider à surmonter les difficultés qui accompagnent le fait de retrouver la vue.

     "L'Ombre De Bogota" de Ciro Guerra

    Durée : 1H29 mn

    Pitch : La Sombra del Caminante nous plonge en plein cœur des bas fonds colombiens dans la cité de Bogota. C’est l’histoire de Mañe qui traverse une situation économique difficile. Victime de son handicap, après la perte de l’utilisation de ses jambes, Mañe ne parvient pas à retrouver du travail et payer son loyer.

     « Le Voyage Perpétuel »  d'Anastasia Lapsui et de Makku Lehmuskallio

    - (Finlande)-Genre : Documentaire - Durée : 1H18 mn

    Pitch : La vie quotidienne des Nenets dans la toundra du Grand Nord est à nouveau au centre du dernier film des deux cinéastes finlandais. Ils en font ici la substance presque irréelle d'une ample méditation sur la présence des hommes dans ce désert de glace. Une méditation sur l'essence de cette vie emportée régulièrement ailleurs par les saisons, par le lien charnel au troupeau.

    « Les Jeux De L'Amour et De La Guerre » de Arthur Hiller avec James Garner et Julie Andrews.

    - (Etats-Unis)-Durée : 115 mn

    Pitch : Mai 1944. L'amiral américain Jessup arrive à Londres suivi de ses rabatteurs, officiers spécialement chargés de veiller à ce que tous ses désirs soient réalisés. Parmi eux, le lieutenant Madison qui s'éprend de son très britannique chauffeur Emily, une jeune veuve qui lui rend son affection tout en lui reprochant sa lâcheté.

    Le DVD de la semaine

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    « Un secret » de Claude Miller, LE film français de 2007, est sorti en DVD depuis le 3 Avril, je vous le recommande sans réserves ! Pour lire ma critique cliquez ici.

    Les chiffres de la semaine

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    « Bienvenue chez les Ch’tis » de Dany Boon continue son ascension irrationnelle et vient de dépasser déjà de 200000 entrées « La Grande Vadrouille » de Gérard Oury. Même si le très caricatural « Disco » a atteint plus de 90000 spectateurs en moins d’une semaine, « Bienvenue chez les ch’tis » a encore attiré 706000 spectateurs en 5 jours.

  • « In the mood for news » 24 : l’actualité cinématographique de la semaine du 2 Avril 2008 avec une analyse du phénomène “Bienvenue chez les Ch’tis”

    Les nominations aux Molières 2008 : « Good Canary »à l’honneur

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    436442494.jpgLes nominations aux Molières 2008 viennent d’être annoncées, l’occasion de revenir sur une pièce dont je vous avais parlé avec enthousiasme (voir ma critique, en cliquant, ici) « Good Canary », la pièce de Zach Helm, mise en scène par John Malkovich qui obtient six nominations dont meilleur spectacle privé, meilleur metteur en scène (John Malkovich), meilleure comédienne (Christiana Reali). Les autres pièces ayant également un nombre conséquent de nominations sont : « Les Belles-sœurs », « Les riches reprennent confiance », « La Vie devant soi ». Je vous en reparlerai sur ce blog.

                                                                                        Rencontres CNC-SACD

    Hier, au CNC, avaient lieu les deuxièmes rencontres CNC-SACD de l’année 2008 destinées aux jeunes auteurs et aux jeunes professionnels de l’audiovisuel (réservation obligatoire, s’y prendre très tôt) dont le sujet était : « Quels tremplins vers la télévision pour les jeunes auteurs », une conférence qui nous a notamment permis d’entendre deux jeunes auteurs talentueux découverts grâce à Dailymotion et aujourd’hui à l’antenne en Belgique, leur série s’intitule « Télé, leur vie » (voir ici : http://www.teleleurvie.com ), ce programme court est signé Benjamin Ferel et Anthony Lancret, il est également lauréat du Festival de la Fiction Française de Luchon 2008.

    Prochaine rencontre CNC-SACD : le 2 juin 2008 à 14H. Thème : « Du documentaire à la fiction : quelles  écritures pour parler du réel ? ». La rencontre aura cette fois lieu à la SACD.

    Ces rencontres sont particulièrement instructives et animées, si vous êtes jeune auteur ou jeune professionnel de l’audiovisuel, je vous engage vivement à y participer en n’oubliant pas de vous inscrire au préalable.

                                                  Les chiffres de la semaine : analyse du phénomène « Bienvenue chez les ch’tis »

    1365667422.jpgAprès avoir dépassé le deuxième plus gros succès du cinéma français en France, à savoir « Astérix : mission Cléopâtre » et ses 14 557 020 entrées (devant « Les Visiteurs » et ses 13 780 000 entrées), il ne reste désormais plus que quelques entrées nécessaires à Dany Boon pour dépasser le plus gros succès du cinéma français, à savoir « La Grande Vadrouille » et ses 17, 2 millions de spectateurs (à noter que ce nombre d’entrées a été enregistré sur plusieurs années et que « Bienvenue chez les Ch’tis » en est à la cinquième semaine à l’affiche.)

     A l’affiche depuis le 27 février dernier (le 20 février, dans le Nord-Pas-de-Calais), « Bienvenue chez les Ch’tis » totalisait en  effet 16 480 398 entrées dimanche soir (alors qu'"Astérix aux jeux olympiques" en était à 6, 5 millions "seulement" à sa cinquième semaine), avec notamment 55 000 spectateurs ce samedi dans les salles de Paris-périphérie. Le film ayant engrangé le plus grand nombre d’entrées en France, toutes nationalités confondues reste « Titanic » avec ses 20, 5 millions d’entrées. Il n’est mathématiquement pas impossible que Dany Boon dépasse le film de James Cameron, « Bienvenue chez les Ch’tis » étant encore à l’affiche sur 880 écrans !

    Je dois avouer que je suis assez intriguée, pour ne pas dire consternée, par ce résultat. J’ai observé deux attitudes suscitées par ce film : la complaisance totalement aveugle et le mépris pseudo-élitiste, je vais donc essayer de ne tomber ni dans l’un ni dans l’autre. Oui, j’avoue que je n’aurais pas parié un euro sur ce film et que j’ai été réellement surprise lorsque j’ai appris qu’il avait atteint 500 000 entrées dès le premier jour, la bande annonce ne m’ayant nullement donné envie de le voir, surtout parce que j’avais été incapable de voir le premier film réalisé par Dany Boon  jusqu’au bout (fait rarissime) tant il me paraissait aligner les lieux communs (mais après tout il s’agissait d’un premier film avec toute l’indulgence que cela requiert). Comme ce film a d’abord été projeté uniquement dans le Nord-Pas-de Calais, je me suis d’abord dit que le nombre d’entrées s’expliquait par le chauvinisme et une sorte de solidarité des gens du Nord, mais ensuite son succès devenu national m’est apparu totalement irrationnel. Toujours prête à me sacrifier pour vous informer, :-) j’ai donc  décidé d’y aller, non par instinct grégaire, mais pour comprendre ce phénomène.

    J’avoue que  «Les Corons » repris en chœur dans un stade cela fait son effet et j’avoue sans mal avoir ri le premier quart du film (et même encore ensuite, certes un peu moins) : j’ai ri du personnage et de l’interprétation de Kad Merad, puis du comique essentiellement lié au langage et au décalage nord-sud. J’ai trouvé fort sympathiques et attachants ces deux personnages. Mais malgré toute ma bonne volonté j’avoue m’être aussi ennuyée. Mais alors comment expliquer qu’un film simplement sympathique et attachant atteigne un tel nombre d’entrées ? La sincérité du réalisateur que je ne mets nullement en doute, probablement, en décalage avec le marketing outrancier, le merchandising même de 187825789.jpg« Astérix aux jeux Olympiques », programmé pour faire des entrées, en France et ailleurs.  Certainement aussi le capital sympathie (et talent) de Dany Boon et Kad Merad (qui décidément a le don d’être dans les gros succès du cinéma français, après « Les Choristes, et dans une bien moindre mesure « Je vais bien ne t’en fais pas » pour lequel il avait d’ailleurs reçu un César) qui n’est pas sans rappeler le duo De Funès-Bourvil, ou plutôt Dany Boon n’est pas sans rappeler Bourvil car ici on ne rit pas contre (comme cela arrive souvent avec De Funès, rarement -jamais ?- l’interprète de personnages sympathiques) mais avec, avec des personnages simples, dépourvus de méchanceté et de cynisme qui mettent l’amitié et la solidarité à l’honneur (rien de répréhensible à tout cela évidemment). Un peu comme Bourvil, Dany Boon semble avoir le rire au bord des larmes et les larmes au bord du rire, et la capacité d’interpréter des rôles comiques ou dramatiques (comme dans « Joyeux Noël » ) avec une même facilité déconcertante. Quand bien même, cela ne suffit pas à expliquer un tel nombre d’entrées. 

     Combien de fois, dans des festivals, ai-je entendu des spectateurs dire « on veut rire », « pas un film triste surtout ». Comme si l’illusion donnée par le cinéma devait forcément être celle d’un monde caricatural où on ne fait que rire. Rêver (d’autre chose que de vivre chez les Ch’tis »), voyager (ailleurs que dans le Nord-Pas de Calais), réfléchir (à autre chose que les différences Nord Sud), frissonner (à une autre idée que celle d’aller habiter dans le Nord), c’est pas mal non plus, pourtant, non ?

    On retrouve ainsi dans les salles toutes sortes de public, parfois éloignés depuis plusieurs années des salles obscures, tous les âges, (comme cette petite grand-mère qui achetait son billet en même temps que moi qui voulait son billet pour « Les Ch’timis ). C’est un film fédérateur mais je crois surtout rassurant et sans surprises, rassurant parce que sans surprises. D’abord le spectateur est rassuré parce qu’il va payer pour rire (tant d’autres ont ri avant lui, c’est bien évident qu’il va rire, lui aussi), pas trop longtemps, 1H46, le cinéma  c’est bien mais à dose modérée. Mais je pense qu’il est surtout rassuré par l’image que ce film lui donne de lui-même. Il n’est ni heurté ni surpris par l’histoire extrêmement prévisible (le scénario est d’une simplicité enfantine, le personnage de Kad Merad s’adapte très rapidement, nous savons que Dany Boon et la femme qu’il convoite vont finir heureux avec beaucoup d’enfants et que l’alcoolisme ne sert qu’à noyer un chagrin dont nous nous doutons bien qu’il s’évaporera avant la fin du film), pas dérangé dans sa vie potentiellement routinière comme un écho à celle des personnages du film, et il se donne même bonne conscience : s’il habite le Nord, le film lui renvoie l’image de son altruisme, de sa sympathie, que  la vie, malgré la pluie, les paysages grisâtres, «  c’est que du bonheur » (une expression aujourd’hui utilisée à  tort et à travers que je trouve la plus stupide qu’on ait inventé, parce que si on y réfléchit deux secondes, la vie peut être difficilement « que du bonheur »).  S’il habite le Sud, le personnage de Kad Merad le rassure rapidement sur sa faculté d’adaptation, de compréhension, sur sa clairvoyance et son ouverture d’esprit. Il lui donne aussi l’illusion de la simplicité : de la vie, des rapports humains.

    1648926680.jpgAu final,  ce film qui n’était pas formaté réunit les mêmes critères et produit le même effet qu’un film formaté tout en donnant au public l’illusion qu’il se démarque des choix qu’on lui impose avec « l’audace » d’aller voir un film sur les « Ch’tis » tout de même. Il se donne bonne conscience en se disant que ce ne sont pas les médias qui ont dicté son choix d’aller voir ce film, il se sent rebelle!  Qu’est-ce qu’un film formaté : un film de surtout pas plus de 90 minutes (106 tout de même en l’occurrence), tous publics à savoir diffusable à 20H30 sur une chaîne généraliste, ne heurtant surtout aucune sensibilité. Bref, oui, un film rassurant.  Cette envie d’être rassuré explique sans doute que certains y retournent : ils savent encore davantage ce qui va se passer, et y retournent en famille ou entre amis. Autant je pourrais revoir « La Grande vadrouille » un nombre incalculable de fois (et probablement moi aussi parce que je SAIS que je vais rire, rassurée donc aussi, nobody’s perfect), autant je n’aurais aucune envie de revoir « Bienvenue chez les Ch’tis ».

    Sans doute le public en a-t-il aussi assez de films parisiens, voire parisianistes sur les trentenaires et leur mal de vivre (ce que je peux aisément comprendre) et ce retour « aux racines » s’avère aussi être un grand bol d’air, le film revendique ainsi sa spécificité régionale (en faisant par exemple son avant-première dans le Nord et non à Paris, comme c’est la coutume).

    C’est aussi une sorte d’écho ou de réaction à l’actualité, à cette crise du pouvoir d’achat dont on nous rebat les oreilles puisque ici, pouvoir d’achat ou pas, on vit heureux, "que du bonheur" vous disent-ils, puisque « là-haut », pouvoir d’achat ou pas, ils sont si sympas.  C’est aussi une opposition à un autre thème galvaudé, celui de la mondialisation : on se replie sur soi, ses racines, sa région tout en restant ouvert à l’autre (alors que la mondialisation est synonyme de multiplicité de flux et de moyens mais d’absence de communication).

    Mais on peut aussi se demander si à vouloir s’en démarquer, on ne rétablit pas la caricature, comme me l’a justement fait remarquer une amie « nordiste », catastrophée par le pathétisme des imitations, chacun s’improvisant désormais Ch’ti.

    Bref, un film à sketchs tendre, simple, consensuel, rassurant, sympathique, tout public, sans surprises, drôle, ennuyeux( parfois), prévisible, sincère, effet placebo à une morosité ambiante.

    1737875143.jpgJe crois que j’aurais compris davantage qu’un film comme « Le goût des autres » par exemple totalise un tel nombre d’entrées : un film sensible qui n’est pas seulement une suite de sketchs ( ce à quoi s’apparente « Bienvenue chez les Ch’tis »), émouvant, qui raconte une histoire d’amour, d’amours même, fait réfléchir, apporte un vrai regard sur la société, sait nous interroger et nous surprendre mais aussi nous faire rêver. La bonne nouvelle c’est tout de même (outre le fait que l’Office de tourisme de Bergues croule sous les demandes !) que les entrées engrangées par le film alimentent ainsi le compte de soutien du CNC et permettent ainsi que d’autres films se fassent… Nous pouvons alors espérer qu’il ne s’agira pas seulement de comédies de 90 (voire 106) minutes.

    Et vous ? Qu’avez-vous pensé de ce film ? Comment expliquez-vous son succès ? Pourquoi êtes-vous allés le voir ? Seriez- vous prêt à y retourner ? J’attends vos commentaires.

    Les films à l’affiche cette semaine

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    « Disco » de Fabien Onteniente, avec Franck Dubosc, Samuel Le Bihan, Gérard Depardieu, Emmanuelle Béart, Isabelle Nanty…-Genre : Comedie - Duree : 1H43 mn

    Pitch: Endetté jusqu’au cou dans une affaire de water bed – des matelas à eau -, Didier Travolta, 40 ans, vit au Havre dans le quartier populaire du Grand Large chez sa maman : Madame Graindorge (Annie Cordy). Il reçoit une lettre de la mère de son fils Brian, 8 ans, qui vit en Angleterre, lui signifiant qu’il ne pourra pas recevoir le petit cette année s’il n’est pas capable de lui payer des vacances, des vraies vacances, c’est-à-dire loin des Docks, des PMU et des grandes surfaces.

    « Doomsday »  de Neil Marshall avec Rhona Mitra, Bob Hoskins, Malcolm Mcdowell, Alexander Siddig, Adrian Lester-Thriller, Action - Duree : 1H45 mn

    Pitch: Un terrible virus annihile 90% des habitants en Ecosse. Pour endiguer l'épidémie, le gouvernement anglais construit un mur infranchissable. L'Ecosse est désormais un no man's land barbare et violent où les survivants sont coupés du monde.

    Lorsque 30 ans après le même virus réapparaît au cœur de Londres, un commando de choc part en mission suicide rechercher un éventuel vaccin au cœur d'une Ecosse contrôlée par des gangs rivaux.

    «  Les 7 Vierges » de Alberto Rodriguez avec Juan José Ballesta, Iride Barroso-Genre : Drame - Duree : 1H26 mn

    Pitch: L’été dans un quartier ouvrier et marginal d’une ville du Sud. Tano, un adolescent qui purge une peine dans un centre de redressement, reçoit un permis spécial de 48 heures pour assister aux noces de son frère Santacana. Pendant la durée de son permis, Tano retrouve son meilleur ami Richi, avec la ferme intention de vivre ces heures en s’amusant et faire tout ce qui lui est interdit dans le centre : il se saoule, se drogue, vole, aime, et surtout il revient à la vie.

    « Winx Club : Le Secret Du Royaume Perdu » de Iginio Straffi -Genre : Animation - Duree : 1H38 mn

    Pitch: Tout le monde croit connaître Bloom, l’adorable fée de la flamme du Dragon, et pourtant, elle s’apprête à révéler un incroyable secret… Avec ses amies Flora, Stella, Layla, Musa et Tecna, Bloom doit à tout prix intervenir pour sauver la Dimension Magique de la mystérieuse force qui la menace.  Qui envoie des sortilèges et des créatures effrayantes à l’assaut du pays des fées ? Quel rapport avec l’identité inconnue des vrais parents de Bloom ? Qui pourra trouver le dernier roi de Domino ?  Bloom et ses amies vont devoir découvrir les réponses à toutes ces questions avant qu’il ne soit trop tard. Le destin de la Dimension Magique est en jeu.  La plus grande aventure des Winx commence…

     « Les Petits Poucets » de Thomas Bardinet, avec Christophe Alévèque et Marie-christine Laurent - Précédé de La Petite Mêlée, un documentaire de Thomas Bardinet. -(France)-Genre : Comedie Dramatique - Duree : 1H45 mn

    Pitch:Une maison de campagne isolée, près d’un bois. Un couple et deux amis (que l’on a judicieusement installés dans la même chambre...) Et quatre enfants. Les adultes s’occupent d’affaires - ou de non affaires - d’adultes. Les enfants veulent être des enfants... et jouer avec les adultes. Jouer à cache-cache notamment : c’est tentant quand il y a un bois...

    « Des Indes à La Planète Mars » de Christian Merlhiot et Matthieu Orléan avec Jacques Bonnaffé, Mireille Perrier, Boris Alestchenkoff, Edith Scob et Jean-christophe Bouvet. -Genre : Documentaire - Duree : 80 mn

    Pitch: Catherine-Élise Müller a trente-deux ans lorsqu'elle rencontre Théodore Flournoy qui, intrigué et curieux, décide d'assister aux séances de spiritisme qu'elle donne à Genève. On est en 1894, la réputation du médium est en plein essor et Flournoy, de son côté, vient d'obtenir la chaire de psychologie à la Faculté des sciences de Genève. Leur rencontre marque un tournant radical dans la carrière du médium qui développe alors, pendant plus de 6 ans, deux fictions romanesques assorties de l'invention de langues imaginaires : l'une d'intonation orientale et l'autre martienne. Il existe une documentation précieuse sur cette histoire : le compte-rendu des séances de spiritisme rédigé par un collaborateur de Flournoy. Ce déroulé retrace avec une précision remarquable l'origine des romans subliminaux et l'apparition des langues. C'est à partir de ces documents qu'est construit le texte lu par les acteurs de ce film.

    «  Deux Soeurs Pour Un Roi » de Justin Chadwick, avec Natalie Portman, Scarlett Johansson et Eric Bana-Genre : Historique, Drame - Duree : 1H55 mn

    Pitch: Quand la rumeur se répand que le roi Henry VIII ne partage plus la couche de la reine Catherine, son épouse incapable de lui donner un héritier mâle, Sir Thomas Boleyn rêve de gagner la faveur royale grâce à sa fille aînée, Anne. L'ambitieux projet de Sir Thomas est cependant quelque peu contrarié quand le roi s’éprend de son autre fille, Mary.

                                                         L’info festival de la semaine : le festival de la création sur internet

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    Le Festival de la création sur internet aura lieu à Romans du 18 au 20 Avril 2008. (Renseignements ici : http://www.festivalderomans.com ) J’en profite pour remercier ici les personnes qui ont voté pour mes 3 blogs ou pour l’un d’entre eux, en espérant que ce concours aura permis à certains de découvrir le blog, même si j’en doute, le concours ayant pour principe d’inciter à la découverte mais n’y laissant pas vraiment place dans son dispositif. Il serait bien par exemple qu’en plus du vote des lecteurs, des professionnels présélectionnent quelques blogs permettant ainsi de réelles découvertes et pas essentiellement des choix liés à l’audience. A bons entendeurs, pour l’édition 2009 du concours.  J’espère en tout cas que des blogs parmi ceux que je lis et apprécie seront sélectionnés comme « Le monde de Bra » (http://monde-bra.over-blog.com/ )  dont je crois qu’il lui manquait peu de voix…

    Et toujours: toute l'actualité du Festival de Cannes sur mon blog consacré au 61ème Festival, avec de nouvelles mises à jour: http://inthemoodforcannes.hautetfort.com

    Sandra.M

  • “There will be blood” de Paul Thomas Anderson : la folie fiévreuse de l’or noir

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     1478123491.jpgL’or noir. L’oxymore qui définit ainsi l’objet de la quête effrénée, insatiable, vorace de  Daniel Plainview est à l’image de ce film. Entre ombre et lumière. Entre les profondeurs abyssales et obscures de la terre et les vastes paysages de l’Ouest américain. Entre les Lumières de la foi et l’obscurantisme de la religion. Entre les deux faces si contrastées d’un même visage.  Ainsi, lorsque le chercheur d’or noir, Daniel Plainview (Daniel Day Lewis) entend parler d’un océan de pétrole sous une petite ville de Californie, il part alors avec son « fils » H.W (en réalité, un enfant dont le père est mort en forant pour Daniel Plainview) à Little Boston, un endroit au milieu de vastes étendues vertigineuses où l’unique point de rendez-vous et distraction est l’église animée par le charismatique jeune prêtre Eli Sunday (Paul Dano). Avec l’aide de l’enfant qui l’accompagne qui lui sert à attendrir ceux à qui il achète des terres, Plainview va peu à peu étendre son empire en s’appropriant les terres tout comme Eli Sunday s’approprie les âmes...

    Evidemment quand il est question de  pétrole et d’ouest américain, on pense immédiatement à « Géant », pourtant si ce ne sont les paysages et la fascination pour l’or noir, rien à voir ici avec le chef d’œuvre de 1956, de George Stevens.

    Dès le premier quart d’heure, muet, nous suivons Daniel Plainview, dans les entrailles de la terre, et dès ce premier quart d’heure,  grâce à la virtuosité de la mise en scène de Paul Thomas Anderson et , par l’ambiguïté intrigante et captivante du personnage de Daniel Plainview magistralement et/ou excessivement interprété par Daniel Day Lewis, nous sommes envoûtés, comme nous le serons pendant les 2H38 de ce voyage terrifiant et fascinant dans les entrailles de la terre, dans les paysages et cœurs arides et surtout, dans les profondeurs d’une âme torturée et tortueuse que nous suivons dans sa descente aux enfers de 1898 à 1927. 

     Intrigués parce que nous nous demandons d’abord s’il est guidé par la seule soif de l’or noir, (S’attache-t-il vraiment à H.W ou n’est-il qu’un outil dans sa quête ?) guettant ses lueurs d’humanité d’abord,  de misanthropie ensuite, de folie bientôt, nous demandant lequel entre l’un et l’autre l’emportera, si son humanité n’est que le masque de son avidité, sa philanthropie le masque de sa misanthropie, hypnotisés par son regard comme le sien l’est par ses derricks enflammés, la désolation majestueuse et apocalyptique de ce spectacle grandiose et diabolique. There will be blood. Le titre résonne alors comme un avertissement. Nous voilà prévenus. Le feu sanguinolent va jaillir des entrailles de la terre. Peut-être pas seulement : le sang va jaillir des entrailles de l’homme.

    En sortant de ce film, il y a une semaine déjà, mes impressions étaient si fortes et contrastées qu’il m’a fallu plusieurs jours pour digérer cette expérience et vous en parler. Expérience, c’est bien le mot. Etrange. Dérangeante. Cruelle. Fascinante. Hypnotique. Vertigineuse. Grotesque et/ou sublime. Sublime le travail sur le son entre une musique (de Johnny Greenwood) intelligemment dissonante et des sons astucieusement discordants, ainsi effrayants, assourdissants, nous conduisant même à éprouver le malaise ressenti par HW devenu sourd suite à l’incendie du derrick, ou l’agitation interne  suscitée par le combat qui semble agiter Daniel Plainview entre ses deux visages, entre sa folie et ses intérêts. Sublime la photographie dichotomique qui reflète le combat interne de Plainview mais aussi celui avec son double : Eli Sunday. Sublime la réalisation inspirée à laquelle Kubrick semble avoir insufflé son énergie créatrice. Sublime le face à face entre le jeune prêtre et Daniel Plainview, apparemment si différents, finalement si semblables : dans leur duplicité, le renoncement à leurs principes par intérêt, leur capacité à hypnotiser, posséder, se mettre en scène, exercer leur emprise et manipuler les âmes, leur folie. Sublime le glissement vers la folie, la solitude, la déshumanisation de Daniel Plainview. C’est d’ailleurs finalement lorsque son visage se montre ouvertement le plus monstrueux (lorsqu’il jette à la figure de H.W le fait qu’il n’est pas son fils) qu’il témoigne, peut-être, enfin, de son humanité :  est-ce pas par jalousie  ou parce qu’il se sent abandonné, est-ce une manière de témoigner une part d’humanité ?  Grotesque à force de vouloir paraître absurde, démonstratrice de sa folie, la scène finale avec  Sunday  (tel le duel final d’un western, l’affrontement où les deux (anti)héros laissent voir leurs vrais visages, leur gémellité, et à la différence d’un western, ni bons, ni méchants, juste deux hommes dévorés par leur soif de pouvoir l’un sur l’autre, sur les terres pour l’un, sur les âmes pour les deux). Artificiel ce saut dans le temps pour renforcer l’impression de contraste entre les vastes étendues que Plainview semblait dominer et cette luxueuse maison vide, glaciale, obscure,  qui semble l’emprisonner.

    Alors, au final ?

    1802965498.jpg Au final, une expérience fascinante, captivante et éprouvante où le sublime (surtout) côtoie le grotesque (finalement si peu, finalement à l’image du personnage principal dont la construction scénaristique et visuelle épouse la folie), une réalisation inventive, une musique intelligemment discordante, une interprétation parfois outrancière (délibérément, probablement, précisons que Daniel Day Lewis a reçu l’Oscar 2008 du meilleur acteur pour ce film) qui nous  fait croire à l’existence de ce Daniel Plainview diabolique, au-delà des frontières du désenchantement et de la folie. « There will be blood » a ainsi été nommé 8 fois aux derniers Oscars, la photographie si expressive de Robert Elswit a également été récompensée. Un film universel, atypique, à voir malgré et pour ses excès, son ostentation, sa démarche ostensible   qui m’empêchent néanmoins de le qualifier de chef d’œuvre mais qui me conduisent plutôt à le définir comme une expérience unique, marquante. Un film singulier, courageusement à contre-courant (quoique, ce face à face de l’homme avec la nature, cette ascension puis cette descente aux enfers nous rappellent plusieurs films sortis récemment, je vous laisse les retrouver),  à voir, à vivre,  à contempler, à éprouver, assurément.

    Sandra.M