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Critique de « Les yeux noirs » de Nikita Mikhalkov (disponible en dvd )

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Avec « Les yeux noirs » Nikita Mikhalkov tournait pour la première fois hors des frontières russes avec cette adaptation d’un auteur, russe néanmoins, puisqu’il s’agissait  de trois nouvelles de Tchekhov (dont toute l’œuvre de Mikhalkov est d’ailleurs imprégnée) : « La Dame au petit chien », « Ma Femme » et « L’Ordre d’Anna ».

Dans la salle de restaurant d’un paquebot de croisière, Pavel, un négociant russe rencontre le mélancolique et fantasque Romano (Marcello Mastroianni) qui lui raconte alors ses souvenirs. En 1903, sept années plus tôt Romano, le jour de l’anniversaire de sa femme, apprend qu’il est ruiné et s’enfuit en cure dans une ville d’eau italienne. Là, il rencontre la timide et naïve Anna (Elena Safonova), une jeune Russe mariée dont il tombe éperdument amoureux.

En sélection officielle du Festival de Cannes 1987, Mikhalkov se vit ravir la palme d’or par Pialat et « Sous le soleil de Satan », un ennemi du cinéaste figurant dans le jury (le réalisateur russe Elem Klimov). Le président du jury Yves Montand était pourtant tombé sous le charme du film de Mikhalkov mais Klimov ayant menacé de démissionner, la raison l’emporta, ce qui n’empêcha pas le film de recevoir les louanges du public et de la critique et Marcello Mastroianni de recevoir un prix d’interprétation et une nomination aux Oscars. Mikhalkov est d’ailleurs un habitué de la Croisette puisqu’il a notamment obtenu le Grand prix du Festival pour « Soleil trompeur » (par ailleurs Oscar du meilleur film étranger) en 1994,  et puisqu’il a présenté « Le Barbier de Sibérie » hors compétition en 1999.

Le film est à l’image, contrastée et progressivement ensorcelante,  de son acteur principal qui le porte sur ses épaules : tendre, touchant, fantasque, léger, mélancolique, agaçant. Il n’est ainsi pas sympathique ou séduisant d’emblée non plus. Il faut s’habituer à son visage usé d’abord puis rajeuni (le film se déroule en flashback). Il faut aussi s’habituer à la lenteur puis à la folie, à sa beauté qui n’est pas forcément évidente et fracassante mais plus insidieuse et finalement touchante et profonde. Comme pour certains êtres, il y a des films qui se méritent, qui méritent qu’on aille à la rencontre de leur univers, pas forcément lisses mais riches au contraire de leurs acuités.

« Les yeux noirs »  s’enrichit ainsi des saisissants contrastes de deux pays : l’Italie et la Russie. Pays de Tchekhov ou de Fellini à qui il emprunte aussi beaucoup. Etrange et envoûtante  (més)alliance qui donne au film cette saveur inimitable, cette couleur joliment contrastée, drôle et cruelle, tendre et amère.

Les yeux noirs est à la fois une histoire d’amour amère, désespérée, cruelle, naïve, inattendue mais aussi une satire judicieuse : des cures grotesques ou de l’absurdité de la bureaucratie que Mikhalkov met en scène avec une folie insolente, réjouissante et absurde en hommage à Fellini et qui contrebalance la structure classique en flashback. Une structure là aussi néanmoins judicieuse pour imprégner le film d’une nostalgie douce et amère. Nostalgie d’un amour et d’un pays perdus. Nostalgie d’une époque puisque Mikhalkov dresse aussi le portrait d’une bourgeoise en déliquescence (sujet phare d’un autre  réalisateur italien).

Et puis il y a Mastroianni, monstre sacré du cinéma ici dans toute sa splendeur et bien qu’incarnant un personnage lâche, faible, naïf, cruel, désinvolte, nostalgique (successivement ou en même temps) reste constamment attachant.

« Les yeux noirs » est un film romanesque qui ressemble à ces rêves doux et tristes, absurdes et mélancoliques dont on émerge avec regret et avec le sentiment d’avoir fait un voyage beau et rare dont la poésie chantante et nostalgique d’un mot (em)porte toute la grâce :  Sabatchka dont je vous laisse découvrir la signification.

Un dvd à vous procurer de toute urgence !

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