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paulo branco

  • « Nuit de chien » de Werner Schroeter : avant-première et rencontre avec l’équipe du film au ciné club de SciencesPo

    nuit de chien.jpg

    En préambule, je remercie le ciné club de SciencesPo pour la publication dans sa gazette de décembre (cliquez ici pour accéder à la Gazette de décembre) de mon article sur la rencontre avec Catherine Deneuve et souhaite la bienvenue à ceux qui découvriraient ce blog à cette occasion. J’en profite également pour rappeler que les événements organisés par le ciné club sont ouverts à tous et gratuits. Dommage que l’avant-première d’hier et la passionnante rencontre qui lui a succédé (avec le producteur du film Paulo Branco, le scénariste Gilles Taurand et la comédienne Amira Casar) n’aient pas attiré plus d’une vingtaine de personnes (même moins pour le débat !), contrairement à la précédente rencontre, avec Louis Garrel et Christophe Honoré, pour laquelle l’amphithéâtre Boutmy n’avait pu accueillir tout le monde.

    Ossorio (Pascal Greggory), un homme d’une quarantaine d’années, descend d’un train au milieu d’une foule de réfugiés et de soldats épuisés et débarque à la gare de Santa Maria, en pleine nuit. C’est dans une ville assiégée que ce héros d’une résistance en débâcle tente de retrouver ses anciens alliés et celle qu’il aime, Clara Baldi. Mais la situation a bien changé, et les amis d’hier n’ont plus le même discours. Tandis qu’une milice déchaînée terrorise la ville, chacun cherche désormais à sauver sa peau.

    « Nuit de chien » est l’adaptation du roman de l’écrivain uruguayen Juan Carlos Onetti « Para esta noche ». L’intrigue se déroule en une nuit, une nuit cauchemardesque et absurde, nous entraînant dans « un voyage au bout de la nuit » dont on ne revient ni indifférent, ni indemne.

    Je l’avoue : je n’avais encore vu aucun film du fantasque et iconoclaste cinéaste allemand Werner Schroeter qui fait en effet partie de ces cinéastes que l’on adore ou déteste, par lequel on est subjugué ou dont le cinéma nous laisse à distance et impassible, ou même suscite le rejet, le mépris (le film a été copieusement hué à la Mostra de Venise 2008 dont il est pourtant reparti primé). Werner Schroeter a par ailleurs reçu l’ours d’or à Berlin en 1980 pour « Palermo » et a récemment fait tourner Isabelle Huppert dans « Malina » (1991), « Poussières d’amour » (1996) et « Deux » (2002).

    En ce qui me concerne, c’est son ensorcelante poésie désenchantée et désespérée qui survit malgré la noirceur kafkaïenne et  la radicalité du propos ( qui, là, ne laisse personne , ou presque, survivre), qui l’a emporté. Le film est en effet d’une noirceur abyssale, il nous dépeint un monde sans espoir, encerclé par la guerre, le fascisme, le chaos, la trahison, la mort. Bien que Santa Maria soit une ville imaginaire au décor crépusculaire ( pour créer cette atmosphère dense, Werner Schroeter dit s’être inspiré de « Touch of Evil » d’Orson Welles et « Kiss me deadly » d’Aldrich), le film a été tourné au Portugal, à Porto, et est adapté d’un roman écrit en 1943,  son propos a un caractère tristement intemporel et universel. Ce roman préfigurait ainsi certains des épisodes les plus tragiques de l’Histoire récente de l’Amérique latine ou d’ailleurs.

     L’Homme doit alors résister à la brutalité, la bestialité même, à cet ennemi peut-être encore plus interne qu’externe. Abandonner, se soumettre ou résister : le dilemme n’a finalement ni époque ni frontières. Cette société sans espoir est à la fois fantasmagorique, imaginaire et terriblement réaliste et actuelle, traversée pourtant de moments de beauté fragile et désespérée, d’innocence en péril.(Trois enfants jalonnent cette nuit : deux d’entre eux semblent être totalement insensibles au malheur et à la douleur).

    Certains seront très certainement décontenancés, heurtés, par la déconstruction du récit, la logique de l’absurde, l’aspect fantasmagorique, l’outrance irrévérencieuse. D’autres, comme moi, se laisseront porter par ces mouvements chorégraphiés aussi repoussants que fascinants, cet opéra flamboyant qui « encense les sens » (pour reprendre les termes d’Amira Casar), ce mélange d’absurde, de baroque, de burlesque, de grotesque, de picturalité éclatante, de théâtralité parfois dérangeante,   et d’humour noir, très noir.

    Werner Schroeter est un grand mélomane, « Nuit de chien » est d’ailleurs très imprégné d’opéra (Amira Casar a d’ailleurs précisé que pendant le tournage Werner Schroeter pouvait aussi bien passer la Traviata qu’un air de Pink Floyd) mais aussi de théâtre et de danse, et se regarde comme un opéra baroque, se vit comme une expérimentation déroutante, une expérience sensuelle et crue(lle) d’une mélancolie féroce. « Nuit de chien » ne flatte pas le spectateur en l’emmenant sur des sentiers battus mais l’enrichit peut-être davantage en l’embarquant dans un véritable univers, sans pareil, sans issue et sans espoir aussi. Pour Werner Schroeter, pourtant, il ne faut pas avoir peur de la mort : ce n’est pas un ennemi à affronter mais une fatalité à apprivoiser.

    Les membres de l’équipe du film présents hier soir l’ont défendu avec une passion communicative. Certains m’ont  récemment demandé pourquoi je n’avais pas rédigé de compte rendu de la rencontre avec Louis Garrel et Christophe Honoré invités lors d’une précédente séance du même ciné club. Je pourrais leur répondre que là où un comédien ne cherchait qu’à se mettre en valeur, à capter voire capturer l’attention (pas toujours avec le meilleur goût) nuisant presque davantage au film que le valorisant, dans sa posture, ses propos, son attitude et même sa tenue vestimentaire, une comédienne, Amira Casar en l’occurrence, au contraire, cherchait avant tout à se mettre en retrait et à partager son enthousiasme pour ce film dont elle est particulièrement fière de faire partie, dans lequel elle est d’ailleurs douloureusement radieuse. Il faudrait d’ailleurs aussi évoquer Pascal Greggory qui promène tout au long du film sa gravité désenchantée,  Samy Frey plus inquiétant que –et comme- jamais mais aussi Bulle Ogier, Bruno Todeschini, Eric Caravaca, Nathalie Delon, Jean-François Stévenin, Elsa Zylberstein qui font également partie de la distribution.

     Gilles Taurand (notamment scénariste pour Téchiné), habitué à un cinéma avec une structure narrative plus conventionnelle, a également évoqué sont travail avec beaucoup de conviction. Pour lui, un scénariste doit, une fois son scénario livré au réalisateur, l’abandonner et regarder ensuite le  film et le redécouvrir comme un simple spectateur. Il a ainsi ajouté le personnage de Clara Baldi qui n’existait pas dans le roman, choisi de centrer le récit sur le point de vue d’Ossorio, et il a précisé, sans le déplorer, bien au contraire, que Werner Schroeter avait ajouté beaucoup d’éléments baroques qui ne figuraient pas dans le scénario (n’en voyant d’ailleurs lui-même pas toujours le sens). Pour lui, savoir ainsi transfigurer un scénario est la marque des grands réalisateurs. Et que l’on apprécie ou non ce réalisateur et ce film en particulier, on ne peut lui nier un véritable regard, une acuité et une sensibilité particulières aussi inclassables et déstabilisants, voire dérangeants soient-ils. Une œuvre, indéniablement.

    « Nuit de chien » a reçu le Lion spécial du jury de la Mostra de Venise 2008 et sortira en salles en France, le 7 janvier 2009.

    Liens :

    Site officiel de Nuit de chien

    Site internet du ciné club de SciencesPo

    Page du ciné club sur Facebook pour être informé des projections

    Gazette de novembre du ciné club de SciencesPo

    Gazette de décembre du ciné club de SciencesPo

     Sandra.M

  • In the mood for news: quelques informations cinématographiques...

    -Comme le film que je viens de voir ne vaut pas la peine d’être évoqué, exceptionnellement aujourd’hui ce sera une note avec quelques informations cinématographiques en vrac.

     

    -D’abord, je voulais vous parler de deux sites internet. Le premier a été créé par un blogueur et est assez impressionnant de par la qualité et la quantité des informations liées au septième art qu’il recèle. Vous y trouverez une gigantesque base de données sur les films et les filmographies, des quiz,  des news,  vous pourrez aussi lire de nombreuses critiques liées à un film en particulier. Le but du site est « de partager le cinéma entre amis ». Ce site est en effet très interactif et vous pourrez y ajouter des informations concernant un film, signifier les films dont vous êtes fans, créer vos propres quiz etc.  Un site ludique et informatif très « in the mood for cinema » sur lequel je vous recommande donc de vous inscrire. Ce site s’intitule « Cinefriends ». (Cliquez sur le nom pour y accéder).

     

    -salon2.JPGEnsuite, le second site que je voulais évoquer est celui du prochain Salon du Cinéma (3ème édition) qui aura lieu du 16 au 18 janvier 2009, à Paris. Le Salon a aussi son blog d’ores et déjà régulièrement mis à jour. Cette année le Salon déménage vers un lieu plus approprié que le parc des expositions qui rendait certaines interventions inaudibles. Ce sera donc la Grand Halle de la Villette. Vous pouvez retrouver mes comptes rendus de l’édition 2007 et de l’édition 2008 du Salon du cinéma sur « In the mood for cinema ».

     

    -En vous rappelant que le Ciné club de SciencesPo, mercredi prochain, organise une avant-première exceptionnelle ouverte à tous, de « Nuit de chien » de Werner Shroeter (Lion Spécial du Jury de la Mostra de Venise 2008), suivie d’un débat avec l’équipe du film (Amphi Boutmy, 27 rue Saint-Guillaume, Paris 75006, à 17H, un conseil : arrivez un peu en avance)  voici un bref compte rendu du débat  organisé lors de la 61ème journée dédicaces de SciencesPo, débat dont le thème était « Le passage à l’écran : l’adaptation tue-t-elle le livre ? ».

     

    dédicaces2.jpg Pour y répondre Paulo Branco (producteur), Josée Dayan (réalisatrice et productrice), Mamadou Mahmoud N’Dongo  (écrivain et scénariste), Laurent Aknin (historien et critique de cinéma) ont répondu présents. Le débat était animé par le journaliste et chroniqueur littéraire Hubert Artus. Dommage que les rangs du grand amphi Boutmy aient été aussi clairsemés, pour ne pas dire quasiment vides, pour un débat qui s’est avéré passionnant en particulier en raison des deux formes de cinéma, relativement différentes, pour ne pas dire opposées (bien que s’accordant sur certains points) que défendaient le producteur indépendant Paulo Branco et la réalisatrice (qui a expliqué qu’elle était aussi productrice) de téléfilms Josée Dayan (qui a également réalisé pour le cinéma et notamment « Cet amour-là » , d’ailleurs une adaptation du roman de Yann Andrea sur la relation de ce dernier avec Marguerite Duras).

     

     Josée Dayan avec la gouaille et le franc-parler qui la caractérise a tout d’abord évoqué son profond respect pour l’écriture, en admettant qu’elle ne savait pas écrire un scénario, ajoutant que très peu de metteurs en scène le savent et que les scénarii, lorsqu’ils sont écrits par les réalisateurs, en souffrent bien souvent. Selon cette dernière « on ne peut pas décider du jour au lendemain qu’on est scénariste ou dialoguiste ». Ce qu’elle préfère, c’est « le rapport aux acteurs. » Elle a ainsi annoncé qu’elle allait adapter « Baisers de cinéma » d’Eric Fottorino pour le cinéma, notamment parce qu’à la télévision, la dispersion de l’attention du téléspectateur nécessite des récits plus construits, plus droits, plus linéaires qu’au cinéma.

     

    Pour Laurent Aknin, la principale différence entre cinéma et télévision provient du fait « qu’un livre est une langue, que le cinéma est un langage. » Pour lui, il ne peut pas y avoir de trahison car ce sont deux modes d’expression totalement différents. Rares sont donc les romans inadaptables…à l’exception peut-être de « La disparition » de Georges Perec (qui ne contient pas une seule fois la lettre e). Pour lui il n’est pas dommageable de supprimer des personnages mais en revanche il ne faut pas manquer des passages ou des personnages que le lecteur-spectateur serait fâché de ne pas retrouver.

     

    2008_1206boutique0017bis.jpg Paulo Branco, à l’inverse de Josée Dayan, a déploré la « dictature du scénario ». Pour cette dernière, un grand nombre de films passant en salles sont complètement ratés en raison de leurs « scénarii ineptes ». Elle a ajouté qu’elle aimait être « emportée » par un film , oublier qu’elle est elle-même réalisatrice, ce qui lui arrive très rarement aujourd’hui, ajoutant s’être « emmerdée » pendant toute la première heure de « La graine et la mulet » d’Abdellatif Kechiche (cliquez ici pour accéder à ma critique de « La Graine et le mulet »), au contraire de Paulo Branco qui estime que ce rythme particulier est justement une des richesses du film, que ce rythme a délibérément été choisi par le réalisateur, ce à quoi Josée Dayan a répliqué que « l’ennui peut devenir une fascination ».

     

    Pour Laurent Aknin, le cinéma est le reflet souvent en avance de quelque chose.

     

     Pour Mamadou Mahmoud N’Dongo, les téléfilms américains ont ainsi préparé l’élection d’Obama. Pour lui le cinéma est « une écriture visuelle ». Il a aussi évoqué l’influence du cinéma dans son écriture littéraire.

     

    Josée Dayan a précisé que ce n’était pas pour autant qu’elle n’aimait pas la Nouvelle Vague citant pour exemple « les films avec Jeanne Moreau », « Les Amants » de Louis Malle (celui-ci faisant pour elle partie de la Nouvelle Vague), les films de Jacques Demy, « Le Mépris » ou « Pierrot le fou » de Jean-Luc Godard, « Hiroshima mon amour » d’Alain Resnais. Pour elle, les réalisateurs actuels sont les héritiers de la Nouvelle Vague sans avoir la même aptitude. Josée Dayan a terminé en disant que « si le cinéma français va si mal (il me semblait pourtant qu’il ne s’en tirait pas trop mal, voir mon bilan de l’année cinéma 2008) c’est parce que le cinéma français est mal écrit. » Elle a ajouté que malheureusement les producteurs sont désormais  à la solde des chaînes (en ce qui concerne l’influence, souvent déplorable, des chaines, je ne peux qu’acquiescer) et donc qu’il ne peut plus rien y avoir de personnel…prenant bien soin de souligner que Paulo Branco était l’exception qui confirmait la règle…

     

    -largo2.jpgPuisque d’adaptation il est question, une dernière information pour aujourd’hui : « Largo Winch » aura bien une suite (sortie en salles le 17 décembre, cliquez ici pour lire ma critique de « Largo Winch » de Jérôme Salle). Ce scénario sera de nouveau réalisé par Jérôme Salle. Il sera adapté du septième tome de la bande dessinée de Jean Van Hamme et Philippe Francq « La Forteresse de Makiling ». Cette fois-ci l’histoire se déroulera en Birmanie, toujours avec Tomer Sisley dans le rôle principal, il aura cette fois pour charge de libérer son ami Simon (absent du premier épisode filmique) d’une des prisons les plus dangereuses du pays.

     

    To be continued…

     

    Sandra.M