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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE(2004 à 2007) - Page 6

  • "Paris, je t'aime", le film de la semaine recommandé par "Mon festival du cinéma".

    medium_paris_je_t_aime_1_bis.jpgParis, je t'aime, film collectif qui sort en salles demain, a été présenté en ouverture d'Un Certain Regard au dernier festival de Cannes. Pour lire mon article, voir  lien ici.

    Et vous, quel court métrage avez-vous préfèré?

    Sandra.M

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  • "Quatre étoiles": la comédie grisante de Christian Vincent

    Un des principes de ce blog est l’éclectisme et à une semaine du festival de Cannes, mes goûts et mes aspirations, éclectiques donc, penchent plutôt vers la légèreté. Cela tombe bien. Figure actuellement à l’affiche une comédie parfaite en prélude cannois puisqu’elle a la Croisette et son mythique Carlton pour cadre, ce « 4 étoiles » auquel le titre fait référence.

    C’est en effet là que Franssou, (Isabelle Carré) jeune assistante d’anglais, qui vient d’hériter de 50000 euros décide de faire la cigale en les dépensant tout l’été plutôt que de faire la fourmi en les mettant sur un compte épargne. Evidemment dans le second cas, l’intrigue aurait tourné cours, ce qui aurait été bien dommage, et puis le compte épargne est plus utile que glamour. Franssou n’aurait alors pas non plus rencontré Stéphane (José Garcia), escroc baratineur qui vit au Carlton sans en avoir les moyens, juste le bagout de faire croire qu’il les a. On se fie aux apparences et il y interpelle, tutoie, apostrophe, comme s’il était chez lui jusqu’au jour où il entre dans la chambre de Franssou, par la même occasion il entre dans sa vie et n’en sortira pas de sitôt. Apparition fracassante et tonitruante de José Garcia qu’elle ne quittera guère plus que quelques secondes ensuite. Cet "escroc mais pas trop" comme dirait Woody a lui aussi bien tort de se fier aux apparences. L’arroseur va être arrosé, l’escroc escroqué… et ces deux-là vont bientôt s’entendre pour arnaquer un troisième, un coureur automobile qui cherche à acheter une maison en fonction du garage. La proie idéale.

    Ce duo fonctionne comme ceux des meilleures comédies hollywoodiennes des années 40 et 50 auxquelles Christian Vincent rend hommage, également à Lubitsch avec Haute Pègre comme référence avouée. Hommage (furtif) également à Renoir et sa Règle du jeu avec l’évocation d’un certain La Chesnaye.

     Le décor scintillant est ici aussi un personnage à part entière et contribue à cette délicieuse évasion. Le début laisse présager un humour délicieusement noir pour finalement nous entraîner dans une cavalcade effrénée et joyeusement amorale. Cette comédie est tellement pétillante, autant que les bulles de champagne que les héros passent leur temps à siroter, que son rythme nous fait oublier les lacunes scénaristiques (pourtant certaines). Le dénouement est certes prévisible mais l’important dans ce genre de comédie n’est pas vraiment ce qui arrive mais comment cela arrive. Ce film plein d’énergie la transmet au spectateur. Les acteurs prennent plaisir à jouer ou nous le font croire, ce qui est encore plus louable : Isabelle Carré si sombre dans la plupart de ses rôles, si lumineuse ici, fait penser à Julia Roberts dans Pretty Woman ou à Audrey Hepburn, et prouve une nouvelle fois l’étendue de sa palette qu’elle n’a certainement pas fini de nous montrer, tout comme José Garcia, hâbleur à souhait, ou encore François Cluzet, irrésistible de naïveté.

    On murmure qu’une suite serait en préparation. Ne l’attendez pas pour arpenter avec délice les couloirs de ce Quatre étoiles. 8 euros et quelques centimes, ce n’est pas cher payé pour cette coupe de champagne euphorisante. La griserie est certes éphémère mais elle a le mérite de ne pas provoquer d’effets secondaires si ce n’est une soudaine bonne humeur. A regarder sans modération.

     Sandra.M

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  • Les comédies de la semaine: tout est grave, rien n'est sérieux...

    Evidemment je pourrais vous parler des nombreuses comédies françaises à l’affiche actuellement. Je pourrais vous dire que vous avez l’embarras du choix entre Francis Veber avec La Doublure qui signe là le retour du naïf au grand coeur François Pignon, cette fois incarné par Gad Elmaleh, Albert Dupontel et sa "comédie sociale" Enfermés dehors qui nous narre les tribulations burlesques d’un SDF ayant trouvé un costume de policier et l’utilisant pour imposer sa propre loi déjantée, et Laurent Tuel  avec Jean-Philippe qui nous entraîne dans une autre dimension où Johnny Hallyday serait resté Jean-Philippe Smet, sans compter Cabaret Paradis de Corinne et Gilles Benizio et OSS117,Le Caire nid d'espions de Michel Hazanavicius (je n’ai pas vu les deux derniers films cités).

    Je pourrais encore vous dire que Francis Veber a toujours le don des dialogues incisifs et des bons mots percutants, du rythme haletant même s’il s’essouffle dans la deuxième partie, sa doublure se hasardant sur le terrain glissant de la comédie romantique dans lequel il est moins à l’aise que dans la comédie pure.

     Je pourrais vous dire que si vous aimez Tex Avery, vous serez certainement ravis d’être « enfermés dehors » avec Albert Dupontel dans son univers coloré même s’il imite, emprunte à Jean-Pierre Jeunet un peu, beaucoup, trop,... sans jamais l’égaler dans un film certes fantaisiste dans la forme comme dans le fond dont le rythme déchaîné, voire harassant, en emportera néanmoins certains, en agacera d’autres, tout comme la référence affirmée par son auteur à Chaplin et Keaton, référence pour le moins exagérée. Il ne suffit pas de s’auto-proclamer poétique pour le devenir. Je l’avoue : j’ai ri néanmoins, du moins plus qu’à la projection des  Bronzés, amis pour la vie, ce qui n’est pas un défi insurmontable, je vous l’accorde.

    Alors je pourrais surtout vous dire que malgré la bande annonce maintes fois diffusée, l’idée donc dévoilée, de Jean-Philippe, la nouvelle production de Fidélité n’en demeure pas moins très originale, d’après un scénario écrit par Christophe Turpin, nous offrant un face à face exceptionnel entre un Luchini dont le talent n’est certes plus à prouver mais dont le don pour la comédie est ici éclatant face à un Johnny Hallyday tout en retenue comme dans L’Homme du train, ici il fait de surcroît preuve d’une auto-dérision désarmante . Je pourrais en effet vous dire tout ça et encore que je vous recommanderais sûrement le dernier. Parce qu’il n’imite personne même s’il a un petit air de Being John Malkovich (au risque d'en agacer certains avec cette intouchable réfèrence) davantage que de Podium, même production et malgré un clin d’œil désopilant au film en question. Parce que, aussi, il nous parle des rendez-vous manqués ou décisifs, du destin, parce que le sujet est moins léger qu’il n’en a l’air, en tout cas universel. Je pourrais encore, justement, vous parler des rendez-vous manqués, esquivés ou essentiels.

     

    Oui, je pourrais toujours vous dire tout ça mais, j’ai eu le malheur ( le bonheur plutôt) de revoir César et Rosalie de Claude Sautet et justement je me suis demandée ce qu’aurait été ma vie si je n’avais pas rencontré les films de Claude Sautet, car certains films, certains cinéastes sont comme des rencontres, qui vous portent, vous enrichissent, vous influencent ou vous transforment même parfois. Et là, je n’ai plus eu envie que de vous parler de ce film-là que je revoyais peut-être pour la dixième fois. Peut-être pas celui que je préfère du cinéaste, Un cœur en hiver ayant à jamais décroché ma palme d’or, mais un film qui n’a néanmoins pas pris une ride, et arrive toujours à me dérider justement. Claude Beylie parlait de « drame gai » à propos de César et Rosalie, terme en général adopté pour la Règle du jeu de Renoir, qui lui sied également parfaitement. Derrière l’exubérance et la truculence de César, on ressent en effet la mélancolie sous-jacente. César donc c’est Yves Montand, un ferrailleur qui a réussi, mariée à Rosalie (Romy Schneider) divorcée d’Antoine (Umberto Orsini), et qui aime toujours David (Sami Frey), un dessinateur de bandes dessinées, sans cesser d’aimer César. Ce dernier se fâche puis réfléchit et abandonne Rosalie à David. Des liens de complicité et même d’amitié se tissent entre les deux hommes si bien que Rosalie, qui veut être aimée séparément par l’un et par l’autre, va tenter de s’interposer entre eux, puis va partir... Dans ce film de 1972, qui fut souvent comparé à Jules et Jim de Truffaut, on retrouve ce qui caractérise les films de Claude Sautet : les scènes de café, de groupe et la solitude dans le groupe, la fugacité du bonheur immortalisée, l’implicite dans ce qui n’est pas- les ellipses- comme dans ce qui est-les regards- (Ah, ces derniers regards entre les trois personnages principaux! Ah, le regard de David lorsque l’enfant passe des bras de Rosalie à ceux de César, scène triangulaire parfaitement construite!).

     « Les films de Claude Sautet touchent tous ceux qui privilégient les personnages par rapport aux situations, tous ceux qui pensent que les hommes sont plus importants que ce qu’ils font (..). Claude Sautet c’est la vitalité. », disait Truffaut. Ainsi, personne mieux que Claude Sautet ne savait  et n’a su dépeindre des personnages attachants, fragiles mais si vivants (à l’exception de Stephan interprété par Daniel Auteuil dans Un cœur en hiver, personnage aux émotions anesthésiées quoique..., critique ici prochainement). Ici au contraire ce n’est pas un cœur en hiver, mais un cœur qui bat la chamade et qui hésite, celui de Rosalie, qui virevolte avec sincérité, et qui emporte le spectateur dans ses battements effrénés. Et effectivement on retrouve cette vitalité, celle de la mise en scène qui épouse le rythme trépidant de César face au taciturne David. César qui pourrait agacer, flambeur, gouailleur, lâche parfois face à la fragilité et la discrétion de l’artiste David. Deux hommes si différents, voire opposés, dans leur caractérisation comme dans leur relation à Rosalie que Sautet dépeint avec tendresse, parfois plutôt une tendre cruauté concernant César. Là se trouve la fantaisie, dans ce personnage interprété magistralement par Yves Montand, ou dans la relation singulière des trois personnages, si moderne. Un film qui n’est pas conventionnel jusque dans sa magnifique fin, ambiguë à souhait. Sans effets spéciaux à la Tex Avery. Simplement par la caractérisation ciselée de personnages avec leurs fêlures et leur déraison si humaines.

    Un film à l’image de son personnage principal qui insuffle ce rythme précis et exalté : truculent et émouvant, mélancolique et joyeux, exubérant et secret. Un film intemporel et libre, qui oscille entre le rire et les larmes, dans lequel tout est grave et rien n’est sérieux (devise crétoise, un peu la mienne aussi). Un film délicieusement amoral que vous devez absolument voir ou revoir…

     

    Sandra.M

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  • « Frankie » de Fabienne Berthaud : le miroir à deux faces

    Frankie a 26 ans. Frankie est mannequin. Son travail exige d’elle qu’elle renvoie une image lisse et parfaite, qu’elle ne laisse entrevoir ni la fragilité ni les fêlures qu’elle dissimule. Oui, Frankie est mannequin, pas un top model qui parcourt le monde mais un mannequin en fin de carrière comme il y en a des milliers d’autres, qui erre d’hôtels médiocres en studios, en bars moroses où, esseulée, elle laisse tomber le masque, et n’en a plus que faire. L’image elle aussi s’est fissurée : plus vraiment belle, plus vraiment jeune selon des critères plus cruels dans son métier qu’ailleurs, où les stigmates du temps, si imperceptibles pourtant, ennemi impitoyable et invincible, sont inexcusables. Seule, surtout. Quand l’image se craquelle, il faut sourire avec plus d’entrain encore, dire bonjour avec plus d’enthousiasme, feindre avec un talent démultiplié. Seulement Frankie n’a plus envie. Elle a perdu l’envie d’avoir envie. L’envie de cacher l’être blessé par un paraître irréprochable. N’être qu’un corps qu’on voit sans le regarder devient insupportable. Frankie (Diane Krüger d’une touchante fragilité) est à fleur de peau, dans cet état où un seul mot prononcé ou oublié, un seul geste déplacé peuvent faire basculer et dériver. Au départ le film est un peu comme cet univers dans lequel elle se perd, celui de faux semblant : superficiel, détaché de nous, lointain comme une image de papier glacé ( l’image du film, très réaliste, est d'ailleurs délibérément ici très éloignée d’une image de papier glacé) puis peu à peu sa solitude, son mal être s’emparent subrepticement de nous grâce à un montage savamment déstructuré et chaotique à l’image de celle dont il reflète l’égarement. Les images de sa décadence se mêlent à celles de son séjour en hôpital psychiatrique. La poésie ne vient pas suffisamment de là où on l’attend. La poésie du désenchantement. Une jolie forme de politesse. Celle d’un ange aux ailes brisées. Elle s’égare, elle vacille comme la caméra de Fabienne Berthaud dont c’est ici le premier long métrage, aux allures de faux documentaire. C’est un film imparfait, mais c’est justement cette imperfection qui le distingue et l’enrichit. Il laisse entrevoir ses fêlures, il se met à nu comme celle qu’il immortalise. Comme si Dorian Gray et son portrait se côtoyaient. Sauf qu’ici ce que dissimule le masque est peut-être finalement plus beau que le masque lui-même ; surtout si un regard bienveillant se pose dessus, comme celui de Tom que je vous laisse découvrir… Finalement dériver permet peut-être de mieux retrouver son chemin ? Il faut parfois avoir le courage de sombrer, de se montrer chancelant pour mieux refaire surface, revenir sans un masque en trompe l’œil, pour que les autres regards n’effleurent pas seulement mais voient réellement. Et savoir ainsi à nouveau admirer le bleu du ciel ou retrouver les ailes d’un ange. Un film cruel et poétique. Mélancolique et drôle. Comme les deux faces d'un même visage. Une fin qui justifie les moyens et qui mérite d’être attentif jusqu’au bout, de ne pas nous aussi céder à la tyrannie du temps, de ne pas nous aussi zapper ce qui n’est pas lisse, immédiat, formaté comme nous y sommes trop souvent habitués et encouragés. La fissure en dit peut-être plus que le masque. Oui, Frankie est mannequin mais elle porte le masque et dissimule les blessures de chacun de nous…

     Sandra.M

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  • "Fauteuils d'orchestre" de Danièle Thompson

    Avec La Bûche, Danièle Thompson et Christopher Thompson , son co-scénariste (également pour Décalage horaire et pour Fauteuils d’orchestre) avaient, selon moi, réussi le film choral parfait dans lequel chaque personnage a un rôle d’égale importance, dans lequel chaque personnage constitue un rouage indispensable de l’intrigue ou plutôt des intrigues, dans lequel chaque personnage et chaque intrigue se suivent avec un intérêt égal, avec un dénouement reliant les fils de ces destins blessés, un brillant divertissement au sens noble du terme. Je m’attendais donc à une impression similaire avec Fauteuils d’orchestre, précédé d’un bouche à oreille favorable.

    Dans ce film, choral également donc, une naïve jeune fille de province, Jessica (Cécile de France) monte à Paris pour travailler au café des Théâtres, situé avenue Montaigne, au carrefour des grands hôtels, du théâtre des Champs-Elysées et d’une vente aux enchères d'oeuvres d'art à l'hôtel des ventes Drouot où se côtoient et se croisent plusieurs destins ayant tous en commun de passer par ce café. Jessica, comme sa grand-mère, son modèle qui travaillait au Ritz, (Suzanne Flon dans son ultime rôle) décide de travailler dans le luxe à défaut de pouvoir y vivre. Parmi ces personnages qu’elle croise : un pianiste reconnu qui ne rêve que d’une vie simple, une concierge de théâtre (Dani) confidente des artistes qui a pour habitude de déambuler en chantant dans les couloirs du théâtre, une actrice populaire (interprétée par Valérie Lemercier) qui rêve de tourner avec un grand réalisateur (joué par Sydney Pollack) qui prépare un film sur Simone de Beauvoir, un collectionneur d’art qui décide de tout vendre, le fils de ce collectionneur… Pris individuellement chacun de ces personnages est intéressant mais ce qui les relie est parfois un peu trop artificiel pour que nous y adhérions réellement. Chaque destin esquisse une histoire, aurait pu constituer un film à lui seul mais à vouloir en faire trop, Danièle Thompson n’en raconte finalement aucune entièrement.

     Restent des portraits attachants, au premier rang desquels celui du personnage interprété Claude Brasseur dont la ressemblance vocale avec Pierre Brasseur est de plus en plus frappante. Malgré ses imperfections et ses invraisemblances (si quelqu’un a une explication au mal de dos de Christopher Thompson, qu’il me fasse signe ?) certaines scènes, d’une émouvante drôlerie parviennent à nous les faire oublier. Fauteuils d’orchestre se regarde comme une suite de saynètes et il faut avouer que celle du pianiste qui déshabille son âme devant son public et pas seulement, de l’actrice prête à tout, surtout au ridicule, pour interpréter Simone de Beauvoir, sont assez jubilatoires.

    Une bonne comédie à la française avec des dialogues bien écrits qui, de notre fauteuil d’orchestre ou de notre poulailler, nous fait oublier le temps qui passe. La peinture d’un microcosme aux résonances plus larges que celles des pas de ses riches autochtones sur l’avenue Montaigne, une comédie dans laquelle affleure une douce mélancolie, juste esquissée malgré les tourments de l’âme (du pianiste) ou du corps (la maladie du personnage interprétés par Claude Brasseur) eux aussi juste esquissés, la réussite de la diffusion en prime time est en tout cas assurée.

    Cécile de France excelle dans ce rôle d’une jolie candeur, au centre de ce spectacle de la vie parisienne et de cette rue qui la symbolise, qu’elle regarde avec fascination et empathie. Dommage que son rôle se limite à celui de spectatrice insouciante, si bien que même ses scénaristes ne semblent pas savoir qui elle est réellement, nous laissant un peu sur notre faim, ceux-ci préférant terminer par une ellipse l’histoire, peu crédible, entre celle-ci et le professeur (atteint de l’énigmatique mal de dos, interprété par Christopher Thompson), se terminant par des dialogues inaudibles qu’il nous revient de deviner, dont nous avons la charge de combler l’absence, pirouette un peu facile et conclusion un peu décevante d’un film rythmé que l’on aurait aimé voir se terminer par une note plus frappante. Dommage qu’ ici l’ellipse appauvrisse alors que dans un film comme dans le sublime Lost in translation  de Sofia Coppola, par exemple, elle enrichissait et sublimait l’histoire. Et la rendait inoubliable…

    Sandra.M

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  • "L'ivresse du pouvoir" de Claude Chabrol: une griserie bien éphémère

    Est-ce la conséquence du financement indispensable des chaînes de télévision, du rôle hégémonique et donc de la sacralisation intéressée de la parole de la télévision dans la production cinématographique française ? Toujours est-il que le cinéma français devient de plus en plus frileux, académique, convenu, uniformisé. Quand on sait que des cinéastes aussi talentueux que Téchiné peinent aujourd’hui à être produits, il y a de quoi être désabusée et/ou révoltée. Que les fictions de TF1 soient toutes construites sur le même modèle pour un public lui aussi être censé toujours construit sur le même modèle et selon les même goûts peut être compréhensible, pas forcément cautionné mais compréhensible, en revanche quand la frilosité se remarque aussi chez des cinéastes auparavant connus pour leur inventivité, leur anticonformisme, leur salutaire ironie, je ne peux m’empêcher d’être déçue. Tel était le cas de Claude Chabrol, cinéaste pourtant parmi les premiers de mon panthéon cinématographique, dont l’air débonnaire avait pour habitude de masquer des films noirs, cyniques, miroirs impitoyables d’une bourgeoisie auscultée avec une froide ironie et une jubilatoire impertinence.

     Avec un thème tel celui choisi dans l’Ivresse du pouvoir, avec pour personnage central Jeanne Charmant Killman (Isabelle Huppert), juge d’instruction chargée de l’affaire de corruption et de détournement de fonds mettant en cause le président d’une grand groupe industriel (François Berléand), je m’attendais donc à une satire sociale et politique jubilatoire, une radiographie ni manichéenne ni poujadiste mais sans concessions du monde politique, de ses malversations, et de ses accointances avec l’univers industriel. Or, si le personnage central est ce juge d’instruction, une femme comme souvent chez Chabrol, interprétée par Isabelle Huppert, également comme souvent chez Chabrol, si cette femme, soudainement devenue « la plus puissante de France » se laisse griser par l’ivresse de son pouvoir, Chabrol, lui en revanche, reste parfaitement maître de son sujet, de ses éventuelles conséquences. Par peur peut-être de quelconques problèmes juridiques ou remontrances, il évoque donc cette affaire en filigrane, à tel point qu’elle en devient totalement incompréhensible et inexistante créant ainsi une distanciation par rapport à son sujet. L’intérêt n’est certes pas là mais comment peut-on suivre ces personnages si leurs motivations, ( certes le pouvoir mais encore faut-il savoir de quel pouvoir exactement il s’agit) n’est pas clairement identifiable par le spectateur. Des personnages apparaissent ainsi puis disparaissent sans crier gare. Berléand (remarquable) en lequel il n’est pas très difficile de reconnaître Loïc Lefloch Prigent disparaît pendant une bonne partie du film pour finalement réapparaître dépressif pour croiser, par un merveilleux hasard, la juge qui l’a fait tomber, elle aussi tombée de son piédestal, dans un couloir d’hôpital.

     Le point de vue est donc celui de la juge alors pourquoi ne pas avoir fait preuve du même courage qu’elle ? Comment croire à ce personnage si son démiurge de réalisateur la dépeint avec frilosité ? A trop vouloir brouiller les pistes le spectateur ne retrouve plus son chemin. Les clins d’œil censés être ironiques deviennent tellement appuyés qu’ils frisent le ridicule : comme cet homme politique avec ce fort accent méditerranéen, aux plaisanteries douteuses engagé dans des affaires tout aussi douteuses avec l’Afrique en lequel on reconnaît aisément un ancien ministre de l’Intérieur, ou bien cet homme politique accompagné de sa maîtresse en lequel on reconnaît un ancien fidèle de François Mitterrand homonyme d’un célèbre écrivain.

    J’ai eu l’impression derrière chaque réplique, chaque personnage caricaturé, de voir l’œil rieur, narquois et satisfait de Chabrol, heureux de sa plaisanterie, comme cette redondance agaçante de sous-entendus et de jeux de mots liés aux prénoms des personnages de Lebeau, à l’avocat Parlebas, à Delombre dont on nous répète plusieurs fois qu’il est « parti au soleil », « à l’ombre »  au cas où nous n’aurions pas saisi la plaisanterie jusqu’au nom de la protagoniste Jeanne Charmant Killman (charmante « tueuse d’hommes » en anglais).

    Reste le personnage de femme plus nuancé interprété par Isabelle Huppert, comme toujours magistralement, qui théâtralise, met en scène (gants rouges etc) son propre rôle de juge dont l’ivresse que ce pouvoir engendre lui fait oublier la réalité jusqu’à ce qu’elle-même retourne dans l’ombre (au propre comme au figuré dans le dernier plan du film, on ne peut nier à Chabrol le don de la métaphore et de la virtuosité stylistique, remarquables) avant que l’ivresse aboutisse à l’accident inéluctable, avant que l’ ivresse suscitée par son pouvoir se confronte à un autre pouvoir, plus puissant encore. Tout pouvoir est relatif et éphémère. Elle se croit invincible, son pouvoir la fragilise.

    Les autres personnages n’existent pas, ils paraissent seulement, paradent même, comme si Chabrol s’était cantonné à l’image formatée et caricaturale que nous donne la télévision, sans jamais aller au-delà. De lui nous attendions davantage que des réunions d’hommes politiques mafieux et satisfaits, échangeant des plaisanteries douteuses en fumant le cigare, accréditant la thèse du « tous pourris » dangereuse et simpliste de la part d’un tel maître du cinéma. De lui nous attendions qu’il décrypte, qu’il aille au-delà du miroir et non qu’il en imite simplement le reflet. Ainsi, Bruel qui a pourtant prouvé ailleurs son talent d’acteur (notamment dans le film de Dominique Cabrera Le lait de la tendresse humaine dans lequel il jouait d’ailleurs déjà avec Maryline Canto qui interprète ici un juge d’instruction), qui interprète un patron jouant un double jeu, surjoue tellement que son personnage perd toute crédibilité, en devient même risible.

    Jusqu’à la fin, j’ai attendu ce fameux rebondissement chabrolien qui nous fait habituellement subitement et judicieusement basculer dans un délicieux Enfer, mais j’ai finalement succombé à un morne et sobre ennui renforcé par une quantité impressionnante d’ellipses non signifiantes. Dommage… Reste le portrait, esquissé mais intéressant de cette femme ivre de pouvoir puis dégrisée. Un peu trop rapidement. Comme le spectateur…

    Sandra.M

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  • "Toute la beauté du monde " de Marc Esposito : la promesse du bonheur

    Toute la beauté du monde nous promet Marc Esposito, en nous précisant dès la bande annonce qu’il s’agit d’une « histoire d’amour » qu’il a écrite et réalisée. Ambitieux programme, mais de la part du réalisateur qui avait si bien su sonder le "cœur des hommes" dans le film homonyme, je m’autorise à penser qu’il n’est pas si présomptueux et pas totalement irréaliste. Un film qui ose se revendiquer romantique et refléter toute la beauté du monde est paradoxalement audacieusement à contre courant et attise déjà ma curiosité d’esthète et d’utopiste invétérées. La beauté, « la promesse du bonheur » pour Stendhal. C’est donc le cœur battant que je pars à la découverte de toute la promesse du bonheur du monde, un peu comme je partirais Sur la route de Madison, perfection du genre.

    Le film débute sur un ciel azuré, sans nuages, qui ne vont néanmoins pas tarder à apparaître et à l’obscurcir temporairement… En effet, les protagonistes de l’histoire ne sont pas ici quatre hommes liés par une indéfectible et réconfortante amitié comme dans Le Cœur des hommes, mais une femme (Tina interprétée par Zoé Félix qui jouait déjà dans Le Cœur des hommes de même que Marc Lavoine qui y interprétait par ailleurs un personnage aux antipodes de celui qu’il interprète ici) dont le mari vient de mourir dans un accident de voiture, et un homme Franck (Marc Lavoine) qui va s’évertuer à lui redonner le goût de la vie, et de l’amour. Franck est un ami de son frère qui avant même de la connaître va lui conseiller de partir à Bali, troisième protagoniste de l’histoire, symbole de toute cette beauté du monde en laquelle elle ne croit plus. Franck qui a eu un véritable coup de foudre pour Tina, va donc la retrouver là-bas d’abord pour la guider à travers cette île à la beauté incandescente, tout en mettant de côté ses sentiments qu’elle se refuse à partager, persuadée que son mari restera l’unique amour de sa vie.

    Marc Esposito semble tellement subjugué par Bali que cet amour-là étouffe celui qu’il veut nous raconter, et toute cette beauté du monde au lieu de faire émerger ou de cristalliser les sentiments les submerge plutôt. Son film qui a le louable objectif d’être une comédie romantique (louable car finalement plutôt politiquement incorrect) se rapproche alors malheureusement davantage du roman photo que du film romantique avec une redondance de plans de lunes, de ciels, d’étoiles, qui frôlent le ridicule car au lieu de sublimer et reflèter la relation  et l'intériorité tourmentée de Franck et Tina comme ils auraient pu le faire, ils créent une distanciation et une rupture. Redondance de plans tout court d’ailleurs, Marc Esposito n’étant apparemment pas parvenu à choisir entre tous les plans d’ensemble de l’île qu’il vénère, et tous les plans des pérégrinations à moto de ses personnages à travers les rizières, si bien que cela disperse l’attention, et empêche l’émotion de s’installer, et le spectateur d’être en empathie pour ces personnages à fleur de peau auquel nous aurions tellement aimé nous attacher tant ils savent être touchants quand la caméra se pose sur eux et oublie son aveuglement admiratif pour Bali. D’ailleurs la dernière partie du film qui se déroule en Provence est plus intéressante car vraiment recentrée sur les deux personnages et le dilemme de Tina. Redondance enfin de la musique qui masque au lieu de révéler.

    Si le film frôle seulement le ridicule sans jamais l’atteindre c’est parce que en émane une telle sincérité, malgré la justesse parfois aléatoire du jeu de Zoé Félix, que, malgré tous ses défauts, je ne parviens pas à ne pas l’aimer. (A propos notez que Jean-Pierre Darroussin est encore une fois d’une justesse remarquable et ses répliques d’une saveur jubilatoire.) Défauts d’une touchante maladresse donc. Touchante maladresse comme celle de ce personnage si attachant interprété par Marc Lavoine, sorte de bon samaritain, d’une douceur, d’une patience, d’un altruisme et d’un amour désintéressés qui forcent l’admiration, l’incrédulité diront certains. Les dialogues eux aussi sont parfois d’une maladroite simplicité, à l’image du personnage principal étouffé par cet amour qui s'impose à lui comme une évidence, et à cause duquel il paraît avoir soudain "huit mots de vocabulaire et deux de QI". Après tout peut-être n'existe-t-il tout simplement pas de mots pour "dire" la beauté, la beauté de ces paysages idylliques ou de ces sentiments suffocants, ineffables émotions? La beauté se ressent. Un sourire impromptu. Un paysage sublime. Un moment d’abandon. Une main se laissant frôler et prendre. L’aveu impossible de l’évidence alors. Cela peut paraître mièvre ou naïf. Peut-être…Marc Esposito aura au moins eu le courage de sa naïveté, le courage d’aller à contre-courant du cynisme ambiant et finalement plus facile. Tout simplement probablement a-t-il été submergé par cette intransmissible beauté qu’il voulait tout à la fois suggérer, montrer, sublimer, sans avoir malheureusement su choisir. Submergé aussi probablement par la magnifique expérience que fut ce tournage (à tel point qu'il a tenu à le souligner dans le générique) et qu'il a peut-être inconsciemment davantage réussi à nous faire partager que le cheminement de ses personnages. Réaliser c'est malheureusement aussi et surtout choisir, choix certes cornélien.

    Alors aura-t-il été à la hauteur de son utopique promesse ? Peut-être pas. Il aura cependant au moins eu le courage de la formuler…et rien que pour cela, sa promesse est déjà une esquisse de toute la beauté du monde qu’il aspirait à nous faire partager, une promesse en laquelle il nous donne envie de croire -et c’est déjà beaucoup- et que je vous engage à découvrir, même si vous lui préfèrerez forcément la sublime, inoubliable et inégalable route de Madison.

     Sandra.M

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