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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE(2004 à 2007) - Page 10

  • La chute d’Olivier Hirschbiegel : une réalisation maladroitement périlleuse

    medium_chute.jpgTout peut-il être cinématographique ? L’innommable peut-il être montré ? Peut-être…à condition en tout cas d’avoir le talent de ses prétentions. Et alors que l’on « célèbre » les 60 ans de la libération des camps de concentration et que, parallèlement, un jeune prétendant au trône d’Angleterre se déguise en SS avec une désinvolture (une ignorance ?)inadmissible, et alors que les thèses révisionnistes trouvent des échos inquiétants chez certains (ir)responsables politiques, il est plus que jamais évident qu’un tel sujet, aussi délicat, doit être traité avec beaucoup de précaution, de modestie, d’intelligence. « La chute » ambitionne en effet de nous montrer l’agonie du 3ème Reich, les derniers jours d’Hitler et de ses partisans les plus proches, réfugiés dans son bunker. Tout cela nous est présenté sous le regard aveugle(ignorant) de la secrétaire du Fürher. Le sujet est plus que périlleux. Filmer Hitler, c’est lui donner la parole, une parole, un visage et lui donner un visage, en l’occurrence celui de Bruno Ganz c’est prendre le risque de l’humaniser, encore que cela n’aurait peut-être pas été sujet à polémique si en contrepoint avaient été montrées les monstruosités indicibles à l’origine desquelles il se trouve…mais… rien !! Pas une image ne vient contrebalancer celle de ce visage, tout juste une phrase lapidaire à la fin du film vient-elle préciser que des millions de juifs furent exterminés, comme si le réalisateur voulait s’excuser de n’avoir pas abordé le sujet et d’avoir, pendant 2H30, donné la parole à celui qui l’a déjà tant et tragiquement monopolisée. Ce qui pour tout autre film, tout autre sujet, serait un oubli sans conséquence devient ici une faute dangereuse, sorte de révisionnisme latent, même si certainement involontaire. De surcroît, on nous montre les corps allemands déchiquetés, Berlin dévastée, mais en revanche ici l’holocauste n’existe pas visuellement. On comprend que le réalisateur a voulu se concentrer sur la « chute » du régime mais fallait-il pour autant totalement éluder ce qui la précède, et ce qui est la plus grande catastrophe du 20ème siècle et dont certains ignorent encore la tragique ampleur? Tout juste le glacial assassinat des 6 enfants Goebbels par leur propre mère pour qu’ils « ne vivent pas dans un monde sans « national socialisme » nous laisse-t-il entrevoir le fanatisme qu’il suscita… Absurdes sont les critiques qui disent que ce film est bon car Hitler n’y est pas sympathique. Bien évidemment ! Bien heureusement ! Mais ici Hitler EST, ce qui est déjà bien assez, bien trop. Seulement ici il paraît plus en colère et fou que monstrueux et odieux, ce qu’il était pourtant indéniablement, probablement le réalisateur a-t-il présupposé que tout le monde le sait. Fallait-il pour autant ne pas le montrer ? Ici, Hitler pleure même. Même homme inhumain Hitler n’en était pas moins capable de pleurer semble-t-on nous dire. Etait-ce pour autant nécessaire de nous le montrer ? Ce film ne devrait-il pas être précédé d’un avertissement ? Quel est le but du réalisateur ? J’avoue avoir du mal à le cerner …mais lui-même le sait-il ? D’après ce dernier, il s’agissait de faire un documentaire sur les derniers jours du régime, un documentaire dont Hitler serait donc alors « le héros » ?!?! Et pourquoi avoir pris le parti du point de vue de cette secrétaire qui semble regarder ce dictateur sur le déclin comme un homme à l’agonie, qui ne comprendra que des décennies plus tard … alors qu’elle tapait pourtant quotidiennement le courrier du Führer. L’ignorance sans doute. Celle qui a permis qu’il soit suivi aveuglément par des millions de personnes. A l’image de la secrétaire, le réalisateur semble regarder sans voir, ne pas prendre parti…et si un sujet s’accommode mal de l’amoralisme c’est bien celui-ci…En tout cas me concernant je ne regarderai pas sans voir et à défaut de déconseiller de voir ce film, et à défaut de pouvoir déconseiller de faire un film sur un tel sujet sans avoir le talent pour je conseillerai de voir auparavant « Nuit et Brouillard » de Resnais, « Shoah » de Lanzmann, « La liste de Schindler » de Spielberg , ce qui donnera un tout autre éclairage (un éclairage même tout simplement) à cette « chute » bien frileuse et bien périlleuse pour des spectateurs non avertis. Enfin, évoquer la réalisation en devient accessoire, elle n’en est pas moins « téléfilmique » et l’alternance des images du bunker et de la désolation de la ville devenant un principe redondant et sans intérêt.

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  • Rois et Reines : le couronnement de Desplechin ?

    Dans ce film singuliermedium_arois_et_reines.jpg, Desplechin nous narre les histoires parallèles de Nora (Emmanuelle Devos) et d’Ismaël (Mathieu Amalric). Le couronnement de l’une est annoncé dès le début, en l’occurrence son mariage, et la déchéance de l’autre, ruiné et interné en hôpital psychiatrique. L’histoire de la première tourne au drame et à la tragédie (son père est condamné par un cancer et elle est seule pour y faire face) et celui du second au burlesque. Celui qui devait aller vers l’ombre va aller vers la lumière et celle qui devait aller vers la lumière va aller vers l’obscurité. C’est en avant tout cela « rois et reines », un mélange hybride de drame et de comédie avec des transitions habiles nous faisant passer insidieusement de l’un à l’autre par un montage savamment alerte. De ce point de vue, le film est une réelle réussite. Il est indéniablement maîtrisé. Et elle n’était pas facile la transition! Il nous réserve aussi quelques moments d’anthologie : scène de danse d’Ismaël, les scènes ubuesques avec son avocat incarné par Hipollyte Girardot. Ce dernier n’est d’ailleurs pas le seul dont la qualité du jeu est à souligner : Catherine Deneuve en psychiatre, ou Noémie Lvovsky ou encore Maurice Garrel. Dans cette partition impeccable les fausses notes dérangeantes proviennent d’Emmanuelle Devos, dont j’ai trouvé le jeu prodigieusement agaçant. Une profusion de thèmes est abordée : adoption, reconnaissance, deuil, transmission, quête d’identité. « Rois et reines » pourrait être une sorte de poème désenchanté tragico-burlesque. « Rois et Reines », c’est la vie mise sur un piédestal (ou peut-être à son vrai niveau ), la mythologie de l’existence : « la vie -y-est un roman ». Evidemment je ne peux que reconnaître toutes ces qualités intrinsèques et d’autres encore : multitude de références cinématographiques, littéraires, picturales, mythologiques, latines, hellénistiques auxquelles même les prénoms des personnages n’échappent pas (mais est-ce une qualité ? Ou alors au sens d'attribut...). Alors au-delà de toutes ces qualités intrinsèques, au-delà du fait que j'avoue ne pas m’être ennuyée et n’avoir pas vu réellement passer les 2H30, au-delà de l’exploit de réaliser un film si singulier avec des saynètes qui resteront probablement (mais combien de temps ?), je n’arrive pas à céder à l’unanimisme de bon ton et ne peux m’empêcher de faire entendre une voix dissonante (pas autant que celle d’Emmanuelle Devos néanmoins), mon agacement ayant prédominé, agacement devant le (sur)jeu d’Emmanuelle Devos (pourtant si nuancé dans le sublime « Sur mes lèvres » d’Audiard !. Alors oui, comme elle le dit « Aimer c’est n’avoir pas à demander »…mais « jouer c’est peut-être aussi n’avoir pas à surjouer »), devant pléthore de citations, de références qui font un peu trop didactiques et « démonstration ostentatoire de savoir » qui m’ont constamment mise à distance de l’émotion ainsi que le caractère antipathique du personnage de Nora.
    A noter :
    - la sortie du livre de Marianne Denicourt « Mauvais génie », sorte de réponse à Desplechin qui aurait pillé la vie de l’actrice pour inélégamment écrire son film. L’art ou du moins celui qui y prétend peut-il tout justifier ? Ce sera la question du jour…
    -Le film a obtenu le prix Louis Delluc.

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  • « Les temps qui changent » d’André Téchiné : de sublimes « égarés » à Tanger.

    medium_temps_qui_changent.jpgUn premier amour peut-il devenir un dernier amour ? C’est autour de cette question passionnante, de cette idée malheureusement apparemment désuète, que tournent ces « temps qui changent » et c’est aussi la réponse affirmative à cette question qui dicte les actes d’Antoine (Gérard Depardieu) qui depuis plusieurs années cherche à venir travailler et diriger un chantier à Tanger pour retrouver Cécile (Catherine Deneuve) qu’il a aimée 30 ans plus tôt. Cécile s’est pourtant remariée mais cela n’arrête pas Antoine persuadé que ce premier amour doit être son dernier amour. Le couple mythique du non moins légendaire « Dernier métro » de Truffaut se trouve ici à nouveau réuni pourtant leurs retrouvailles seront ici aux antipodes du romantisme. Ce sera dans un supermarché. Ce sera l’émotion qui submerge Antoine. Ce sera Antoine qui tellement bouleversé se cogne contre la vitre du supermarché. Ce sera le mari de Cécile (interprété par Gilbert Melki) qui vient au secours d’Antoine. Ce sera Cécile qui le découvre, là, à terre, le nez ensanglanté. Et il va se cogner à la vie, à la réalité l’idéaliste Antoine. La réalité des temps qui changent. La réalité de l’indifférence de Cécile. La réalité des corps et des situations bouleversés. La réalité de l’oubli.
    Là où d’autres auraient démontré, insisté, prenant le spectateur en otage, lui dictant ses émotions, Téchiné sait suggérer par une colère subite, une main qui se pose sur une autre, un regard fuyant. Depardieu est magistral en colosse fragile et Deneuve étonnant de fragilité endurcie. On pourra regretter que Téchiné amorce plusieurs histoires, tous ces destins qui s’entremêlent nous laissant un goût d’inachevé, mais faisant la force du film ne le réduisant ainsi pas à un clin d’œil cinéphilique. La caméra vacille constamment, hésite, cherche, bouge, change… Cécile vacillera-t-elle à son tour ? Un premier amour peut-il devenir un dernier amour ? Pour le savoir, rendez-vous dans les salles obscures pour ce voyage passionné et passionnant à Tanger que je vous recommande vivement et qui ravira forcément les inconditionnels du cinéaste (dont je suis) et qui ravira ceux qui s’agacent du cynisme ambiant. (dont je suis également).
    Un film inégal, mélancolique traversé par de fugaces instants magiques comme seul Téchiné en a le secret, comme chacun de ses films en recèle.
    Note : A voir absolument du même cinéaste « Les Egarés », « Hôtel des Amériques », « le lieu du crime » …et tous les autres.

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  • Les sœurs fâchées d’Alexandra Leclère : un premier film très prometteur.

    medium_soeurs.2.jpgPour son premier film Alexandra Leclère a choisi de nous conter l’histoire de Louise (Catherine Frot), esthéticienne au Mans, venue passer 3 jours chez sa sœur Martine (Isabelle Huppert), à Paris pour rencontrer un potentiel éditeur. C’est dans ce face à face singulier que réside tout l’intérêt de ce premier film plus que prometteur. Louise va malgré elle faire exploser l’existence glacialement routinière de Martine. Renoir aurait appelé ce film un « drame gai », tant la frontière entre drame et comédie est étanche avec pour résultat un film au rythme enlevé au cours duquel on ne s’ennuie pas une seule seconde. C’est une comédie savoureuse, savoureusement grinçante même dans laquelle comédie et noirceur, voire cruauté s’entremêlent. Le face à face entre Louise et se joie de vivre constante, sa gentillesse inaltérable, presque envahissante, et la cinglante Martine est jubilatoire. Une magnifique scène d’opéra avec leurs visages en gros plan résume merveilleusement la capacité émotive de l’une et l’indifférence, l’indolence, de l’autre. Catherine Frot interprète magnifiquement ce rôle en or, véritable personnage chaplinesque faisant penser à Villeret ou à Bourvil pour cette impression donnée au spectateur de pouvoir passer du rire à la mélancolie avec une déconcertante facilité. Les seconds rôles sont également brillamment distribués avec un François Berléand, dans un rôle inédit et Brigitte Catillon, parfaite dans le rôle de la parisienne snob et cynique. Le sujet se prêtait à la caricature, la réalisatrice-scénariste ne plonge jamais dans cet écueil. On songe à de brillantes références, notamment à Claude Sautet, cette « histoire simple »étant aussi celle « d’un cœur en hiver »capable de colères et de violence soudaines comme souvent chez les personnages de Sautet, une référence corroborée par la présence de la lancinante mélodie de Philippe Sarde, compositeur attitré de Claude Sautet. Ce film n’est néanmoins pas une copie de tel ou tel style, il possède son ton bien à lui, la singularité d’une réalisatrice qui devrait compter…
    Remarque:Alexandra Leclère a signé en 2002 un court-métrage, Bouche-à-bouche, avec Alexandra Vandernoot et Helene Foubert dans le rôle de... deux soeurs.

    Sandra.M

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  • Le deuxième film d'Olivier Marchal: un vrai travail d'orfèvre

    36 quai des Orfèvres d'Olivier Marchal


    Gardant le souvenir de « Gangsters », le premier film d’Olivier Marchal brillamment écrit et réalisé (que je recommande à tous les amateurs de film policier pour sa réalisation mais avant tout pour la prestation remarquable de Richard Anconina et un scénario palpitant), j’attendais avec impatience de pouvoir emprunter le chemin du Quai des Orfèvres et je n’ai pas été déçue. D’emblée Olivier Marchal nous plonge dans l’ambiance, les coulisses même du 36 quai des Orfèvres, un 36 Quai des Orfèvres comme on ne l’avait jamais vu parce-que dépeint de l’intérieur par quelqu’un qui sait ce dont il parle (Olivier Marchal est un ancien policier)et c’est probablement ce qui induit une des principales qualités du film qui à, l’instar de Giovanni avec l’univers des truands, nous décrit cet univers d’une manière inédite et non manichéenne et surtout crédible. Nous ne sommes pas entre les bons et les méchants, entre les policiers et les truands mais AVEC les policiers notamment grâce à une caméra qui les dissèque et les poursuit nous donnant la sensation d’appréhender leur intériorité. Olivier Marchal n’est pas pour autant indulgent à leur égard et dès les premières séquences la frontière netre « flics et voyous » nous est décrite comme particulièrement étanche. Avant d’être la peinture d’un milieu « 36 quai des Orfèvres » est celle de deux personnages : Léo Vrinks, patron de la BRI (Brigade de recherche et d'intervention), interprété par Daniel Auteuil et Denis Klein, patron de la BRB (Brigade de répression du banditisme), interprété par Gérard Depardieu. C’est l’histoire de la confrontation entre ces deux policiers, ces deux solitudes, aux méthodes diamétralement opposées , de leur face à face palpitant , de leurs doutes, leurs lâchetés, leurs ambitions, leurs compromis .Si le film d’Olivier Marchal a sa propre singularité, on ne peut néanmoins s’empêcher de songer à Melville, à Coppola (Depardieu filmé en « Parrain »), à Michael Mann… de brillantes références même si Olivier Marchal a indéniablement son propre style. Tous les ingrédients d’un polar sont réunis : un scénario ciselé, un esthétisme épuré et particulièrement adapté au propos entre noir et blanc et ombre et lumières, une musique mettant en exergue le suspense jubilatoire(une musique omniprésente regretteront peut-être certains). On peut peut-être également regretter une fin un peu trop explicative en raison de quelques plans superflues mais qui n’en reste pas moins judicieuse... 36 Quai des Orfèvres est un polar âpre et captivant, désabusé et passionnant, dans lequel on suit, le souffle coupé, les obstacles et les cas de conscience, la solitude et la rage auxquels est confronté Léo Vrinks, magistralement interprété par Daniel Auteuil… Et si ce film a autant de succès c’est certainement parce-que Olivier Marchal renouvelle et fait renaître un genre passionnant dont depuis quelques années, le cinéma américain détenait le monopole…Nous attendons avec impatience le prochain ! A noter enfin des seconds rôles dignes des polars de la grande époque au premier rang desquels Mylène Demongeot.

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  • A voir cette semaine...

    Pendant qu'il est encore à l'affiche je vous recommande plus que vivement "Le secret des poignards volants" de Zhang Yimou, vu à une heure tardive au dernier festival de Cannes et qui a réussi l'exploit de me maintenir éveillée et même captivée à une heure de projection plus que tardive après une journée intense de salles obscures (eh oui...ce n'est pas ce qu'on croit la vie de festivalier...). Un film lyrique, poétique, romantique, sublime aussi bien visuellement que du point de vue scénaristique...La quintessence du film asiatique. Courez-y!! Pour rêver éveillé...

    A voir aussi, dans un tout autre style, beaucoup plus réaliste, proche du documentaire et non moins passionnant: "Maria full of Grace" de Joshua Marston. Voir ma critique sur mon site sur le festival du film américain de Deauville :
    http://monsite.wanadoo.fr/deauvilleles30ans

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  • "La demoiselle d'honneur" de Claude Chabrol

    "La demoiselle d'honneur" de Claude Chabrol
    (Sortie le 17 novembre 2004, 1H50, Avec Benoît Magimel, Laura Smet, Aurore Clément Bernard Le Coq etc)


    Un film de Chabrol, c’est bien souvent la promesse d’un voyage dans la noirceur humaine, mais un voyage jamais ennuyeux et cette « demoiselle d’honneur » n’a pas dérogé à la règle. Ce voyage là nous emmène à nouveau dans l’univers de Ruth Rendell qui avait déjà inspiré « La Cérémonie » en 1995.
    Dès les premières minutes du film le spectateur est happé par cet univers aux frontières du fantastique, dans une ambiance diabolique qui se reflète autant dans les tenues vestimentaires que dans le jeu ambivalent des acteurs interprétant des protagonistes dont on ne parvient à dire s’ils sont diaboliques ou angéliques, une ambiance mise en exergue par des travellings avant fantomatiques ou un décor angoissant, une cave de laquelle émane une lumière rouge et à laquelle on descend comme en Enfer… Tout concourt à créer une atmosphère qui, bien qu’inquiétante, donne envie au spectateur de s’y plonger davantage encore pour découvrir les clefs de cet univers alors si proche et si lointain. Chabrol sait mieux que quiconque montrer la passion et ses ravages et filmer la petite bourgeoisie de province et ses travers, ses défauts, ses petitesses ici notamment incarnés par la lâcheté de Bernard Lecoq. Dans cet univers Senta (anagramme de Satan) n’en apparaît que plus fascinante parce-que n’obéissant à aucune règle, aucune morale si ce n’est celles qu’elle s’est dictée ou plutôt que la passion (la folie ?) lui a dictées. Alors lorsque le taciturne Philippe fait la connaissance de cette étrange demoiselle d’honneur au mariage de sa soeur, il se laisse envoûter ignorant jusqu’où cela le mènera. Entre ironie et noirceur, portrait caustique de la province et peinture de la passion, nous donnant l’impression que tout peut basculer à tout instant comme dans « La cérémonie » et nous tenant donc constamment en haleine, Chabrol a signé un film caustique et inquiétant, envoûtant, savoureux et inclassable qui vaut réellement le détour. Saluons enfin le jeu de Laura Smet ambiguë à souhait et de Benoît Magimel, comme toujours magistral.

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