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CRITIQUES DES FILMS A L'AFFICHE(2004 à 2007) - Page 7

  • "Munich", le plaidoyer pour la paix de Steven Spielberg

    Générique. Des noms de ville remplissent l’écran puis Munich apparaît en lettres rouges, en exergue. Rouge couleur sang. Celui que fit couler un commando de l’organisation palestinienne Septembre noir en prenant en otage puis tuant onze athlètes israéliens de l’équipe olympique lors des Jeux Olympiques d’été de Munich en 1972. Celui qu’un agent du Mossad et son équipe de quatre hommes, engagés par le gouvernement israélien de Golda Meir, doivent faire couler en représailles, en agissant dans la clandestinité.

     

    A travers huit pays nous suivons leur traque des représentants de Septembre noir considérés comme responsables de la prise d’otage de Munich. Le cycle de la violence est enclenché, a atteint un degré supérieur, encore qu’elle ne soit pas quantifiable. Le symbole de paix, celui des Jeux Olympiques, est devenu symbole d’horreur. Le cycle ne s’est toujours pas arrêté. Quand s’arrêtera-t-il ? Comment peut-il s’arrêter si la loi du talion continue à régir le conflit israélo-palestinien ? C’est avant tout cela ce film de Spielberg : un questionnement, les prémisses d’une réflexion. Spielberg s’est vu reprocher d’avoir signé un film anti-palestinien par les uns, anti-israélien par les autres. Bref, on lui reproche de ne pas prendre parti. Les reproches soulignent ce qu’il dénonce : l’impossibilité du dialogue, le cycle infernal de la vengeance et de la violence, la nécessité d’une réponse vindicative pour chacune des parties.

     

    L’agent du Mossad qui prend la tête de cette équipe c’est Avner interprété par Eric Bana, face à sa conscience, sa morale, ses doutes quant au bien-fondé d’une opération pour un Mossad auquel il n’appartient officiellement plus, une opération destinée à tuer des hommes pour que de plus déterminés encore prennent leur place. A ses côtés, quatre agents qui incarnent chacun un visage de cette vengeance, les atermoiements et/ou la résolution. Des personnalités particulièrement bien différenciées autant par leurs origines que par leurs apparences que ce soit les personnages interprétés par Mathieu Kassovitz ou Daniel Craig etc. La clarté règne en effet dans ce film sombre au sujet pourtant ô combien complexe ô combien sensible.

     

    La clarté d’un cinéaste au sommet de la maîtrise de son art qui nous donne là une leçon de géopolitique autant qu’une leçon de cinéma, encore qu’il ne s’agisse pas vraiment de leçon concernant l’Histoire, un questionnement plutôt, concernant le cinéma, l’histoire donc, la petite, davantage : montage parallèle contribuant à une accélération judicieuse de la tension, flash-backs intelligemment distillés, identification inéluctable du spectateur pour cet homme, mari aimant d’une femme sur le point d’accoucher puis père d’un enfant, plongé dans ce cycle infernal, personnages distinctement marqués. Une vraie leçon de scénario. La géopolitique à visage humain aussi.

     

    Spielberg n’a pourtant pas non plus cédé au sentimentalisme ni à la violence gratuite. Chaque scène est justifiée, d’un âpre réalisme parfois, mais jamais superflue. Certaines scènes, comme celle où les agents du Mossad se retrouvent dans la même cachette que des combattants palestiniens, pourrait paraître téléphonée si elle n’était au service d’un propos, si elle n’était le prétexte notamment à un face à face entre le Palestinien et l’Israélien, qui dialoguent et expriment une même légitimité, un même amour pour une terre qu’ils revendiquent comme leur, (le dialogue, même difficile, paraît alors possible mais le second devra finalement tuer le premier) ou encore comme cette scène ou l’un des agents d’Avner et le Palestinien effectuent une sorte de joute musicale en mettant chacun une musique propre à leur culture. On est au bord du conflit. Finalement l’un mettra une musique, américaine. La tension retombe. Tout est dit…

     

    Face à ces cinq agents on trouve une CIA et une France aux rôles ambivalents, une France incarnée par Mathieu Amalric et Michael Lonsdale, marchands d’armes et d’informations. Le conflit est international, le film l’est aussi, nous faisant traverser huit pays en 2H40, 2H40 que nous ne voyons pas passer, tant Spielberg sait faire persister la tension. Tension de l’Histoire et de l’histoire. Tension de cette traque insatiable et inlassable. Tension d’une conscience qui hante de plus en plus le protagoniste.

    International aussi par sa prestigieuse distribution dans laquelle de nombreux acteurs français figurent, je vous les laisse découvrir. Après Truffaut dans Rencontres du troisième type ou encore Nathalie Baye dans Arrête-moi si tu peux, Spielberg prouve une nouvelle fois son intérêt pour le cinéma hexagonal.

     

    Si ce n’est pas une « leçon » d’Histoire, c’est d’abord et aussi parce-que  Munich n’est pas un documentaire mais une fiction historique « inspirée de faits réels » comme Spielberg l’a lui-même souligné. Ce n’est pas une leçon d’Histoire parce-que ces agents n’ont officiellement jamais existé, le Mossad n’ayant jamais reconnu leur existence. Il s’agit donc de supputations néanmoins particulièrement bien documentées. Et puis le questionnement et le propos n’en restent pas moins là.

     

    Munich, plus que le nom d’une ville en forme de titre c’est toute une histoire, la ville des Jeux Olympiques, une ville meurtrie bien sûr mais la ville du nazisme aussi. Ville évocatrice de la complexité de la violence. La ville des blessures de l’Histoire. Un autre questionnement. Hier qui essaie de justifier et/ou d’expliquer et/ou cautionner aujourd’hui…selon les points de vue. Un titre et déjà tout un propos, n’en déplaisent à ceux qui railleraient la vacuité ou la pédagogie simplificatrice de ce film. Spielberg n’est pas seulement le roi du cinéma de divertissement, c’est aussi le réalisateur de La liste de Schindler, d’Amistad, La couleur pourpre qui ont su prouver que ses films n’étaient pas seulement des démonstrations de virtuosité stylistique.

     

    Le film s’achève sur une image du World Trade Center en arrière plan. Tout semble paisible mais les Twin Towers sont là pour nous rappeler que ce n’est qu’un leurre, que plus de trente ans après la violence perdure toujours. Son propos fait plus que jamais écho à l’actualité. Raccourci que certains jugeront simpliste, voire périlleux. Un questionnement, juste un questionnement…et un plaidoyer pour la paix.

     

    En s’inspirant d’un ouvrage de George Jonas de 1984, Spielberg, avec cette adaptation, a réussi la difficile alliance de l’action et de la réflexion, un film instructif, intense, passionnant, haletant et prenant comme un thriller, mais surtout un film sincère et courageux.

     

    Sincère et courageux donc. Sincère comme le film en tête du box-office français actuellement, celui d’Isabelle Mergaut, au titre certes beaucoup moins polysémique : Je vous trouve très beau. Un succès inattendu. J’en connais dont la lecture de cette comparaison hasardeuse va se faire hérisser les cheveux sur la tête. Comment oser comparer un film d’un réalisateur qui n’a plus rien à prouver et qui frôle la perfection à ce premier film maladroit, au montage aléatoire, à la réalisation téléfilmique, au scénario parfois improbable ?! Ces deux films ont pourtant a priori un point commun : la sincérité, celle d’une scénariste qui a admis n’avoir aucun talent de réalisatrice et qui (reconnaissons-lui au moins ça) a réalisé un film d’une louable naïveté dans lequel Michel Blanc, qui l’a d’ailleurs déjà prouvé notamment avec M.Hire, excelle dans le drame autant que dans la comédie. Sincérité ? Les cyniques, dont je ne suis pas, préfèreront peut-être dire qu’ils ont surtout le talent de bien savoir la feindre. C’est un autre débat.

     

    En attendant, je vous recommande vivement Munich et pourquoi pas d’aller ensuite voir Je vous trouve très beau pendant lequel vous pourrez allègrement réfléchir aux questionnements de Spielberg, et rêver d’une paix qui aujourd’hui encore demeure malheureusement utopique, ou à méditer sur cette affiche qui laisse malgré tout percevoir une lumière aveuglante derrière un homme abattu, l'espoir derrière l'obscurité du présent, derrière l'abattement et l'impuissance face à un conflit qui demeure insoluble.

     

    Sandra.M

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  • "Angel-A" de Luc Besson se brûle les ailes aux feux de la médiatisation

    Après quelques jours d’absence des salles obscures et de la blogosphère, me voilà de retour, émergeant péniblement de la perplexité dans laquelle m’a plongée le dernier film que j’ai vu. De ce film, je n’avais vu que la bande-annonce qui ressemblait à une pâle copie d’un film qui figure dans les premières places de mon panthéon cinématographique, à savoir La Fille sur le pont. Agacée, déjà. De ce film je n’avais entendu que quelques propos sibyllins de son réalisateur et de son acteur principal, aussi énigmatiques, paranoïaques et peu diserts que s’ils partageaient un ombrageux secret d’Etat. De ce film, je savais donc qui en était le réalisateur et l’acteur principal. De ce film, de son sujet, je savais par les acteur et réalisateur susnommés qu’il s’agissait « de la rencontre d’un homme (André) et une femme (Angel-A) », « d’un homme qui apprend à s’aimer ». Vaste programme. Lelouch ou Leconte. Je ne savais plus trop. De ce film je savais qu’il était auréolé d’un pseudo mystère sur son contenu, mystère désamorcé par un titre ô combien explicatif. De ce film je savais donc qu’on y méprisait la perspicacité du spectateur apparemment incapable de comprendre au bout d’une heure ce que l’affiche lui annonçait d’emblée. De ce film je savais qu’il était destiné à ce qu’on dise à Besson qu’il avait donné à Jamel son premier rôle à la Coluche dans Tchao Pantin, (quand un comique passe à la tragédie, c'est inéluctable, à moins qu'il ne soit comparé à Bourvil...) à Jamel qu’il avait une chance inouïe de tourner avec Besson.

    Faisant abstraction de mes répréhensibles préjugés, prenant mon courage à deux mains, je me suis donc aventurée dans les salles obscures pour aller à la rencontre de cet Ange(l-A, si vous y tenez) aux airs de déjà-vu. Il m’a fallu attendre une bonne heure pourtant, une heure pour m’habituer aux onomatopées ânonnées ou vociférées par Rie Rasmussen. Puis, j’ai essayé d’oublier. Que Besson réalisait surtout, qu’il réalisait son dernier film, annoncé par son créateur comme le plus abouti. J’y ai alors découvert un univers. Un univers prometteur. Les balbutiements d’un cinéaste, les premiers témoignages de sa singularité. Des références cinématographiques pléthoriques et excessives : une phrase et une scène et une esthétique empruntées à La fille sur le Pont. Film imité jamais égalé. La poésie, la magie, en moins donc. Des emprunts et références multiples aux Ailes du désir de Wenders aussi. Paris sublimée comme dans Le fabuleux destin d'Amélie Poulain encore, la virtuosité stylistique de Jeunet en moins. Erreurs de jeunesse, après tout. On s’inspire toujours de ses prédécesseurs. Un film rempli de bonnes intentions. Montrer, souligner, la beauté de la capitale. Nous dire qu’il faut s’aimer pour être libre. Un film dont le réalisateur pourrait être au cinéma ce que Marc Lévy est à la littérature. D’une naïveté parfois salutaire. Pas forcément de l’art, c’est une autre histoire…

    Ce jeune réalisateur est un peu narcissique, pendant deux heures il se fait une déclaration d’amour. Il nous parle de dualité. De noir et blanc. De grandeur et de petitesse. D’apparence trompeuse. De son apparence trompeuse. C’est normal on parle toujours de soi, surtout au début. Les dialogues titubent parfois, le scénario vacille. Il se relève, c’est le principal. C’est l’hésitation des premiers pas. Puis, après l’ultime et principal vacillement, celui mémorable du dernier plan, je me suis réveillée, je suis redescendue sur terre. Je me suis souvenue que ce n’était pas là le premier film d’un jeune cinéaste, mais le dernier revendiqué d’un réalisateur confirmé. Un réalisateur, guidé par son orgueil, et sa passion sûrement aussi, on ne peut pas lui nier, qui semble répondre et devancer les critiques, leur dire fièrement, crânement, que désormais il l’est. Libre. L’éloge de sa liberté. Finalement ce film n’était-il pas surtout destiné à ceux à qui il a empêché de le voir ?

     Je n’ai pas adoré, pas détesté, j’aurais aimé être moins nuancée, être emportée, exaltée. Probablement l’aurais-je été si j’avais simplement vu le premier film naïf et prometteur rempli d’erreurs de jeunesse et de bonnes intentions d’un cinéaste en devenir appelé Besson… et non le film fièrement auto-proclamé comme l’aboutissement d’une filmographie. Ah, au fait, ce jeune cinéaste a eu la bonne idée de donner à Jamel son rôle à la Tchao Pantin… Vraiment remarquable, en revanche.

    Et si on refaisait la publicité en disant qu’il s’agit là d’un film sur un ange d’un jeune réalisateur au nom inconnu ? Probablement l’envisagerais-je différemment…Je n’aurais pas détesté, non plus, probablement aurais-je davantage apprécié, peut-être même vous l’aurais-je recommandé, pour sa louable naïveté. Certainement même aurais-je attendu son second film avec impatience et curiosité. A trop jouer avec les Médias, Angel-A risque bien malheureusement de s’y être brûlée les ailes et de rater son envol. A vous de juger...

    (sortie : le 21 décembre, durée: 1H30)

    Sandra.M

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  • Le film de la semaine du 14 décembre recommandé par "Mon festival du cinéma": critique en avant-première!

    Pour la semaine du 14 décembre "Mon festival du cinéma" vous recommande un film dont je vous avais déjà parlé d'abord à l'occasion du festival du film romantique de Cabourg  où il était présenté en compétition officielle puis lors du festival du film américain de Deauville où il a reçu le prix Michel d'Ornano 2005, il s'agit de La petite Jérusalem de Karin Albou (sortie le 14 décembre donc). A voir absolument!

    Ci-dessous ma critique de La petite Jérusalem en avant-première, extrait de mon article sur le festival du film américain de Deauville 2005.

    Cette année le film ayant reçu le prix Michel d’Ornano habituellement projeté dans la salle du Casino, a les honneurs de la prestigieuse salle du CID. Des films aussi divers que Le bleu des villes, Les jolies choses, Filles perdues, cheveux gras, ont obtenu cette distinction destinée à récompenser le premiers scénarios français portés à l’écran. Cette année le prix est décerné à La petite Jérusalem de Karin Albou. Ayant déjà vu ce film présenté au dernier festival du film romantique de Cabourg, j’y retourne néanmoins avec plaisir. La petite Jérusalem est un quartier de Sarcelles, en banlieue parisienne où de nombreux juifs ont émigré. Laura (Fanny Valette), 18 ans, est tiraillée entre son éducation religieuse et ses études de philosophie qui la passionnent et lui offrent une autre vision du monde. Alors que sa sœur Mathilde (Elsa Zylberstein) tente de redonner vie à son couple, Laura succombe à ses premières émotions amoureuses. Karin Albou « esquive », avec la même subtilité que le film précité d'Abdellatif Kechiche , ce qui aurait pu être une caricature sur la banlieue, nous livrant un film au discours et aux questionnements identitaires et philosophiques universels. Le titre renvoie autant à la judéité qu’à la féminité, au fond les deux sources d’atermoiement du personnage principal. Est-on libre en enfreignant la loi ou en la respectant ? Loi du désir ou loi religieuse ? Loi philosophique ou Torah ? Laura oscille entre l’un et l’autre, entre ses désirs et la raison, sa liberté et la loi, le choix de sa propre loi ou l’obéissance à la loi -religieuse- pour finalement trouver le chemin de sa propre liberté. Je vous laisse découvrir l’itinéraire tortueux et passionnant, passionné aussi, qu’elle aura emprunté pour y parvenir. Karin Albou nous fait cheminer dans sa conscience fiévreuse, sans jamais juger, nous laissant parfois choisir, douter avec elle, nous renvoyant habilement et constamment à nos propres questionnements. Un film sur le doute amoureux, philosophique, religieux qui n’en laisse planer aucun quant au talent de sa réalisatrice et de son interprète principale. Les dialogues sont aussi bien écrits que les silences, admirablement filmés, plongés dans une obscurité métaphorique. Un film intense sur la liberté. Libre. Mon coup de cœur du festival…du film américain, aussi français soit-il.

    Sandra Mézière

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  • Les films de la semaine recommandés par "In the mood for cinéma": "Grizzly man" et "Forty shades of blue"

    Cette semaine, "Mon festival du cinéma" vous recommande deux films présentés au dernier festival du film américain de Deauville dont vous pouviez retrouver les critiques en avant-première sur ce site dès septembre : il s'agit de  Grizzly man  de W. Herzog et Forty shades of blue d'Ira Sachs.

    Extraits de mes commentaires du festival du film américain de Deauville 2005 sur Grizzly man et Forty shades of blue.

    Depuis 3 ans, le festival a également la bonne idée de présenter des documentaires « Les docs de l’oncle Sam ». Malgré le soleil qui incite plutôt à déambuler sur les Planches et à ne pas déroger à mon rituel kantien, en cinéphile imperturbable que je suis, je me décide donc courageusement pour  Grizzly man de W.Herzog qui retrace le portrait de Timothy Treadwell qui a vécu régulièrement au milieu des redoutables grizzlys sauvages d’Alaska par lesquels lui et sa compagne seront finalement dévorés, dénouement symbolique d’une nature impitoyable que personne ne peut maîtriser ou dompter. Tout au long du documentaire on s’interroge constamment sur les réelles motivations de Timothy : agit-il pour le plaisir de se mettre en scène ou est-il un fervent défenseur de la cause animale ?  La première thèse pourrait être renforcée par son désir premier d’être acteur mais sa fascination, son aveugle fascination même, semble particulièrement sincère. Je ne peux m’empêcher d’être fascinée moi aussi, agacée cependant également,  par cette sorte de « Matador » pacifique qui côtoie constamment le danger avec une désinvolture apparente. Une passionnante et terrifiante expérience, des étincelles de l’instant magique.

    Forty shades of blue  d'Ira Sachs est le cinquième film de la compétition et il arrive auréolé du prix du jury à Sundance. C’est avant tout le portrait de Laura, une jeune femme russe, vivant à Memphis avec son mari, Alan, célèbre producteur de musique et leur fils de 3 ans. Leur vie confortable mais teintée de solitude, est un jour troublée par l’arrivée du premier fils d’Alan, Michael, du même âge que Laura…Il est de ces films qui vous entraînent, vous charment, vous envahissent, sans que vous sachiez très bien pourquoi. « Forty shades of blue » est de ceux-là. Chaque minute du film, sa musique, son montage, ses couleurs bleutées et crépusculaires portent l’empreinte de la solitude et témoignent de l’enfermement de son héroïne. Les silences pesants, les regards qui disent, mentent, taisent, constituent un véritable dialogue que certains jugeront trop elliptique mais qui ravira les amateurs d’implicite qui préfèrent les  nuances (=shade) du bleu au manichéisme du noir et blanc.

     

    Retrouvez l'intégralité de mon compte-rendu du festival du film américain de Deauville 2005, en cliquant ici.

    Sandra Mézière

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  • Une place pour l'Enfer oppressant de Tanovic...

    Une longue file de spectateurs fébriles attend devant le cinéma MK2. L’enfer attirerait-il autant de spectateurs ? Non, ces spectateurs là prennent la direction du non moins inquiétant Poudlard. Ma file est celle d’à côté où quelques spectateurs (Distraits ? Egarés ? Persuadés d’assister à une rétrospective Chabrol, confortés dans leur certitude par la présence d’Emmanuelle Béart au casting ? D’ailleurs qu’est-ce donc que cette nouvelle mode de reprendre des titres de chefs d’œuvre, Krawczyk ayant ainsi aussi repris le titre de La vie est à nous pour son film qui sort le 7 décembre, le pauvre Renoir doit s’en retourner dans sa tombe) attendent patiemment, courageusement surtout. Je ne me décourage pas pour autant et demande ma place pour l’Enfer, le sourire aux lèvres, impatiente d’en connaître les dédales, encore marquée par le précèdent chef d’œuvre de Tanovic, No man’s land qui, avec un humour noir savoureux et intelligence, traitait du conflit bosniaque et pour lequel Tanovic avait notamment été primé du prix du scénario à Cannes en 2001 et de l’Oscar du meilleur film étranger. Après un tel succès, l’attente et la pression sont évidemment énormes pour ce second long-métrage.

    Le conflit n’est plus ici politique mais familial, Tanovic nous dressant les portraits croisés de trois sœurs traumatisées par le drame familial qu’elles ont vécu dans leur enfance, trois sœurs qui survivent chacune de leur côté, trois sœurs désemparées, passionnées, interprétées par Emmanuelle Béart, Marie Gillain et Karin Viard.

    Alors certes Tanovic use et abuse des métaphores et réflexions philosophiques qui alourdissent quelque peu le récit, mais cela n’enlève rien à l’intensité oppressante de cet enfer intime. La caméra encercle les protagonistes comme leur passé les emprisonne. Un rouge kieslowskiesque sur lequel évoluent des personnages parfois vêtus de noir teinte de nombreuses scènes leur procurant des allures d’abîmes infernaux. Mais surtout le malaise nous envahit peu à peu, saisis d’empathie et d'angoisse pour  et avec ces personnages prisonniers de leur passé étouffant et de leurs existences trop étriquées. Personnages désemparés qui aspirent à ce regard de l’autre qui leur échappe.

     L’enfer ici ce n’est pas les autres, c’est l’absence du regard des autres. Un regard nécessaire, qu'elles implorent toutes trois à leur manière. L’enfer c’est encore ici le regard inoubliable et obsédant sur cet autre qui a apparemment commis l’innommable. L'enfer c'est le passé que l'on tente d'enfouir mais qui imprègne chaque moment de leurs existences.

    Non, le véritable lynchage médiatique n’était pas mérité. Alors évidemment la différence de style avec No man’s land peut déconcerter mais il ne s’agit là que d’un second long-métrage quand bien même le premier ait été un véritable chef d’œuvre, l'indulgence est donc requise. Tanovic parvient à nous secouer, nous transporter dans les douleurs indicibles de ces 3 femmes, nous qui sommes pourtant habitués à cette frénésie visuelle sensée anesthésier nos émotions. Le malaise qui s’immisce dans la vie de ces personnages depuis leur enfance et la noircit s’empare peu à peu de nous, atteignant son paroxysme à la dernière seconde du film. Seconde violente et irréfutable qui donne toute sa force à cette plongée en enfer.

    Un Enfer qui mérite qu’on se risque à en franchir les portes…ne serait-ce que pour le plaisir inoffensif de demander une place pour l’Enfer au guichet, ce qui ne vous empêcher pas de prendre la direction de Poudlard une autre fois, moi également…

    Sandra Mézière

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  • « Backstage » d'Emmanuelle Bercot : la radiographie d’une vertigineuse dépendance

    Bien souvent, pour moi, un souvenir cinématographique est associé à un souvenir de (ma) réalité lors de mes multiples pérégrinations festivalières, d’autant plus avec Emmanuelle Bercot puisque son film Clément avait reçu le prix de la jeunesse 2001, l’année où j’allais pour la première fois au festival de Cannes sélectionnée parmi les 40 à Cannes de ce même prix de la jeunesse organisé par le Ministère de la jeunesse et des sports. Alors évidemment, je risque d’être soupçonnée de partialité en disant que ce film m’avait littéralement bouleversée, qu’il m’avait énormément marquée, notamment pour le traitement de cette histoire poignante ô combien délicate de l’amour d’un adolescent pour une femme d’âge plus mur. Une histoire intense dont chaque plan témoignait, transpirait de ferveur amoureuse. Une histoire de passion irrationnelle déjà. Je ne pouvais qu’être impatiente de découvrir Backstage, une autre histoire de passion irrationnelle, celle d’une jeune fan Lucie (Isild Le Besco) pour la chanteuse Lauren (Emmanuelle Seigner), deux univers si différents pourtant qui se rencontrent, se confrontent, lors d’une émission télévisée, où la seconde rend une visite surprise à la première. Rencontre suffocante. Emmanuelle Bercot la filme au plus près des corps, du visage tétanisé de Lucie, de la réaction glaciale de Lauren. Tout est dit déjà : Lucie qui recule saisie d’une terrifiante fascination devant cette apparition blanche, faussement virginale, Lauren qui l’enserre dans ses bras, à la fois gênée et jouant de la fascination qu’elle exerce, et puis ces caméras éblouissantes, impudiques, inévitables, miroir déformant et amplifiant. Emmanuelle Bercot assimile ici ce fanatisme fantasmagorique à une drogue, un besoin irrationnel, irraisonné, un besoin viscéral, physique même. La dépendance est d’ailleurs multiple puisque Lauren était elle-même dépendante de son ancien compagnon (interprété par l’auteur Samuel Benchetrit dont c’est ici le premier rôle au cinéma), et la fascination qu’elle exerce sur sa jeune fan n’est pas dénuée de perversité vengeresse dont elle se retrouvera bientôt victime. Encore une fois Emmanuelle Bercot montre à quel point elle sait filmer les moindres frémissements de la passion aussi irrationnelle soit-elle, en revanche l’univers musical n’échappe pas à la caricature, peut-être à dessein pour davantage analyser la relation entre la fan (aveuglée par son admiration) et l’idole (insupportable et –car- égarée par cette séparation avec son compagnon qui la vide de sa force créatrice). Dans le rôle de la fan, Isild Le Besco est encore une fois excellente dans cet aveuglement fanatique, ce vertige qui fait basculer son existence et sa raison. Dommage que la fin laisse un goût d’inachevé, probablement à l’image de la folie idolâtre de la jeune fan que rien ne pourra entraver et qui jamais ne s’achèvera non plus.A noter la présence de l’actrice/réalisatrice Noémie Lovsky, encore une fois impeccable cette fois dans un rôle d’assistante de la star intraitable.

    Sandra Mézière



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  • Le petit Lieutenant (de Xavier Beauvois)…est trop allé au cinéma

    A l’image de ce petit lieutenant (Jalil Lespert) lorsqu’il entre à la 2ème division de police judiciaire et dont Xavier Beauvois trace le portrait, c’est avec enthousiasme que je suis entrée dans la salle de cinéma. C’est donc avec la même stupeur que lui que je me suis retrouvée plongée dans cet univers âpre, filmé sans démagogie ni complaisance. Le contraste n’en était que plus saisissant. Quelques minutes à peine après le début du film, après la parade en uniforme, impeccable, rectiligne, mécanique, institutionnelle, la réalité reprend ses droits, imparfaite, chaotique car humaine et donc faillible, aussi.

    Les failles sont d’abord celles de Caroline Vaudieu, (Nathalie Baye) qui revient dans ce service qu’elle avait abandonnée trois ans auparavant, pour cause d’alcoolisme. Peu à peu des liens vont se tisser entre cette femme qui a perdu son enfant et ce jeune homme à l’enthousiasme juvénile. Xavier Beauvois aime et connaît le cinéma et cela se voit, se montre même, un peu trop. A dessein nous l’avons compris. Son petit lieutenant et ses collègues sont en effet imprégnés par le cinéma comme nous le (dé)montrent les affiches qui décorent les murs du commissariat , une affiche différente à chaque fois ou presque : le convoyeur, Seven, Il était une fois en Amérique, les 400 coups, Podium. A croire que les policiers de la PJ ont raté leur vocation d’exploitants. Derrière le petit lieutenant, on reconnaît même une photo du Clan des Siciliens. Tout cela pour insister sur ce que le Petit Lieutenant dira lui-même, c’est à cause des films qu’il a voulu faire ce métier, pour conduire avec un gyrophare et se sentir invulnérable aussi apparemment. Seulement voilà, la réalité, c’est tout sauf du cinéma aseptisé et manichéen, c’est tout sauf cet idéal magnifié par le prisme d’un grand écran qui mythifie ceux qu’ils immortalisent. La réalité (la mortalité même) ne se divise pas en deux, non, elle se dissèque comme ce corps entre les mains du médecin légiste dont un son déchirant nous fait comprendre le terrible labeur, et nous poursuivra longtemps. Le bruit déchirant de la confrontation à la réalité.

    Réalité, réalisme : leitmotiv de ce film qui semble même emprunter à Depardon l’effroyable réalité de Faits divers. Beauvois fait même tourné un vrai SDF et s’est longuement documenté avant de réaliser son film, ce qui contribue à lui donner cet aspect documentaire. Ici les (anti) héros meurent, pleurent, faillissent. Depardon beaucoup plus que 36, quai des Orfèvres donc, dont ce film est presque le contraire, dans son recours à la musique notamment, celle-ci étant aussi omniprésente, voire omnisciente dans l’un, qu’elle est absente dans l’autre. L’alcool aussi, est aussi omniscient que l’était la musique dans le film précédemment évoquée. Peut-être trop. Pour nous faire comprendre les fêlures, les failles, encore, la réalité avec laquelle il faut composer.

    Malgré cet aspect didactique quelque peu agaçant, Le petit Lieutenant n’en reste pas moins un constat, une radiographie d’une implacable lucidité dans laquelle Nathalie Baye excelle, son regard ou l’inflexion de sa voix laissant entrevoir en une fraction de seconde les brisures de son existence derrière cette force de façade. D’ailleurs, encore une fois, c’est surtout à ces fêlures que s’est intéressé Beauvois , bien loin des films policiers initiateurs de la vocation du petit Lieutenant. Ce petit Lieutenant c’est Jalil Laspert qui n’a pas fini de nous démontrer l’infinitude des nuances de ses ressources humaines depuis le film éponyme. Bref, un film d’une poignante âpreté, parfois un peu trop didactique, un didactisme que la composition incroyable de ses interprètes principaux (N.Baye, J.Lespert mais également R.Zem) nous fait finalement occulter.

    Sandra Mézière

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